École nationale supérieure d’architecture de Paris Val de Seine Domaine d’étude envisagé pour le Master : D.E. Écologies
Quel est l’utilité du végétal dans le projet architectural ? Le cas de la tour M6B2
Rapport de fin de cycle de Licence de Lucile PERRIN Sous le tutorat de Mme Aurore REYNAUD Soutenu en 2017
Couverture de « Nature au cœur de l’architecture », Nda magasine, 2017, Numéro 28, 160 p.
Introduction
La tendance contemporaine d’une omniprésence végétale dans une très grande partie des
projets architecturaux contemporains a inspiré le sujet de mon étude. Aujourd’hui la présence de végétal revient de plus en plus souvent dans une grande partie des projets architecturaux. L’intérêt de traiter du végétal et de son rôle dans un projet est provoqué par plusieurs raisons que je traiterai telles que l’écologie, le développement durable, l’esthétique ou son rapport à l’homme. Il suffit d’ouvrir n’importe quel magazine architectural pour se rendre compte de la forte présence d’éléments végétaux (voir ci-contre).
Depuis que je suis à l’école d’architecture de Paris-Val de Seine (2014), je circule beaucoup
dans le quartier Masséna. Des architectures telles que les bâtiments autour du jardin Biopark ou la tour M6B2 d’Édouard François m’ont toujours questionnés sur l’utilité de cette omniprésence végétale avec laquelle ils se caractérisent. Ce courant contemporain qui ajoute de nombreux éléments végétaux dans toutes sortes de projets montre bien une nouvelle tendance dans le domaine architectural. Cette observation quotidienne m’a menée à me poser les questions suivantes : Pourquoi la végétation prend-elle de plus en plus d’importance dans l’architecture aujourd’hui ? De quelle façon cela se traduit-il ? L’intérêt du végétal en architecture est-il purement esthétique ? Qu’apporte-t-il au bâtiment ? Le but de cette étude sera de déterminer quel est l’intérêt de l’utilisation du végétal de la théorie à la pratique dans le projet architectural ?
Ces aspects n’ont été que peu abordés durant l’enseignement que j’ai suivi. Des notions
d’environnement, de développement durable, de biodiversité ou de thermique ont éveillé mon intérêt pour ces domaines grâce aux quelques cours dispensés à ce sujet durant mon cursus en licence tels que des cours d’ambiance, de confort thermique ou d’enjeux environnementaux. Cependant mes connaissances sont encore insuffisantes à mon goût. Je souhaite en apprendre plus et développer mes acquis sur ces questions, c’est pourquoi étudier ce thème me semble approprié et guidera mon cursus vers le Master Écologies.
Mon étude sera appuyée sur un corpus de lectures, d’articles, de travaux d’étudiants et d’ob-
servations ainsi que sur la réalisation d’entretiens auprès de professionnels pratiquants et d’habitants qui permettront de l’ancrer dans la réalité et non pas seulement de réaliser un travail théorique. Je vais tout d’abord exposer l’utilité théorique du végétal dans le projet architectural en analysant les enjeux contemporains et les apports qu’il peut permettre. Des entretiens avec des architectes et/ ou paysagistes, me donneront ensuite la possibilité de comprendre la pratique des professionnels par rapport au végétal. Enfin, l’étude de cas de la tour M6B2 d’Édouard François dans le quartier Masséna que je fréquente beaucoup me permettra d’illustrer les différences dégagées auparavant entre théorie de l’intérêt du végétal et réalité pratique.
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I. Approche théorique de la végétalisation 1) Définition des mots clés
Afin d’être claire sur les mots employés au long de ce rapport, il me parait indispensable
d’en définir les mots clés pour ne pas sembler trop générale dans l’utilisation de termes génériques.
« Végétalisation (n.f.) : Reconquête par des espèces introduites ou naturellement présentes
dans le milieu naturel des terrains dénaturés par l’action de l’homme ou suite à des catastrophes naturelles »1. Pour mon étude, il s’agit de questionner l’intérêt de réintroduire de la végétation dans le milieu de vie humain, en l’occurrence dans l’architecture.
« Ecologie (n.f.) : Science ayant pour objet les relations des êtres vivants avec leur environ-
nement ainsi qu’avec les autres êtres vivants »2. L’architecture écologique peut permettre de comprendre comment, en réintroduisant le végétal dans l’habitat humain, leurs relations peuvent être bénéfiques à chacun. Le végétal peut participer à l’amélioration de l’environnement de l’homme. Ainsi l’architecture végétale semble être une des solutions au problème environnemental qui nous touche aujourd’hui. 02 | 41
« Théorie (n.f.) : Ensemble organisé de principes, de règles, de lois scientifiques visant à
décrire et à expliquer un ensemble de faits »3. Je vais déterminer les apports de la végétalisation tels qu’ils sont prévus et conçus, et ensuite les comparer aux apports réels que peuvent observer les professionnels du métier et comment ils les utilisent.
2) Un enjeu environnemental
L’environnement est un enjeu majeur de notre époque. En effet, dans un contexte de ré-
chauffement climatique et d’épuisement des ressources dont la Terre dispose, il est nécessaire de trouver des solutions durables. Le secteur du bâtiment en est un des principaux acteurs : « En 2012, ce secteur a généré 247 millions de tonnes de déchets en France et au niveau de l’Union Européenne, il représente 33% de la production totale de déchets »4. C’est pourquoi il me paraît primordial d’agir dès la conception de l’architecte. La végétalisation semble apporter des qualités techniques en matière de thermique, d’isolation, ou de gestion des eaux qui pourraient remplacer des solutions utilisées aujourd’hui souvent moins écologiques. C’est ce que je vais étudier dans la partie suivante. Définition de Actu-Environnement.com, 2003-2017 Définition du Larousse, 2017 4 LAURENT Anna, 16 décembre 2015. «Le BTP, secteur champion d’Europe de la production de déchets», France info 1
2, 3
3) Apports techniques du végétal
Les problématiques dues à la pollution urbaine et le nouvel intérêt pour la nature et les es-
paces verts favorisent l’émergence de nouveaux types d’espaces urbains. Aujourd’hui, l’espace vert est devenu un moyen de maîtriser la croissance des villes, ou du moins d’en compenser les effets négatifs (ex : pollution, densité extrême ou îlots de chaleur).
Le problème de la pollution de l’air est très répandu dans les grandes villes et représente
l’objet de multiples discussions et réflexions sur les manières de le résoudre ou a minima le diminuer. Les plantes ont la faculté d’agir sur certains polluants et ainsi d’améliorer la qualité de l’air. C’est ce qu’on appelle le processus de photosynthèse (Fig. 1). Les feuilles des plantes ont également la capacité de filtrer des particules de poussière. Le verdissement urbain a donc le potentiel de diminuer la pollution au CO2 et d’ainsi améliorer la qualité de l’air. Bien sûr, à l’échelle d’un projet architectural, l’effet d’une végétalisation est insuffisant pour régler le problème urbain. Il serait nécessaire de végétaliser de grandes surfaces pour que l’action soit efficace.
La végétation a aussi la capacité de réguler le climat. Grâce à Energie lumineuse
l’évapotranspiration (Fig. 2), elle représente une source d’humidité capable de réguler la température environnante. De cette façon, introduire
Oxygène (O2)
Dioxyde de carbone (CO2)
du végétal en milieu urbain peut permettre de diminuer l’effet d’îlot de chaleur (Fig. 3) : « L’îlot de chaleur urbain est un effet de dôme thermique, créant une sorte de microclimat urbain où les températures sont
Eau (H2O)
03 | 41 Minéraux
Fig. 1 Photosynthèse
significativement plus élevées »1. Ce phénomène a plusieurs origines
Transpiration
dont l’une d’entre-elles est causée par les grandes surfaces minérales qui stockent les radiations du soleil le jour et limitent ainsi le refroidis-
Évaporation
sement de l’atmosphère urbaine la nuit. A ce sujet, la végétation créé de l’ombre et évite ainsi aux surfaces minérales d’absorber les radiations solaires. Le boisement est également un masque naturel saisonnier pour
Eau (H2O)
Fig. 2 Évapotranspiration
limiter le rayonnement solaire. De fait, à première vue, la végétalisation d’un bâtiment peut paraître insignifiante à l’échelle urbaine. Cependant si l’effet de végétalisation se généralise, il peut influencer la température en milieu urbain.
Le végétal peut contribuer à l’isolation thermique du bâtiment. Cependant cet effet est
très inconstant car le végétal est vivant et donc suit une saisonnalité. Ce qui peut permettre d’isoler une paroi d’un mur végétal est le substrat, c’est-à-dire les racines et les éléments organiques, c’est la partie à peu près constante du végétal. Le reste du végétal (le feuillage) vit et meurt donc on ne peut
Définition de VALETTE Emmanuelle et MAGDELAINE Christophe, 2014, Îlot de chaleur urbain, notre-planète.info http://www.notre-planete.info/terre/climatologie_meteo/ilot-chaleur-urbain.php# 1
pas considérer cette partie comme isolante car elle est inconstante. En été, il sert tout de même à absorber le rayonnement solaire ce qui influence la performance thermique du bâtiment. Cette couche substrat peut également agir comme tampon pour protéger le bâtiment en cas de vents violents ou froids notamment en hiver.
Le substrat, la terre, peut créer une action tampon pour les bruits d’impacts tandis que le
feuillage peut plutôt amortir le son. Cependant, tout comme pour l’isolation thermique, cet effet est variable.
Enfin, pour ramener de la biodiversité en milieu urbain, il faut créer de la continuité des
milieux par des trames bleues ou vertes. L’enjeu est de constituer une réserve de biodiversité qui fait qu’on aura une relative continuité des milieux. Un hectare d’espace vert a un périmètre d’influence de 200m1. Ainsi il faut créer des corridors écologiques qui contribuent à la dispersion des espèces animales et végétales dans le milieu urbain. Les façades et les toits végétaux constituent d’excellent réservoirs de biodiversité dans la mesure où ils ne sont pas accessibles par l’homme. Ainsi la création de multiples tâches « vertes » dans la ville peuvent redonner une continuité des milieux, ramener de la biodiversité en ville et limiter l’étalement urbain. 04 | 41
Le végétal semble avoir de nombreuses qualités dans le projet architectural mais pas seule-
ment : également à l’échelle de la ville. Qu’en est-il des bien-faits qu’il peut apporter à l’homme en tant qu’être vivant ?
Fig. 3 Coupe de visualisation des températures en 2008 pour une nuit de canicule. Groupe DESCARTES - Consultation de recherche et développement de l’agglomération parisienne, 02/2009
4) Apports sensibles de la végétation pour l’Homme
Selon le biologiste Edward O.Wilson2, l’être humain a un enclin naturel à chercher un
contact avec le monde naturel. Il s’agit d’une affinité innée qui se développe avec le monde vivant dans la mesure où l’homme lui même fait partie de cette catégorie. Cette association cacherait ses origines dans la longue histoire de l’évolution humaine. De fait, la nécessité de retrouver du végétal dans la ville et les projets architecturaux dépend du besoin de satisfaction esthétique, émotionnelle, cognitive et spirituelle. L’homme a un besoin de nature éloquent, qui l’amène à vivre pleinement avec elle. Ainsi les architectes et paysagistes ne doivent pas se réduire à concevoir l’esthétique mais une sensation de bien-être, question essentielle au développement humain. On se rend compte petit D’après LAGURGUE Xavier, 17 avril 2017, La nature dans la ville - Quelle biodiversité en milieu urbain ?, conférence organisée par l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Val de Seine, Paris 13e arr, 2017 2 Voir citation en annexe de LAMBIN Éric, 2009. Une écologie du bonheur. Le Pommier, 354 p. 1
à petit du besoin de la présence d’espaces végétalisés dans un milieu urbain pour conditionner le bien-être naturel de l’homme. Cette nécessité peut également être travaillée à l’échelle du projet architectural en y intégrant du vivant.
Le végétal influence les sentiments et émotions de l’homme. Par ses qualités physiques,
formelles, sa couleur, son odeur, son mouvement et sa complexité, le végétal conditionne des qualités d’ambiances particulières. Un travail du végétal dans un projet architectural peut découler d’une prise de conscience de l’architecte des bénéfices psychologiques que procure le végétal chez l’homme.
L’homme n’est pas insensible à la présence de végétation en architecture car il entretient
un lien étroit avec le vivant. La végétation influence la psychologie humaine mais quels en sont les effets visuels ?
5) Apports visuels de la végétation pour l’Homme
Le végétal, en tant qu’élément physique, a une influence sur la perception spatiale des es-
paces. Il peut être vu comme un élément architectural au même titre qu’un mur ou qu’une fenêtre. Si elle est dense, la végétation créé une masse et peut donc s’apparenter à un mur ou un bâtiment opaque. Elle peut également cloisonner des espaces comme le font les haies par exemple. Elle a donc le potentiel d’être utilisée en tant que structure de l’espace ou marqueur de limites1.
La fonction ornementale du végétal influence l’esthétique de la ville et du bâtiment. On
assiste de nos jours à la création d’une esthétique de l’écologie. Le « vert » est à la mode. Avec la « façade verte », il n’est plus question d’inventer un meilleur mode de vie pour les usagers, mais de leur proposer simplement l’image d’une façade originale. Ainsi le végétal n’est utilisé dans cette pratique comme un objet, uniquement pour sa valeur décorative, sans considérer qu’il s’agit d’un être vivant. Certaines entreprises verdissent leurs façades et se donnent une image respectueuse de l’environnement, hors l’insertion de la végétation est principalement utilisée comme un simple placage ou camouflage architectural. Elle est un moyen de faire disparaître un bâtiment derrière une façade végétale, de l’intégrer complètement à un environnement ou de le dissimuler dans un paysage.
La végétalisation représente une manière de donner de l’originalité à un projet conduisant
parfois à la renommée de l’architecte comme celle d’Édouard François par exemple. De plus en plus d’architectes réalisent des bâtiments qui relèvent de la seule image, d’une image séduisante, en oubliant les impacts sociaux, le contexte environnemental, culturel et historique du projet. Les médias font la promotion de ces œuvres sous l’angle du spectacle esthétique et de la « tendance » au détriment d’une architecture de meilleure qualité mais plus tranquille. Les architectes qui Voir citation en annexe de MARRY Solène, DELABARRE Muriel, mai 2011. « Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], Volume 11 numéro 1, 15 p. 1
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s’inscrivent dans cette société et ce culte de l’image ne font qu’exprimer leurs individualismes pour tenter d’élever leur production au rang d’œuvre d’art. Le plan et la coupe, outils universels, sont aujourd’hui en marge dans les présentations de concours, dans les revues et livres d’architecture, remplacés par des images de synthèses qui laissent une large part à l’aléatoire et à la séduction (voir l’exemple d’une planche de concours en annexe).
Les traitements végétaux dans un projet architectural font appel à l’image d’un projet
« écologique » dans l’inconscient populaire, c’est un effet de marketing écologique (voir ci-contre des lauréats du concours Réinventer Paris en 2016). Ainsi le choix de concevoir des aménagements végétaux peut être fait seulement dans le but de lui conférer une image politiquement correcte. Cependant, lors de la réalisation d’un projet, le plus souvent pour des raisons financières, tout ce qui est surplus, et le végétal est souvent considéré comme tel, est fortement réduit voire disparaît. L’opération de séduction fonctionne mais la réalisation n’est pas toujours à la hauteur du projet en terme de végétalisation, comme par exemple pour les bâtiments autour du jardin Biopark dans le 13ème arrondissement de Paris. Les premières intentions de réintroduction de biodiversité en ville et d’amélioration de l’environnement urbain sont même quelques fois laissées de côté au profit du reflet d’une image de marque.
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6) Conclusion
Cette première partie m’a permis d’établir les multiples atouts que peuvent apporter les
diverses utilisations du végétal dans le projet architectural. La nature de demain ne sera plus faite de béton, de verre et d’acier, mais sera composée de nature artificielle qui essayera d’accroître la qualité de vie des habitants. Cependant, toutes ces utilisations variées peuvent-elles réellement s’appliquer aujourd’hui ? N’est-ce pour l’instant encore qu’une utopie ? Qu’en pensent les professionnels ? Comment travaillent-ils la végétation aujourd’hui ?
Les images ci-contre de projets lauréats sont issues du site internet de Réinventer Paris : www.reinventer.paris
Projet Paris - rive gauche, X-TU, Paris 13e, 03/02/2016
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Projet Eole-Evangile, TVK Architectes, Paris 19e, 03/02/2016
Projet Ternes-Villiers, FERRIER et DALIX, Paris 17e, 03/02/2016
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II. Approche pratique des professionnels par rapport à la végétalisation 1) Présentation de la méthode d’entretien
Dans cette seconde partie, je m’intéresse au regard des professionnels sur l’utilisation du
végétal en architecture. Pour cela, j’ai élaboré une liste de dix questions détaillées en annexe. Le but de ce questionnaire est d’en apprendre plus sur la pratique des professionnels, leur vision du végétal dans le projet architectural et de comprendre quels sont les conditions et intérêts de l’utilisation du végétal dans leur pratique. J’ai à la fois envoyé des mails à plusieurs agences d’architecture qui font également du paysage afin qu’ils puissent me répondre directement par mail et à la fois demandé à faire des entretiens oraux avec, notamment, des architectes travaillant à l’école pour raisons de praticité.
Ainsi, j’ai effectué deux entretiens avec Mme Elizabeth Mortamais et M. Edouard Fran-
çois1. J’ai choisi des architectes qui ont un fort lien avec le végétal puisque l’une est à la fois architecte et paysagiste et l’autre est reconnu pour ses bâtiments végétalisés. Cela me permet de comparer ces points de vue et d’en extraire les convergences et divergences. L’approche théorique du végétal se vérifie-t-elle dans la pratique des architectes ? Qu’en pensent-ils ? Le premier entretien était enregistré avec un dictaphone et retranscrit ensuite. Le second était un échange par mail. Les deux entretiens et leur contexte sont disponibles en annexe.
Afin de clarifier les résultats de l’étude, je choisis de les classer par thèmes en reprenant ceux
de la première partie : les apports techniques de performance du végétal, les apports sensibles et les apports visuels.
2) Résultats de l’étude des apports techniques - Performances techniques
L’entretien de Mme Mortamais souligne l’efficacité de la végétalisation pour ses atouts
thermiques naturels car les végétaux permettent de rafraîchir l’atmosphère grâce à l’évapotranspiration : « on plante des arbres devant une façade plein sud de manière à ce qu’en été il y ait une partie de l’ombre des arbres qui rafraîchisse l’atmosphère ». L’utilité du végétal comme protection solaire apparaît aussi comme dispositif efficace. Elle a conscience de l’influence des dispositifs végétaux non-seulement à l’échelle du projet mais également à l’échelle urbaine. Cependant elle croit
1
Voir les biographies, entretiens complets ainsi que leur contexte en annexe.
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à l’intérêt du végétal pour ce qu’il est lui-même et nie l’intérêt des « techniques extrêmement sophistiquées » d’utilisation du végétal par rapport à des dispositifs plus simples à mettre en place et produisant de meilleurs effets : « Je ne crois pas à la vertu d’isolation directe. Au lieu de mettre du polystyrène ou de la laine de verre on met du végétal c’est une vision un peu raccourcie quoi. C’est pas forcément mieux, c’est juste politiquement correcte aujourd’hui ». - La végétation, un facteur de biodiversité
Selon les interrogés, le végétal est un réel facteur de biodiversité puisqu’il ramène en ville
des espèces qui l’avaient quitté, quelles soient végétales ou animales et cela de manière naturelle et durable : « Grâce à ses vertus exceptionnelles, la moindre graine apportée par les vents y explose » ; « c’était l’occasion de contribuer à la régénération de la biodiversité parisienne » ; « Grâce à sa hauteur, la tour permet aux vents de diffuser des graines de rang 1 (= des graines sauvages, qui n’ont jamais subi les engrais) dans son environnement immédiat ». Cependant, comme l’explique Mme Mortamais, cela n’est pas forcément bénéfique pour les usagers puisque l’augmentation de la présence d’insectes notamment peut déranger : « Un jour j’étais dans un magasin du BHV où avait été réalisé un mur végétal et les fenêtres étaient ouvertes et les employés disaient ‘‘c’est infernal on est envahi par les insectes’’» ; « à ma deuxième visite, c’était déjà couvert de moucherons et de bestioles ». 10 | 41
3) Résultats de l’étude des apports sensitifs - Rapport de l’homme au végétal
Les professionnels s’accordent sur l’importance du végétal pour le bien-être de l’homme. Il
existe « un lien intime avec le végétal ». Le végétal est quelque chose de vivant qui a donc un rapport particulier à l’homme. Selon Mme Mortamais, l’utilisation du végétal doit engager à des pratiques : « Il faudrait qu’il y ait des moyens d’intégrer le végétal non comme une décoration mais comme quelque chose qui engage à des pratiques », créer un véritable « rapport d’usage ». Ils partagent l’idée qu’il y a une vraie demande d’espaces verts dans le domaine public. La réflexion architecturale doit être appuyée sur ce besoin humain pour renforcer le contact entre l’homme et la nature à travers le végétal : « il y un vrai désir de nature en ville, durable et éthique ». - Facteur d’ambiances et de qualité environnementale
Le végétal est un vrai facteur pour améliorer l’ambiance et la qualité d’un environnement.
« Il apporte une certaine complexité, un végétal, un arbre, c’est beaucoup plus complexe qu’un bâtiment dans sa forme, sa silhouette, la façon dont il pousse » que les formes architecturales ne peuvent égaler. Il apporte « de la diversité esthétique car c’est complexe ». Cependant, l’utilisation du végétal doit correspondre au contexte et ne peut donc pas être utilisé n’importe quand au risque d’être un échec, de ne pas créer l’ambiance voulue mais plutôt de susciter les questionnements :
« La végétalisation d’un projet n’est pas systématiquement justifiée ».
4) Résultats de l’étude des apports visuels - Rôle d’ornement L’utilité du végétal en tant qu’élément visuel, vivant, qui se transforme et qui se change en fonction des saisons représente un atout dont les architectes sont bien conscients. Le végétal n’est jamais statique. Les praticiens ne nient pas les valeurs esthétiques du végétal comme ornement au service du projet mais ils soulignent leur désaccord quand il est utilisé seulement comme élément décoratif. Ils trouvent dommage que le végétal n’intègre pas la dimension de l’usage : « Il faudrait qu’il y ait des moyens d’intégrer le végétal non comme une décoration mais comme quelque chose qui engage à des pratiques » ; « Quand j’étais étudiante en paysage, on disait ‘‘les architectes utilisent les arbres pour orner les façades sans comprendre’’, on était très critique » ; « Le grand mur végétal de Blanc a beaucoup plu aux architectes et qui, en fait, était un objet très complexe, un objet décoratif très très complexe » ; « Il y a des effets de mode qui font que le végétal est pensé comme une décoration ». - Le traitement de l’image et l’effet de marketing écologique
Les architectes critiquent l’utilisation du végétal comme effet de marketing, d’architecture «
verte » : « pour eux l’écologie c’est le vert mais c’est pas ça du tout » ; « L’objet (mur végétal) a eu un développement industriel » ; « Sous couvert de faire du développement durable, on a des groupes industriels qui ont pris des brevets ». Ce qui est important pour eux est d’avoir une vraie réflexion quand il s’agit de mettre de la végétation. Ils estiment que la mode d’aujourd’hui va à l’encontre de leur logique puisqu’il s’agit du mettre du végétal pour mettre du végétal sans prendre en compte sa véritable utilité : « Le mot MODE est très important parce qu’il faut faire attention à la facilité de l’usage du végétal » ; « Il y a une mode, donc il va y en avoir de plus en plus. Regardez Réinventer Paris, c’est choucroute à tous les étages ». La présence végétale est également sur-valorisée par le public.
5) Conclusion - Contraintes liées au coût, à la mauvaise conception et à l’entretien Le coût de dispositifs végétaux semble être une contrainte récurrente qui empêche la volonté des concepteurs de végétaliser des parties d’un projet malgré les atouts que cela peut avoir : « Une fois que le projet s’amorce, tout ce qui est surplus, et le végétal en est, se réduit au fur et à mesure parce que le projet devient difficile à gérer du point de vue financier donc en général on ne met pas forcément les moyens qu’on avait imaginé au départ » ; « Le problème c’est que souvent les
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architectes qui dessinent ces projets ne connaissent pas les plantes, ils ne les aiment pas vraiment. Donc elles disparaissent au fur et à mesure des phases du projet, et à la livraison il n’y en a plus ». Cela semble pourtant être un investissement rentable à long terme. Le second problème majeur est la mauvaise conception quand il s’agit de mettre du végétal (trop peu de lumière, plantation sur une façade au nord) qui font que ces tentatives de végétalisation échouent. Enfin, la nécessité de maintenance et d’entretien très régulier qui engendre un surcoût est encore une autre des raisons qui expliquent souvent l’échec des projets végétalisés : « Pourtant 3/4 d’entre eux ne fonctionnent pas parce qu’ils demandent énormément de soins et d’entretien » ; « la deuxième fois que j’ai vu ce mur végétal, il était déjà en train de s’abîmer beaucoup parce que ça demande énormément de soins ».
Les entretiens avec ces professionnels ont confirmé qu’ils considèrent les nombreuses uti-
lités du végétal dans leur travail : aussi bien pour ses performances techniques, pour son rapport intime à l’homme et également pour ses qualités visuelles. Si le végétal semble avoir plusieurs utilités et être au service du projet selon ces paramètres, on peut se demander pourquoi n’est-il pas utilisé dans tous les projets ? On observe que son utilisation est complexe et soumise à de nombreuses contraintes qui sont parfois trop importantes par rapport à la volonté des concepteurs de végé12 | 41
taliser leur projet. Des problématiques de contexte (facteur primordial, c’est lui qui détermine le besoin ou non de végétaliser un projet architectural) s’appliquent aussi au questionnement. En effet l’utilisation du végétal implique un coût supérieur à celui d’un projet non végétalisé, nécessite une connaissance complexe en botanique et un entretien non négligeable sans quoi, comme dans de nombreux exemples, la végétalisation est un échec.
Je peux souligner que certains aspects théoriques n’ont pas été abordés par les architectes
dans leurs entretiens tels que l’amélioration acoustique, le rôle spatial ou le rôle de camouflage de la végétalisation. Peut être est-ce parce que ces thématiques ne sont pas prises en compte dans leur pratique ou bien qu’ils ne les trouvent pas primordiales ? Peut être est-ce également par manque de temps ou par pauvreté du nombre de praticiens interrogés ?
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Photographies de Pierre L’EXCELLENT, photographe d’architecture - 08/2016 - Tour M6B2
Photographies personnelles - 21/04/2017 - 38 Boulevard du Général d’Armée Jean Simon - Tour M6B2
III. Étude de cas : la tour M6B2, un projet de biodiversité 1) Explication du choix du cas d’étude et de la méthode
Depuis que je suis à l’école d’architecture de Paris-Val de Seine (2014), je circule beaucoup
dans le quartier Masséna. Des architectures telles que la tour M6B2 d’Édouard François (achevée en 2016) m’ont souvent questionnés sur l’utilité du végétal dans de tels bâtiments. C’est pourquoi j’ai choisi de consacrer cette dernière partie de mon rapport à une étude de cas concernant cette tour. L’objectif est de comprendre pourquoi l’architecte a choisi d’intégrer le végétal dans ce projet de manière si abondante. Lors de mon travail de terrain le 21 avril 2017, j’ai été très chanceuse puisque j’ai pu parler avec le gardien du bâtiment qui m’a fait visiter un appartement témoin au troisième étage de la tour. J’ai pu ainsi me rendre compte personnellement de l’effet que produit le grillage sur lequel devraient agripper les plantes à l’avenir et qui m’interrogeait particulièrement vu de l’extérieur. Enfin, cette visite m’a permis de discuter avec une famille croisée sur le palier de leur appartement de façon informelle et sans pouvoir enregistrer l’échange.
2) Présentation de l’architecte Edouard François
Pour comprendre pourquoi l’architecte Edouard François est arrivé à ce type de conception
il me semble important d’en faire une brève présentation. Ancien élève de l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris et de l’École Nationale des Ponts et Chaussées, il est architecte et urbaniste depuis 1986. Il créé sa propre agence d’architecture, d’urbanisme et de design en 1998. Sa carrière est lancée avec des opérations telles que « L’Immeuble qui Pousse » livrée en 2000 à Montpellier et « Tower Flower » livrée à Paris en 2004. Le développement durable, le local, la mise en valeur du patrimoine et du site sont des thématiques qui traversent sa production. Ses projets de logements comme La Closeraie à Louviers en 2006, Eden Bio à Paris en 2009, Coming Out à Grenoble en 2010 (Prix Habitat Durable 2008) ou encore Collage Urbain à Champigny-sur-Marne en 2012 sont autant de recherches sur de nouvelles formes d’habitats écologiques. La tour M6B2 à Paris en 2016 va encore plus loin en contribuant à la biodiversité. Son travail sur l’architecture durable lui vaut d’être nommé « The Hero of Green Architecture » par le Financial Times en 2011. En 2012, son agence devient la Maison Edouard François. Il travaille avec une équipe internationale avec laquelle il développe des projets durables, singuliers et innovants, tous spécifiquement élaborés en rapport avec leur contexte géographique, économique, social, historique et écologique1. Biographie issue du site internet de la Maison Edouard François. http://www.edouardfrancois.com/fileadmin/user_upload/PDFs/BIO_EF_TEAM_FR.pdf 1
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3) La tour M6B2 : l’enjeu de la biodiversité
Le groupement Bouygues Bâtiment IDF Habitat Social / SEFI Intrafor réalise un projet
mixte : logements sociaux, foyer de jeunes travailleurs, crèche, commerces et parking souterrain situé dans le 13ème arrondissement de Paris, près du boulevard périphérique, au 38 Boulevard du Général d’Armée Jean Simon. Ainsi, la tour est constituée de logements sociaux dotés de balcons filants et de deux galeries d’arts au rez-de-chaussée.
La densification du tissu urbain passe par une élévation des constructions afin de ne pas
s’étendre sur les espaces naturels. La tour M6B2 bénéficie d’« un déplafonnement exceptionnellement autorisé à 50 m »1, il y a en effet dix-huit étages. « En partenariat avec l’École du Breuil», elle est végétalisée « à l’aide d’espèces issues de milieux sauvages, recueillies par les élèves en Îlede-France ». Elle est dite semencière : « grâce à sa hauteur, la tour permet aux vents de diffuser des graines de rang 1 (= des graines sauvages, qui n’ont jamais subi les engrais) dans son environnement immédiat ». Sa hauteur lui permet d’être un outil de régénération de la biodiversité à l’échelle de la métropole parisienne. En effet des plantes grimpantes sont plantées dans des tubes de 35cm de diamètre et 3,5m de long2 accrochés au balcons filants à tous les étages. Une résille métallique à la fois résistante et souple enveloppe le garde-corps et constitue une seconde peau au bâtiment. Elle est elle-même habillée par des plantes, sur toute la hauteur des quatre façades. Ces espèces ont notam16 | 41
ment été retenues pour leur capacité à se développer dans tout type de milieu. La toiture terrasse est également couverte de plus d’un mètre de terre3. Cependant, l’architecte admet que pour voir le résultat espéré il faudra attendre « 5, 10 à 20 ans selon les arbres, car on est parti de la graine, mais avec la nature il faut être patient ».
Le revêtement en titane vert génère des effets de moirage qui contribuent à son aspect
changeant. D’après la discussion que j’ai eu avec le gardien, il participerait également aux performances thermiques de l’immeuble. En effet, le bâtiment est certifié BBC4 et Plan Climat Ville de Paris5.
Citations issues de l’entretien réalisé avec la Maison Edouard François disponible en annexe FRANCOIS Edouard, 2015. La tour M6B2 avec Edouard François, architecte, 4’54’’ 3 Auteur et date inconnues, « La tour M6B2 », Paris promeneurs, 1p. http://www.paris-promeneurs.com/Latour-M6B2 4 Le label BBC® vise à identifier les bâtiments neufs ou parties nouvelles de bâtiments dont les très faibles besoins énergétiques contribuent à atteindre les objectifs de 2050 : réduire les émissions de gaz à effet de serre par 4. https://www.effinergie.org/web/index.php/les-labels-effinergie/bbc-effinergie 5 Sur l’ensemble du territoire parisien, l’objectif du Plan Climat Ville de Paris est de parvenir à 25% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Pour ce faire, Paris propose une limitation thermique des bâtiments de la Ville avec un maximum de 50 kWh/m2 shon*/an en énergie primaire pour les opérations neuves. https://www.actu-environnement.com/ae/news/ville_paris_adoption_plan_climat_conseil_3532. php4 1 2
4) Avis des usagers
La visite de la tour M6B2 que j’ai pu faire m’a permis de
discuter de manière informelle avec le gardien de l’immeuble ainsi qu’avec une famille, deux collégiennes et leur mère, sur le palier de leur appartement. Je n’ai pas pu enregistrer nos conversations car le contexte ne s’y prêtait pas. C’est pourquoi je reformule ici leurs idées sans les citer mot pour mot.
Je remarque qu’il existe un vrai contraste entre le côté sud
donnant sur le périphérique, où sont situées les chambres, qui est très bruyant, et le côté nord, en cœur d’îlot, vers lequel sont orientés les salons qui est beaucoup plus calme. Cependant un effort d’isolation acoustique a été fait puisque dès que les fenêtres sont fermées, on n’entend plus aucun bruit extérieur.
Appartement visité
Je suis surprise car les logements sont, malgré la résille et la
végétation naissante, assez lumineux. Le gardien comme la famille m’affirment que la présence de cette résille métallique est assez déroutante au début mais qu’on s’habitue rapidement. Pour le moment, la végétation n’entraîne pas d’effets puisqu’elle n’est que peu développée. Pourtant les habitants ne craignent pas la perte de luminosité due à la future végétation, ils redoutent plutôt l’invasion de nuisibles. Le gardien explique que « la végétation va sûrement attirer des moustiques ». Les collégiennes pensent préférer l’état actuel du bâtiment. Elles pensent qu’« avec les plantes ça va être moche et en plus ça va apporter des bêtes [...] il y a déjà plein de mouches [...] ça va être la jungle ».
J’apprends enfin qu’un service spécial dédié à l’entretien des plantes intervient toutes les
semaines dans les appartements, ce n’est donc pas aux habitants de s’en occuper. Cependant, le gardien me confie sa crainte qu’à terme, le service d’entretien ne vienne plus autant qu’au départ, il sera compliqué d’intervenir et la végétation pourrait devenir complètement sauvage.
5) Conclusion
La tour M6B2 est un objet architectural symbole de l’œuvre entière d’Édouard François
puisque les collégiennes ressentent de la fierté à habiter dans un lieu si original. Le projet initial de la tour est de permettre la régénération de la biodiversité par l’utilisation du végétal. Si la végétation devient complètement sauvage comme le craint le gardien, alors l’objectif de biodiversité n’en sera peut-être que mieux réalisé. Pour autant le confort de vie des usagers à l’intérieur de l’immeuble sera certainement dégradé par la présence des nuisibles et, à terme, le manque de luminosité. La végétation est ici utilisée en tant que facteur de biodiversité, d’ambiance, de bien-être humain ainsi que pour ses formes complexes et dites « sensuelles » selon l’architecte lui-même.
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Conclusion
La tendance d’une omniprésence végétale dans une très grande partie des projets archi-
tecturaux contemporains a inspiré le sujet de mon étude. En me promenant dans le quartier de la ZAC Masséna, j’ai pu en faire l’observation quotidienne. Cela m’a mené à me poser la question suivante : quel est l’intérêt de l’utilisation du végétal dans le projet architectural ? L’objectif de ce rapport était de révéler l’utilité (ou les utilités) du végétal dans le projet. Ainsi, j’ai d’abord étudié l’utilité théorique du végétal dans le projet architectural en analysant les enjeux contemporains et les apports qu’il peut permettre. Des entretiens avec des professionnels m’ont donné ensuite la possibilité de comprendre leur pratique et leur utilisation du végétal et ainsi de comparer les utilités théoriques face aux utilités réellement mise en place par les pratiquants. Enfin, l’étude de cas de M6B2 tour de la biodiversité d’Édouard François dans le quartier Masséna m’a permis d’illustrer les correspondances entre les apports théoriques, l’usage qu’en a eu l’architecte Édouard François dans ce bâtiment et les effets qu’ils produisent sur les occupants.
Bien que les utilités pratiques du végétal ait pu être décelées, la question de la place du
végétal dans le processus de conception apparaît aussi comme une réflexion intéressante qui mériterait un approfondissement. Le végétal peut être considéré comme matériau au même titre que la brique ou le verre. Les architectes travaillent-ils avec le végétal dès le début de la conception ou vers sa fin ? On pourrait étudier le rôle de la végétation en terme de temporalité dans le processus de conception. Cela mérite d’être étudié plus en détails et ouvre des pistes de réflexion pour de futures recherches et travaux dans cette direction.
L’architecture végétale continue hélas, aujourd’hui, à persister comme une mode. Les
contraintes budgétaires conduisent bien souvent à mettre l’option écologique de côté. Seul un positionnement éthique des architectes, fort et tranché, pourra redonner à la nature sa place dans l’architecture, et dans la ville. L’architecture ne doit pas traiter de la nature mais de l’environnement de l’homme et cela dans l’optique du développement durable. Aujourd’hui l’écologie semble plus être un effet de mode qu’une véritable prise de conscience des architectes sur les problèmes environnementaux. C’est pourquoi je souhaite m’orienter vers le domaine d’études Écologies afin d’approfondir les problématiques liées à ce sujet.
Pour conclure sur ce rapport, je peux dire que j’ai eu de la chance dans les contacts que j’ai
réussi à avoir puisque deux des praticiens que j’ai contacté m’ont répondu dans de brefs délais et assez longuement à mes questions. De plus, j’ai eu l’occasion de pouvoir entrer dans la tour M6B2 et de visiter un logement neuf avec le gardien à qui j’ai pu poser de nombreuses questions également. Enfin cela m’a également permis d’accéder plus facilement aux habitants de la tour.
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Bibliographie Articles de revue :
LAURENT Anna, 16 décembre 2015. « Le BTP, secteur champion d’Europe de la production de déchets », France info LONG Nathalie, TONINI Brice, septembre 2012. « Les espaces verts urbains : étude exploratoire des pratiques et du ressenti des usagers », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], Volume 12 numéro 2, 21 p. MARRY Solène, DELABARRE Muriel, mai 2011. « Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], Volume 11 numéro 1, 15 p. 20 | 41
MEHDI Lofti, WEBER Christiane, DI PIETRO Francesca, SELMI Wissal, septembre 2012. « L’évolution de la place du végétal dans la ville, de l’espace vert à la trame verte », VertigO : la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], Volume 12 numéro 2, 15 p.
Cours : LAGURGUE Xavier, 17 avril 2017, La nature dans la ville - Quelle biodiversité en milieu urbain ?, cours de troisième année à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Val de Seine, Paris 13e arr, 2017.
Dictionnaire : Larousse, 2017
Documents internet : Auteur et date inconnues, « La tour M6B2 », Paris promeneurs, 1p. http://www.paris-promeneurs. com/Latour-M6B2 Biographie de FRANÇOIS Édouard. http://www.edouardfrancois.com/fileadmin/user_upload/ PDFs/BIO_EF_TEAM_FR.pdf
FRANÇOIS Édouard, 2014, M6B2 Tour de la biodiversité, 1p. http://www.edouardfrancois.com/fr/ projets/green/details/article/219/m6b2-tour-de-la-biodiversite/%23.WOTxvYVOKCh Label BBC. https://www.effinergie.org/web/index.php/les-labels-effinergie/bbc-effinergie Plan Climat de la Ville de Paris. https://www.actu-environnement.com/ae/news/ville_paris_ adoption_plan_climat_conseil_3532.php4 VALETTE Emmanuelle et MAGDELAINE Christophe, 2014, Îlot de chaleur urbain, notre-planète. info. http://www.notre-planete.info/terre/climatologie_meteo/ilot-chaleur-urbain.php#
Images : P.1 : « Nature au cœur de l’architecture », Nda magasine, 2017, numéro 28, 160 p. P.3 : Schémas personnels P.4 : Coupe de visualisation des températures en 2008 pour une nuit de canicule. Groupe DESCARTES - Consultation de recherche et développement de l’agglomération parisienne, 02/2009 P.7 : Site internet du concours Réinventer Paris. www.reinventer.paris P.14 : Photographies de Pierre L’EXCELLENT, photographe d’architecture - 08/2016 P.14 : Photographies personnelles - 21/04/2017 - 38 Boulevard du Général d’Armée Jean Simon P.17 : Plan du 15e étage de la tour M6B2 issue du site internet http://www.archdaily.com/799902/ m6b2-tower-of-biodiversity-edouard-francois
Mémoire : KATSAROVA Bilyana, 2016. Entre théorie et pratique, quelle est l’utilité du végétal dans le projet architectural ?, mémoire de master sous la dir. de FLEURY François, École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon, 121 p.
Ouvrage : LAMBIN Éric, 2009. Une écologie du bonheur, Le Pommier, 354 p.
Vidéo : FRANCOIS Edouard, 2015. La tour M6B2 avec Edouard François, architecte, 4’54’’
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Annexes 1) Citation p.5 : LAMBIN Éric, 2009. Une écologie du bonheur. Le Pommier, 354 p.
« Le biologiste américain Edward O. Wilson, professeur à l’université Har-
vard et grand pionnier des études sur la biodiversité, proposait en 1984 le concept de biophilie, du grec ancien bios, «vie», et philos, «qui aime d’amitié». Selon Wilson, l’homme a une tendance innée à établir une relation avec le monde vivant et les 24 | 41
processus naturels. En d’autres mots, l’espèce humaine a une affinité émotionnelle innée avec d’autres êtres vivants ainsi qu’avec le monde végétal et les paysages naturels. Ce concept de biophilie fait donc référence au bien-être psychologique que l’homme éprouvé lors d’une interaction étroite avec l’environnement naturel. Cet attrait pour la nature est une expression d’un besoin biologique qui a fait partie intégrante du développement de l’espèce humaine dès son origine et qui est essentiel à la nature aussi bien physique que mentale de l’homme, Cette hypothèse d’une dépendance humaine face à la nature va bien au-delà de la nécessité de satisfaire ses besoins matériels, elle inclut aussi la recherche, auprès de la nature, de satisfactions esthétiques, émotionnelles, cognitives et spirituelles et, plus largement, une quête du sens de la vie. »
2) Citation p.6 : MARRY Solène, DELABARRE Muriel, mai 2011. « Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement [en ligne], Volume 11 numéro 1, 15 p.
« Les fonctions associées à la végétation sont nombreuses, notam-
ment la fonction de clore l’espace, d’isoler ; le but de l’aménagement de la place est la fermeture, la « rupture » avec l’environnement urbain. Ainsi, la clôture est associée au symbole de la nature (« arbres » et « rideaux d’arbres », « eau », « fleurs », « haies », « buissons », « pelouses ») par opposition au caractère artificiel de la ville. Les arbres ont pour fonction, dans les représentations de la place, de délimiter le territoire de cet espace, mais aussi de le protéger des stimulations environnantes et de signifier une rupture avec la ville. »
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3) Exemple p.7 Planche de concours avec image de synthèse séduisante
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Planche gagnante d’un concours d’architecture à Bueno Aires
4) Questionnaire des entretiens avec des professionnels
Je viens vers vous dans le cadre d’initiation à la recherche qui porte sur le rapport entre le
végétal et l’architecture. Dans le cadre de cette enquête, nous considérons que le projet architectural comprend le bâtiment, mais aussi l’aménagement de la parcelle. Par végétal, on considère toute forme de végétalisation, toutes sortes de plants et types de plantations, des aires, des jardins, des potagers, des surfaces végétalisées en extérieur ou en intérieur. 1. Dans votre pratique architecturale, sur quels types de projets travaillez-vous majoritairement ? Depuis combien d’années exercez vous ? 2. Quels sont les 5 premiers mots qui vous viennent à l’esprit quand vous entendez la phrase : la végétation dans un projet architectural ? 3. Pouvez vous expliquer en détail, selon vous, quel apport le végétal peut-il avoir en architecture ? 4. Quelles formes peut prendre le végétal dans un projet ? 5. Comment-traitez vous le végétal dans vos projets et pourquoi ? Est ce que vous pourriez me donner des exemples de votre pratique architecturale ? 6. Travaillez vous en collaboration avec des paysagistes ? Si oui, pour quels types de projets ? Si non, pourquoi ? 7. Selon-vous, comment cela va-t-il évoluer dans le futur ? Est ce que vous considérez que l’architecture de l’avenir sera encore plus végétalisée ? 8. Pouvez-vous citer des bâtiments qui vous semblent critiquables du point de vue du végétal ? 9. Quelles-sont les contraintes les plus récurrentes qui limitent l’utilisation de la végétation dans vos projets ? 10. D’après cette liste d’approches architecturales, dans quelle catégorie vous placeriez-vous ?
- Approche technique : utilisation du végétal pour augmenter les performances techniques
du projet architectural et pour influencer la qualité environnementale du milieu urbain,
- Approche sensitive : utilisation du végétal pour les qualités d’ambiance qu’il crée, son in-
fluence psychique et le bien être du ressenti de l’homme,
- Approche formelle : utilisation du végétal pour ses qualités visuelles et morphologiques,
- Approche critique : utilisation du végétal pas prise en compte.
Je vous remercie du temps consacré.
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5) Entretien n°1 : Mme Elizabeth Mortamais Date : 27/04/2017 Contexte : entretien à 11h à la cafétéria de l’E.N.S.A.P.V.S. Durée : environ une demi-heure Formation : Architecte DPLG, Paysagiste DPLG, HDR (Paris 10 – architecture) directeur de recherche à l’EVCAU (ensa Val de Seine). Membre associée de ICT. Docteur en science de l’information et de la communication (Paris 8) 2004. DEA Le projet urbain, Paris Belleville.
« 1. Dans votre pratique architecturale, sur quels types de projets travaillez-vous majoritairement ? Depuis combien d’années exercez vous ?
Je suis architecte et paysagiste. Depuis quelques années je suis HDR et donc aussi cher-
cheur à l’EVCAU, laboratoire de l’ENSA Val de Seine. Je suis paysagiste conseil de l’Etat donc j’ai des missions pour l’État sur les politiques publiques du paysage. J’ai fait beaucoup de projets, de réalisations en paysage à la fois sur les parcs, notamment à Marne-la-vallée, et sur du paysage au sens plus large du terme, c’est-à-dire l’intervention du paysagiste sur tout ce qui est aménagement du territoire donc c’est très large. Mes recherches sont sur les conséquences du numérique sur nos 28 | 41
processus de conception. Alors ça touche évidemment le paysage, mais aussi l’architecture. J’ai coécrit un livre qui s’appelle Vers l’hyper paysage qui est une manière d’approcher la façon dont les technologies du numérique modifient nos façons d’appréhender la nature. Qu’est ce que c’est que la nature ? Qu’est ce que c’est que le paysage ? Qu’est ce que c’est qu’un aménagement dit paysager à un endroit précis ? Comment est-il bouleversé ou modifié par l’usage des technologies numériques ? J’exerce depuis 1979. 2. Quels sont les 5 premiers mots qui vous viennent à l’esprit quand vous entendez la phrase : la végétation dans un projet architectural ?
Qu’est ce que la végétation ? Le mot VÉGÉTATION pour moi pose plein de problèmes. Il
y a un autre mot qui est MODE. Un autre sera ECHEC. Vous m’avez dit combien de mot ? Alors donc VÉGÉTATION ? (avec un point d’interrogation), MODE, ECHEC. On pourrait dire le mot ECOLOGIE qui demande vraiment d’être creusé. Et puis... qu’est ce que je pourrais rajouter ? Le mot HUMANITÉ peut être. 3. Pouvez vous expliquer en détail, selon vous, quel apport le végétal peut-il avoir en architecture ?
Le mot MODE est très important parce qu’il faut faire attention à la facilité de l’usage du
végétal. Quand j’étais étudiante en paysage, on disait « les architectes utilisent les arbres pour orner
les façades sans comprendre », on était très critiques. On parlait des projets dans lesquels on voyait des façades et on mettait des arbres mais qui n’étaient pas trop grands parce qu’il ne fallait pas qu’ils cachent le bâtiment. Donc il y a une incompréhension souvent de ce que révèle le végétal, de ce que ça suppose de la part des architectes.
Il y a eu toute une série d’événements, notamment l’exposition de Patrick Blanc à l’espace
Fondation EDF dans le 6e arrondissement : un grand mur végétal qui a beaucoup plu aux architectes et qui, en fait, était un objet très complexe, un objet décoratif très très complexe qui a nécessité des techniques très précises et qui, moi quand je l’ai visité, je l’ai visité deux fois, la deuxième fois était déjà en train de s’abîmer beaucoup parce que ça demande énormément de soins. C’était un mur où les plantes avaient été choisies parce que c’est quelqu’un qui connait bien la botanique. C’était à l’intérieur d’un bâtiment. C’étaient des plantes exotiques qui avaient été choisies et c’était déjà couvert de moucherons, de bestioles. Et puis l’objet a eu un développement industriel autour de cette question des murs végétaux et, il a gagné de l’argent là dessus, ce qui était tout à fait légitime donc on a fait beaucoup de murs végétaux. On s’aperçoit que les 3/4 de ces murs végétaux tombent en carafe au bout de très peu de temps car ça nécessite énormément de soins, énormément d’entretien. Un jour j’étais dans un magasin derrière le BHV, ça devait être un des magasins du BHV où avait été réalisé un mur végétal et les fenêtres étaient ouvertes et les employés disaient ‘‘c’est infernal, on est envahis par les insectes’’.
Bon donc le végétal c’est pas uniquement une ornementation c’est une chose qui est vi-
vante. Moi j’avais monté avec mon associé à l’époque une revue qui s’appelait Archivert fin des années 70. C’est une revue qui a duré une dizaine d’années et qui s’intéressait à la relation entre l’architecture et le paysage. On avait reçu un jeune type qui était allemand qui promouvait une chose très très simple, il appelait ça les murs végétaux mais, à l’époque c’était très simple, c’était les murs couverts de lierre. Le lierre ça pousse très bien tout seul et ça avait des vertus thermiques et là oui ça marchait. Sauf que lui, il n’a pas exploité cette affaire là économiquement puisqu’il ne faisait que dire ce qu’on voyait déjà partout.
Donc le végétal ou la végétation et l’architecture, c’est une chose très complexe. C’est pas
parce que vous plantez des arbres ou semez un toiture végétale, encore une fois sur les toitures végétales, les 3/4 d’entre-elles se cassent la figure, deviennent de véritables catastrophes parce que ça nécessite de l’entretien, parce que c’est pas parce qu’on va planter des plantes de toundra sur un toit que ça va marcher. Si vous regarder le bâtiment de l’UFR de Chimie de la Fac, c’est très illustrant. Il y a des plantes, un talus qui a été planté sous un bâtiment. A aucun moment on ne se pose la question, on dit oui il va y avoir un peu de lumière parce qu’on fait une coupe et on s’aperçoit qu’il y a un rayon de lumière de temps en temps. On ne se pose pas la question du rapport du végétal à la lumière. Le végétal ne pousse pas sans lumière et c’est pas parce qu’il va avoir vaguement un peu de lumière à certains moments de la journée que ça va permettre de pousser. Donc le mot
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VÉGÉTATION nécessite vraiment d’être pris avec beaucoup de soins.
La tour verte (M6B2) c’est pareil. Ils ont planté dans des espèces de cylindre qui vont chauf-
fer au soleil or les plantes, les chocs thermiques entre la nuit et le jour, entre l’été et l’hiver, c’est absolument terrible. Il y a des effets de mode qui font que le végétal est pensé comme une décoration. Les « trucs » qui viennent d’être placés pour les dix ans de l’école, c’est de la décoration et après on les jette, on les met à la poubelle. Et les gens achètent les plantes, ne savent pas les entretenir, parce que ça demande un peu de soin et on les retrouve dans les poubelles partout. Alors les jardins partagés c’est encore autre chose. Même si c’est pas très beau, c’est une expérience qui permet de comprendre comment ça fonctionne. C’est un être vivant un végétal. 4. Quelles formes peut prendre le végétal dans un projet ?
Sous couvert de faire du développement durable, en fait, on a des groupes industriels qui
ont pris des brevets et qui fabriquent des dispositifs techniques et qui les vendent aux architectes donc il faut être conscient de ça. Alors après ce qu’il y a d’intéressant c’est de faire comprendre aux gens le rythme des saisons, le rythme du végétal, qu’on a à faire à un être vivant. Les gens achètent un chien puis au bout de quelques temps on le balance sur le bord de la route parce que c’est compliqué et le végétal c’est pareil. C’est pas tout à fait la même chose mais enfin c’est du même ordre 30 | 41
dans la tête des gens. Il faudrait en fait qu’il y ait, c’est un peu compliqué mais qu’il y ait des moyens d’intégrer le végétal non comme une décoration mais comme quelque chose qui engage à des pratiques. J’ai fait un projet, j’étais pas encore sortie de l’école, on avait été lauréats d’un grand concours qui avait eu lieu à l’époque des villes nouvelles, ça devait être en 1978 je pense, 78-79, à Cergy-Pontoise. On avait été lauréats sur un projet qu’on avait conçu. C’étaient des logements. Le bâtiment était fait de telle sorte que chaque étage donnait sur un système vertical de circulation avec un arbre qui faisait toute la hauteur et qui dégageait autour des entrées jardins donc on entrait par son jardin et l’idée c’était ça, c’était d’avoir une véritable pratique du rapport au végétal qui soit pas simplement décoratif mais quelque chose qui engage une pratique, qui créé un rapport d’usage comme la salle de bain par exemple. 6. Travaillez vous en collaboration avec des paysagistes ? Non, puisque je le suis (rires) enfin sauf à s’associer. Par contre j’ai travaillé avec des écologues, des gens qui ont un autre rapport, ils sont moins dans l’esthétique, ils sont plus dans la compréhension de la complexité des interactions entre des milieux, des espèces animales, végétales donc ils ont une connaissance plus fine, plus scientifique que la notre. Après comment on le traduit dans un projet c’est toute la négociation du projet.
Pensez vous que le végétal ait un intérêt technique en matière d’isolation ou de thermique ?
Je pense qu’autant on peut dire qu’on a une façade plein sud et on plante des arbres devant
de manière à ce qu’en été, il y ait une partie de l’ombre des arbres qui rafraîchisse. Parce qu’en plus non seulement il y a l’ombre mais il y a toute la vapeur d’eau, parce que l’arbre pompe de l’eau et la restitue en évapotranspiration donc il créé une atmosphère rafraîchissante. Donc ça oui ça marche bien, par contre toutes les techniques extrêmement sophistiquées dont on parlait tout à l’heure sauf à avoir les moyens de l’entretien, par exemple sur du logement social ou du logement tout court, c’est compliqué sauf à penser le jardin d’usage dont on parlait tout à l’heure, qui peut aussi avoir une vertu rafraîchissante. Je ne crois pas à la vertu d’isolation directe au lieu de mettre du polystyrène ou de la laine de verre on met du végétal c’est une vision un peu raccourcie quoi. C’est pas forcément mieux c’est juste politiquement correcte aujourd’hui. 7. Selon-vous, comment cela va-t-il évoluer dans le futur ? Est ce que vous considérez que l’architecture de l’avenir sera encore plus végétalisée ?
Oui oui je pense que ça va évoluer. Si on regarde dans l’histoire, le rapport du végétal et de
la ville, du végétal et du bâtiment sur une histoire assez longue, elle est très fluctuante. Il y a des moments où l’on considère l’arbre comme quelque chose qui va détruire le bâtiment. Si vous mettez un arbre le long d’une façade en France, les gens vous disent les racines vont détruire le bâtiment. Moi je travaille un peu en Asie, en Corée et ils plantent les arbres au ras du bâtiment, ça ne leur pose aucun problème dont il y a des effets de culture et puis il y a des effets de mode qui se traduiront autrement dans quelques années, même dans une dizaine d’années. Je ne me suis pas vraiment posé la question de comment cela va évoluer mais si vous regardez des planches d’archives avec des façades et de temps en temps du végétal, des planches qui datent du XIXe, du XVIIIe, XVIe vous voyez bien le rapport à la nature et au végétal est très différent.
Il y a une ouverture sur l’écologie mais les gens ne comprennent pas vraiment ce que c’est,
pour eux l’écologie c’est le vert c’est pas ça du tout. Les gens continuent à se comporter comme des ... Il y a des tas de choses qui arrivent sur le trottoir, l’écologie elle est là, elle n’est pas dans le ‘‘je vais mettre 3 plantes là’’. Quand j’étais étudiante dans une école de paysage à Versailles, on disait les paysagistes qui avaient cinquante ans ce sont des « vieux cons » parce que dans leurs palettes de végétation il fallait qu’il y ait de la couleur alors le long des routes ils mettaient un arbre à feuilles rouges et un arbre à feuilles panachées blanc et vert par exemple c’étaient la grande mode quand je suis arrivée à l’école et nous on vomissait évidemment ça puis on est passés à la végétation dite rustique. C’est-à-dire qu’il ne fallait plus planter d’arbres horticoles il ne fallait planter que de la végétation rustique. Aujourd’hui on est passé encore à autre chose. On pourrait faire une histoire de tout ça.
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8. Pouvez-vous citer des bâtiments qui vous semblent critiquables du point de vue du végétal ?
Vous allez vous balader, alors je sais pas dans quel état c’est aujourd’hui mais il y a sur le
musée du quai Branly un mur végétal qui est refait tout les 2-3 ans parce qu’il est orienté nord autant que je me souvienne et donc il gèle. 10. D’après cette liste d’approches architecturales, dans quelle catégorie vous placeriez-vous ?
- Approche technique : utilisation du végétal pour augmenter les performances techniques
du projet architectural et pour influencer la qualité environnementale du milieu urbain,
- Approche sensitive : utilisation du végétal pour les qualités d’ambiance qu’il crée, son in-
fluence psychique et le bien être du ressenti de l’homme,
- Approche formelle : utilisation du végétal pour ses qualités visuelles et morphologiques,
- Approche critique : utilisation du végétal pas prise en compte.
Alors quand vous dites la qualité environnementale du milieu urbain qu’est ce que vous
entendez par là ? Parce que ça c’est intéressant, c’est-à-dire que le végétal apporte quelque chose, d’une part il apporte une certaine complexité, un végétal, un arbre c’est beaucoup plus complexe qu’un bâtiment dans sa forme, sa silhouette, la façon dont il pousse, il y a quelqu’un qui est intéressant à lire pour ça c’est Buckminster Fuller. C’est un ingénieur et il a écrit des choses sur ce que 32 | 41
c’est que l’arbre pour lui du point de vue de sa structure. Alors donc qualité environnementale oui mais pas celle qu’on entend généralement c’est-à-dire en pensant à l’environnement comme quelque chose qui est techniquement très précisé je le disais tout à l’heure, ça apporte de l’humidité, de l’ombre, des animaux, des oiseaux, des insectes, ça apport de la biodiversité, de la diversité esthétique car c’est complexe. C’est tout cela qu’on aime chez les arbres. Mais pour les performances techniques au niveau architectural je n’y crois pas. Les qualités d’ambiances font partie des qualités environnementales si on ne prend pas l’environnement au sens technique du terme. Oui l’influence psychique, le bien être du ressenti de l’homme oui. Oui qualité visuelle et morphologique oui. Ces approches se rejoignent à un moment donné parce que si on a une approche purement technique on voit bien qu’on n’a pas d’approche critique. Il peut aussi y avoir une approche du végétal par analogie du système de l’arbre par exemple.
Il y a un phénomène social et culturel autour de ça c’est évident, mais avec beaucoup
d’ignorance ce qui est normal, on ne va pas reprocher à la plupart des gens de ne pas savoir ce que c’est exactement et à côté de ça il y a du gros business. Financièrement il y a des gens qui en profitent. Truffaut par exemple, ils se sont installés là pas très loin sur le quai parce qu’ils ont très bien compris que la population qui s’installait là, ça fait déjà une dizaine d’années, avait des logements où il y avait des terrasses, des balcons donc des potentiels clients. Donc c’est intéressant de démêler ce qui est de l’ordre du business, bon c’est pas sale hein. Lorsqu’on fait un travail comme celui que
vous faites est de bien démêler ce qui est de l’ordre du fond de ce qui est de l’ordre des circonstances, l’approche économique.
Je peux vous paraître très critique et très acerbe mais il y a des gens qui font du très bon
travail aussi, il n’y a pas que des gens qui comprennent rien. Et c’est vrai que c’est compliqué. Le bâtiment par exemple d’X-TU, l’UFR de Chimie, il est vraiment très bien, architecturalement il est très très bien. Ce qu’il y aussi c’est qu’il faut voir qu’économiquement dans un projet souvent on gagne un concours, et pour gagner des concours il faut séduire. Une fois que le projet s’amorce, tout ce qui est surplus, et le végétal en est, se réduit au fur et à mesure parce que le projet devient difficile à gérer du point de vue financier donc en général on ne met pas forcément les moyens qu’on avait imaginé au départ et puis les questions d’orientations pour le végétal sont primordiales. Pour revenir au bâtiment vert (M6B2), il y a une espèce de cour très sombre entre deux bâtiments où ils ont planté, moi je donne deux ans voire trois ans maximum à tout ça pour mourir. »
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6) Entretien n°2 complet : Maison Edouard François Date : 28/04/2017 Contexte : entretien par mail « 1. Dans votre pratique architecturale, sur quels types de projets travaillez-vous majoritairement ? Depuis combien d’années exercez vous ?
J’ai été D.P.L.G. en1983. J’ai créé mon agence en 1998. Beaucoup de mes projets de lo-
gements sont connus, ainsi que des hôtels, mais l’agence travaille aussi sur des sujets de centres commerciaux, de groupes scolaires ou des lieux culturels. 2. Quels sont les 5 premiers mots qui vous viennent à l’esprit quand vous entendez la phrase : la végétation dans un projet architectural ?
CONTEXTE - MATIÈRE - PAYSAGE - SAISON - ÉTHIQUE
3. Pouvez vous expliquer en détail, selon vous, quel apport le végétal peut-il avoir en architecture ?
La végétalisation d’un projet n’est pas systématiquement justifiée. Quand j’ai fait le Fou-
quet’s, puisque j’étais connu pour L’immeuble qui pousse et Tower Flower, on m’a dit : « C’est 34 | 41
bon, on a vu avec les ABF, ils sont ok pour que tu fasses une façade végétale ». Mais c’était complètement crétin de faire une façade végétale dans un contexte purement haussmannien, ça n’avait aucun sens ! 4. Quelles formes peut prendre le végétal dans un projet ?
On peut tout faire, sauf mettre des plantes de chez Truffaut, exogènes et dopées artificiel-
lement aux engrais. Ça, ce n’est pas éthique, ni contextuel. 5. Comment-traitez vous le végétal dans vos projets et pourquoi ? Est ce que vous pourriez me donner des exemples de votre pratique architecturale ?
A Montpellier, L’immeuble qui pousse aurait pu s’appeler « le balcon dans tous ses états
» : tous ont un lien intime avec le végétal. Balcon-jardin pour manger sous les arbres, nombreux, entre amis. Balcons-cabane perché au milieu des arbres pour tête à tête plus intime. Balcon-plongeoir pour explorer, curieux, les frondaisons des cimes des arbres... Mais il s’appelle « L’immeuble qui pousse » car on lui a aussi offert un épiderme vivant, pour faire le lien entre le minéral de la ville et le végétal de la campagne qui commençait là.
Quatre ans après, Tower Flower incarnait l’expression du désir de nature en ville. Située
au bord d’un parc, elle en constitue la prolongation à la verticale. Avec ses pots de fleurs géants sus
pendus aux balcons, elle s’inspire des jardinières parisiennes qui sont parfois de véritables prouesses botaniques. Les logements bénéficient du bruissement des bambous et d’une lumière filtrée par le feuillage.
Puis en 2009, à Eden Bio, rue des Vignoles, la nature habite les recoins du projet conçu
comme une composition villageoise. Ce ne sont pas des jardins dessinés et paysagés, mais des friches faites de plantes venues toutes seules. Le sol originel de la friche urbaine a été remplacé par un sol organique profond, bio. Grâce à ses vertus exceptionnelles, la moindre graine apportée par les vents y explose. Trois ans après la livraison, partant d’un sol entièrement nu, des ailantes de plus de deux mètres de haut accompagnaient déjà des buddleias, l’herbe à papillon. Seules les glycines qui envahissent la structure bois en échafaudage des escaliers ont été intentionnellement plantées. De quelques centimètres lors de la plantation, elles mesurent plus de dix mètres aujourd’hui. C’est maintenant une véritable jungle urbaine.
Mais le problème c’est que nombre de ces plantes ne sont pas locales : elles viennent de
graines de plantes avoisinantes issues de jardineries commerciales, qui ne s’approvisionnent pas en Île-de-France. Donc en 2010, quand on a travaillé sur le projet de la tour de logements pour Paris habitat dans la ZAC Massena, avec un déplafonnement exceptionnellement autorisé à 50 m, on s’est dit que c’était l’occasion de contribuer à la régénération de la biodiversité parisienne. En partenariat avec l’École du Breuil, M6B2 Tour Biodiversité a donc a été végétalisée à l’aide d’espèces issues de milieux sauvages, recueillies par les élèves en Île-de-France. Grâce à sa hauteur, la tour permet aux vents de diffuser des graines de rang 1 (= des graines sauvages, qui n’ont jamais subi les engrais) dans son environnement immédiat, donc elle est semencière. C’est un outil de régénération de la biodiversité à l’échelle de la métropole parisienne. Cela se verra d’ici 5, 10 et 20 ans selon les arbres, car on est parti de la graine, mais avec la nature il faut être patient.
Actuellement, notre autre projet végétalisé est celui des Collines de Honfleur, dont le
chantier est en cours. Il se situe dans un site très délicat, un paysage normand magnifique : on a créé des collines, des lanières de paysage au cœur desquelles une faille accueille le centre commercial. C’est très doux.
Notre projet Bordeaux-Brazza, lui est sur pilotis, pour accueillir en-dessous du bâtiment
une zone d’agriculture urbaine en plein cœur de ville : cela permet de donner une dimension nourricière à la ville.
A Nice, pour la requalification du quartier du stade du Ray, nous sommes en train de
déposer le permis de construire d’un autre projet végétalisé,au bord d’un parc, qui sera un trait d’union entre l’urbain et la nature – d’un côté les constructions du Boulevard Gorbella, de l’autre côté la végétation du parc. Entre autres…
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6. Travaillez vous en collaboration avec des paysagistes ?
Oui, bien sûr, quand il y a un volet paysager nous travaillons avec des paysagistes. Pour
M6B2 Tour de la Biodiversité nous avons travaillé avec Base, qui est très talentueux – d’ailleurs Clément Willemin était un de mes élèves quand j’ai donné des cours à l’Ecole du paysage de Versailles. Pour les Collines de Honfleur, comme pour Le Ray, on collabore avec La Compagnie du paysage, qui travaille avec beaucoup de finesse. 7. Selon-vous, comment cela va-t-il évoluer dans le futur ? Est ce que vous considérez que l’architecture de l’avenir sera encore plus végétalisée ?
Il y a une mode, donc il va y en avoir de plus en plus. Regardez Réinventer Paris, c’est
choucroute à tous les étages. Le problème c’est que souvent les architectes qui dessinent ces projets de connaissent pas les plantes, ils ne les aiment pas vraiment. Donc elles disparaissent au fur et à mesure des phases du projet, et à la livraison il n’y en a plus. Ou, pire, il y en a quelques-unes, quiviennent de jardineries industrielles, qui sont shootées aux engrais donc ne sont pas en bonne santé, et qui meurent rapidement. C’est très triste. Mais il y un vrai désir de nature en ville, durable et éthique, dans les nouvelles générations, comme par exemple les jeunes start-up d’agriculture urbaine : ça c’est bien. 36 | 41
8. Pouvez-vous citer des bâtiments qui vous semblent critiquables du point de vue du végétal ?
Tous ceux qui nécessitent des quantités indécentes d’eau et d’engrais, car ils ne sont pas
contextuels. 9. Quelles-sont les contraintes les plus récurrentes qui limitent l’utilisation de la végétation dans vos projets ?
Il n’y a pas de contrainte, c’est simplement du bon sens. Si le contexte nécessite un projet
végétal, c’est une évidence, alors tout le monde est d’accord. 10. D’après cette liste d’approches architecturales, dans quelle catégorie vous placeriez-vous ?
- Approche technique : utilisation du végétal pour augmenter les performances techniques
du projet architectural et pour influencer la qualité environnementale du milieu urbain,
- Approche sensitive : utilisation du végétal pour les qualités d’ambiance qu’il crée, son in-
fluence psychique et le bien être du ressenti de l’homme,
- Approche formelle : utilisation du végétal pour ses qualités visuelles et morphologiques,
- Approche critique : utilisation du végétal pas prise en compte.
… d’après vous ? »
L’immeuble qui pousse, Montpellier, 2000
Tower flower, Paris 17e, 2004
37 | 41 Eden Bio, Paris 20e, 2009
M6B2 Tour de la biodiversité, Paris 13e, 2014
Les collines de Honfleur, Honfleur, 2017
Bordeaux-Brazza, Bordeaux, 2018
Toutes ces images sont issues du site internet de la Maison Edouard François : www.edouardfrancois.com
Table des matières
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Introduction
01
I. Approche théorique de la végétalisation
02
1) Définition des mots clés
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2) Un enjeu environnemental
02
3) Apports techniques du végétal
03
Participation à la qualité de l’air (purification)
03
Régulation des températures (îlots de chaleur et ombre)
03
Amélioration de l’isolation thermique de bâtiments
03
Amélioration de l’acoustique en milieu urbain
04
Facteur de biodiversité
04
4) Apports sensibles de la végétation pour l’Homme
04
Affinité innée envers le monde vivant
04
Facteur d’ambiances
05
5) Apports visuels de la végétation pour l’Homme
05
Rôle spatial
05
Rôle d’ornement
05
Rôle de camouflage
05
Le traitement des images séduisantes
05
Effet de marketing écologique
06
6) Conclusion II. Approche pratique des professionnels de la végétalisation
06 09
1) Présentation de la méthode d’entretien
09
2) Résultats de l’étude des apports techniques
09
3) Résultats de l’étude des apports sensitifs
10
4) Résultats de l’étude des apports visuels
11
5) Conclusion III. Étude de cas : la tour M6B2, un projet de biodiversité
11 15
1) Explication du choix du cas d’étude et de la méthode
15
2) Présentation de l’architecte Edouard François
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3) La tour M6B2 : l’enjeu de la biodiversité
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4) Avis des usagers
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5) Conclusion
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Conclusion
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Bibliographie
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Annexes
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1) Citation p.5 de LAMBIN Éric
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2) Citation p.6 de MARRY Solène et DELABARRE Muriel
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3) Exemple p.7 de Planche de concours
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4) Questionnaire des entretiens avec les professionnels
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5) Entretien n°1 complet : Mme Elizabeth Mortamais
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6) Entretien n°2 complet : Maison Edouard François
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Table des matières
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Mots clés Végétalisation Environnement Mode Utilité Pratique
L’objectif de ce rapport est de révéler l’utilité (ou les utilités) du végétal dans le projet.
Ainsi, j’étudie d’abord l’utilité théorique du végétal dans le projet architectural en analysant les enjeux contemporains et les apports qu’il peut permettre. Des entretiens avec des professionnels me donnent ensuite la possibilité de comprendre leur pratique et leur utilisation du végétal et ainsi de comparer les utilités théoriques face aux utilités réellement mise en place par les pratiquants. Enfin, l’étude de cas de M6B2 tour de la biodiversité d’Édouard François dans le quartier Masséna me permet d’illustrer les correspondances entre les apports théoriques, l’usage qu’en a eu l’architecte Édouard François dans ce bâtiment et les effets qu’ils produisent sur les occupants.