De la ville-bidon, à l’action par l’éducation et la culture Lukas Hamilcaro mémoire Domaine ENSAPVS Tuteur:
master 2 d’étude 3 - 2014/15 f.Lefevre
2
Tout mes remerciements vont Ă : Edenilde Cardoso, Christian Nidrich, Frederic Lefevre ma famille et mes proches
3
Introduction
p.7
La clé de la recherche, de la problématique à une méthodologie comparative A.
L’élaboration de la problématique
B.
Des outils pour comprendre l’autre, la ville, l’analyse comparée
p.8 p.9
1 - Une problématique sur l’éducation et la culture comme ascenseur social dans les quartiers précaires 1.1 L’espace urbain, scène de lutte des classes contemporaines
p.12
A.
Qu’est ce qu’un bidonville aujourd’hui ?
B.
Du rurale à la ville, une explosion spatiale et populationelle inégale
p.14
C.
Les quartiers précaires, des morceaux informels de la ville dans un monde informel
p.16
D.
Vers une dichotomie mondiale: des « morceaux de ville » dans une « planète bidonville »
p.18
1.2 L’éducation pour tous, démocratique, de « masse » une utopie ? A.
Qu’est ce que l’éducation pour tous ?
p.20
B.
Le savoir une émancipation sociétal, mais inégale ?
p.22
C.
L’éducation au service de la culture dominante, ou la reproduction sociale
p.24
D.
La théorie des intelligences multiples, un levier d’ascension ?
p.26
1.3 Le bidonville, un terrain d’action par l’éducation et la culture
p.28
2 - Quels moyens d’action éducative et culturelle, pour faire marcher l’ascenseur? 2.1 L’acuponcture urbaine à Medellin, un modèle d’intervention socio-spatial? A.
De la ville la plus violente du monde, à un modèle d’urbanisme social
p.32
B.
L’architecture au service de l’éducation et de la culture
p.34
C.
Une métamorphose urbaine, un résultat symbolique ?
p.38
2.2 L’auto-construction de la Vila El Salvador au Pérou, une pédagogie collective ? A.
Du désert au bidonville de l’utopie social
p.40
B.
L’habitant au coeur de l’action, vers un nouveau rôle de l’architecte ?
p.42
2.2 L’architecte, un rôle de philanthrope A.
L’école flottante à Makoko, un prototype pour les habitants - Kunle Adeyemi
p.44
B.
L’école en terre à Gando, du rural au moderne - Francis Kéré
p.46
C.
L’école en terre à Rudrapur ou le maître apprenti - Anna Heringer
p.48
D.
Quand les habitants de la Rocinha font appel à l’architecte - Luiz Carlos Toledo
p.50
2.4. l’architecte et l’habitant, un compromis pour l’action
4
3 - Le Brésil, un cas d’école 3.1 De la « Favela au bairro », un territoire d’action à Rio de Janeiro A.
Qu’est ce que la favela ?
B.
Un espace stigmatisé par des dogmes
C.
Un espace ou prévaut l’incomplétude ?
D.
Les pratiques collectives et culturelles pour vaincre l’exclusion sociale
3.2 Trois cas très emblématique faisant date au Brésil et ailleurs
p.56 p.58 p.60 p.62
p.64
A.
L’éducation et le changement, vers une nouvelle pédagogie avec Paulo Freire
B.
L’éducation pour tous dans l’État de Rio: le prototype du « Brizolao »: le politique et l’architecte
p.66
C.
La Bolsa Familia, une politique éducationnelle pour toute la république de Lula, l’ouvrier devenu président
p.70
Conclusion: D.
Évolution vers l’éducation comme moteur social et urbain
p.74
E.
Prospective de projet de diplôme
p.75
5
ProximitÊ spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement, 1970, Chamborderon et Lemaire - sociologie française 1
6
Les espaces précaires reflètent les instincts constructifs et culturels de l’être humain. Il a élaboré en communauté un espace informel en marge d’une société qui l’exclue. L’organisation spatiale d’une ville dépend de circonstances sociologiques, économiques, politiques et culturelles qui dressent un portrait sociétal. L’analyse morphologique de la structure urbaine permet de comprendre des processus de développement urbain, et d’établir une hiérarchisation des espaces. Ainsi la métamorphose des espaces urbains est un spectacle contemporain de la lutte des classes. Mon échange universitaire à Rio de Janeiro au Brésil pendant le premier cycle de master m’a ouvert sur une cité complexe. L’organisation urbaine est comparable aux grandes métropoles des pays en développement caractérisées par une forte ségrégation socio-spatiale. À l’image d’une véritable fracture social, la cité merveilleuse confronte deux mondes: la ville Asphalt, et la Favela. Le repli urbain des classes favorisées dans des quartiers sécurisés oppose l’exclusion des plus démunis dans les situations précaires des bidonvilles. Étudiant dans la zone nord, facette citadine « oubliée », j’ai été confronté au revers des conditions de vie précaire d’une partie des cariocas. Il faut dire que fréquentant la plus vieille Université du Brésil, je voyais, ses voisins dans une situation de « proximité spatiale et distance sociale »1 pour reprendre les propres termes de Chamborderon et Lemaire. A priori, le bidonville peut être considéré comme une réponse d’urgence des populations défavorisés. Dans une ère d’urbanisation intensive de la planète, le phénomène de quartier précaire s’intensifie. Il s’agit alors non plus d’exclure ces « morceaux de ville », mais de les considérer comme tels. Je me suis alors posé la question comment en tant que futur architecte était-il possible de soigner ces « plaies » urbaines. En effet on peut supposer que nos besoins primitifs se traduisent par se nourrir dans un premier temps, puis s’abriter. Cependant chose due; on peut émettre l’hypothèse que la socialisation de l’individu dans sa société se fait par l’éducation et la culture. Les quartiers précaires souffrent justement d’une insuffisance de services relative à ces facteurs. Dans un premier temps c’est la construction d’un espace urbain collectif « informel » qui a contribué a une identité propre: la culture. Dans un deuxième sens c’est celle de sa considération comme « quartier » qui pose la problématique de son Éducation. Il est nécessaire d’ajouter à cela, ma confrontation quotidienne au quartier parisien Massena, qui dans une nouvelle dynamique contemporaine propose un système urbain où l’université figure dans la ville. Dans ce quartier résidentiel et commercial, l’éducation et la culture tonifient le territoire. Considérant cet exemple on peut alors se poser les questions suivantes: l’éducation et la culture sont ils des instruments de développement urbain des quartiers précaires ? Permettent-ils aux populations défavorisées une intégration voire une ascension sociale ? Quel est le rôle de l’architecte ? Dans une première partie on élucidera la problématique à partir d’une contextualisation et des appuis théoriques. Puis dans une seconde partie on observera des modes d’actions à travers quelques exemples significatifs. L’impact social que peut avoir l’architecture pose la question du rôle de l’architecte. Pour conclure et ouvrir sur une prospective de PFE, on relocalisera la recherche sur le Brésil pour comprendre en quoi c’est un territoire propice à notre problématique.
7
1.1 La clé de la recherche, de la problématique à une méthodologie comparative A.
L’élaboration de la problématique
Dans cette dernière année de master il m’était important de mettre en relation mon projet de PFE avec le mémoire. De nombreux questionnements m’on laissé dans un doute. Ce mémoire de raisonnement « hypothético-déductif » a pour finalité de tirer des conclusions pour enrichir le futur projet. C’est aussi l’idée de vérifier un apriori personnel sur les espaces précaires sujet de « reconversion » urbaine en remettant en question ceux-ci à partir d’une vision pluridisciplinaire de la question. Ainsi comme le défend Lawrence Olivier et Guy Bédard, il ne faut pas « oublier que le travail de recherche ne s’accomplit jamais en vase clos ; il s’inscrit dans la foulée des travaux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur de notre discipline, ont déjà été effectués sur le sujet que l’on a choisi. » 2 Ainsi on ne peut pas parler d’un sujet d’actualité qu’à travers l’oeil de l’architecte. La sociologie et l’architecture sont des disciplines distinctes. Par ailleurs il est possible de considérer les deux comme complémentaires dans un sujet sociétal, où la question sur l’ascension social des bidonvilles dans un monde globalisé a déjà été étudié. Notamment en justifiant le fait que la sociologie peut se référer à un travail scientifique à la différence de l’architecte qui apporte une vision technique voire artistique. C’est donc à partir d’éléments clés, de théories et de définitions spécifique qu’il faudra s’appuyer afin de ne pas « naviguer à l’aveuglette » dans un sujet complexe. « L’envie d’action » s’enrichi par une recherche. Ainsi on pourrait déterminer notre méthodologie par une « recherche-action » qui d’après Francoise Navez-Bouchanine « a toujours pour finalité un changement et comme raison d’être l’existence d’un problème, d’une disjonction quelconque {…}. L’intention est de modifier de manière durable les situations problématiques ou conflictuelles. Le processus est rythmé sur trois « temps »: diagnostic de la situation, intervention, évaluation.» 3 Dans ce mémoire, l’idée est alors d’étudier la question de l’éducation et de la culture dans un tissu marginalisé: le bidonville. Pour voir si ils sont ou non des moyens de développements et d’ascension social. Dans un contexte globalisé, le choix de différents moyens de réponse et d’actions mettra en évidence la possibilité de résoudre le problème. D’où l’importance ensuite de recentrer ma recherche sur le Brésil, mon point de départ. « Un travail de recherche n’est ni le fruit du hasard ni le résultat d’un coup de génie. » 4
2 3 4
8
Lawrence Olivier, Guy Bédard et Julie Ferron, l’élaboration d’une problématique de recherche Francoise Navez Bouchachine, Enquête, mode d’emploi, éditions de l’avenir, Casablanca, 1989, p.193-194 Francoise Navez Bouchachine, idem
B.
Quelques outils pour une analyse comparée
Partant d’un pays qui n’est pas le mien, il va de soi de faire un rapprochement avec son pays d’origine. Considérant la problématique dans un monde globalisé où l’idée est de franchir les différentes frontières physique et morales il est nécessaire de s’appuyer sur des outils de méthodes. Thierry Paquot, philosophe se pose la question: « Comment interpréter la dynamique d’une ville, une architecture ou un simple aménagement urbain, dans un contexte culturel ayant une histoire et des références spécifiques, même si son présent est aussi le mien, le nôtre? Franchissons-nous facilement les frontières d’univers mentaux différents et réussissons-nous à entendre le point de vue de l’Autre, à nous-même étranger ? Ces questions sont au coeur de la démarche comparative, encore bien timide dans ces disciplines peu disciplinées qui participent à la recherche urbaine. »5 Ce à quoi il répond par un outil: la méthodologie comparative. Car d’après lui « une seule discipline ne peut prétendre étudier la réalité polymorphe, et qu’il nous faut à la fois être modeste et audacieux » 5. « Modeste » est alors entendu dans le sens d’une façon de procéder. En effet l’apport de chercheurs pluridisciplinaires permettra d’affiner le regard de l’architecte sur un phénomène urbain sur lequel de manière « audacieuse », notre rôle est de suggérer à partir de « scénarios noirs », « un scénario blanc », idéal de réponse à notre problématique. Ce à quoi il ajoute « L’analyse comparative, pour les savoirs de l’urbain comme pour l’architecture, fait le tri entre ce qui peut paraître « universel » et ce qui peut sembler « local » ou singulier. Elle concourt ainsi à une éclairante géohistoire qui retrace spatialement la naissance, la diffusion, la réception, la mutation, etc.., d’une conception de la ville, d’un modèle urbain ou d’une forme architecturale. » 5 La démarche comparative ne doit alors en aucun cas refléter un acquis personnel certain. « Un chercheur occidental qui travaille sur un des aspects du développement urbain au sud, ne doit pas, comme on dit en français, « perdre le nord ». En effet, il n’a pas à renier sa culture et occulter ses préoccupations, et se faire passer pour ce qu’il n’est pas, un chercheur « globalisé ». De même, il doit montrer à quel point « l’aller retour » participe à la connaissance de l’objet de son étude, aussi « exotique » que ce dernier puisse paraître, vu d’ici. » 5 Ainsi mon expérience à Rio de Janeiro, « une ville unique et très difficile à classer, à structurer » 6 selon les propos de Le Corbusier, est le fruit d’une réflexion qui est à vérifier par la pensée savante et sachante de manière pluridisciplinaire. Ainsi cet « aller retour » entre une analyse globale et locale permettra de répondre a notre problématique sur les quartiers déshérités, communément appelé le bidonville. Mais qu’est ce qu’un bidonville ? Pourquoi est-il considérer comme de la non-ville? Quels sont ses enjeux ?
5 6
Thierry Paquot, Culture urbaine et impératif comparatiste Le Corbusier, fondation Le Corbusier, dessins pour conférence
9
Photo de Lazer Horse http://www.sickchirpse.com
1.
Une problématique sur l’éducation et la culture, comme ascenseur social dans les quartiers pécaires
1.1 L’espace urbain, scène de lutte des classes contemporaines A. Qu’est ce qu’un bidonville aujourd’hui ? D’après le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement de Pierre Merlin et Françoise Choay un bidonville est « un ensemble d’habitations précaires et sans hygiène, généralement faites de matériaux de récupération, dans lesquelles vivent des populations exclues ou mal intégrées dans la société nationale. »7 Des favelas au Brésil, des colonisa populares au Mexique, des villas miserais en Argentine, des umjondolo en Afrique du sud ou encore des shamas au Soudan sont des bidonvilles « sans que les murs soient pour autant constitués de bidons, le choix d’y accoler le terme ville montre que ces formes d’habitat peuvent regrouper des milliers d’habitants ».8 L’étymologie du mot « bidonville » remonte aux années 1930, à Casablanca au Maroc, pour définir des habitats construit par des paysans migrant de la campagne vers la ville. La construction des maisons résultent d’une utilisation de matériaux de récupérations (des bidons de pétroles, des planches en bois, des tôles,…). Installé dans l’urgence et la survie, l’habitat a souvent un problème de nature juridique. « Le bidonville résulte d’une occupation de fait illégale, du sol dans les secteurs des périmètres urbains ou suburbains considérés comme inutilisables ou dangereux ».7 Les délaissés urbain laissent place aux nouveaux quartiers précaires. Ils s’élaborent sur des interstices inabordables par leur propriétaire ou par les municipalités comme; les fortes pentes, les zones inondables, les zones de décharges, les anciennes carrières, les lagunes et les littoraux,… Ces espaces sont rapidement occupés par une population « fréquemment sans emploi et sans ressources ou venues de l’extérieur, souvent de régions rurales, et attirées par l’espoir d’un travail en ville ».7 La fabrication instantanée des logis génère un désordre urbain où les habitants sont confrontés à de hauts risques environnementaux. Choay et Merlin insiste sur l’incapacité financière d’une partie de la population d’accéder aux « immeubles locatifs en dur » voir même aux « constructions populaires rudimentaires ». Les ressources économiques des habitants se réduisant souvent à des « activités parasitaires » comme le tri des déchets dans des décharges, la vente « à la sauvette », voir la prostitution,… Ceux-ci sont alors « encadrés » par des intermédiaires qui les intègrent provisoirement voire temporairement dans la ville. Ce qui peut engendrer une ascension sociale dont la suite possible est d’accéder à un logement locatif. Cependant « beaucoup restent irrémédiablement fixés dans ce monde de l’extrême pauvreté, qui constitue d’ailleurs une société à part, avec ses règles, sa solidarité et sa culture. » 7 L’un des premiers chercheurs en la matière, Oscar Lewis 9 a déjà mené une enquête approfondie. Il s’intègre et partage le quotidien de familles d’un bidonville de Mexico. Il est le premier à évoquer la notion de culture dans ces « morceaux de villes ». Très critiqué à l’époque il défend un concept: la « culture de la pauvreté » qu’il qualifie de spécifique de ces
7 8 9
12
Pierre Merlin et Françoise Choay, dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, 1988 Béatrice Giblin, Dictionnaire des banlieues, Paris, 2009, p.102 Oscar Lewis, Five Families, Mexican Studies in the culture of Poverty, New York, 1959
zones urbaines élaborées par la population déshéritée d’une société industrielle. C’est par exemple la naissance de la Samba dans les favelas, musique et mouvement culturel caractéristique de l’identité brésilienne. Il est intéressant de réfléchir aussi sur le type d’architecture produite. I.Illich10 avait établi des observations originales en étudiant les ranchitos de Caracas, en défendant le véritable défi urbain mis en place par ses habitants. Il pose alors implicitement notre société occidentale en question sur « nos conceptions du travail, de la liberté, et de la consommation »7. En effet il m’est paru impressionnant lors de mon voyage à Rio de Janeiro de voir comment la favela s’insère dans le paysage du morro apparaissant alors comme une colline habité en parallèle d’une société opposé. Comment peut on alors quantifier ces « morceaux de villes »? Choay et Merlin revendiquent qu’il est difficile d’établir des statistiques qui en général sous-estime la réalité et sont alors trop anecdotique. En France par exemple, où le bidonville a existé significativement pendant les « trente glorieuses »11 , la préfecture de la Seine aurait identifier 119 bidonvilles regroupant 46 827 personnes. Chiffre sous-estimé dont on estime « sans doute près de 200 000 personnes »7 . On voit alors l’ambiguité et la position critique qu’il faut avoir dans ce type de sujet. Dernier point important à rajouter, c’est celui de l’intégration du bidonville dans la ville. En effet historiquement les politiques ont toujours souhaiter éradiquer ces tissus urbains, perçues comme des « plaies » urbaines où règnent l’insécurité et la misère. « Mais cette résorption des bidonvilles n’a pas résolu le problème du logement de leurs habitants » 7. Ce sur quoi il faut ajouter une croissance démographique urbaine et populationnelle. Photo de Tondo, Earlyn ChenBendiksen
Ivan Illich, penseur autrichien (1926-2002) cité Pierre Merlin et Françoise Choay, dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, 1988 11 Les Trente Glorieuses désigne la période de forte croissance économique qu’a connue la grande majorité des pays développés, membres pour la plupart de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), entre 1945 et 1973. 10
13
B. Du rurale à la ville, une explosion spatiale et populationelle inégale Dans une ère d’industrialisation massive d’un monde globalisé, le processus d’exode rural est le mouvement initial représentatif des surpopulation des villes opposant une « dépopulation » des campagnes. « On estime que vers 1800 un être humain sur huit vivait en ville »12, premier tournant de surpopulation des villes qui n’a cessé d’évoluer notamment à partir de la fin de la seconde guerre mondiale marquée par la mécanisation et l’industrialisation de la société. Les zones rurales sont aussi concernées par l’augmentation de la population mondiale. Les attentes dépassent souvent les ressources locales où la détérioration des terres agricoles est courante. De plus le manque d’institution politique dite de « soutien » délaisse les habitants ruraux dans un territoire où « vivre » au sens propre, devient difficile. La concentration symbolique des pouvoirs économiques, politiques et culturelles dans la ville va au détriment des espaces ruraux dont les occupants quittent « leur terre » pour une utopie de la cité comme ascenseur social. On imagine une vie meilleure où l’emploi urbain à l’opposé d’un emploi rural négligé, présage une « nouvelle chance ». Dans les pays en développement l’effet est encore plus symptomatique. En effet il s’avère que dans ces pays la croissance économique est accentuée sur les villes. Cela entraine une pression foncière des zones urbaines dont résulte une crise du logement. Les conditions restreintes pour loger ces nouveaux « citadins » sont significative d’un essor des bidonvilles. Par faute de moyens, l’immigrant se trouve dans l’incapacité de se loger dans « la ville formelle » et se retourne vers « la ville informelle »: des habitations auto-construite intégrées dans des interstices urbaines inutilisé ( zone en pente, zone inondable, zone à ordures, etc..). Cette croissance démographique se répercute donc sur l’étalement urbain. Ainsi dans la cité où la demande est plus grande que l’offre, « habiter en ville » devient de plus en plus difficile. Les « morceaux de villes » précaires s’installent dans la mesure du possible et engendrent souvent une dynamique d’extension: la banlieue. Noël Cannat dit dans son ouvrage « Sous les bidons, la ville » décrit « la croissance explosive qu’on observe ailleurs ne constitue pourtant pas « un cancer» comme on l’écrit quelquefois: c’est la manifestation superficielle et, somme toute, naturelle, d’un phénomène pathologique infiniment plus grave qui est l’apparition de la « ville-bidon ». 13 La relation entre exode rural et l’apparition du nouveau tissu urbain en marge de la société est définissable par une précarité: « Entre la misère des campagnes et celle des bidonvilles, il existe donc un lien étroit qui a son siège dans la « villebidon », lieu géométrique d’une immense débandade culturelle qui fait sentir ses ravages dans tout le pays. ». Noël Cannat explique que cette nouvelle marginalisation de l’individu s’exprime par un sentiment d’inexistence sociale. « Ne se sentant plus désirés, soutenus, payés de leurs efforts, les paysans du monde entier abandonnent la partie pour le malheur de tous. C’est le mépris que les citadins manifestent aux paysans, et le refus de faire confiance aux pauvres, qui sont à la racine du sous-développement et de la misère galopante, revers d’une croissance démographique sans précédent. ». 13
D’après l’encyclopédie Larousse, Paris, 2012 Noël Cannat, Sous les Bidons, la ville, De Manille à Mexico, à travers les bidonvilles de l’espoir, Paris, 1988, p.10 12 13
14
Photo de Selvaprakash Lakshmanan, inde
2 1
3
Campagne
Banlieue
Centre Ville
1.Centre ville 2. Habitat informel 3. extension de l’habitat informel
Photo de Mumbai, Jonas Bendiksen
15 13
B. Les quartiers précaires, des morceaux informels de la ville dans un monde informel Michel Lussault est un géographe qui a beaucoup étudié le rapport socio-urbain des villes. Il définit la relation morpho-sociale de l’urbanisation des villes comme un fait politique. Ainsi selon ces propres mots, « les espaces urbanisés deviennent tout à la fois l’habitat du plus grand nombre d’humains et la sphère sociale et politique d’échelle globale au sein de laquelle il nous faudra de plus en plus, apprendre à saisir les évolutions et à réguler les problèmes ». 14 Ainsi on peut dores et déjà considérer les bidonvilles dans un territoire globale. En effet l’urbanisation est un processus étroitement lié à celui de la mondialisation car c’est elle qui dévoile son application au sein du tissu urbain. Lussault revendique un monde qui a basculé d’une « lutte des classes » comme Karl Marx 15 l’énoncé dans le célèbre Capital, à une « lutte des places ». La notion de place rappelle la condition sociale de l’individu par rapport à son statut spatial dans une société hiérarchisée. Cependant Lussault évite une considération spatiale trop simpliste « qui pousse à considérer qu’on ne peut expliquer les faits spatiaux que par des lois propres de l’espace » 16 en mettant en avant le fait que l’espace est « un prolongement du moi ». Ici apparait la notion d’individualisme qui compose nos sociétés. Selon la théorie de la « main invisible » de l’économiste Adam Smith17, l’individualisme stimule l’économie mais vue sous un autre angle il sépare aussi les citoyens. Dans ce sens les bidonvilles s’insèrent dans un monde échelonné. « La lutte des places » est autant visible chez les plus pauvres comme chez les plus riches. Ainsi l’habitant du bidonville qui lutte pour conserver l’espace d’urgence qu’il a construit dans lequel « son lieu de vie restreint tend à se confondre avec son corps est à l’image du favorisé qui sillonne le monde d’une bulle à l’autre tout en prenant soin de ne pas se mêler à l’écume du monde » 18. « La lutte des places » est propre à chaque individu, riche ou pauvre, qui se bat pour un objectif spatial. C’est l’espace dans la ville qui détermine son identité sociale. « C’est l’avènement d’une société d’individus où chacun recherche ce qu’il estime être les meilleures places, et où la réalisation de soi devient l’objectif le plus important ». Ce processus génère un dessin du tissu urbain où « chaque individu est son propre aménageur-urbaniste, qui organise, par ses pratiques au quotidien, son habitat et contribue ainsi à la construction permanente de l’urbain. » 18 L’impact diffère aussi selon le statut social de l’individu. La question qu’on peut alors se poser est en quoi ces tissus précaires, résidus d’une société de « lutte des places/classes » sont définis comme informels ? Michel Lussault pense l’informel comme un principe. 19 Cette notion désigne un acte ou une réalité spatiale qui s’affranchit de certaines contraintes officielles. A ne pas confondre avec l’illégalité, l’informalité est significative de réalité plus large. « Tout ce qui est illégal est informel, mais toute informalité n’est pas illégale ». Contrairement à une « clandestinité urbaine », l’informel est omniprésent dans le fonctionnement urbain, en matière économique et résidentielle. Michel Lusseau, Premières controverses prospectives, l’urbanisatio, horizon du monde, Lyon Karl Marx, grand penseur connu pour sa conception matérialiste de l’histoire, le capital, 1867, regroupe plusieurs formes : le capital-objet (les machines, les produits), le capital-travail (les hommes à qui on peut acheter le travail), le capital-argent. 15 Adam Smith, économiste classique,XVIIIème siècle, la « main invisible » serait une métaphore par laquelle Smith signifierait que les marchés sont autorégulateurs et conduiraient à l’harmonie sociale. 18 Michel Lusseau, De la lutte des classes à la lutte des places, Revue internationale d’éducations de Sèvres, Qualité, équité et diversité dans le périscolaire, avril 2010 19 Michel Lusseau, l’informel comme principe, tous urbain, Lyon, édition décembre 2012, p.10-11 14 15
16
Complexe de Paraisópolis, São Paulo (Brésil) Photo: Tuca Vieira En effet « cette puissance de l’informalité participe et procède en même temps du primat de l’auto-organisation de l’urbain ». Ce a quoi il faut ajouter la stratégie des politiques car « l’informalité résulte souvent d’un arbitrage rationnel d’acteurs qui pourraient faire tout autrement ». On entend bien ici l’ambiguité de ces « morceaux de ville » entre réponse spontanée et réponse assumée. On peut dores et déjà s’appuyer sur le fait que les espaces précaires sont des espaces informels dans un monde informel. « Nous sommes face à une machine spatiale complexe, qui échappe grandement à tous ceux qui contribuent à la construire et même (surtout!) aux opérateurs qui prétendent parfois la contrôler ». L’espace urbain s’auto-organise à toutes les échelles (locale, intermédiaire et globale). Son organisation est « multi-régulée », d’où la difficulté pour qui entend la contrôler car il est judicieux de « se fonder sur le principe de cette informalité et de cette auto-organisation, qui participe du jeu des acteurs, et tenter d’en inférer de nouvelles manières de faire. » Mais quel impact les bidonvilles ont-ils sur la planète?
17
B. Vers une dichotomie mondiale: des « morceaux de ville » dans une « planète bidonville » Dans un monde où la démographie urbaine et populationnelle des villes ne cesse de croitre, il est indispensable de tenir compte de ces espaces informels. Mike Davis dans son ouvrage « planète bidonville » 20 défend cette opinion. Il observe avec critique dans un premier temps l’étude « The Challenge of Slums » 21 premier constat chiffré sur la misère urbaine et les inégalités dans le monde. La encore l’influence politique est directement visée comme un processus de développement de l’urbanisme informel, « L’objectif premier des interventions tant nationales qu’internationales des vingt dernières années a été en fait d’augmenter la pauvreté urbaine et le nombre des bidonvilles, d’accroitre l’exclusion et les inégalités et d’enrayer les efforts des élites visant à utiliser les grandes villes comme moteurs de la croissance ».20 Cette étude annonce alors qu’en 2001, moins de 921 millions de la population mondiale habite dans ses 250 000 bidonvilles, soit 78,2% de la population urbaine des pays les moins développés concernant au total un tiers de la population mondiale. La moitié des habitants concernés ont moins de 20 ans. « Slums » publie quatre villes extrêmes dont la quasi totalité des habitants est touchée : l’Éthiopie et le Tchad, numéro Un mondiale des bidonvilles, avec 99,4% de la population concerné. Puis l’Afghanistan et le Népal qui regroupent respectivement 98,5% et 92% de la population. L’important, nous rappelle Luis Kehl dans sa conférence « Originas das favelas » 21 est d’identifier la dichotomie dans ces sociétés ou la richesse participe à une élite minime (1 à 2%) qui détient le pouvoir au détriment de toute une population (98 à 99%). L’ Afrique est le continent le plus touché par l’expansion des bidonvilles où il touche plusieurs pays, comme c’est le cas de Lagos qui « n’est que le plus gros noyau d’un couloir de bidonvilles de 70millions de personnes qui s’étire d’Abidjan à Ibadan: sans doute la plus grosse empreinte continue de la misère urbaine sur terre ».20 Mike Davis va au de-là de la vision de l’étude américaine, dont la notion « slum » défini de manière classique ces villes informels par un champs lexical de mots comme « résiduum de la société, ensemble constitué d’habitations délabrées, de surpopulation, de misère et de vice ». Pour l’auteur, le monde tend vers une « planète bidonville » d’où l’importance de considérer ces « morceaux de villes » comme des acteurs représentatif de l’urbanisation du monde. « Aussi dangereux (risques naturels) et meurtriers soient ils, les bidonvilles ont un brillant avenir devant eux. » Annonçant alors avec cynisme que l’équilibre se renversera de 2030 à 2040, lorsque le bidonville concernera deux milliards d’habitants car « la pauvreté urbaine chevauche et dépasse les bidonvilles euxmêmes ».20 Il alimente son point de vue en s’appuyant sur l’économie « informelle » produite dans ces quartiers. Celle-ci ayant un impact direct sur l’économie du pays. Ainsi « l’économie informelle » emploie actuellement 57% de la force de travail d’Amérique latine et fournit quatre nouveaux emplois sur cinq, touchant aussi l’Asie (33 à 44% de l’emploi urbain), l’Amérique centrale (60 à 75%) et l’Afrique (60%). Cette part du marché est de plus en plus caractéristique des pays en voie de développement. Mike Davis estime qu’elle sera à l’avenir très représentative dans l’emploi. Cependant ce travail est marginalisé d’où 20 21 22
18
Mike Davis, Planet of slums: Urban Involution and the Informal Working Class, 2006, Fontana The challenge of slums, Global report on human settlements 2003 Luis Kehl, uma breve historia das favelas, Sao Paulo, une brêve histoire de favelas, 2010
on peut supposer un avenir douteux et une absence d’ascension sociale de l’individu. En effet après une dure journée de travail, « une majorité des habitants des bidonvilles se retrouve radicalement exclue de l’économie internationale contemporaine ». On imagine alors « l’involution urbaine » qui s’y développe pour cause d’une exclusion économique et sociale. D’où l’importance dans une prospective de « planète bidonville » où seule le « bidonville demeure une solution totalement admise au problème du stockage de l’humanité excédentaire au 21ème siècle », de considérer ses habitants dans la société. Cependant une question se pose alors «Une main d’oeuvre désintégrée peut-elle être réintégrée dans un projet émancipateur mondial? ». Il ne suffit pas toujours de dépasser les frontières pour voir apparaitre le bidonville. Paris est aussi un bon exemple dans le processus évoqué, à savoir exode rural - bidonville - rejet social. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le bidonville de Nanterre 22 est apparu dans les années 50, faute d’une crise de logement. Dans l’espoir d’une vie meilleure, les immigrants algériens abandonnent leur terre pour s’installé dans le seul recoin possible à l’ombre de toute espérance. Le bidonville fût éradiqué dans les années 70 et ses habitants furent relogés. Néanmoins de nos jours encore la précarité urbaine persiste. Cela me permet de raconter une anecdote personnelle. J’habitais auparavant à Saint Denis, où j’ai vu des « cabanes de survie » se loger dans l’interstice urbaine, devenant ainsi des camps de Roms. Citadins, ces habitants vivent dans une communauté en rejet de la société. Menacés en plus par une nouvelle éradication de leur espace qui verra un jour ailleurs, sous un pont de RER. Comme affirme Bertolt Brecht 23 « L’homme ne naît ni bon ni mauvais, il est naît affamé ». C’est donc plus dans un sentiment de rejet sociétal, que les communautés des bidonvilles se sont organisées pour « survivre » dans la mesure du possible. D’où l’importance de considérer ces « morceaux de villes inévitable » dans une globalité. On suppose qu’il faut y effectuer des processus d’intégration propice à l’ascension sociale de l’individu stigmatisé dans sa société. Noël Cannat évoque ainsi l’éducation comme facteur principale. « Car la pauvreté éclairée stimule la conscience du réel et la faim d’éducation est une exigence aussi grande que celle de nourriture: «Tous ceux qui ne sont jamais allés à l’école sont bêtes, me disait tout crûment une femme de Tebour- souk, en Tunisie (juin 1975). Nous n’avons rien vu de notre vie. » Et quelle amertume dans ce propos d’un fermier albanais du Kossovo: «Nous autres fermiers, nous sommes très arriérés. Dans la Yougoslavie d’autrefois, ils ne nous laissaient pas aller à l’école, non. J’aurais aimé étudier plus que de renaître! »24 Après avoir saisi globalement l’impact du bidonville dans le monde c’est le problème de l’éducation qui est visée. N’est elle pas un acte démocratique et socialisant de nos sociétés ? Pourquoi n’est elle alors pas renforcé dans les bidonvilles d’hier qui deviendront les quartiers populaires de demain ? Car l’éducation n’est-elle pas un moteur d’ascension social ? Comment y-avoir accès? Quels est le rôle de l’Etat? Pour comprendre cela commençons tout d’abord a se poser la question qu’est ce que l’éducation au final ? Arte, 127 rue de la garenne- le bidonville de la folie. une frise chronologique qui retrace l’histoire du bidonville de Nanterre animé par des illustrations et des enregistrements d’époque. 23 Berthold Brecht, dramaturge et poète allemand du XXèmesiècle, cité par Mike Davis20 24 Noël Cannat, Sous les Bidons, la ville, De Manille à Mexico, à travers les bidonvilles de l’espoir, Paris, 1988, p.10 22
19
1.2 L’éducation pour tous, éducation démocratique, de « masse » une utopie? A. Qu’est ce que l’éducation pour tous ? Étymologiquement, le mot « éducation » est issu du latin « educatio » 25 synonyme de « ex-ducere » qui signifie conduire, guider, commander « hors de ». De manière conventionnelle on pourrait la définir comme l’enseignement de connaissances (théorique et pratique) dont les valeurs façonnent une culture commune. Dans le dictionnaire des sciences humaines de Sylvie Mesure et Patrick Savidan 26, on retrouve une approche philosophique et sociale pour définir l’Éducation. Ainsi la première question posée: « l’école serait-elle le dernier lieu « d’enchantement » de la vie collective ? » On sait comment la société civile mise sur celle-ci dans l’espoir d’améliorer l’avenir. C’est une utopie moderne qui définit l’école comme un lieu de production de « L’Homme nouveau ». La religion et la politique ont « tragiquement corrompu » historiquement ce lieu. D’où le terme « science de l’éducation », où science renvoie à l’émancipation physique et morale de l’individu et l’éducation à « une méthode la plus conforme de l’idéal démocratique, non seulement plus d’une maitrise par les hommes de leur destin, mais aussi du respect de l’exigence de liberté ». Si la thématique de l’éducation est courante dans nos sujet de société c’est parce qu’elle est au coeur même d’un processus de socialisation qui ne se résume pas seulement au fait de s’instruire mais aussi à résoudre des faits sociétaux ( l’esprit civique, l’égalité des individus, la laïcité,…) Seulement Mesure et Savidan s’interroge alors: comment y distinguer l’essentiel dans ce réquisits où tout devient important? L’École permet une entrée « dans le monde d’une culture humaine » où ce « trop pleins d’attente » serait contraire à sa finalité. D’où on peut se poser la question « L’École pour quoi faire ? S’agit-il de domestiquer la masse ou de civiliser l’individu? » Abordons tout d’abord une approche philosophique du concept « d’éduquer l’individu ». Les modalités archaïques de l’éducation sont évidentes: La famille est le premier aspirant de l’éducation qui permet à l’individu de « grandir » et d’acquérir par des lois naturelles une culture. L’idée de formation de l’être humain par le savoir fût défendu par Platon 27 qui révolutionne alors la valeur de l’éducation, qu’il détermine comme une « conversion de l’âme »28. L’évolution physique et morale de l’individu ne dépend pas seulement d’une reproduction culturelle de celui-ci ( famille) mais découle surtout d’un processus de « se transformer du tout au tout et de s’élever vers un monde supérieur ». Cette idée d’émancipation par le savoir se retrouve dans « l’allégorie de la caverne » 29 dont l’individu doit sortir pour accéder au « monde intelligible », véritable havre de vérité, de justice, de beauté et de bien souverain. Après avoir saisi dans un premier temps (1.1) les enjeux de prolifération des espaces précaires dans une « planète bidonville », on pourrait associer ces « villes informelles » à l’image de la caverne. Un monde sensible, marginalisé par une élite qui la domine.
D’après l’encyclopédie Larousse, Paris, 2012 Sylvie Mesure et Patrick Savidan, le dictionnaire des sciences humaines, Paris, 2006 27 Platon,( -428av.JC ), considéré comme un des fondateurs de la philosophie occidentale, développe une réflexion sur les Idées communément appelée théorie des Formes ou théorie des Idées : celle-ci interprète le monde sensible comme un ensemble de réalités participant de leurs modèles immuables 28 Platon, La République, livre VII 29 Platon, Le Mythe de la caverne, La république VII 25 26
20
Puis le courant humaniste, marque un nouveau tournant. Les protagonistes réfutent l’idée d’une formation de l’individu par un ordre cosmique. L’espoir de l’au-delà laisse place à l’individu dont l’éducation doit trouver sa source et sa finalité en lui même. « Rendre l’homme toujours d’avantage humain, cultiver cette liberté qui définit en propre sa nature, promouvoir l’autonomie de sa pensée et de son action, telles sont les finalités de l’éducation nouvelle, affirmées de manière unanime par tous les grands modernes ».26 C’est alors en découvrant ses propres qualités, que l’être humain s’émancipe de sa « caverne » qui n’est autre qu’un monde interne à tout individu. La vision des humanistes une nouvelle question: Comment éduquer un être libre? Mais revenons à une vision plus globale et actuelle en observant de quelles manière l’Éducation s’applique t’elle dans nos sociétés. En France par exemple c’est une thématique récurrente qui a longuement été étudiée. Sylvie Mesure et Patrick Savidan définissent trois modèles d’enseignements: I’instruction, l’éducation, et la formation: • L’instruction publique a pour objectif « de transmettre des savoirs et des connaissances ». Rousseau 30 et Condorcet 31, deux grands penseurs du siècle des lumières ont revendiqué deux visions opposées qui se prêtent à une comparaison. Rousseau défend « l’éducation négative », une opinion caractéristique du philosophe qui voyait l’individu enclavé par la modernité. L’instruction permet une émancipation en développant son sens critique. Elle est au service de « la lutte contre les préjugés et les illusions de la connaissance » plutôt qu’une accumulation des savoirs. Condorcet y voit « un art d’ignorer ». Il propose de manière plus optimiste et progressiste « l’éducation positive ». D’après le philosophe, transmettre des connaissances favorise « le progrès de l’esprit humain » qui s’arrache par la suite des préjugés et devient autonome. C’est cette seconde théorie qui portera une influence durable sur les programmes scolaires.
Rousseau, philosophe francais du siècle des lumières 18ème, l’éducation négative et ses fondements, cité par Sylvie Mesure et Patrick Savidan, le dictionnaire des sciences humaines, Paris, 2006 31 Condorcet, philosophe et mathématicien francais, 18ème, l’éducation positive,cité par Sylvie Mesure et Patrick Savidan, le dictionnaire des sciences humaines, Paris, 2006 30
21
• Le deuxième modèle est un concept qui a donné son empreinte au système français. C’est à partir de ce moment qu’on distingue « l’instruction publique » de « l’éducation nationale »: « L’instruction publique éclaire et exerce l’esprit, l’éducation doit former le coeur; la première doit donner des lumières, et la seconde des vertus; la première fera le lustre de la société, la seconde en fera la consistance et la force » 32. Les deux sont bien entendu lié, mais l’éducation nationale est « la mère commune de tous les citoyens », c’est elle qui fait de la société une nation et y renforce une identité collective. C’est ce que l’on peut communément appelé de nos jours « l’éducation pour tous ». Ici apparait l’importance du politique dans l’application raisonnée d’un savoir commun, une image symbolique de bases essentielles pour se développer en société. Néanmoins ce modèle a tendance à s’estomper de nos jours, non dû à son épuisement mais du fait de sa réussite.« l’École pour tous » est contradictoire avec la différence des individus. Les finalités de l’éducation sont passées du collectif à individuel. • La formation apparait alors comme le troisième modèle. C’est l’idée de « produire de l’individu » pour lui attribuer une place dans la société, qui rappelons le, est déterminé par une lutte des places/ classes. Ancrés dans les sociétés comme des modèles d’émancipation et d’ascension sociale l’Éducation détermine le développement des individus. Émile Durkheim 33, un des principaux fondateur de la sociologie insiste sur le « rôle d’intégration de l’École ». Celle-ci aurait une double fonction: « une intégration morale » des individus « qui tout en développant une conscience autonome, s’attachent par le biais de groupe à la société et intériorisent ses valeurs, et leur intégration fonctionnelle dans la division du travail ». Il y a donc la une idée de socialisation de l’individu mais aussi de son accomplissement personnel: l’acquisition d’une place. Cependant si on suit le raisonnement on pourrait faire l’erreur de croire que le pouvoir de l’éducation suscite l’égalité de tous les individus. « L’école pour tous » est un droit. Mais si elle est pour tous pourquoi ne suscite-t-elle pas une ascension sociale équivalente à toute les classes? On peut dores et déjà en conclure qu’elle n’aboutit pas à l’équité de tous.
Robert Doisneau, diagonal step, Paris, 193 D’après le discours de Jean Paul Rabaut Saint-Etienne, politique du 18ème siècle, Paris, cité par Sylvie Mesure et Patrick Savidan, le dictionnaire des sciences humaines, Paris, 2006 33 Émile Durkheim, père fondateur de la sociologie française, Éducation et sociologie,1922,L’évolution pédagogique en France, 1938 32
22
B. Le savoir une émancipation sociétal, mais inégale ? Sylvie Mesure et Patrick Savidan 33 énoncent alors « un triple brouillage » dans la mise en oeuvre de l’éducation de l’individu sur lesquels il est essentiel de se baser, afin de saisir les enjeux sociaux. • Le premier « brouillage » concerne le rôle de l’État, principal financier et garant du service public de l’Éducation. « On exige de lui qu’il produise l’individu en refusant qu’il empiète sur une sphère privée toujours plus large. » Dans quelles mesures l’État doit-il alors être impliqué? • Le second « brouillage », c’est le contenu du savoir à transmettre et diffuser aux individus. Mesure et Savidan sous-entendent par cela une situation paradoxale: D’un côte, l’enseignement pluridisciplinaire est à l’image d’une société démocratique pluraliste. Mais tout est relatif. « Que transmettre ? » afin d’arriver à la soi-disant « culture commune », donc à une unité impartiale qui est contraire aux savoirs différents transmis par la famille. Pourquoi est-on souvent réduit à la dernière? Comment inculquer les valeurs de chacun au service de tous ? • Le troisième « brouillage » c’est la génération. En effet dans une société «, où les Hommes naissent libres et égaux en droit », la question de l’âge est à défendre. « Si le dessein de la « formation tout au long de la vie » a un sens, ne voue-t-il pas à n’être tous et à tous âges que des adultes en devenir, donc, au sens strict des adolescents jusqu’à la fin ? ». Notamment dans un monde qui évolue constamment, pourquoi doit on se contenter d’une spécialisation de l’individu? « Quels savoirs stables et utiles les adultes pourront-ils transmettre aux enfants pour comprendre un réel qui ne sera plus le leur ? » L’idée d’un affaiblissement du pouvoir intégrateur de l’École vient tout d’abord avec les recherches de Bernstein34 en 1975. Pour lui la démocratisation de l’Éducation contribue à un découpage disciplinaire qui se résume à un rapport entre enseignant et élèves exclus des éléments extérieurs. Ce « code intégré » suppose une ouverture pédagogique qui serait en mesure de faire oublier la hiérarchie des savoirs et d’établir un véritable projet commun entre les professeurs et les élèves avec leur environnement. Derouet 35 y ajoute que l’école démocratisée suivrait alors « la mise en concurrence de cla logique civique ». Ce à quoi Van Zanten 36 ajoute le facteur de la ségrégation. Rappelant ainsi l’inégalité formelle des villes qui à l’image d’un établissement scolaire bien intégré au centre ville voit son opposé en périphérie. Cette notion soulève une nouvelle question: l’école n’est-elle pas un espace de compétition entre les groupes sociaux?
33 34 35 36
Sylvie Mesure et Patrick Savidan, le dictionnaire des sciences humaines, Paris, 2006 Eduard Bernstein, politicien marxiste allemand, language et classe sociale, Paris, 1975 Jean Louis Derouet - 1992, École et justice: De l’inégalité des chances aux compromis locaux, Paris,1992 Agnès Van Zanten - 2004, l’Éducation de la périphérie: scolarité et ségrégation en banlieu, Paris, 2001
23
C. L’éducation est elle au service de la culture dominante ? Le thème de l’inégalité sociale au sein de l’éducation a été un grand débat notamment avec des grands penseurs français qui ont voulu comprendre pourquoi l’égalité des chances étaient en faveur de la classe dominante. En effet le rôle intégrateur de l’école a tendance à mettre en avant une compétition entre le groupes sociaux. Bourdieu 37 et Passeron 38 ont analysé ce rapprochement entre élites sociales et réussite scolaire en dénonçant une société de méritocratie propice à une reproduction sociale des individus. Ainsi à partir d’une sélection d’étudiants universitaires, les sociologues ont fait une étude comparative entre réussite scolaire et classe sociale. On pourrait citer beaucoup d’exemples d’étude, mais contentons nous de mentionner que l’essentiel: La stabilité des écarts entre catégorie socio-professionnelle est différente. Elle aboutit sur une inégalités des chances de réussir. La spécialisation sociale des types d’études a tendance de jouer en profit des classes sociales privilégiées au détriment des moins favorisés. Pour Bourdieu et Passeron l’individu est cerné par son éducation première, à savoir la famille. Ainsi c’est elle qui détermine le capital culturel, économique et sociale d’un individu formant ainsi son identité. C’est ce qu’ils nomment l’habitus des classes 39, un système héréditaire qui détermine le statut sociétal d’un individu, non pas par l’Éducation mais par une reproduction sociale. L’École devient l’espace physique de la compétition entre les « classes sociales » et affiche les contraintes de notre sociétés en tant que « lutte des places ». Bourdieu et Passeron défendent le fait que « Les explications proposées visent à relativiser le poids des obstacles économiques aux études universitaires des enfants des classes populaires et à mettre en valeur le rôle des obstacles culturels.» C’est à partir d’une analyse des comportements que les sociologues établissent des constats: « des différences d’attitudes et d’aptitudes significativement liées à l’origine sociale ». Le statut de l’étudiant est alors illusoire car il « dissimule ce qui est au fondement de ces différences, à savoir « la prédisposition, socialement conditionnée, à s’adapter aux modèles, aux règles et aux valeurs qui régissent l’école ». L’héritage culturel, économique et social « se transmet de manière discrète, indirecte, en l’absence de tout effort méthodique ». Dans une société ou chaque individu est différent un des mécanismes essentiels de l’inégalité est « l’indifférence aux différences » rappelle Bourdieu. L’école n’est plus libératrice mais conservatrice. Mais revenons a notre terrain d’étude: le bidonville. Il est intéressant de voir comment cette notion d’habitus des classes est significative au sein d’un tissu souvent méprisé. En effet même après avoir accéder à un nouveau statut sociale il arrive que les « nouveaux riches » issu des quartiers précaires s’intègrent difficilement dans une nouvelle « place » à l’opposé de celle d’origine.
37 38
24
Pierre Bourdieu, sociologue français, Le Noble d’État, Paris, 1989, Bourdieu et Passeron, Les Héritiers: les étudiants et la culture, Paris,1964
Développons ces constats en prenant l’exemple du Brésil où Tufao, un footballeur star ou encore Genilton Guerra, un chef d’entreprise, ont fait le choix de retourner dans leur quartier d’origine après avoir senti le malaise sociale de ne « pas être à sa place » dans les quartiers plus aisés. Au sein de leur quartiers d’origine, ils représentent le symbole de la réussite: « Rien a voir avec ces quartiers où on n’a pas un seul ami. Ici, je suis plus connu que le billet de deux reals » s’exprime Genilton Guerra 39. On voit le rappel à l’ordre social de l’habitant du bidonville défini par un « habitus spatial ». D’où l’intérêt de repenser la pédagogie de l’École, lieu démocratique et socialisant. « La démarche générale est celle d’un repérage des grandes fonctions sociales remplies par les actions de « violence symbolique » et par la même, celle d’un vaste démarquage critique de l’école. Si le système scolaire a pour fonction essentielle la reproduction de la structure des classes sociales, alors les retournements pédagogiques ne sont plus à l’ordre du jour. » 40 L’accès à l’éducation et la culture sont a privilégier dans les quartiers précaires, mais tout étant dans un monde informel de quelle manière pourrait-on dépasser les apriori mis en évidence par l’habitus de l’individu.
39 40
Courrier internationale hors série, le Brésil une puissance en marche, Quelle est belle ma banlieue!,2013 Bourdieu, La Misère du monde, Paris, 1993
25
D. La théorie des intelligences multiples, Howard Gardner Howard Gardner 41 étudie la notion de l’intelligence chez l’individu, il met en avant la théorie qu’il n’y a pas une intelligence symptomatique, mais qu’il existe un « ensemble d’intelligences autonomes les unes des autres ». A l’origine il existe d’après lui huit intelligences composante de l’être humain: 1. L’intelligence interpersonnelle: Elle correspond à la capacité de l’individu de vivre en groupe, en société. 2. L’intelligence intra-personnelle: C’est celle qui est interne à l’individu, reflet de ces émotions elle permet d’alimenter une auto-estime et un regard objectif sur soi même. 3. L’intelligence kinesthésique: Ici c’est la relation avec le mouvement, et donc le corps. C’est la relation évidente entre l’esprit et le corps 4. L’intelligence visio-spatiale: C’est la capacité à synthétiser et retranscrire en image ce que l’on perçoit par la perception visuelle et auditive. 5. L’intelligence musicale: Elle est liée à la production, à la distinction voire transformation de rythme ou de son harmonique et musical. 6. L’intelligence naturaliste: Elle correspond à une identification de l’environnement. Autant des formes de la nature (faune et flore, géologie) que non-naturels (objets conçus par l’Homme) 7. L’intelligence logico-mathématique: C’est la faculté de résoudre des éléments logiques et abstrait. 8. L’intelligence linguistique: C’est la capacité de manipuler une langue voir plusieurs, dans une qualité d’expression et de connaissance du vocabulaire. D’après l’auteur nous avons tous au moins une de ces intelligences principales suivie d’une secondaire. On peut supposer que c’est un bon point de départ pour repenser une nouvelle manière « d’éduquer l’individu » en partant de ses qualités. Il peut alors se sentir d’une utilité intellectuelle et pourrait peut-être se détacher du destin scolaire présagé par son « Habitus ». C’est l’idée que l’auto-évaluation de soi-même peut contribuer à une meilleure intégration sociale. Ainsi l’auteur révolutionne la pédagogie de l’éducation, en considérant que chacun dispose d’un mode d’apprentissage préférentiel qui doit se développer dans le sens du plaisir et de l’émancipation personnelle. Howard Gardner pense qu’il faut cultiver ses capacités cognitive. Sur ce fondement, on pourrait idéaliser une pédagogie scolaire où chaque individu contribue au fondement de tous sur un principe d’échanges des savoirs.
Howard Garnier, psychologue et éducateur, Usa, Les intelligences multiples : La théorie qui bouleverse nos idées reçues,Retz, juin 2008, cité par Éric Plaisance, Gérard Vergnaud, les sciences de l’éducations,Paris,1993 41
26
2
1
3
8
4
7 5
6
27
1.4 Le bidonville un terrain d’action par l’éducation et la culture A l’aube d’un monde globalisé où l’expansion démographique et urbaine est critique; il faut garder un oeil sur les individus les plus touchés par la crise planétaire. Les bidonvilles sont des terrains d’actions. L’impossibilité de réguler le phénomène suscite des enjeux d’amélioration. Dans cette « luttes des places/ classes » entre la « ville informelle » et la « ville formelle », il faudrait renouer un lien social par des espaces socialisant et démocratique. L’accès à l’éducation et la culture est un devoir et un droit de tout citoyen. C’est une réponse envisagée dans cette étude pour susciter du changement et une ascension social des plus démunis. Seulement l’École c’est aussi un espace physique de compétition et d’inégalités. Cela fait réfléchir sur de nouvelles pédagogies à partir des qualités de l’individu par exemple. Des questions persistent: Comment agir pour consolider les quartiers précaires? Quel est le rôle de l’Etat ? Celui de l’architecte ? Voyons à présent à plusieurs échelles des solutions d’action.
28
29
Comuna 13, Medellin, photo: Raul Arboleda
30
2.
Quels moyens d’action éducative et culturelle, pour faire marcher l’ascenseur?
2.1 L’acuponcture urbaine à Medellin un modèle d’urbanisme social ? A. De la ville la plus violente du monde, à un modèle d’urbanisme social Localisé dans le département de Antioquia à 400km de Bogota,la capitale de la Colombie, Medellin s’inscrit comme la deuxième ville la plus importante du pays. Avec ses 3 731 447 d’habitants, la métropole est considérée comme la seconde ville la plus dense du pays et constitue un important centre économique et financier. Elle s’étale sur un territoire d’une topographie dynamique. Cependant la « lutte des places » urbaine est au processus même du tissu urbain: au sud s’étend les quartiers « riches » à l’opposé des barrios 42 qui s’agglutine sur les collines extravagantes. Sur ces zones non-convoitées et souvent à risque les habitants, pour la plupart en provenance des campagnes, se sont installés dans l’urgence. Comme nous avons vu précédemment (1.1) on retrouve notre cercle vicieux des déplacements de populations qui s’exprime sur le territoire urbain. La présence des cartels dans ces « morceaux de villes » a laissé apparaitre des zones informelles qui fonctionnent indépendamment d’une politique insouciante et où la « loi du talion » régit les codes sociaux. C’est la ville du fameux Pablo Escobar, le narco-trafiquant le plus célèbre du monde qui contrôlait la plupart des export mondiaux de cocaïne. Entre image de « Robin des bois » et « d’ennemi public numéro un », Medellin sa ville natale est confronté à une violence quotidienne: guerres de gangs, milices corrompu, Farcs… Entre assassinats, enlèvements et attentat les Medellinense vivent dans une peur constante notamment ceux des quartiers précaires directement lié aux conditions. En 1991, le taux d’homicides atteignait 381 pour 100.000 habitants s’affichant au monde comme la ville la plus dangereuse du monde 43. L’État décide alors d’intervenir et la ville s’engage dans une guerre civile meurtrière entrainant la mort du baron Escobar en 1993. Chaque habitant, toute catégorie confondu a vu au moins un des membres de sa famille touché par la violence civile. « Nous ne sortions plus de nos maisons, sauf pour nous rendre à l’école ou au travail. Et nous ne savions jamais si nous allions rentrer vivants le soir ni qui serait à la maison pour nous accueillir», raconte Paula Andrea Bustamante Jaramillo. 44 La ville précisait d’un grand changement urbain pour retrouver sa vertu. Le tournant prend lieu lorsque le président Alvaro Uribe 45 décide de démobiliser les paramilitaires des zones en conflit. C’est à ce moment qu’apparait Sergio Fajardo 46, un prof de maths élu maire de Medellin. Il est très ambitieux d’entreprendre une démarche de renouvellement urbain. Il s’entoure donc d’une équipe d’intellectuels d’horizons différents pour aborder la question sur plusieurs aspect. Dans un premier temps les politiques défendent une restructuration politique qui rompt un maximum avec tout clientélisme et corruption dont la ville faisait preuve. Fajardo se Barrios littéralement quartier formelle en espagnole, mais utilisé à Medellin pour caractérisé les espaces informels 43 Inetview de Léa Champagne, De la peur à l’espoir, Linéarité, piste pour innover socialement tous ensemble 44 Sergio Fajardo, politique, mathématicien colombien, prefet de Medellin (2004-2008) 42
32
Medellin, photo: Terra
lance un pari audacieux: redonner un sentiment de sécurité aux Medellinense mais pas de manière répressive, une habitude des politiques. Le problème principale est visé: la ségrégation socio-spatial fardeau d’un immense complexe urbain. Le directeur de la planification, Mauricio Valencia Correa ajoutait outre des problèmes de drogues: « L’autre cause de la violence, ce sont les inégalités immenses et la pauvreté, qui se transmettent de génération en génération ». C’est en quelques sortes cette notion de reproduction social évoqué par Bourdieu et Passeron (1.2) qui est pointé du doigt. L’idée de « plans urbains intégraux » apparait alors comme une solution. La ville est considéré comme un « tout » et chaque secteur de celle-ci doit être considéré sur un panel programmatique équitable: En passant par des logements sociaux, des écoles, des collèges, des routes, des équipements sportifs aux transports en commun. La question de la mobilité est alors apparu comme primordiale dans une cité divisée assurant un système de métro et de bus en partie plane. Cependant pour répondre à une mobilité total il a fallu concevoir un concept pour les barrios précaires nichés sur les collines dans un urbanisme difficile à intégrer. À l’image des multitudes de bidonville sur le continent sud-américain installé sur les montagnes, sur une pente souvent prisée par des risques naturels et dont l’infrastructure est de très mauvaise qualité, il a fallu penser un système or du commun.
33
C’est alors qu’est apparu un nouveau concept révolu, celui d’un téléphérique assimilé au métro du nom « Métrocâble »47. Conçu initialement pour les stations de ski en montagne le système s’avère être une réponse adaptée. Les habitants ayant un accès au transport plus privilégié se sont retrouvé à réduire leur temps de trajet de une heure à 15 minutes. La ligne s’étendait de près de trois kilomètres sur trois stations dans le quartier de la Comuna13 48, puis à la suite de son succès s’est étendu. Des quartiers connotés comme les plus dangereux de la ville comme Santo Domingo 49 ont un téléphérique qui va même au de la du bidonville. Car il dessert aussi le parc Arvi, une réserve naturelle situé en marge de la ville. Un des lieux favori d’excursion des habitants aisés. De plus une intégration de systèmes d’escalier mécanique facilite la monté des pentes arides réduisant ainsi le trajet des habitants de 35 à six minutes. Le Barrio de la Comuna13 détient un escalator de 400 mètres qui serpente à travers les habitations. C’est ainsi un moyen simple et contemporain de ré-inventer le flux piétons des collines urbanisées. La mobilité s’affiche comme un système propice à la mixité sociale. Elle permet un flux entrant et un flux sortant dans des zones considérées comme « informels ». Le centre ville est rendu aux habitants des collines et le bidonville se révèle aux « bourgeois » suscitant de nouvelles idéologies sur leur « voisins » propice à vaincre des préjugés. Manuela une habitante de la ville formelle s’exprime: « Je n’ai jamais mis les pieds dans un barrio. Il n’y a pas si longtemps, c’était juste du suicide. » 50. Medellin, photo d’archive: El universal
Metrocâble, Téléphériques urbains , exemples de l’Amérique latine, enquête d’urbanisme du journal le Monde, Paris, 2011 48 Comuna 13, zona centro occidental de Medellin, densité de population 19 210,29 hab/km2, 49 Santo Domingo, ancien fief de Pablo Escobar, un des lieux les plus problématiques pour la guerre contre le narco-trafique 50 Medellin urbanismo social, Exposition créée par le Pavillon de l’Arsenal en partenariat avec la Municipalité de Medellín, l’Agence Française de Développement, et l’Atelier parisien d’urbanisme 47
34
B. L’architecture au service de l’éducation et de la culture Dans le documentaire « cahiers de Medellin » de Catalina Villar 51 réalisé dans le Medelin pré-urbanisme social, l’acteur est plongé au sein d’un système scolaire d’un bidonville de la cité. L’approche pédagogique de la réalisatrice qui enseigne aux enfants comment filmer lui permet une approche sensible et généreuse. En parallèle du projet avec le professeur de l’école, la réalisatrice suit les étudiants dans leur quotidien. Elle révèle leur désespoir, leur dignité et leur courage. Malgré une précarité flagrante, l’espoir des élèves regorge d’une force saisissante. Ce témoignage décèle l’importance de considérer les générations futures comme des acteurs de demain. D’où la nécessité lors d’une intervention urbaine de réfléchir à un système d’équipements symptomatiques pour cette « nouvelle génération ». Avec la phrase « le meilleur pour ceux qui n’ont rien » 52 les politiques annoncent leurs intentions. En effet le maire consacre 40% des 1,5 milliard de dollars de son budget annuel à l’éducation et la culture. On remarque l’importance de ne pas pointer du doigt sur l’habitation des bidonvilles mais de leur redonner des services socialisant et rayonnant au sein du quartier. A partir d’une « acuponcture urbaine », on mise sur l’architecture. Mauricio Valencia évoque qu’en sept ans, 135 écoles ont été rénovées et huit bibliothèques ont été crées. Ainsi on se penche sur les barrios, zone prioritaire car « Medellin a une dette morale envers les habitants de ces quartiers, car elle les a abandonnées » 53 selon les termes du maire Fajardo*. Cette notion d’abandon social est significative chez les habitants, c’est pourquoi il s’avère possible de leur redonner espoir par un programme éducatif et culturel. En effet dans un pays où les cours se déroule seulement le matin, il est évident que les jeunes livrés à eux même l’après midi dans une zone prisé par les gangs dérive facilement. Cependant cette politique de remplacer « les armes par les livres » à permis une attraction. « Désormais, les enfants du quartier Santo Domingo Savio ne traînent plus. Dès que la cloche sonne, ils envahissent le Parque Biblioteca España. » 54. 51
cahier de Medellin, auteur-réalisateur Catalina Vilar - producteur Jacques Bidou - productions JBA productions, entre chien et loup - image Carlos Sanchez - son César Salazar, nommé «Prix du long métrage et prix du public - Festival de Nyon», et «Prix découverte SCAM» (France 1999) 52 cité par le Monde, A Medellin l’urbanisme social contre la pauvreté,2014, Paris 54 cité par Obsession, Comment Medellin est en train de renaître, 2014, Paris 51
35
Ainsi un concours d’architecture est lancé, avec une exigence spécifique d’édifice de qualité, dont le langage diffuserait une nouvelle image. Les réponses architecturales deviennent de nouveaux symboles, car elles favorisent l’intégration sociale des habitants qui « souvent impliquées dans les projets » retrouvent un sentiment de fierté. Voyons objectivement quelques exemples plus précisément: • Le centre Culturel du quartier Moravia, Rogelio Salmono est l’architecte du projet. Le langage moderne s’intègre dans la maille informel, et rayonne autour du quartier comme un point de repère culturel. photo: Rogelio Salm
• Les parques Biblioteca - La bibliothèque Espana, à Santo Domingo Situés à la limite des programme sociaux et de l’éducation les parques bibliotecas refont vivre l’idéologie de l’éducation pour tous. Construite sur un langage à la « Stonehenge » 54, trois blocs de granites s’élèvent au sommet de Santo Domingo, ancien fief de Pablo Escobar. La culture est au summum et permet de re-interprèter la hiérarchie socio-spatiale classique du quartier précaire en flanc de colline où plus on habite en haut plus on est pauvre. C’est en s’attaquant au point les plus problématique que l’architecture peut renverser un schéma social. « C’est la biblioteca Espana, inaugurée en 2007 par le rio et la reine d’Espagne! On a gagné des prix d’architecture dans le monde entier grâce à nos bibliothèques. Elle sont gratuites et accessibles à tous, » s’exprime un habitant avec fierté. De plus sa géo-position propose un belvédère. photo: Sergio Gomez
Stonehenge signifie « les pierres suspendues », est un monument mégalithique composé d’un ensemble de structures circulaires concentriques, érigé entre -2800 et -11001, du Néolithique à l’âge du bronze 54
36
• Collège Santo Domingo: Conçu par l’architecte colombien Carlos Pardo. Il s’intègre dans le paysage dans les hauteurs de l’ancien fief de Pablo Escobar. C’est le schéma social qui s’inverse! photo: Carlos Pardo
• L’espace public et le jardin botanique: La revalorisation de l’espace public est primordial dans un « barrio » où l’organisation labyrinthique et la proximité des habitations affiche la solidarité communautaire. Ils se dressent alors comme les espaces d’interactions sociales sujet d’évolution citoyenne. photo: Archidaily
• Le couloir du sport de Medellin: Giancarlo Mazzanti et Felipe Mesa ont conçu un complexe sportif sur le concept de la fléxibilité des sport et une peméabilité urbaine. Ainsi toute type d’expression corporelle sont mise a l’épreuve dans un lieu qui mélange toute type de «classe sociale». photo: Archidaily
37
C. La métamorphose urbaine, un résultat symbolique ? Medellin est évidemment un cas exemplaire, la méthodologie mis en avant par les politiques a dresser le portrait d’un nouveau visage des barrios les considérant comme partie intégrante de la ville. Selon le « Urban Land » 55 institute, la ville a fait acte du « virage urbain le plus remarquable de l’histoire moderne ». Cette intervention à changer la vie de 850 000 habitants de la ville qui en compte 3,5 millions. Même si les problèmes locaux sont encore a travailler, la dynamique entreprise est source d’espérance et d’évolution. En effet « en 2011, lors d’une campagne électorale, certaines personnes parlent d’une ville transformée c’est un discours dangereux, expliquait l’architecte Jorge Perez 56 quelques jours plus tôt. « Medellin est en voie de transformation, et ne cessera jamais de l’être. Si on commence à croire qu’on a achevé quoi que ce soit, on est perdu. », le rappeur Adryo Hidalgo prônant la paix y ajoute « la différence c’est qu’avant, on était en enfer, aujourd’hui c’est le purgatoire. C’est presque pareil, mais avec de l’espoir. » Cependant il faut noter que cette stratégie d’urbanisme social intégré à la métropole a diffusé un modèle au delà de Medellin. De Caracas au Venezuela, comme à Rio de Janeiro au Brésil le système du téléphérique s’est intégré comme un outil de désenclavement. C’est aussi ce qui est prévu par cet initiative mentionnée de redonner une image dynamique et positive des quartiers précaires. Cependant contrairement à Medellin il est important de préciser que dans ces cas le « téléphérique » n’a pas été assez considéré dans un « projet urbain intégral ». Le risque est alors de passer d’un réel besoin de mobilité à une vitrine touristique. Ainsi lorsque j’ai utilisé le téléphérique au Morro do Alemao 57 à Rio de Janeiro, je me suis retrouvé dans un système de transport très peu utilisé. Surpris j’ai alors discuté avec un habitant qui était à mes cotés dans la cabine. Il m’a avoué que le système avait été mal pensé dû à une mauvaise intégration des habitants dans le projet. Les habitants privilégiaient encore leur système informel de « moto-taxi » au détriment d’un transport ressenti comme une « hypocrisie politique ». Il faut ajouter à cela l’avantage que Medellin a tiré de son urbanisme social. La ville s’est inscrite dans un processus de renouvellement urbain constant. Ainsi de nouveaux plans directeurs sont d’ores et déjà envisagé en collaboration avec le pavillon de l’Arsenal à Paris. Le plan Bio Medellin 58 pour l’horizon de 2020 sur une optique de développement durable, vise à traiter la thématique de l’eau dans la ville. Ainsi son actuel canal, et ses ressources naturelles seraient mis en avant pour une cité de l’avenir.
Urban Land institute, centre d’éducation et de recherche anglais, basé à Hong Kong, Washington, London Jorge Perez, regar architects, cité par le Monde, A Medellin l’urbanisme social contre la pauvreté,2014 57 Morro do Alemao, se situe dans la zona norte de Rio de Janeiro, composé de 16 favelas, il fût considéré pendant longtemps comme zone de haute violence 58 Bio Medellin, Io 2030 plan director Medellin, Valle de Aburrà, en coopération avec le pavillon de l’Arsenal à Paris 55 56
38
On remarque que quand l’Etat « oublie » l’habitant de ces tissus défavorisé il devient difficile de générer du changement. Comme le disait Henri Lefebvre 59 à la suite du poète allemand Hölderlin 62 et du philosophe Heidegger 61 dans son célèbre essai Construire Habiter Penser: « L’être humain (ne disons pas l’homme) ne peut pas ne pas habiter en poète. Si on ne lui donne pas, comme offrande et don, une possibilité d’habiter poétiquement ou d’inventer une poésie, il la fabrique à sa manière ». Essayons maintenant en regardant un autre exemple de comprendre la capacité de l’être d’humain a devenir un constructeur de ville.
Rio Medellin,actuellement58
Bio Medellin,203058
Henri Lefebvre, philosophe français, cité par Thierry Paquot,Habitat, habitation, éditeur de la revue d’urbanisme habiter 2012 60 Friedrieh Hölderlin, poète lyrique et romantique allemand de la fin du 19ème siècle 61 Martin Heidegger, philosophe allemand du 20ème siècle 59
39
2.2 L’auto-construction de la Vila El Salvador au Pérou, une pédagogie collective ? A. Du désert, au bidonville de l’utopie social En Amérique latine près de Lima, la capitale du Pérou existe une ville auto-construite qui témoigne d’un véritable savoir-faire humain. Dans les années 70, le cataclysme des villes défini auparavant (1.1), à savoir l’exode rural et l’incapacité de se loger prolifère l’apparition de bidonvilles. Ces derniers feront actes de confrontations violentes avec l’Etat qui cherche à les éradiquer. À l’image d’une mauvaise pousse, l’architecture de survie renaîtra alors dans la mesure du possible dans un nouveau terrain vague. Le cercle vicieux incessant encourage alors le gouvernement a dédier une terre à sa population déshéritée dans une politique d’accès à la propriété. Cette mesure mis fin au conflit mais laisse alors la population dans un désert à 30km de la ville sans conditions propices à habiter (absence d’eau, d’électricité et de logement). Les « exclues » de la ville se lancent alors le défi de construire une ville, que l’on nommera par la suite la Villa El Salvador. À l’image d’une solidarité et d’un courage collectif les habitants prennent des décisions à partir d’assemblée démocratique et d’entraide. La forte relation sociale entre les habitants s’appuie sur une devise « Parce que nous n’avons rien, nous ferons tout ! ». Soucieux de garantir le meilleur avenir pour leurs enfants, les habitants misent avant tout sur l’Éducation. Le bilan d’un investissement tel: un taux record d’alphabétisation 62 (plus de 90%). En effet la vertu de la ville provient d’une organisation participative judicieuse de l’habitant à l’image d’une véritable politique collective. Ainsi l’organisation territoriale est défini à partir d’un paté de maison contenant 24 parcelles habitées par 24 familles. Chaque lot élit un comité de directions de cinq représentants basé sur la pluridisciplinarité: l’éducation, la production et les services, la santé,etc… Ceci aboutissant sur une assemblée déterminante de 16 pâtés de maisons environs. Les quartiers sont organisées autour d’une place publique, lieu de partage et d’accès au services communs ( écoles, centre sportif, unité médicinale,etc…). L’utopie de la cité va au delà d’un simple principe d’auto-construction car l’habitant - urbaniste est aussi un politique. En 1974, le CUAVES 63 consolide les organisations populaires. A partir d’un plan pilote on développe l’infrastructure de la ville. Ainsi la volonté de réaliser une ville autosuffisante participe à un idéal sociale basée sur l’équité de tous. « Dès le départ, nous voulions éviter de devenir un bidonville de plus. Nous avons voulu imaginer une vraie ville basée sur l’égalité de classe et de genre, où tout le monde puisse se développer dans des conditions égales » 64 évoque une habitante. D’où le résultat d’une ville productive au rejet d’une ville dortoir. Il y apparaissent de multiples organisations collectives, comme les commodores 65 où le travail collectif, qui participe à une Éducation populaire des habitants. De nos jours la ville est considéré comme le principal lieu de production de meubles du Pérou. David Solon, Villa el Salvador, la ville née du désert, 1998, Paris Communauté urbaine autogestionnaire de la Villa El Salvador 64 Vila El Salvador, les batisseurs du Désert, Auteur Jean Michel Rodrigo, production mécanos en association et le soutien du CNC, CFSI, du ministre des affaires étrangères, du comité français pour la solidarité internationale, de la ville de reze, de la municipalité de Villa el Salvador, 1998 65 Cantine populaire tenu par des mères de famille et dont la nourriture est gratuite 62 63
40
Photo: Jean Michel Rodrigo
La Vila El Salvador est de l’ordre du bidonville classique dans le sens propre relevant de l’informalité spatiale et de son processus d’auto-construction. Cependant la participation collective des habitants a laissé place à un modèle remarquable d’autogestion urbaine sujet d’ascension social et culturelle des habitants. D’où l’importance de privilégier le participatif avec la « communauté urbaine ». Quel est le rôle de l’architecte dans ce processus ? Et celui de l’habitant?
Av. Central de Villa El Salvador, archive: al Municipio
41
B. L’habitant au coeur de l’action, vers un nouveau rôle de l’architecte ? Étudier un tissu complexe comme celui des bidonvilles, revient à parler de ses acteurs qui à la différence d’une ville conventionnelle sont des constructeurs de « ville ». Il faut donc parler d’une « architecture sans architecte »66 et cela au delà des carences sociales, économiques et politiques évoquées. Malgré ses ressources, l’individu révèle son ingéniosité, notamment dans une phase de survie où « l’on fait avec ce qu’on a ». Ainsi on peut supposer que l’action de l’individu se traduit par une réponse primitive mais raisonnée. Cette revendication de « l’Homme architecte » a été un cas d’étude de nombreux architectes dont Le Corbusier 67 qui a écrit: « Voici la maison primitive: là se qualifie l’Homme: un créateur de géométrie; il ne saurait agir sans géométrie. Il est exact. Pas une pièce de bois dans sa force et sa forme, pas une ligature sans fonction précise. L’Homme est économe {…} Un jour cette hutte ne sera-t-elle pas le Panthéon de Rome dédié aux dieux? ». La typologie des « villes informels » enseignent beaucoup à celui qui s’y sensibilise. On peut donc étayer l’hypothèse qu’il est nécessaire de saisir les codes sociaux des habitants avant de proposer des modes d’actions propices à leur ascension sociale. Autrement dit nous allons voir maintenant en quoi il est important de les intégrer dans le projet comme participant. Faire un projet d’architecture c’est toujours trouver un compromis entre la réalisation du concepteur (offre) et l’utilisation des individus (demande). Le mariage raisonnée entre « l’objet d’architecture et son époux » pose toujours la question: Comment construire pour l’habitant? Mais en se posant cette question courante, n’est-il pas risqué de généraliser l’utilisateur comme un citadin « lambda » de la société? Réduisant ainsi celui-ci à une identité globalisée où l’habitant à l’image d’un clone aurait les même caractéristique que tout le monde. On construit pour « l’habitant moyen » et non « l’habitant spécifique ». Retournant ainsi la question, n’est il pas préférable que chaque individu affirme son identité social dés la conception même de l’objet qui lui est destiné? Yona Friedmann 68 est un protagoniste de « l’architecture par l’habitant ». D’après lui « la raison d’être d’un objet d’architecture est de donner satisfaction à l’habitant et de lui servir (…) mais nous vivons dans un système socio-économique fondé sur une telle spécialisation des connaissances que le cas de l’habitant constructeur ou même, simplement, concepteur de l’objet d’architecture devient exceptionnel ». On peut alors se poser la question qui, entre architecte et habitant, à priorité sur l’autre? C’est une question moins évidente dont Friedmann décide de répondre par le fondement de sa pensée intégrant les acteurs dans leur rôle distinct. Par la tradition académique, l’habitant révèle ses désirs à l’architecte qui les interprète à sa manière. Yona Friedman critique ce procédé classique qu’il définit comme une « machine diabolique » car entre le souhait de l’un et la conception de l’autre il y a souvent un écart. Il faut procéder par arbitrage et de nouBernard Rudowsky, architecture without architects, a short introducting to non pedigreed architecture, New York,1964 67 Le Corbusier, Une maison - un palais, 1928, éditions Connivences, Paris, 1989, p. 38, extrait de l’article de Douangmanivah Alain, La cabane primitive ou les origines de l’architecture,2002 68 Yona Friedman, architecte et théoricien français, L’architecture de survie, une philosophe de la pauvreté, Paris, 1978. Friedman est connu pour sa théorie sur «la ville spatiale», une ville auto-géré par les habitants 66
42
veaux méthodes de communication reposant la question même du rôle de l’architecte. Les moeurs de la société actuel assimile encore l’habitant à une « incapacité » et l’architecte comme un « savant créateur ». Comment remédier à une communication entre le « Monsieur pratique » et le « Monsieur rêveur »? Pour l’auteur il ne s’agit que d’un pas pour faire de l’habitant, un architecte. A partir d’un raisonnement cartésien il propose un manuel technique d’auto-construction. L’habitant réalise ses désirs et l’architecte est un guide pratique qui enseigne son savoir spatial et logique. Le statut de l’architecte a donc tendance à évoluer. Sigfried Giedion 69, premier historien de la mécanisation et du matériel, a montré que les modes de productivité ne déterminent pas seulement le style architectural mais aussi le rôle de celui qui conçoit. Cette réflexion trouve son écho chez Walter Benjamin 70 qui situe « l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ». L’art perd son « aura » unique et c’est justement en exposant cette perte que l’art est à la hauteur du processus de modernité. Tout cela entraine un changement radical du statut de l’artiste et de l’architecte. Comme c’était le cas à l’époque du Bauhaus 71 où travail et réflexion se faisaient en collectif. Giedion a rappelé que l’architecte se définissait moins comme un inventeur isolé mais comme un ingénieur dans le sens d’un expert travaillant dans l’industrie. Ce qui me semble être intéressant c’est que dans l’ingénieur se trouve le mot « génie qui a auparavant caractérisé la création subjective. Pourtant Giedion voulait souligner le fait que l’architecte n’était plus un artiste autonome mais un technicien qui est déterminé par le matériel de construction de son époque. Après avoir compris l’importance de faire du participatif avec les acteurs des « villes informelles », voyons à présent comment nos contemporains se portent sur le terrain. Il est pour cela important de voir des témoignages qui ont su faire preuve de l’engagement de l’architecte comme un philanthrope.
Siegrfried Giedion, Construire en France en fer et en béton, 1928 Walter Benjamin, l’Oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, extrait de l’ouvrage Oeuvres III, p.269-316 71 Le Bauhaus, est un courant de pensée moderniste, sous forme de collectif pluridisciplinaire (Architecture, Art plastique, Design,...) regroupant en autre Walter Gropius, Mies Van der Rohe, Kandisky, Paul Klee,... 69 70
43
2.3 L’architecte, un rôle de philanthrope A. L’école flottante à Makoko, un prototype pour les habitants - Kunle Adeyemi Kunle Adeyemi est un architecte nigérian qui a collaboré longtemps dans l’agence OMA de Rem Koolhass 72 avant de fonder son agence NLÉ. Celle-ci conçoit ses projets sur une philosophie remarquable: Les villes en voies de développement sont le centre d’un développement global. Le phénomène d’urbanisation des villes est la problématique principale visée, sur laquelle l’agence rebondit en étudiant son principal « résidu », « les villes informelles ». Ainsi dans un monde qui tend à rechercher un équilibre avec l’environnement, il devient intéressant d’interpréter ces espaces comme une solution de développement. Comme vu en première partie (1.1), le continent africain est sujet de hauts risques environnementaux sur lequel s’ajoute une croissance populationnelle. Adeyemi voit Lagos, comme une mégalopole au coeur de la problématique. Son terrain d’étude lui permet d’oeuvrer à l’échelle locale mais dans l’anticipation qu’il peut s’effectuer dans d’autres pays similaires. L’architecte signe son oeuvre révolutionnaire « l’école flottante » à Makoko, un bidonville installé sur l’eau dans la lagune de Lagos73. Sur le principe des « palafites », les maisons sont regroupés sur une infrastructure principale: l’eau. La rue est un canal où l’on se déplace en pirogue. On retrouve les services basiques d’une ville: l’éducation, le commerce, l’agriculture,… Au de-la du bidonville, l’architecte y voit un prototype d’urbanisation durable et contemporain. C’est donc à partir d’une « acculturation architecturale » qu’il adopte le lieu. Signe d’un architecte engagé, Kunle Adeyemi veux partager son savoir pour contribuer au développement de la communauté. En réponse les habitants réclament une insuffisance d’espaces scolaires. Un déséquilibre face à la densité d’habitants présent. Ingénieux, l’architecte se pose alors la question: comment concevoir un espace utile, multiple et adaptable à partir de matériaux de ressources minimum. Lui vient alors l’idée de construire une plateforme flottante qui résisterait aux montées des eaux. En parallèle il perçoit la multitude de bidons inutilisés qu’il re-qualifie comme fondation flottante du projet. Il est amusant de voir l’intégration sensible de l’architecte qui, comme un anthropologue s’imagine dans la vie de l’individu. Ainsi du bidon(ville) s’est fait de l’architecture au sens conventionnel. La structure qui s’élève sur la base forme une toiture, dans laquelle différents plateaux sont modulable. L’intégration et la participation de l’habitant dans le projet apparait fondamentale. L’architecte n’a pas que répondu a son devoir de bon-samaritain de loger son prochain, mais il a surtout semé une « graine » urbaine qui suscite l’espoir d’une communauté apte a développer ce système. Kunle Adeyemi défini l’architecte du futur comme un « agent du changement » diffuseur d’une prospective durable. C’est l’habitant qui inspire au projet et par la suite partage son nouveau savoir aux générations suivantes. En développant une architecture locale, il donne une prospective d’un Lagos futur. Un nouveau projet de radio est actuellement en cours. Il projette ici un nouveau manifeste d’espace culturel dynamisant et identitaire du lieu. Rem Koolhass, architecte et théoricien hollandais, considéré comme un des plus grand architecte contemporain. Il est l’auteur de nombreux écrits, notamment Junk space, et New York délire, des manifestes d’actualité 73 Lagos est la capitale du Nigéria, situé dans le Sud-ouest au Golfe de la Guinée, c’est la seconde ville la plus peuplé du continent africain avec ses 7.937.932 d’habitants. 72
44
Photo: Nlé
Kunle Adeyemi NLÉ
45
B. L’école en terre à Gando, du rural au moderne - Francis Kéré Diébédo Francis Kéré, est un architecte africain originaire du Burkina Faso. Il fait parti de ce dont l’engagement démontre ce nouveau rôle de l’architecte, un médiateur du changement. Dans sa jeunesse il était le seul de son village à avoir accès à l’école. Ce qui l’amène à passer son diplôme d’architecture à Berlin en Allemagne. Il connait alors les difficultés d’accès au savoir et à la culture des habitants de son pays natal. Ce qui lui vaut une détermination personnelle: améliorer les conditions de vie de son pays par l’architecture. A partir de collecte de fond il finance le projet d’une école, puis de centres communautaires de santé et de culture. L’architecture de Kéré enseigne aux habitants un savoir faire technique, le « capital culturel » de l’architecte si on reprend les termes de Bourdieu (1.2). Auquel il associe la plus grande importance d’intégrer la tradition et la participation des habitants locaux sous forme de Workshop. Sa première expérience réalisé encore pendant ses études s’effectuera dans son village natal à Gando, où il construit une école primaire. Il espère que son travail suscitera ses confères architectes à raisonner dans des pays dit en voie de développement. Il s’entoure donc souvent d’étudiants, la nouvelle génération qu’il souhaite sensibiliser. Il est parmi ce qui voit l’architecte de l’avenir comme un penseur ingénieux et actif soucieux de résoudre des problèmes sociaux avec l’aide des communautés locales. Les édifices sont construit avec des matériaux traditionnels comme la terre et le bois par exemple qu’il articule par des techniques contemporaine. Cet approche sensible des pratiques ancestrales sont intéressante, car il va au delà des stigmates de la société qui associent l’architecture en terre à l’édifice vernaculaire du pauvre. Kéré valorise ce matériau abondant dont il souhaite solliciter une fierté de « faire avec ce qu’on a le plus ». En plus d’être facile d’accès et d’utilisation, la terre répond aux conditions climatiques en offrant des meilleurs conditions de protection de la chaleur que n’importe quelle climatisation artificielle. Elle est souvent utilisée comme matière principale des murs, sur lesquels s’élève une couverture métallique permettant une ventilation. L’architecte redonne une vertu esthétique à la terre pour prouver que l’architecture moderne est possible à partir des ressources principales. L’objectif est alors de démontrer un potentiel d’innovations possibles encourageant les villageois à se développer. L’habitant, est un acteur participatif qui est apte à transmettre son « nouveau » savoir aux générations futurs. Le premier projet d’école primaire à Gando en 2001 est discerné d’un prix 73. C’est le commencement d’une longue démarche engagée de l’architecte. Kéré continu son combat et lance plusieurs projets sur la thématique de l’éducation et de la culture pour but de revaloriser et de donner l’espoir d’un avenir meilleur. Ainsi à l’image d’un enseignant de « langage moderne » selon ses propres termes, il valorise le « développement d’infrastructure dans un pays où l’infrastructure n’existe pas ». 74
74
46
Extrait d’une conférence de Diébéto Francis Kéré: How to build with clay... and community
Photo: Kéré architecture
Francis Kéré Kéré architecture
47
B. L’école en terre à Rudrapur ou le maître apprenti - Anna Heringer Un autre exemple remarquable est celui de l’architecte allemande Anna Heringer qui dans la même perspective que Kunle Adeyemi et Francis Kéré, voit l’architecture comme un médium d’action local dans une prospective globale. Sa thématique d’étude se porte sur les zones rurales, dont elle essaye de comprendre les les raisons d’émigration. Heringer fait parti de celle qui pointe du doigt « le malaise rurale » lié à l’utopie de la cité. Et c’est au Bangladesh qu’elle démarre sa carrière en participant à un workshop de construction en terre. L’aspect manuel et esthétique de ce matériau devient une révélation pour l’architecte. Elle a aussi fait acte de partage des « capitaux culturels » avec les habitants. L’objectif tout comme Kéré étant de démontrer la valeur des ressources locales des pays dits en voie de développement. Ainsi elle construit plusieurs centres scolaires et habitations visant a re-dynamiser les conditions de vie des ruraux. Simple et modeste, l’architecture de l’établissement scolaire à Rudrapur sera appréciée et lui revaudra un prix 75 en 2009. L’établissement scolaire spécialisé poursuit plusieurs objectifs: proposer une indépendance aux habitants en offrant à leurs enfants la possibilité d’apprendre sur place sans devoir partir pour la ville. Cette autonomie donne de l’assurance aux enfants et renforce leur identité spécifique, propre à la culture de leur village, sans être dispersée dans l’anonymat urbain. La terre est associée au bambou qui structure les édifices et leur donne une vertu plastique. C’est cette réciprocité « d’accomplissement » entre l’architecte et les habitants qui valorise le projet. Si on reprend les termes de Friedman on pourrait dire que « le monsieur rêveur » devient « le monsieur pratique » et inversement. L’architecture est un mode d’action propice à l’échange, une pédagogie que nous avons favorisé dans la première partie par la théorie des intelligences multiples. (1.2) Ainsi pour susciter un développement durable dans les territoires défavorisés, il va de son sens que l’architecture doit devenir une forme de fierté et d’identité culturelle à l’image des habitants. C’est sur ce point de départ qu’il faut s’appuyer pour penser un changement. La sensibilité de l’architecte est à confondre avec une culture locale.
75
48
Curry stone for handmade architecture
Photo: Architecture vision
Anna Heringer Architecture vision
49
B. Quand les habitants de la Rocinha font appel à l’architecte - Luiz Carlos Toledo Jusqu’à présent nous avons vu trois exemples où l’architecte s’est s’engagé pour le développement des « communautés ». Il devient alors intéressant de voir un autre type d’action où les habitants font appel à l’architecte. C’est le cas de Luiz Carlos Toledo, un architecte brésilien qui est intervenu à Rocinha 76, une des plus grandes favela de Rio de Janeiro. Sujet d’intégration urbaine par le gouvernement qui a longtemps souhaité les éradiquer, les habitants d’une identité solidaire font appel à l’architecte pour faire un contre projet. C’est d’ailleurs la plus grande fierté de Toledo, qui considère le projet du plan directeur de la Rocinha non juste comme une action urbaine, mais aussi comme une réponse politique et organisé des habitants face au gouvernement. En tant que philanthrope l’architecte a installé son agence au sein même de la favela pour faciliter l’action et l’échange avec les habitants. Il est nécessaire de rappeler que le gouvernement autorisa l’élaboration de cette favela car ses habitants étaient une main d’oeuvre bon marché des « quartiers formels » qui l’entoure. L’architecte revendique la nécessité de traiter les habitants de la communauté avec dignité et respect à la veille de projets de ré-urbanisation opposés à l’identité collective. Toledo se bat pour que la favela soit intégrée à la ville en garantissant des droits basiques de la constitution propre à tout citoyen: l’accès à l’éducation ou la culture, ou encore le fait de vivre dans un environnement durable. Ainsi son urbanisme social s’établit par analyse in situ. Après avoir réuni toutes générations d’habitants confondu à des débats sur le développement de Rocinha, l’architecte établit les modes d’actions nécessaires: • Limiter l’expansion du quartier sur le plan horizontal et vertical en adéquations avec les caractéristiques territoriales. • Reloger les habitants concernés par les zones à risques dans un programme de relogement au sein même de la communauté. • Construire une fabrique de préfabrication des éléments utilisés dans l’autoconstruction aussi bien du logement que de l’espace urbain. • Valoriser la culture et l’identité locale à travers la création d’un « corredor cultural » (couloir culturelle) de préservation du patrimoine et d’une mémoire collective. • Implanter une nouvelle infrastructure culturelle et éducative (centre culturelle, bibliothèques, cinéma…) pour développer les arts, la musique et la danse,… • Intégrer une série d’équipements urbains de références; des unités scolaires aux unités hospitalières et commerciales. • Symboliser une « couture urbaine » par un traitement spéciale des zones de transitions entre la Rocinha et les quartiers environnants par l’implantation d’équipements publics qui serviraient autant « la ville informelle » que « la ville formelle ». Un élément favorable à la mixité sociale. La favela da Rocinha, est situé dans la zona sul de Rio de Janeiro. Elle était considéré comme une des favelas les plus grandes de la ville, installé sur un flanc de colline dans le quartier de Sao Conrado. Didier Drummon, dans son livre, l’architecte des favelas signe un catalogue d’autoconstruction et analyse le tissu urbain. Elle compte un total de 69 356 habitans pour une superficie de 143,72 ha 77 Le projet du PAC, programme d’accélèration de croissance, dont un des enjeux était de réurbaniser les favelas. 76
50
Photo: Genilson Araújo, O Globo
Luiz Carlos Toledo Projeto Rocinha
Un des projets notable de l’architecte est celui de la délimitation de la favela. Sujet d’expansion urbaine, le gouvernement 77 voulait dresser un mur de trois mètres de haut évitant tout débordement sur les zones environnementales protégées des collines. Considéré comme « cache misère » cet enclavement supplémentaire proposé par l’État est contesté par les habitants. L’architecte réfléchi alors à un moyen de faire des éco-limites en faisant de ce mur symbolique un espace public attractif et durable. C’est avec l’aide des habitants que le quartier et renoué avec son environnement naturel. L’engagement de l’architecte dans la communauté a suscité le gouvernement à collaborer avec le seul qui était considéré comme potentiel acteur du changement.
51
2.4. Vers une nouvelle architecture participative et éducative. La thématique de l’éducation et de la culture comme instrument de revalorisation des « bidonvilles » a fait ses preuves à différentes échelles: métropolitaine ( Medellin ), urbaine ( Lagos, Rio de Janeiro…) et rurale ( Burkina Faso, Bangladesh ). L’Etat a le rôle principale significatif d’un changement. Cependant vivant dans « un monde informel »(1.1), les problèmes résolus ne sont pas toujours ceux des moins favorisés. L’architecte peut alors par conviction s’engager dans une démarche de changement. Le concept d’Éducation de l’individu devient en fait un échange de savoirs, où l’architecte devient philanthrope et apprend de l’habitant avant de lui enseigner son savoir-faire. L’architecte permet de redonner un espoir et de la fierté aux habitants des « quartiers informels », des auto-constructeurs organisés et créatifs. « L’architecte se forme en voyageant » disait dans une récente interview de Shigeru Ban 78. Revenant d’un échange scolaire de un an à Rio de Janeiro, j’ai été sensibilisé à une nouvelle culture. De plus le Brésil est un sujet d’actualité et le regard international est plein d’espoir quant à l’avenir de ce grand pays. Reste à chercher pourquoi la favela au Brésil est un terrain d’étude concret propice à notre problématique. Mais qu’est ce que la favela au final ? Comment est elle apparu? Qu’est ce qu’on y a fait ? Et qu’est ce qu’on pourrait y faire? Décollons pour le Brésil!
78
52
Shigeru Ban, architecte japonais,prix Pritzker en 2014, Shigeru Ban Archiculture Extras Interview, 2014
Morro da Providencia, Rio de Janeiro, photo: J.R.
3.
Le Brésil, UN CAS
D’ÉCOLE
3.1 De la « Favela au bairro », un territoire d’action à Rio de Janeiro A. Qu’est ce que la favela ? Le Brésil, géant de l’Amérique latine fût colonisé en 1500 par les portugais. Il devient indépendant en 1882 et on le considère de nos jours comme une grande puissance mondiale. Il est le pays le plus peuplé du continent sud américain avec 198 millions d’habitants sur une superficie de 8,5 millions de km2. Après Salvador de Bahia et Rio de Janeiro, Brasilia 79 devient la capitale en 1960, un symbole de l’architecture fonctionnaliste. Le Brésil est une terre de rêve cerné par de nombreux clichés: les tropiques, le métissage, la samba, le football et le carnaval. C’est une terre riche en nature avec la forêt amazonienne, « le poumon de la planète », et ses littoraux océaniques qui diffusent une allégorie fantastique du pays. Cependant c’est un territoire où l’inégalité se projette sur l’espace physique. Au sein de son pays la dichotomie sociale est percevable: Au nord et dans l’intérieur, les zones sont plus rurales et plus pauvres que le sud du pays, où sont concentrés les grandes métropoles économiques comme Sao Paulo et Rio de Janeiro. L’utopie de la cité a suscité des processus d’urbanisation et de croissance démographique déséquilibré avec le foncier et la taille des villes.(1.1). C’est de cette manière que la favela est apparu comme résidu de la ville formelle a la fin du 19ème siècle à Rio de Janeiro. A ce moment, la population augmente de presque 90% et en contrepartie les logements haussent de 62%. Le cortiço est le premier logement populaire qui apparait dans le Centro, centre historique de Rio de Janeiro. Ce lotissement est caractérisé par une insalubrité urbaine et un manque d’hygiène. Inspiré par Haussman et son « urbanisme d’assainissement », l’ingénieur et préfet de Rio de Janeiro, Perreira Passos, le « Haussman tropicale » se lance l’objectif d’embellir le centre-ville au début du 20ème siècle. Il souhaite moderniser les bâtiments, élargir les rues, et faire de nouvelles infrastructures et avenues pour aérer la ville. Cependant cette politique d’hygiénisation urbaine consolide aussi la division spatiale de Rio: le Centro est pour les affaires, la Zona Sul pour les classes aisés et les faubourgs de la futur Zona norte pour les classes populaires. La destruction des habitats insalubres dans le Centro laisse de nombreux Cariocas 80 sans logis. C’est le premier acte de « favélisation » symbolique de la ville. Selon Mauricio Abreu81, les habitants se réfugient sur les espaces inutilisés, les morros (collines) qui rythme le paysage. Les habitants du « Cabeça de Porco »82 un des corticos les plus significatifs, auraient réutilisaient le restes des débris de leur maisons pour se façonner un abri de survie sur le morro83.
Brasilia, la capitale du brésil, fût construit en 1960 sous le gouvernement du président Juscelino Kubitschek. La ville est conçu selon l’idéologie fonctionnaliste du courant moderniste, sur un plan pilote en forme d’avion signé Lucio Costa, avec des édifices conçu par Oscar Niemeyer, et un paysagisme par Roberto Burle Marx 80 Les habitants de Rio de Janeiro sont nommés les cariocas 81 Mauricio de Almeida Abreu, «Evoluçao urbana do Rio de Janeiro», 1988, «Reconstruindo ula historia esquecida: origem e expansao inicial das favelas do Rio de Janeiro», 1994 82 Abritant plus de deux milles personnes, ce cortiço a été surnommé «Cabeça de porco» (tête de cochon) à cause de la tête de cochon accroché au dessus de la porte d’entrée 83 Morro, signifie littéralement la colline, on utilise cette expression pour définir la favela. On se dit morrar no morro (habiter la colline). 79
56
Démobilisation d’un cortiço, archive portalarquitectonico
D’ailleurs l’étymologie du mot favela, provient d’une plante, favella84 qui remonte à la guerre des Canudos85 dans l’État de la Bahia, communément appelé le Sertao 86 . La plante couvrait une colline que l’on nommait favella. De retour de guerre les soldats sont confrontés à la crise de logement. En réponse l’armée propose l’occupation d’une colline dans le centre, le morro , qui deviendra « le Morro da Favela », puis « Morro da Providencia »87, première favela au sens propre dans le monde. C’est dans ce quartier que la première vague de population exclue des cortiços s’installaient dans la mesure du possible, puis l’arrivé des soldats marque l’avènement d’un quartier. Selon Licia Valladares 88, la relation entre la guerre des Canudos et la favela contribue au mythe fondateur des favelas(A invencao da Favela. Do mito de origem a favela.com,RJ,FGV éditera,2005). Le préjugés d’un arrière pays défavorisé, le Sertao, a retenti comme des stéréotypes associé a la favela. « Les favelas sont de ce fait considérées comme un ensemble de maisons précaires qui, abritant les marginaux de la société, se dressent contre la civilisation, l’État, la propriété, et la loi ». Licia Valladares défend la reproduction d’un amalgame ancien, où la dualité « Sertao/ littoral » est désormais reproduite dans l’opposition « favela/ Asphalt » que l’on a défini auparavant par « ville informelle/ville formelle » (1.1). Ainsi nous voyons ici la complexité de parler d’un « tissu informelle » auxquels de nombreux clichés sont associés. Favella: jathropa phyllaconcha Guerre des Canudos (1896-1897), une guerre de l’exercito brasileiro contre une communauté affilié à une communauté religieuse dans la région de la Bahia 86 Sertao: une région de l’arrière pays 87 Le morro da Providencia, est situé dans le centro de Rio de Janeiro, il fait partie des tissus historique qui résiste encore de nos jours sous la pression foncière, malgré sa reconnaissance urbaine intérnationale comme l’archétype de la favela. 88 Licia Valladares, «Qu’est ce qu’une favela», 2000, «A invencao da Favela. Do mito de origem a favela.com», Rio,2005, «A genese da favela carioca. A produçao anterior as sciencias sociais» 84 85
57
B. La favela, un espace stigmatisé par un dogme Valladares pense que la favela est un espace stigmatisé par trois dogmes de la pensée savante qui est autre qu’un apriori de base incontesté:89 Le premier dogme, c’est « l’affirmation de la spécificité de la favela ». En effet on considère la favela comme un « espace singulier », dû a son histoire caractéristique et son mode d’expansion différente. Les géographes observe la une manière particulière d’occuper l’espace. À l’opposé de toute régularité, la favela s’organise « sans rues bien tracées et avec un accès très limité aux services et aux équipements ». Les architectes ont tendance a décrire les auto-constructions de la favela par un langage architectural et urbain qui s’écarte de tout modèle et rationalité. Les organismes revendiquent une approche spécifique concernant l’occupation des sols qui va à l’encontre des normes. Les juristes pointent du doigt le « pluralisme juridique »: l’illégalité des constructions face au droit résulte d’une certaine « résistance » et d’une autonomie relative. Cependant « les favelados ont malgré tout des droits, dont des droits de ‘squatters’ » car il existe un réel marché du logement dans ces quartiers. Les indicateurs démographiques sont utilisés pour montrer qu’il y a une majorité de population jeune, une quantité de migrants, et que la densité par unité d’habitation est plus forte avec un taux de croissance plus élevé que dans l’ensemble de la ville. Des indicateurs comme l’IPLAN-RIO 90(1997) énonce une qualité de vie urbaine nettement inférieur dans la favela que dans la ville Asphalt. A partir d’un « agglomérat hors norme » de cinquante logements on peut désigner ce morceau de ville comme favela d’après l’IBGE 91 (recensement). Les sociologues et anthropologues affirment aussi une « culture de la favela », une « culture populaire - samba, carnaval, capoeira, bals, et groupes funk ». De plus c’est aussi « un espace propice à la diffusion de différentes formes de religiosité populaire », comme l’Umbanda92 par exemple une des religions afro-brésilienne. D’un point de vue politique, il existe une réelle organisation qui diffère du conventionnel avec des associations de quartier,… Puis l’absence de l’Etat a laissé place a des « narco-trafiquant » qui contrôlait ces espaces. Cela a façonné une image négative, véhiculé par les médias et la politique qui défini la favela comme un espace de « crime, peur, drogue, et délinquance… ». Bref, tous affirme la forte identité de la favela déterminé par un statut « informel » mais aussi par « l’obstination à rester favela ». En effet on pourrait citer en anecdote les paroles du fameux samba Opiniao de Zé Keti: « Ils peuvent m’arrêter, ils peuvent me frapper, me laisser sans manger, d’opinion, j’vais pas changer sur ma colline je veux rester » 93. L’apriori typique du cheminement social associé au favelado c’est l’échec scolaire qui est suivi d’une carrière dans le « movimento » 94 du traffic de drogue. Pour Licia Valladares « la favela conditionnerait ainsi le comportement de ses habitants, dans une réactivation du postulat hygiéniste ou écologiste de la détermination du comportement humain par le milieu. ». C’est a nouveau cette idée que « la place » détermine « la classe » (1.1). Licia Valladares, la favela d’un siècle à l’autre, Paris, 2006 IPLAN-RIO, entreprise municpal d’informatique - préfecture de Rio de Janeiro 91 IBGE- Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística 92 L’umbanda est une des religions afro-brésiliennes, regroupé dans ce qu’on apelle vulgairement de la macumba, des croyances ancestrales africaines qui ont été réadapté par les esclaves brésiliens 93 Podem me prender, Podem me bater, Podem, até deixar-me sem comer, Que eu não mudo de opinião Daqui do morro, Eu não saio, não - Zé Kéti - Opiniao 94 Groupe de narcotraficants organisés en gang 89 90
58
Morro do Alemao, Rio de Janeiro, photo:Mr Magoos Milk Truck
Le second dogme s’est celui de « la caractérisation sociale des habitants et du territoire » où la favela est défini comme le lieu du pauvre, le territoire urbain de la pauvreté. Cette idée remonte dés le début lorsque le gouvernement détruit les taudis (cortiços) et laisse ses habitants dans une « débrouille urbaine » qui n’a cessé de s’étendre. Pour Valladares la favela va au-de la d’un tissu marginalisé, car elle représente une certaine solution urbaine à la crise du logement. « L’idée demeure que la favela est l’espace propre aux pauvres urbains. Ils y sont chez eux. » Elle est un « espace informel » où une « ville dans la ville », car les habitants vivent sur un territoire dont l’organisation (économie, politique, sociale) est laissé à leur propre sort, délaissés par les pouvoirs publics. C’est la source même de la ségrégation spatiale car « la territorialisation de la pauvreté, est une traduction urbaine de l’exclusion sociale ». Ainsi le terme favelado designe péjorativement qui occupe la favela, une place sociale stigmatisé par la pauvreté ou l’illegalité. « On réaffirme, semble t-il, que la pauvreté engendre la pauvreté et donc les problèmes. N’est ce pas là le cercle vicieux classique de la stigmatisation ? » Le troisième dogme c’est celui de « l’unité de la favela ». Licia Valladares défend le fait que la favela diffère, mais on la pense au singulier réduisant toute type de quartier informels à une catégorie précise. On reconnait cependant les différences urbaines et géographique : des typologies en pente, plane, sur l’eau,… ou une localisation dans le sud ou dans le nord, etc… Mais on y associe toujours une unique finalité sociologique, «les différences internes au monde des favelas deviennent automatiquement secondaires ». Dans une ville comme Rio de Janeiro, où un tiers 95 de la population vit dans ce type de quartier ce «dogme d’unification » accentue la division spatiale de la ville. La favela est une partie de ville complexe et stigmatisée par des dogmes qui rappellent des incomplétudes que nous allons voir concrètement à présent. 95
D’après le recensement de l’instituto Pereira Passos
59
C. La favela, un territoire ou prévaut l’incomplétude? Cette question, était le titre d’un séminaire sur les favelas sous la direction de Jailson Souza Silva le directeur du premier organisme d’étude du tissu urbain: «Observatorio de favelas »95. Les chercheurs ont pour objectif de contribuer à la formulation du concept de favela englobant la complexité et la diversité de ce type de territoire urbain contemporain de Rio de Janeiro. En France le mot favela est généralement traduit par bidonville, un terme défini en première partie mais qui ne recouvre pas le même contexte et la même réalité. Jailson Souza Silva présente la favela comme un espace où prévaut quatres types d’incomplétude: 1- L’incomplétude socio-politique: L’incomplétude des politiques et les actions de l’Etat est historiquement et actuellement récurrente. Les problèmes visés sont les services de base d’infrastructure urbaine (réseaux d’eau et égouts, ramassage d’ordures, éclairage public et nettoyage de rues), les équipements collectifs (éducation, culture, santé, sport et loisirs), la production d’habitat digne pour ses habitants, la régularisation foncière et urbanistique adéquate aux formes d’occupation des sols, et la création d’un cadre légal adapté aux pratiques sociales spécialement, dans la garantie de la sécurité citoyenne, du fait du bas degré de souveraineté si on le compare à l’ensemble de la ville. Les favelas sont de manière générale des territoires sans garanties concrètes de droits sociaux. Ce fait ancien et récurrent génère une faible espérance de ces mêmes droits pour une partie de ses habitants. 2- L’incomplétude socio-économique: La favela est un territoire où les investissements du marché formel sont précaires, principalement dans le domaine de l’immobilier, de la finance et des services. Y prédominent les relations informelles de production de travail et de revenus, avec des taux élevés de sous-emploi et de chômage, quant ont les compares à ceux des autres quartiers de la ville. 3- L’incomplétude socio-urbanistique: La favela est un territoire où prédominent des constructions caractérisées par l’autoconstruction n’obéissant pas aux normes urbaines des pouvoirs publics. L’appropriation sociale du territoire est effectuée essentiellement à des fins résidentielles. Une haute densité d’habitation y dominent et une localisation en sites urbains est marquée par un haut degré de vulnérabilité environnementale. La favela signifie un habitat urbain qui résume les conditions inégales de l’urbanisation brésilienne et, en même temps, la lutte des citoyens pour le légitime droit d’habiter la ville.
Jailson Souza Silva est le co-fondateur du premier laboratoire urbain d’analyse des favelas. Il est installé dans le complexo da maré, plus grand ensemble de favelas, dans la zona norte de Rio de Janeiro Extrait d’un Séminaire réalisé par l’observatoire de favelas à Rio de Janeiro en 2009. Nous avons eu connaissance de ce texte dans la conférence de l’enseignante Elenilde Cardoso, sur les favelas de Rio, à PVS en 2010/2011, dans le cours de L3 « Enjeux environnementaux ». 95
60
Morro do Alemao, Rio de Janeiro, photo:Mr Magoos Milk Truck
4- L’incomplétude socio-culturelle: La favela est un territoire de forte présence de noirs et métis et de descendants d’indigènes selon chaque région. Cela constitue des identités plurielles sur le plan de l’existence matérielle et symboliques. Les différentes manifestations culturelles, artistiques et de loisirs dans la favela possèdent un fort caractère de convivialité sociale, avec une forte utilisation des espaces communs, dénotant une expérience de sociabilités différentes de l’ensemble de la ville. Dépassant les stigmates de territoires violents et misérables, la favela se présente avec la richesse de sa pluralité de convivialité, de sujets sociaux, en ses différences culturelles, symboliques et humaines. Ces analyses faite par l’Observatorio de favela, permettent de viser les problèmes certains au sein des ces « espaces informels ». Avant de se pencher sur les réponses de l’État pour « intégrer » la favela dans la ville, regardons tout d’abord les pratiques des Organisations non gouvernementales (ONG) et les associations locales qui contribue par différents moyens à combattre la stigmatisation des habitants de ces tissus urbains
61
D. Les pratiques collectives et culturelles pour vaincre l’exclusion sociale Face au sentiment de délaissement social des habitants des favelas par les pouvoirs publics, de nombreuses ONG se sont mobilisés pour un travail d’intégration. Ces dernières peuvent se permettre d’agir comme un lobby en « titillant » les politiques. L’Etat reste tout de même l’acteur symbolique, mais l’ONG devient un intermédiaire, un « médiateur démocratique » qui parle au non des habitants de la favela. Ainsi on distingue des organisations non gouvernementales globales et puis des locales, voir des associations qui ont un rôle singulier dans la communidade 96. Parmis les ONG globale, on peut retenir les interventions humanitaires du comité International de la Croix Rouge 97. Elle oeuvre dans les favelas depuis 1991 avec l’intention d’inculquer des valeurs pour surpasser toute stigmatisation sociale et se développer au sein même du quartier. Elle offre un service médicale et enseigne aux habitants les gestes premiers de secours, dans des zones où l’accès au soin d’urgence est difficile. Personnellement j’ai connu un ami qui vivait à Cantagalo 98, une favela dans les hauteurs du quartier aisé d’Ipanema 99 à Rio. Il y existe des organismes de santé gratuit pour tout les habitants. En effet il y a une véritable vie solidaire de la Communauté qui a par ailleurs développé de plus en plus d’organismes et des associations dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des habitants. C’est le cas de l’ONG locale Viva Rio,100 « le premier portail brésilien conçu exclusivement pour exprimer les besoins et défendre les intérêts des communautés défavorisées ». Les organisateurs ( journalistes, reporters et photographes) habitent la favela contribuant ainsi a valoriser l’identité locale. L’idée ce n’est plus de montrer cet espace par ses dogmes stigmatisant vu auparavant, mais de diffuser un lieu de vie et de création, riche en culture et en humanité. Ainsi de nombreux travaux se sont développés avec les habitants qui se sont de plus en plus organisés. Le monde associatif évolue de plus en plus dans tous ces quartiers populaires. L’intention de consolider « la confiance en soi » des habitants est développer par leur participation. Ainsi de la même façon que les architectes philanthrope vu précédemment (2.3), c’est l’idée d’intégrer l’individu dans sa société par ses valeurs et non par des stigmates. Prenons l’exemple du Complexo da Maré 102, le plus gros ensemble de favela, qui était justement ce voisin de « proximité spatiale et distance sociale »103 lorsque j’ai étudié sur le campus universitaire de l’UFRJ. Avec le slogan « Rien ne peut être impossible à modifier » l’association « Redes de desenvolvimento da Maré »104 a comme enjeux d’intégrer ce territoire par l’art et la culture, l’Éducation, le développement local, la communication, et la sécurité publique. Communidade, signifie littéralement la communauté, mot considéré comme « le plus positif »pour définir la favela 97 La croix rouge, est la plus importante organisation humanitaire au monde, la Croix-Rouge regroupe 97 millions d’hommes et de femme 99 Cantagalo, Favela localisé dans les hauteurs du quartier d’Ipanema. Littéralement signifie «chante le coq! 100 Ipanema, Quartier aisé de la zona sul de Rio de janeiro, Propre à l’allégorie brésilienne, ipanema est connu pour sa plage magnifique. 101 Viva Rio 102 Complexo da Maré, plus grand ensemble de favelas (15 favelas), zona norte, proche de l’ile universitaire 103 Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement, 1970, Chamborderon et Lemaire - sociologie française 104 Littéralement, réseau de développement de la Maré, ensemble de toutes les associations du complexe 96
62
Après des années de lutte contre l’oppression et la ségrégation, le complexo da Maré a élaboré des espaces reconnus, comme le musée de la Maré 105, la bibliothèque populaire, ou encore des groupes d’enseignements. Le projet Mao na Lata 106 par exemple, enseigne aux adolescents du quartier la photographie à partir de son origine: le sténopé et la chambre noire. Pour montrer qu’elle est accessible à tous, la pédagogie de l’expérience est de construire un appareil photo à partir d’une boîte de conserve. Le projet sera mentionné d’une exposition et d’un recueil de photos apprécié par le public qui surpasse « l’allégorie médiatique » de la favela pour l’oeil de l’enfant. De nombreux projets de ce type sont de plus en plus courant, et on voit ici comment la thématique de l’éducation et de la culture est traité solidairement pour redonner de la fierté aux habitants. Stephan Zweig 107 disait du Brésil: « Je ne cesse de m’étonner de la confusion et de l’insuffisance des idées à propos de ce pays, chez des hommes même cultivés et prenant intérêt à la politique, alors que le Brésil est, sans aucun doute, destiné à être un facteur des plus importants dans le développement de notre monde.». A cette époque Zweig reconnaissait déjà la puissance d’un pays, reconnu aujourd’hui comme un « grand » de la planète. Tous les yeux sont virés sur lui notamment avec les événements internationaux actuels. Penchons nous donc à présent sur trois cas emblématiques où l’Éducation a incontestablement permis le développement des quartiers précaires qui sont dans un processus de mutation de la favela au bairro108 populaire.
Mao na lata, Rio de Janeiro Museu da Maré, est un musée fondé dans le complexe da maré en 2006, difuser la mémoire du lieu Mao na Lata, un projet Tatiana Altberg en collaboration avec Redes de Desenvolvimento da Maré,2003 107 Stephan Zweig, Le Brésil, Terre d’avenir, 1940 108 Bairro signifie quartier au sens conventionnel 105 106
63
3.2 Trois cas très emblématique faisant date au Brésil et ailleurs A. L’éducation et le changement, vers une nouvelle pédagogie avec Paulo Freire Paulo Freire, est un éducateur, pédagogue et philosophe brésilien qui à littéralement changé l’univers éducatif traditionnel remis en question au début de ce mémoire (1.2). Ainsi il est inconcevable de parler de l’éducation comme un facteur d’intégration et de développement des quartiers précaires sans revoir une méthodologie didactique. Paulo Freire naquit en 1921 à Recife, au Nordeste 109 du Brésil. Toute son enfance est baignée dans un contexte de crise économique et social, dans une des régions les moins favorisée du pays. Sensibilisé à la question des inégalités sociales, le pédagogue souhaite s’engager dans un combat pour l’intégration et l’équité brésilienne. Tout juste après ses études de droit, il s’intéresse aux problèmes d’analphabétisme qui touche une grande partie de la population, qui faute de moyens ou « d’habitus », sont exclu du système éducatif. Il créa alors au milieu du XXème siècle une méthode d’alphabétisation où les illettrés apprennent à lire et écrire à travers le dialogue. Un échange basé sur la conversation de leurs réalités quotidiennes. C’est cette opinion soutenu aussi par Rousseau(1.2), d’apprendre en développant un sens critique. Freire disait c’est « apprendre à lire la réalité pour écrire leur propre histoire » 110. Ce nouveau procédé innovant attire le ministre de l’éducation Darcy Ribeiro111 en 1963 qui charge alors Freire de coordonner « le programme national d’alphabétisation ». Cependant à l’heure du changement du système éducatif, un coup d’état militaire éclate: c’est l’avènement de la dictature de Getulio Vargas 112 qui gouvernera le pays pendant une vingtaine d’année. Le pédagogue est vu comme un « agent de subversion international » ce qui lui vaudra un détour en prison. Après sa libération, il s’exile dans plusieurs pays où il théorise et dont deux manifestes marque la pédagogie moderne: « l’éducation comme pratique de la liberté » 113 et « la pédagogie des opprimés ». 114 Ces recherches sont a re-situer dans un contexte où la culture et l’Éducation fût manipulé par le régime. L’élite y est l’aliénant et l’aliéné qui endoctrine une société où la population devient insignifiante faute de pouvoir. Pour Freire ce trouble social abouti sur une absence d’échange et de dialogue entre les individus. D’après le pédagogue, ce malaise du silence est rester ancrée dans la société brésilienne dont la conséquence par la suite est une nonparticipation de la population a résoudre des problèmes communs: la ségrégation sociospatiale entre autre. « La société Brésilienne est en transition » 115 d’où son engagement à défendre une « conscientisation » de la population qui à travers un oeil critique sur le réel est en chemin pour la démocratie. La connaissance du monde est une action collective et dialogique pour accéder à un savoir nouveau. « Personne ne sait tout, ni personne n’ignore tout, personne n’éduque personne, personne n’éduque seul, les hommes s’éduquent entre eux par la médiation du monde ». 109 110 111 112 113 114 115
64
Nordeste, région la plus pauvre et inégale du brésil, avec une concentration de noir et de métis Paulo Freire, l’acte de lire et le processus de libération, Brésil, 1983 Darcy Ribeiro(1922-1997), anthropologue et écrivain, reconverti en homme politique Getulio Vargas, dictateur du régigme totalitaire et militaire nommé le «Golpe militaire» de 1964-1985 Paulo Freire, l’éducation comme pratique de la liberté Paulo Freire, la pédagogie des opprimés Le nom du chapitre 1 dans l’ouvrgae Paulo Freire, la pédagogie des opprimés,
Archive O globo Cela fait écho à notre hypothèse sur la théorie des intelligences multiples(1.2) qui défend l’interactions des capacités cognitives de chacun que l’on peut définir par une arme: le dialogue. L’interprétation éducative du monde n’a pas une seule vérité et n’est pas définitive au contraire elle évolue en même temps que ses acteurs. C’est l’idée « d’une pédagogie de la question et non une pédagogie de la réponse ». Paulo Freire pense que l’éducation est une pratique politique car elle repose sur des valeurs, des utopies qui remettent en question le pouvoir de l’élite dominante. Il distingue l’éducation conservatrice de l’éducation progressiste: « Tandis que la première tente d’accorder, d’adapter l’éduqué au monde donné, la seconde cherche à déstabiliser l’éduqué en le mettant au défi, pour lui faire prendre conscience que le monde est un monde qui se donne et, par conséquent, peut être changé, transformé, réinventé.» Dans un monde hiérarchisé, les victimes d’une société de « lutte des places/classes »(1.1) pourrait s’affranchir de ce système, à travers une découverte autonome de leur « place dans le cosmos » où la pédagogie critique et de l’espoir est constructrice de rêve. Ainsi l’histoire joue un rôle déterminant dans « la connaissance de soi ». On pourrait illustrer par l’exemple du Museu da Maré, inauguré récemment dans le complexe de favelas (3.1) et visant à diffuser une identité commune et non celle diffuser par ses oppresseurs. « Voila la grande tâche humaniste et historique des opprimés: se libérer eux mêmes et libérer leur oppresseurs. Ceux qui oppriment, exploitent et exercent la violence ne peuvent trouver dans l’exercice de leur pouvoir la force de libérer les opprimés et de se libérer eux-mêmes. » 117 Ainsi on peut en tirer la conclusion que l’éducation ne change pas le monde, mais sans elle il est difficile de le changer. Regardons donc à présent quelles actions politiques majeures ont été entrepris pour ré-intégrer les populations exclues des favelas à travers l’idéologie de l’Éducation.
117
Paulo Freire, la pédagogie des opprimés, Brésil
65
B. L’éducation pour tous dans l’État de Rio: le prototype du « Brizolao »: le politique et l’architecte À la fin des années 70, l’Etat de Rio de Janeiro devient « un laboratoire des politiques publics ». Le gouvernement fédéral met en avant des projets de relogements sous le nom de Projeto Rio118 pour la population des favelas confrontée à des hauts risques de précarité urbaine. C’est l’un des avènements juridique du passage de la favela au bairro. Ainsi une des premières actions se passe justement dans l’ensemble des favelas da Maré, territoire marécageux, dont une grande partie vivait dans des constructions en « palafitas »119 sur l’eau. Néanmoins « La table rase » urbaine a été appliqué par des procédures autoritaires sans réelle implication de la population locale. D’un côté le projet a fait acte « d’assainissement urbain », mais du point de vue social, la favela est bafoué. Rafael Soares Gonçalves 120 explique en fait que ce programme politique a mis en évidence le réel écart entre l’aménageant urbain et la régularisation foncière des terrains. « la régularisation foncière ne peut se résumer uniquement à l’accès à la propriété privée, libérale et individuelle ». La conscientisation politique de tolérer l’aspect informel de l’occupation des sols face au processus d’expansion des favelas dans la ville commence à surgir au début des années 80. Outre les interventions fédérales et municipales, l’État de Rio de Janeiro a joué un rôle important dans la politique d’aménagement des favelas. Ainsi Leonel Brizola est élu gouverneur après une campagne d’opposition au régime militaire et sa promesse d’engagement pour les plus démunis. Sa politique d’intégration des favelas se porte sur trois volets: la fin des opérations policières dans ces espaces pour éviter la violence, l’installation des services publics , et la régularisation foncière au moyen de l’offre de titres de propriété. Mais revenons à notre problématique de l’Éducation comme moyen d’action dans les tissus précaires. Leonel Brizola nomme Darcy Ribeiro comme ministre de l’éducation. Soucieux des problèmes d’Éducation du pays, les politiques constatent un fort taux d’analphabétisme 121 qui concerne 25,9% de jeunes c’est à dire 19 millions de la population. L’étude est mis en comparaison avec d’autres pays d’Amérique latine (Cuba: 3%,Costa Rica: 11%, Argentine: 6%, Uruguay: 10%) et il s’avère que le Brésil est le pays le plus touché par l’illettrisme. Darcy Ribeiro revendique la faiblesse du pays face à cette idéologie de l’école pour tous, une intégration sociale (1.2). « Nous ne sommes pas capables jusqu’à aujourd’hui, de créer une école public honnêtes, et adapté aux nécessités de la population brésilienne. » Inspiré par l’éducation progressiste et la pédagogie défendu par Paulo Freire, Brizola et Ribeiro veulent redéfinir le concept même de l’Éducation dans la société brésilienne. Ils lancent alors le programme des CIEPS122;dont l’objectif est de réintégré les populations exclues du système éducatif. Un projet ambitieux propice à une ré-organisation Projeto Rio, programme de réurbanisation des favelas dans les années 80, la critique faite aux opérations de relogements: construction d’un logement temporaire qui devient permanent. C’est le cas de Nova Holanda, une des favelas du complexo da maré, qui de nos jours s’est fait re-favéliser 119 Casas em palafitas, maison en palafites sur l’eau 120 Rafael Soares Gonçalves, Les favelas de Rio de Janeiro, Histoire et droit XIXé et XXe siècles,2003 121 Darcy Ribeiro, livro dos CIEPS 122 CIEPS: Centre d’intégration d’éducation pulbic 118
66
des objectifs et des méthodes d’insertions sociales de l’école. L’importance fût d’incorporer à celle-ci l’univers culturelle des élèves, de respecter leur langage et leur culture, pour éviter que l’école reste un mécanisme de reproduction sociale, comme démontrait Bourdieu et Passeron(1.2). Pour Ribeiro, « il n’y a rien de plus antidémocratique que de traiter les différents comme égaux ». Les politiques et pédagogues réfléchissent à un programme pluridisciplinaire. C’est avec l’aide du fameux architecte moderniste brésilien, Oscar Niemeyer 123 que s’établit le premier prototype de CIEP, le Brizolao. Ainsi le complexe éducatif planifié par l’architecte exprime dans l’espace les nouvelles valeurs démocratique de l’école. L’architecte écrit un langage reproductible: un attelage d’éléments en béton pré-fabriqué structurant. Outre l’apprentissage conventionnel l’ensemble est composé d’une salle de lecture et d’une salle de vidéo. Celles-ci sont destinées à développer le sens critique des étudiants, par le dialogue sur des sujets de sociétés. Le travail d’expression corporel et créatif est aussi valorisé, par le biais d’un gymnase public et d’activités sportives et artistiques. L’école est aussi pensée comme un lieu vitale public avec un accès au soin et un système de réfectoire qui sert le petit déjeuner et le repas, car selon les propres termes de Ribeiro, « un enfant qui a faim ne peut pas se concentrer ».124 Le projet du brizolao est un ensemble spatio-pédagogique d’intégration où « l’éducation et la culture s’interpénètrent dans une véritable symbiose: la culture irrigue et alimente l’éducation qui à son tour est un excellent moyen de transmission culturelle. »121
Brizola, Niemeyer, et Darcy Ribeiro, archive122
Oscar Niemeyer est clairement un des grands architectes du courant moderniste. Il était connu pour ses courbes et formes harmonieuse en béton, dont il disait puiser son inspiration chez le corps de la femme, et la nature tropicale brésilienne 124 video canal ULB, programa especial CIEP 123
67
500 brizolao sont construits sous cette ambition, est changeront littéralement la vie des habitants des favelas. Néanmoins malgré l’idéologie réformatrice, le manque de subventions fédérale et d’une structure institutionnelle assez forte pour les enjeux suscités par le projet affaiblira la valeur d’intégration des brizolao. Par ailleurs l’opportunisme politique n’est pas nouveau et il arrive souvent à Rio de Janeiro que à la fin du mandat d’un gouverneur, le nouveau élu ne reprend pas le flambeau. Le paradoxe entre le concept et sa réalisation, le politique et l’architecte, montre une indifférence face aux habitants des favelas. Or manifester l’insouciance face aux habitants stigmatisés est au contraire des modes d’actions vu auparavant chez Adeyemi, Kéré ou Heringer (1.3) qui privilégient l’identité, la fierté et la reconnaissance sociale des individus. De ce fait le projet du brizolao est largement critiqué de nos jours. Voyons donc à présent une autre politique éducationnelle qui a concrètement contribué au développement du Brésil et surtout de sa population défavorisée.
68
Brizolao,1980, Archive fondation Oscar Niemeyer
Photo ClĂŠber Junior, O globo
69
C. La ‘Bolsa Familia’, une politique éducationnelle pour toute la république de Lula, l’ouvrier devenu président À la fin des années 70 une nouvelle classe ouvrière moderne et créative s’épaissi pour devenir le futur « devant » de la scène politique. Parmi eux, Luiz Inàcio Lula da Silva 125 deviendra le tournant politique majeur de « l’espoir Brésilien ». Issu d’une classe populaire du nordeste, il émigre tout jeune pour Sao Paulo avec l’utopie de la cité dans la tête et les yeux rempli de convictions. Après être passé par la vente de tapiocas 126, et le cirage de chaussures,… il obtient un diplôme de métallurgie à 15 ans. C’est le premier de sa famille à être diplômé, un acte d’émancipation de ce rapport entre l’habitus et la reproduction social(1.2). A 25 ans, il se sensibilise à la politique et devient syndicaliste à temps plein. Ses talents de meneur de foule sont à l’origine de grande grève qui fragilisent la dictature à la fin des années 70, mais aussi à la naissance d’un nouveau parti politique: le parti des trvailleurs. À l’origine le PT 127 souhaite se détacher de tout parti traditionnel. Son discours est porté sur la notion de « classe » où le parti revendique une transformation de la société tout en récusant les modèles établis par le socialisme réellement existant. Il faudra attendre jusqu’en 2003 pour que Lula soit élu président. Une révolution symbolique d’un réel espoir aux yeux d’une population qui a élu un ex-ouvrier métallurgiste. Si le Brésil est tant reconnu de nos jours comme une nouvelle puissance économique, c’est grâce à cet Homme. Le pays est entrée dans une phase de croissance économique et sociale. La « diplomatie imaginative » 127 de Lula porte tout d’abord un grand impact dans la gouvernance mondiale, en valorisant un rapprochement avec les pays dit en voie de développement, en Amérique latine, et en Inde principalement. Mais regardons à l’échelle nationale l’ambition du président de réduire les inégalités sociales. Il lance en 2003 son programme significatif, Fome Zero 128 car avant tout changement « le marché brésilien doit comprendre que les Brésiliens ont besoin de manger trois fois par jour et que beaucoup de gens ont faim ». A travers une stratégie de « sécurité alimentaire » il lutte contre la misère au premier degré et réussi plus ou moins son pari. D’après le courrier internationale129, « alors que le Brésil est le quatrième pays exportateur mondiale de produits alimentaires, plus de 40 millions de brésiliens vivent au dessous du seuil de pauvreté ». Lula s’engage à lutter contre la famine mais souhaite aussi insérer socialement les ménages concernés à travers l’Éducation. En découle alors le programme « Bolsa familial » 130, une allocation pour les familles en situation d’extrême pauvreté en contrepartie de la scolarisation de leurs enfants. L’Éducation devient l’enjeux principale d’une ascension sociale, et Lula qui la vécu mise tout sur les générations à venir. Cette politique social et éducationnelle marque un changement majeur: en 2012 l’Etat verse l’équivalent de 6,5 milliards d’euros à 13,7 millions de ménages (soit un quart de la population). Luiz Inacio Lula da Silva, né en 1945 à Garanhums dans la partie aride du Nordeste brésilien Spécialité de Pernambuco Brésil, galette de manioc 127 PT= Partido dos trabalhadores: Parti des travailleurs 128 Fome Zero= faim zero, Résultat le Brésil est sorti des pays aux indices de famine 129 Courrier internationale hors série, le Brésil une puissance en marche, Le lulisme,2013 130 La bourse famille, allocation qui s’adresse aux familles dont le revenu mensuel par tête est extrement bas (70 reais= 26,5 euros) 125 126
70
Lula et le peuple, photo :Ricardo Stuckert
Le Brésil de Lula a considérablement baissé le taux de pauvreté du pays. De plus d’après le ministère d’éducation (MEC), la scolarisation des plus démunis ne cesse d’augmenter (De 2010 à 2011 l’indice est passé de 82,9% a 85,9%). Même si le lulisme à tendance à s’essouffler aujourd’hui, Lula est encore perçu au Brésil comme « le père du peuple »; sa volonté d’unir et de développer son pays à travers l’aide aux couches les plus populaire a porté ses fruits. D’ailleurs beaucoup de Brésilien disent qu’il a radicalement changé leur niveau de vie, voire permis une ascension sociale. A la fin de son mandat, Lula sera remplacé par sa protégée Dilma Roussef 131 qui vient d’être réélu récemment à la fin de l’année 2014. L’inégalité au Brésil est un fait qu’il faudra encore combattre pendant longtemps. Tout de même nous avons vu l’importance des décisions politiques qui peuvent rééquilibrer la balance trop souvent en faveur de la classe et de sa place dominante. Sous Lula significativement la notion « d’École pour tous » a finalement servi les plus démunis. Par ailleurs l’accès aux études supérieures est nettement plus facile qu’auparavant, mais il reste encore très mitigé. D’après le journal O globo 133, les brésiliens diplômés ont un salaire trois fois plus élevés qu’un travailleur non-diplomé. « Se former » est devenu une clé essentielle pour faire marcher l’ascenseur social afin d’accéder à une place significative de la mécanique capitaliste. Cette recherche ayant pour finalité l’action, le PFE, il me semble intéressant de continuer le chemin sur un site à Rio de Janeiro, car oui le Brésil est une terre d’action pour l’architecte, et l’Éducation et la culture sont des enjeux réelles à développer.
131 123
Dilma Roussef, a été élue présidente au Brésil en 2010, elle poursuit actuellement son deuxième mandat O globo, est le journal national le plus connu
71
Complexo da MarĂŠ vs Ile univertaire, photo Luciana Whitaker
CONCLUSION
L’ Évolution vers l’éducation comme moteur social et urbain Les espaces précaires reflètent les instincts constructifs et culturels de l’être humain. Ce dernier a élaboré en communauté un espace informel en marge d’une société qui l’exclue. En partant d’un premier ressenti subjectif qui s’est consolidé avec des données précises nous arrivons à un constat. Les bidonvilles sont des espaces urbains qui enseignent une culture à celui qui se sensibilise et s’y penche comme anthropologue. Cependant ces territoires sont des espaces d’incomplétude socio-économique, spatiale et politique souvent associés à des dogmes stigmatisant. Mais l’espace informel est a placer dans un monde informel: une société de lutte des classes/places. Un combat urbain, sociale, économique et politique inégale qui présage une prospective de «planète bidonville». La thématique de l’éducation et de la culture comme instrument de revalorisation de ces quartiers a fait ses preuves à différentes échelles: métropolitaine (Medellin), locale (Makoko) ou régionale (Rio de Janeiro). Les actions sont néanmoins mise en place de manière trop graduelle face aux enjeux planétaires, d’où ma volonté de continuer le chemin d’une « Architecture engagée ». Sociologiquement, l’Éducation et la culture suscitent un épanouissement intelectuel de l’individu au service d’une émancipation possible dans sa société. Seulement la pédagogie appliquée doit s’exprimer sur une interrelations entre les individus. L’école peut être un lieu de « reproduction sociale» des individus d’où l’interêt de rechercher avant tout la reconnaissance et la confiance en soi de l’individu. L’ascension sociale des habitants des espaces informels est possible mais n’est pas uniquement lié à l’École, elle dépend aussi beaucoup du travail d’intégration des politiques. Néanmoins même si l’école ne change pas le monde sans elle il est impossible de le changer! Pour agir, l’architecte doit faire preuve de philanthropie sur une logique d’échange de savoirs: il apprend de l’habitant puis enseigne à celui-ci son « capital culturel ». L’architecture revalorise l’identité des habitants et peut favoriser une mixité social en renouant des quartiers enclavés. Cela prouve que l’architecte a bien un statut politique et démocratique. La démarche participative permet de trouver un compromis entre « l’objet d’architecture et son époux ». L’interrelation entre les acteurs fait écho à la pédagogie de Paulo Freire et la théorie des inteligences multiples où l’individu contribue de sa personne. La pluridsciplinarité des capacités cognitives de chacun devient une richesse commune dans le processus de projet. Du penseur isolé au collectif organisé, le statut de l’architecte à tendance à évoluer suivant les moeurs et le développement urbain des villes. J’envisage d’ores et déjà, à la fin de mes études de poursuivre cette démarche participative à l’image d’un laboratoire urbain. L’expérimentation urbaine peut constituer un premier angle d’attaque adapté à un jeune diplômé en architecture. En effet je suppose que cela nous offre une plus grande liberté d’expression, une voie vers la modernité.
74
Prospective de Projet Me dirigeant vers le dernier tournant de mon cursus, il me tient à coeur de concevoir mon projet de PFE sur cette problématique de revalorisation des espaces précaires par la culture et l’Éducation. Ainsi le projet se recentre sur le point de départ de cette recherche: Rio de Janeiro. L’angle d’attaque est la « proximité spatiale et la distance sociale » de deux morceaux de villes à l’image de la bipolarité urbaine brésilienne: d’un côté la ville informelle, le complexo da maré, le plus grand ensemble de favelas de la métropole; de l’autre la ville moderniste, l’ilha do fundao, le complexe universitaire de L’Université fédéral de Rio de Janeiro. L’étude d’un équilibre possible à travers l’éducation et la culture de ces deux entités pose une nouvelle problématique: Comment le développement de l’ilha do fundao serait une opportunité d’évolution pour son territoire, le complexo da maré ? et pour sa métropole ?
75
Bibliographie CHAMBORDERON ET LEMAIRE Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement, 1970, sociologie française LAWRENCE OLIVIER, GUY BÉDARD ET JULIE FERRON, l’élaboration d’une problématique de recherche FRANCOISE NAVEZ BOUCHACHINE, Enquête, mode d’emploi, éditions de l’avenir, Casablanca, 1989 THIERRY PAQUOT, Culture urbaine et impératif comparatiste LE CORBUSIER, fondation Le Corbusier, dessins pour conférence PIERRE MERLIN ET FRANÇOISE CHOAY, dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, 1988 BÉATRICE GIBLIN, Dictionnaire des banlieues, Paris, 2009, p.102 OSCAR LEWIS, Five Families, Mexican Studies in the culture of Poverty, New York, 1959 NOËL CANNAT, Sous les Bidons, la ville, De Manille à Mexico, à travers les bidonvilles de l’espoir, Paris, 1988, MICHEL LUSSEAU, Premières controverses prospectives, l’urbanisatio, horizon du monde, Lyon KARL MARX, le capital, 1867, MICHEL LUSSEAU, De la lutte des classes à la lutte des places, Revue internationale d’éducations de Sèvres, Qualité, équité et diversité dans le périscolaire, avril 2010 MICHEL LUSSEAU, l’informel comme principe, tous urbain, Lyon, édition décembre 2012, p.10-11 MIKE DAVIS, Planet of slums: Urban Involution and the Informal Working Class, 2006, Fontana GLOBAL REPORT ON HUMAN SETTLEMENTS The challenge of slums, 2003 LUIS KEHL, uma breve historia das favelas, Sao Paulo, une brêve histoire de favelas, 2010 BERTHOLD BRECHT, cité par Mike Davis SYLVIE MESURE ET PATRICK SAVIDAN, le dictionnaire des sciences humaines, Paris, 2006 PLATON, La République, livre VII ÉMILE DURKHEIM, Éducation et sociologie,1922, ÉMILE DURKHEIM, L’évolution pédagogique en France, 1938 JEAN LOUIS DEROUET , École et justice: De l’inégalité des chances aux compromis locaux, Paris,1992 AGNÈS VAN ZANTEN, l’Éducation de la périphérie: scolarité et ségrégation en banlieu, Paris, 2001 BOURDIEU ET PASSERON, Les Héritiers: les étudiants et la culture, Paris,1964 BOURDIEU, Le Noble d’État, Paris, 1989 BOURDIEU ET PASSERON, Les Héritiers: les étudiants et la culture, Paris,1964 BOURDIEU, La Misère du monde, Paris, 1993 ÉRIC PLAISANCE, GÉRARD VERGNAUD, les sciences de l’éducations,Paris,1993 THIERRY PAQUOT,Habitat, habitation, éditeur de la revue d’urbanisme habiter 2012 DAVID SOLON, Villa el Salvador, la ville née du désert, 1998, Paris JEAN MICHEL RODRIGO, Vila El Salvador, les batisseurs du Désert, 1998 BERNARD RUDOWSKY, architecture without architects, a short introducting to non pedigreed architecture, New York,1964 DOUANGMANIVAH ALAIN, La cabane primitive ou les origines de l’architecture,2002 YONA FRIEDMAN, L’architecture de survie, une philosophe de la pauvreté, Paris, 1978 SIEGRFRIED GIEDION, Construire en France en fer et en béton, 1928 WALTER BENJAMIN, l’Oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, extrait de l’ouvrage Oeuvres III, MAURICIO DE ALMEIDA ABREU, «Evoluçao urbana do Rio de Janeiro», 1988, «Reconstruindo ula historia esquecida: origem e expansao inicial das favelas do Rio de Janeiro», 1994 LICIA VALLADARES, «Qu’est ce qu’une favela», 2000, LICIA VALLADARES, «A invencao da Favela. Do mito de origem a favela.com», Rio,2005, LICIA VALLADARES, «A genese da favela carioca. A produçao anterior as sciencias sociais» LICIA VALLADARES, la favela d’un siècle à l’autre, Paris, 2006 SERGE BRAMLY, Macumba forces noires du Brésil, Paris, 1975 STEPHAN ZWEIG, Le Brésil, Terre d’avenir, 1940 PAULO FREIRE, l’acte de lire et le processus de libération, Brésil, 1983 PAULO FREIRE, l’éducation comme pratique de la liberté PAULO FREIRE, la pédagogie des opprimés RAFAEL SOARES GONÇALVES, Les favelas de Rio de Janeiro, Histoire et droit XIXé et XXe siècles,2003 DARCY RIBEIRO, livro dos CIEPS DA SILVA MELLO, MACHADO DA SILVA, LUNA FREIRE, SILVEIRA SIMOES,Favelas cariocas, ontem e hoje, Rio de Janeiro, 2012 LUCIANA ANDRADE, Reverso de um espetàculo urbano, desafios e perspectivas para uma arquitetura habitacional popular NICOLAS JOUNIN, Voyage de classes, des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers BIANCA FREIRE-MEDEIROS, Gringo na laje, produçao, circulaçao e consumo da favela turistica CENTRAL DE L’ENSEIGNEMENT DU QUÉBEC, l’école au service de la classe dominante, Montreal,1972 JEAN COMBES, Histoire de l’école primaire élémentaire en france, Paris, 1997 DANIEL PENNAC, Chagrin d’école MARCELO BAUMANN BURGOS; ANGELA RANDOLPHO PAIVA, A Escola e a Favela, Rio, 2011 L’ENCYCLOPÉDIE LAROUSSE, Paris, 2012
76
Presse LE MONDE DIPLOMATIQUE, Manière de voir, L’urbanisation du monde, 2010 LE MONDE DIPLOMATIQUE, Manière de voir, Là où le Brésil va, 2010 COURRIER INTERNATIONALE HORS SÉRIE, le Brésil une puissance en marche,2013 ‘AA’, l’architecture d’aujourd’hui, spécial Brasil, numéro 396, 2013
Filmographie ARTE, 127 rue de la garenne- le bidonville de la folie. ARTE, Naturopolis, Rio de Janeiro,2014 CATALINA VILAR, cahier de Medellin, producteur Jacques Bidou KUNLE ADEYEMI: Learning from water cities, TED x EustonSalon DIÉBÉTO FRANCIS KÉRÉ: How to build with clay... and community SHIGERU BAN, architecte japonais,prix Pritzker en 2014, Shigeru Ban Archiculture Extras Interview, 2014 CANAL ULB, programa especial CIEP H20 FILM, 5X Pacificação Full, 2010 FERNANDO COIMBRA, Atras da Porta, 2011 A miracle called Medellin, city of life, 2012
Cyber-graphie http://cybergeo.revues.org http://eso.cnrs.fr http://www.urbanismobr.org http://www.oboulo.com http://soulbrasileiro.com.br http://revista.ufrr.br http://www.maxwell.vrac.puc-rio.br http://www.maxwell.vrac.puc-rio.br http://www.osurbanitas.org http://www.rio.rj.gov.br www.gfdesign.com.b http://www.scielo.br/ http://www.afroreggae.org http://oglobo.globo.com/ http://redesdamare.org.br http://observatoriodefavelas.org.br http://www.usinaverde.com.br http://www.rioquepassou.com.br http://www.cp2.g12.br http://www.fbds.org.br http://riofavela.wordpress.com http://nova.fau.ufrj.br http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.fr http://www.anna-heringer.com http://www.kerearchitecture.com http://www.nleworks.com
http://confins.revues.org http://jovempan.uol.com.br http://www.archdaily.com.br http://ethiopiques.refer.sn http://strates.revues.org http://www.cidadessustentaveis.org.br http://www.ufrj.br http://www.universite-lyon.fr http://geoconfluences.ens-lyon.fr http://www.bordeaux.archi.fr http://www.persee.fr http://www.semapa.pt http://www.ocotidiano.com.br http://www.inegalites.fr http://www.ecoledurenouvellementurbain.com http://www.goodplanet.org http://www.scienceshumaines.com http://www.france.aide-et-action.org http://www.uis.unesco.org http://le-cartographe.net http://apprendrealairlibre.com http://aasarchitecture.com http://wikipédia http://google http://youtube
77