Des vers gondés en calligrammes.

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Des vers gondĂŠs en calligrammes --

Lyncx


Le penseur sur natte. Mosquées et nefs, Obélisques et baraques Basilique d'or et pont Que l'homme bâtit, dans sa quête D'éternité.... Quel statut pour cet arbre haut? Pourquoi arracher cet arbre mille fois séculaire? Déraciné, Assassiné... Échine courbée vers la terre Le fouet dialogue avec son cœur Le fouet dialogue avec son dos Mais il lui tend la main Mais l'homme, de son bras L'homme, de ses jambes, Tint tête, sur sa natte. Et fier, pense et panse l'espoir sourd d'un cœur qui ne s'entend plus. Car le pied calleux Endolori par ces siècles derrière lui Ère de torts, ère de tortures. Errer, seul, dans la nuit belle. Et voici donc, accroupi, genoux à terre: Ecce Homo! Et voici ici, accroupi, l'humble serviteur...


Magnétisme. --

Je vais vous conter une belle histoire, histoire d'un amour, d'un vieil homme et ses deux fils Les deux fils se menaient une concurrence impitoyable, tels des duellistes qui se haïssent Le vieil homme aimait ses fils d'un amour égal, sans mesure, il les aimait plus que sa vie. Le vieil homme était sur son lit, avec à son chevet, l'ange inéluctable qui égrenait sa litanie Il appela ses fils et leur tint le discours grave et triste de l'homme qui va toucher les cieux Et leur dit: "Partez, fils. Ramenez-moi les fleurs de l'éternité... Elles poussent à cent lieues" Et ils partirent En sens opposés Chercher l'éternel l'élixir Qui pourrait guérir leur père épuisé L'un s'en fut vers le couchant Et l'autre migra vers le levant Il marcha sur le sable brûlant Il subit les orages et les vents Il franchit les donjons d'antan Il souffrit, nu sur le feu ardent Il vit le soleil choir sur l'autan Il vit massacrer le fils d'Adam Il parla avec l'ibère en occitan Il lia avec les filles d'Occident Il fut torturé, fut battu au sang Il subit la guerre des cent ans Il traversa les vaux et versants Il marcha sur le soleil palpitant Il pleura sa famille et son carcan Il bêcha dans les vastes champs Il sonda les profondeurs des étangs Il sonda la nuit, les jours et le temps Il essuya la pluie et sanglota longtemps Il fuit, tenté par cette succube de Satan Il maigrit, jeûna, et pensa à son frère quêtant Il lutta contre la clameur dans ses tympans Ils churent, unis, de l'autre côté du monde, dans le trou que creusa le père un soir d'harmattan Et liés Réconciliés Ils vécurent ravis Car leur voyage témoigne Que deux cœurs que sang lie A la fin, magnétiques, se rejoignent.


Fragiles. --Une Lune, Une île Versatile Et délébile, S'abîme, pile Dans l'amère ville Dans les Thermopyles De mon âme vive et malhabile Sur ma poitrine brûlante et pulsatile. Un diamant coule sur sa joue, et je m'écoule Il sabre le fort de mes passions, et mon radeau coule Une étoile brille dans son œil, se tasse et se roule en boule Et s'effondre, altière. Et défait nos principes, et défie nos moules Nos règles ne comptent plus. Désormais, seule compte cette minuscule Cette pierre humide qui nous vainc et abat une à une nos défenses ridicules Qui nous pousse, nous presse, et nous désolidarise de nos frocs qu'elle écule Et les pauvres hères utopistes, impuissants et indulgents, concèdent et reculent Et leurs faiblesses inavouées se voilent, et se cachent tout en haut du monticule Et ce calligramme compose la gamme des suppliciés que cette fluette obnubile Ce cantique court est le chant des chairs en rut et des sursauts de nos biles De nos désirs qui succombent à l'assaut aigre-doux de ce doux nautile Elle est seule dans cette bataille, mais nous sommes mille Nous marchons en horde, elle va sur le fil Elle nous nargue, vile.


Quête. -Derrière l'homme, le Néant Un jour clair, l'homme se leva pour contempler l'azur dôme qui l'intriguait Un jour, l'homme se percha au faîte de sa vigie, le sens aux aguets Il voulait voir poindre l'éternel, il voulait traverser le matin à gué Il voulait être Ulysse qui, vers le dernier rayon vert, voguait. Et l'homme partit, le cœur en bandoulière, vers l'Ennui Il partit sans regards, sans bagages, ses joies finies L'homme s'en fut toucher le bleu ciel et l'infini L'homme marcha, de jour comme de nuit Dans mille vaux, dans mille et un puits Acharné, maintes fois il s'évanouit Maintes fois, on s'en prit à lui Les mers le prirent à parti Le vent d'est le battit Honni, banni, puni Mais paria béni. Et nu, perdu Il vit, ému Son but. Il lut : Oz. L'élue Ville-ru Qu'Isis but Et mu, il chut. Roses et proses Sur ses ecchymoses Guérirent ses maux bruts Et calmèrent son âme en lutte L'homme retira les épines hirsutes Qu'il avait rencontrées dans sa chute Et pansa ses plaies encore rougeoyantes Par ses larmes et par les étoiles larmoyantes L'homme pleura, et pria sur cette terre brûlante Cette terre chaude qui rappelait les nuits d'Alicante Sous ses pieds, un chœur battait: celui des Bacchantes Sous ses pieds, un cœur battait à un rythme binaire, païen. Et de nouveau, il chut dans l'oubli: ce monde n'était pas le sien Cet aurore idéel qu'il chercha, trouva, et qui l'a soustrait des siens Sous-tendait l'enfer. Et amer, l'homme partit. Et remit sur lui ses liens. Devant l'homme, le Néant.


Le souffle des mots. --

Perlent les verbes, pleuvent les adjectifs, épithètes fidèles des langues des tams-tams éternels. Les attributs qui volent, corbeaux fertiles Les adverbes qui s'accordent, chantres serviles Les mots pronominaux, panacées altruistes Lavant nos maux graves d'artistes tristes Les mots sont autistes, solennelles majestés Lassées des compléments d'objet Les sujets deviennent esclaves Les qualificatifs suaves Les maux antonymes Lustres épitaphes éponymes Les propositions s'enroulent Les sentences s'écroulent Les gérondives Les participes Lasses de suivre Les transitives Les typent Les livrent. Les mots soufflent: Trente-neuf sentences.


Le souffle des mots sur ma nuque fiévreuse, un soir d'harmattan, assis en face de la mer calme et belle. Le souffle des mots sur nos désirs surannés L'exhalaison chaude des griots immortels La parole qui galope, à travers les années Les mots qui dansent dans les poussières des ruines Langoureux ballet de lettres mortel Lancinante danse à l'ombre des dunes Le souffle des mots m'assassine Lente érosion des langues et des poitrines Les plumes tombent: les mots font leur saisine Le souffle des mots sur les vagues Lettrines qui bouchent latrines Les mots émoussent les dagues Les mots sont des pierres Laconiques et heureuses Libellules légères Les mots voilent Les joies vicieuses Les étoiles. Les mots soufflent: Une quarantième potence.


Meurtrière. -Où? Partout Ce petit trou Me pousse à bout Hante mon esprit qui bout Partout J'échoue Sans le sou Je fais blanc-chou Je me courbe, le bras mou Devant la toute-puissance de Vishnou Intangible, impertinente, intarissable et invaincue Elle me nargue et elle déchire mes penchants viles et repues. Suave élixir, éternelle prêtresse païenne, à ta puissance je déclare allégeance Et vaincu, je dépose mes armes, et j'entonne l'hymne intime et carcéral de la contingence: Contingence, déesse en cauris incarnée _______ Contingence, joug désincarné sous scellé Condamnation à ces plaisirs surannés _____-_____ Conversions à l'obscur mythe non révélé Compagne des jours heureux minés ______--_____ Comptine suggérée mais jamais épelée Complice senteur enivrante et gominée ____---____ Connaît nos vices et pulsions entrelacés Contingence, prends donc mes années _______ Conniventes, dociles, car jamais rebellées J'abandonne! J'enterre la hache de guerre et je déterre paisibles haschisch Le puits qui jamais ne s'est tari mate mes sens et m'assèche Je signe l'armistice avec la meurtrière revêche Aux miches en friche dans ma ruche Penaud, la mèche rêche, J'allume flammèches Qu'à moi j'attache Et je m'arrache Mon panache A la fin, contingence me lâche, Puis, nue, se cache. Tel un louche, Farouche H.


Rires et larmes -Un fil Fragile File. Flot, Eaux, Quand je leur demandai un abri, Beaux ils me montrèrent la terre humide Sanglots -S'écoulent, Fines ridules Qui s'enroulent Nous naquîmes. Émergeant de terre, nus et frêles petits vers. Sur un minuscule Et nous pleurâmes. Et maman nous donna son sein. Nous vîmes les Autres. Qui arrachèrent Mère. Sourire. Ton sourire. Ton sourire qui chavire Nous fûmes délaissés. A nos propres mains. Et qui détruit nos empires Nous grandîmes. Et cultivâmes Terre, Nous imposâmes. Puis déclinâmes. Ton sourire beau qui me prend Et vite, ils nous enterrèrent. Ton sourire beau dont je m'éprends Oui, nous ne fûmes Ton sourire sans lois... Mais j'apprends Rien que ceci: Que ton sourire est sans roi, indomptable, Farouche devant assauts et cœurs affables Ton sourire a la chaleur d'une fée des sables Humains. Qui cherche son prince dans les grains amers Du désert silencieux, ton sourire nous éclaire Et rallume la torche du cœur qui désespère. Mais bénis Et je me pends à ton sourire et à ses sorts Car nous sûmes A sa magie éternelle qui ravive la mort: Le secret des airs Ton sourire est fait d'ambre et d'or. Du bon pain de Sésame Ton sourire éclatant, ma reine Nous sûmes naviguer sous mers Me berce et entraîne Et nourrîmes les frères qui avaient faim. Mes peines. Que fut donc ce monde? Un torrent amer? . Certes. Nous fûmes même plus vils que chiens. . Mais nous fûmes l'espèce la plus aimée de cet Univers. Vas-y, Souris. Le monde est tellement beau, quand tu lui souris.


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