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CAMION BAZAR - NEVER NORMAL
La fête dans les phares
Mai 2023, alors que le duo s’apprête à participer aux fameuses Nuit Sonores, dont ils fêtent les 20 ans avec Alteration, un ambitieux live audio/ vidéo, Camion Bazar se retrouve en vedette dans Libé sous la plume de Brice Miclet, un spécialiste reconnu des musiques radicales, qui œuvre également dans rien moins que Trax, Tsugi et Les Inrockuptibles
L’article du quotidien débute ainsi :
« En 2015, deux énervés de la teuf débarquaient dans les nuits techno mastodontes de la capitale française. Un renouveau des musiques électroniques et de leur public s’y opérait alors dans un mélange de frénésie et de sérieux un peu froid, taillé dans la noirceur, franchement plan-plan. “Ça n’était pas tant la musique qui était problématique que l’état d’esprit, se souvient Benedetta. Paris était assez coincé, on ne s’amusait pas trop. La nuit était froide.” Face à l’ennui, ils ont créé Camion Bazar. Une sorte de phare au milieu des ténèbres, une oasis, un vrai camion complètement déluré, planté à l’extérieur des hangars, hors de portée du boum-boum. Romain Play a commencé à y mixer seul, avant d’être rejoint par sa compagne. “Je jouais tous les genres, toutes les esthétiques, ajoute-t-il. Certains clubs ne voulaient pas de moi parce que j’étais trop foufou.” Pour les fêtards, voir débouler ce mélange de rouge, de rose, de jaune, cette baraque à frite bruyante, était semblable à une respiration. Il n’était d’ailleurs pas rare de les voir danser sur le toit du véhicule. C’était, surtout, un lieu d’expression de musiques plus souriantes, de la house à la variété française, des Antilles au funk. C’était bien.»
Aux Nuits sonores, à la programmation exigeante, Camion Bazar a pu tout faire. Depuis 2016, Romain et Benedetta s’y sont produits d’abord dans leur fameux camion lors des days, puis au cœur des usines Fagor-Brandt pour la night, en plein Lyon pour le format Extra !, ou encore lors d’une Boiler Room désormais légendaire, qui a beaucoup apporté au succès grandissant du combo. Avec un set hybrid, mêlant platines numériques et vinyles, les percussions électroniques que Romain trimballe partout avec lui et l’intervention d’une saxophoniste débridée, ils y montrèrent l’étendue de leur talent et de leur répertoire, passant sans complexe du Funk à la Techno et osant même le drop d’un inattendu Sheep de Pink Floyd, bien senti et se fondant effrontément dans de la Drum & Bass. Une nouvelle fois à la programmation lyonnaise en 2023, sur la scène principale de la Sucrière, le Camion mesure le chemin parcouru, des premières raves foutraques jusqu’à la prestigieuse Monnaie de Paris, où ils présentaient en juin leur spectacle en version 360° en collaboration avec FIp etDure Vie.
« En fait, Camion Bazar, c’est une véritable boule à facettes,» raconte Benedetta, « C’est un projet qui est né par hasard il y a 10 ans, d’une histoire d’amour entre nous, Romain et Benedetta, puis d’amour de la fête et de la musique, et qui a évolué avec toujours la même ligne directrice : l’envie de répandre les bonnes valeurs de la nuit et de partager notre passion avec générosité. À l’origine, on a acheté un camion pour faire le tour des festivals et disposer de notre propre scène, puis c’est devenu une sorte de bordel ambulant avec une communauté toujours plus nombreuse. Ensuite, on a laissé le camion de côté quelque temps et on a décidé de se concentrer sur notre duo : on a produit des EP, on a créé un label, on a davantage tourné en clubs en proposant nos DJ sets, puis est né notre projet live… C’est toute une histoire ! Nous on s’ennuie assez vite, on aime bien quand ça change. On a besoin de sentir une évolution dans notre manière d’appréhender la musique, même si on conserve les mêmes valeurs, de respect, de partage, d’amusement, d’ouverture aux autres et de bienveillance.
Le Fruit Du Bazar
En 2019, Camion Bazar a attiré une attention particulière en Thaïlande à l’occasion du festival Wonderfruit, avec deux moments forts qui ont marqué le public international de l’événement : en duo sur la scène Omelette et surtout à l’occasion du final désormais mythique sur l’emblématique Solar Stage avec leurs complices de La Mamie’s.
Camion Bazar revient pour la première fois en Thaïlande après la parenthèse Covid, avec un unique DJ set le vendredi 27 octobre à Never Normal, Bangkok. Ce même week-end, les deux travellers joueront à Hanoï le samedi, au festival Retreat, puis rejoindront leurs potes de La Mamie's au Shi Fu Miz festival à Hong Kong le dimanche ! Une tournée brève, mais intense, qui passera également par Bali et Hô Chi Minh-Ville, où le Café des Stagiaires Saïgon les recevra le 20 octobre.
Au milieu des bagages, des câbles et des caisses de disques, et sous le regard vigilant de leurs chiens, Latitudes leur a posé quelques questions sur cette nouvelle aventure.
https://linktr.ee/camionbazar
Nous nous sommes rencontrés dans la folie enthousiaste de Wonderfruit 2019, quel(s) souvenir(s) gardez-vous de ces moments ?
Ça a été une expérience incroyable. Déjà le fait d’être en Asie, sous 30 degrés en plein mois de décembre, ça dépayse et ça rend heureux. Tu rajoutes à ça un super accueil, les retrouvailles avec la Mamie’s à Pattaya et l’arrivée au festival, où tu passes de la ville au désert et là, une grosse claque que de découvrir plein de scènes, toutes avec une scéno hyper soignée, unique à chacune, avec son propre univers. Gros coup de cœur pour la scène pop thaïe, l’ambiance était à la rigolade et à la bonne humeur, et aussi la scène rock thaïe où des groupes jouaient sur un bus. Il y avait aussi des talks conscious, de grands artistes internationaux et locaux (petite pensée pour la scène Quarry de Craig Richards, notre esprit est resté là-bas) et puis partout un monde fou, costumé, comme dans un film. Mention spéciale aussi au takeover de Rainbow disco club sur la scène Forbidden Fruit (de mémoire) qui a mis une ambiance de dingue. À tout ça, on ajoute le fait d’y mixer deux fois, on était aux anges. On avait fait une belle perf' à Omelette, Resident Advisor l’avait mentionnée, et puis le closing du festival : 5h de set avec La Mamie’s pour accompagner le lever du jour, avec les rayons du soleil qui faisaient sortir de l’ombre une immense structure pyramidale en face du booth, où les gens grimpaient, s’accrochaient, dansaient. C’était un after du lundi matin unique, tout le festival était là, c’est inoubliable. Merci encore au Wonderfruit !
Vous avez bossé récemment sur un format sonore 360°, l’avez-vous proposé justement à Wonderfruit pour la scène Polygon ? Était-ce un one-shot ou une voie à explorer ?
Ah non, on ne l’a pas proposé à WF, c’est une très bonne idée, tu devrais être manager ! Donc oui, Wonderfruit si vous nous lisez, ça pourrait être une sacrée expérience, on est chauds. De manière générale, revenir à Wonderfruit en dj set ou avec le live, ce serait grandiose. Et le format 360° nous intéresse oui, n’importe quelle expérience sonore et sensorielle nous intéresse.
La Thaïlande, qu’est-ce que ça évoque pour vous ?
Un peu comme pour beaucoup d’entre nous, les Européens, la Thaïlande est synonyme de vacances, d’excellente cuisine et de gens adorables. On la connait via Wonderfruit, mais aussi à travers de précédents voyages dans les îles. Ce qu’on préfère, c’est quand même Bangkok, avec son histoire, ses monuments, ses marchés, sa grandeur, son grouillement, ses lumières et ses couloirs où l’on se perd. On a hâte d’y retourner.
Après quelques mois de tournée avec votre live, qu’est-ce que ça vous inspire de revenir en format DJ ?
En fait on n’a jamais arrêté le djing avec la tournée Alteration. On alterne le live et le dj set. En général, on fait l’un ou l’autre un week-end sur deux, donc on est prêts dans toutes les situations, armés de sons jusqu’aux dents, en feu et plein d’énergie, avec l’envie de faire danser et de partager notre âme !
En particulier avec le live, vous avez toujours le Bazar, mais le Camion ne vous manque-t-il pas ?
Ahah, notre petit baby. Non ça va, il est toujours là, mais sous d’autres formes. Enfin, on dit ça, mais il va avoir 10 ans en 2024, donc on va lui préparer une grande fête qui va durer des mois.
Que font les chiens quand vous partez loin ?
Ils écoutent la radio, France Culture pour être exact (c’est vrai, ça leur fait une compagnie h24), ils regardent nos stories j’imagine aussi. Et ils restent avec un couple adorable qui prend bien soin d’eux, avec d’autres chiens. C’est un peu la fête pour eux aussi. Mais ils nous manquent tous les jours. Entre l’empreinte carbone et les chiens, on évite de partir trop loin. On fait quelques exceptions, bien senties et bien choisies. On y réfléchit beaucoup en amont et on juge si c’est nécessaire et important.
À Bangkok le 27/10 vous allez jouer à Never Normal. En avez-vous entendu parler ? Le nom du club vous inspire-t-il ?
On est fiers et honorés d’y jouer, ça a l’air incroyable, super beau et c’est ce genre de club qu’on apprécie, car il fait bouger les choses et sensibilise les personnes, avec aussi des initiatives d’ateliers de son, des talks, etc. C’est au-delà du clubbing et ça, c’est très important.
Tickets : https://megatix.com.au/events/camion-bazar-the-groove-party