Crise des déchets : Berlusconi

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Institut d’Etudes Politiques de Grenoble Politiques Publiques

La crise des déchets à Naples

Le Cavaliere et « l’emergenza rifiuti » : analyse du travail de légitimation et de résolution des conflits.

Céline Torrisi Moris, Master 1IJFCT Décembre 2008

Monsieur Philippe Teillet, maître de conférence en sciences politiques

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TABLE DES MATIERES Introduction Partie 1 : De l’instrumentalisation de la crise au travail de légitimation : la réaffirmation du leadership du Cavaliere. Section 1 : La crise, un enjeu électoral §1/La crise, thème central des discours et du programme politique de Silvio Berlusconi. §2/ Servir et se servir de la crise pour réaffirmer et reconstruire son leadership Section 2 : La crise, un enjeu local et national §1/Des décisions effectives mais hautement symboliques §2/ Dépendance au sentier ? Partie 2 : De la résolution de la crise au manque de légitimité : le rôle et les limites des mouvements sociaux Section 1 : Le renforcement immédiat des mouvements sociaux pour contester l’action publique. §1/La mobilisation immédiate des mouvements sociaux pour contester l’action du gouvernement §2/Natures et faiblesses des mouvements sociaux, limites de la portée de l’action Section 2 : Société civile et démocratie en Italie : quel mythe, quelle réalité ? §1/ La crise des déchets « version 2008 » : « l’explication globale d’une réalité » §2/ La menace du triomphe de la microsociété que constitue la mafia

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INTRODUCTION

« La situation est grave et aujourd’hui on est pas encore parvenu à définir les causes claires et précises qui ont pu conduire à une telle situation. Mais nous sommes convaincus que tout cela aurait pu être évité. Nous déterminerons à qui en incombe la responsabilité. Nous sommes fiers et heureux de voir que nous avons réussi là où beaucoup pensaient que c’était une mission impossible», Silvio Berlusconi, discours du 18 juillet 2008, Nous avons libéré Naples des déchets

I/Présentation du sujet Plus que grave, la situation à Naples est aujourd’hui angoissante. Les causes qui ont conduit à une telle situation sont parfaitement claires et précises et se résument en un mot « mafia ». Plus que convaincus nous sommes certains que tout cela aurait pu être évité. Nous maintenons qu’il revient à la magistrature et non au politique de déterminer les responsables de cette crise. Comment être fiers et comment être heureux de voir que toute la responsabilité est aujourd’hui rejetée sur le dos des habitants de Naples, sur qui pèse le décret loi n°172, 2008.1 Les propos que nous tenons ici, ont été et sont encore ceux de nombreuses personnes, napolitaines, italiennes voir européennes, qui s’indignent face à ce qu’est entrain de vivre la province de Naples, la Campanie. On observe un net décalage entre les propos du Cavaliere, cités ci-dessus, tenus il y a quatre mois, et les cris d’indignation de la population. Pourtant la 1

Decreto-legge 6 novembre 2008, n. 172 "Misure straordinarie per fronteggiare l'emergenza nel settore dello smaltimento dei rifiuti nella regione Campania, nonche' misure urgenti di tutela ambientale" pubblicato nella Gazzetta Ufficiale n. 260 del 6 novembre 2008

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crise de Naples n’est pas chose nouvelle en Italie tout comme Silvio Berlusconi n’incarne pas le changement dans ce pays. Comme Silvio Berlusconi, cette crise apparait comme un leitmotiv dans l’histoire récente de l’Italie. En jettant un rapide regard sur la carrière politique du Cavaliere et sur l’histoire de la crise, on pourrait presque affirmer que Silvio et la « Crisi dei rifiuti »2 sont deux « compagnons de route ». C’est en remportant les élections législatives du 27 mars 1994 que Silvio Berlusconi apparaît véritablement sur la scène politique italienne. C’est la « la discesa in campo », « la descente ». Un mois plus tôt, la même année, est déclaré l’état d’urgence pour la ville de Naples qui ne parvient plus à évacuer ses déchets. Certes le premier gouvernement Berlusconi tombe en janvier 1995 et résoudre la crise en un an est chose particulièrement difficile. En juin 2001 le Cavaliere reconquit le pouvoir. C’est le gouvernement « Berlusconi bis », connu en Italie pour avoir été le plus long gouvernement de l’après-guerre. Le Président du Conseil se trouve une fois de plus confronté à la « crisi dei rifiuti » de Naples. En effet, au début de l’année 2001, on assiste de nouveau à une lourde crise à Naples. Pour y faire face, on procède à la réouverture des décharges de Serre et de Castelvolturno, et on envoie des milliers de tonnes de déchets vers d’autres régions italiennes, telles que la Toscane, l’Emilie-Romagne, ou à l’étranger vers des pays comme l’Allemagne. Au cours des deux années successives, 2002 et 2003, entrent en fonction sept appareils de production de combustibles dérivés des déchets. Cependant ces mesures sont largement insuffisantes et la Campanie ne parvient pas à traiter de manière efficace les milliers de tonnes annuels de déchets. En 2006 le gouvernement « Berlusconi bis » tombe et Naples est toujours en état d’urgence. En 2007 la crise connaît un nouveau pic. Le gouvernement Prodi est contraint à intervenir sans plus attendre. Il définit alors de nouveaux sites destinés à accueillir des décharges et propose comme solution la régionalisation du traitement des déchets. Cependant le 6 février 2008, le gouvernement tombe pour la deuxième fois en 650 jours alors même que la situation à Naples tend à s’accentuer. Comme chacun le sait, les élections des 13 et 14 avril 2008 portent au pouvoir Silvio Berlusconi. Une fois n’est pas coutume, le Cavaliere entame son troisième mandat avec pour fidèle « compagnon » la crisi dei rifiuti di Napoli. Si nous avons retracé très brièvement le parcours politique de Silvio Berlusconi c’est pour souligner le fait que, la crise existe à Naples depuis que Berlusconi existe sur la scène politique italienne. Bien évidemment ceci est une simple observation vide de tout lien de causalité.

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nom italien donné à la crise, expression qu’on gardera au cours de ce dossier

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C’est donc ce constat qui nous a conduits à orienter notre analyse de la crise des déchets à Naples, non sur la crise en soi mais bien sur l’existence d’un lien entre la crise et le retour du Cavaliere. En effet, si on se livre à la relecture des quelques phrases extraites du discours de Berlusconi, on peine à comprendre comment, le Cavaliere a pu reconquérir le poste de Président du Conseil, ce dans un contexte de crise, crise que ni le premier, ni le second gouvernement Berlusconi n’ont pu résoudre. Il s’agit alors de nous pencher de plus près sur la nature même du lien que l’on suppose exister entre le nouvel épisode de la crise des déchets à Naples et le retour de Silvio Berlusconi sur la scène politique italienne. Cependant pour mieux comprendre l’analyse que nous avons tenté de mener de la façon la plus objective possible, il convient de nous livrer à une présentation du contexte avant et après les élections d’avril 2008. 2/ Le contexte pré-électoral L’Italie est un pays qui se caractérise par une culture politique bien à soi. Bien que faisant partie des six pays fondateurs de l’Union européenne, l’Etat italien doit avant tout être défini par rapport aux Etats de la vieille Europe comme un Etat jeune. En effet, la République d’Italie voit le jour au lendemain de la guerre avec l’adoption de la Constitution du premier janvier 1948. Depuis lors, la politique italienne a suivi un chemin bien à soi, qu’il ne s’agit pas de juger ici, mais qu’il faut avoir à l’esprit pour comprendre le système politique actuel. Ainsi on ne manquera pas de faire remarquer que dans ce pays, peut être plus que dans d’autres, les pratiques clientélaires et les affaires de corruption sont choses communes 3. On en tient pour preuve l’affaire « Mani pulite »4 de 19925. Malgré ce scandale, clientélisme et corruption sont toujours des pratiques dominantes en Italie et bien évidemment la Province de Naples n’y échappe pas. Ainsi c’est la classe politique dans son ensemble, celle qui a dirigé l’Italie et surtout celle qui a dirigé la Campanie, qui se trouve aujourd’hui au banc des accusés dans l’affaire de la crise des déchets de Naples. On souhaite ici remettre en question une idée reçue et trop facilement acceptée. Depuis que Naples est apparue sur les écrans de télévision 3

Selon le classement réalisé par Transparency International en 2006, sur les 50 pays les moins corrompus l’Italie figure au 45ème rang, loin derrière la France l’Allemagne ou le Royaume-Uni, occupant respectivement les 18 ème, 16ème et 13ème place. 4 Opération « Mains propres », nom d'une opération judiciaire lancée en 1992 contre la corruption du monde politique italien et qui a abouti à la disparition de partis comme la Démocratie chrétienne (DC) et le Parti socialiste italien (PSI). Le système de corruption et de pots-de-vin ainsi découvert fut baptisé Tangentopoli. 5 Pour plus d’informations sur l’opération « Mains propres », cf. l’interview de Francesco Saverio Borelli, magistrat italien responsable du « Pool Mani pulite »http://video.google.com/ videoplay? docid=5033042214859811008

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du monde entier, étouffée par ses déchets, l’opinion commune s’est arrêtée sur deux préjugés : la soit disant saleté des Napolitains et l’unique responsabilité de la mafia. Nous ne remettons naturellement pas en cause le rôle de cette dernière dans la crise de Naples, mais imputer le tout à la seule activité de la Camorra est bien trop réducteur. Ainsi pour résumer brièvement ce qu’il se passe à Naples depuis maintenant presque vingt ans, nous dirons simplement, en nous appuyant sur le témoignage d’un « collaboratore di giustizia »6, que le cycle de gestion des déchets a été sujet à de nombreuses pratiques clientélistes qui ont porté aujourd’hui la Camorra à sa position de monopole de l’activité. Ainsi les hommes politiques qui se sont succédés depuis 1994, notamment les maires et les présidents successifs de la Région Campanie, ont tous à une exception près, soumis la gestion du cycle des déchets aux entreprises privées réduisant ainsi tout contrôle institutionnel à néant et faussant les évaluations d’impact environnemental. C’est par la pratique d’appels d’offre complètement corrompus que les dirigeants politiques ont remis entre les mains de la Camorra la gestion des déchets.7 Mais que s’est-il passé exactement en 2007 ? La question de Naples est revenue à la surface suite à une grève prolongée des employés chargés de la récolte des déchets dans la Région. Comme chacun le sait, les entreprises chargées de cette récolte, dans leur partie visible et légale 8, sont dirigées par la Camorra, laquelle contrôle ainsi l’ensemble de la Région. De nombreuses hypothèses ont donc laissé entendre que les grèves organisées au cours de l’été 2007 n’étaient autre que le fruit de la volonté de la mafia qui utilise cette méthode pour faire pression sur le politique. Mais là n’est pas le point. Ce qui importe pour notre étude est le fait que, quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, ce nouvel épisode de la crise qui s’est prolongée jusqu’en 2008, a été un facteur déterminant dans la chute du gouvernement Prodi et un élément décisif dans la réélection de Berlusconi. De plus, pour la première fois dans l’histoire de la crise on assiste à de véritables procédures pénales, à commencer par la procédure engagée par la Commission européenne contre l’Italie le 27 juin 2007. Un mois plus tard, le 31 juillet 2008, le procureur de la République de Naples demande à ce que soit renvoyé le jugement d’une grande partie des accusés de l’enquête sur « l’emergenza rifiuti »9 en Campanie, soulevant l’hypothèse de corruptions graves et continues, fraudes et abus de pouvoir de la part de 28 suspects, parmi 6

Terme employé pour définir la collaboration d’anciens chefs mafieux avec la justice. A ce sujet et sur le fonctionnement de la mafia napolitaine la Camorra, on conseille fortement la lecture de l’œuvre de Roberto Saviano, Gomorra, dans l’empire de la camorra, 2006, édition Gallimard. 8 Cf. Annexes, le cycle du traitement des déchets en Campagne, explications. 9 Urgence des déchets 7

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lesquels Antonio Bassolino, les sociétés Impregilo, Fibe, Fisia, pour ne citer que les plus notoires. Le 27 mai 2008, 25 personnes sont condamnées aux arrêtés domiciliaires sauf Bassolino pour qui le jugement, qui suscite nombre de débats. 10, est encore en cours. On constate donc qu’au cours de cette année 2007/2008 la crise fut à l’origine de nombre de changements tant sur la scène politique que judiciaire, les deux étant intimement liées en Italie. C’est autour de ce premier constat que nous porterons notre attention. Le second élément qui nous a poussés à mener notre étude sur la dimension politique de la crise des déchets de Naples, dans le cadre des élections législatives des 13 et 14 avril 2008, est la question de la prise en charge du problème au lendemain du scrutin. 3/Le contexte postélectoral Au moment des élections, l’Etat, dont on se demande parfois en Italie s’il existe encore, se trouve confronté à une crise du politique qui allie à la fois l’impuissance publique ressentie, les difficultés de la représentation, et le déficit de légitimité affectant les autorités publiques. 11 Les événements de Naples se présentaient donc comme l’occasion de redéfinir le rôle et la place de l’Etat, mais également de reconstruire l’autorité politique de ce dernier. En effet, en Italie la perte de centralité de l’Etat apparaît comme une réalité d’autant plus que l’Etat italien s’est engagé, dès sa constitution, sur le chemin de la décentralisation. Aussi les Régions italiennes jouissent aujourd’hui de nombreuses prérogatives, dont la compétence législative dans la plupart des domaines qui ne relèvent pas du domaine régalien 12. Ainsi en est-il pour la Campanie. Remporter les élections signifiait plus que jamais renouer le lien entre efficacité et légitimité étatique et donc renouer le lien de confiance sur lequel repose en principe le mandat représentatif. S’agit-il alors de considérer le vote des 13 et 14 avril 2008, comme une évaluation négative des politiques passées et comme une porte ouverte à un mandat pour l’avenir ?. La réélection de Berlusconi et la gestion de la crise des déchets à Naples viennentelles confirmer ou réfuter la thèse de Jean LECA selon lequelle un succès sur la scène électorale ne signifie pas des succès sur la scène des politiques publiques. Pour répondre à cette question il faut inévitablement prendre en compte ce qui a été développé par J.LECA 13 à propos de la dimension politique des politiques publiques. Selon lui, la fonction propre au politique est la régulation des conflits. Ainsi, comme l’a rappelé P. Muller, l’enjeu véritable 10

Cf les vidéo sur les étapes du jugement, bibliographie Le procès Bassolino Cf P. Duran, introduction, in Penser l’Action Publique, LGDJ, 1999 12 Cf, réforme de 2003 du titre V de la Constitution en matière de répartition des compétences entre l’Etat et les Régions. 13 Cf LECA.J, Le repérage du politique, Projet, n°71, 1973, pp11-24 11

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d’une politique publique serait de produire de l’ordre autour et à partir de l’action publique, de parvenir à ce que s’établisse un accord autour de valeurs et du sens de l’action publique. L’action publique menée par le gouvernement Berlusconi III a-t-elle abouti à une certaine régulation des conflits qu’a suscités la crise des déchets ? La mise en œuvre des décisions prises par ce gouvernement, comme par exemple la réouverture de certaines décharges, la mise en fonction du thermovalorisateur d’Acerra, l’envoi de militaires sur le territoire napolitain a-t-elle fait s’établir un accord autour de valeurs et du sens de l’action publique. Si oui lesquels ? Les décisions du nouveau gouvernement ont-elles été à l’origine d’un accord entre les différents acteurs sociaux que sont les associations de défense de l’environnement comme

Legambiente,

les

associations

citoyennes

comme

ChiaiaNodiscarica

ou

Rifiutizerocampania, les experts tels les médecins, géologues ou universitaires, les médias dont le rôle est particulièrement important en Italie 14 ? Bien évidemment il ne faut pas omettre de citer les acteurs politiques locaux tels le maire de Naples, Rosa Iervolino, l’ex président de la Région Campanie, Antonio Bassolino, les acteurs politiques nationaux, Silvio Berlusconi, le ministre de l’environnement, Stefania Prestigiacomo, le secrétaire d'État à la Présidence du Conseil avec une délégation sur la Crise des déchets à Naples, Guido Bertolaso et le dernier mais pas des moindres la Camorra. Autant de question qui nous poussent à résumer notre problématique autour de la question suivante : Dans quelle mesure peut-on dire que, dans le contexte électoral de 2008, la crise des déchets à Naples a servi le travail de légitimation du Cavaliere, à la fois dans sa conquête du pouvoir et dans ses prises de décision? Le travail de légitimation pré-électoral s’est effectué par une véritable instrumentalisation de la crise des déchets (I), qui a été définie comme un enjeu électoral (Section 1) autour duquel S. Berlusconi a construit son discours et son programme politique ( §1) et grâce auquel il a su réaffirmer et reconstruire sa position de leadership (§2). Cependant une fois l’élection remportée, le travail de légitimation s’est révélé être d’un tout autre aspect. C’est autour de la capacité à résoudre la crise qu’il devait se réaliser . La résolution de la crise se présentait alors comment un enjeu à la fois national et local (Section 2). Malgré des décisions effectives mais hautement symboliques (§1), le Cavaliere a finalement été contraint de suivre le chemin tracé par son prédécesseur (la notion de path dependancy) (§2) . On peut expliquer ceci en partie par l’analyse du rôle des mouvements sociaux Ainsi l’épisode 2008 de la crise des déchets à 14

Notamment à cause de non différenciation entre pouvoir politique et audiovisuel

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Naples illustre bien l’idée selon laquelle une légitimité obtenue par le vote n’induit pas forcément une légitimité dans l’action(II). Les mouvements sociaux se sont ainsi posés en frein au travail de légitimation du Cavaliere (Section1). Malgré une mobilisation immédiate(§1) des faiblesses propre à la nature de ces mouvements viennent en limiter la portée de l’action(§2). On est alors amené à s’ interroger sur la pertinence, voir sur l’existence effective d’une société civile napolitaine/italienne (Section 2). On observe alors que la crise des déchets « version 2008 » ne serait autre que « l’explication globale d’une réalité » (§1) où l’intérêt général n’existe plus que dans de lointains écrits et où guette la menace du triomphe de la microsociété que constitue la mafia (§2).

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PartieI :

Instrumentalisation de la crise et travail de légitimation pré-électoral

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Section 1 : La crise, un enjeu électoral

« Les politiques nous utilisent mais jamais personne ne fait rien » Maria Claudia Cardinale, Directrice du plus prestigiuex hôtel de Naples qui ferma ses portes à cause de la crise.

Si l’on ne peut réduire l’étude des politiques publiques à leur seul rapport avec le calendrier électoral, il s’avère que dans le cas de notre étude, l’action publique prend tout son sens dans le contexte électoral du printemps 2008. En analysant le lien direct entre le discours politique et le calendrier électoral on verra que la crise participe d’une part de la dépolitisation de l’action publique en tant que thème central de la campagne de Silvio Berlusconi(§1). Mais la crise sert d’autre part à la consolidation du leadership du Cavalier et en cela elle participe de la personnalisation de la compétition électorale (§2).

§1/La crise, thème central des discours et du programme politique de Silvio Berlusconi.

Il existe un contexte favorable au retour du Cavaliere pour plusieurs raison. La première réside en la déligitimation totale du gouvernement Prodi qui, mis en minorité suite à la démission de Mastella15 le 16 janvier 2008 a dû, en réponse

aux exigences d’un

bicaméralisme égalitaire demander un vote de confiance au parlement. Ce dernier s’est soldé par un échec qui a conduit à la démission de Prodi. Sans attendre Berlusconi plaide pour l’organisation immédiate d’élections anticipées. La crise devient alors le thème central de sa campagne et la façon dont le Cavaliere traite le problème (a) fait du vote des 13 et 14 avril 2008 un vote sur enjeu de politqiue publique (b). 15

Clemente Mastella, ministre de la Justice directement impliqué dans la crise des déchets à Naples. Cf Annexes

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a) Identification du problème et incription à l’ agenda :

« Naples sera à droite car je ne peux oser croire qu’après le malgoverno on puisse encore donner confiance et responsabilité à la gauche » 29/03/08 discours à Naples

La dénonciation de la gauche fut l’argument politique majeur pendant la campagne. Ainsi le problème de la crise des déchets à Naples s’est vu attribuer pour seul et unique responsable l’opposition , qui a tenu les renes du pouvoir au niveau national mais également au niveau régional. C’est autour de la figure d’Antonio Bassolino, membre du Partito Democratico de Walter Veltroni candidat aux élections que s’est construite la définition du problème de la crise des déchets à Naples. Ainsi le problème n’apparaît pas tant comme un problème de fond, relatif à l’inefficience du système de traitement des déchets, mais plus comme un problème relevant de l’incompétence des dirigeant politiques de la gauche. On assiste donc à une véritable transmutation du problème qui devient un problème proprement napolitain, un problème qui a vu le jour à cause de la classe dirigeante napolitaine, de gauche. D’autre part, Silvio Berlusconi a su se servir de ce moment de crise pour donner à la définition du problème à traiter une dimension prescriptive. Il s’agit alors de ne pas perdre de temps face à l’urgence : traiter la crise des déchets relève d’un impératif d’action que seul le , Popolo delle Libertà est en grade de mettre en œuvre, la gauche ne jouissant de plus aucune légitimité. Le site électoral o se présente alors comme une véritable ouverture. Le « moment [est]opportun pour inscrire le problème à l’agenda « (Kingdon), on est en présence d’une grande fenêtre d’opportunité pour le Cavaliere. Il ne manque pas de s’en saisir pour construire son récit et l’exposer au travers de diverses promesses hautement symboliques qui n’ont pu être prononcées que dans ce contexte. On pense entre autre, à la promesse de la présence constante du gouvernement à Naples jusqu’à résolution de la crise. D’autre part, en faisant de la crise la priorité du futur gouvernement, S. Berlusconi opère à l’avance un changement dans la mise sur agenda. Alors que la question de la crise des déchets devrait être sujette à une inscription complète dans un agenda routinier (la crise n’est pas un élément nouveau) , en insistant sur la responsabilité de l’opposition quant à l’ampleur de la crise de 2008 et quant à ses proportions inégalées auparavant, Berlusconi a recours à une modalité d’inscription qui relève de 13


l’immergence, dans un agenda conjoncturel. Enfn, on ne saurait traiter de la campagne électorale et du traitement de la crise sans mentionner le rôle des médias qui ne fut pas sans impact sur la nature du vote à venir.

b) Un vote sur enjeu de politiques publiques

En Italie de façon plus visibles qu’ailleurs, les médias participent à une véritable construction de la réalité. On ne s’attardera pas ici sur l’étude des médias nationaux car comme chacun le sait ils dépendent directement du politique. 16 Ce qu’il faut souligner, c’est la référence aux médias internationaux pour construire le discours politique. Ainsi Berlusconi s’en est servi pour faire de la crise de Naples une question nationale au cœur du débat électoral. « Les images de Naples ont été diffusées dans le monde entier. Cela a détruit l’image de l’Italie à travers le monde et n’est pas sans conséquences sur nos exportations. L’Italie n’est plus le beau pays, pays de l’art et de la beauté. C’est un pays qui n’a même pas réussi à régler le problème de le destruction des déchets urbains. Comment exporter le « made in Italy » si on ne change pas cette image ? Le prochain gouvernement prendra donc la responsabilité de gouverner dans un moment très difficile. Et il commencera cettte tâche le soir même de son élection de sorte que Naples et la Campanie retrouvent leur splendeur. » D’ailleurs la coalition ne se cache pas d’instrumentaliser la dimension internationale du problème napolitain pour justifier sa centralité dans la campagne : « Nous ne voulons pas abuser de la crise. Mais par sa résonance internationale le problème s’impose malgré nous dans la campagne » Paolo Russo, député de Forza Italia. Ainsi la bataille électorale s’articule non plus autour de positions idéologiques mais sur un enjeu de politqiues publiques. Pour avoir suivi la campagne électorale, on peut affirmer que les clivages idéologiques droite/gauche se sont effacés au profit de questions pratiques dont la plus importante était « l’urgence déchets ». D’ailleurs on peut interpréter l’alliance électorale qui a donné naissance en décembre 2007 au Popolo Delle Libertà comme la résultante de cette absence de conflits idéologiques. Ainsi le PDL a réuni en son sein vu Forza Italia, Alleanza Nazionale et Lega Nord. Les résultats des élections 17 confirment que l’ouverture politique a porté ses fruits. On peut même affirmer à l’image de nombreux politologues italiens que le pays sedirige fortement vers le bipartisme et donc vers une 16 17

Berlusconi est propriétaire du groupe de télévision Mediaset. Cf Annexes

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rénovation de la vie politique italienne, ouverte au dialogue. Peut-on affirmer pour autant que Simple concours de circonstances ou efficacité du traitement de la crise des déchets en tant que thème principal de la campagne ? Les éléments d’analyse sont trop peu pour répondre à cette question. Ce que l’on peut affirmer c’est que la nature de la campagne menée par Silvio Berlusconi témoigne à la fois d’une dépolitisation de l’action publique, en cela que le vote s’est fait sur un enjeu de politique publique, et d’une personnalisation de la compétition électorale, en cela que la crise lui a permi de réaffirmer sa position de leader.

§2/ Servir et se servir de la crise pour réaffirmer et reconstruire son leadership

« Berlusconi a été élu car il a eu un comportement de leader politique repsonsable » J.J. Bozonnet, correspondant du Monde à Rome.

Si l’on reprend la définition du leadership comme une situation de domination d’un acteur politique on remarque que cette situation peut s’exprimer sous différentes formes. Soit le leadership se construit à travers l’action publique et le leader se sert de l’action publique pour construire ou maintenir son leasdership. Soit le leader se met au service d’une politique publique et les ressources de ce leader permettent la définition et /ou meo d’une action publique. En analysant les ressources du Cavaliere (a) ainsi que le contexte culturel (b) dans lequel ce dernier a pu construire son leadership, on verra que la nature de ce leadership repose sur une action circulaire combinant les deux formes exposées ci-dessus.

a) Les ressources du Cavaliere

On considère ressources tout ce qui relève du domaine culturel, économique, social et politique. Ainsi S. Berlusconi se trouve combiner des ressources politiques, puisqu’il a à son actif deux mandats, dont un connu pour avoir été le plus long depuis l’avènement de la République de 1948 ; des ressources économiques, puisqu’il figure parmi les hommes les plus riches de la péninsule grâce à l’empire économique à la tête duquel il se trouve 18. On peut 18

A la tête de la Fininvest second groupe privé italien, du groupe de télévision Mediaset (Canale 5 première chaîne de télévision privée à l’échelle nationale ,Italia 1 Rete 4. Il possède le club de football Milan AC, dans le

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également dire que le Cavaliere a à son sctif des ressources culturelles puisqu’il dirige les plus grandes chaînes de télévision italiennes avec le groupe Mediset, les premières sociétés productrices de cinéma italien

Medusa et Cinema 5, le premier éditeur de livres et se

périodiques en Italie Mondadori, un des plus grand club de football (élément primordial dans la culture italienne aujourd’hui!). Le Cavaliere a donc su e construire et contrôler un réseau réel grâce auquel il gagne le soutien de militants et profanes (ami de Bettino Craxi et de tou les supporters du Milan AC par exemple!). Il jouit d’un ensemble de relations durables nouées qui ont assuré sa position dominante. En outre la création du PDL en décembre 2007 a ajouté à ses ressources une dimension collective puisqu’il a su faire preuve d’ouverture et rallier à lui des partis tels que la Lega Nord. Ainsi pour ne prendre qu’un exemple illustrant l’utilisation de ses ressources dans le cadre du traitement de la crise des déchets à Naples, , il s’appuie sur ses capacités d’entrepreneur dans le domaine du bâtiment pour faire accepter la construction des incinérateurs et des nouvelles décharges. Un uatre élément joue à la faveur de Berlusconi et conforte sa position de leader, le poid du contexte culturel.

b) le poids du contexte culturel

Si l’on s’appuie sur la théorie de Edelman selon lequel si un homme politique est réélu malgré l’inefficacité de son action c’est grâce à la rhétorique, laquelle compense l’action gouvernementale. Si on reste dans le cadre de la crisi dei rifiuti, on ne peut guère affirmer que Berlusconi eut une action efficace par les temps passés. Pourtant c’est autour de ce sujet qu’il parvient à remporter les élections. Il se trouve un fait que l’on ne peut nier, en Italie le Cavaliere est reconnu pour sa capacité à jouer son rôle, par sa capacité à user de la rhétorique pour gagner les foules : c’est un véritable orateur qui sait manier toutes les formes du dicours, du comique au tragique en passant par le pathétique ou la colère. Berlusconi jouit d’un contexte culturel très particulier et d’une croyance partagée en la réalité de son rôle de leader, en sa responsabilité dans le production de l’action publique. Témoins de cela les affiches d’associations de consommateurs que l’on pouvait trouver dans les rues de Naples en avril et mai 2008 : « Berlusconi santo subito » « Berlusconi cannonisé immédiatement » secteur des assurances et des produits financiers, les sociétés Mediolanum et Programma Italia.

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« Seul Silvio peut sauver Naples » « Rien ne peut être pire quela situation actuelle ». Le Cavaliere est en Italie une figure historique. Le leadership de Berlusconi s’est donc recontruit au cour du traitement de la crise des déchets par une action circulaire dans laquelle le leader trouve dans l’action publique des ressources clés pour construire sa position qui lui permet d’agir avec plus de ressources et confirmer ou renforcer son leadership.

Section 2 : La résolution de la crise, un enjeu local et national « Le scandal des déchets prendra fin », S. Berlusconi discours du 13/05/08 devant la chambre des députés. Conscient de l’immense fenêtre d’opportunité qui s’ouvre à lui dès l’instant de sa nomination de Président du Conseil, le Cavaliere active sans attendre l’appareil politico-administratif pour mettre en œuvre ses promesses. La dimension hautement symbolique des décisions (§1) prises par le gouvernement Berlusconi III ne sont pas sans témoigner dans le fond d’une dépendance au sentier (§2).

§1/Des décisions effectives mais hautement symboliques.

Comme les discours préélectoraux, les décisions relatives au traitement de la crise des déchets sont ambivalentes : elles présentent une portée locale et nationale (a) . Mais elles présentent également un caractère exceptionnel par la rapidité de leur terminaison (b).

a) Une portée locale et nationale

Promesse dite, promesse tenue, le premier Conseil des ministres s’est tenu à Naples et le gouvernement s’y est installé. De plus le Cavaliere a ordonné l’exécution d’une « récolte extraordinaire » en deux jours. Certains diront que c’est pour rendre Naples présentable avant 17


la tenue du Conseil des Ministres. Cependant ce que l’on peut affirmer, c’est que ces premières actions répondent de l’efficacité et d’une action volontariste tendant à produire de l’ordre. Dans cette optique on doit considérer le territoire de la Campanie comme élément constitutif de l’Etat. Ainsi tant que la région n’a pas retrouvé un minimum de salubrité, on peut considérer que l’Etat italien manque d’un des éléments qui constituent la définition juridique de l’Etat. Cette considération du territoire napolitain comme assise physique de l’activité politique participe de la stratégie du Cavaliere qui tend à réaffirmer l’autorité de l’Etat par le biais de la getsion de la crise. L’Etat ayant perdu sur cet espace le monopole de la violence physique légitime, controlée par la Camorra, le seul moyen de retrouver la source principale de légitimité est de reprendre possession de ce territoire en y déployant une action publique lourde de symboles. Contrairement à ce que l’on peut observer dans le processus de territorialisation des politiques publiques, où souvent le local s’oppose au national, on voit ici que le national réintègre le local. Les acteurs locaux sont relégués au second plan car ils souffrent d’un manque de légitimité total 19. Cette politique que l’on paut qualifiée de territorialisée en cela qu’elle ne s’applique qu’à une seule région, apparaît comme ressource de légitimation auprès des populations locales et elle contribue à alimenter le leadership du Cavalier. Les premières décisions faites par le gouvernement Berlusconi donnent à cette politique publique une dimension responsive, en cela qu’elle répond aux demandes de la population. La réponse porduite ( désengorger Naples de ses prdures) est l amise en œuvre du programme présenté aux électeurs : c’est l’output de l’approche systélique. En second lieu, ce décisions tendent à raviver la croyance perdue envers l’existence du pouvoir politique. Installer le gouvernement à Naples permet de se rapprocher des habitants et offre la possibilité de donner des illustrations concrètes de ce que font les autorités politiques. Enfin on peut dire que la prise en main au niveau national de la crise des déchets a permis de construire symboliquement le territoire de la Campanie et mettant en avant ses atouts ( production agricole, Naples et Pompei, villes antiques) mais également de redonner du sens à ce territoire au niveau national (réintégrer la Campanie dans l’imaginaire collectif italien, passer outre la division Nord-Sud). Le Cavaliere s’est donc livré à une orchestration globale par la mise en œuvre d’actions qui visent le développement local, l’image du territoire, l’attractivité de la collectivité . Afin de démontrer son succès au niveau national, S.Berlusconi proclame 58 jours plu tard la fin de l’urgence déchet et termine la première partie de la politique annoncée durant sa campagne. 19

Bassolino et Iervolino souffrent d’un discrédit complet.

18


b) La terminaison et l’(auto)évaluation

« En 58 jours la ville est redevenue propre et occidentale (…) Nous avons libéré Naples des déchets », 18/07/2008

Le disours prononcé par le Président du Conseil le 18/07/2008 intitulé Nous avons libéré Naples des déchets marque la fin de la politique engagée dès 13 mai 2008. S’il est peut être délicat de parler de la terminaison de la politique menée par le gouvernement Berlusconi pendant les trois premiers mois de son mandat, ce qui est certain c’est qu’on assiste une fois de plus à une véritable mise en scène de l’action publique. A la définition et au lancement des programmes à l’annonce de délais précis et courts répond l’affichage des résultat de manière précise pour évaluer l’effet de cette politique nouvelle. Comme l’explique P. DURAN c’est un signe d’efficacité, une condition de la légitimité et de l‘autorité d’un gouvernant. Et il en est de même avec cette annonce faite le lendemain même : « L’Etat a retrouvé son rôle d’Etat » discours du 19/07/08

En effet une des mesures phares de l’action menée par le Cavaliere fut l’envoi des militaires sur le territoire de la Campagne. La version officielle justifiait la présence des militaires sur le territoire afin de protéger les sites de stockage menacés par les sit-in et afn de contribuer à la collecte des déchets. Or ces missions relèvent du rôle de la protection civile. La vérité est en fait que la Camorra a pris le dessus et pour symboliser la reprise du pouvoir, le gouvernement envoie l’armée. L’enracinement de la criminalité organisée dans la gestion des déchets rend le tout ingouvernable. A Naples, l’armée est devenue la valeur symbolique de l’affrontement entre l’Etat et la Camorra.

C’est donc bien la façon avec laquelle le Cavaliere expose sa « réussite » qui est importante. Il joue sur le besoin de sincérité que demande le peuple italien en affirmant que certes le problème demeure en banlieue mais qu’il y a un retour à la norme pour la « phase la plus 19


accrue de la crise ». Les discours des 18 et 19 juillet 2008 sur la fin de l’urgence déchet sont révélateurs d’une stratégie propre à Silvio Berlusconi. Il prononce la fin de ‘l’urgence déchet » en expliquant la mise en œuvre de ses décisions qu’il présente « rapides et efficaces » alors même qu’elles sont le témoin d’une dépendance au sentier.

§2/ Une dépendance au sentier.

a)Des actions similaires au gouvernement précédent.

C’est autour de la notion de path dependancy aue l’ex Commissaire spécial pour les déchets, A. Bassolino, a justifié son action. Il invoque une continuité forcée avec les gouvernements précédents. Il semble pourtant que dans le cas de Naples il s’agisse davantage de la malgestion, thème récurrent et constant de la politique italienne. Si le Cavaliere n’a pas encore eu recours à l’invocation de la path dependancy pour justifier certaines de ses actions, il semble d’ailleurs trop tôt pour cela, il n’empêche que cette notion de dépendance au sentier est encore présente, malgré une configuration politique exceptionnelle en Italie qui pourrait si ce n’est l’éviter, tout du moins l’amoindrir. Face à l’urgence le Cavaliere a du prendre des mesures ayant un impact de court terme. On retiendra les décisions suivantes : la réouverture de décharge dont on avait interdit le fonctionnement, la mise en place d’un commissariat spécial à l’urgence l’envoie de déchets vers l’Allemagne à qui on achète les prestations, l’ouverture d’un incinérateur en 2009 et mettre l’accent sur le réveil citoyen en matière environnementale. Autant de propositions déjà faites par le gouvernement Prodi. On peut peut-être noter une nouveauté la création d’un site internet dédié à l’urgence déchets.www.emergenzarifiuti.camapania.it, d’un numéro vert. Pour éviter les critiques de la part de la société civile, le Cavaliere met tout en œuvre pour fair retomber la responsabilité sur ses prédécesseurs : c’est lapratique de la « blame-advoidance ».

b) La « blame avoidance » (Weaver)

La stratégie de bouc-émissarisation utilisée durant toute la campagne électorale se retrouve également dans le contexte post-électoral. Ainsi le Cavaliere prétend « recoller les morceaux 20


de verre qua la gauche a lâchement laissé éclater ». On note une fois de plus le rôle notoire des médias nationaux dans ce travail. Si pendant longtemps la crise a fait la une des médias, plutôt que de se livrer à des analyses complètes comme une analyse de la société civile, les médias nationaux ont porté leur attention sur la recherche d’un resonsable, d’un coupabe, d’un bouc-émissaire. Ainsi pour avoir suivi le traitement de la crise par les médias et notamment par les chaînes du groupe Mediaset, nous pouvons affirmer que les journaliste ont pendant longtemps présenté la situation de la Campanie comme étant le fruit de l’incapacité de la gauche à gouverner ou encore de la déresponsabilisation des citoyens. Par son discours sur la fin de la crise, Berlusconi se sert du phénomène d’imputation. Il est censé avoir produit lui-même les fait ou tout du moins il en est responsable en vertu des fonctions et attributions qui lui sont confiées. L’imputation apparaît alors comme une ressource qui participe de la réputation d’un acteur politique favorisant et entretenant son leadership. Mais au fond le leadership consiste faire croire à l’importance du rôle du leader, de sa posture décisionnelle, et il repose sur des faits qui semblent attester la vérité du rôle décisif joué par le leader. Cette dynamique peut être inversée et dans ce cas on impute tous les effets pervers d’une politique à son concepteur (Silvio Berlusconi dans notre cas). Ce phénomène favorise chez les acteurs locaux et notamment au sein des mouvements sociaux la contestation de l’action mise en œuvre. Comment le travail de légitimation pré-électoral et la légitimité acquise par le vote peuvent-ils se traduire par une déligitimation des acteurs au moment de la mise en œuvre ?

21


PartieII :

Légitimité par le vote, illégitimité dans l’action : le rôle des mouvements sociaux

22


Section 1 : Les mouvements sociaux, frein au travail de légitimation du Cavaliere

En remarque préalable on précisera que l’Etat italien ne connaît pas exactement la même problématique que la plupart des Etats contemporains. En effet si le paradoxe de l’Etat contemporain repose sur la constat que bien que de plus en plus présent l’Etat est de plus en plus contesté, ce dont souffre l’Etat italien est davantage d’un reproche de l’ absence d’Etat, Etat qui se voit contesté quand il intervient. La mobilisation immédiate des mouvements sociaux (§1) en réaction aux décisions du Cavaliere demeure sans suite à cause d’une faiblesse inhérente à la nature même de ce mouvements (§2).

§1/La mobilisation immédiate des mouvements sociaux pour contester l’action du Cavaliere

On imagine bien que le mouvements sociaux se positionnant par rapport à la crise des déchets à Naples ne sont pas nés en 2008. Tout comme la crise, l’activité des mouvement ociaux a connu des périodes muettes et des périodes plus bruyante. Ainsi dans le cadre de la crise de 2007-2008, ils se sont activés dès l’été 2007, leur protestation allant crescendo jusqu’à atteindre son apogée au printemps 2008. En prenant les mesures citées précédemment, qu’il tient pour preuve de l’accueil revendications citoyennes , le Cavaliere a cru pouvoir calmer les esprits. Si l’ampleur des mouvements redouble il n’empêche qu’ils demeurent à l’état de protestations citoyennes, voir de simple effet N.I.M.B.Y.

a) Protestations citoyennes

On ne peut nier la présence d’un fort activisme citoyen : il existe de nombreux comités associations qui se sont constitués pour protester contre les mesures prises par le gouvernement. Ainsi ce acteurs de la société civile n’hésitent pas à faire usage d’un 23


répertoire d’action qui allie manifestations, distribution de tract, sit-in. Dès l’installation du gouvernement à Naples, on a vu se former huit cortèges de manifestants. Dès l’arrivée de l’armée, un comité antidécharge a organisé une « opération escargot » avec une cinquantaine de voitures sur l’autoroute menant aux portes de Naples. On note égalemnt l’occupation du Dôme, par un groupe de femmes autour du message symbolique « madre terra » (la Terre Mère). Si l’on consulte les sites internets des associations les plus notoires comme Rifiutizerocampania, Assise della Città di Napoli, Comitato allarme rifiuti tossici, Legambiente Campania, Mani Tese, Rete rifiuti zero, ChiaiaNodiscarica, on est frappé par la fréquence des manifestations, fréquence que l’on a vu augmenter dès l’arrivée de Berlusconi. Cependant il faut traiter le thème de la mobilisation citoyenne en Campanie avec des pincettes car une fois sur deux il se cache derrière ces manifestations un projet de la Camorra. Ainsi les nombreux feux de poubelles, ou les attaques contre les autobus et les camions de pompier sont des actions commanditées par la mafia même si en apparence elle semblent être le fruit d’une spontanéité citoyenne. Ce qui caractérise ces mouvements mise à part le rôle de la Camorra, c’est l’utilisation de la violence comme nouvelle forme de protestation. Cette violence est utilisée contre les tiers mais également contre soi-même. On pense ici à l’épisode choquant d’une femme de 46 qui en guise de protestation s’est mis le feu devant le portail de la décharge de Taverna del Re. Il nous semble indispensable d’exposer les faits afin de mieux comprendre l’exaspération de la population prise entre la Camorra et l’Etat. Si la femme a pu être sauvée de son geste les blessures n’en sont pas moindre et la signification de son action est lourde de sens. Elle témoigne: «Si l’Etat veut tous nous tuer alors je préfère mourir de ma propre volonté. Ils nous ont rempli la tête de « blabla » , ils nous ont toujours dit qu’ils voulaient notre santé. Maintenant peut-être que nous leur avons démontré quel est le vrai sens de la vie. » Tout acommencé jeudi premier mars 2008 lorsque le commissaire extraordinaire, Gianni de Gennaro, réouvre avec l’ordonnace gouvernementale numéro 98, la décharge de Taverna del Re, située sur la commune de Giugliano aux portes de Naples.Cette décision était imprévue et inattendue Elle ajoute « Nous avions fait un acte avec l’Etat et au final le commissaire De Gennaro, qui a toujours parlé de collaboration, nous a renvoyé les déchets, en silence, à six heures du matin. Carla et moi avons décidé de faire quelquechose pour défendre nos familles et notre territoire. Nous sommes d’abord et avant tout femmes et mères et il n’y a pas de « têtes brûlantes » parmis nous ». A la suite de ces faits le maire de Naples Rosa Russo Iervolino, parle « d’un geste dramatique et emblêmatique de la tension et du malaise que l’urgence déchets provoque encore au sein des citoyens. » 24


A travers ce témoignage on observe plusieurs éléments. Tout d’abord l’exaspération ressentie de la part des citoyens les poussant à recourir à des formes de protestation extrêmes. D’autre part l’effet de cadrage autour d’un thème qui est celui de laprotection des générations futures et de la protectin de la santé. On observe également l’action autoritaire de l’Etat qui prend des décisions sans faire participer la société civile au processus d’élaboration de cette décision. Enfin ce que l’on peut constater, c’est que les revendications citoyennes ne proposent pas de solutions alternatives, en cela on peut les qualifier de protestations N.IM.B.Y.

b) Effet N.I.M.B.Y

C’est surtout la réouverture ou la création de nouvelles décharges qui ont donné lieu à de vives protestations de la part des populations qui vivent aux alentours des sites sélectionnés. Ces protestations peuvent être qualifiées de N.I.M.B.Y. Cependant il est nécessaire de préciser que les citoyens qui s’opposent à de telles mesures motivent leur position en précisant qu’il s’agit de choix portant presque toujours sur des décharges ne répondant pas aux normes et donc inadaptées pour des raisons structurelles, géographiques et surtout sanitaires. Alors même que de nombreuses propositions de sites alternatifs existent et n’ont jamais été utilisés. L’exemple de la décharge de Chiaiano est celui qui a fait le plus parler de lui en Italie. Chiaiano est une ville de la périphérie Nord de Naples où l’on a réquisitionné une décharge géante pour accueillir jusqu’à 700 000 tonnes de déchets ce qui permettrait de souffler pendant au moins 2 ans. L’opposition de la population locale fut rapide et vive. Une fois de plus on assista à l’utilisation de la violence qui s’est illustrée par la confrontation avec les forces de l’ordre, des incendies. On compta par exemple 12 blessés en une nuit d’émeutes. Ainsi les citoyens bloquent l’accès à ancienne carrière. Encore une fois notons que l’effet N.I.M.B.Y ne s’illustre pas qu’au niveau local mais il existe également au niveau national. Le refus de la part six régions de traiter une partie des déchets de la Campanie témoigne de l’absence de solidarité nationale. En outre, celles qui ont accepté connurent de fortes oppositions de la part des populations locales. C’est le cas de Cagliari en Sardaigne, où 1000 manifestants se sont regroupés contre les camions et contre la présidence de la Région, donnant lieu à des heurts avec les forces de l’ordre, à 20 blessés. Le phénomène s’est observé en Sicile. Ces événements témoignent bien d’un mouvement N.I.M.B.Y tant au niveau local que national. 25


Si l’on peut dire que les protestations citoyennes furent nombreuses et violents il n’empêche qu’elles n’aboutirent à aucune alternative. Il semble que cet échec puisse s’expliquer par la nature même des mouvements sociaux dont la portée d’action est en fait limitée.

§2/ Natures et faiblesses des mouvements sociaux, limites de la portée de l’action Malgré l’augmentation des protestations citoyennes de jour en jour on ne peut pas dire pour autant que la société civile est entrain de se constituer. En effet on assiste pas à la revendication d’une territorialité participative. Les groupes se sont formés de façon spontanée et impromptue, sans projet précis, autour d’une urgence. La façon de gérer les risques environnementaux les rassemble autour des sites concernés et non dans les sphères de négociations. Il n’y a pas la mise en œuvre d’une véritable stratégie destinée proposer des solutions alternatives pour participer à la gestion du territoire. Il manque également de manifestations organisées pour la population régionale en entier. Les manifestations n’ont jamais lieu à Naples même, où se situe la représentation du pouvoir local et national. Ainsi la faiblesse de ces mouvements se traduit pas une passage difficile des forums aux arènes de négociation (a) et donc par l’absence même de négociation avec la société civile (b).

a) Des forums aux arènes, un passage difficile Rappelons au préalable que les forums sont définis comme « univers social de discussion » alors que les arènes sont des « univers politiques de décision » On repère tout d’abord un forum scientifique des spécialistes composé de médecins. C’est au sein de ce forum que se discutent les effets nocifs du mauvais taitement des déchets en Campanie. Le professeur Antonio Marfella, toxicologue affirme q’en Campanie les malformations de naissance ont augmenté de 84% au cours des 15 dernières années et la probabilité de développer un cancer a augmenté de 20%, le tout par rapoprt à la moyenne nationale. En outre il appuie ses propos sur des données del’O.M.S. qui ont montré une corrélation entre la concentration des décharges gérées par l’ecomafia20 donc illégales et les incidences sur les taux de mortalité dus au cancer. Le rapport annonce un chiffre de 250 000 personnes empoisonnées. A cela s’ajoute le rapport au Parlement européen du docteur Giuseppe Comello, spécialiste de thérapie 20

Cf. Annexes

26


médicale dans le traitement du cancer, dans lequel il déclare que la non intervention sur la dégradation environnementale pourrait porter à de sévères répercussions dans les prochaines années. Il précise également que sur les 2551 aires contaminées et répertoriées, aucune n’a été contrainte à la fermeture ni au retraitement. On est toujours resté dans la phase de projet dont on a estimé le coût à 6 millions d’euros. Un troisième rapport notoire est celui de l’Institut supérieur de la Santé de 2004 portant sur les effets nocifs des incinérateurs. Pour autant, aucun de ces rapports n’a porté à une véritable évaluation de l’impact environnemental de la part de l’Assemblée régionale et encore moins de la part du gouvernement national. Un autre forum pourrait être celui des journalistes. Une fois n’est pas coutuùe il faut bien faire attention de quels journalistes on parle. Il convient donc de laisser de côté les chaines nationales directement liées au politique. Les vrais acteurs ici sont les journalistes indépendants dont la figure héroïque est incarnée par Roberto Saviano, ainsi que les nombreux journalistes locaux21. Sans ces journalistes on ne serait pas averti de ‘linterdiction de certaines manifestations de la part du gouvernement, ou encore de l‘interdiction de l’accès de certains manifestants au centre de certaines villes. Il en est de même pour la question du jugement de Bassolino, lequel se déroule à huis-clos alors même qu’il concerne les affaires publiques. Aucun journaliste n’est admis. Malgré la présence de ces deux forums non sans importance, il n’existe pasde forums de communautés de politiques publiques, autrement dit, il n’existe pas d’arène. La tranformation des idées émanents de ces forum en instruments de politiques publiques est alors impossible,la traduction n’a pa lieu. On observe donc un échec de la société civile à accéder aux sphères de négociations qui, il faut le dire demeurent fermées et se renferme en un eul réseau, celui du politique.

b) Absence de négociations et de réseaux

« Pas de négociations mais des rencontres pour rassurer lapopulation » Guido Bertolaso

Le degré d’ouverture et de vulnérabilité de la part des autorités face aux mobilisation est particulièrement faible comme en témoigne cette citation de Guido Bertolaso, ex commissaire spécial à l’urgence dechet. Les seuls experts tenus pour légitimes par le gouvernement sont 21

Cf. les nombreuses vidéos amateurs diffusées sur U-tube

27


ceux agissant pour lui. Ils sont ainsi tenus comme représentateurs de l’intérêt général. L’exemple le plus parlant est celui de Walter Ganapini expert environnemental dont la légitimité est remise en cause car en tant qu’ex président de Greenpeace Italie il fut nommé Assesseur à l’environnement par Bassolino, nomination qui suscita de vifs débats au sein de Greepeace Italie qui définit son rôle incomptaible avec les actions et la lutte menée par Greenpeace. Mais le surnom que Berlusconi lui donne « l’homme qui a résolu la crise des ordures à Milan en 1996 » lui confère une légitimité minime au sen du gouvernement. On remarque donc que la sphère politique impose ses solutions sans qu’aucune négociation n’ait lieu avec les représentants de la socitété civile. Ils se réunissent dans leur propre sphère, et décident, pensant jouir de la légitimité conférée par le vote. Une seule décision peut être qualifiée de geste d’ouverture : le gouvernement a envoyé des experts techniciens pour repérer les lieux, analyser et repérer le terrain

pour la

faisabilité des décharges. En

contrepartie, on a donné la possibilité aux habitants de nommer des experts qui participeront aux vérifications.

La mobilisations des mouvements sociaux dans le cadre de la crise des déchets de 2008 présente un certain nombre de particularité qui font de ces mouvements, des mouvements à la fois vifs et sans véritable portée. Si l’on pense que l’urgence dure depuis maintenant presque vingt ans on peut se demander si ce qui caractérise l’Action publique italienne ce n’est pas le paradoxe qu’il existe entre la présence de fortes protesations citoyennes sans résultat apparent ? Le paradoxe n’est-il pas celui de la présence d’un Etat sans société civile ? Une partie du problème de l’action publique italienne ne peut-elle pas être comprise par les lacunes de la société civile italienne, lacune qui font d’ailleurs la faiblesse de l’Etat ?

Section 2 : Société civile et démocratie en Italie : quel mythe, quelle réalité ?

Pour terminer cette étude nous aimerions nous livrer à une petite réflexion sur la société civile napolitaine et italienne par extension. Si la crise des déchets à Naples a pu être au cœur d’une campagne électorale et donc s’est révélée être de dimension nationale, ce n’est pas simplement grâce à la capacité du Cavaliere d’avoir fait de ce problème un problème d’Etat. 28


Si ceci a été possible, nous pensons que c’est d’une part parceque la crise des déchets à Naples implique l’Italie toute entière, si ce n’est une partie des pays européen ; d’autre part parceque la nature de la crise, ses dynamiques, ses acteurs, ses solutions, semblent constituer un modèle d’action publique à l’italienne. On ne manquera pas de prendre en compte un autre fléau de la vie publique italienne que constitue le poid de la mafia. §1/ La crise des déchets « version 2008 » : « l’explication globale d’une réalité »22 Tentons brièvement de comprendre la nature de la société civile napolitaine et italienne afin de donner quelques éléments de compréhension de la situation actuelle.

a) « une

rationnalité subjective particulière » : la société civile

locale.

La société civile napoliatine ne fait pas preuve d’une conscience écologique qui pourrait la conduire à justifier ses actions, à proposer des alternatives d’action mais également à s’inscrire dans des réseaux bien spécifiques. Ses revendications sont fondées sur la peur et l’exaspération. Plus que d’une société civile, on est tenté de parler, à l’image d’ Illaria Casillo d’ un « conservatisme fondé sur du communautarisme ». Les mobilisations citoyennes serat ainsi une sorte de mobilisation pré-politique sans véritable rationalité défensive. La pertinence sociale des mobilisations est réeelle mais la structure de la société civile napolitaine peut être interprétée comme une explication globale de la réalité dans ses différentes composantes dynamiques. Cette société civile est encore rattachée aux logiques du clientélisme et des figures charismatiques. Elle est passive et demeure en attente de solutions. Au sein de cette société civile la Camorra est une sous-culture dominante. A Naples l’immondice représente un fait social total car il rend visible le réseau des rapports sociaux, les nœuds et les logiques qui font fonctionner la société Napolitaine. Les citoyens de Naples seraient donc en partie responsables de la crise ? La réponse à cette question est bien délicate mais certains comme par exemple le fameux journaliste Giorgio BOCCA n’hésitent pas à dénoncer la « complicité des citoyens » dans la crise des déchets23. Qu’en est-il de la société civile à l’échelle nationale ? 22 23

Illaria Casillo, Immonde.", EspacesTemps.net, Mensuelles, 27.02.2008 In La Repubblica du 21 novembre 2006.

29


b) Les faiblesses de l’action publique.

Pour achever notre étude il convient de revenir sur le rôle de la mafia et de la Camorra en particulier. Aujourd’hui la Camorra est d’abord et avant tout un puissant acteur du marché italien. C’est cette position économique qui lui permet de devenir un acteur politique important bien qu’illégal. La Camorra, par son organisation mafieuse propose des prix inférieurs de 80% à ceux du marché légal pour la destruction des déchets les plus difficiles à traiter quand on le fait de manière légale. C’est la raison pour laquelle les clients numéro un de la Camorra ne sont autre que les grandes entreprises du Nord de l’Italie et notamment celles de la Lombardi et de la Vénétie. On remarque donc l’absence même d’une conscience civile nationale car sans ses clients la Camorra n’occuperait certainement pas la position qu’elle détient aujourd’hui sur le marché. De plus au niveau local la Camorra doit trouver des terrains pour enterrer les « ecoballe »24. Pour cela le procédé est le même que précédemment, les entrepreneurs mafieux achètent des terrains à prix bas à des habitants locaux et les revendent pour le stockage des déchets aux entreprises auprès desquelles le gouvernement local a sous traité le traitement des déchets (toujours contrôlées par la Camorra c’est donc un cercle fermé). Ceci montre tout l’intérêt pour la Camorra à alimenter les « urgences déchets ». Il semble alors qu’une des raisons pour lesquelles ce trafic perdure réside en l’absence ou en la justesse d’évaluations tangibles et donc d’apprentissage. Il nous a été impossible de mettre la main sur des documents témoignant de la réalisation d’audit financier, d’études d’impact de la part du politique. Absence également d’évaluation scientifique quant à l’effectivité de l’action publique. L’opposition s’est peu fait entendre quant aux résultats invoqués par le Cavaliere. La seule et unique évaluation fut celle des gestionnaires que l’on devrait plutôt qualifier d’ « autoévaluation ». En outre, à la non décision des vingt-dernières années a succédé l’incrémentalisme : les décisions prises par le gouvernement Berlusconi III ne traitent pas des aspects fondamentaux du problème mais plutôt des aspects marginaux et consensuels comme la question de la responsabilité citoyenne. A l’issue de « la phase la plus accrue de la crise » pour reprendre les mots du Cavaliere, la Campanie qui était connue pour être « un 24

Nom donné à des balles ou botte de déchets destinées en théorie à être transformées en combustible, ce après tri des déchets ui les composent. Or elles contiennent le plus souvent des déchets toxiques ou radioactifs

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univers privé de toute culture des institutions »

25

semble le demeurer. Face à toutes ces

faiblesses il se dresse à l’horizon la menace du triomphe de la microsociété que constitue la mafia.

§2/ La menace du triomphe de la microsociété que constitue la mafia

Beaucoup affirment que la trop forte pratique des politiques clientélaires favorise la présence de la mafia dans tous les réseaux de la vie sociale et politique. Ce constat ne fait aucun doute mais il faut également ajouter la persistance de pratiques répondant du « modèle de la poubelle » pour résoudre les problèmes ds politqiues publiques. On tient pour exemple l’action publique menée pour résoudre la crise des déchets à Naples. Plutôt que de s’attaquer au poison que constiyue la criminalité organisée au sein de la société italienne, on préfère mettre en œuvre des politqiues publiques d’ordre réglementaire destinées à sanctionner les premières vitimes de la crise, les citoyens. Les nombreuses ordonnances du gouvernement visent à anctionner financièrement lescommunes qui ne font pas le tri sélectif ainsi que les Napolitains qui ne respectent pas ce principe. Le but est d’établir une « responsabilité civile de la crise »(Berlusconi) On ne peut nier qu’on assiste à une réaffirmation de l’autorité de l’Etat envers les citoyens au prétexte que « l’Etat ne peut pas céder, leproblème des échets doit être résolu. Et pour cela il ne faut pas reculer d’un pas » (Berlusconi). On met l’accent sur l’éducation civique et sur le

rôle des paroisses, des manifestes, des médias. Le

gouvernement veut faire en sorte que le tri sélectif soit un devoir. Et pour cela de nombreux dispositifs sont en place : hélicoptères de surveillance et satellites. Mais n’y a -t-il pas là un paradoxe ? même si le tri sélectif venait à être réalisé, comment traiter les déchets triés puisqu’il n’y a pas toujours pas les structures pour ? Autant de paradoxes autour desquels la société civile pourrait se constituer.

25

Propos tenus par Mauro Calise politologue.

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CONCLUSION

Au travers de cete étude sur les élections des 13 et 14 avril 2008 et l’instrumentalisation de la crise on constate un fait majeur : l’enracinment du Berlusconisme la mise en légende du Cavaliere dans la vie politiue italienne. Malheureusement il semble que la société civile a perdu une fois de plus l’occasion de constituer de façon solide afin de faire face au politique et afin d’entamer un combat contre la criminalité organisée, principale cause des faiblesses des mouvements sociaux italiens. Il ne nous reste qu’à espérer sur le rôle des institutions supranationales, et notamment sur le rôle de l’Union européenne. La Commission européenne a porté plainte contre l’incapacité de gérer les déchets, contre la Camorra et contre les élus. De la sorte elle a remis la responsabilité première sur les institutions qu’elle considère ne pas évoir été capables de mettre sur pied un système de recyclage qui fonctionne malgré les énormes quantité d’argent mises à disposition. La Cour européenne de justice a d’ailleurs rappelé l’existence d’une loi européenne de gestion des déchets, loi que tout Etat membre se doit d’appliquer et de respecter . Elle rappelle également les nombreuses subventions octroyées pour l’incinérateur d’Acerra dont la construction peine à avancer. Elle exige enfin que les gouvernements quels qu’ils soient arrêtent de se réfugier derrière le problème de la mafia. Le commissaire européen à l’environnement a récemment souligné que les vrais responsables sont les gouvernements et leur manque d’action.

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ANNEXES

Eléments biographiques : Silvio BERLUSCONI Antonio BASSOLINO Maria IERVOLINO Clemente MASTELLA Eléments de définition Camorra Ecomafia les sociétés Impregilo, Fibe, Fisia, Eléments de compréhension La gestion des déchets à Naples : Résultat des élections des 13 et 14 avril 2008 : Participation : 78,12% au Parlement ; 80,51% au Sénat => plus mauvais taux en Italie

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Parlement :

Coalition PDL 46,80% : 344 sièges /630 => plus de la moitié opposition

Sénat :

37,54% : 246 sièges /630

Coalition PDL 47,32% : 174 sièges /315 => plus de la moitié opposition

38,01% : 132 sièges /315

BIBLIOGRAPHIE DURANP.Penser l’Action Publique, introduction, LGDJ, 1999 LECA.J, Le repérage du politique, Projet, n°71, 1973, pp11-24 MUSELLA Luigi, Réseaux politiques et réseaux de corruption à Naples, Politix. Revues des sciences sociales et du politique, 1999, Vol. 12, Num. 45 p39-55 SAVIANO Roberto, Gomorra, viaggio nell’impero economico e nel sogno di dominio della camorra. Collezione Strade blu, Mondadori, 2006, 331p.

Sites internets Articles extraits de : -http://www.lemonde.fr Van Renterghem Marion, Assiégée par ses ordures Naples est au cœur du débat électoral en Italie, article du 22/03/2008 Aloïse Salvatore, Silvio Berlusoni promet encore de mettre fin à l’interminable crise des ordures de Naples, article du 16/05/2008 Aloïse Salvatore, Monsieur Berlusconi annonce la fin de la crise des déchets à Naples, article du 19/07/2008 Bozonnet Jean-Jacques, Silvio donne la priorité à la résolution de la crise des déchets, article du 21/05/2008. Aloïse Salvatore, Silvio face à la colère des Napolitains anti-décharge, article du 27/05/2008 34


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http://www.forzaitalia.it/silvioberlusconi/ : -Discours de Silvio Berlusconi, Président du Coneil et de Gianfranco Fini, président de la Chambre des déutés, à Naples, 29 marzo 2008 -Discorso Programmatico - Camera, 13 maggio 2008 -Discorso Programmatico - Senato, 14 maggio 2008 -Abbiamo liberato Napoli dai rifiuti.18 luglio 2008 (« Nous avons libéré Naples des déchets ») -Abbiamo mantenuto gli impegni , 25 luglio 2008 (« Nous avons maintenu nos engagements ») Le procès Bassolino : http://www.youtube.com/watch?v=procQ4_rfOc http://www.youtube.com/watch?v=kK0F1ar6V2M&feature=channel http://www.youtube.com/watch?v=EsMDWCzHC_I

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