Villes et interfaces portuaires Vers un sy st è m e u r b a n o p o rtu a ire p lu s c o llab o ra nt à Ba rc e lo n e
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val de Seine - Mémoire de master 2ème année Directeur de mémoire: Nabil Beyhum - Etudiante Lucile Ado
SOMMAIRE
1.
INTRODUCTION :
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1.1. Urbanité des villes portuaires :
4
1.2. Echelle globale du port de commerce versus échelle locale d’un territoire urbain.
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1.3. Villes et interfaces portuaires :
5
1.4. Enjeux : 1.4.1. Le contexte géopolitique mondial : 1.4.2. Le contexte économique : 1.4.3. L’incidence géographique des ports sur une région : 1.4.4. Les incidences sociales des systèmes urbano-portuaires :
6 6 7 7 7
1.5. Champs d’étude du mémoire :
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1.6. Problématiques :
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1.7. Plan de l’étude :
8
2. TYPOLOGIES ET STRUCTURES DYNAMIQUES DES VILLES PORTUAIRES EN EUROPE. 10 2.1. Quatre grandes typologies d’organisation des villes portuaires 2.1.1. Les ports baies 2.1.2. Les ports en dispersion 2.1.3. Les ports artificiels 2.1.4. Les ports en docks : 2.1.5. Typologies et interfaces villes port : 2.1.6. Structures spatiales : 2.1.7. Effets de taille : 2.1.8. Effets territoriaux 2.1.9. Effets de rangées 2.1.10. Structures dynamiques et stratégiques 2.1.11. Potentiel de développements des villes portuaires:
3.
10 11 11 12 12 13 14 15 16 17 18 20
BARCELONE, COMMENT LE PORT PARTICIPE A L’IMAGE DE LA VILLE ? 24
3.1. Formation initiale du port de Barcelone : 3.1.1. Patrimoine médiéval : 3.1.2. Premier port artificiel d’Europe : 3.1.3. Le problème de la profondeur : 3.1.4. La quête de l’autonomie :
24 24 26 27 28
3.2. Les grands travaux de revalorisation du littoral pour les jeux olympiques d’été de 1992 : 29 3.2.1. Modernisation des infrastructures : 29
2
3.2.2. Rénovation urbaine : 3.2.3. La perte du statut de port autonome :
30 31
3.3. Désormais, un port avec un grand potentiel de développement. 3.3.1. Interconnections modales et trafic de marchandises : 3.3.2. Rayonnement européen 3.3.3. Gouvernance et image
31 32 34 35
3.4. Barcelone : une dynamique friande d’innovations.
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4. LE CABOTAGE MARITIME: COMMENT L’ADOPTION D’UN NOUVEAU MOYEN DE TRANSPORT PEUT IL INFLUER SUR LES INTERFACES VILLE PORT ?
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4.1. Qu’est ce que le cabotage maritime? 4.1.1. Un mode de transport alternatif au transport routier 4.1.2. Cadre législatif
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4.2. Vers une mobilité durable : enjeu majeur en faveur du développement du cabotage maritime
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4.3. Barcelone : A l’initiative des lignes méditerranéennes de cabotage maritime. 4.3.1. Première ligne intra méditerranéenne : Barcelone – Gênes 4.3.2. Une école axée autour du transport maritime de courte distance. 4.3.3. Enjeux des lignes de cabotage intra méditerranéennes pour la ville de Barcelone :
40 40 41 42
4.4. Comment la nature des installations du port pour ces services implique des liens différents avec la ville ? 42
5.
CONCLUSION :
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5.1. Les réseaux comme structure primaire d’un développement collaboratif des villes portuaires 44 5.2. Vers un développement urbain fait d’interconnexions et de pôles multifonctionnels
45
5.3. Vers des stratégies d’occupation des sols plutôt que des plans de masse.
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5.4. Vers des fonctions urbaines nouvelles.
47
6.
49
BIBLIOGRAPHIE
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1. Introduction :
1.1. Urbanité des villes portuaires : S’il y a une définition à retenir de l’urbanisme pour aborder ce travail de réflexion sur certaine formations urbaines, le choix de cette définition est sans doute celle de Bernardo Secchi: « L’urbanisme, peut être plus que d’autres disciplines, entre étude du passé et imagination du futur, entre dimensions technique et artistique, demande une grande liberté, une rigueur intellectuelle et morale.»1 . Ce travail de mémoire s’intéresse donc a l’urbanité et aspire à faire honneur aux conseils de Bernardo Secchi dans sa définition. Etudier la ville c’est étudier un objet qui ne se définit pas uniquement par ses dimensions spatiales. Le temps est une donnée éminemment importante à la compréhension d’une ville dans la mesure ou l’on l’entend comme un objet variant composé de traces et de signes en recomposition constante. Bien plus qu’un espace géographique, la ville est à la fois symptôme et syndrome avant coureur des sociétés, des phénomènes économiques, des cultures propres à chaque région, d’un imaginaire collectif… L’urbanité peut être définit comme l’ensemble de ces composantes dynamiques qui sont intrinsèquement liées à la ville. Ainsi, afin de considérer au mieux que l’urbanité d’une ville ne se mesure pas seulement dans l’espace; que le temps est une donne éminemment importante ; ce travail s’attache à étudier les villes portuaires qui semblent à cet égard être des objets d’étude intéressants. En effet, la géographie leurs confèrent des morphologies particulières tandis que l’histoire rythme leurs mutations fonctionnelles successives au gré du commerce international et de la géopolitique. Les grands projets d’urbanisme concernant des territoires portuaires, qu’ils relèvent d’une création ex nihilo ou d’une reconversion, portent généralement des parti-pris urbains forts et sont présentées comme des opérations phares traduisant un engagement de la ville sur le long terme. Les plus grandes opérations menées sur des territoires portuaires sont même nommées, East Float, Euro méditerranée, ou encore Queens Wharf... comme une marque commerciale de la puissance économique et du rayonnement hors frontière de ces villes portuaires. Au sein
1 Secchi
Bernardo (2000), prima lezione di urbanistica, Gius Laterza & Figli
4
des systèmes urbano-portuaires, la ville semble fortement marquer par l’évolution de son port mais les liens entre les deux entités semblent à priori difficiles à définir. 1.2. Echelle globale du port de commerce versus échelle locale d’un territoire urbain. Au sein de notre économie mondialisée ou les flux financiers sont impalpables, les ports de commerces sont les lieux où se matérialise dans leur forme la plus concrète, l’importance des échanges marchands. Désormais, la progression moyennes de ces échanges de marchandises est d’après le CAIRN
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d’environ 8% par an dont les trois quarts relèvent du transport
maritime soit plus de 25 000 milliards de tonnes de marchandises qui circulent par les mers et les océans chaque année. Les villes portuaires, apparaissent ainsi comme des lieux où se rencontrent, s’articulent et s’affrontent les logiques de fonctionnement de l’échelle locale d’un territoire et de celle globale de l’économie. D’un coté les ports se caractérisent par une ouverture maximale vers l’extérieur et le monde. De l’autre, la ville profondément ancrée dans des considérations territoriales, dans une culture et une spatialité définit. Tout l’intérêt de cette étude réside dans l’opposition entre ces deux entités, néanmoins il est essentiel de comprendre les schémas de fonctionnement d’un port et de la ville pour appréhender leurs interactions. 1.3. Villes et interfaces portuaires : Les villes européennes ont subit deux phénomènes qu’il est important de questionner pour l’avenir : l’étalement urbain qui rend les limites physiques de la ville flou et qui est très vorace en énergie. Ainsi que la sectorisation des fonctions et des usages du sol qui amène des ruptures franches et récurrentes dans le tissu urbain. Alors que le volume des échanges par voies maritimes est inévitablement amené à croitre encore. Les infrastructures des ports de commerces européens se trouvent aujourd’hui toutes inévitablement rejetées sur des terrains de plus en plus éloignés des centres ville. L’organisation des ports de commerce est d’autan plus découpée en zones que les fonctions portuaires se spécialisent et les interfaces entre la ville et le port sont désormais souvent réduites à un grillage entre deux territoires.
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CAIRN.info : Né de la volonté de quatre maisons d’éditions de diffuser des revus de sciences humaines et sociales, le CAIRN développe des versions électroniques de publications scientifiques dans ce domaine.
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L’activité marchande qui était à l’origine de la formation des villes portuaires est désormais souvent réduite dans l’imaginaire collectif, au caractère nuisible du rôle infrastructurel du port de commerce. De plus, au sein du système économique globalisé dans lequel nous évolueront actuellement, la position géostratégique d’un port est un atout plus grand que le contexte local dans lequel il s’inscrit. Les flux marchands n’ont pas de lien direct avec l’emploi ou la richesse des régions par lesquels ils transitent. Ainsi, depuis les années 80, les villes portuaires subissent des crises urbaines assez semblables les unes aux autres liées à cette dévaluation des activités portuaires par la ville. Rachel Rodrigez malta décrit les enjeux en faveur d’une prospective sur cet état de fait en introduction au travail de synthèse « ville portuaires horizon 2020 » : « Le rapport entre port et ville s’avère des plus complexes et suppose que soient mises en tension les logiques économiques, sociales, spatiales et temporelles des deux entités. De ce point de vue, l’enjeu de la « régénération » des villes ne consiste pas seulement à capter des « boîtes » et des navires, mais à transformer ces passages en revenus, en emplois et en richesses pour la ville. Aujourd’hui, la conjoncture mondiale offre l’occasion de formuler d’ambitieux projets pour effacer les vides laissés par la disparition de l’industrie lourde et des activités traditionnelles. » 3
1.4. Enjeux : Les enjeux en faveurs d’une étude des villes portuaires trouvent écho dans de nombreux autres domaines nécessaires à la compréhension des systèmes d’organisation d’une ville. 1.4.1. Le contexte géopolitique mondial : Le début du XXIème siècle est marqué par certains bouleversements majeurs pour nos sociétés occidentales. La crise financière, la monté en puissance des pays asiatiques et sud américains, ou encore la question de plus en plus pressante de la gestion de l’énergie; sont autant de raisons de questionner les principes de développement que nous connaissions jusqu’à présent. Bien plus que de gérer une situation de crise, il s’agit là d’une réelle opportunité pour amorcer l’entrée des sociétés contemporaines dans une nouvelle aire de développement. 3 Rodrigez
Malta Rachelle, Ville portuaire horizon 2020, (2000) revue Méditerranée n°111.
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1.4.2. Le contexte économique : Les villes portuaires ont dans leurs caractéristiques intrinsèques deux enjeux intéressants pour le développement économique des villes. Au sein d’une économie mondialisée, elles sont des lieux pivot entre l’échelle globale des systèmes qui régissent l’économie à grande échelle et les phénomènes d’ordre régionaux. D’un second point de vue le développement économique ne peut plus se faire sans reconsidérer
la gestion de l’énergie. Aujourd’hui, nous
consommons chaque année 1,6 fois l’énergie fossile produite par la planète en un an. Le 18 novembre 2010, l’extraction des énergies fossiles a atteint son pic maximal.4
Les énergies renouvelables ont un caractère plus diffus et plus local que les énergies fossiles qui implique une refonte complète de notre manière de consommer. Le caractère infrastructurel des ports de commerce et leurs importances dans les transports, les placent au centre de cette transformation idéologique sur la gestion des flux et la mobilité. 1.4.3. L’incidence géographique des ports sur une région : Désormais les ports de commerces fonctionnent de manière quasi indépendante de la région dans laquelle ils se situent. Ainsi l’on trouve désormais des ports qui comptent parmi les plus importants de méditerranée dans des zones à très faibles activités économiques et inversement. Une meilleure accessibilité des activités régionales et urbaines dans les ports de commerce pourrait avoir des incidences directes et rapides sur les aires métropolitaines proches des ports. 1.4.4. Les incidences sociales des systèmes urbano-portuaires : Le caractère portuaire d’une ville est désormais à redéfinir Les dimensions même de la ville et du port sont en complète opposition. No man’s land d’installations gigantesques, le port est aujourd’hui traiter comme un négatif de la ville. Les premières formes de reconversion de friches portuaires mettent l’accent sur la création d’hypercentres urbains en tournant 4 Source
: International energy agency, 2010
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définitivement le dos au port de commerce. Désormais, l’enjeu pour ces villes est de se réconcilier avec leur caractère portuaire, d’améliorer les interfaces et de tirer avantage du rayonnement mondial des ports.
1.5. Champs d’étude du mémoire : Ce travail de mémoire s’attache à étudier l’urbanité des villes portuaires afin de comprendre comment s’articulent aujourd’hui deux structures aux échelles différentes et comment pourrait évoluer leur interface? Le caractère multi échelles des systèmes urbains et portuaires implique que cette étude soit menée à différents niveaux de définition. Pour ce faire, le champs d’étude sera tout d’abord à l’échelle européenne afin de définir dans quel cadre se place actuellement le travail sur les villes portuaires. Ensuite, il sera question du fonctionnement d’un système urbano-portuaire particulier celui de Barcelone. Et enfin, nous nous intéresserons à un mode de transport particulièrement récent pour voir comment celui ci pourrait influer sur les interfaces entre ville et port à Barcelone.
1.6. Problématiques : Les problématiques qui motivent ce travail de mémoire sont les suivantes : Au delà de la reconquête par les villes de territoires portuaires en friche, est il possible d’envisager la coexistence d’infrastructures portuaires et de formes urbaines ? Quels seraient les enjeux d’un tel rapprochement pour les villes portuaires de demain ? Comment réintégrer le caractère portuaire dans l’urbanité d’une ville? Et plus particulièrement : L’évolution récente de certains modes de transport maritime peut elle avoir une incidence sur les interactions entre ville et port ?
1.7. Plan de l’étude : Dans la considération multiniveaux des villes portuaires, les trois parties de ce travail s’intéressent à des échelles différentes : il s’agira dans un premier temps d’étudier quelles sont actuellement les caractéristique spatiales des villes portuaires européennes et de leurs dynamiques de développement ? Dans un second temps l’étude portera sur la ville de
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Barcelone. Un cas particulièrement significatif des congestions physiques existantes entre la ville et le port. Il sera question d’étudier la formation de cette ville portuaire son fonctionnement contemporain et les perspectives d’avenir en faveur d’un rapprochement des structures urbaines et portuaire. La dernière partie sera dédiée à l’étude d’un aspect précis et récent du transport maritime : Le cabotage, dans le but de répondre à la question : Comment l’adoption d’un moyen particulier de transport peut influer sur les interactions entre la ville et le port dans l’exemple de Barcelone?
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2. Typologies et structures dynamiques des villes portuaires en Europe.
En 2004, une étude comparative des villes portuaires d’Europe est réalisée par le CNRS, pour l’institut de recherche en stratégie territoriale5. Cette étude compare 75 villes portuaires à partir d’indicateurs spécifiques relatifs aux performances économiques, au rayonnement européen ainsi qu’à la gouvernance et l’image des villes portuaires à l’étude. Ces indicateurs mesurent plusieurs aspects importants : La performance des trafics portuaires. L’accessibilité, l’attractivité et les degrés de spécialisation des villes portuaires. Les dynamiques territoriales de gouvernance. Ainsi que le rayonnement européen des cités portuaires. L’objectif de cette étude très détaillée est de donner des bases solides pour comprendre les interactions qui existent entre ville et port. Au delà des particularités de chaque ville portuaire étudiée, ce qu’il est intéressant de retenir réside en la synthèse des recoupements d’informations dégagées par cette étude. Dans cette partie, il s’agira de comprendre pourquoi est il intéressant d’étudier l’urbanité des villes portuaires aujourd’hui. Afin de situer cette étude dans le contexte européen actuel, nous étudierons les différentes typologies d’organisations des villes portuaires européennes puis certaines structures spatiales et dynamiques propres à ces villes particulières.
2.1. Quatre grandes typologies d’organisation des villes portuaires Chaque site portuaire possède des spécificités qui conditionnent son évolution. Il est possible de faire une première distinction entre les ports à dominante linéaire ou les infrastructures se déroulent tel un ruban depuis les centres ville le long des côtes commeque Marseille, Nantes ou Barcelone; et les ports compacts et complexe tel que Londres, Hambourg ou Stockholm. Il est évident que les conditions géographiques des sites dans lesquels les ports se trouvent, déterminent leurs organisations spatiales. Afin de comprendre plus en détail comment les ports s’organisent dans leurs territoires et en liaison avec la ville il semble nécessaire de dégager des typologies d’organisation qui correspondent à des situations géographiques et urbaines. 5 Coordoné
par Rozenbalt Céline, Les villes portuaires en Europe analyse comparative, (2004), GDR libergeo 1559 du CNRS pour l’IRSIT
10
Morphologie des territoires portuaires, source : CNRS, 2004.
2.1.1. Les ports baies La plupart des villes portuaires du pourtour méditerranéen ambrassent la courbe naturelle d’une baie. Il en résulte des panoramas denses ou fronts d’eau, villes et montagnes tiennent en un même cadre. Jusqu’en 1930, les dictionnaires français définissent le port comme enfoncement de la mer dans les terres ce qui correspond à cette typologie. Par exemple Le port de Gênes est un port en baie caractéristique. Même si ce port à subit de nombreuses phases d’extension, il n’en reste pas moins que la proximité de la vielle ville et du port se maintiennent. 2.1.2. Les ports en dispersion A l’inverse, les ports dits de types dispersifs sont définis pour les villes portuaires à l’image des quartiers portuaires de la péninsule de Stockholm ; éclatés sur des rives différentes. Ces
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ports à la géographie complexe sont extrêmement fragmentaires. Il en résulte souvent un développement inégal d’une rive à l’autre. 2.1.3. Les ports artificiels En Asie, tout comme en Europe du nord les ports sont principalement de forme complexe et dense. Ils sont caractéristiques d’une autre typologie : Les ports artificiels. Dans ce type les remblais gagnés sur l’eau et les îles artificielles sont crées pour accueillir les infrastructures portuaires.
Ce cas de figure est fréquent quand la situation
physique ou le site est
défavorable au développement du port. Risque de séismes, d’inondations ou encore les reliefs importants sont autant de raison qui favorise cette typologie. 2.1.4. Les ports en docks : Les ports fluviaux du nord de l’Europe s’organisent autours de docks, grands bassins artificiels creusés parallèlement au fleuve. Ces bassins sont conçus pour recevoir les bateaux de transport et permettre la manutention des cargaisons en dehors du plan d’eau étroit du fleuve. Souvent, les deux berges du fleuve sont inégalement développées. Dans les projets, il sera alors question de les rééquilibrer ou du moins les relier.
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Tableau de comparaison des différentes typologies d’organisation des ports européens.
2.1.5. Typologies et interfaces villes port : Ces grands types ne sont évidemment pas exclusifs les uns des autres, de nombreuses villes portuaires se sont développés suivant plusieurs schémas d’organisation au cours de leur histoire. Ce qu’il est intéressant de remarquer ici c’est le rapport du port à la géographie du site et à la ville. Les cas de figures ou les ports se présentent sous une forme compacte et continus tel que les typologies en baie et en docks, les problèmes de congestions entres les infrastructures portuaires et la ville sont beaucoup plus immédiat. Ce qui explique que des villes tel que Gênes et Londres aient déjà eut à mener de grandes opérations de reconversions de terrains portuaires. Les typologies de types dispersives et des ports artificiels sont plutôt de forme discontinue et peuvent s’étaler beaucoup plus dans l’espace et le temps. A cet effet, Le projet Layer city de
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Peter Cook et l’équipe Archigram présente un point de vue polémique toujours d’actualité quand au développement urbain de la ville de Stockholm. Au delà de l’utopie formelle du projet, Peter Cook traduit un des principes fondamentaux du mouvement métaboliste à savoir de créer des projets qui peuvent s’étendre sur une large échelle par des principes itératifs qui répondent à des règles du jeu plutôt qu’à l’ordonnancement complet d’un territoire. En cela cette proposition d’Archigram reprend le principe d’organisation fragmentaire de la ville portuaire de Stockholm.
Plan et élévation, Layer city, Peter Cook et Archigram, 1982
2.1.6. Structures spatiales : Au delà des différentes typologies, l’organisation spatiale des villes portuaires peut être appréhendée à partir des liens qu’il existe entre les différents indicateurs mesurés par l’étude du CNRS sur les villes portuaires européennes. Trois effets majeurs semblent s’en dégager : Les effets de taille relatifs à l’importance de la ville ou du port et leurs positions géostratégiques. Les effets territoriaux qui concernent les structures institutionnelles et politiques dans lesquels sont inscrits les villes portuaires étudiées. Et enfin, les effets de rangées qui sont dues aux proximités des structures les unes par rapport aux autres.
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2.1.7. Effets de taille : La taille d’un port est fonction de l’importance du trafic de marchandises et de sa position géographique au sein du système global des ports marchands. L’importance des infrastructures d’une région influe aussi sur les dimensions d’un port. A contrario, les flux économiques qui transitent par une région urbaine n’ont pas d’incidence directe sur la taille d’une ville. En ce qui concerne l’urbain, c’est plutôt l’accessibilité d’une région aux richesses et aux populations qui engendre une croissance urbaine. Néanmoins, le rôle des entreprises et de ces « potentiels » 6 d’accessibilité sont liés aux effets de taille des ports de commerce et des villes, ainsi ils créent un lien intéressant entre la ville et le port. Ce système d’interaction entre trafic, ports, entreprises, potentiels et villes contribue à la densification régionale de manière significative et à l’implication des structures les unes par rapport aux autres. Cette observation est particulièrement intéressante dans la mesure où elle place l’activité et les entreprises au centre du développement des aires métropolitaines et des ports de commerce dans la même mesure. Dès lors, nous pouvons considérer l’activité des entreprises comme un bras de levier possible en faveur d’une meilleure intégration des systèmes urbains et portuaires.
6 Potentiel
: dans l’étude du CNRS pour l’IRSIT, les potentiels sont définit comme des indicateurs d’accessibilité des ports à la population et aux richesses d’une région.
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Attractivité des villes portuaires, source CNRS, 2004
2.1.8. Effets territoriaux Les effets territoriaux découlent des structures nationales institutionnelles et des politiques territoriales spécifiques. Ils n’influencent ni directement ni indirectement les performances portuaires. L’activité des ports de commerce est bien plus régulée par les règles et les effets du commerce international que par les effets territoriaux. Les statuts des ports européens et leurs gestions relèvent soit de sociétés autonomes sous contrôle de la région ou l’état dans lequel ils se situent. Ces sociétés ont une autonomie de gestion financière et dans certains cas tels que les ports italiens, elles ont également en charge la planification et l’aménagement de leurs territoires. Dans d’autres cas, il est question d’autorités portuaires dont la gestion est centralisée au niveau de l’état. Les performances
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portuaires sont de plus en plus le fait d’acteurs privés qui négocient localement et au cas par cas l’implantation de nouveaux terminaux, leurs gestion et des projets d’extensions ou de reconversion de certains terrains. A l’inverse, les systèmes urbains sont profondément dépendants des structures institutionnelles nationales, régionales, et de leurs politiques. Ainsi il existe donc bien des effets de politique nationale sur la répartition spatiale des différentes fonctions urbaines et du développement social et économique d’une aire métropolitaine. Une fois de plus c’est par l’interaction des entreprises dont l’activité est liée au commerce portuaire qu’un lien existe institutionnellement entre les deux structures.
2.1.9. Effets de rangées Les effets de rangées outrepassent les pays. Ils apparaissent très clairement comme essentiels pour l’activité des ports et le développement urbain. Ce sont les effets territoriaux déjà vus précédemment, auxquels s’ajoute la culture régionale commune, l’imaginaire collectif et l’effet de mimétisme entre voisins. Ce point met en valeur le caractère fondamentalement réticulaire des systèmes urbains et portuaires.
Potentiel économique par rangée.
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Potentiel de population par rangée.
2.1.10. Structures dynamiques et stratégiques La situation géographique, la typologie d’organisation et le rayonnement européen de la ville portuaire sont les trois facteurs principaux qui jouent en faveur d’opérations de reconversion de territoires portuaires. L’aire post industrielle qu’a connue l’Europe, a provoqué une augmentation forte de la valeur foncière des centres urbains. L’évolution du transport maritime a également nécessité des infrastructures et des équipements toujours plus grands qui n’avaient plus sens sur les terrains historiques. En ce qui concerne les plans stratégiques de développement établis par les villes d’une part et par les ports d’autre part, il n’y a pas de résultats significatifs dans l’étude du CNRS qui permettraient de déterminer des grandes lignes stratégiques pour les villes et des ports. Cependant, cette absence de relation évidente et rationnelle peut être interprétée. En effet, il est possible de présupposer que certaines fonctions urbaines déterminent leur volonté à engager des opérations de reconversion portuaire. D’autre part, nous pouvons observer que les villes aux économies diversifiées ou ancrées dans l’industrie sont bien plus nombreuses à avoir entamé des opérations de reconversion sur leurs sites portuaires.
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Opérations de reconversions portuaires et urbanisme, source CNRS, 2004,
Seules les entreprises liées à l’activité portuaire ont répondu simultanément à des indicateurs relatifs aux structures dynamiques de la ville et du port. Ceci constitue une donnée essentielle dans la mesure où cela montre que l’on ne peut pas se contenter de travailler sur les indicateurs de développement portuaires d’une part, et urbain d’autre part, pour fonder des scénarios de développement rationnels et déontologiquement corrects. De plus, cela montre le rôle essentiel des activités et des entreprises dans l’interface urbano-portuaire.
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Entreprises liées aux ports et indicateurs urbano-portuaires
2.1.11. Potentiel de développement des villes portuaires: Les effets de taille, de position stratégique et d’accessibilité aux populations et aux richesses sont très importants pour comprendre comment fonctionnent les systèmes urbano-portuaires européens. Dans l’étude du CNRS, les échelles des villes portuaires considérées sont délibérément variées afin de montrer l’organisation multiniveaux de l’interface entre ville et port. Cet aspect semble primordial pour l’étude des villes portuaires. Même s’il semble qu’il soit difficile d’établir des liens directs entre les indicateurs urbains et portuaires ; c’est bien l’urbanité, la proximité géographique et les réseaux qui interviennent
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comme médiateur de leur mise en relation. Les entreprises dont les activités sont liées aux activités portuaires s’avèrent être au centre du développement urbano-portuaire car elles s’appuient à la fois sur les qualités portuaires et urbaines d’un lieu. De plus, les effets de rangées soulignent le caractère connecte, continu et en réseau des fonctionnements de ces deux structures. Ainsi, les fonctionnements réticulaires, les entreprises et les potentiels accessibles apparaissent être d’une grande importance dans les dynamiques de développement des villes portuaires. Dès lors, ces entités peuvent être considérées comme des pivots de l’interface entre ville et port de commerce.
Effets des potentiels sur les trafics, source CNRS, 2004
L’étude du CNRS sur les villes portuaires européennes met en avant le grand intérêt qu’il pourrait y avoir si les stratégies développement des acteurs locaux et celles des ports étaient menées de manière plus coordonnée. En effet, il serait par exemple intéressant que les stratégies de développement des ports tiennent davantage compte des effets de structures territoriales. Désormais, les administrations portuaires et les institutions territoriales intègrent déjà en partie la possibilité de mobiliser des outils institutionnels de décision et d’action spécifiques, mais elles devraient également tenir
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compte des structures de développement social. Cette étude démontre un lien fort entre les taux de chômage et les activités de la ville et des ports. Pour la plupart des villes portuaires européennes, l’écart entre le taux de chômage de la région portuaire et le taux national est négatif. Même si la plupart des marchandises ne font que transiter dans ces régions, l’activité portuaire semble favoriser l’emploi.
Ecart entre le taux de chômage de la région urbano-portuaire et le taux national.
L’aménagement des territoires portuaires est d’une forme très différente de l’aménagement urbain. Les villes se dessinent la plupart du temps sous forme de plan de masse, de prospect et de réglementations strictes qui vont jusqu’à ordonnancer la végétation comme partie d’une composition. Bernardo Secchi décrit cette manière de produire de la ville : « L’urbaniste a
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souvent aimé se représenter dans une dimension mythique, comme une sorte de saint Georges terrassant le dragon, symbole de tout ce qui s’oppose au sauvetage de la ville, »7 . Les ports se divisent en zones avec des fonction différentes dont l’organisation découle de logiques fonctionnelles de manutention des marchandises dans la profondeur du quai. Il s’agit de stratégies d’occupation du sol plutôt que de plans d’occupation des sols. Cette façon d’envisager l’aménagement peut être également appliquée à la ville. C’est ce qui a été fait en partie pour le projet de « Hafencity » à Hambourg où dans une partie du projet la notion de parcellaire devient des bandes dans lesquelles peuvent venir s’implanter des constructions dont les volumétries sont ainsi évolutives.
Projet de reconversion portuaire, Hafencity, Hambourg.
7 Secchi
Bernardo, Prima lezione di urbanistica, (2000), Gius Laterza & fils, p18
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3. Barcelone, comment le port participe à l’image de la ville ?
Afin de comprendre, l’héritage que constitue le port de Barcelone pour la ville et l’image qu’il véhicule, il s’agira dans cette partie d’étudier la formation historique de Barcelone et de son port, en s’attardant sur les grands travaux de réaménagement urbain engagés pour les jeux olympiques d’été de 1992. Ensuite, à travers une étude de la dynamique actuelle de développement du port et celle de la ville, il s’agira d’évaluer ou sont les bras de levier possibles en faveur d’un développement plus collaborant des deux structures. La question du temps est prise en compte dans ce travail comme une base pour la compréhension des systèmes urbano-portuaires étudiés. C’est pourquoi cette partie sur la ville de Barcelone s’intéressera plutôt aux structures dynamiques de la ville et de la zone portuaire qu’à leurs spatialités propres. Ainsi, dans cette logique, le dernier paragraphe tentera davantage de tirer parti de l’imaginaire collectif, des traces du passé et des observations actuelles pour envisager les scénarios possibles de développement.
3.1. Formation initiale du port de Barcelone : En 1903, une plaque a été retrouvée sur la colline de Montjuic près de l’actuel cimetière. Elle est le témoin de l’ordre de Caius Coelius pour édifier une enceinte portuaire de l’empire romain en l’an 265. A l’origine, un port est construit au pied de cette colline dans le delta du Llobregat. Dès lors, l’activité maritime et commerciale est au centre du développement de la vie à cet endroit. Barcelone possède des caractéristiques physiques propres aux villes fondées par les romains. Entre les plis du relief des collines, un long trait de côte, et au carrefour de routes maritimes qui ne sont encore que des rêves de grands conquérants, c’est un endroit idéal pour une place défensive et dès lors l’activité maritime est au centre de son développement. 3.1.1. Patrimoine médiéval : La Catalogne nait au Moyen Age lors de la marche d’Espagne, durant laquelle de nombreuses régions se sont détachées du royaume de France. Son fondateur serait Guifred le Velu,
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nommé comte de Barcelone en 878 par concile de Troyes. C’est autour de ce comté et en rejetant la suzeraineté des rois de France que serait née cette nation. En 1137, de l’union du comte de Barcelone et de l’héritière du royaume d’Aragon naît la couronne d’Aragon qui regroupa les deux régions. Le système de gouvernance est très original pour l’époque dans la mesure ou il est très décentralisé pour répondre aux différences importantes entre les deux régions aussi bien au niveau politique, économique que linguistique. A cette époque, Barcelone devient la capitale maritime du royaume d’Aragon. Ainsi la ville accueille le projet d’un arsenal royal, « les Drassanes ». Tout d’abord, cet Arsenal devait prendre place au niveau du port ancien, mais les alluvions et l’ensablement dû au delta du Llobregat rendent cette zone de moins en moins praticable pour la calaison des navires. Le projet de l’Arsenal royal est finalement installé de l’autre côté de la colline, au pied des actuelles Ramblas. Désormais, les édifices civils gothiques qui restent de ces Drassanes font partis des rares chantiers navals médiévaux conservés en Europe. Ce patrimoine abrite désormais le musée de la marine de Barcelone et a été inscrit au registre des monuments historiques du gouvernement de la Catalogne en 1937 et monument historique espagnol en 1976.
L’ arsenal royal : témoin du passé de l’activité marchande du port de Barcelone.
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3.1.2. Premier port artificiel d’Europe : De nombreux naufrages sont dûs au manque de protection du port. C’est pourquoi, il fut décidé de construire un port artificiel plus sûr pour favoriser le commerce maritime et permettre au port de se développer. Le 20 septembre 1477, sous le règne de Joan II, la première pierre d’un quai de 103 m de long est posée. Ce quai a permis de relier la côte à l’île de sable de Maians. Il est à l’origine de la création du port tel que nous pouvons l’observer aujourd’hui. La construction de ce port artificiel marque l’apogée de la Catalogne. Au XVème siècle, c’est une puissance maritime notable de la méditerranée dont l’influence s’étend sur les pays valenciens au sud de l’Espagne, le royaume de Naples, la Sicile, la Sardaigne et la Corse. De nos jours, l’usage de la langue catalane persiste dans la région de Valence, dans les iles Baléares et dans la région de l’Alguer en Sardaigne. Ensuite, la digue de l’est fut construite depuis l’île de Maians vers le sud, c’est cette construction qui stabilisa réellement le port. Parallèlement, le sable transporté par la mer s’est accumulé en grande quantité sur la plage à l’est des travaux. Le quartier de la Barceloneta, traditionnellement habité par des pécheurs, a été dressé à partir de 1753 sur ces terrains gagnés sur la mer. La trame formelle dans laquelle s’inscrit le quartier est caractéristique de la volonté hygiéniste des lumières de cette époque.
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Plan d’agrandissement du port de Barcelone, 1417
3.1.3. Le problème de la profondeur : Malgré les travaux réalisés, le port manquait toujours de calaison. Au XVIIIème siècle une nouvelle barrière de sable dûe au changement de courant se forma de l’actuelle place Colomb à la digue de l’Est. Cette situation obligea à fermer le port à la navigation. Celui ci ne sera
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ouvert à nouveau qu’après la construction de brise lames, du prolongement de la digue de l’est jusqu’au chantiers navals actuellement à l’extrémité sud du port Vell, et de la création d’un nouveau quai au pied de Montjuic. C’est en 1868, que les institutions de Barcelone constituent une assemblée qui votera les travaux de dragage et d’amélioration du port. Grace à ces travaux, le plan d’eau disponible pour le port passe d’une trentaine d’hectares à 110 ha. Le premier quai transversal, actuellement quai de Barcelona est ensuite construit entre 1877 et 1882.
Plan de Barcelone, 1882
3.1.4. La quête de l’autonomie : Au XXème siècle, le port n’a cessé de s’étendre vers le sud et le sud ouest au rythme de la construction de digues et remblais toujours plus grands. En 1966, afin de contourner la colline de Montjuic, 250 ha de la zone du delta du Llobregat ont été dragués et ajoutés à la zone portuaire. En 1978, le statut d’autonomie est octroyé au port. La société portuaire de Barcelone devient alors un organisme public qui agit sous le régime mercantile, le port a ainsi capacité de gestion de ses finances et de l’aménagement de son territoire indépendamment des autres
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institutions étatiques d’Espagne. Cette date est le point culminant d’une solide tradition historique du port de Barcelone et de la région catalane. S’ensuit peu de temps après, l’autonomie de la région de la Catalogne le 18 décembre 1979. Cette date marque l’avènement des répressions sous le régime autoritaire de Franco et le début d’un développement important de la région catalane, notamment de son industrie. En 1987, le premier plan stratégique de développement du port est mis en place. Il constitue un projet ambitieux pour répondre à un contexte économique de crise et aux nouvelles ambitions de la région catalane.
3.2. Les grands travaux de revalorisation du littoral pour les jeux olympiques d’été de 1992 : L’année 1992, est marquée par l’accueil par la ville des Jeux Olympiques. Lors de la désignation de la ville, l’argumentaire en faveur de Barcelone plutôt que Paris était fondé sur l’existence d’équipements et sur un projet urbain ambitieux. Le contexte politique de Barcelone à cette époque est également décisif. En 1979, les premières élections municipales libres désignent une majorité de gauche qui met en avant une politique urbaine de concentration qui revalorise les aménagements de proximité et les concertations de résidents. 3.2.1. Modernisation des infrastructures : C’est à cette occasion que Barcelone modernise de manière considérable ses infrastructures. Les installations sportives ne représentent que 9,1% des travaux effectués. L’expansion économique, le rayonnement de la ville, et d’importantes mutations sociales sont dûes à l’accueil des jeux et aux grands travaux effectués à cet occasion. Les infrastructures de la ville sont profondément transformées : un anneau périphérique, « les rondas », enterré en partie est construit pour relier les équipements olympiques, désengorger le centre ville et desservir les gares ferroviaires. L’aéroport au sud du port de commerce est agrandi et relié au centre par une ligne de chemin de fer. La tour de communication de Collserolo est également construite et s’élève à 268m de haut.
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3.2.2. Rénovation urbaine : Dans la logique de concentration mise en avant lors de sa candidature, les sites olympiques sont multiples sur le territoire de Barcelone. Les équipements sportifs construits à cet effet, s’entourent de nombreuses autres installations. Quatre sites majeurs bénéficient de profondes transformations. Ainsi le Parc olympique de Montjuic s’accompagne de jardins paysagés et de nouveaux lieux dédiés à la culture catalane. Pour le site de Val d’Hébron au nord de la ville, il s’agit de revaloriser cette zone d’habitations de tours et de barres par la construction de logements neufs. A l’extrémité ouest de la ville, une opération de régénération urbaine permet de désenclaver un secteur de 30 ha par l’affirmation du caractère sportif du secteur dûe à la présence du stade du FC Barcelona. Enfin, le site du village olympique est l’occasion d’une grande opération de revalorisation du littoral permise par la réduction de l’emprise des voies ferroviaires et la destruction d’un ancien quartier ouvrier. L’enjeu est d’ouvrir la ville sur le littoral, et de créer un parc public ludique de 50 ha sur la dalle de recouvrement de l’anneau périphérique qui longe la mer à cet endroit. Deux mille logements et deux tours de 44 étages sont ainsi construites. Ces tours sont désormais l’emblème de ce quartier. De grandes plages sont également aménagées ainsi qu’un nouveau port de plaisance de 743 places. Cette démarche de revalorisation urbaine traduit la grande effervescence de cette ville et sa capacité à engager des projets urbains de grande ampleur. Les travaux effectués à cette époque sont empreints de la volonté de lier projets urbains et considérations territoriales. Aux nouveaux quartiers et aux nouvelles fonctions urbaines, s’ajoute l’édification de monuments symboles qui s’inscrivent dans un urbanisme d’image et d’innovations. De plus, le choix de redonner une valeur sociale aux espaces publiques et aux liens entre les bâtiments en les considérant avec le même intérêt que le bâtit est un sujet qui continue d’être d’actualité aujourd’hui et mérite notre attention.
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Photo de Bruty Simon pour illustrer les jeaux olympiques de Barcelone
3.2.3. La perte du statut de port autonome : Du côté du port, l’année 1992 est bien différente. En effet, le 24 novembre 1992 une loi est votée pour supprimer les assemblées de travaux et les ports autonomes. L’état espagnol crée à leur place un organisme public appelé ports de l’état. Cette organisation étatique contrôle et cordonne le système portuaire espagnol et se divise en différentes autorités portuaires qui ont en charge leur gestion. Depuis cette date, bien que les présidents aient été tous partisans du développement régional tout autant que de celui du commerce international lié au port, le port est désormais sous contrôle de l’état. Depuis 1992, Barcelone est une des villes européennes dont la croissance du tourisme est la plus importante. Les jeux olympiques ont participé de manière prépondérante à son rayonnement mondial. Le port de Barcelone avait installé pour cette occasion onze bateaux de croisière servant d’hôtels flottants. Depuis le nombre de passagers n’a cessé d’augmenter et Barcelone est aujourd’hui le plus gros port de méditerranée pour la modalité du transport de personnes.
3.3. Désormais, un port avec un grand potentiel de développement. Le port s’est organisé par zones, suivant des terminaux spécialisés dans le but d’atteindre des objectifs d’efficacité et devenir un port majeur en Méditerranée. Désormais, Barcelone est un port polyvalent structuré en trois secteurs : le port Vell, le port commercial et le port industriel. D’importants travaux ont été menés, et la déviation de l’embouchure du Llobregat
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permettra de doubler la superficie actuelle du port qui ambitionne ainsi d’atteindre 1265 ha de territoire portuaire en 2050. Afin de comprendre quelle place tient le port de Barcelone dans le commerce de marchandise et au sein de la région dans laquelle il se trouve, il sera question dans ce chapitre d’étudier l’activité économique, le rayonnement européen et le système de gouvernance d’après les indicateurs de l’étude du CNRS sur les villes portuaires. 3.3.1. Interconnections modales et trafic de marchandises : Le trafic de conteneurs pour le port de Barcelone est passé de 500 000 tonnes par an en 1975 à 12,9 millions de tonnes en 2000 et 40 millions de tonnes pour l’année 2010. A titre de comparaison le tableau ci après montre l’évolution du trafic de conteneurs pour les ports majeurs européens entre 1975 et 2000.
Cette évolution est dûe à l’évolution de la taille du port et à l’installation d’équipements portuaires et de terminaux toujours plus performants. La modernisation du port en démultipliant les quais et les zones de stockage a permis plus de manutention de conteneurs. Cependant, les ports s’inscrivent dans une chaine continue qui implique différents moyens de transport, principalement maritime, routier, ferroviaire et dans une part moindre aérien. A cet effet, les interconnexions avec ces autres modes de transport sont très importantes. Par sa situation dans la ville, le port de Barcelone bénéficie de la proximité de plusieurs autoroutes, de voies ferrées et de l’aéroport, ce qui lui donne un potentiel important de traitement des
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marchandises. De plus dans cette région traditionnellement très industrialisée, le port bénéficie de très bonnes plateformes logistiques qui facilitent les transferts. Ces 20 dernières années, l’autorité portuaire a sû développer un hinterland8 important. Le port s’est porté acquéreur de nombreux terrains à l’intérieur des terres dans le but d’installer les ports secs de Saragosse en Espagne, Béziers et Toulouse en France. Bien plus que ces plateformes logistiques, cet hinterland comprend des infrastructures spécifiques qui facilitent les déplacements entre ces lieux et optimise les interconnexions des différents types de transport à l’échelle territoriale. L’hinterland de Barcelone permet ainsi, d’assurer la continuité des chaines de transport au niveau continental. D’un autre point de vue, ce réseau intérieur fortement connecté au commerce international facilite les connexions terrestres entre le port et l’arrière pays de Barcelone. Dans cette considération territoriale des infrastructures liées au port, la région catalane tire bon profit des potentiels industriels locaux. En effet, l’exportation des productions primaires et secondaires de cette région est concurrentielle avec les hubs9 principaux européens du nord de l’Europe bien que la dimension du port de Barcelone soit beaucoup moins importante que cette dernière. La prise en compte de la capacité d’attractivité sur les trafics de conteneurs et des interconnexions terrestres qui permettent une accessibilité régionale, place le port de Barcelone comme un hub potentiel important à l’échelle européenne. Au niveau de l’organisation interne du port, les travaux d’extension vont permettre d’augmenter la capacité d’accueil du port, de faciliter l’interconnexion modale par la construction d’une nouvelle gare ferroviaire reliée à la ligne grande vitesse et permettre le développement de nouvelles fonctions portuaires par la construction de nouveaux terminaux polyvalents. De plus 150 ha seront dédiés à l’accueil d’activités in situ dans le domaine de la logistique, du tertiaire, et des l’activités à fortes valeurs ajoutées.
8 Hinterland 9 Hubs
: extension du port à l’intérieure des terres sous forme de plateforme logistique et de réseau : nœud d’infrastructure majeur permettant l’interconnexion de différents modes de transport.
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Interconnexions modales et transport de marchandises
3.3.2. Rayonnement européen De manière complémentaire aux performances économiques des villes portuaires, leurs rayonnements à l’échelle européenne, régionale et urbaine définissent des potentiels de développement. A l’échelle européenne,
Barcelone bénéficie d’un bon rayonnement dû
principalement à la forte attractivité touristique de la ville. Le port et le premier port de méditerranée dans le transport de passagers. Néanmoins,
l’accessibilité aux richesses
européennes n’est pas encore favorable du fait de sa position périphérique et de la taille de son aéroport. Les sièges des firmes européennes préfèrent Madrid à Barcelone. A l’inverse, il est intéressant de noter la très bonne accessibilité de Barcelone aux populations et aux richesses régionales. Ceci est dû à la bonne interconnexion du port à l’arrière pays et à la forte diversité d’activités présentes dans cette région, mais aussi de cette forte identité
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régionale qui existe sur le territoire catalan. En effet, comme nous avons pu, l’observer précédemment, l’identité nationale est très forte dans cette région depuis plusieurs siècles. Au delà des mouvements indépendantistes elle se traduit aujourd’hui dans sa forme positive par de plus grandes collaborations entre les secteurs d’activités et les systèmes économiques. Le croisement de différents indicateurs, relatifs aux considérations énoncées ci dessus du rapport du CNRS pour l’IRSIT, leur a permis de classer les villes portuaires observées en fonction de leurs rayonnements européens. D’après ces indicateurs, Barcelone se trouve parmi les villes portuaires des plus favorisées dans ce domaine.
Rayonnement européen, source CNRS, 2004
3.3.3. Gouvernance et image Afin de comprendre les mécanismes qui ont permis d’augmenter les performances portuaires et de favoriser un rayonnement européen important, l’analyse des modes de gouvernance de l’interface ville-port permet de montrer l’action des acteurs urbains et portuaires, ainsi que le niveau de leur coordination. Ainsi, pour comprendre cet aspect nous nous intéresserons à la capacité de la ville portuaire à réagir à la friche, aux ambitions de développement des systèmes urbano-portuaires, ainsi qu’à la communication du port et de la ville.
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En ce qui concerne la capacité d’une ville à réagir à la « friche portuaire », il semble nécessaire de questionner le terme de friche. En effet, les instances de gestion portuaire définissent souvent leurs friches comme des terrains obsolètes. Sous couvert de ce mot, les ports y cèdent des vieux hangars qui auraient pu être tout à fait fonctionnels pour certains types de services. C’est dans la plupart des cas, la situation en bordure de terrain en reconversion qui justifie le transfert sémantique de l’utile à la friche. Ainsi, dans la plupart des cas, c’est plutôt les mutations du commerce maritime qui impliquent une reconversion des territoires les plus anciens souvent les plus proches des centres historiques. Dans le cas de Barcelone, la forte congestion physique dûe aux contraintes naturelles des sites portuaires a plutôt orienté la reconversion des territoires portuaires les plus anciens, en faveur d’une reconversion interne au port. Des 79 villes observées par l’étude du CNRS, Barcelone fait partie des 11 villes européennes qui déclarent ne pas posséder de friches et des 16 villes qui déclarent avoir terminé leurs processus de reconversion. Les villes de Dublin et de Marseille ont en projet des opérations de régénération urbaines qui mérite une attention particulière comme point de comparaison. Dublin entend intégrer 10 de ses 50 ha portuaire dans un processus de reconversion qui intègre plusieurs équipements. Quant à Marseille, la ville reconverti depuis 10 ans, 110 ha sur ses 310 de site portuaire en faveur d’une régénération urbaine, via le projet Euromediterranée, qui tend a une mixité entre fonctions urbaines et transport de passagers. Par la considération de l’ambition des projets de reconversion, la création d’une grande infrastructure de transport apparaît comme l’élément phare de ces opérations. A Barcelone c’est l’accueil des jeux olympique de 1992, qui a motivé les projets urbains de revalorisation du littoral.
3.4. Barcelone : une dynamique friande d’innovations. Que se soit du point de vue du port ou de la ville, Barcelone a su mener des projets ambitieux quant à l’aménagement de son territoire. Les travaux réalisés pour l’accueil des Jeux Olympiques de 1992 ont profondément transformé la ville et favorisé son rayonnement international.
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L’Institut Royal des Architectes Britaniques décerne chaque année depuis 1848 « the royal Gold Medal », pour récompenser l’œuvre d’une vie. Une seule exception vient ponctuer cette longue liste d’architectes dont la production a marqué l’histoire de ce domaine. En 1999, c’est Barcelone qui se voit remettre cette reconnaissance pour l’exemplarité des grands travaux de rénovations urbaines menés par la ville. Alors que le président du jury Robert Maxwell, lors de la remise de la médaille, parle de « la preuve d’une inspiration collective ». L’attribution de cette distinction révèle la particularité de Barcelone quant à son engagement vis à vis de l’architecture et de l’urbanisme. En effet, cette ville se caractérise par la capacité institutionnelle à mener de grands projets et par un gout notable pour l’innovation. Cette particularité est toujours d’actualité. Depuis 2000, la ville réalise une opération de reconversion de 198 ha, sur un quartier industriel en pleine ville. Le projet en question « 22@Barcelona » s’appuie sur la mixité de l’îlot, les activités innovantes et la valorisation sociale du foncier. En effet, les promoteurs peuvent passer d’un COS de 2 à un COS de 3 s’ils réalisent une proportion donnée de programmes sociaux établis par la mairie de Barcelone. Du coté du port, nous pouvons observer la même dynamique de projet. L’installation de terminaux polyvalents, l’implantation de nouvelles activités dans une zone de 110 ha, ou encore la valorisation de l’arrière pays et des industries traditionnelles par un hinterland étendu, sont autant de points qui laissent présupposer un développement du port de commerce, et de nouvelles interconnexions avec le territoire dans lequel il s’inscrit.
L’hôtel Vela de Ricardo Bofill prend place en tête de proue du port Vell à Barcelone
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4. Le cabotage maritime: Comment l’adoption d’un nouveau moyen de transport peut il influer sur les interfaces ville port ?
4.1. Qu’est ce que le cabotage maritime? 4.1.1. Un mode de transport alternatif au transport routier Le cabotage est un service de transport maritime qui n’est pas prévu pour des traversées océaniques. Il prend en charge des marchandises et des passagers pour des traversées de distances relativement courtes. Il regroupe les services de feeder qui relient les ports d’une même rangée, dans le but de permettre la répartition locale de certaines cargaisons, ainsi que les services de cabotage européen et inter méditerranéen. Depuis quelques années, le terme d’autoroute de la mer est utilisé pour certaines lignes qui ont une fréquence élevée telles que les lignes Marseille Barcelone ou encore Gênes Barcelone. En 1999, la commission européenne a analysé le potentiel de développement du cabotage maritime dans le cadre d’études sur la mobilité durable. Trois raisons de promouvoir le cabotage maritime sont dégagées de ces échanges : Ce moyen de transport permettrait d’une part, de renforcer les liens entre les états membres et de revaloriser les régions périphériques de l’Union Européenne. Le cabotage maritime en s’intégrant dans les chaines logistiques de transport permettrait d’assurer des services « porte à porte » qui peuvent répondre aux demandes futures dues à la croissance économique. Pour finir, il permettrait de favoriser la durabilité générale du transport. Le cabotage est un moyen de transport alternatif au transport routier intercontinental. Le transport de marchandises diverses et de passagers par les routes est actuellement beaucoup plus utilisé pour relier les villes européennes entre elles. Cependant, cet état de fait pose de nombreux problèmes de congestion des axes principaux, de sécurité des usagers de la route, de coût des transports et d’impact sur l’environnement. La compétitivité du cabotage maritime vis à vis du transport routier est dûe à la taille des navires ainsi que dans la régularité et la sureté des routes maritimes. Les navires employés pour le cabotage peuvent prendre en charge jusqu’à 1500 conteneurs de 40 pieds et jusqu’ 2000 passagers alors que les camions ne chargent pas plus de deux conteneurs de 40 pieds par voyage. De plus, l’espace navigable est large, fluide et plus sûr.
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4.1.2. Cadre législatif A l’échelle européenne, actuellement, c’est le cadre législatif qui désavantage principalement le cabotage maritime vis à vis du transport routier. La navigation de courte distance est assujettie aux même taxes que la navigation au long court, pour la quasi totalité des infrastructures portuaires qu’elle utilise. Pour permettre à ce transport de se développer davantage, il semblerait qu’il soit nécessaire de créer un cadre législatif particulier pour le cabotage au niveau de l’Union Européenne. En France, en 2004, L’ADEME reconnait le transport de courte distance comme un moyen de transport d’avenir en faveur d’une mobilité plus durable. Ceci permet aux opérateurs portuaires voulant développer des services de courte distance, d’y trouver des subventions et un cadre juridique. En 2006, l’Union Européenne met en place le premier plan d’action pour la logistique du transport de marchandises. Ce plan stratégique de développement prévoit la simplification des procédures juridiques pour le cabotage intra européen par l’élaboration d’un document unique de transport. En ce qui concerne le cabotage et les états limitrophes de l’Union Européenne, les contrôles douaniers et de sécurité, très différents d’un état à l’autre rendent difficile l’existence d’un document unique de transport. Néanmoins, des chartes sont mises en place ces dernières années entre les ports concernés, pour faciliter les procédures à l’entrée et la sortie des ports. Il semble ainsi, que bien plus qu’un consensus européen, il soit important pour les villes portuaires, de valoriser une action concertée entre villes et ports de commerce pour qu’aboutissent les intentions existantes en matière de cabotage maritime.
4.2. Vers une mobilité durable : enjeu majeur en faveur du développement du cabotage maritime Il n’est plus besoin de démontrer depuis la crise financière de 2008, que le développement durable des sociétés passe par un développement économique soutenable. Thierry Baudouin, chercheur au CNRS dans le domaine de la théorie des mutations urbaines déclare en 1997 : « si la production mondiale a décuplé durant ces vingt dernières années, les échanges se sont en effet multipliés, quant à eux par vingt. Le commerce de biens et de services progresse deux
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fois plus vite que leur fabrication ! »10. En effet, la gestion des énergies n’est pas une simple question de consommation énergétique, il devient également nécessaire de reconsidérer la manière dont l’économie mondialisée fonctionne et la mobilité dans son ensemble. Actuellement, la production n’est plus à l’échelle des états. Les marchés sont désormais diffus à l’échelle continentale et même de la planète dans certains cas. De ce fait, les transports se multiplient et les biens circulent davantage. Mais la mondialisation n’est pas seulement une extension géographique des aires d’échanges et une densification des flux qui se résoudraient simplement par le transport. Il ne s’agit pas non plus simplement de marchandises qui passent d’une aire géographique à une autre, c’est tout un système de production qui circule en tout ou partie entre différents pôles. Prenons un exemple simple : La Mondéo est une voiture conçut aux Etats unis par l’entreprise Ford, la majeur partie des pièces détachées est produite en Chine, et l’assemblage de même que la commercialisation sont effectués en Europe autour de la ville portuaire d’Anvers. Dans ce cas, le port a su accueillir les pièces détachées de différentes provenances grâce à ses lignes maritimes, et la ville a su trouver dans son arrière pays la main d’œuvre et les structures de production nécessaires grâce à ses capacités industrielles. Mais surtout, seule la métropole permet de fournir la diversité de compétences utiles à la distribution mondiale du produit. Dans ce cas comme dans d’autres, la position géostratégique de la ville portuaire est d’un grand intérêt dans le système mondialisé, car elle est à la fois jonction et interface de la production et de la consommation. Il ne s’agit plus seulement de transport, il s’agit de logistique industrielle qui nécessite industries et services, ville et port.
4.3. Barcelone : A l’initiative des lignes méditerranéennes de cabotage maritime. 4.3.1. Première ligne intra méditerranéenne : Barcelone – Gênes Le port de Barcelone est l’un des premiers ports espagnols à se doter d’une ligne de transport courte distance. En 1998, le groupe Grimaldi a ouvert une ligne régulière entre les ports de Barcelone et de Gênes. C’est une ligne mixte qui combine le transport de passagers et de cargaisons routières. La première année de fonctionnement de ce nouvel axe maritime fut une 10 Coordonné
p 13
par Baudouin Thierry et Collin Michelle, Urbanité des cités portuaires, 1997, édition l’harmattan,
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année expérimentale quand au bien fondé des espérances concernant le cabotage maritime. Bien au delà des attentes, cette ligne a permis de désengorger un axe de circulation routier des plus saturé en Europe. En 2000, cette ligne a transporté 39 628 véhicules soit 51 % de plus que l’année précédente. Depuis, la progression constante du trafic place cette ligne comme une alternative claire au transport terrestre, et le port de Barcelone s’est doté de lignes supplémentaires le reliant aux ports de Livourne, Rome, Marseille, Tanger, Agadir et Tunis. De plus, Barcelone accueille la première école européenne de short sea shipping11. 4.3.2. Une école axée autour du transport maritime de courte distance. L’école européenne de short sea shipping est née en 2006, grâce à des subventions de l’union européenne et au parrainage d’entreprises. C’est une école privée qui délivre des diplômes de second et de troisième cycle dans les domaines du management maritime, de la logistique des transports et du commerce international. Cette école est d’un intérêt notoire, dans la mesure où elle représente une nouvelle forme d’interaction intéressante entre les systèmes de la ville, du port et des entreprises. Bien que la nature même du domaine de l’enseignement soit génératrice d’interactions entre des acteurs, urbains, territoriaux et des acteurs professionnels, les liens entre formation et activités sont rarement directs et clairement lisibles dans le cadre des formations universitaires traditionnelles. Cette école fait partie de ces écoles très spécialisées qui naissent d’un besoin établi par des opérateurs professionnels. En cela, il est intéressant d’étudier par quelles modalités l’école joue un rôle dans le développement du cabotage maritime. L’objectif de cette école est d’apporter changements et progrès dans le transport maritime par sa promotion en tant que base d’un développement européen durable. Cette école basée à Barcelone, possède des sites de formation hors des frontières, à Gênes et Rome. Elle a également réintégré la tradition des navires de formation en y incluant un concept original de « train de formation » en lien avec l’hinterland du port de Barcelone. En ce sens, la formation au sein de cette structure, s’inscrit dans le processus dynamique du commerce maritime de courte distance, par le lien permanent qu’elle crée avec les opérateurs portuaires et la ville. Elle permet aux entreprises, aux administrations et aux opérateurs portuaires de se rencontrer par le bais des formations de terrain dispensées par l’école. 11 Short
sea shipping : Mot fréquemment utilisé pour désigné le cabotage maritime
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Le succès de ce mode alternatif de transport que constitue le cabotage maritime semble être en grande partie dû à la l’intermodalité qu’il permet et à la coopération entre différents acteurs. Cette école semble être un bon catalyseur, dans la mesure ou elle est génératrice de liens et d’innovations de par sa fonction même. La multimodalité des transports semble être une arène de recherche intéressante pour les villes portuaires, qui leurs permet de repenser la mobilité et la gestion des énergies différemment. 4.3.3. Enjeux des lignes de cabotage intra méditerranéennes pour la ville de Barcelone : L’économie de la région catalane est traditionnellement tournée vers les industries tertiaires. Désormais, cette région subit comme toute l’Espagne une forte récession économique dûe à la crise de 2008. L’aire métropolitaine de Barcelone a publié le nouveau plan prospectif en novembre 2010, « Barcelona visio 2020 ». Ce plan de développement identifie six enjeux majeurs de développement pour sortir de la crise, dont l’un d’eux est la revalorisation des industries traditionnelles et des savoirs faire locaux. Le cabotage maritime s’inscrit dans des chaines intermodales de transport dont le but est de favoriser les services « porte à porte ». En cela, il pourrait s’inscrire dans un nouveau type de service intéressant pour les industries locales, aussi bien au niveau de la déserte de l’arrière pays catalans, que des liens avec les entreprises délocalisées dans les pays tiers méditerranéens. Conscients de cette perspective, de nombreux opérateurs portuaires de Barcelone travaillent déjà depuis une dizaine d’année pour établir des liens commerciaux et entrepreneuriaux dans la zone intra méditerranéenne. Le but de ce travail est d’améliorer les chaines logistiques entre les entreprises catalanes et les autres pays méditerranéens en proposant un produit global clairement défini et compétitif au niveau des coûts et des services.
4.4. Comment la nature des installations du port pour ces services implique des liens différents avec la ville ? Il existe aujourd’hui, trois terminaux dédiés au cabotage maritime au sein du port de Barcelone, deux terminaux polyvalents et un terminal spécifique dédié au transport de passagers et de véhicules en Méditerranée. Les terminaux polyvalents sont prévus pour
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accueillir des bateaux de taille moyenne, équivalent à 1500 conteneurs, et sont équipés de « rampes ro-ro »12 ainsi que de grues mobiles. D’ici à 2050, deux nouveaux terminaux spécifiquement dédiés au cabotage maritime devraient également voir le jour. A l’heure actuelle, la partie nord du port est accessible au public du fait des travaux d’infrastructures qui ont été réalisés pour augmenter la capacité d’accueil en passagers et véhicules du quai qui est dédié aux grands ferries de croisière. D’autre part, le dernier né des symboles Barcelonais, l’hôtel Vela conçu par Ricardo Bofill, a pris place à l’extrémité du port Vell, où se trouvent les chantiers navals et une partie du port de pèche. Bien que la limite entre la ville et le port de commerce soit encore très franche et les fonctions clairement distinctes, il serait possible d’imaginer, que ces secteurs fassent l’objet de projets pour des formes d’aménagements mixtes ou infrastructures portuaires et fonctions urbaines siègeraient en un même lieu. La nature même du mode de transport par cabotage maritime pourrait permettre ce rapprochement. En effet, les dimensions des quais et des équipements nécessaires au cabotage, les infrastructures requises ainsi que l’accessibilité au public, induisent que les espaces dédiés au transport de courte distance soient d’avantage à l’échelle de la ville qu’à celle des terminaux conteneurs classiques, qui peuvent accueillir des navires de plus de 300 m de long et environs 7 étages de haut.
12 Rampe
ro-ro : aussi appelées rampes roll on roll off, elles permettent le chargement de véhicules.
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5. Conclusion : Nous avons pu observer dans cette étude, qu’il est nécessaire de considérer les villes portuaires comme des systèmes réticulaires qui s’articlent à différentes échelles, aussi bien du point de vue de leur spatialité que de leur fonctionnement. Il apparaît également que les entreprises et les potentiels d’accessibilité à la population et aux richesses sont au cœur de l’interface urbano-portuaire. C’est entre autre, par ces médiateurs qu’apparaît possible une certaine évolution en faveur d’un système plus collaborant. Ainsi, les projets d’aménagement menés sur des sites portuaires qu’ils soient en friche ou en activité, ont tout intérêt à porter une attention particulière à l’implantation des réseaux, des activités et des potentialités de développement de l’aire urbaine dans laquelle s’inscrivent les projets.
5.1. Les réseaux comme structure primaire d’un développement collaboratif des villes portuaires Si d’une part, nous voulons pouvoir continuer à vivre tel que nous vivons aujourd‘hui, et d’autre part, si nous entendons redéfinir la place des pays européens dans un système géopolitique en mutation ; il semble nécessaire d’évoluer vers une mobilité plus durable et ainsi de repenser nos modes de gestion des flux et des échanges dans un avenir relativement proche. Les crises remettent en question un certain nombre de carcans sociaux, ce qui peut être perçu comme des brèches dans lesquelles inscrire des projets différents, utiles au développement futur des villes et des sociétés. Barcelone a su montrer à travers son histoire, qu’elle est une ville qui a capacité à mener des projets ambitieux et innovants en matière d’urbanisme. De plus, l’important potentiel de développement de son port de commerce, son engagement dans le cabotage maritime, et les fortes congestions physiques du site dans lequel il s’inscrit, laisse penser qu’il serait possible d’imaginer des projets d’avenir en ce lieu. Désormais, les services logistiques mis en place par les ports de commerce recherchent toujours plus de rapidité et de continuité dans les chaines multimodales de transport. Or, les infrastructures mises en place à cet effet peuvent être toutes aussi utiles pour le fonctionnement urbain d’une ville portuaire. L’exemple du cabotage maritime montre qu’il
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est possible de tirer avantage de cette situation dans la mesure où c’est un service mixte de transport qui tend vers ce rapprochement. Dès lors, il semble possible d’en imaginer d’autres. Lors de la mise en place d’une nouvelle infrastructure, l’amélioration de l’accessibilité du secteur dans lequel s’inscrit le réseau, qu’il soit déjà urbanisé ou encore naturel, va favoriser le développement des aires géographiques qui lui sont contigues. Par cette considération de l’infrastructure comme un générateur d’urbanité, il apparaît intéressant que certains modes de transports tel que le cabotage maritime, puissent permettre une mutualisation de flux de nature différente.
5.2. Vers
un
développement
urbain
fait
d’interconnexions
et
de
pôles
multifonctionnels L’ère mondialisée que nous avons connue ces dernières décennies, est fortement marquée par deux données importantes à la compréhension de la ville contemporaine : Tout d’abord, nous évoluons dans un système où la liberté d’entreprendre s’est transformée en « ultra liberté » de concentration des pouvoirs et des richesses qui a mené le principe capitaliste à son paroxysme. D’un autre point de vue, cette ère, s’est vue également fortement marquée par les nouveaux moyens de communications toujours plus virtuels, instantanés et globaux. Ces deux facettes de la mondialisation peuvent amener des situations ambivalentes dont les symptômes sont fortement catalysés par la ville contemporaine. Richard Sennett, sociologue et historien américain dont le travail porte principalement sur le système capitaliste flexible, parle de ce rapport de l’urbain au capitalisme, dans un article de la revue « Manière de voir » : « les nouvelles formes de production qui privilégient l’éphémère, la standardisation, le nomadisme ne sont pas sans effet sur les liens que chacun a besoin de développer avec un territoire pour l’habiter. »13 Que ce soit la crise financière, ou les révolutions dites 2.0 14, ces évènements actuels laissent entrevoir certains changements possibles dans le fonctionnement de nos sociétés qui peuvent être considérés comme des opportunités pour faire évoluer nos modes d’habiter un territoire. 13 Sennett Richard, (2011), La civilisation urbaine remodelée par la flexibilité, in L’urbanisation du monde, manière de voir, le monde diplomatique n°114, p30. 14 Nom utilisé pour nommer les révolutions qui ont utilisé les possibilités des réseaux sociaux et d’internet pour organiser les mouvements de contestation.
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Dans ce contexte, les villes s’appuient sur des plans prospectifs de développement, afin de lancer un fil rouge vers leur futur et d’envisager un développement plus soutenable. En ce qui concerne les villes portuaires, l’enjeu est d’autant plus grand que leurs ports évoluent rapidement au rythme des transformations du commerce mondial. A travers l’exemple de Barcelone, nous avons constater que cette prospective urbaine passe par une reconsidération de l’échelle locale et une revalorisation des savoirs traditionnels propres à cette région. Fortement influencés par les règles du commerce international, il semble dès à présent, que les ports aient à tenir davantage compte des effets territoriaux dans lesquelles ils s’inscrivent. Ceci pourrait avoir de grandes incidences sur l’organisation des villes portuaires. Bien plus qu’un principe qui va contre l’étalement urbain et le zoning des fonctions et des usages du sol, la mixité permise par une mutualisation des réseaux, et des structures économiques d’échelle différente, pourrait alors être entendu comme une combinaison positive pour les entités mises en relation. Dans cette considération où ville et port collaboreraient, il serait possible imaginer que les plans d’organisation par zones pourraient évoluer vers des trames multiniveaux faites d’interconnexions à différentes échelles, et dont les nœuds seraient des pôles multifonctionnels.
Cette considération d’un urbanisme réticulaire n’est pas nouvelle, le
mouvement métaboliste qui s’est développé entre 1958 et 1975 la traduisait déjà. Ce mouvement présent principalement en Asie, offre une vision de la ville basée sur les principes de croissance organique, dans une société qui s’attachait alors à gérer une croissance massive de la population. Les projets conçus par ces architectes sont caractérisés par des structures flexibles, itératives et extensibles sur une large échelle. Ces visions futuristes des villes formulées à cette époque, avaient foi en un système de gouvernance technocratique et une extension des villes dans la hauteur. Ainsi, ces projets sont encore aujourd’hui, des références théoriques qu’il est intéressant d’étudier pour penser à la ville de demain.
5.3. Vers des stratégies d’occupation des sols plutôt que des plans de masse. Dans cette étude, nous avons remarqué que les ports de commerces s’organisent en zones aux fonctions spécifiques pour les différents modes de transport maritimes. Ces terminaux portuaires sont aménagés dans la profondeur du quai suivant les différentes logiques de transbordement et les équipements nécessaires. De ce fait, les plans d’aménagement des ports
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font état de principes d’organisations des installations les unes par rapport aux autres mais leurs implantations au sol ne sont pas dessinées par avance. Dans la ville, les contraintes à respecter son bien plus nombreuses et complexes. Il est ainsi impensable d’appliquer des modes d’occupation du sol aussi simples. En effet, l’urbanité combine des entités de nature très différentes qui ne peuvent être réduites à leur seule fonction. Néanmoins, il peut être envisagé d’avoir recourt à des plans d’occupation urbain plus souples. L’ordonnancement rigoureux du plan de masse en voirie, ilots, parcellaire, bâtit, prospect… peut être questionné. Comme cela à été fait dans le projet de Hafencity, à Hambourg, il pourrait être intéressant sur des territoires portuaires, de mettre en place un parcellaire flexible. Bien plus qu’une trace de l’activité portuaire, ces stratégies d’occupation des sols peuvent être d’un grand intérêt urbain car elles permettent une mise en place du bâtit progressive plus facilement évolutive dans le temps et l’espace.
5.4. Vers des fonctions urbaines nouvelles. Les ports de commerce véhiculent un imaginaire spécifique qui a évolué dans le temps. Allan Sekula, photographe et philosophe californien, traduit cet imaginaire dans un petit recueil de texte nommé Fish story dont en voici un extrait : « A l’avant scène la mer égayée de navire. Au centre, le port, fier étalage architectural de pouvoir, d’autonomie et de prospérité. Et puis la ville en esquisse. Telles apparaissent Venise, Gênes, Barcelone ou Bruges au XVI et XVIIème siècle, lorsque le front d’eau symbolisait la grandeur des cités maritimes. De spectacles exotiques dans les vedute de Canaletto, les ports deviendront des lieux maudits de souillure et de décadence. Aujourd’hui métamorphosés, ils définissent une nouvelle image de marque pour les villes portuaires. »15 Ainsi ont évolués les ports marchands, de rêve d’un nouveau monde et prospérité à un no man’s land d’infrastructures dont les dimensions ne font plus heco à la ville. Il persiste néanmoins certains invariants : alors que la vie urbaine est rythmée par la répétition perpétuelle d’activité, le port représente l’inconnu, le voyage ou encore l’ouverture sur un lointain horizon. De même, la puissance est toujours exprimée dans le port à travers le 15 Sekula
Allan, (1993) Panorama, Mid atlantic from middle passage, in Fish story, Richter Verlag
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gigantisme des navires qui rappelle à l’homme, toute la technique qu’il a su développer et quel conquérant il est sur le monde. Dans cette perspective, il semblerait que certains projets architecturaux dont les dimensions ou le caractère innovant pourrait venir contrarier la ville, trouveraient place au sein de territoire portuaire et permettraient d’accueillir des fonctions urbaines nouvelles. Ainsi, les plans d’organisations réticulaires, la mutualisation des infrastructures, la valorisation de l’urbanité par les entreprises et les potentiels de développement, ou encore des projets architecturaux innovants, sont autant de pistes de réflexion qui mériteraient que l’on s’y attache davantage pour faire évoluer les interfaces entre ville et port, entre structures globale et locales.
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