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Culture et lifestyle Mensuel gratuit - mai / juin 2010 www.magazine-alt.com

dark night of the soul sparklehorse // dangermouse // david lynch

dossier LES NOUVELLES MUSIQUES DU GHETTO scènes LA DANSE CONTEMPORAINE FLAMANDE littérature CHUCK PALAHNIUK animation LOGORAMA musique GIL SCOTT HERON design WONDERWALL

Un regard différent sur l’actualité incontournable, émergente et décalée, de la musique, du cinéma, de la scène, des arts graphiques et numériques et des nouvelles tendances de la mode et du design


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6/10/09

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edito

Mensuel 100% gratuit et indépendant d’un genre nouveau à la fois accessible et curieux, alt. pose un regard différent sur l’actualité incontournable, émergente et décalée, de la musique, du cinéma, de la scène, des arts et des nouvelles tendances. Chaque mois, alt. décrypte les idées, les mots, les images et les sons de notre époque en allant à la rencontre de ceux - artistes, créateurs, designers, blogueurs influents et leaders d’opinion - qui aujourd’hui, imaginent demain. Culturel et lifestyle, alt. conjuge l’exigence de la presse spécialisée avec une maquette innovante et claire, un ton résolument accessible et une série de reportages à l’iconographie forte pour fédérer ceux qui prônent la diversité culturelle, mais regrettent le manque de visibilité des artistes émergents dans la presse traditionnelle. Présentant et décortiquant sous le prisme de la découverte et de la diversité, l’essentiel de l’actualité culturelle, nationale et internationale, alt. se fait autant l’écho des sorties littéraires, cinématographiques ou musicales que des dernières tendances de la mode et du design mondial. Avec le même souci d’exigence, sans a priori ni exclusive. En remerciant tous ceux qui ont rendu cetta aventure possible et en espérant vous compter chaque mois de plus en plus nombreux à nos côtés, bonne lecture

/ Christine Sanchez // directrice de publication et de la rédaction

© alex prager



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Directrice de la publication et de la rédaction Christine Sanchez christinesanchez@magazine-alt.com

Direction artistique GRIGRI Création graphique Tiphaine Ouvaroff

tiphaine@artipha.fr / www.artipha.fr

Ont collaboré ce numéro : Damien Grimbert, Patrice Coeytaux, Hugo Gaspard

Parution mensuelle Diffusion : Salles de concerts et de spectacles, théâtres, cinémas, festivals galeries, musées, centres d’art contemporain, lieux de vie (bars, clubs, restaurants), boutiques trendy, magasins spécialisés en France métropolitaine et sur abonnement Le magazine alt. est une publication de l’agence alt. 47, boulevard de Clichy 75009 Paris Téléphone / Fax : +33(0)1 42 81 52 47 Mobile : +33 (0) 665 561 786 Merci d’envoyer vos informations à la rédaction avant le 20 de chaque mois contact@magazine-alt.com Imprimé en France Dépôt légal à parution Tous droits réservés Toute reproduction même partielle du contenu est interdite sans l’accord express de l’éditeur quel que soit le support physique ou numérique. La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos publiées qui engagent la seule responsabilité de leur auteur. Les documents envoyés ne seront pas retournés PUBLICITÉ A.M.C REGIE Carol Solal carolsolal@regieamc.fr Téléphone : +33 (0)143 770 108 Mobile : +33 (0) 663 197 416 PROMOTION & PARTENARIATS

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sommaire #1

10 BUZZ 14 CULTE / Daniel Johnston 16 ACTU CINEMA / 2010 Année Burton ? 18 ACTU ART / Rankin 20 ACTU MODE / Un demi-siècle de Doc Marten’s 22 MODE / Créateurs 24 UNE / Dark night of the soul 28 UNE / Dark night of the soul - Sparkle Horse 30 UNE / Dark night of the soul - David Lynch 34 UNE / Dark night of the soul - Broken Bells 38 ART / Portfolio Alex Prager 44 MUSIQUE / Ghetto Beats 50 SCÈNES / Les flamands ne dansent pas sans rien dire 56 LIFESTYLE / Wonderwall - Masamichi Katayama 60 CINÉMA / Logorama 64 LIVRES / Le cinéma expérimental 66 CINÉMA / The Brown Bunny 67 SÉLECTION DVD 68 MUSIQUE / Gil Scott Heron 70 MUSIQUE / New Girls on the Block 71 MUSIQUE / Chroniques 74 MUSIQUE - DVD / Phantom of the Paradise 76 LIVRES / American Splendor 77 LIVRES / Sélection 78 LIVRES / Chuck Palahniuk

Crédits photographiques : Couverture // pp. 24-25 Untitled, extracts from Dark night of the soul, 2009 Courtesy Michael Kohn Gallery, Los Angeles // pp. 26-27 : Dark night of the soul, David Lynch, Sparklehorse and Danger Mouse © David Lynch

© terry richardson

p. 11 : © Yvan Rodic - http://facehunter.blogspot.com p. 12 : Vanité couronnée Or émaillé, cristal de roche à partir de 1980, collection particulière, courtesy Codognato © Andrea Melzi p. 13 : © Terry Richardson. All rights reserved. pp. 14-15 : © David Thomberry - Complex corp. courtesy of Sony Pictures Classic Inc. pp.16-17 : © Tim Burton - 2010 Disney. All rights reserved pp.18-19 : © 2009 Rankin. All rights reserved. pp. 38-43 : © 2009 Alex Prager. All rights reserved. pp. 60-63 : Extracts from Logorama @ H5 Hervé de Crécy / Ludovic Houplain/ Frédéric Alaux Toutes les photographies appartiennent à leurs auteurs, tous droits réservés.


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BUZZ

she and him

MUSIQUE. Elle, c’est Zooey Deschanel, une enfant de la balle qui écrit ses chansons en secret, tout en jouant les jolies girls next door dans les comédies romantiques Hollywoodiennes. Lui, c’est M.ward, multi instrumentiste producteur pour la crème de la scène indé (de Cat Power à Beth Orton, en passant par Norah Jones ou le dernier Bashung) et auteur-compositeur-interprète entre countryfolk et lo-fi d’une dizaine d’albums sous son nom, jeu de guitare tout en toucher et regard aiguisé sans complaisance sur ses contemporains. De cette improbable union discographique naît un duo délicieusement rétro et faussement naïf, chantre d’une pop suave et gracieuse, loin des rengaines habituelles et du cliché du génial misanthrope et de la jolie actrice. Ici, Zooey belle âme, écrit les chansons, et Matthew leur donne corps. Faite de mélodies touchantes, de choeurs soul délicats et d’arrangements pop aériens, la musique mélancolique et atemporelle de She & him sonne comme la bandeson naturelle d’une Californie rêvée dont les Beach Boys, et non un ex-acteurex-culturiste, seraient gouverneurs. She & Him Volume Two (Double Six / Pias) www.myspace.com/sheandhim En concert le 29/4 Paris, L’Alhambra

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BUZZ

the facehunter

MODE. Comptant parmi les chefs de file les plus influents de la mouvance Street Style - qui consiste à faire prendre la pose dans la rue à des inconnus au look singulier - le Suisse Yvan Rodic, aka The Face Hunter promène son appareil numérique à la recherche des spécimens les plus emblématiques de ce que la planète compte de nouvelles tribus urbaines. En deux ans, le blog de cet anthropologue tout entier dévoué à la cause fancy devenu la coqueluche des magazines de mode aura donc répertorié un nombre impressionnant de looks improbables, érigeant dans un même élan l’exégèse Vintage au rang d’art séculaire tout en immortalisant à jamais le port du sabot-chaussette. Collectées au gré des tendances et des défilés de grands couturiers, de New-York à Sidney en passant par Sao Paulo, Londres, Paris ou Stockholm, ces clichés servent de matière à une encyclopédie du bon (ou mauvais, c’est selon...) goût assumé de nos contemporains parue chez Thames & Hudson et disponible notamment chez Colette. http://facehunter.blogspot.com The Facehunter Yvan Rodic (Thames & Hudson)

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BUZZ

c’est la vie

EXPOSITION. Et «Souviens-toi que tu vas mourir» serait-on tenté d’ajouter au sujet de l’exposition, visible jusqu’au 28 juin au Musée Maillol. La mort, sans doute faut-il la voir pour y croire? Et sans doute a-t-on besoin d’y croire puisqu’elle est au coeur de l’inspiration d’artistes qui l’envisagent et la représentent depuis la fin du Moyen Age. Crânes du passé ou d’aujourd’hui, déclinés sur toiles, vêtements ou intégrés à des bijoux, les vanités sont partout. Si elles évoquaient hier la brièveté de la vie et mettaient le doigt sur l’inutilité des biens terrestres, les représentations de la mort retrouvent une actualité poignante dans l’art contemporain, servant désormais à contester de manière plus agressive, le règne de la société de consommation. C’est la vie ! - Vanités de Caravage à Damien Hirst, première exposition de la nouvelle directrice artistique du musée Patrizia Nitti, propose un parcours qui met en perspective ces deux approches artistiques de la mort, l’une violente, l’autre pacifiée. Soient 150 créations morbides entre fascination et obsession - de Caravage à Damien Hirst donc, mais en passant aussi par Géricault, Cézanne, Ernst, Picasso, Warhol ou Basquiat – qui, en invitant à penser la place de la mort dans l’art, résonnent paradoxalement comme un puissant hymne à la vie. C’est la vie - Vanités de Caravage à Damien Hirst, jusqu’au 28 juin 2010 au Musée Maillol, 59-61, rue de Grenelle, Paris 7ème www.museemaillol.com

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BUZZ

terry richardson

MODE. Enfant terrible de la photographie – dont un des plus glorieux fait d’armes est d’avoir importé l’esthétique porno dans l’univers de la mode- Terry Richardson secoue désormais vigoureusement la blogosphère en mettant en scène sa propre vie dans un Terry’s diary aussi délirant que Gonzo. Entre photocalls improvisés, séances déjantées et souvenirs de beuveries, ce rejeton improbable de Helmut Newton et de Hunter S. Thompson signe un blog narcissique et immature (pratiquement) sans texte, mais avec son lot d’(auto) portraits en chemises de bucheron et moustaches de camionneur (Ben Stiller), de clichés de célébrités passablement éméchées (Agyness Deyn, Lindsay Lohan, Jason Statham, Orlando Bloom, Jared Leto en avatar de Travis “taxy Driver“ Bickle) et d’évocations potaches de fantasmes sexuels d’adolescent attardé. Car au delà de l’anecdote et de la gaudriole, Terry Richardson est le parfait reflet d’une époque, où les flashs trashs mettent perpétuellement en exergue la part de voyeurisme qui est en nous. www.terrysdiary.com

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CULTE | daniel johnston

daniel johnston

hi, how are you ?

MUSIQUE. Auteur-compositeur-interprète-artiste maudit, génial et dépressif, adulé par Kurt Cobain, Mark Linkous, Tom Waits ou Conor Oberst, Daniel Johnston a su transformer un univers de bricole lo-fi en chef d’oeuvre d’art brut et cathartique, où vie privée, folie douce et musique sont intimement liées.

A 50 ans - dont la moitié à faire quasiment tout ce qui est possible et imaginable pour ignorer les sirènes mainstream - Daniel Johnston est un artiste mythique, auteur-compositeur-interprète prolixe revendiquant 30 albums et d’un demi-millier de chansons. Selon la légende, c’est au début des années 80 alors qu’il est vendeur chez Mac Donald’s, qu’il décide de se mettre à écrire des chansons pour séduire une jeune fille, qui épousera finalement... un croque-mort ! Si cette mésaventure cocasse servira de terreau à l’un de ses morceaux cultes (My baby cares for the dead), elle devient surtout la pierre angulaire emblématique de tout un univers fit de bricole et de créativité à tout crin. Johnston enregistre chez lui, sur cassettes dont il distribue ensuite les copies, avec généralement, un de ses dessins naïfs collé dessus en guise de pochette. Entre deux extraits de dialogues de série télé, il joue du piano et chante «comme ça vient», avec des thèmes de prédilection aussi universels et essentiels que l’amour, la mort, mais aussi le diable, King Kong, les Beatles, Captain America, Casper le gentil fantôme, les pompes funèbres ou les aliens.... Derrière la fantaisie et l’humour, mais aussi une certaine crudité, ses chansons dégagent une profonde émotion, un rare sentiment d’authenticité, qui cache mal ses fêlures.

Maniaco-dépressif chronique, Johnston sera d’ailleurs interné plusieurs années, disparaissant presque totalement de la scène, à l’exception de quelques prestations accompagné de membres des Butthole Surfers ou de Jad Fair avec lequel il signe plusieurs albums. En 2004, sort The Late Great Daniel Johnston tribute, un album hommage sur lequel Tom Waits, Beck, Death Cab For Cutie, TV On The Radio ou Eels reprennent certains de ses morceaux. Un an plus tard, The Devil and Daniel Johnston fait le tour du monde des plus prestigieux festivals du film, et obtient même le prix du meilleur documentaire à Sundance. Une sorte de musicographie vue de l’intérieur, l’artiste ayant en grande partie documenté sa propre vie, consignant ses pensées et ses sentiments dans d’innombrables dessins, chansons, films Super 8 et confessions sur cassettes audio. Après avoir passé des années à explorer ce matériel, le réalisateur Jeff Feuerzeig en a extrait un film à la fois dense et concis qui brosse un portrait fascinant, triste mais aussi inspirant de son sujet. Aujourd’hui, Johnston semble définitivement sur pieds, même si définitivement marqué par les aléas de son existence. Sa musique sort ainsi lentement de l’ombre, ses fans se font plus nombreux. Après avoir illustré ses albums, ses oeuvres d’art font le tour des différentes galeries internationales. (Aquarium Gallery à Londres et Clementine Gallery à New York entre autres...). Reconnu par ses pairs, il est régulièrement cité comme une influence majeure et repris comme sur la bande originale du Where the wild things are de Spike Jonze, avec une version de Worried shoes par Karen O & the kids (le side band de la chanteuse des Yeah yeah yeahs). Il tourne également régulièrement accompagné par le Beam Orchestra, un ensemble hollandais de onze musiciens qui offre également des versions instrumentales des chansons de l’artiste. DVD : The devil and Mr Johnston (EU, 2005, 110min), documentaire de Jeff Feuerzeig, avec Daniel Johnston... www.hihowareyou.com

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CULTE | daniel johnston

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2010, année Burton ?

CINEMA. Formidable conteur d’histoires, créateur rêveur et démiurge de mondes fantastiques, Tim Burton se voit consacré par une extraordinaire rétrospective au Moma de New-York, avant de prendre en mai, les rênes du jury du festival de Cannes. Une véritable consécration pour ce pur produit de la contre-culture américaine, malgré le ratage abyssal et consternant de son Alice aux Pays des merveilles. 16


ACTU CINÉMA | tim burton Si de l’avis même du cinéaste, le processus créatif d’Alice in Wonderland fut très «chaotique et perturbant», on se contentera de dire que le résultat l’est tout autant, tant il semble difficile de sauver quoi que ce soit de cette commande mainstream boursouflée, infâme bouillie scénaristique lénifiante d’une laideur absolument consternante. Ou comment se moquer de tout et de tous, en se contentant, tel un sale gosse aux manettes d’un énorme joujou, de singer l’héroicfantasy façon Disney (Le monde de Narnia) en apposant juste ce qu’il faut de signature graphique (même si l’inutile passage à la 3D semble lui avoir considérablement compliqué la tâche). Plus grave, le film sonne surtout comme le renoncement total d’un cinéaste à ses valeurs, avec une version irrespectueuse, hallucinée, hallucinante et complètement inféodée aux délires mondialistes de son studio ( l’horrible scène finale où Alice rêve tout bonnement de conquérir la Chine ! ). Alors, craquage complet, cynisme absolu ou finalement, limites flagrantes d’un style qui a depuis longtemps viré au gimmick ? Les plus optimistes se souviendront qu’après avoir sombré corps et âme avec Planet of the Apes, Burton signait Big Fish, son film le plus personnel et le plus touchant. Gageons que le futur président du Festival de Cannes soit à nouveau capable d’un tel sursaut.Raison de plus pour aller découvrir cette rétrospective tout à fait remarquable au prestigieux MOMA de New-york qui dévoile comme jamais les arcanes d’une oeuvre protéiforme.

Cette rétrospective au Moma est surtout une occasion extraordinaire de plonger au coeur de votre travail en accédant pour la première fois à vos archives personnelles. Pourquoi avoir fait un tel choix ? : Beaucoup de choses présentées ici n’étaient pas vraiment destinées à être un jour montrées. Ce ne sont pas des oeuvres d’art, mais elles font partie intégrante du processus de création. Les écrits, les dessins, les photos... Tous ces documents préparatoires sont même à mes yeux la part la plus intéressante de mes projets. Une des choses que j’aime dans le remarquable travail mené par les deux curateurs, Ron Magliozzi and Jenny He, c’est qu’ils n’ont pas catalogué entre le cinéma ou l’art, mais ils ont au contraire essayé de tisser des liens entre ces différentes choses. Cela a été formidable et un peu déroutant aussi de replonger dans ces documents, dans ces images que je n’avais pas revu depuis longtemps, parfois depuis l’enfance. C’est un peu comme sortir de son corps. C’est quelque chose de très régénérant et de très énergisant que de regarder en arrière. Cela vous permet de vous reconnecter avec le monde et vous-même, avec ce que vous êtes, ce que vous avez fait et ce que vous voulez faire. Cela m’a aussi permis de voir les choses qui m’obsèdent et d’établir certaines connections entre les différentes choses que j’ai faites. tim burton

En tant que cinéaste, pourquoi avoir toujours cherché à mixer ces différents médiums ? : C’est ce qui est formidable avec le cinéma. Je ne me suis jamais considéré comme un grand artiste ou un grand réalisateur. J’essaie de me concentrer sur la mise en scène et le jeu d’acteur. D’un autre côté, je ne suis pas devenu un grand dessinateur d’animation car j’avais du mal à faire fonctionner en même temps les deux hémisphères de mon cerveau et à m’asseoir aussi longtemps en restant concentré ! Ces dernières années, les outils pour faire des films ont beaucoup évolué. Personnellement, j’ai toujours essayé de garder la même approche artisanale, avec des films faits à la main et à la maison. Le plus amusant, c’est d’avoir des limites avec lesquelles composer. Maintenant, avec les nouvelles technologies à votre disposition, on travaille sur un fond vert en filmant les acteurs séparément puis en bouclant la scène au montage... il y a de quoi être bouleversé ! Cela aurait pu remettre en cause tout ce que j’ai fait auparavant, mais sachant cela, j’essaie malgré tout de conserver un côté humain, tactile et présent dans mon travail. tim burton

Qu’est ce que représente pour vous le fait d’être célébré dans un lieu comme le MOMA ? : J’ai eu la chance de connaître beaucoup de choses formidables, au-delà du réel, dans ma vie, comme rencontrer mon idole, Vincent Price, faire des films et maintenant, être ainsi honoré par le MoMa. C’est un véritable honneur d’être exposé ici, qui plus est pour quelqu’un comme moi qui n’a pas reçu d’éducation culturelle classique à proprement parler. Tout ce que j’ai appris vient de la télé ou du cinéma, et ma seule expérience des musées avant l’âge de 20 ans était le Hollywood Wax Museum (le Madame Tussaud américain, ndlr) ! tim burton

// Propos recueillis par Hugo Gaspard Tim Burton au MOMA de New-york jusqu’au 26 avril 2010. www.moma.org Ouvrages : The art of Tim Burton (Moma) Tim Burton, entretiens avec Mark Salisbury (Sonatine) Alice in Wonderland (EU, 2010) de Tim Burton avec Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Anne Hathaway... Actuellement en salles Site officiel : www.timburton.org 17


ACTU ART | rankin

pôle position PHOTOGRAPHIE. Figure emblématique de la photographie de mode, Rankin est avant tout un des artistes contemporains les plus influents de la planète. Une exposition et deux ouvrages rendent hommage à l’oeuvre malicieuse, décomplexée et transgressive de cet hyperactif iconoclaste.

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Ses portraits de Tony Blair (pour le Financial Times), de George Clooney (pour le Guardian) ou de la Reine Elisabeth II, exposé à la National Portrait Gallery de Londres à l’occasion de son Jubilé d’or sont aussi célèbres que sa série de nus anonymes sélectionnés par petit annonce dans Time Out ! John Rankin Waddel dit Rankin est bien plus qu’un des plus grands photographes de mode actuels. Éditeur de magazines d’influence (Dazed & confused créé avec Jefferson Hack, Rank ou Another Magazine), ce leader d’opinion prescripteur et irrévérencieux fait partie de ceux qui font et défont les tendances depuis près de deux décennies. Réalisateur de clips, de plusieurs campagnes publicitaires (dont une humanitaire pour Amnesty International) et même d’un long-métrage, cet observateur avisé de l’effervescence contemporaine à laquelle il apporte un soutien sans faille, profite pleinement de la totale liberté que lui offre la réussite de son travail commercial pour signer une oeuvre personnelle et intime à la gloire d’un érotisme pimpant, débridé et joyeusement transgressif. Pour preuves, la déclaration d’amour à sa muse Tuuli (qu’il a épousé en juin dernier) et ses nombreux messages de tendresse à Heidi Klum et Kate Moss qu’il a mieux que quiconque sublimées. Rankin : Eat me naked, jusqu’au 17 avril à la A.Galerie, 12, rue Léonce Reynaud à Paris. Renseignements et horaires : www.a-galerie.fr Ouvrages : Rankin’s Cheeky (Te Neues) Rankin : Heidilicious (Te Neues) site officiel : www.rankin.co.uk


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ACTU MODE | doc marten’s

un demi-siècle de Doc Marten’s

Créée en 1946 par Klaus Maertens, un médecin allemand, suite à un accident de ski, on oublie que la plus mythique des bottines à lacets est avant tout une innovation - la première chaussure montée sur coussin d’air. D’abord mise en vente sur le marché allemand où elle séduit les personnes âgées pour ses vertus orthopédiques, elle sera brevetée puis commercialisée dans toute l’Europe par un fabricant anglais qui obtient la licence exclusive de production en 1959. C’est à ce moment que la “Doc“ adopte ses signes distinctifs, comme la semelle cousue avec les surpiqûres jaunes et la languette. La toute première paire (rouge cerise, rééditée pour l’occasion) sera ainsi fabriquée près de Northampton, sous le nom de 1.4.60 en hommage à cette date historique. Utilisée par les ouvriers, les facteurs, les policiers et les agents des services publics anglais, la jeunesse britannique l’adopte et en fait l’emblème générationnel de la rébellion et de l’anticonfrmisme. Pour célébrer son cinquantième anniversaire, la marque a ainsi demandé à dix artistes d’enregistrer leur propre version d’un morceau culte fidèle à l’esprit frondeur de Dr Martens, chaque reprise étant clipée, postée régulièrement et téléchargeables gratuitement sur un site dédié. Outre The Noisettes, The Duke Spirits ou Dam-Funk, The Cinematic Orchestra, BRMC (pour une version qu’on imagine volontiers dantesque du Dirty Old Town des Pogues) ou encore Michael Davis de DKT-MC5 (reprenant Cold War Kids) seront de la partie.

MODE. La “doc“ fête ses 50 ans avec une version collector de son premier modèle et un site dédié où musiciens et vidéastes célèbrent l’identité de la marque. Morceaux en ligne : The Noisettes Ever fallen in love with

someone you shouldn’t’ve ? (Buzzcocks cover), réal. Chris and Rankin // Dam-Funk The Things Dreams are Made of (Human League cover), réal. Ace Norton // The Duke Spirit If The Kids are United (Sham 69 cover), réal. Jamie Morgan Site officiel : http://50.drmartens.com

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we are the neons

Créée il y a deux ans à peine, la marque chic et rétro de la jeune styliste Violaine Rattin a déjà tout d’une grande. Sobre et soignée, chaque pièce est conçue en série limitée et de façon artisanale, aspirant à devenir le modèle original, unique et atemporel que l’on pourra aisément porter en toute occasion. Made in France ou plutôt made in 60s, les lignes épurées des robes griffées Wearetheneons ( élégante référence au Neon Bible de Arcade Fire ) répondent à une volonté d’allier nostalgie d’un esprit vintage, caractère rock’n roll bien trempé et élégance de courbes féminines. Autre marque de fabrique, la récurrence du petit truc en plus qui ajoute à la subtilité d’un prêt-à-porter qui se passe donc d’accessoires. La poche, la ceinture, la pièce d’une autre couleur, le mélange des matières, la décoration discrète ou encore le petit noeud, ici tout sauf mièvre... Bref, un souci du détail qui fait toute la différence et creuse le sillon d’un raffinement novateur et jamais tape-à-l’oeil. Modèle présenté : Robe éclipse - coupe cintrée et ajustée sur les hanches féminisées par des manches ballons, petits noeuds et poches avec fronces www.wearetheneons.com

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MODE | focus créateurs

stéphane verdino

Depuis 20 ans, le designer Stéphane Verdino privilégie l’épure, retranchant là où tout le monde rajoute pour faire de ses sacs des accessoires de mode efficaces aux lignes droites et pures. Refusant radicalement de se plier aux codes du genre - doublures, renforts ou teinture - le créateur va jusqu’à signer très discrètement ses oeuvres, en se gardant de tout superflu décoratif ou baroque. Un simple rectangle fait donc office de griffe, cachée quoique particulièrement élaborée – on peut y accrocher une pochette secrète et dotée de quatre rivets par lequel passent les poignées. En cuir, daim ou néoprène, monochromes irradiants ou variations moins dépouillées de pois, de rayures ou de carreaux, le sac Verdino est toujours élégant et se porte à plaisir. Quant à la collection été 2010, elle est tout simplement irrésistible, détonant par l’étendue et l’intensité des coloris choisis - du blanc au noir en passant par des bleus nuits intenses, des rouges chatoyants et de vifs jaune, orange, rose ou vert gazon... www.stephaneverdino.com

rosa tapioca

Avec Rosa Tapioca, la jeune créatrice Aurélia Bernard impose une marque cohérente et juste qui habille le quotidien d’élégance et de raffinement. Des contours légers, des tissus aériens, des lignes épurées, des matières naturelles – comme le bambou, le coton, la laine ou la soie- des couleurs urbaines (noir, gris, bleu nuit) nuancées d’un rose mousseux et épicées d’une pointe de vermillon... Entre jeux de superposition et transparence, les modèles de la nouvelle collection réveillent en délicatesse, la féminité naturelle qui sommeille en chacune. Boutique atelier ROSA TAPIOCA, 70, rue de Saintonge - 75003 Paris www.rosatapioca.com

la painthouse

Studio de création français basé à Berlin, la Painthouse a édité en février dernier une ligne de vêtements aussi inspirée qu’inspirante, LaPH avec une première collection déclinée en deux séries distinctes et complémentaires : la money series aux couleurs des trois billets les plus puissants jamais édités ( le billet de 500 euros, celui de 1000 dollars et cet autre de 10000 yens ) et l’artists series qui convie de nombreux artistes (John Burgerman, Shin Tanaka, MCA evil design et Reach One ou les français Nikibi, Koa et Jean Spézial ) à mener une réflexion cynique sur l’usage de l’argent et ses répercussions, avant de pouvoir la traduire graphiquement pour des impressions sur Tee-shirts. Controversé, ambitieux et provoquant tout en se gardant de tomber dans la vulgarité, le projet Painthouse déploie une vision de l’esthétique novatrice qui, géniale pour certains mais dérangeante pour d’autres, a ce qu’il faut de tempérament pour ne jamais laisser indifférent. Il est également à noter que ce studio fait du co-branding sur différents supports (toys, toiles shoes...). www.lapainthouse.com 23


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le crépuscule des idoles dark night of the soul

MUSIQUE. Sur fond de polémique liée au téléchargement illégal, Dark Night of the Soul se pose comme l’un des plus ambitieux et excitants projets artistiques de ces dernières années, réunissant trois génies (Danger Mouse, Sparklehorse et David Lynch) et une pléiade de stars en featurings (Iggy Pop, Julian Casablancas, James Mercer, Suzanne Vega, Nina Persson...). Après une année d’imbroglio juridique et la mort de deux artistes impliqués (Mark Linkous et Vic Chesnutt), l’album sortira enfin dans les bacs le 12 juillet. L’occasion de revenir en détails sur le destin unique de ce disque, entre ombre et lumière.

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UNE | dark night of the soul

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UNE | dark night of the soul

Flashback. 1er avril 2009. L’annonce a tout du canular. Brian Burton aka Danger Mouse (tête pensante de Gnarls Barkley et de Dangerdoom et producteur des derniers albums de The Black Keys, Beck ou Gorillaz) et Mark Linkous de Sparklehorse s’apprêteraient à publier un album intitulé Dark Night of The Soul et auraient demandé à David Lynch d’en réaliser l’Artwork et le livret. Et, comme si cela ne suffisait pas, on promettait une liste impressionnante de featurings vocaux : Vic Chestnutt, Iggy Pop, Black Francis, Julian Casablancas (The Strokes), Nina Persson (ex Cardigans), Wayne Coyne (Flamming Lips), Gruff Rhys (Super Furry Animals), Jason Lytle (ex-Grandaddy) Susanne Vega ou James Mercer (The Shins). Trop beau pour être vrai? Presque. Puisque ce projet monstre a bien failli ne jamais voir le jour, EMI ayant refusé à Danger Mouse le droit de diffuser physiquement ses morceaux, visiblement échaudée par le précédent Grey Album (un mash-up non clearé du Black album de Jay-Z et du White album des Beatles qui avait défrayé la chronique et avait été mis par Burton sur la toile au téléchargement illégal et à la diffusion virale). Pas question pour autant de laisser le projet dormir dans les tiroirs. Cette fois, outre la mise en ligne du précieux contenu, le luxueux livre de photos de David Lynch sera bel et bien vendu dans le commerce via Internet (environ 50€) accompagné d’un CD…vierge, à graver! Une manière sans équivoque de mettre la pression sur la major, qui se serait bien passé de la mauvaise presse liée à cette affaire, mais sûrement pas des retombées positives liées la sortie d’un album d’ores et déjà mythique. Car le plus important dans toute cette affaire est bien, qu’au-delà de la polémique et du buzz engendré par cette épreuve de force entre un artiste et sa maison de disques à l’heure où le politique ne cesse de réfléchir à une pénalisation du téléchargement illégal, Dark Night of the Soul est avant tout un album magnifique. L’association des deux musiciens fonctionne à merveille, dans le prolongement du travail accompli en commun sur Dreamt for light years in the belly of a mountain, dernier album en date de Linkous produit (déjà) par Burton. Chacun met ici son ego de côté au profit de l’ensemble et collabore sur un pied d’égalité. Les deux hommes tirent conjointement les ficelles et la quintessence de ce casting impressionnant de stars, par le biais d’une mise en scène crépusculaire qui joue sur l’intimité et l’étrangeté (Linkous double systématiquement ses voix lead comme pour mieux les nimber de mystère) de manière, pour le coup, terriblement Lynchéenne. Offrant même au passage à Julian Casablacas, avec Little Girl, le meilleur morceau des Strokes jamais enregistré. Et de nombreuses pistes à creuser pour le futur album des new-yorkais. // hugo gaspard

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the year of the (sparkle) horse Avril 2010. Après un an de procédures, Dark night of the soul va enfin sortir dans les bacs, le 12 juillet 2010 en Europe (le lendemain aux States). Ironie du sort, c’est quelques heures seulement avant l’annonce de la mort de Mark Linkous que Brian Burton confiait sur la BBC, être enfin arrivé à un accord, mettant fin à la brouille juridique avec EMI.

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de l’art de raconter les histoires david Lynch

RENCONTRE. RENCONTRE. Créateur de formes aussi complexes que bouleversants, le génial démiurge David Lynch lève le voile sur les arcanes d’une oeuvre protéiforme, métaphysique et affranchie de toute forme de formatage et de contrainte

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UNE | dark night of the soul

Comment s’est déroulée votre collaboration avec Brian Burton et Mark Linkous sur le projet Dark night of the Soul ? david lynch : Travailler avec Dangermouse et Sparklehorse sur deux chansons et sur les photographies (pour l’artwork du disque, ndlr) a été une expérience particulièrement agréable. Leur musique est très inspirante. Et c’est elle seule qui a guidé mon inspiration. Les gens ont souvent une vision politique de l’art. Personnellement, je ne fais que transcrire les idées qui me viennent pour leur donner vie, sans aucune autre motivation. Certaines personnes disent que mes films sont sombres, pourtant selon moi, certains d’entre eux sont plutôt légers. Chaque vision est différente, cela dépend seulement de l’idée dont vous êtes tombés amoureux et de la manière dont vous la mettez en pratique.

Pour la première fois, vous avez décoré des vitrines (celles des Galeries Lafayette en octobre dernier à Paris, ndlr). Quelle a été votre principale source d’inspiration pour ce projet Machines, Abstraction & Women ? david lynch : Les idées dictent tout. Quand vous avez les idées, vous savez quoi faire. Ce qui m’a excité dans ce projet avec les Galeries Lafayette, c’est de créer un véritable Street Museum. J’avais une liberté totale. Quand j’ai vu les onze vitrines, les idées ont commencé à venir. Je n’avais jamais fait de vitrines auparavant. C’est un peu comme si je tombais amoureux. Elles me sont tout de suite apparues très belles, semblables à de petits théâtres ou des boîtes à bijoux. Ce sont des mondes clos dans lesquels j’ai pu faire surgir tout un tas d’univers. Elles présentent des scènes avec des sons, de la lumière, des paysages, et des figures animées qui évoquent la machine, l’abstraction et la femme. Il n’y a pas de message, comme il n’y a pas de message dans mon cinéma. Comme on dit, «Si vous voulez envoyer un message, allez chez Western Union !». Ces vitrines sont des pièces qui bougent, émettent des sons et ont une expression. J’espère qu’elles auront leur magie et qu’elles laisseront toute sa place au rêve.

Au premier étage du magasin, on a pu également découvrir une exposition I see myself qui rassemble vos premiers courts-métrages, ainsi qu’une quarantaine de vos lithographies. De quand date votre passion pour la peinture, et quel lien faites-vous entre votre peinture et votre cinéma? david lynch : Enfant, je voulais être peintre. Mais ma mère ne voulait pas me donner de cahiers de coloriages, comme elle faisait avec mon frère ou à ma soeur. Au début, je ne comprenais pas pourquoi elle me donnait à la place des pages blanches, des pinceaux et des crayons pour commencer à dessiner. En fait, selon elle, les cahiers de coloriages - et je crois qu’elle avait raison – limitent votre liberté et votre créativité. Une lithographie peut déclencher une idée de film, de scène ou de personnage. Et inversement, en travaillant sur un film, on peut avoir une idée de lithographie. Il y a cette anecdote que j’aime raconter : Un soir, j’étais dans mon atelier en train de peindre un jardin de nuit. En regardant cette toile principalement noire avec un peu de vert, c’est comme si le vent était sorti de la toile et j’ai vu l’herbe qui se mettait à bouger. J’ai donc pensé une peinture en mouvement. Et c’est à ce moment que je me suis décidé à faire du cinéma, en réalisant mon premier film expérimental image par image, appelé Six figures getting sick.

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UNE | dark night of the soul

Vous n’avez de cesse d’expérimenter, au risque de brouiller les pistes et dérouter... david lynch : Je n’ai jamais voulu entrer dans une catégorie bien rassurante. Au contraire, j’ai toujours tenté de prouver comment l’art a besoin de s’échapper à toute contrainte. J’aime les histoires concrètes avec des abstractions parce qu’elle ressemblent à la vie. La musique est une des plus choses les plus abstraites qui soit, mais le cinéma est un langage magique qui peut saisir la musique tout en étant aussi abstraite qu’elle. Tout ce qui existe peut être un forme d’art. Car tous les arts sont le reflet de notre monde. Nous vivons dans une époque en mutation où il y a beaucoup de peur et de négativité. Dans ce monde-là, l’art a sa place. Depuis plusieurs années, je m’intéresse de près à la méditation transcendantale, une technique mentale qui vous permet de plonger en vous-même et d’explorer votre for intérieur. Grâce à la méditation, tout trouve son explication. Cela vous procure une énergie bienveillante, de l’intelligence et du bonheur. Et comme la vie devient meilleure, tout ce qui empêche la créativité s’estompe.

Quel que soit le médium -- peinture, installation, musique ou cinéma--, l’approche créatrice est-elle la même ? david lynch : Tout à fait. Encore une fois, si vous avez une idée, de meuble par exemple, votre cerveau vous renvoie l’image d’une table. Vous allez visualiser la forme de la table et le matériau dont elle est faite. Et si cette image vous plaît, alors vous allez vous rendre chez un marchand de bois et vous mettre à construire la table. Idem pour une idée de peinture. Faire un film est juste un processus beaucoup plus long. Mais quand on aime...

Le plus important, c’est donc de raconter des histoires, même les plus complexes ou sujettes Comment réagissez-vous au fait d’être devenu une à interprétations ? référence dont on s’inspire, voire que l’on copie ? david lynch : Oui, c’est très important. Il y david lynch : Je ne vois pas les choses ainsi. Je dis a l’histoire et la façon de la raconter. Au

souvent que si dix cinéastes devaient faire un film à partir du même scénario, il y aurait dix films différents. On n’arrivera jamais à bout des idées. J’aime les personnages perturbés et j’aime la condition humaine. J’aime les histoires qui sont le reflet de ces choses, mais je n’essaie pas de les provoquer. Les idées me viennent comme ça et après je vois si cela pourrait faire un bon film, une chanson ou une peinture. Puis je me mets au travail.

cinéma, vous pouvez formuler des choses très très abstraites et donner corps à des concepts difficiles à comprendre. Cela peut permettre de mieux les appréhender. Comme mon travail porte cette part d’abstraction, il est forcément sujet à de multiples interprétations. Mais aucune n’est la bonne, elles sont toutes bonnes. Moimême, je ne comprends pas toujours tout ! // Propos recueillis par Hugo Gaspard Site officiel : www.davidlynch.com

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interview project

ART. Gigantesque road-movie documentaire diffusé à raison d’un épisode tous les trois jours depuis juin dernier sur le net, The interview project est une plongée sans fard au coeur de l’Amérique profonde, à la rencontre des laissés-pour-compte d’une machine à rêves définitivement en rade. Prescripteur autant que défricheur, Lynch a toujours utilisé le web comme vecteur à part entière de son univers, que ce soit par le biais de son propre site Internet - sur lequel il diffuse régulièrement courts-métrages et installations vidéos visibles sur abonnement- ou ici, avec cet e-projet particulièrement ambitieux, mis au point avec son fils Austin et le vidéaste Jason S. Soit une série documentaire itinérante de 121 épisodes entièrement composée d’interviews de personnes rencontrées au cours d’un périple de 170 jours et 32000 km à travers les Etats-Unis. Des américains moyens interviewés sur leur lieu de travail, un bar ou sur le pas de leur maison qui vont dérouler le fil de leur existence devant la caméra, sans voyeurisme, ni misérabilisme sur un format court (3 à 5 minutes) et une trame simple. Une démarche qui rappelle celle du photographe Walker Evans, qui photographia les fermiers du Middle-West au cours de la grande Dépression mais surtout s’inscrit pleinement dans le prolongement d’Une histoire vraie, autre incursion – fictionnelle cette fois - dans le quotidien de l’Amérique profonde, véritable terreau de l’oeuvre Lynchéenne (De Twin Peaks à Mulholland Drive). Ou comment un septuagénaire parcourt plusieurs centaines de kilomètres pour retrouver son frère avec lequel il est en froid depuis des années. www.interviewproject.davidlynch.com

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UNE | dark night of the soul

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UNE | dark night of the soul

Comment vous-êtes vous rencontrés ? james mercer : Il y a six ans maintenant, au Roskilde Festival au

Danemark. On s’est ensuite croisés plusieurs fois en tournée, lui avec Gnarls Barkley et moi avec les Shins. En traînant ensemble, on a appris à se connaître et à s’apprécier. Début 2008, je me suis dit qu’il était temps pour moi de choisir une autre direction artistique, sans vraiment savoir laquelle, en me lançant dans un nouveau projet en marge des Shins. Je pensais en particulier, que ce serait bon pour moi de travailler avec quelqu’un qui écrivait également. Par chance, Brian avait le même désir. Il a émis l’idée de ce groupe, d’écrire des chansons ensemble et de les enregistrer dans son studio à Los Angeles. Et, j’ai enregistré Insane Lullaby sur Dark Night of the Soul après que l’on ait commencé à travailler sur Broken Bells.

Justement, Brian, où en est-on de l’imbroglio juridique autour de Dark night of the soul ? brian burton : Ce sont des choses qui arrivent. C’est dommage,

broken bells

pour qui sonne le glas ? RENCONTRE. Elaboré en secret et en marge de Dark Night of the Soul, Broken Bells - fruit de la collaboration entre James Mercer (The Shins) et Brian “Danger mouse“ Burton s’impose comme une réussite absolue. Véritable modèle de pop crépusculaire entre expérimentations géniales et influences 60’s, les enchevêtrements gigognes de cordes atmosphériques se marient admirablement aux mélopées mélancoliques et aux mélodies envoutantes, pour donner corps et légitimité- à un groupe bien parti pour assurer une suprématie sans partage au cours de la décennie qui démarre. Rencontre à l’occasion de leur passage à Paris pour la deuxième date de l’histoire de Broken Bells.

mais aujourd’hui, c’est oublié. Le disque va sortir cet été, c’est le plus important. Je pense que les gens l’aimeront toujours

James, tu as produit les albums des Shins. Qu’est-ce que cela t’a apporté de travailler avec quelqu’un comme Brian ? james mercer : J’avais envie de travailler avec un producteur et Brian

fait quand même partie des meilleurs choix possibles. J’apprécie beaucoup son travail et je savais ce dont il était capable. brian burton : Personnellement, je ne cherchais pas spécialement ce genre de collaboration où j’endosserai à nouveau le rôle du producteur... james mercer : Mais c’est plutôt naturel chez toi... brian burton :C’est vrai. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment les chansons se construisent, les directions qu’on peut prendre et où les expérimentations peuvent nous mener. L’important pour moi, c’est de voir comment les choses avancent au niveau de l’écriture et de la production. Quand je suis seul, je procède de la même manière. Techniquement, c’est de la production, mais je n’aime pas trop ce mot dans ce cas précis. Évidemment, c’est mon studio, mes instruments, mes ingénieurs. Mais, pour moi, ça a surtout été l’occasion de travailler avec un auteur dont j’aimais beaucoup le travail et de voir comment on allait pouvoir s’amuser ensemble. james mercer : Brian a apporté beaucoup de son propre univers. En ce sens, on peut dire qu’une grande partie de l’esthétique de Broken Bells est imputable au travail qu’il a effectué. J’ai beaucoup appris à son contact sur l’enregistrement et les différentes approches de production.

Broken Bells Pourquoi avoir tenu ce projet aussi longtemps secret ? Broken Bells brian burton : On a voulu écouter uniquement nos idées et notre (Columbia / Sony)

envie de bien faire. Si on avait dit ce que nous étions en train de faire, immédiatement, cela aurait généré de l’attente, et cela aurait modifié la manière dont les gens pouvait recevoir et écouter cet album. Il y aurait même pu y avoir des répercussions sur l’album lui-même. On a préféré mettre tout le monde devant le fait accompli : «voilà nos chansons. Voilà l’album. Voilà comment on a fait ».

Pourquoi avez-vous décidé de concevoir totalement l’album en studio, sans rien écrire au préalable ? brian burton : On n’en a pas spécialement parlé. Cela s’est passé

sans plan établi, et ça a marché dès le début, alors... La prochaine fois, on fera peut-être autrement... ou pas ! james mercer : Ce serait peut-être un peu chiant, non? (rires) On aurait un peu l’impression de faire nos devoirs ! Non, c’était quand même beaucoup plus amusant de s’assoir, de se taire et de commencer à jammer. Et au fur et à mesure de réaliser que ce qu’on fait est cool. 35


Comment avez-vous travaillé ensemble ? : L’enregistrement a pris plus d’un

james mercer

an, une semaine par ci, une semaine par là. On a travaillé ex-nihilo au studio en enregistrant tous les instruments, sans aucun sample. On a posé des accords sur une partition, puis élaboré les mélodies. Il n’y a pas eu particulièrement de règles. Parfois, les cordes sont venues en premier... james mercer : Parfois, une rythmique. Brian avait beaucoup de vieilles boites à rythmes, et il suffisait de les brancher et de se dire qu’on pouvait faire un morceau avec ça... Encore une fois, tout s’est vraiment passé naturellement. brian burton : James a écrit la majeur partie des paroles, à part quelques couplets. On a tellement échangé et on se connaît tellement bien maintenant que je ne me souviens pas toujours qui a écrit quoi. Au final, tout collait vraiment bien. De toute manière, j’aime beaucoup les textes de James. Et comme c’est lui qui chante, c’est lui qui avait le cut final.

Où tirez-vous l’inspiration de vos textes plutôt mystiques et sans linéarité ? brian burton : On ne veut pas particulièrement expliciter le sens des chansons. On

parle de nos vies, de nos convictions, de nous-mêmes. On est assez semblables, mais on a eu des vies très différentes. Et tout cela s’entrechoque, se confronte, au delà de ce qui est bien ou mal. james mercer : Quand tu apprends à connaître les gens, et que tu passes beaucoup de temps avec eux, tu expliques ta vision des choses et du monde. Alors, on a bu des bières, échangé sur ce qu’on pensait et ce qu’on vivait, et ces discussions informelles ont forcément servi de terreau aux paroles.

L’album emprunte de nombreuses directions musicales parfois même dans la même chanson. Pourquoi ce désir de pop expérimentale ? james mercer : Oui. On aime le format pop, mais on a voulu apporter une touche

plus expérimentale d’un certain point, en amenant des sons, des structures différentes, et notamment ces changements de rythme dont tu parles. Cela nous est apparu nécessaire dans la manière d’aborder ces chansons. Brian, James possède une voix unique, à la fois très brian burton : On a voulu faire quelque chose de beau, parfois mélancolique, mais haute et très pure. As-tu été tenté de l’utiliser comme aussi planant. Le point d’équilibre, c’est la mélodie qui doit trotter dans la tête.

un outil pour servir les compositions ? : Quelque part, tu as déjà répondu à la Pourquoi avoir choisi The High Road comme premier extrait pour introduire le groupe ? question. On est tous les deux d’accord pour dire Ce n’est pas le premier que vous ayez écrit. que James a une voix exceptionnelle. D’ailleurs, brian burton : C’est même une des dernières. J’ai trouvé que c’était une bonne brian burton

c’est définitivement plus un état de fait qu’une question (rires) ! Sa voix m’est familière, mais je ne savais pas si cela collerait avec ce qu’on faisait. D’ailleurs, je ne savais même pas ce que nous allions faire ! Chacun notre tour, on a apporté des trucs. Personnellement, je voulais qu’il chante comme il n’avait jamais vraiment chanté auparavant, qu’il aille là où il ne pensait même pas pouvoir aller. Mais là encore, je n’ai pas fait de requête particulière. Il est allé naturellement vers ce qu’il a fait.

fusion de nos deux univers et qu’il est assez représentatif de l’album, avec ces enchevêtrements de sons et les claviers un peu bizarres qui le parcourt.

Au delà de son côté très cinématique, le visuel a un rôle très important, et notamment l’artwork du disque ? Etait-ce une part aussi essentielle du projet dès le départ ? james mercer : Cela l’est devenu pour nous. On était vraiment excités par le travail

de Jacob Escobedo sur le design et les visuels. Et c’est de là qu’est né ce concept autour de l’astronomie et de la cosmologie. brian burton : La musique génère toujours quelque chose de cinématique. Quand tu écoutes de la musique, tu te projètes dans autre chose que la musique elle-même, dans un autre monde. Et la dimension visuelle aide à cela. C’est important pour nous de nous être approprié l’album au delà de la musique. On a pensé cet album seuls bien avant qu’il soit terminé. Et c’est le genre d’album où on veut regarder dans la même direction que ceux qui nous écoutent. Ils nous regardent, on les regarde, et on regarde la même chose. Les images et le côté cinématique de la musique fait que les gens ne nous regardent pas nous, mais ce que nous faisons. // Propos recueillis par Hugo Gaspard Album : Broken Bells Broken Bells (Columbia / Sony) Site officiel : www.brokenbells.com

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Informations, tracks, dates & booking on :

www.myspace.com/jdtstlmsq



ART PORTFOLIO | alex prager

ghost world  alex prager

ART. Entre fantasme et réalité étrange, les clichés hypnotiques et cinématiques d’Alex Prager décrivent un monde en Technicolor mais teinté d’humour noir, dans lequel se perd une galerie de personnages féminins idéalisés et fantomatiques, comme tout droit échappés d’un classique hollywoodien ou d’une bande dessinée de Daniel Clowes.

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Page précédente (de gauche à droite et de bas en haut) : Jane (2009), Eve (2008), Annie (2008) Cette page : Susie and friends (2008) Page suivante (de gauche à droite et de bas en haut) : Rita (2009), Molly (2009), Rachel and friends (2009), Tiffany (2009)

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ART PORTFOLIO | alex prager

Avec des séries intitulées Week end, The Big Valley ou Polyester, cette jeune photographe autodidacte d’à peine trente ans, nous ouvre les portes d’un univers parallèle obscurément espiègle, uniquement peuplé de femmes, de paysages californiens et de voitures anciennes. Naïves et colorées, ses compositions savamment orchestrées, véritables fragments elliptiques de petites histoires bizarres, décalées ou inquiétantes, lorgnent autant du côté de Guy Bourdin – pour la mise en scène - que de William Eggleston – pour les couleurs. Au cœur de scènes de vie souvent familières mais à l’étrangeté revendiquée, de mystérieuses héroïnes au teint cireux et au regard perdu, affublées de perruques synthétiques ou de costumes rétros, squattent l’intérieur ou le capot de vieilles Américaines, partagent en groupe l’intimité de salles obscures, explorent les interdits dans des soirées entre filles ou hantent l’intérieur confiné de bibliothèques universitaires. En optant pour des angles de vue inhabituels et inattendus, des cadrages serrés et subjectifs, et une lumière nimbée de mystère, Alex Prager nous place plus comme voyeur que comme spectateur, d’une fantasmagorie intemporelle, citant pêle-mêle comme référence les films d’Hitchcock ou de Douglas Sirk, une version féminine de la série télé le Prisonnier, les beautés “plastiques“ de Valérie Belin et l’univers adolescent barré de Daniel Clowes. // hugo gaspard

Site officiel : www.alexprager.com

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la nouvelle sono mondiale

ghetto beats  MUSIQUE. Dans les bas-quartiers des grandes villes du monde entier, de nouvelles musiques urbaines ont fait leur apparition. Crues et brut de dÊcoffrage, elles constituent les passionnants reflets d’un monde en mutation. Panorama.

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MUSIQUE | ghetto beats

Au commencement était la basse... // C’est à Miami, en Floride, au milieu des années 80 que naît la matrice de tous les ghettos beats : la Miami Bass. Lyrics classés X, rythmiques dépouillées, rapides et saccadées, et infrabasses démesurées, la Miami Bass est un style de hiphop dévoué à un seul et unique objectif : faire danser les filles, voire traduit plus crûment, faire bouger les culs. «Shake that ass, bitch !» comme le chantent les héros du genre, les rappeurs du collectif 2 Live Crew. En l’espace d’une poignée d’années, le genre explose à travers tout le pays, et crée rapidement des émules dans les villes les plus sinistrées des Etats-Unis. Ghetto Tech à Detroit, Ghetto House à Chicago, Baltimore Club à… Baltimore, Go-Go Music à Washington, Screw’n’Chop à Houston, Nola Bounce à la Nouvelle-Orléans… La liste est interminable et s’allonge sans cesse, de nouveaux venus faisant en permanence leur apparition : Hyphy dans la Bay Area de San Francisco, Crunk, Trap-rap et Snap Music à Atlanta, Juke House à Chicago, Jerkin’ à Los Angeles. À chaque scène ses signes distinctifs, ses codes sociaux et musicaux, tous intimement liés à l’histoire de la ville dans laquelle elle se développe. De la musique régionale au sens le plus concret du terme, même si elle est rarement mise en avant en tant que telle par les offices de tourisme… Invasion globale // Aussi accentuée soit-elle aux Etats-Unis, cette ré appropriation “microgéographique“ des musiques urbaines dansantes est portant loin de s’y cantonner, et c’est d’ailleurs ce qui fait tout l’intérêt du phénomène. Nées de l’expatriation du rap et des musiques électroniques, de nouvelles niches musicales se sont ainsi créées dans les quartiers défavorisés des villes du monde entier. Capitale mondiale de la dance music, Londres a vu émerger au début des années 2000 la scène Grime portée par Dizzee Rascal et consorts, tandis que sa communauté indo-pakistanaise vibre depuis longtemps déjà au son du Bhangra. En Angleterre toujours, mais plus au Nord, à Sheffield et Leeds c’est la Bassline House qui fait l’unanimité dans les clubs des quartiers populaires. Particulièrement prolifiques, les Caraïbes ont également enfanté un nombre insensé de styles musicaux : Dancehall en Jamaïque, Reggaeton à Puerto Rico, Soca à Trinidad, Mambo Violento en République Dominicaine, Bubbling dans les Antilles Hollandaises… Plus au Sud, au Brésil, les favelas de Rio vibrent au rythme trépidant de la Baile Funk tandis que de la Colombie à l’Argentine, c’est la Cumbia qui a le vent en poupe. Et l’Afrique n’est pas en reste ! Coupédécalé synthétique en Côte d’Ivoire, Kuduro en Angola, Kwaito et Pitori House en Afrique du Sud, Funana au Cap-Vert… Un véritable déferlement de rythmes et de sonorités nouvelles a submergé le continent. 46


MUSIQUE | ghetto beats

le phénomène

En termes de documentaire, l’excellent It’s All About Dancing : A Jamaican Dance-UMentary de Jay Will, disponible en DVD, aborde la culture Dance-hall jamaïcaine contemporaine sous l’angle de ses danseurs et chorégraphes. Un incontournable, parfait pour mieux comprendre de quoi il en retourne. En 2010, deux autres documentaires devraient également être commercialisés en DVD : Ya Heard Me ? de Stephen Thomas (www.yaheardmefilm.com), consacré à la Bounce Music de la Nouvelle-Orléans, et le très attendu Favela on Blast de Leandro HBL et Wesley Pentz (www.leandrohbl.com/funkfilm), qui plonge dans l’univers moite de la Baile Funk de Rio. Rayons librairies, le célèbre rock-critic Nik Cohn décrit dans le fabuleux Triksta (Editions de l’Olivier) son immersion chez les rappeurs de la Nouvelle-Orléans. Un livre passionnant ! Sur internet, enfin le podcast Mad Decent World Wide radio (www.maddecent. libsyn.com), dirigé par Diplo, propose une hallucinante collection de mixes thématiques dédiés aux différents styles de ghetto music, chaudement recommandée.

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Effet Jokari // Au-delà des innombrables pas de danses et

chorégraphies, souvent spectaculaires, qui les accompagnent, des folklores locaux et anecdotes historiques, une des caractéristiques les plus marquantes des ghettos beats reste leur capacité incroyable à assimiler les influences musicales les plus disparates. Un morceau de Baile Funk construit autour d’un riff de guitare des Clash, une version Baltimore du Sweet Dreams d’Eurythmics, un sample de Timbaland greffé sur une rythmique Kuduro, tout, absolument tout est possible dans ces univers musicaux hors des circuits officiels, la conception “sauvage“ des morceaux empêchant évidemment tout contrôle sur les droits d’auteur. Cet irrespect le plus total pour les normes habituellement en cours dans l’industrie musicale, voire dans la création artistique en général, cette capacité à recycler la culture pop internationale selon des critères purement locaux, est sans doute ce qui a permis aux ghetto beats de se propager hors de leur carcan géographique initial. Séduits par leur caractère non formaté, quelques DJs et artistes aventureux et ouverts d’esprit commencent ainsi à intégrer ces musiques dans leurs sets et créations au début des années 2000. Parmi, ces pionniers, les Américains Diplo et Disco D., la Sri-Lankaise M.I.A., les Portugais Buraka Som Sistema, les Anglais Switch et Sinden, le duo franco-suédois Radioclit... // damien grimbert

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ghetto pistes

Pas toujours évident de s’y retrouver dans la galaxie ghetto beats, encore peu commercialisée à grande échelle. Voici néanmoins quelques pistes : miami bass :

dj craze bass session (Disque Primeur)

ghetto house :

dj Funk booty house anthems (Warlock)

baltimore club : crunk :

k swift greatest hits (Unruly)

crime mob crime mob (Warner)

screw’n’chop :

dj Screw The Legend (Big Time)

nola bounce : compilation shake grime : compilation

twerk & wobble (Gutta Bounce)

run the road (Vice)

bhangra : compilation rough

guide to bhangra dance (World Music

Network)

dancehall :

major lazer Guns Don’t Kill People, Lazers Do (Downtown)

baile funk : compilation funk

carioca (Mr. Bongo)

kuduro : compilation akwaaba sem transporte (Akwaaba) pitori house :

dj Mujava township funk (Warp) 49


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la danse contemporaine flamande

les flamands ne dansent pas sans rien dire    DANSE. Depuis le début des années 80 en Flandre, un extraordinaire vivier de créateurs affamés, toujours en quête de transgression et de beauté, révolutionnent les arts de la scène en faisant exploser les barrières entre le théâtre, la danse et les arts plastiques, échangeant et se renouvelant à l’infini, comme s’ils suivaient le cours indéfinissable et mutant d’un énigmatique ruban de Moebius. Tour d’horizon de l’extraordinaire et bouillonnante vitalité d’une scène flamande qui fait aujourd’hui autant scandale qu’école.

Héritière de la dynamique à la fois perfectionniste, frondeuse et populaire de Maurice Béjart, la scène contemporaine flamande se garde de tout élitisme ronflant pour produire des oeuvres accessibles mais expérimentales. Enfants de Platel, de Jan Fabre ou encore de Wim Vandekeybus, les chorégraphes se succèdent en même temps qu’ils se croisent. Ainsi, Koen Augustijnen, spectateur frappé par le style Vandekeybus, passera par la compagnie de Platel pour devenir danseur, puis chorégraphe à son tour. Si ces metteurs en scène et/ou chorégraphes cultivent tous un sens inné de l’exigence et de l’audace, ils ont également en commun la volonté d’écouter, de donner et de composer avec leurs interprètes, portés par une étonnante faculté à les propulser sans brusquerie et pour en extraire le meilleur. C’est sans doute aussi parce qu’ils ont su s’entourer d’individualités libres et différentes - venues de tous horizons et donc pas nécessairement des acteurs ou danseurs professionnels- qu’ils parviennent à des créations d’une richesse inouïe. Structurée en collectifs indépendants et souvent liés entre eux, la scène flamande fait école. Tour d’horizon en 5 temps. // christine sanchez 51


SCÈNES | la danse contemporaine flamande

les ballets c. de la b.

(Photographie ci-dessous à gauche) Depuis le milieu des années 80, Alain Platel revendique une approche radicalement personnelle de la danse contemporaine, qu’il appelle théâtre en mouvement au sein des “Ballets Contemporains de la Belgique“. Rapidement rebaptisés Ballets C. de la B, patronyme ronflant, ironique et frondeur, ce collectif protéiforme et à géométrie variable (autour de Hans van der Broeck, Christine de Smedt, Koen Agustijnen et Sidi Larbi Cherkaoui), à la fois vivier d’interprètes d’exception et laboratoire d’expérimentation. D’emblée, les productions de Platel – à la fois fondateur et chef de file du collectif - combinent art, expérience individuelle et conscience sociale, dans un concept très contemporain de création qui fait fi des frontières entre les différentes disciplines du spectacle vivant (danse, théâtre, cirque, performance...). Rejetant les visions classiques étriquées des critères esthétiques, identitaires et sexuels, Platel assume des partis-pris jusqu’alors absents des plateaux, bannissant toute forme de conformisme et de manichéisme, accentuant volontairement les contrastes jusqu’aux extrêmes. Tout aussi radicale, sa démarche de création quitte la sphère démiurgique, le chorégraphe allant essentiellement écouter, pousser et puiser dans l’apport personnel de ses collaborateurs. Moins corps de ballet que ballet de corps souvent poussés à la limite, le collectif bouscule, dérange, éblouit ou horripile. Mais chose rare, qu’il cartonne ou se plante, il explore encore et toujours en n’indifférant jamais. Out of Context-For Pina de Alain Platel par les Ballets C de la B. du 22 au 26 juillet au Festival d’Avignon, les 19 et 20 novembre à la MC2 : Grenoble, les 30 novembre et 1er décembre à Bonlieu Scène nationale à Annecy. www.lesballetscdela.be

wim vandekeybus

Révélé en interprète chez Jan Fabre il y a plus de vingt ans, Wim Vandekeybus signe depuis, au sein de sa compagnie Ultima Vez, des créations d’une beauté dévorante. Une danse investie des ressors catastrophiques, violents et instinctifs de la vie, servie par les performances imprégnées d’adrénaline d’interprètes incandescents, dont on sent bien qu’ils sont ici poussés jusque dans leurs plus extrêmes retranchements. Dans nieuwZwart, les danseurs épousent une gestuelle féline pour progresser, sur la rythmique puissamment entêtante du belge Mauro Pawlowski, dans les dédales d’une harmonie du chaos. Ça crie, ça tremble, tombe ou exulte avec l’énergie du désespoir, consacrant en mouvements ahuris ou efficaces, la toute puissance de l’instinct de survie. Entre implosion et déchirement, la pièce tour à tour acide, tumultueuse et spasmodique explore la veine auto-exterminatrice de l’être, maintenu en vie malgré la volonté d’en finir avec une existence en souffrance. Une prodigieuse performance à l’image du génie de Wim Vandekeybus, qui déroute autant qu’il conquiert et griffe profondément, d’une patte chorégraphique aussi passionnée qu’acérée. www.ultimavez.com

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jan lawers

Artiste pluriel, avant-gardiste et glouton - à la fois plasticien, réalisateur, chorégraphe et metteur en scène- Jan Lawers a su imposer sur la scène internationale la fulgurance d’un théâtre concret et discret, structuré par le langage, la musique et un visuel puissant, s’inscrivant totalement dans le mouvement de renouveau radical qui a touché la Flandre au début des années 80. Au sein de sa Needcompany, il revendique un théâtre très contemporain qui privilégie pourtant une dramaturgie de la narration aux ressors quasi antiques. Avec La Chambre d’Isabella (2004), Le Bazar du homard (2006) et La maison des cerfs (2009), Lawers signe un triptyque impressionnant à la mémoire de son père décédé. Une oeuvre fleuve, récemment montrée dans son intégralité à la MC2: Grenoble (dont on félicite ici l’initiative) et dont chacune des parties, prise isolément, constitue une pièce majeure. Sad face, happy face est une véritable machine à défier l’espace, le temps et même la mort, dédiée à la condition humaine, car s’épanchant sur des douleurs bien réelles que la fiction transfigure et dépasse. Ainsi, dans La Chambre d’Isabella, on remonte en récit, gestes et comptines pop, le fil de la sombre vie d’une Isabella à laquelle la comédienne Viviane Muynck donne une réalité incandescente et joyeusement vivante. Aussi délicat qu’addictif, le thème musical qui rythme cette création géniale permet des échappées dansées qui agissent comme de véritables respirations, conférant caractère, tendresse et légèreté à cette épopée qui avait tout pour peser (mensonge, handicap, viol, suicide...). La Maison des cerfs de Jan Lauwers, en tournée du 22 au 24 avril au Merlan à Marseille, du 7 au 12 mai au Théâtre de la Ville www.needcompany.org 53


jan fabre

Homme de théâtre, performer, metteur en scène, chorégraphe, plasticien, sculpteur, cinéaste, écrivain... Jan Fabre a parcouru un spectre inouï de possibles. Un artiste né à Anvers en 1958, aussi complet que rare et bien difficile à cerner, tant il semble enclin à vouloir échapper à toute forme de catalogage. Créateur boulimique, cet anti-conformiste résolu et convaincu, a marqué de son empreinte la pratique contemporaine des arts plastiques et de la scène depuis plus de vingt ans, au prix d’une oeuvre picturale et scénique pléthorique. Dès ses premières créations, il a posé les jalons d’un théâtre des limites, sur le fil, à la fois novateur, cru, physique et violant (allant jusqu’à mettre en scène viols et sévices). La radicalité de son propos et l’extrémisme de sa démarche artistique s’expriment avant tout par rapport au corps, au sien comme à ceux de sa compagnie Troubleyn dont Fabre est constamment à l’écoute et en demande, mu par une étonnante capacité à brusquer les genres et les usages. Si bien qu’aujoud’hui Jan Fabre est pratiquement le seul artiste à être aussi reconnu artistiquement que commercialement dans toutes les disciplines qu’il appréhende. Il a notamment été consacré par son statut certes controversé d’artiste associé au festival d’Avignon en 2005, preuve que son style, provocateur s’il en est, n’a pas empêché l’adhésion audacieuse (car risquée) des plus hautes institutions. Ses oeuvres de plasticien sont actuellement à l’honneur sur Paris, puisqu’on les rencontre soit isolément et intégrées dans un ensemble – comme sa sculpture L’Oisillon de Dieu dans l’exposition C’est la vie! Vanités de Caravage à Damien Hirst présentée au musée Maillol soit réunies dans une exposition dédiée (Chapitres I-XVIII. Cires & bronzes) pour l’ouverture de la nouvelle galerie parisienne de Guy Pieters. Une boulimie créatrice géniale et protéiforme qu’il refuse catégoriquement d’assimiler à de l’éclectisme, n’ayant qu’un seul but, plus fort encore que la dénonciation, la quête de la beauté. Another Sleepy Delta Day de Jan Fabre, solo dansé de Ivana Jozic du 15 au 23 juin au Théâtre des Abbesses www.theatredelaville-paris.com Jan Fabre, Chapitres I-XVIII. Cires & bronzes, jusqu’au 2 mai, galerie Guy Pieters www.guypietersgallery.com www.troubleyn.be 54


SCÈNES | la danse contemporaine flamande

koen augustijnen

Devenu danseur puis chorégraphe, par hasard (ou par instinct), Koen Augustijnen s’est imposé avec brio sur la scène danse internationale en trois spectacles. Bercées d’échos baroques, ses créations révèlent dans une tension latente toute la beauté d’une vitalité instinctive en l’homme, se déployant dans des décors épurés, entre chaos et merveille.

Tu as commencé ta carrière comme interprète auprès d’Alain C’est alors que j’ai senti que le monde de la danse contemporaine Platel. Comment es-tu devenu chorégraphe ? m’ouvrait les bras. Et j’ai aimé l’idée que l’on puisse venir de koen augustijnen : Je crois que mon envie de devenir chorégraphe m’est venue avec mon envie de danser. J’ai beaucoup appris auprès d’Alain Platel qui m’a réellement stimulé pendant les huit années passées au sein des Ballets C. de la B. en tant qu’interprète. Cela m’a permis d’observer et d’apprendre. Et puis, Alain Platel ne voulait pas être l’unique chorégraphe d’une compagnie qu’il envisage davantage comme une plate-forme d’interprètes et de chorégraphes membres. Ca a été l’occasion de devenir chorégraphe à mon tour, tout en restant aux Ballets C. de la B.

Quel a été ton cheminement vers la danse, car apparemment, rien ne t’y prédisposait?

tous les horizons pour aller vers la danse contemporaine. C’était l’esprit punk ! Avec ce qu’on avait, parfois sans préparation et en improvisation, on pouvait y aller… Cela a été décuplé auprès d’Alain Platel qui réunissait des danseurs issues de formations complètement différentes !

Comment te vient l’inspiration pour créer ? : Lorsque je pense à une future création, c’est-à-dire environ une année avant qu’elle ne voit le jour, je commence toujours par me demander ce qui me concerne le plus dans l’instant. Vient ensuite la question de savoir si ce qui me préoccupe est assez consistant pour être partagé avec un public. Ashes interroge le temps qui passe et parle du deuil parce que j’ai commencé à percevoir le vieillissement de mon corps. La danse contemporaine a beau être libre et permettre aux interprètes d’exister en dépit de leurs limites corporelles, elle met néanmoins mon corps à l’épreuve et me révèle ses évolutions. Et puis, mon père est décédé quelques mois avant l’aboutissement de ce spectacle. C’était une perte inattendue et la création était déjà en cours. Je me dis que sans le savoir rationnellement, je devais avoir le pressentiment instinctif de cette perte à venir en choisissant un tel sujet. Quoiqu’il en soit, je pense que l’humain a des ressors insoupçonnés pour gérer la tristesse, la dépasser et continuer à vivre avec. C’est donc ce message là que j’ai voulu porter sur scène, un message positif sur la vitalité instinctive.

koen augustijnen

koen augustijnen : Cela fait vingt ans que je suis entré dans l’univers de la danse! Vingt ans, et pourtant, il me semble que je suis resté une sorte d’autodidacte. Je n’avais rien à voir avec la danse lorsque je suis tombé dedans. J’étais un jeune homme de dix-neuf ans qui étudiait l’histoire et aimait particulièrement le football. Et puis je me suis rendu par hasard à un spectacle de Wim Vandekeybus, et ce spectacle a agit sur moi comme une véritable révélation. Le choc esthétique a été d’une telle intensité que je me revois encore sortir survolté de la représentation. Je chantais dans la rue! Suite à ce déclic, j’ai pu bénéficier d’un stage de deux semaines dispensé par Wim Vandekeybus. Propos recueillis par Christine Sanchez

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LIFESTYLE | wonderwall

masamichi katayama

Another brick in the (wonder) wall

DESIGN. Plus connu sous le nom de Wonderwall, Masamichi Katayama compte parmi les retail architects les plus doués de sa génération. En une décennie, son approche unique et visionnaire du design d’intérieur a fait l’unanimité.

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Depuis sa création en 2000, Wonderwall est un des studios de design les plus demandés de la planète, signant quelques uns des plus beaux conceptstores du monde comme Colette à Paris ( où il a également signé le magasin Uniqlo), les flagships japonais de Marc Jacobs, Nike et A.P.C. ou l’intégralité des Bape Stores et Ice Cream & Billionaire Boys Clubs stores. Sa marque de fabrique ? Un mélange irréprochable d’originalité, de confort et de fonctionnalité. Visionnaire et iconoclaste, son créateur, Masamichi Katayama démontre une capacité hors-norme à sans cesse bousculer les certitudes pour imposer de nouveaux standards, tant sur le plan de la mise en lumière, que du mobilier toujours étonnant et des proportions ou matériaux utilisés. Recréant les fameux bars à glaces de la côte ouest des USA, le showroom Billionaire Boys Clubs à Hong Kong présente ainsi de manière décalée les accessoires et les collections de la marque dans des vitrines réfrigérées, dont s’échappent des effluves sucrées. En novembre dernier, Katayama inaugurait la nouvelle boutique Nike d’Harajuku, plus grand magasin de la marque à la virgule sur le territoire japonais. Un fantastique espace de trois étages, les clients s’attarder devant le lustre d’entrée composé de 500 tennis blanches, devant un revêtement mural qui imite des centaines de semelles de chaussures ou encore une sculpture de baskets au look de fossile géant… Editée par Groovisions, une publication en deux volumes présente plus de quarante projets récents les plus emblématiques du travail de Katayama. Une extraordinaire sélection d’intérieurs démentiels, luxueux et haut de gamme au Japon, en Grande-Bretagne, en France, aux États-Unis et à Hong Kong. www.wonder-wall.com Ouvrages : Wonderwall: Masamichi Katayama Projects N°1 & 2 (Frame) Uniqlo 17, rue du Scribe 75009 Paris www.uniqlo.com Colette 213, Rue Saint-Honoré 75001 Paris www.colette.fr/ 58


LIFESTYLE | wonderwall

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CINÉMA | logorama

hervé de crécy / ludovic houplain/ frédéric alaux

escape from logorama

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CINÉMA | logorama

ANIMATION. Six années de travail auront été nécessaires à la réalisation de ce petit bijou d’animation, récompensé par l’Oscar du meilleur courtmétrage. Rencontre avec Hervé de Crécy, un des trois réalisateurs / concepteurs de ce projet complètement dingue. Comment est né le projet Logorama ? herve de crécy : Logorama est un film atypique car il représente un investissement en temps et en argent considérable pour un court-métrage. Le processus de création a été extrêmement long car nous ne pouvions nous consacrer entièrement au film, car sur la durée, nous devions tout simplement gagner notre vie à côté - et en même temps réinjecter de l’argent dans le film. Pour résumer, il y a eu plusieurs étapes successives à travers lesquelles le film s’est vraiment construit : la recherche d’un producteur Autour de Minuit, et de partenaires (CNC, Arcadi, Mikros image, Scam, Addict, Little Minx, H5, Canal+, ndlr), la pré-production (casting de logos, recherches de références cinématographiques, story-boards, animatiques et production de l’animation chez Mikros), puis la production de la musique, du sound design et des dialogues (y compris l’enregistrement des voix) à Los Angeles.

Comment l’histoire s’est-elle écrite ? herve de crécy : C’était une idée assez ancienne, un concept dont nous avions beaucoup discuté ensemble. Une fois le concept d’un monde en logos lancé, il y avait mille et unes interprétations possibles. Nous avons recyclé l’histoire que nous avions créée à l’origine pour un projet de clip pour George Harrison. Juste après sa mort, son fils nous avait contacté pour que l’on propose un clip pour son album posthume. Nous avions alors inventé un monde en logos, en animation, dans lequel un George Harrison déambulait, un peu perdu. Tout d’un coup, une vague géante surgissant de la mer venait détruire ce monde de logos, laissant place à un retour à la nature, sous la forme de plantes luxuriantes reprenant possession du paysage. Bien sûr le projet est resté dans les limbes à l’époque, car personne ne voulait prendre le risque d’utiliser des logotypes de marques existantes. Lorsqu’il a été question de lancer Logorama, nous avons gardé la trame de l’histoire originelle: une société bien huilée, un monde calme et ordonné ravagé par une catastrophe naturelle de grande ampleur. Ce n’est plus un tsunami mais un tremblement de terre géant, le Big One que tous redoutent en Californie.

Quelles ont été vos sources d’inspiration ?

herve de crécy

Comment vous êtes-vous répartis les rôles ? : Lorsque nous avons signé Logorama, François Alaux, Ludovic Houplain et moi travaillions encore ensemble sous le nom H5. François et moi avons cessé de signer sous ce nom depuis. Il est difficile de définir avec exactitude quel a été le rôle de chacun sur Logorama car nous avons été tous les trois investis à chaque étape du processus. Chacun a été directeur artistique et chacun a écrit, réalisé, dessiné. Evidemment, chacun a été plus ou moins investi dans certaines parties. Ludovic et moi avons beaucoup travaillé l’écriture et le storyboard, tandis que François a énormément pris en charge la partie dialogues / musique /voix aux Etats-Unis et a principalement géré l’animatique 2D. J’ai aussi mis les mains dans l’animation pour certains personnages d’arrière-plans. Et nous avons tous travaillé sur le montage. La somme de travail était insondable. Il y en a donc eu pour tout le monde et à tous les niveaux. herve de crécy

Un des gros challenges était de mettre les logos en cohérence les uns avec les autres. Comment y êtes-vous parvenus ?

herve de crécy : D’abord en les mettant en : Extrêmement variées d’Andy Warhol à Ed Ruscha, en passant scène dans une histoire très vivante. Dès

par les films d’action à la Die Hard de McTiernan à ceux des frères Scott Le dernier Samaritain de Tony ou Black Hawk Down de Ridley - et les logos bien sûr, le film étant un hommage aux créateurs de ces icônes graphiques, comme le brillant Bibendum Michelin.

On connaissait votre implication dans la musique. Comment est né votre désir de cinéma ? herve de crécy : Nous avons commencé à faire des images animées il y a longtemps déjà. De graphistes, nous sommes devenus réalisateurs. Pour ma part, j’ai commencé à travailler sur le clip d’Alex Gopher en 1999, en tant qu’assistant d’Antoine-Bardou-Jacquet. C’était le premier film signé sous le nom de H5. Ensuite, j’ai réalisé avec Ludovic Houplain plusieurs autres films sous ce nom. Après un clip pour Playgroup et un autre pour Zebda, nous avons signé chez Black Dog Films à Londres, où nous avons tout de suite fait un clip pour Röyksopp Remind Me qui nous a valu le MTV Best Europe Music Award en 2002. Nous avons ensuite enchainé sur plusieurs clips pour des grands artistes comme Massive Attack ou Goldfrapp. Ce furent à chaque fois des expériences intenses, une charge de travail phénoménale, mais le vidéoclip est un formidable laboratoire créatif, un terrain d’essai dont les publicitaires se sont ensuite beaucoup inspirés. D’ailleurs pour presque chacun de ces clips, on nous a demandé une interprétation en publicité ! Mais si la publicité nous a permis d’apprendre à jouer avec des caméras et des acteurs, le format publicitaire est à la fois une contrainte positive et négative. Il faut être très efficace au niveau de la narration. Mais c’est aussi frustrant de ne pas pouvoir prendre le temps de raconter une histoire. C’est ce que nous avons pris plaisir à travailler avec Logorama.pas pouvoir prendre le temps de raconter une histoire. C’est ce que nous avons pris plaisir à travailler avec Logorama.

qu’il y a une action, on la suit sans trop se poser de question. On a donc cherché à faire un film relativement vif, avec un montage dynamique pour ne pas trop s’arrêter sur la composition de chaque plan. On a compilé des références pour l’animation des personnages et des caméras. C’était soit des extraits de vrais blockbusters hollywoodiens, soit des films que nous avions tournés nous-mêmes. Nous nous mettions en scènes, en jouant Mr Pringle ou Ronald McDonald, pour que les animateurs aient de vraies références de mouvement, correspondant précisément à nos scènes. La composition des plans était malgré tout capitale et chaque plan devait être pensé comme une illustration. C’est particulièrement difficile de faire coexister des logos avec des gammes colorées aussi franches et des rendus aussi différents. Chez Mikros, le travail de rendu a été long et fastidieux parce qu’il fallait que chaque logotype conserve son aspect imprimé tout en évoluant dans un univers en 3D. Des techniques particulières de gestion des contours ont d’ailleurs été développées – entre autres, car ils ont même développé des outils de simulation de trafic autoroutier pour toutes les scènes aériennes -! 61


CINÉMA | logorama

Comment s’est déroulé le casting des logos ? herve de crécy : On a d’abord travaillé le scénario sans se fonder sur un acteur existant, comme dans un film réel. On a donc dessiné un premier story-board avec des personnages classiques et non des logos. Une fois satisfaits de l’histoire, le casting a été relativement naturel. Le méchant psychopathe ? Un clown bien sûr, c’est un classique d’Hollywood. Le joker, les braqueurs de banque masqués… Les autres sont venus assez vite aussi. Haribo et Big Boy représentaient deux cultures très différentes. Haribo, très connu en Europe et peu aux Etats-Unis, et Big Boy l’inverse. Les Michelin étaient parfaits en flics, généralement en surpoids… Quand les personnages principaux ont été définis, on a eu besoin de personnages génériques, de figurants, plutôt uniformes et effacés, comme AOL ou Bic…

Le choix du lieu de l’action - Los Angeles – semble naturel au regard des films d’action, catastrophe ou d’anticipation produits par Hollywood auxquels le film fait référence. Avez-vous procédé à des repérages sur place par souci de réalisme ?

Y-a t-il eu des contraintes d’utilisation pour certains logos ? : On a fait fi de toute contrainte d’utilisation puisqu’on a demandé d’autorisation à personne. Si on commençait à demander à une marque, elle nous aurait assommé de contraintes qui, cumulées aux exigences des autres marques, auraient rendu Logorama aussi facile à piloter que la commission européenne! C’est l’essence même de Logorama d’utiliser des images de marques existantes. On voulait absolument que chaque logo existe et soit proche de l’original. En tant que graphistes, on sait ce que les chartes graphiques veulent dire et nous voulions absolument les respecter. Ça nous a même posé problème car on ne trouvait pas certains logos. Par exemple, un logo pour les éclairages d’autoroute. Impossible d’en créer un pour l’occasion, c’aurait été tricher. Ce n’est que tard dans la production que l’on a vu une signature visuelle de la marque Energizer, où les animateurs se permettaient de tordre la ligne de lumière du logo. On s’est permis de faire la même chose parce que la marque l’avait elle-même autorisé dans sa communication. On a malgré tout customisé et retravaillé certains logos, ou en tous cas interprété des parties que les logos ne montrent jamais. Comme le cul d’Haribo. herve de crécy

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herve de crécy : Nous avons passé pas mal de temps là-bas pour les dialogues, l’enregistrement des voix et la musique. Mais toute la mise en place des décors s’est faite en amont, et notamment avec l’aide de Quentin Brachet qui a réalisé des planches de décor sur illustrator. Nous nous sommes effectivement basés sur une cartographie réelle (il existe même une carte de Los Angeles où sont pointés tous les lieux que nous avons utilisés dans le film), et nous avons beaucoup utilisé des livres sur LA, comme Google Maps et street view pour travailler les proportions des décors.

Pourquoi avoir fait le choix de la rotoscopie et de la 3D ? herve de crécy : Nous voulions éviter un côté trop “cartoon“ pour l’animation du film. On voulait donner une vraie consistance à nos personnages, salir le côté propret et acidulé d’un visuel de marque plutôt gentil. On a donc utilisé beaucoup d’extraits de films pour servir de références aux animateurs, pour les caméras et les actions des personnages ou des véhicules. Ce n’était pas une rotoscopie à 100%, on s’est servi de bases existantes pour avoir des références d’animation. Mais on voulait laisser les animateurs libres d’interpréter ces sources, afin qu’ils puissent les adapter aux spécificités de nos personnages qui n’avaient pas forcément forme… humaine. Notamment les Pringles qui n’avaient que des têtes et des mains! Pour les scènes où nous n’avions pas de références tirées de films existants, nous nous sommes filmés nous-mêmes. L’expérience a été extrêmement efficace et amusante.


CINÉMA | logorama

Faut-il voir un discours politique derrière le film – comme une critique de la société de consommation - ou la volonté de se réapproprier les codes graphiques d’une société où tout est brandé, mais où la référence aux marques est fortement réglementées, voire proscrites ? herve de crécy : Nous ne voulons pas donner de message unique au film. Nous espérons qu’il y en a beaucoup, mais nous ne voulons pas pointer du doigt une interprétation ou une autre. Ce que nous avons voulu faire avant tout, c’est divertir et faire réfléchir. Divertir, car nous avons joué avec des icônes qui font partie de notre environnement visuel depuis notre plus tendre enfance. Ces logos sont une sorte de patrimoine universel, un lien commun avec des cultures lointaines. Avec Logorama, nous nous sommes réappropriés ce langage universel en le détournant. Faire réfléchir aussi. Un logo a généralement pour but de communiquer l’identité d’une marque particulière, avec pour objectif final de vendre les produits de cette marque. Le visage de cette marque doit être le plus séduisant possible. Par exemple, une marque qui vend du pétrole noir et gras affiche le visage d’une fleur de printemps, verte et jaune. Dans Logorama, on ne fait rien d’autre qu’utiliser ce même subterfuge, mais dans un sens inverse. Au lieu de donner un visage séduisant à un produit noir et gras, on donne un sens noir et gras à une image séduisante. Dans des sociétés qui se sont crues libérées du pouvoir de la religion ou des dictatures, on ne réalise pas forcément la réalité qui existe derrière des icônes souriantes. C’est l’une des facettes sous laquelle on peut voir Logorama. Mais on peut aussi le voir avec l’oeil d’un enfant, comme je viens de le découvrir sur un blog. Je cite «Ce court-métrage représente une course poursuite entre Michelin et le clown Mac Donald. Mac Donald finit par avoir un accident et atterrit dans un restaurant et prend en otage un petit enfant. Il vole une moto et il a un accident et une crevasse apparait en forme de X, de X-box et une voiture l’écrase, il tombe dans le trou de X-box. La fille Esso récupère l’enfant, ils sortent de la ville et le tremblement de terre coupe un morceau du continent. Les deux personnages s’en sortent sans séquelles sur l’ île» dixit Anthony Marivin. Dans tous les cas, ce que nous avons voulu faire avec Logorama, c’est exercer notre liberté d’expression et la confronter au droit des marques. Lutter contre l’auto-censure, qui est devenue un véritable mode de pensée dans beaucoup de domaines. Et plus particulièrement dans celui de la publicité, dans lequel nous travaillons toujours beaucoup ! Comment critiquer celui qui vous nourrit ? Avec Logorama !

Comment avez-vous vécu la nomination, puis la récompense aux Oscars ? Hervé De Crécy : De manière surréaliste. Comme le disait justement Nicolas Schmerkin, le producteur du film, une expérience pareille a peu à voir avec la réalité quotidienne comme changer les couches du bébé ou sortir les poubelles. // Propos recueillis par Hugo Gaspard

Logorama (FR, 2010) film d’animation de François Alaux, Ludovic Houplain et Hervé de Crécy. www.autourdeminuit.com 63


l’empire du sens  le cinéma   expérimental

CINEMA. Passant au crible près de 300 films, cette anthologie très richement illustrée met en exergue les relations parfois tumultueuses entre le cinéma et l’art contemporain.

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CINÉMA | le cinéma expérimental

«Un film doit avoir un début, un milieu et une fin… mais pas nécessairement dans cet ordre». Si la phrase, célèbre, de Jean-Luc Godard, pose le cadre du débat séculaire sur la place du cinéma et sa crédibilité comme forme d’art, l’existence même du cinéma expérimental est aujourd’hui remise en question, fragilisée par le diktat économique de l’industrie cinématographique. L’histoire du cinéma expérimental commence avec le précinéma et court jusqu’à aujourd’hui, constituant ainsi un pan entier du cinéma. Ce cinéma parallèle, ce deuxième cinéma, encore assez peu connu, était depuis sa scission d’avec le cinéma commercial et industriel, vers les années 30, presque totalement absent des histoires officielles du cinéma. Ce n’est paradoxalement qu’avec l’arrivée du numérique, dans les années 2000, que le cinéma expérimental ressort enfin de l’ombre, grâce, notamment aux nouvelles technologies d’affichage et de réalisation en direct qui permettent une collaboration étendue avec d’autres disciplines, comme la musique ou la danse. Faisant fi des normes, des formats et de toute contrainte stylistique, ce genre méconnu et mal aimé n’en demeure pas moins un terreau d’émotion fortes – et souvent exacerbées -et place l’auteur et non le studio, le discours plus que le scénario au coeur même de l’oeuvre. Entre arts plastiques et cinéma traditionnel, le cinéma expérimental s’épanouit en marge de l’industrie et du système commercial. Edité dans la collection dirigée par Paul Duncan, le livre de Paul Young consacre une approche minutieuse en 300 films des arcanes de cet art indéfinissable, des cinéastes connus (Godard, Von Trier, Buñuel et Lynch) aux grands maîtres du genre (Hans Richter, Man Ray ou Stan Brakhage), en passant par les stars de l’underground (Kenneth Anger, Matthew Barney, Bruce Conner, Michael Snow, Owen Land ou Paul McCarthy). Le cinéma expérimental de Paul Young (Taschen)

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CINÉMA | the brown bunny

the brown bunny

ceci n’est pas une pipe

DRAME. Loin du parfum de scandale qui entoura sa projection à Cannes en 2003, The Brown Bunny écrit, produit, réalisé et interprété par le génial et/ou insupportable Vincent Gallo est avant tout un émouvant road-movie hypnotique et contemplatif sur la perte de l’être cher et le traumatisme qui en découle.

Entre deux courses de motos, Bud Clay (Vincent Gallo), dossard 77, erre en solitaire sur les routes des Etats-Unis au volant de son van. En chemin, il séduit des inconnues, puis les abandonne, incapable de s’attacher et surtout d’oublier Dasy (Chloë Sevigny), l’unique amour de sa vie, dont l’image le hante. Servi par une excellente bande-son (Jeff Alexander, Jackson C. Franck, et surtout John Frusciante dont la plupart des morceaux écrits spécialement pour le film seront finalement coupés au montage malgré leur présence sur la B.O.F), Vincent Gallo s’applique à dépeindre le portrait désespéré d’un homme en sursis, rongé par la culpabilité et anéanti par la perte. Un film beau et dépressif, poignant et hypnotique, romantique et érotique, minimal mais terriblement puissant, avec un Gallo omniprésent devant (quasiment dans tous les plans, et une présence sauvage et magnétique) et derrière (réalisateur, scénariste, producteur). Plutôt que d’appuyer son récit par une série de flash-back explicatifs, Gallo opte pour une construction complètement elliptique, sous les oripeaux d’un roadmovie classique, construisant son personnage non sur les rencontres qu’il fait mais sur les paysages qui l’entourent, toujours plus arides et désertiques. Jusqu’au climax final et la fameuse scène de fellation (simulée ou pas, telle fut la polémique cannoise) qui donne enfin les clés de la détresse et de la noirceur de cette fuite sur les traces du fantôme d’un amour perdu. The brown bunny (EU, 2003, 90 min) de et avec Vincent Gallo, Chloé Sévigny... (éditions Potemkine)

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CINÉMA | dvd

henri cartier-bresson

Fondation HCB - Coffret Collector’s Edition. // Henri CartierBresson n’est pas “seulement“ le photographe mythique que l’on sait, pionnier du photo- journalisme avec Walker Evans, Brassaï ou Kertész et fondateur avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, de la célèbre agence coopérative Magnum Photos en 1947. En une poignée de documentaires réalisés entre les années 30 et 70, HCB atteste d’une affection particulière pour le cinéma, médium qu’il conçoit comme «une alternative à la photographie dans la manière de voir le monde et d’en saisir le mouvement». Un coffret hommage réalisé sous l’égide de sa fondation et agrémenté d’une série de documents sélectionnés par Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque. // HG

the day before

de Loïc Prigent / ARTE Video. // Après Signé Chanel et Marc Jacobs & Louis Vuitton, Loïc Prigent, ancien journaliste de Libération et collaborateur régulier de Mademoiselle Agnès dans l’émission Habillée pour... sur Canal+ continue d’explorer son sujet favori, les coulisses de la mode, en s’immisçant, 36 heures avant leur défilé dans le quotidien de quatre prestigieuses maisons de haute-couture. Électricité dans l’air chez les Rykiel, poussée de stress chez Proenza Schouler, crise d’angoisse chez Jean-Paul Gaultier et ambiance détendue chez Lagerfeld... Au fil des différents épisodes de son documentaire, le journaliste qui ne se prend lui-même jamais vraiment au sérieux, nous montre avec beaucoup de tendresse et de respect pour les créateurs que le Jour J se prépare et se vit différemment, en fonction du tempérament et de la personnalité du styliste, malgré une même issue invariablement fatale : le défilé de la collection qui sanctionne des semaines de travail et de stress intense, ne procure chez chacun, au mieux, qu’un petit quart d’heure de bonheur. // HG

adventure land

de Greg Mottola / Miramax - Buena Vista // S’éloignant délibérément du ton potache de Supergrave, son précédent métrage sous la tutelle du nouveau parrain de la comédie U.S. Judd Appatow, Greg Mottola signe en lieu et place une petite perle de “coming of age movie“ (film d’entrée dans l’âge adulte) qui devrait s’inscrire durablement dans les rétines. Largement tiré de son expérience personnelle (le film se déroule en 1987), Adventureland accompagne l’immersion temporaire de James, jeune adolescent intello et lunaire, parmi les employés d’un parc d’attraction provincial miteux. Drogues douces, premiers émois amoureux, relations dysfonctionnelles… Un récit initiatique doux-amer et tout en retenue, porté par un casting et une bande-son d’époque absolument impeccables. Recommandé ! // DG

mind game

de Masaaki Yuasa / Potemkine - Agnès B. // En marge du circuit de l’animation japonaise “classique“, le studio 4°C a construit sa réputation sur la production d’œuvres denses, personnelles et novatrices, tant graphiquement que scénaristiquement. Réalisé en 2004, mais inédit en France jusqu’à présent, Mind Game, adapté du manga éponyme de Robin Nishi, confirme effectivement la réputation haut de gamme du studio. Amoureux transi de la belle Myon, le jeune mangaka Nishi récolte une balle dans la tête en tentant de la sauver des griffes d’un duo de yakuzas. Miraculeusement revenu à la vie, il entraîne cette dernière dans une course-poursuite effrénée qui aboutit rapidement… dans le ventre d’une baleine ! Audacieuse odyssée expérimentale et psychédélique, Mind Game séduit par son univers à la fois intimiste, onirique et spectaculaire, loin, très loin, des conventions en cours. À découvrir ! // DG

sons of anarchy

Saison 1 / Fox Pathé Europa // Axée autour des dissensions internes d’un gang de bikers californiens versé dans le trafic d’armes, Sons of Anarchy peut se voir comme une déclinaison non-officielle de la phénoménale série The Shield de Shawn Ryan. Producteur et scénariste sur cette dernière, Kurt Sutter en réutilise effectivement les principales recettes pour sa nouvelle création : Sexe, violence, action et adrénaline, conflit d’individus au sein d’un groupe soudé sujet à de lourdes pressions (gangs rivaux, FBI…), mais également description quasi-documentaire d’un milieu méconnu. Au-delà d’une interprétation haut de gamme et d’un rythme scénaristique échevelé, Sons Of Anarchy séduit avant tout par sa restitution fidèle des codes d’honneur en vigueur au sein des gangs de bikers. « Ride free or die » pour reprendre le slogan ! // DG

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MUSIQUE | focus

gil scott heron

la nuit lui appartient

MUSIQUE. Après plus de treize ans d’absence discographique et de déboires en tout genres, l’une des plus grandes voix de la musique afroaméricaine retourne derrière le micro pour un exorcisme musical aussi intense que flamboyant.

Ce n’est pas sans une certaine appréhension qu’on a appris le retour en studio de Gil Scott-Heron. Pionnier du spoken word, à la fois poète, musicien, romancier et commentateur sociopolitique acéré, l’auteur de classiques jazz-funk comme The Revolution Will Not Be Televised, Lady Day and John Coltrane ou The Bottle a en effet laissé une telle empreinte sur la musique noire des années 70 qu’on imaginait difficilement ce qu’un album de plus pourrait apporter à la légende. A tort. Né à Chicago en 1949 d’une mère bibliothécaire et d’un père footballeur jamaïcain, Gil Scott-Heron est élevé par sa grand-mère à Lincoln, Tennessee en plein cœur du Sud ségrégationniste après le divorce de ses parents, avant de s’installer dans le Bronx à la fin des années 60. Il y découvre une culture urbaine en pleine effervescence, mais également les ravages provoqués par la misère, la violence et la drogue dans les ghettos new-yorkais. Autant de thèmes qui vont l’inspirer dans l’écriture de son premier roman, Le Vautour, écrit à 19 ans alors qu’il étudie encore à l’université. C’est en 1970, suite à sa rencontre avec le pianiste Brian Jackson et le producteur Bob Thiele, qu’il sort son premier album, Small Talk at 125th & Lennox, recueil semi-expérimental de poésie scandée dont émerge un morceau particulièrement vindicatif, The Revolution Will Not Be Televised, symptomatique du malaise de la communauté noire à l’époque. Vont suivre alors dans les années suivantes une succession d’albums irréprochables (Pieces of a Man, Free Will, Winter in America, From South Africa to South Carolina…) où, évoluant progressivement de son spoken word originel vers des influences plus jazz-funk, ScottHeron se livre à une série de diatribes inspirées contre la politique américaine, qui vont rapidement l’imposer en figure emblématique de la communauté afro-américaine. Rebelle réfléchi, musicien, poète et écrivain accompli, précurseur du rap, et porte-parole des déshérités du rêve américain, Gil Scott-Heron assume néanmoins avec difficulté ce statut d’icône culturelle, Et se fait progressivement plus rare dans les décennies suivantes, jusqu’à littéralement sombrer à l’orée des années 2000. La mort de sa mère, conciliée à une consommation croissante de crack et de cocaïne lui font enchaîner les allers-retours en prison pendant près d’une décennie, et hormis quelques apparitions sporadiques (comme sur l’album Blazing Arrow de Blackalicious) et la sortie d’un nouveau roman (Last Holiday), l’artiste disparaît quasitotalement de l’actualité médiatique. Back in black // Contre toute attente, 2010 sonne portant le retour en grâce de l’icône déchue. Début janvier, commence à circuler sur la toile un superbe clip en noir et blanc, Me and The Devil qui fait d’emblée forte impression. Réalisé par le duo Coodie & Chike et le talentueux photographe Michael Sterling Eaton, la vidéo accompagne, dans une ambiance cinématographique à mi-chemin des filmographies de Georges Romero et Larry Clark, une bande de jeunes skaters noirs peints en squelettes, pour une odyssée lugubre dans les rues d’un New York décrépit peuplé de personnages inquiétants, mi-homeless, mi-créatures fantastiques. Sur la bande-son, Gil Scott-Heron reprend d’une voix déchirée et rageuse un vieux blues de 1937 de Robert Johnson, sur un fond sonore downtempo électronique et urbain composé par le producteur Richard Russell. D’emblée, le ton est donné : la révolte est toujours présente, mais le décor a (radicalement) changé.

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Ce que viendra confirmer quelques semaines plus tard la sortie d’I’m New Here, nouvel album dense et concis (30 minutes à peine), mais d’une intensité et d’une urgence comme on n’en avait pas entendu depuis des années. Pas de déchets ici, pas de place pour le compromis, la nostalgie ou le superflu. Chaque morceau compte, et s’imbrique à la perfection parmi les autres, de l’intro et l’outro bâties sur un sample du Flashing Lights de Kanye West, aux perles incontournables que constituent Where did The Night Go, Running, ou New York Is Killing Me. Tournant le dos aux compositions jazz-funk du passé, Scott-Heron privilégie un écrin sonore minimaliste teinté d’influences électro, blues et gospel, pour mieux revenir à ses premiers amours spoken word, qu’il déclame désormais d’une voix rauque, puissante et éraillée. Plus intimiste, plus sombre, moins exalté, mais toujours aussi prophétique, I’m New Here est l’album d’un revenant d’outre-tombe, qui n’a visiblement pas trouvé sa place en enfer. Et c’est tant mieux. // dg

I’m new here (XL Recordings) www.gilscottheron.net


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pink dollaz / maluca / rye-rye

new girls on the block

MUSIQUE. Issues des quartiers populaires de New York, Baltimore, et Los Angeles, Maluca, Rye Rye et les Pink Dollaz sont les nouvelles tigresses de la club culture américaine. Adulées par les médias comme le public, ces jeunes et talentueuses héritières de M.I.A. subjuguent les dancefloors de leur flow cosmopolite. Revue de détail.

Née dans le Bronx, et élevée à Manhattan par des parents venus de République Dominicaine, Maluca est la nouvelle égérie de Mad Decent, le fameux label du DJ/producteur Diplo. Imprégnée depuis sa plus tendre enfance d’influences musicales diverses au possible (de Nina Simone à ESG, en passant par Gil Scott Heron et le Wu-Tang Clan), cette tête brûlée à la forte personnalité écume dès l’adolescence les différents clubs underground de la Grosse Pomme, afin d’élaborer son propre cocktail musical, un savant mélange de merengue, salsa, cumbia, house, disco, hip-hop et freestyle. Véritable bête de scène au charisme ravageur, Maluca est rapidement repérée par le précité Diplo qui produit son premier single, El Tigeraso, variante électronique du mambo violento de République Dominicaine qu’elle embrase d’un flow sensuel et moqueur. Déjà remixée par des pointures comme Feadz, Gant-Man et Sticky K, elle collabore également depuis peu avec le duo tropical de Los Angeles Nguzunguzu sur la production de son premier album dont la sortie est prévue courant 2010. The baby shot me down // Âgée de 19 ans à peine, la sémillante Rye Rye est un pur produit de la culture ghetto des “projects“ de Chapel Hill, Baltimore. Élevée aux rythmiques frénétiques et aux basses bondissantes de la club music locale, elle passe une bonne partie de sa préadolescence à danser et rapper devant les platines des héros du genre, DJs Technics et K-Swift. C’est pourtant aux côtés d’un autre producteur local, le surdoué Blaqstarr qu’elle va balancer ses premières rimes. En 2006, âgée d’à peine 16 ans, elle enregistre avec lui le tube Shake It To The Ground, qui connaît un succès exceptionnel. Diffusé dans tous les Etats-Unis mais aussi en Europe et au Japon, ce morceau apporte un éclairage international à un style musical encore confidentiel, et fait littéralement décoller la carrière à peine entamée de Rye Rye. Prise sous son aile par M.I.A. qui fait d’elle la première signature de son nouveau label N.E.E.T, la jeune MC accompagne la star sur plusieurs dates de sa tournée américaine, et collabore avec la dream team de l’électro actuelle (Diplo, The Count and Sinden, Cobra Krames…) sur différents EPs. En attendant la sortie imminente de son premier album Go! Pop! Bang!, elle a sorti l’été dernier un premier single en son nom propre, l’explosif Bang !, produit par le toujours aussi inspiré Blaqstarr. À ce stade, dire que l’avenir lui appartient relève de l’euphémisme… Pink paradise // Depuis un an à peine, les quartiers de Los Angeles vibrent aux sonorités synthétiques et ultra-minimalistes du Jerkin’, un nouveau courant musical local dérivé du hip-hop, caractérisé par des infrabasses surpuissantes et des rythmiques réduites à l’essentiel. Fers de lance de ce mouvement en pleine expansion, les Pink Dollaz, originaires du quartier d’Inglewood, sont un groupe de cinq filles encore mineures, mais dont la salacité des lyrics n’a rien à envier aux plus hardcore des gangsta-rappeurs. En l’espace de trois tubes (Don’t Need No, I’m Tasty, et Never Hungry, tous produits par le jeune prodige de 17 ans JHawk), Nilla, Reese, C.C., Mocha, et Cammy B. ont imposé leur frime insolente et leurs propos classés X auprès de la majorité des adolescents de la Cité des Anges, qui guettent chacune de leurs apparitions comme le messie. Accueillies avec enthousiasme par les médias les plus en vue du pays, et fortes de plusieurs millions de fans sur Myspace, les Pink Dollaz ne sont encore signées sur aucun label, mais il y a fort à parier que cela ne saurait durer. // damien grimbert

maluca el tigeraso (Mad Decent) // www.myspace.com/malucamala rye-rye bang (N.E.E.T) // www.myspace.com/tharealryerye pink dollaz www.myspace.com/wh0sbad 70


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kid sister /ultraviolet/

Downtown. // Découverte en 2007 par le biais de Control et Pro-Nails, deux EPs euphorisants au possible sur le label Fool’s Gold, la jeune MC de Chicago Kid Sister délivre enfin son premier album, dont la sortie était initialement prévue il y a près d’un an ! Et le résultat s’annonce largement à la hauteur, à l’écoute de ces 12 titres à la production ultra-léchée, sur lesquels le flow bubble-gum de la rappeuse fait fureur. Pétri d’influences house, hip-hop, synth-pop, électro, freestyle et bass music, Ultraviolet impressionne par sa diversité et son intensité constante. Il faut dire aussi que la galerie de producteurs convoqués pour l’occasion fait figure de dream team : A-Trak, Rusko, Steve Angello & Sebastian Ingrosso, Sinden, XXXChange, Herve, Yuksek, DJ Gant-Man… Et Kanye West en featuring. Excusez du peu ! // dg

koudlam /goodbye/

Pan European Recording - Import. // On ne remerciera jamais assez des labels comme Pan European Recording de nous offrir des surprises aussi rafraîchissantes et inclassables que ce premier album de Koudlam. Electro, pop, rock ? Psyché, cold-wave, exotica ? Les étiquettes en vigueur semblent bien désuètes pour définir l’univers musical de cet allumé mi-crooner, mi-chaman, qui semble entretenir un malin plaisir à rester aussi énigmatique que possible. Une chose est sûre, il se dégage de cet inaugural Goodbye une sensibilité mélodique et une puissance d’évocation qu’on serait bien en peine de retrouver ailleurs. De l’hymne mélancolique See You All (qu’on avait déjà pu découvrir sur la bande-son d’Un Prophète, de Jacques Audiard) à l’époustouflante reprise du tube de P.I.L. This Is Not A Love Song, l’album enchaîne les temps forts sans jamais décevoir. Vivement la suite. // dg

monolake /silence/

Imbalance Computer Music – Import . // Duo berlinois formé en 1995 par Gerhard Behles et Robert Henke, désormais seul aux manettes, Monolake s’est fait le chantre d’une techno abstrackt, minimale et expérimentale, emblématique des scènes Ambient et IDM, et du son du label allemand Chain Reaction. Une oeuvre intuitive, abrupte et exigeante, à l’architecture complexe plus que jamais inspirée par le dub et les musiques concrètes, entre basses vrombissantes et boucles entêtantes, captures environnementales et sonorités industrielles. Un voyage hypnotique et obsédant, loin des sentiers (re) battus de la musique électronique. // hg

v.a. /five years of low contagion/

Hyperdub. // En dépit du beau succès d’estime remporté par le splendide Untrue de Burial il y a bientôt deux ans, le dubstep reste un style musical encore méconnu du grand public. Dernier-né d’une riche lignée de musiques bâties aux confluences des cultures rave et sound-system (UK hardcore, dub, jungle, drum’n’bass, grime, 2 step…), ce courant, apparu à Londres au début des années 2000 et développé dans l’underground le plus total, commence néanmoins à sortir la tête de l’eau. Preuve en est cette superbe double compilation de l’excellent label Hyperdub, fer de lance de la tendance la plus “cérébrale“ du mouvement. De Kode9 à Burial en passant par Darkstar, Zomby, Martyn, Mala, Ikonika et Joker, toutes les pointures du label ont répondu à l’appel, sans oublier quelques pièces rapportées de premier choix (Flying Lotus…). Recommandé ! // dg

thomas hamman & gerd janson /live at robert johnson 4/

Kompact - Module. // Un mystérieux club électronique portant le nom d’un bluesman qui aurait vendu son âme au diable, situé dans une banlieue de Francfort appelée Offenbach… Le Robert Johnson a vraiment tout pour devenir un lieu culte. Moins connus de ce côté-ci du Rhin que leurs coreligionnaires (Chloé, Smagghe ou Prins Thomas), Thomas Hamman & Gerd Janson, duo résident des soirées Liquid, bouclent avec brio cette exceptionnelle tétralogie destinée à entretenir le mythe qui entoure cette salle bouillonnante, signant un mix house parfait, tour à tour puissant, mélodique, éthéré et cérébral. // hg

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MUSIQUE | chroniques

yeasayer /odd blood/

Secretly Canadian - Import. // Déjà passablement remarqué à la sortie de son premier album All Hour Cymbals en 2007, le trio de Brooklyn Yeasayer semble suivre une direction similaire à celle de ses comparses Ratatat et Gang Gang Dance. On s’explique : Partis comme ces derniers d’un background psyché-rock assez expérimental, les Yeasayer s’adonnent désormais à une pop électronisante teintée d’influences dance et ethniques, sans renier pour autant leur quête d’évasion précédemment entamée. Un peu comme s’ils avaient renoncé à choisir entre leur éthique indie et leur fascination pour Timbaland, pour mieux concevoir la pop song psychédélique parfaite. Volontiers onirique, voire carrément mystique, ce Odd Blood sonne au final comme un rollercoaster émotionnel ouvert aux influences du monde entier, ponctué par une série de tubes absolument imparables (Ambling Alp, One, Love Me Girl…) // dg

the slew /100%/

Ninja Tune. // Si le label londonien Ninja Tune peut de temps à autre sembler ronronner un peu, force est de reconnaître qu’il continue de sortir année après année un certain nombre de pépites imparables. Dernière en date, cet excellent album de The Slew, projet collectif orchestré par Eric San alias Kid Koala, et Dylan J Frombach (Dynomite D). Initialement destinés à servir de bande-son à un documentaire qui ne verra finalement jamais le jour, les 10 morceaux qui composent ce 100% de haute volée constituent autant de classiques instantanés. Imaginez un groupe de rock psychédélique tout droit venu des 70’s, remixé par un turntablist au meilleur de sa forme enchaînant les scratches furibards, et vous aurez une idée approximative du niveau de tuerie sonore atteint par ce projet sauvage et non formaté. 100% rock’n’roll ! // dg

antipop consortium /fluorescent black/

Big Dada - PIAS. // En cinq années d’une existence aussi chaotique que fulgurante et deux albums mythiques ancrés dans l’imaginaire collectif des fans de Hip Hop comme autant de révolutions sonores, Antipop Consortium a pris d’assaut la scène new-yorkaise expérimentale, écrasant littéralement la concurrence pour imposer un style inclassable, digital et mutant. Après s’être mis volontairement en stand-by en 2002, tant pour refuser tout esprit de chapelle que pour ne pas taire leurs envies d’ailleurs, Priest, M. Sayyid et Beans, les trois MC du groupe, orchestrent aujourd’hui leur retour avec le monstrueux Fluorescent Black. Un retour en grâce entre intégrité et exigence, porté par une énergie et une capacité hors-normes à éviter les ornières et s’inscrire toujours sans la moindre concession, loin des scories d’un genre qu’ils n’ont de cesse de dynamiter. // hg

hope sandoval & the warm inventions /through the devil softly/ Nettwerk - PIAS. // Au siècle

dernier, Hope Sandoval fut la voix du Asleep from day des Chemical Brothers avant de devenir l’âme de Mazzy Star, combo folk psyché mystérieux qui bouleversa nos certitudes et nos émotions, le temps de trois albums irréels et magiques. Lorsque son chemin croise celui de Colm O Cíosóig, batteur de My Bloody Valentine, c’est à la rencontre du yin et du yang (jusqu’au titre de ce deuxième album,Through the Devil Softly) que l’on assiste, perpétuant, huit ans après leur premier opus, leur quête intemporelle d’une musique spectrale, éthérée et insoumise à toute forme de diktat. // hg

gorillaz /plastic beach/

Capitol - EMI. // Né de l’imagination des trublions Damon Albarn et Jamie Hewlett, Gorillaz invente depuis plus de dix ans une pop mutante tout sauf virtuelle, affranchie de toute contrainte mais humble, kaléidoscopique mais jamais foutraque. Moins tape-à l’oeil et plus abouti que le précédent Demon days, Plastic Beach multiplie sans vergogne et avec brio, les climats et les genres, porté par un casting de choix (ici volontairement old-school ) entre pionniers de la scène Hip-Hop (autour de Bobby Womack et des habitués De la Soul, Mos Def ou un Snoop Dog rarement aussi en verve) et vétérans du rock, sur le mode auto-dérision (Lou Reed) ou cure de jouvence (les ex-Clash, Mick Jones et Paul Simonson, comparse d’Albarn au sein de The Good, the Bad & the Queen). // hg

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MUSIQUE | chroniques

whitefield brothers /in the raw/

Now Again - Stone Throw Records. // Entre New York, Berlin et Munich, dont ils sont originaires, les deux frères Whitefield, membres fondateurs des Poets Of Rhythm, décrivent un univers soul-funk instrumental et incandescent. Servi par une rythmique puissante et audacieuse (les décidément incontournables Dap-kings), leur raw soul bigarrée se gorge d’emprunts musicaux venus du monde entier (sonorités intrigantes de cordes africaines, percussions afro-beat et hip hop ravageur…) pour accéder à une forme d’universalité jubilatoire, entre world music décomplexée et jazz groovy. // hg

v.a. /daptone gold/

Daptone Records - Differ-Ant. // Tandis que d’autres francs-tireurs (Desco, Soul Fire…) ont disparu, Daptone poursuit – à l’ancienne et depuis Brooklyn – son remarquable travail d’exégèse. Pour preuve, cette lumineuse compilation mettant à l’honneur les piliers du label entre raretés vintage, pépites funk et soul précieuse. Si sa meilleure Amy a récemment tenté de lui piquer ses side men, les irréprochables Dapkings – costards rétro, groove de la mort et son vintage – avant de finir en Rehab, Madame Sharon Jones prouve qu’elle est bel et bien définitivement dans la place : cinquante berges de gospel au compteur et trente à attendre son heure, des cordes vocales chaleureuses et pleines d’aspérités, du dynamisme à revendre, et un coeur… que l’on imagine comme le reste ! // hg

doom /unexpected guests/

Gold Dust. // Faut-il encore présenter MF Doom ? La question se pose tant cet incroyable rappeur masqué new-yorkais, en activité depuis le début des années 1990, a marqué de sa personnalité hors-norme la scène hip-hop underground dans son ensemble. Auteur sous différents pseudos d’innombrables classiques du rap indie, aussi réputé pour les délires enfumés issus de son imagination fertile, que pour sa capacité à créer des beats merveilleux en samplant des perles 70’s inconnues, Doom, donc, est de retour. Avec une compilation composée exclusivement de remixes, featurings, inédits et raretés diverses, qui devrait combler bien plus que les fans : productions vintage fabuleuses, rap de haut niveau, et des featurings assurés par De La Soul, Talib Kweli, J Dilla, Ghostface, GZA, Masta Killa et Vast Air…Que demander de plus ? // dg

ben sharpa /b. sharpa/

Jarring Effects. // Flamboyant rappeur sudafricain originaire de Johannesburg, Ben Sharpa livre avec ce B. Sharpa son premier album distribué en France, après la sortie d’un maxi inaugural au printemps dernier. Mais ceux qui s’attendent à un flow approximatif et des instrus un peu miteuses sur fond de djembe en seront pour le frais, car Ben Sharpa ne fait pas dans le folklore. Fier représentant de l’Afrique du Sud de 2009, il délivre au contraire une succession de raps fluides sur fond d’instrus électroniques futuristes, empreintes d’influences grime, dancehall et électro. Vindicatif et enflammé, mais jamais moralisateur, Ben Sharpa préfère le constat et l’humour à froid à l’enfonçage de portes ouvertes, et surprend par sa capacité à slalomer sur un tapis de beats acérés qui rappellent parfois ceux du catalogue Def Jux. On a connu pire référence ! // dg

douster /triassic/

ZZK Records. // Jeune prodige lyonnais de 23 ans expatrié un temps à Buenos Aires, Douster est l’un des plus fervents activistes de la scène “tropicale“, un courant électronique minimaliste et percussif, teinté d’influences caribéennes, africaines et sud-américaines. Après plusieurs mixes incandescents fusionnant dancehall, électro-house, cumbia, et reggaeton, et quelques singles pour des labels spécialisés comme Sound Pellegrino ou Man Recordings, ce très attendu nouvel EP sur le label Argentin ZZK Records confirme amplement toutes les attentes placées en lui. À la fois surefficace, dépouillée, légère et mélodique, cette odyssée sonore aux ambiances “préhistoriques“ s’avère d’une fraîcheur absolument imparable. À ne pas manquer non plus, le fabuleux clip en stop motion (www.vimeo.com/7097998) réalisé pour l’occasion ! // dg

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MUSIQUE | dvd

opéraRock d’enfer phantom of the paradise

CINEMA. Sous des dehors grand guignols et fourretout, Phantom of the Paradise est un petit chef d’oeuvre baroque qui consacra Brian de Palma comme un des grands réalisateurs du vingtième siècle.

Relecture mash-up de tout un pan de la littérature fantastique romantique (Le fantôme de l’Opéra, Faust et Le Portrait de Dorian Gray ) à la sauce seventies, Phantom of the Paradise ressemble dans sa construction comme ses intentions, à une oeuvre de Bertold Brecht. Loin de court-circuiter l’histoire, la musique et le spectacle apportent un commentaire ironique à l’action et attisent la tension dramatique à l’écran, plutôt que de la freiner ou de marquer des pauses. Cet opéra-rock très cynique offre surtout la possibilité à De Palma de mettre en scène toutes ses obsesssions de cinéaste, tant sur le plan technique (split screens, caméra subjective) que scénaristique (le rise and fall, puis la rédemption du personnage principal) pour signer une critique de la société de consommation et du milieu artistique. Car trouver un studio fut un tel calvaire pour De Palma qu’il décida de prendre le problème à l’envers : signer une compagnie de disques intéressée par le projet puis chercher un studio. Chez A&M records, De Palma fut mis en contact avec Paul Williams et tenait du même coup son Swan et son compositeur, même s’il avoua plus tard qu’il aurait préféré les Rolling Stones ou les Who ! Pour le reste du casting, il pensa directement à William Finley, qu’il connaissait de longue date, et offrira à Jessica Harper, son premier (et quasi unique) rôle... // hugo gaspard Phantom of the Paradise (EU, 1974) de Brian de Palma, avec William Finley, Paul Williams, Jessica Harper, Gerritt Graham...

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MUSIQUE | dvd

all tomorrow’s party v/a sous la direction de Jonathan Caouette et Vincent Moon (Warp Films)

soul power de Jeffrey Levy-Hinte (Ocean Films)

Véritable objet filmique non identifié célébrant l’esprit DIY à la manière du Awesome I shot that des Beastie Boys, All Tommorrow’s Party compile des centaines de vidéos de fans, réalisées lors des dernières éditions du mythique festival anglais. Aux manettes de ce documentaire kaléidoscopique artisanal, on n’est pas étonné de retrouver le fantasque Jonathan Caouette, acteur, réalisateur, producteur, scénariste et réalisateur de Tarnation, un journal intime introspectif dans la lignée des films expérimentaux de Warhol, composé de vieux Super-8 réalisés sur une période de 10 ans. Monteur inspiré, il réussit l’exploit de saisir par le prisme des fans, la quintessence même de ce type de rassemblement monstre : Pour le festivalier, ce qui se passe sur scène (Sonic Youth, Animal Collective, Grinderman, Iggy and the Stooges, The Yeah Yeah Yeahs, The Gossip ou Daniel Johnston) est aussi important que ce qui se passe en dehors (le parcours du combattant pour trouver une bière ou une place de camping). // hg

Kinshasa, Zaïre, 1974. En prélude au fameux “combat du siècle“ entre Mohamed Ali et George Foreman, une poignée d’organisateurs aventureux décide d’organiser un gigantesque festival réunissant les plus grands noms de la soul, du rythm’n’blues, et de la musique africaine : James Brown, Bill Withers, B.B. King, The Spinners, Mariam Makeba, Celia Cruz... Réalisé uniquement à partir de rushes non utilisés du documentaire When We Were Kings de Leon Gast (consacré à l’affrontement entre Ali et Foreman), Soul Power retrace l’organisation et le déroulement de ce festival hautement symbolique pour la communauté noire (mouvement des droits civiques, décolonisation de l’Afrique…). Un documentaire musical exceptionnel, ponctué de performances lives à couper le souffle ! // dg

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LIVRES | focus

american splendor

et le comic underground devint media

BANDE DESSINÉE. Bonne nouvelle, les éditions çà et là nous offrent une anthologie de la mythique série BD des années 70, American

Splendor. Un récit autobiographique de l’Américain Harvey Pekar, magistralement illustré par la scène indépendante de l’époque.

Au début des années 60, Harvey Pekar est un homme d’une vingtaine d’années. Autodidacte, une certaine lassitude sur le visage et des intérêts comme la musique et la lecture, il est l’incarnation d’une jeunesse américaine alors en rupture avec son temps. Tout comme ses concitoyens, il assiste à la naissance et au développement de l’esprit underground, notamment par le biais de la bande dessinée indépendante. Une dizaine d’années plus tard, alors campé dans un poste d’archiviste au sein d’un hôpital de Cleveland, il rencontre un jour le dessinateur et illustrateur Robert Crumb autour d’une passion commune : le jazz. Les deux hommes deviennent amis et, un jour qu’ils discutent du travail de Crumb, Pekar en vient à la conclusion que «Les comics peuvent parler de tout ce que les films parlent». Il faudra encore une décennie pour que ce simple constat se transforme en vecteur de projet : Pekar va écrire son histoire au travers d’événements marquants ou non de sa vie. Ne sachant pas dessiner, l’archiviste esquisse quelques idées à l’aide de bonshommes-bâtons qu’il montre à Crumb ainsi qu’à un autre magicien du crayon, Robert Armstrong. Impressionnés, les deux hommes se proposent immédiatement d’illustrer les scénarios. Sort alors un premier ouvrage, Crazy Ed, qui évoque la vie au sein du quartier de Cleveland dont Pekar est natif. Suivra en 1976 le premier volume d’American Splendor, présenté comme une série et à laquelle participe la crème de l’illustration indépendante américaine. Chroniques d’une époque // Plus qu’une autobiographie, American Splendor sort du schéma classique et révolutionne le genre en décrivant le quotidien ordinaire de la classe moyenne américaine. Pas de super-héros ni de morale convenue, Harvey Pekar brosse ici le tableau des mœurs et problématiques de son époque. A l’aide d’un alter-égo qu’il présente comme un anti-héros quelque peu colérique et maniaco-dépressif, il parle du système, de sexe, de ghetto blanc et de démerde. Mais aussi d’actualité sportive, qui permet au lecteur de situer précisément dans le temps les événements dépeints. En bref, American Splendor est un témoin historique de l’Amérique des années 70. La série devient par la suite une référence pour de nombreux auteurs et se voit adaptée au cinéma en 2003 (sélectionné au festival de Cannes, le film remporte même le Grand Prix du festival de Sundance). Disponible depuis septembre, l’anthologie American Splendor Volume I est le premier volet d’une trilogie qui rassemblera des histoires réalisées entre 1976 et 2006, et toutes inédites en France. Ce premier recueil d’attache aux récits publiés entre 1976 et 1982, écrits par Harvey Pekar et illustrés par Gary Dumm, Robert Crumb, Gerry Shamray, Greg Budgett et Kevin Brown. // patrice coeytaux

American Splendor (Vol. I), 190 pages, éditions ça et là www.caetla.fr 76


LIVRES | sélection

hulk elvis/jeff koons/

Rizzoli. // Star controversée de l’art contemporain, Jeff Koons est sans conteste l’un des plus importants artistes vivants, symbolisant dans une forme de démesure pleinement revendiquée, la rencontre spectaculaire entre l’univers conceptuel des Readymade de Duchamp, le pop art d’Andy Warhol et tout un pan de la culture populaire mondiale. Avec ses installations autant inspirées par le style Rococo que par l’iconographie publicitaire ou la contre culture, Koons réussit comme personne, le grand écart entre reconnaissance par le grand public et célébration dans les institutions, comme avec la célèbre série Hulk, Elvis, décodée ici dans un ouvrage particulièrement illustré et une interview exclusive donnée par l’artiste dans son studio. // hg

off duty /arnold odermatt/

Steidl. // Pendant 50 ans, la mission d’Arnold Odermatt, banal officier de police suisse, fut de photographier, de jour comme de nuit, les carcasses de voitures accidentées, armé d’un Rolleiflex avec flash au magnésium, en vue de collecter des indices sur les scènes de crime. Une fois à la retraite, ce travail d’expert fut découvert et exposé par le monde de l’art, avec en point d’orgue une rétrospective lors de la biennale de Venise de 2001. Ce nouvel ouvrage révèle une partie méconnue de l’oeuvre de ce photographe inspiré qui, chaque jour, tout au long de sa carrière, prit des clichés de ses collègues de bureau, et réalisa un remarquable travail documentaire sur la vie quotidienne d’un corps de police dans un petit village rural. // hg

street level/sue kwon/

Testify Books. // Entre un portrait des Beastie Boys et des captures d’inconnus au hasard des rues de Chinatown ou du Bronx, Street Level est une formidable invitation à (re)plonger dans les vingt années de carrière de la photographe new-yorkaise Sue Kwon, célèbre pour la vérité de ses clichés en noir et blanc. S’inscrivant dans la plus pure tradition de la photographie de rue, dans la lignée de Weegee, Helen Levitt ou Danny Lyon, Sue Kwon nous raconte son New-York dans un dévoilement de vie vraie, celle des rêveurs, des enfants, des stars, des ivrognes, des nettoyeurs de chaussures et des prostituées.// hg

Less & more : the design ethos

/Dieter Rams/

Die Gestalten Verlag. // Dans les anées 50 et 60, Dieter Rams fut pour beaucoup dans la renaissance du design fonctionnaliste allemand. Employé chez Braun, il dessina près de la moitié des produits réalisés sur cette période, marquant fortement l’identité de la marque – et son époque - de son empreinte, de la même manière que Jonathan Ive le fera pour Apple à l’orée des années 2000 : Calculatrices, postes de radio, produits de bureau, cafetières (dont la majeure partie est d’ailleurs aujourd’hui exposée dans plusieurs musées du monde, dont le Moma de New York) et surtout le célèbre Phonosuper, surnommé le “snow white’s coffin“, premier combiné phonographe - radio au design minimal et à l’ergonomie remarquable. // hg

zaha hadid : complete works (1979–2009) /  philip

jodidio/

Taschen.// Chantre d’une architecture radicale depuis plus de trente ans, Zaha Hadid aura longtemps souffert, malgré les honneurs et les distinctions (dont le prestigieux Pritzker Price en 2004) d’une réputation écornée par le gigantisme et la démesure fantasmée de ses projets. Les magnifiques réalisations à son actif depuis une dizaine d’année auront finide la propulser durablement au premier plan de l’architecture mondiale (le Centre d’art contemporain Rosenthal de Cincinnati que le New York Times considère comme «le nouvel immeuble le plus important aux États-Unis depuis la Guerre froide», le Centre des Sciences Phaeno de Wolfsburg, en Allemagne ou le siège de BMW de la nouvelle usine de Leipzig…). D’où l’intérêt de cette imposante monographie publiée chez Taschen et qui couvre l’intégralité du travail de l’architecte jusqu’à aujourd’hui, en mettant en exergue, par le biais d’une sélection de photos et de dessins agrémentés d’analyses passionnantes, le caractère éminemment avant-gardiste d’une œuvre basée sur un double axiome essentiel : briser les règles et faire exploser l’espace pour mieux le remettre en forme. // hg

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LIVRES | portrait

chuck palahniuk

3, 2, 1.. Fight LITTÉRATURE. À 49 ans, il est sûrement un des plus grands agitateurs de la littérature satirique contemporaine américaine. Depuis l’adaptation au grand écran de son second roman, Fight Club il y a tout juste dix ans par David Fincher, Charles Michael “Chuck“ Palahniuk n’est jamais resté assis sur ses lauriers, son hyperactivité cérébrale le poussant à poursuivre assidûment la mission qui lui incombe : mettre une déculottée sans concessions aux sociétés modernes, les Etats-Unis en tête.

Comment ? En disséquant les mœurs et maux contemporains à l’aide d’une verve radicale, violente et trash. Au fil de ses romans, celui que l’on surnomme “Chucky“ s’est taillé une réputation d’acier grâce à des narrations excessivement fournies, oscillant entre finesse d’analyse et descriptions détaillées. Dès Monstres invisibles (son véritable premier roman rejeté par les éditeurs pour sa teneur hautement provocatrice), le romancier révèle un style littéraire qui s’apparente au mouvement dit d’Anticipation sociale, caractérisé par des récits proches de la science-fiction, survenant au sein de sociétés imaginaires, dans lesquels sujets et questionnements actuels sont amplifiés afin d’en évoquer les probables conséquences. Perte irrémédiable du libre arbitre de ceux qui se voient enrôlés dans une secte (dans Survivor), existence d’un livre qui tue celui à qui on fait la lecture (dans Lullaby), tout y passe. Et trépasse. L’américain vient d’annoncer la sortie de son prochain livre, Tell all en mai 2010, alors qu’il est encore en tournée promotionnelle pour sa nouvelle Pygmy. Dans cette dernière, un jeune étranger de 13 ans est accueilli au sein d’une famille typique américaine, dans le cadre d’un voyage d’études ; mais Pygmy (surnom que le pré-adolescent doit à son évidente petite taille) s’avère être un terroriste surentraîné, dont la mission consiste à construire et à faire exploser une bombe qui, par la même occasion, débarrasserait la planète de plusieurs millions de vilains yankees. Un postulat de base certes peu original, mais qui, selon les critiques publiées, se voit porté par l’approche humoristique et les situations quasi-improbables édifiées par “Chucky“. On attend de pied ferme la sortie française. Communautarisme littéraire // Plus qu’un basique conglomérat d’informations sur l’actualité de l’auteur, le site officiel de Chuck Palahniuk, the Cult est une sorte de blog collectif littéraire - rédigé par une équipe de journalistes passionnés - qui fait écho à toute une communauté d’Internautes fans, simples lecteurs mais aussi auteurs. Outre la liste des œuvres de l’écrivain et des films tirés de ses romans, on peut trouver sur cet espace plusieurs autres rubriques alimentées régulièrement. Tout d’abord, la section Interviews qui regroupe des entretiens variés (de Bret Easton Ellis à James Ellroy en passant par Henry Rollins), tous précédés par une explication du pourquoi du comment de l’entrevue. Originale et plutôt bien pensée, cette introduction présente rapidement cadre et sujet sans infliger –que ce soit au lecteur de l’interview ou à la personne interrogée- les sempiternelles questions du genre «Qui êtes-vous ?», évitant tout remplissage inutile pour mieux entrer rapidement dans le vif du sujet. Vient ensuite la catégorie Reviews qui présente tout un panel de ce qui se fait en nouveautés littéraires ; pratique pour le lecteur avide d’enrichir sa bibliothèque d’auteurs et romans (pas toujours) reconnus. Dans la partie Recommandation, Chuck Palahniuk himself vous propose une liste de livres qu’il approuve et conseille ; des manuscrits dans des veines généralement similaires à son univers, qui permettent de percevoir les aspirations, inspirations et autres facettes de sa personnalité. La dernière section, intitulée Writer’s Workshop, est dédiée aux Internautes-plumes-en-devenir qui peuvent, moyennant la modique somme de 39,95 dollars, poster directement leurs essais, nouvelles et autres poèmes, qui sont ensuite lues et notées par la communauté Premium du site. S’ensuit chaque mois une sélection de cinq manuscrits envoyée à Chuck Palahniuk en personne, qui les dissèque et y appose ses remarques. Oui, mais à part ça, qu’y gagne-t-on, me direzvous ? La possibilité d’une publication dans une anthologie prévue courant 2010. Chuck Palahniuk joue désormais la carte communautaire associée à celle de découvreur de talents, et, connaissant le bonhomme, ça risque de faire du bruit... // patrice coeytaux

http://chuckpalahniuk.net 78




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