2020-2021
LUCILE MOULIN
RAPPORT D'ÉTUDE - ETUDE DE LA MATIÈRE
ENCADRÉ PAR Clothilde BERROU Architecte ENSAIS, Maître de Conférence
Je tiens à remercier Mme Clothilde Berrou pour son soutien et ses conseils lors de la rédaction de mon rapport d’étude.
AVANT PROPOS /
Au cours de mes études en architecture, j’ai pu découvrir de nombreux sujets et me questionner sur de nouvelles problématiques. Mes interactions avec
le
monde
extérieur
ont
évolué,
ma
perception sensible également. A travers mes recherches, mes experiences, mes voyages ou encore mes stages, mes connaissances et ma curiosité dans ce domaine ne cessent de nourrir mon rapport à la matière. Après trois années passées à l’école d’architecture de Montpellier, je souhaite continuer à explorer ce sujet afin de préciser mes envies et futurs objectifs. Ce rapport d’étude est l’opportunité de me remettre en question sur l’architecture et particulièrement sur la place accordée à la matière dans le processus de conception d’un projet. Afin d’approfondir ma réflexion personnelle, je dresserai un état des lieux de notre rapport à l’architecture, de notre perception à travers nos sens et ce, en lien avec l’étude de la matière.
SOMMAIRE / p 01
INTRODUCTION
p 02
PRÉMICES
SENSATIONS p 04
1. Le corps
p 08
2. La vue
p 14
3. L'odorat
p 18
4. Le toucher
p 22
5. L'ouïe
p 27
CONCLUSION
p 30
RESSOURCES
1. Le corps A. Le corps comme référentiel pour le projet en architecture. B. Le corps et la perception sensible du lieu. C. Le corps et l'espace architectural. D. Le corps en relation avec la matière.
2. La vue A. La vue, outil de contemplation. B. La vue considérée indispensable. C. La vue comme langage pour la conception de projets. D. La vue et le rapport à la façade.
3. L'odorat A. L'odorat, perception et appel aux souvenirs. B. L'odorat comme caractéristique d'un lieu. C. L'odorat guidant l'usager dans son parcours. D. L'odorat et les choix architecturaux.
4. Le toucher A. Le toucher et la relation au sol. B. Le toucher, perception de soi-même. C. Le toucher ponctuel des mains. D. Le toucher et les choix de matérialité.
5. L'ouïe A. L'ouïe et la perception d'un espace. B. L'ouïe, support de conception. C. L’ouïe et le traitement des parois. D. L'ouïe comme expérience architecturale.
INTRODUCTION / Réflexion Personnelle " Comment la matière suscite des sensations, des émotions, ravive des souvenirs ? "
La matière me paraît être une partie intégrante du projet en architecture, car c'est un outil possédant une multitude de ressources et de possibilités. Elle fait partie du fondement de notre réflexion sur un projet : autant sur ses aspects techniques comme la structure que sur les ambiances sensorielles. Une expérience sensorielle se compose avec la matière mais aussi avec le contexte, l'environnement... Nos souvenirs sont rattachés à certains lieux, certaines sensations combinés à l’utilisation de la matière et de l’atmosphère ressentie. Ces phénomènes s'inscrivent dans une temporalité qui est en constante évolution. Ainsi, la matière suscite l’émotion, une réaction, un sentiment... Elle est intimement liée à notre bien-être sous tout ses aspects. Dans mes souvenirs d’enfance, j’ai toujours entretenu un lien sensoriel avec les maisons où j’ai pu vivre. Ayant très souvent déménagée il était difficile de se rattacher à un lieu très longtemps. C’est pourquoi j’accorde beaucoup d’importance à la matière qui m'entourait. La maison de mes grands-parents, par exemple, a toujours eu cette odeur du bois et du feu de cheminée, seule source de chaleur de ses petites pièces. Je me souviens de la fraicheur de la dalle béton sous mes pas, de la lumière diffuse à travers la fenêtre de la cuisine, de la poussière sur l’établi dans la grange, du bruit des oiseaux chantant au réveil, de la dureté de la porte d’entrée qui demande de la force pour s'ouvrir, des bruits en cuisine avant l’heure du repas... Nos différents lieux de vie possèdent tous une histoire, un vécu qui sont en lien avec nos ressentis et nos souvenirs. Chaque lieu s'inscrit dans une certaine temporalité amenée à évoluer et à s’adapter en fonction de nos besoins. L'architecte possède la faculté d’améliorer le monde dans lequel nous vivons sous de nombreux aspects et ce, notamment à travers l'utilisation et la composition de la matière. C'est ce qui, d'après moi, rend ce métier passionnant.
p 01
PRÉMICES /
“ L’architecture donne à vivre des émotions qui n’existent que grâce à l’expression matérielle. L’architecture est matière. ” François Payant
La matière fait partie du langage architectural. C’est une ressource sur laquelle on se questionne lors de la conception du projet, à la fois sur le principe constructif pour l’aspect technique mais aussi sur les qualités d’ambiances. Les réflexions et les choix sur la matière sont tout aussi importants que son utilisation et sa mise en oeuvre. Il existe de nombreuses possibilités d’emplois et d’utilisations bénéfiques au projet. Le choix de celles-ci permet de créer des qualités favorables à notre confort et de faire le lien avec le contexte et l’environnement proche. L’expression matérielle est de ce fait un acteur du processus de projet. Elle fait l’interface entre la conception abstraite et les différentes réflexions menées jusqu’à la réalisation concrète du projet. D’après le dictionnaire Larousse la matière se définie comme « une substance constituant les corps, douée de propriétés physiques. ». Cette matière possède généralement une substance déterminée et précise. On différencie ainsi le bois considéré comme matière suivant différentes essences de bois telles que le chêne, le sapin… Ces dernières peuvent avoir des caractéristiques qui varient telles que : la masse, la forme, le volume, l’inertie, l’imperméabilité, la dureté, la résistance… La matière est un élément perceptible qui fait partie de l’expérience sensible. Elle peut être observée, touchée, manipulée, décomposée, transformée, associée… Elle peut aussi être à l’origine d’une histoire, d’une intention, d’une expérimentation, etc. C’est un outil de création, de pensée, de réflexion, de conception pour l'architecte. Ses caractéristiques lui donnent du sens et des qualités multiples. La matière évolue en fonction de certains facteurs tels que le temps, le climat, la lumière... L’architecture à travers son agencement, son dimensionnement, ses proportions, sa mise en tension fait parler la matière, l’anime, l’agence, l’organise…
Citations de François Payant dans l'ouvrage : " Matériaux, matière : Cahier de recherche architecturale n'19 ".
p 02
L’architecte travaille ainsi la matière comme un langage. L’homme entretient un rapport avec la matière et son environnement, celui-ci est physique mais aussi sensible et émotionnel. Cette approche sensible fait référence au sensoriel, à ce qui est perçu par nos sens, à ce que l’homme peut ressentir. Cela prend donc en compte nos émotions et nos ressentis. L’ouvrage « Traité des sensations » paru en 1754 par le philosophe Etienne Bonnot de Condillac, met en scène une statue dotée d’intelligence mais privée de la faculté de sentir. L'homme est remplacé par une statue imaginaire afin de laisser place à l'étude de nos sens indépendamment de toute idée reçue. Elle témoigne de l’importance de chacun de nos sens dans le rapport que nous avons avec le monde qui nous entoure. Cela modifie notre perception des choses et de ce fait notre rapport à la matière et à l’architecture. Le philosophe permettra à la statue de bénéficier de ses sens de façon successive et indépendante. A travers cette réflexion, nous prenons conscience de l’importance de chacun de nos sens en lien avec notre vision du monde. Dans l’ordre suivant : l’odorat, l’ouïe, le goût, la vue et le toucher, la statue découvre de façon progressive de nouvelles sensations. Bien que l’on considère le sens de la vue comme essentiel et nécessaire, le toucher possède lui aussi un champ d’expérimentation très riche. En effet, la statue à travers le toucher réalise la présence de matière, de texture, d’inertie, d’obstacles, de résistance… Le sens du toucher nous permet de comprendre les interactions entre notre corps et les choses. Le corps participe lui aussi entièrement à l'éveil de nos sens. Ces notions sont des éléments qui permettent à l’homme de prendre conscience de son corps en lien avec la présence du monde extérieur.
p 03
SENSATIONS / 1. LE CORPS A. Le corps comme référentiel pour le projet en architecture. Le corps peut être défini comme ce qui constitue la matérialité d’un être vivant, sa dimension physique. Très rapidement, le corps a été pris comme référentiel pour la réflexion du projet en architecture. C’est à partir du corps que nous pouvons définir les proportions, les distances, les hauteurs… Nous pourrions considérer ces valeurs d’universelles. Les premiers abris ont permis au corps de se réfugier dans un espace protégé des intempéries, du froid, du vent… Le corps est devenu un outil de projection et d’identification au fil du temps. C'est aussi une base de réflexion pour le dimensionnement de nos lieux de vie. Le Modulor
Le Corbusier s'est concentré tout particulièrement sur ces notions d’échelle, de mesure. C’est en 1945 qu’il inventera le Modulor
comme
un
homme
«idéal», mesures standardisées à l’aide du nombre d’or suivant trois
intervalles.
Elles
sont
appliquées sous le principe de Fibonacci. La première est la taille de l’homme faisant 1m83, la deuxième la taille de l’homme avec le bras levé qui est de 2m26 et la troisième étant la hauteur du nombril avec le sol soit 1m13. A partir de cela il a pu développer des espaces et du mobilier adapté favorisant le bien-être ainsi que le confort Source : FondationLeCorbusier
maximal de l’usager. p 04
1. LE CORPS
Ce rapprochement entre la mesure de l’homme humain et l’architecture est très novateur à cette période. Les mathématiques sont utilisées pour penser des proportions harmonieuses du corps. Chaque mesure correspond à des besoins du corps humain comme nous pouvons le voir avec la représentation du mobilier. Pour une hauteur de 267mm on retrouve l’utilisation d’un tabouret; de même avec la chaise qui possède une hauteur de 432mm… Le Modulor : Représentation des hauteurs de mobilier.
Le Modulor devient ainsi une nouvelle unité de mesure en architecture. Nous pouvons faire référence aux premières unités de mesure qui s’inspiraient déjà du corps humain tel que le pouce ou le pied avant l’apparition du système décimal. Le Corbusier est donc précurseur dans cette démarche mettant
le
corps comme principale source d’inspiration et d’expérimentation vis-à-vis de ses réflexions en architecture sur le confort de l'usager. Le rapport qu’entretient le corps avec l’architecture est alors essentiel à la réflexion du projet architectural.
B. Le corps et la perception sensible du lieu. Les interactions entre le corps humain et l'architecture sont nombreuses. Elles constituent un langage perceptible et ressenti à travers nos sens. Lorsqu’un corps occupe un espace, il en modifie l’atmosphère de part ses mouvements, sa présence, son rythme, ses sonorités… Source : FondationLeCorbusier
p 05
1. LE CORPS
En retour, l’espace architectural forme des sensations corporelles qui dialoguent et échangent. Le corps est orienté et guidé par les parois environnantes, les sonorités générées par le mouvement viennent résonner sur les surfaces, la lumière vient illuminer et mettre en valeur le relief… Nos échanges avec l’espace architectural offrent un large champ des possibles avec une liberté d’actions ou de suspensions, d’accélérations ou de ralentissements, de déplacements ou encore d’arrêts. Nos mouvements, nos positions, nos respirations, nos pensées sont amenés à prendre possession de l’espace, à se l’approprier, à l’interpréter, à le ressentir et le vivre en tant que tel.
C. Le corps et l'espace architectural. “ J’entre dans un bâtiment, je vois un espace, je perçois l’atmosphère et, en une fraction de seconde, j’ai la sensation de ce qui est là. ” Peter Zumthor Peter
Zumthor
dans
son
ouvrage
"Atmosphères"
aborde
le
rapport
qu'entretiennent le corps et l'architecture en lien avec nos sens et nos souvenirs. Le corps participe, ressent et expérimente l’espace. Il n’est pas uniquement spectateur, il devient aussi acteur face à l’architecture. Nous pouvons ainsi parler d’une architecture « vivante ». Nous pratiquons l’espace au quotidien, nous le vivons. De ce fait, le corps est en constante interaction avec son environnement. L’espace architectural est vécu et perçu par ses usagers. Il fait l’objet d’une immersion totale. Nous ne ressentons pas les mêmes sensations dans un espace clos, sombre et froid qu'un espace ouvert, lumineux et solaire. Cette perception sensible dépend de multiples facteurs et reste très singulière. Nous ne percevons pas les choses extérieures de la même façon tout comme nous n'avons pas les mêmes ressentis. Cela peut être lié à notre vécu, à notre sensibilité mais aussi à notre curiosité.
La temporalité est un aspect qu'il ne faut pas négliger dans la perception de nos espaces en architecture. Les atmosphères perçues sont amenées à changer et évoluer dans le temps suivant différents facteurs comme : la luminosité, les sonorités, la chaleur… Citations de Peter Zumthor dans l'ouvrage "Atmospheres", page 13.
p 06
1. LE CORPS
“ Les gens disent toujours que l’architecture est un art de l’espace, mais c’est aussi un art du temps. ” Peter Zumthor Cette temporalité représente avant tout une représentation de la vie qui est générée par la présence des usagers. L’architecture existe à travers l’expérience temporelle et le parcours de promenade des corps qui se rencontrent, qui partagent. Elle existe pour et par les corps qui l’animent. Les espaces sont destinés à être vécus et ressentis par les corps. De ce fait, nous pouvons prendre conscience de l’importance de nos sens en lien avec notre environnement proche.
D. Le corps en relation avec la matière. Le corps peut expérimenter à travers la réalisation de projets qui font intervenir une gestuelle.
L'artiste
Felix
Gonzalez-Torres
illustre régulièrement ce concept à travers ses œuvres. Inscrit dans la continuité de l’art conceptuel et minimaliste, son travail propose aux spectateurs de venir chercher un élément de matière, ici un bonbon. Cela représente pour lui la disparition du corps de son
Felix Gonzalez-Torres, Untitled,
compagnon rongé progressivement par le
Portrait of Ross in L.A, 1991
sida. Le choix de l’élément « bonbon » est significatif. Il fait écho à nos sens. Si l’oeuvre est éphémère, elle n’en reste pas moins en perpétuelle interaction avec le visiteur tour à tour spectateur et acteur. Felix Gonzalez-Torres témoigne de la maladie qui peut se propager très rapidement. Son œuvre, au fur et à mesure qu’elle se meurt, modifie pleinement l'atmosphère ressentie. Ainsi, le corps à travers sa perception sensible ressent des sensations et des émotions suivant l'espace environnant. Son rapport à la matière est permanent. La temporalité est amenée à modifier les atmosphères avec lesquelles nous entrons en interaction. Le corps est générateur et acteur au sein de ces espaces qu'il peut lui même expérimenter et s'approprier. Citations de Peter Zumthor dans l'ouvrage "Atmospheres", page 41.
p 07
SENSATIONS / 2. LA VUE A. La vue, outil de contemplation. La vue est un sens qui nous permet de réagir à l’environnement de part les rayonnements lumineux. Elle définit nos représentations sensorielles de l’espace et nous permet de distinguer les couleurs, la distance, les formes, les surfaces… Elle a longtemps été considérée comme le sens le plus « noble » par les philosophes et est associée à l’intelligence, la connaissance du monde. Le rapport visuel que l’homme entretient avec l’environnement est générateur de différentes sensations, émotions, réactions… Notre sensibilité est variable et singulière. Elle dépend de chacun de nous. Le monde à travers nos yeux est perçu, regardé, analysé, interprété. Pour illustrer cela, nous pouvons aborder le rapport entre l’homme et la nature comme paysage. « J’imagine une vue sur la mer au loin, le bruit des oiseaux et le vent qui souffle. Le soleil se couche et les couleurs orangées mettent en valeur le reflet des vagues. Au loin, j’aperçois l’Ile Cézon et son fort ainsi que l’Ile Wrac’h et son phare blanc. Les petits bateaux de pêcheurs flottent légèrement et calmement, bercés par les vagues. L’odeur de l’air frais est apporté jusqu'à moi par la mer à travers la verdure et les arbres en mouvement. » Récit personnel Ce paysage est celui que j’imagine dans la future maison de mes parents. Le terrain en friche évoque déjà ce rapport à la nature, à la mer et au paysage lointain. C’est un espace visuel dans lequel nous pouvons nous projeter. L’architecture ici, viendra renforcer cette perspective avec une fenêtre cadrant le paysage tel un tableau. Nous pourrons observer cette vue en continue, en perdant la notion du temps à travers la contemplation. Notre rapport sensoriel à ce paysage est avant tout visuel mais fait aussi appel à nos autres sens, tels que l'ouïe ou l'odorat. Le paysage de la mer invite à se remémorer nos souvenirs et constitue une atmosphère apaisante pour le spectateur. Ce lien à la nature sera mis en valeur par l'architecture au travers du choix de dimensionnement des ouvertures, la matérialité, la luminosité, les ambiances...
p 08
2. LA VUE
B. La vue considérée indispensable. L’architecture fait constamment appel à la vue pour la compréhension des espaces. Ce sens nous permet de contempler mais aussi de concevoir, dessiner, rechercher, analyser, discuter à propos de nos projets. Il est le premier à interagir
avec
l’environnement
qui
nous
entoure.
Nous
saisissons
les
informations à travers nos yeux avant de pouvoir les interpréter et se les représenter. La vue permet d’avoir un rapport au monde de façon directe et instantanée. Tout comme la photographie, elle nous permet de garder en mémoire certains souvenirs, certaines images. Ce sens spatial nous permet de nous repérer dans l’espace et de nous situer dans une certaine temporalité. Tentons cette expérience : Nous sommes dans une pièce fermée de forme
rectangle
domestiques. position
n'ont
aux
dimensions
L'orientation pas
et
la
d’importance.
Nous sommes capables de nous repérer et de percevoir les rapports de distance dans l’espace. De la même façon, nous sommes dans cette même pièce avec une orientation et un positionnement différents. Cette fois, nous fermons les yeux. Si nous tentons de nous situer à cet instant précis nous n’aurons qu’une représentation de nous-même au sein de cette pièce. Cela est dû à notre mémoire et à l’image visuelle que nous avons retenue. Cependant, il ne s'agit que d'une illusion fictive de ce qui pourrait être notre emplacement dans ce même espace.
Photos Personnelles
p 09
2. LA VUE
Ainsi, nous pouvons affirmer que le sens visuel est rassurant pour l’homme dans son rapport au monde extérieur. La vue nous permet d’anticiper et d’appréhender l’espace et les éléments en mouvement. Son importance est dûe à la sécurité et à la protection qu’elle apporte à notre corps en vue de potentiels dangers ou d’impacts douloureux.
C. La vue comme langage pour la conception de projets. La perception visuelle est souvent le premier sens auquel on pense dans notre rapport à l'architecture et l'environnement. La vue nous permet d'appréhender l'espace, de le comprendre, de se l'approprier... Elle est essentielle dans notre compréhension du monde. De nos jours, l'architecture est souvent considérée comme une discipline visuelle : nous l'observons avec nos yeux, nous la contemplons avec du recul, nous la vivons à travers nos échanges, nous la gardons dans nos souvenirs, nous la dessinons sur le vif... Le dessin, les croquis, les schémas servent à s'imprégner de l'environnement, d'un paysage, d'une architecture à un instant donné. Nous saisissons les informations qui passent par l'intermédiaire de la vue. Nous en définissons distance,
le de
rapport
d'échelle,
perspective
de
mentalement
avant de retransmettre cette information par la gestuelle de nos mains. L'architecte anime ses mains pour concevoir et porter une réflexion sur le projet. Le support nous permet de concrétiser nos idées, de les mettre
en
forme
et
leur
donner
de
l'existence spatialement. Le dessin est un outil de réflexion qui illustre notre rapport au monde et notre interprétation de celuici. L’homme peut laisser une trace sur un support, tout comme un enfant s’amuserait à laisser la trace de ses pas après avoir Croquis Personnel
marché dans une flaque d’eau. p 10
2. LA VUE
Cette mise à plat ainsi que cette représentation d'informations sont une matière à penser, support de réflexion et de communication. Elles permettent l'échange, le partage et la discussion autour de certaines problématiques avec différents interlocuteurs. Ces interactions peuvent enrichir l'analyse d'un contexte, d'un futur site d'implantation, d'un environnement naturel, de la nature des sols, de la topographie, des atouts et inconvénients existants... Un groupe de travail peut
ainsi
s'interroger
et
apporter
différents
regards
sur
une
même
problématique. La richesse de ces échanges est bien souvent sous-estimée. Ces liens sociaux nous donnent l'opportunité de nous remettre en question, d'échanger des points de vue, d'imaginer autrement. La représentation en architecture peut prendre différentes formes, différents styles malgré les codifications ancrées depuis le début de notre apprentissage. Notre façon de présenter un projet passe par l'oral mais aussi et notamment par les représentations que nous faisons sous forme de plans, coupes, façades, perspectives, d'images induits par certains points de vue. Le choix de ces éléments doit être réfléchi et efficace afin que l'interlocuteur puisse saisir l'essentiel au premier regard. Dès lors, la représentation du projet sur un support codifié permet d'utiliser un même langage autour duquel nous pouvons interagir et échanger. Nous parlons le même langage. La compréhension commune autour de la conception de projets peut ainsi apporter des qualités de réflexions et d'ambiances à approfondir. Issus
des
Congrès
Internationaux
d'Architecture Moderne dont l’idée était de promouvoir une architecture et un urbanisme fonctionnels. Ils se définissent comme "une petite famille d'architectes qui s'entraident". Leur pensée sur l'architecture et la ville correspond à une envie commune d'apporter innovants Team
10
-
Groupe
international
d'architectes qui émerge dans les années
des de
nouveaux
conception
outils afin
de
répondre à l'accroissement du besoin en logements.
1950. Photo de l'exposition organisée par la "Cité de l'architecture & du patrimoine".
p 11
2. LA VUE
D. La vue et le rapport à la façade. Lorsque nous marchons dans la ville, nous allons à une destination, nous percevons des paysages quotidiens ou bien nous découvrons de nouveaux chemins. Observer un paysage et le contempler parait une évidence et pourtant mon rapport à la ville et ma curiosité ont connu un grand changement suite à mon entrée à l'école d'architecture. Je me suis ouverte au monde. J'ai levé la tête, je me suis questionnée. J'ai tout simplement appris à prendre le temps de regarder. Ce changement de regard, d'approche et de perception m'a permis de mieux comprendre le monde qui m'entoure mais aussi d'apprécier les choses simples du quotidien. Le paysage de la ville est très formateur et offre des compositions variées qui mènent à diverses réflexions. Dorénavant, je cherche à percevoir les qualités des espaces dans lesquels nous vivons, à comprendre comment les choses sont faites et quels ont été les choix qui ont permis d'aboutir à la réalisation du projet. L'architecture s'appréhende majoritairement depuis l'extérieur. Il arrive souvent que nous ayons la sensation de connaître un bâtiment sans en connaître l'intérieur pour autant. La ville de Montpellier illustre parfaitement cela.
Le
centre
historique
possède
de
nombreuses façades qui sont rythmées et ornementées par les hôtels particuliers. Très régulièrement, il ne suffit que de pousser une
porte
monumentale
en
bois
pour
découvrir la richesse de l'espace d'une cour qui permet de desservir des logements. C'est ce que nous pouvons découvrir à l'occasion des journées européennes du patrimoine : une nouvelle façon d'observer, de parcourir Hôtel Cambacérès à Montpellier.
et de découvrir la ville.
Ainsi, notre perception visuelle est majoritairement acquise depuis l'espace de la rue, d'où l'importance accordée à la réflexion sur le travail de façade. Photo du journal "Le Parisien".
p 12
2. LA VUE
Cette réflexion lors de la phase de conception est souvent mise en avant. On cherche à capter l'attention dans un certain contexte et ce, avec une certaine distance. La façade est le premier élément que l'on perçoit depuis la rue. Il s'agit finalement d'une frontière séparant l'extérieur de l'intérieur. Celle-ci doit attirer la curiosité du visiteur lorsque c'est un lieu public mais aussi garder l'intimité lorsqu'il s'agit d'un lieu privé. La recherche de l’enveloppe globale du bâtiment est fondamentale car elle possède avant tout une dimension urbaine. L’implantation du projet sur le site, dans un certain contexte d'environnement et le suivi des choix morphologiques vont influencer notre rapport au bâti. Le piéton observe le bâtiment depuis la rue, avec plus ou moins de distance : les rapports de hauteurs, la matérialité, les ouvertures, la transparence, etc. Ce sont des éléments qui nous laissent interpréter la façade. L’intégration du projet dans son environnement reste essentiel afin d’attirer le regard des passants et de créer un ressenti, une émotion. Dans
sa
conception
de
la
Fondation Cartier, Jean Nouvel remet en question les limites et les seuils du projet. Il vient chercher le regard du passant par la matérialité de la façade. Elle
devient
mouvante
et
dynamique au fil des saisons, de la lumière, en transparence et légèreté. Elle permet un rapport direct entre la rue, le
Fondation Cartier - Jean Nouvel.
p aysage végétal et l'intérieur du bâti. Jean Nouvel a travaillé la façade comme une matière plastique : le verre devient un calque à interpréter. Le jeu de transparence et d'opacité fait ressentir diverses atmosphères où l'architecture intègre un paysage qui invite le visiteur à s'y perdre. Finalement, nous pouvons dire que la façade est l’identité du projet, ce à quoi nous le reconnaissons. Le caractère même de la façade tout en verre et métal l'inscrit dans son temps et la personnifie. Cela dépend notamment du caractère privé ou public traité. Photo de la Fondation Cartier par Luc Boegly.
p 13
SENSATIONS / 3. L'ODORAT A. L'odorat, perception et appel aux souvenirs. L’odorat est révélateur. Il fait ressentir certaines émotions et nous remémore de vieux souvenirs oubliés. Il nous permet d’entrer en contact avec le monde extérieur de façon subtile et inconsciente. C’est un sens qui fait référence au souvenir et à la mémoire en lien avec nos ressentis et nos émotions. Il est amusant d’expérimenter notre rapport aux odeurs en allant dans des jardins fleuris par exemple. Nous sommes tous sensibles à certaines odeurs en particulier. Nous pouvons prendre conscience du rapport intime qu'elles entretiennent avec nos souvenirs et à travers lesquels, la perception reste sensible à chacun, elle peut être interpréter différemment.
" Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Cette odeur c'était celle du petit morceau de madeleine que le dimanche matin, à Combray, quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul." Marcel Proust
L’écrivain Marcel Proust aborde ici le lien entre l’odeur de la madeleine et ses souvenirs d’enfance. Cela a donné naissance à l’expression « Madeleine de Proust » : elle correspond à tout phénomène (objet, aliment, geste, couleur…) faisant apparaître un souvenir de notre mémoire. Il s’agit souvent de souvenirs positifs et à caractère rassurant. En effet, la perception des odeurs fait appel à nos souvenirs comme travail de mémoire. Ce sens de l’odorat est très fiable car le nez nous permet de détecter les odeurs en lien avec une partie de notre cerveau qui gère lui-même les ressentis émotionnels. Ainsi, la qualité sensible des odeurs influence et vient bouleverser notre perception de l’espace. Citations de Marcel Proust dans l'ouvrage "Du côté de chez Swann", page 140.
p 14
3. L'ODORAT
B. L'odorat comme caractéristique d'un lieu. L’odeur fait partie de l’expérience sensorielle d’un lieu. Entre ressentis et émotions, la respiration nous aide à sentir la qualité de l’air ambiant. Certaines odeurs sont plus fortes que d’autres et dépendent de l’environnement dans lequel nous sommes. La présence de vent ou d’humidité sont des facteurs influents sur notre échelle de perception des odeurs. Elles sont portées et déplacées par les mouvements de l’air. De nos jours, l’architecture oublie souvent la perception olfactive dans la conception de projet et notamment d’espaces publics. Les grandes villes sont souvent confrontées aux problèmes d’insalubrité et de propreté. La réflexion portée sur la bonne gestion des déchets
est
primordiale
pour
limiter
les
odeurs
désagréables
et
leur
prolifération. Ces sources d’odeurs sont récurrentes dans certains lieux. Le corps arrive à les percevoir par le biais de la respiration. Le fait d’inspirer profondément est source de stimulation pour notre perception olfactive. Par conséquent, nous sommes capables d’associer des odeurs à certains lieux à travers notre mémoire ainsi que nos souvenirs. Cette association possède des différences culturelles. L'importance accordée aux odeurs varie suivant notre interprétation et notre vécu. En Occident, nous aurons tendance à les camoufler alors qu'en Orient nous mettons en avant les odeurs comme source de respect d'autrui. Dans la religion arabe, les Mosquées ou encore la Mecque possèdent une odeur caractéristique et identitaire. Le Coran décrit le Paradis comme un jardin rempli de plantes odorantes. Ces lieux de culte utilisent donc les odeurs
comme
langage
significatif.
Nous
pouvons retrouver des essences de bois telles que le camphre ou le musc comme matière animale odorante.
Bruleur Traditionnel
p 15 Photo du site "Freepik".
3. L'ODORAT
Le camphre est un bois sacré dont la fumée est parfumée et purifie le lieu. Il est utilisé pour conjurer le mauvais sort. Le musc est une odeur utilisée pour le corps ou encore les vêtements et les draps. Ces pratiques sont également présentes dans l’habitat domestique pour parfumer les pièces à l'aide d'un mabkharah, brûleur à encens, par exemple. C’est une façon d'accueillir une personne chez soi, de lui signifier son respect et une façon de purifier le corps, l’esprit, l’espace... Ainsi, les odeurs possèdent une signification à caractère identitaire pouvant être associé à un lieu ou même à une culture.
C. L'odorat guidant l'usager dans son parcours. L’architecture doit porter une réflexion sur les odeurs en évitant les mauvaises odeurs, mais aussi en mettant en valeur des ambiances olfactives agréables. Lorsque nous parcourons la ville, il arrive souvent que ce soit uniquement les mauvaises odeurs qui nous interpellent brusquement. Pourtant, si nous portions plus d'attention à notre sens de l'odorat, le parcours prendrait une toute autre signification. Et si nous visitions une ville à travers les odeurs ? Elles font aussi appel aux souvenirs lors de notre parcours. Je me rappelle de l'odeur prépondérante de l'allée de lavande qui mène jusqu'au sueil de la maison de ma grand-mère. Cette plante si particulière nous guide vers la porte d'entrée par son parcours olfactif. De la même façon, passer à côté d'un restaurant ou d'une boulangerie peut, par exemple, générer une envie de déguster quelque chose ou de s'y arrêter. Nous pouvons ainsi décrire un lieu par son paysage odorant à travers les commerces mais aussi la végétation, les usagers, les déchets... Kate McLean, chercheuse et archiviste olfactive étudie et développe cette réflexion par la création de cartes odorantes pour plusieurs villes. C'est une invitation pour ses usagers quotidiens à redécouvrir la ville par l'odorat. “ Je demande à ce que les marches soient effectuées par des habitants locaux, qui connaissent leur environnement et sauront donc mieux décrire ce qu’ils sentent. " p 16 Citations de Kate McLean lors d'une interview par Annabelle Letten.
3. L'ODORAT
Carte Olfactive de la ville de Singapour, réalisé par Kate McLean
Les odeurs sont ici représentées suivant leurs intensités et regroupées par couleurs : l’odeur de l’eau et du sel marin sont associées à la couleur bleu... Notre promenade sensorielle s'enrichit elle aussi avec les odeurs qui nous entourent. Elles contribuent aux ambiances qui nous permettent de définir nos environnements. Nous pouvons ainsi dire que les odeurs ont leur influence dans notre perception de l'espace. Elles peuvent être sources de curiosité, de confort et inversement lors de notre parcours. Il existe donc ben et bien des interactions entre les usagers et l’environnement extérieur, les odeurs et le bâti... A partir de cela, nous pouvons reformuler notre rapport à l'espace en prenant également en compte la temporalité. Les saisons, les vents ou encore l'humidité influencent notre perception sensorielle. Source : Sensory Maps
p 17
3. L'ODORAT
D. L'odorat et les choix architecturaux. Le sens de l'odorat peut être pris en compte dans la réflexion d'un projet dès la phase de conception. Pour cela, nous pouvons analyser la richesse du terrain d'implantation tout comme ses aspects négatifs à améliorer. Les ressources naturelles existantes peuvent être un atout conséquent pour le projet. Les choix architecturaux liés au sens de l'odorat sont multiples. La matière en fait partie comme composante olfactive du projet architectural. Chaque matière possède un potentiel olfactif pouvant influencer les atmosphères générées dans nos projets. Ce potentiel doit être mis en lien avec la circulation de l’air dans le bâti. L'air ambiant influence notre perception des odeurs et peut être renforcé par le vent. Le déplacement de l'air peut réduire ou intensifier les odeurs. Les choix de mises en oeuvre de la matière modifient pleinement notre perception de l’espace. Son traitement dans la conception d'un projet peut être à l’origine de certaines odeurs. Par exemple, Peter Zumthor met en avant des qualités olfactives dans la Chapelle Bruder Klaus par la mise en oeuvre du bois et du béton. L'espace intérieur a été réservé pour un processus de banchage qui consiste à assembler des troncs pour venir couler le béton par-dessus. Le bois a ensuite été brulé pour laisser apparaître un espace intérieur sombre et avec une identité olfactive. Ce lieu possède toujours l'odeur du bois brûlé. Le traitement de la matière est donc un élément de réflexion dans la conception d'un projet. La matérialité ici, peut générer des odeurs mais elle peut aussi permettre de les absorber ou bien d'adopter
une
certaine
neutralité.
Par
exemple, la moquette absorbe les odeurs tout comme le verre possède un rôle olfactif neutre.
Intérieur de la Chapelle Bruder Klaus.
Photo prise par Aldo Amoretti.
p 18
3. L'ODORAT
Les choix architecturaux passent également par l'importance de la végétation comme outil de conception pour les espaces extérieurs. Le rôle des paysagistes dans les projets reste très bénéfique et complémentaire lorsque nous concevons des espaces extérieurs tels que des jardins, des patios, des cheminements… Le rapport
qu'entretien
l'homme
avec
la
nature
possède
des
bienfaits
insoupçonnés. Cela est très utilisé dans les lieux de santé notamment par la création de jardins thérapeutiques odorants. Le parcours sensoriel s’organise autour des odeurs perçues dans le jardin au travers de ses plantations. Ces jardins réduisent le stress et participent au rétablissement de nombreux patients ayant des maladies très variées. Ils permettent de vivre un instant d'apaisement, d'autonomie, de méditation et de stimulation sensorielle olfactive. Les plantes aident à baisser le rythme cardiaque et la tension artérielle. C'est une façon de pratiquer une activité motrice douce et de participer à des ateliers qui demandent d'être minutieux. Les patients peuvent faire appel à leurs sens en se laissant guider par les plantes grandissantes, les saisons, la colorimétrie, les températures changeantes, la luminosité... A l'hôpital de Nancy, la cour d'honneur a été transformée en jardin thérapeutique depuis 2010. Nous nombreux
érables
y retrouvons de caractérisés
pour
l'odeur de leurs fruits d'automne aux tons sucrés. Egalement, des arbres au caramel nommés "Katsura" ainsi que de nombreux arbres fruitiers.
Jardin Thérapeutique - Hôpital de Nancy
L'odorat reste un sens très proche de notre mémoire. Il aide à prendre des repères et à se rapprocher de l'environnement qui nous entoure. C'est aussi un sens pouvant participer au confort et au bien-être des usagers. Les odeurs impliquent une certaine temporalité. Elles ne sont pas figées dans le temps et restent très subjectives. Leur traitement n’est donc pas si évident à prendre en compte dans le projet architectural. Composer avec les odeurs signifie aussi s’exposer à leur évolution non-maîtrisée que nous ne pouvons anticiper. Photo de l'article rédigé par Marc Mennessier dans "LeFigaro".
p 19
SENSATIONS / 4. LE TOUCHER A. Le toucher et la relation au sol. Le toucher est un sens qui fait appel au sensible et au ressenti. Il est par définition quelque chose qui entre en contact physique avec le corps, c’est un sens spatial. Il est constamment présent. Nous touchons toujours quelque chose de part les lois de la gravité. Ce lien tactile passe généralement à travers notre relation au sol. Celui-ci est souvent mis en second plan dans la conception de projets. Pourtant, nos pieds sont le premier contact entre notre corps et une surface, une texture, une matérialité, de façon continue et totale. Le sol est ressenti et touché avant d’être vu. Nos corps au fil du temps, s’habituent et oublient ce rapport. Nous apprenons à nous adapter et à anticiper. Nos pieds nous permettent de distinguer sa nature, d'anticiper les inclinaisons, de repérer les potentiels obstacles, de définir des points de repères… Le traitement du sol est lié au toucher constant de nos extrémités. Nous sommes quotidiennement exposés à des pentes, des reliefs, des escaliers, des différences de niveau, des différences de matérialité… La relation au sol participe pleinement à l'expérience architecturale par les notions de seuils et de limites. Lorsque nous franchissons l’entrée d’une maison, nous rentrons dans un nouvel espace en faisant le geste d'un pas en avant. Dans l’ouvrage « Intentionnalités tactiles en architecture » par Marc Crunelle, nous retrouvons une lecture de la nature des sols. Différentes maisons sont ainsi décrites
suivant
des
cultures
variées. Ici, elles se situent en Belgique, au Maroc ainsi qu’au Japon.
Nous
matérialité
y des
retrouvons sols
et
la le
Plan d'une maison en Belgique.
cheminement de l'extérieur vers l'intérieur.
p 20
4. LE TOUCHER
Plan d'une maison au Maroc.
Plan d'une maison au Japon.
Nous pouvons remarquer une succession de différents sols allants du public au privé vers le plus intime. L’espace public en terre ou graviers est difficilement praticable contrairement aux maisons. Plus nous nous rapprochons des espaces intérieurs, plus les matériaux deviennent doux et lisses. La présence de tapis dans les lieux de vie permet une approche sécurisante, sans obstacle ou désordre. Nous avons une fluidité de déplacement, un aspect de réconfort. La présence tactile et l’énergie dépensée pour se mouvoir dans cet espace impactent notre rapport au monde. La fluidité permet au corps de porter son attention sur d’autres sujets, de s’ouvrir à de nouvelles rencontres, de nouveaux regards… Les obstacles demandent une adaptation pour garder l’équilibre de notre corps. Notre attention reste focalisée sur notre déplacement et non plus sur les éléments extérieurs. De ce fait, la notion de stabilité participe au confort de nos déplacements. Lorsque nous montons un escalier, la première marche nous permet de définir la hauteur à considérer pour chaque élévation de jambe. Cela nous aide à monter de façon sereine et en sécurité. Inversement, si l’une des marches possède une hauteur qui varie, cela peut nous surprendre et devenir un élément de mise en danger. Ainsi, nous pouvons mesurer l’importance de notre relation au sol par le toucher. L'inattendu de nos gestes dû à des sols difficilement praticables nous place en position d’insécurité, impliquant tout notre corps. La prévisibilité de nos gestes, de part les habitudes et des sols plus adaptés permet de nous mettre en sécurité et de libérer notre attention. Le traitement du sol possède donc une importance fondamentale sur le confort des usagers.
p 21
4. LE TOUCHER
B. Le toucher, perception de soi-même. Le toucher nous renvoie à notre présence spatiale dans un environnement. Il est un contact instantané qui permet de prendre conscience de notre présence dans un espace. La perception tactile passe par le corps, par le contact avec notre peau. Cela peut-être au niveau de nos mains sur une surface mais aussi au niveau de nos pieds constamment en lien avec le sol. Nous pouvons ressentir la vibration, la pression, le relief, la résistance, la température… La peau est une interface sensible avec le monde extérieur : l’eau de la pluie coule sur la peau, le vent fait frissonner, le rayonnement du soleil chauffe… Le toucher nous permet aussi de définir des degrés de proximité et d’intimité. Il nous permet de comprendre l’environnement qui nous entoure. Les parois suivant leur matérialité possèdent de nombreuses caractéristiques perceptibles par le toucher. La peau nous fait également ressentir la qualité de l’air ambiant, les phénomènes de mouvement de l’air. Ainsi, le sens du toucher est une pratique
corporelle
de
l’espace.
Nous arrivons à faire le lien entre différents étages en montant et descendant
les
escaliers.
Le
cheminement de nos pas forme une promenade architecturale articulant les
différents
Parent
et
l’implication
Paul
espaces. Virilio
physique
Claude abordent
nécessaire
dans la théorie de la « Fonction oblique » développée dès 1963. Le rapport
au
sol
est
fondé
sur
l’instabilité et le déséquilibre. Le corps participe donc pleinement à l’espace. La notion de gravité nous oblige à effectuer un effort. Le poids est ressenti et nous demande de compenser
musculairement pour
Source : Fonds Régional d’Art Contemporain
Croquis de Paul Virilio.
p 22
4. LE TOUCHER conserver l’équilibre. La prise de conscience du corps prend donc une acuité importante dans notre déplacement sur des plans inclinés. Le poids devient moteur. Monter une rampe demande de l’énergie et provoque un ralentissement du parcours. Descendre une rampe provoque une perte d’équilibre contrôlée et une accélération du parcours. Il y a un échange d’énergie constant entre le corps et son support. Le corps adhère de tout son poids à la surface inclinée. Ici, le sens du toucher est fondamental car il permet de se repérer et de définir les pentes, l’adhérence… La perception de soi-même dans l’espace passe par nos échanges d’énergie, la présence de poids, de centre de gravité… Le toucher nous permet alors d’expérimenter les différences de pression, de résistance, nécessaires pour ouvrir une porte ou bien attraper un objet. La sensation de légèreté ou de masse nous aide à comprendre et à nous situer dans l’espace environnant.
C. Le toucher ponctuel des mains. Le toucher à travers les mains passe par la manipulation de certains éléments nous permettant de nous tenir, de tirer, de pousser, d’avertir… Saisir une poignée, appuyer sur le bouton de l’ascenseur, tourner une clef ou bien pousser une porte sont des manipulations fonctionnelles du quotidien. Cette gestuelle fait partie d’un champ d’expérimentations et de découvertes. Le sens du toucher par nos extrémités telles que les mains nous laisse prendre possession d’un espace, nous l’approprier. C’est une façon de se rassurer, de se sentir en sécurité. En faisant un contact physique avec un élément, un objet, nous vérifions sa présence, sa forme, sa texture, son poids… de façon concrète. Lors de la montée d’un escalier, la main courante sert avant tout d’aide et de maintien au corps. C’est aussi un élément touché et agréable qui nous invite au parcours d’une ascension. La matérialité, les textures et les formes sont des éléments influents dans ce rapport qu’entretient l’homme et le monde à travers le toucher. Ce peut être dans des gestes de tous les jours pour un aspect fonctionnel mais aussi dans une recherche de sensualité, de bien-être. Il permet de nous situer, nous diriger tout comme de nous rassurer et de prendre soin. Les sensations qui lui sont liées peuvent être apaisantes, réconfortantes… p 23
4. LE TOUCHER Prendre plaisir à toucher les choses possède des bienfaits. Il arrive que nous soyons curieux en voulant ressentir la douceur d’un tissu, l’aspect lisse d’une surface, la finesse du sable… Manipuler les choses avec les mains permet de ressentir, de prendre possession, d’expérimenter et de découvrir.
Manipulation de l'argile.
Assemblage et définition du visage.
Lors d'un atelier d'art plastiques, j'ai eu l'opportunité d'expérimenter la matière par la réalisation d'un buste. La texture de l'argile nécessite un travail manuel avant de pouvoir modeler et former le portrait. Cette pratique illustre la perception du corps avec l'environnement. Lors d’une autre séance, nous avons pu créer un coffrage en plâtre afin de couler du béton. Ces différents procédés m'ont appris à manipuler la matière et à comprendre ses caractéristiques. Nous faisons de même avec nos maquettes. Celles-ci font appel à une dimension matérielle sensible et une
Résultat suite au décoffrage du béton.
vision globale de l’espace. p 24 Réalisation Personnelle
4. LE TOUCHER
D. Le toucher et les choix de matérialité. Les choix de matérialité et leurs mises en oeuvre modifient les ambiances des espaces et de ce fait, notre rapport aux choses. Le bien-être corporel passe également par la sensibilité tactile. La douceur des tissus, le moelleux des coussins, l’épaisseur des tapis ou encore l’élasticité des fauteuils participent à notre confort quotidien. Certaines matières peuvent être favorisées pour leur sensation tactile. Les matériaux naturels, par exemple, dégagent une certaine authenticité et une sensation de douceur. Nous pouvons en percevoir leur âge, leur origines… Les matériaux comme la pierre ou le métal quant à eux transmettent des sensations de fraîcheur. Le traitement des surfaces permet de modifier l’aspect du matériau, lisse ou rugueux, mat ou satiné… Leur mise en oeuvre est donc fondamentale dans la réflexion de la matérialité du projet. L’architecte Tadao Ando accorde beaucoup d’importance aux choix de matérialité. Cela fait référence à son enfance passée aux côtés d’artisans : verrier, menuisier, ferronnier… Dans ses projets, nous retrouvons une gamme de matériaux limitée et dont la texture est mise à nue. La pureté intensifie la qualité des espaces et ses intentions. Nous pouvons voir dès ses premières réalisations, des matériaux dont l’intensité est liée à ses souvenirs d’enfance. L’utilisation du béton brut en lien avec la lumière forme ses projets. Nous pouvons ressentir le bâtiment à travers notre corps. Au travers de formes simples, l’architecte vient révéler la matière par des jeux de lumière révélant des parois : lisses, bossées, vernies… l’aspect L’église de la lumière à Ibaraki, au Japon , a été réalisé en 1989. Nous apercevons un espace cubique simple dont le travail minutieux a été réaliser sur le traitement de la lumière suivant les parois en béton. Les matériaux sont bruts et mettent en valeur les ouvertures formant une croix. A travers ce travail, nous cherchons à retourner l’essence
aux et
choses
l’esprit
mêmes, du
à
matériau
retrouver tout
en
simplicité. La matière est d’avantage présente et sensible. Source : Archilio
Eglise de la lumière - Tadao Ando
p 25
SENSATIONS / 5. L'OUÏE A. L'ouÏE et la perception d'un espace. L’ouïe est omniprésente dans nos vies au quotidien. Elle participe à la compréhension des éléments qui nous entoure. C’est aussi ce qui nous permet d’interagir et d’échanger. La perception sonore est dépendante des éléments extérieurs, elle ne peut pas être controlée. Les informations sonores ne possèdent pas de filtre. Elles sont perçues par nos oreilles suivant différentes intensités. L’ouïe nous aide à définir l’espace et les rapports de distances entre notre corps et les sources sonores. Elle peut être un support d’orientation et de repère dans nos déplacements quotidiens et nous permet de nous situer dans l’espace-temps. La perception d’un espace sonore possède une dimension invisible et insaisissable. Le son est une vibration mécanique de la matière qui se propage principalement par l’air. L’espace est donc un vecteur de propagation du son. Dans nos projets, celui-ci se faufile et forme des vibrations qui se propagent dans les parois, murs, planchers, plafonds… Son traitement est donc primordial pour concevoir des espaces agréables à vivre. Et si nous étions à l’écoute de l’espace qui nous entoure ? Tentons cette expérience
ensemble
:
repérons
l’espace
qui
nous
entoure.
En
nous
l’appropriant nous pouvons former une bulle temporelle. Quels sont les sons qui m’entourent ? Quelles sont leurs intensités, leurs rayonnements…? Quelles sont les sonorités que je perçois en cet instant présent ? Le bruit des oiseaux, une voiture qui passe, les feuilles poussées par le vent, des travaux au loin, des passants discutant sur le parking... La perception d'un espace se forme à travers les sonorités. Lors d'une visite d'un chai viticole laissé à l'abandon à Sète, nous avons pu expérimenter l'espace à l'aide de l'ouïe. La hauteur sous plafond laisse les bruits montés aux étages. Les plateformes en métal retentissaient sous nos pas, laissant une empreinte sonore dans l'espace, le temps d'un instant.
p 26
5. L'OUÏE
Ce lieu si intriguant nous a menés jusqu'aux hautes cuves qui autrefois contenaient le vin. La résonance était si intense que nous avons voulu réaliser un enregistrement. Après s'être faufilés par une petite entrée, avec les éléments présents sur place, voici ce que nous avons pu percevoir : https://www.youtube.com/watch?v=aa9W0f7XkkM
La conscience du paysage sonore demande une écoute profonde de notre environnement. Cela nécessite de prendre le temps, de porter attention, d’apprécier les nuances parfois subtiles…
B. L'ouÏE, support de conception. Le traitement de l’ouïe permet de créer des limites abstraites entre les espaces, de définir des degrés d’intimité. Il existe une différence entre entendre et écouter. Nos oreilles entendent, notre cerveau écoute, le corps ressent les vibrations… Entendre est le moyen physique de percevoir les sons. Ecouter c’est porter de l’attention à ce qui est perçu. Nous pouvons apercevoir une certaine durée de latence entre ces deux qualités sonores. Il arrive que nous entendions quelque chose sans réellement l’écouter, les informations ne sont pas toujours entièrement saisies. Le temps et l’espace fusionnent en étants articulés par le son. Il fait apparaitre des temps de suspension, d’accélérations, des limites comme des continuités… Les sonorités se réfléchissent et se transforment dans l'espace. Dans la conception de projets, elles sont souvent une conséquence des choix constructifs et d'usages. La prise en compte de l'acoustique à travers l'isolation n'est pas suffisant pour traiter les ambiances sonores. Enregistrement sonore réalisé avec l'aide de Lucas Dory.
p 27
5. L'OUÏE
L'ouïe permet de définir des contrastes, des liens, des limites, une hiérarchie... La conception de projet peut prendre en compte les qualités sonores des espaces dans sa réflexion. Pour cela, il est intéressant de constituer un état des lieux du paysage sonore environnant. Quels sont les sons perçus, leur nature et leur intensité. Sont-ils à une plus-value ou bien un inconvénient ? Quel pourrait être leur traitement dans nos projets ?... En tant que support de conception, nous remarquons que les sonorités dépendent de nombreux facteurs. La Cathédrale Saint-Paul
à
Londres
propose
par
exemple, une relation sonore dans la "galerie des murmures". Réalisée par l'architecte Christopher Wren en 1697, elle s'inscrit dans un style classique et baroque. Son dôme culmine à 111,3
Plan de coupe
mètres de hauteur, soit 528 marches. Composé de 3 enveloppes imbriquées, celle que l'on aperçoit de l'intérieur est une coupole hémisphérique. La galerie située à 30 mètres de haut permet de circuler au niveau de la base de la coupole, sur toute sa périphérie. Son appellation "galerie des murmures" est due à la qualité sonore du lieu. Etant
Salle des murmures
située d'un côté de la coupole, nous pouvons chuchoter quelques mots à une personne situé à l'opposé de celle-ci, soit à plus de 34m de distance. Le son suit ainsi la courbe de la coupole de façon précise. La conception du dôme a ainsi
permis
d'apporter
des
qualité
sonores à un espace généreux par la réflexion du son contre la pierre voûtée. Source : Vanupied
Cathédrale Saint-Paul
p 28
5. L'OUÏE
C. L’ouïe et le traitement des parois. Notre confort quotidien dépend de la qualité des ambiances sonores. Le dimensionnement, le traitement des parois et l’échelle donnés à un espace influence notre perception du son. Nous avons tous déjà pu expérimenter un espace qui forme des échos comme les tunnels par exemple. Cela est amusant et parfois surprenant. Nous connaissons aussi ces espaces où les sonorités peuvent être trop bruyantes. Elles peuvent former un inconfort à notre bienêtre, une atteinte à notre sensibilité. La qualité acoustique d’une salle dépend de son volume, du dimensionnement, de la profondeur, de la géométrie et des proportions mais aussi des matériaux employés... Durant l'Antiquité, les Grecs concevaient déjà des théâtres adaptés à la propagation du son. Le public pouvait ainsi bénéficier d'une bonne écoute. La qualité acoustique peut être décrite suivant les sons perturbateurs ou agréables mais aussi, par le degré de silence. Le silence peut impressionner, intimidé... Il est généralement oublié dans nos vies au rythme effréné. Nous apprécions les espaces plus calmes auxquels nous associons des valeurs reposantes. De la même façon, un espace entièrement plongé dans le silence nous est inconnu. L'architecture peut traité l'acoustique de tel sorte que la qualité des sons soit la plus adaptée aux lieux d'écoute. Le traitement des parois possède des comportements distincts. Le premier, la réflexion du son de façon directe. Le matériau est dur ou lisse sur sa surface. Le second, l’absorption du son réduisant les vibrations. Le matériau est poreux et absorbant. Le troisième, la diffusion du son en le dispersant dans l’espace. Le matériau se compose d'irrégularités.
Propagation des ondes sonores dans un auditorium.
p 29 Source : "Pour la science", dossier hors série n°32, 2001.
5. L'OUÏE
Nous pouvons ainsi utiliser des matériaux réfléchissants pour améliorer la perception du son tels que la pierre, le polystyrène... Ainsi que des matériaux absorbants pour atténuer certains sons tels que la mousse, le bois, la moquette... La distance entre l'émetteur de la source sonore et le récepteur, tel qu'un public doit être suffisamment proche pour ne pas endommager la qualité du son. La réverbération doit être la plus courte possible. Le traitement des parois participe ainsi à la qualité sonore perçue par les spectateurs. La Philharmonie de Paris réalisé par Jean Nouvel en 2015 met en oeuvre une conception architecturale recherchant l'excellence acoustique. La grande salle Pierre
Boulez
propose
innovatrice, à la fois
une
forme
modulable et
enveloppante. La distance entre le chef d’orchestre et le dernier spectateur est
Propagation du son
de seulement 32 mètres. Le public entoure la scène et est englobé par le son. Les balcons asymétriques sont suspendus tels des nuages. Le volume est
arrondi,
sans
angle
droit.
Des
panneaux acoustiques en bois sont réglables en hauteur.
Salle Pierre Boulez - Philharmonie de Paris
D. L'ouÏE comme experience architecturale. Nous sommes acteurs et percepteurs des sonorités de notre environnement. Le silence est une source importante de questionnement dans la qualification d’un espace. Il nous permet de quantifier les sonorités perçues et d’en définir les contrastes, les tonalités. Le silence possède un apport apaisant et reposant pour un lieu. Il laisse la possibilité de nous recentrer avec nous-mêmes, de faire appel au souvenir. L’expérience architecturale atténue les bruits extérieurs, apaise les sources d’inconforts et de perturbations. Source : Philharmonie de Paris
p 30
5. L'OUÏE
Notre attention se porte d’avantage sur notre rapport à l’espace en tant que tel et la pleine conscience de notre existence dans cet espace. La réduction d’éléments perturbateurs nous laisse nous concentrer de façon efficace. Elle provoque une suspension temporelle durant laquelle nous pouvons prendre le temps de respirer, de souffler, de s’écouter intérieurement. Peter Zumthor aborde ses notions dans l'ouvrage "Atmosphères", page 29 : “ Ecoutez ! Chaque espace fonctionne comme un grand monument, il rassemble les sons, les amplifie, les retransmet. Ce processus dépend de la forme et de la surface des matériaux et de la manière dont ils sont fixés. ” Peter Zumthor Il réalisera les Thermes de Vals entre 1993 et 1996 afin de réinterpréter le rapport que l’homme entretient avec l’eau. Ce lieu se veut comme un espace de
ressourcement
et
d’apaisement.
L’expérience vécue fait appel à tous nos sens et tout particulièrement l’ouïe à travers le silence et une acoustique singulière de l'eau. Peter Zumthor offre des espaces pour le corps et l’esprit. La réverbération du son de l’eau contre les parois en pierre est perçue par le corps. Il conçoit des atmosphères suscitant l'émotions
à
travers
les
qualités
sensorielles de l’eau et de la matière. L'expérience
architecturale
se
veut
entière et envoûtante, en symbiose avec son paysage.
Thermes de Vals - Peter Zumthor
Ainsi, l'ouïe est un sens qu'il ne faut pas négliger dans la réalisation de nos projets. Celle-ci apporte tout autant de qualités et de confort à l'usager. L'architecte doit composer avec l'environnement et le contexte afin d'apporter des réponses adaptées tout en valorisant les atouts existants. Source : Divisare, photo réalisées par Fabrice Fouillet
p 31
CONCLUSION /
A travers ce rapport, nous avons pu comprendre la relation entre l'architecture et nos perceptions sensorielles. Nous avons également abordé un regard personnel sur la place accordée à la matière, dans ses différentes mises en oeuvres lors de la conception d'un projet. Ce regard nous permet de conclure sur différents points et sur les possibilités que nous, futurs architectes, avons en main. Dans un premier temps, tous nos sens possèdent des perceptions variées. Chaque
personne
étant
unique,
les
perceptions
sensorielles
restent
individuelles, personnelles et singulières. C'est ce qui apporte toute la richesse dans nos échanges et dans la qualité des atmosphères que nous occupons. L'espace architectural est perçu à travers tous nos sens confondus. Ces derniers sont intimement liés et ne peuvent être considérés les uns indépendamment des autres. Ainsi, l'architecte dans sa réflexion du projet doit composer avec chacun de ces sens. La richesse d'un lieu dépend donc des échanges apportés par chacun d'entre eux. Les espaces aux qualités multiples, favorisant le bien-être et le confort de l'usager sont des espaces qui offrent une approche multi-sensorielle. Dans cette réflexion, nous comprendrons que chacun de nos sens n'est pas identique. De ce fait, certains sont plus compliqués à traiter ou à appréhender sans avoir les connaissances suffisantes. Il convient dès lors d'être entourés de spécialistes ou de faire appel à ceux qui le maîtrisent. Dans un second temps, nous avons vu que la matière pouvait faire bénéficier le projet de nombreuses qualités spatiales et sensorielles. La matière possède avant tout, une importante diversité d'utilisation et de composition à de multiples échelles. Sa mise en oeuvre propose bon nombre de possibilités, toutes très intéressantes à étudier lors de la conception du projet. La matière définit un projet. Elle est un élément indispensable à prendre en compte dans les premières phases d'esquisse et de réflexion. Elle permet de définir l'identité du projet, ses usages, son principe structurel, ses dimensions sensorielles, ses atmosphères...
p 32
Comme nous l'avons évoqué, les matériaux possèdent un lien proche avec nos expériences personnelles, notre vécu corporel, nos souvenirs. La perception reste parallèlement une notion subjective dépendante de chacun d'entre nous. Elle est aussi un langage architectural. L'architecte compose avec la matière, l'utilise comme un outil. Nous pouvons la situer entre technique et art. Elle intervient à la fois pour la structure et les notions d'ingénierie que pour l'esthétisme, la forme et les qualités plastiques. La richesse de la conception de nos projets est donc vaste. La matière est aussi accessible à tous sur différentes échelles. Elle permet l'expérimentation et le travail de recherche, c'est une ressource qui possède d'importantes propositions. Finalement, nous pouvons dire que l'architecture doit avant tout être vécue. Nous concevons des projets pour de futurs occupants auxquels il est essentiel de capter leur sensibilité à travers les sens. En adéquation avec leurs attentes et leurs ressentis, les idées prennent forment, font écho, s’échangent et s’enrichissent mutuellement. En tant qu'étudiante en architecture, j'apporterais dorénavant d'avantage mon attention sur les qualités sensorielles du projet en lien avec ses usagers. Celui-ci n'est plus une forme "construite" mais une forme "sensible" et "perçue" par les corps qui l'animent. Au travers de mes recherches, j'ai pu élargir mes connaissances et enrichir ma vision de ce que représente l'architecture. Le sujet de ce rapport , bien que vaste et en perpétuelle évolution m’a permis d’appréhender une nouvelle façon d’approfondir l'architecture. Cela m'a aidée à porter un nouveau regard et à éveiller ma curiosité, toujours plus active pour ce sujet.
p 33
RESSOURCES / PROJETS REFERENTS - Le Modulor, Le Corbusier. - Portrait of Ross, Felix Gonzalez-Torres, artiste. - Fondation Cartier, Jean Nouvel. - Cartes Olfactives, Kate McLean, archiviste olfactive. - Chapelle Bruder Klaus, Peter Zumthor. - Jardin Thérapeutique de Nancy, Thérèse Jonveaux. - La fonction oblique, Claude Parent & Paul Virilio. - Eglise de la lumière, Tadao Ando. - Cathédrale Saint-Paul, Christopher Wren. - Philharmonie de Paris, Jean Nouvel. - Thermes de Vals, Peter Zumthor.
BIBLIOGRAPHIE - Peter Zumthor, Atmosphères, Edition Birkhauser, 2006. - Marc Crunelle, Intentionnalités tactiles en architecture, Edition Scripta, 2011. - Philippe Rahm, Météorologie des sentiments, Editions Les Petits Matins, 2020.
SITOGRAPHIE - Matière(s) à sensation : https://www.fraccentre.fr/upload/document/pedagogique/2018/FILE_5b07ff73cae9c_180411_peda_ matieres_a_sensation_bd.pdf/180411_peda_matieres_a_sensation_bd.pdf
- Article sur Antoine Picon : https://journals.openedition.org/imagesrevues/6815
- Fondation Le Corbusier : http://fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx? sysId=13&IrisObjectId=7837&sysLanguage=frfr&itemPos=83&itemCount=216&sysParentName=&sysParentId=65
- Article sur Team 10 : http://www.team10online.org/team10/meetings.html
- Entretien avec Kate McLean : https://www.foldmagazine.com/sensorymaps#:~:text=Kate%20McLean%20is%20an%20artist,complex%2C%20ultra-stylish%20maps.
p 34
SITOGRAPHIE - Les parfums dans l'Orient : https://eem.hypotheses.org/542
- Entretien avec Thérèse Jonveaux : https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/therapie/les-jardins-therapeutiques-restaurent-les-rythmesbiologiques-16801.php
- Article "Quand le jardin soigne et apaise" : https://plus.lefigaro.fr/page/marc-mennessier
- La fonction oblique : https://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/architecture-principe/la-fonction-oblique64.html?authID=10&ensembleID=30
- Réflexions sur la matérialité : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02314783/document
- Salles des murmures à Londres : https://www.vanupied.com/londres/monument-londres/cathedrale-saint-paul-londres.html
- Philharmonie de Paris : https://decouvrir.philharmoniedeparis.fr/fr/philharmonie
CONFÉRENCES - Antoine Picon : La matérialité en architecture https://www.youtube.com/watch? v=4QiiFIVbJ1k&list=PLMnnnWZhEGss8jeQ47EWYpNyN3hVVWpSG&index=3&t=2893s
- Mickael Labbé : Des corps de l'architecture https://www.youtube.com/watch?v=ph5RbSVP1kI
- Kate McLean : Visiter la ville https://www.youtube.com/watch?v=Y1a9rJHe0NE&t=205s
- Pauline Oliveros : The difference between hearing and listening https://www.youtube.com/watch?v=_QHfOuRrJB8
TRAVAUX PERSONNELS - Arts Plastiques, E.ETIENNE Réalisation d’un buste par l’utilisation de trois matériaux différents : argile, plâtre et le béton. - Enregistrements de sonorités Bande sonore expérimentale lors de la visite d'un chai viticole à Sète. p 35
Merci de votre attention.
LUCILE MOULIN lucile.1.moulin@gmail.com