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STEPHFF
Les surprises du Stephff
Du Mékong à Gavroche, du Bangkok Post à The Nation, en passant par Courrier International ou le Paris Phuket, les corrosifs dessins de Stephff portent depuis lurette un regard cruel et rigolard, empli de dérision, de révolte et de distance, sur la vie politique et les biais de la société. Installé au beau milieu de son impressionnante collection d’art tribal, l’artiste journaliste peint également des œuvres contemporaines grafitto-ethniques, entre deux critiques acerbes du pouvoir en place ou des travers de ses contemporains.
Ce dernier thème se retrouve sous forme de livres Farang Affairs, dont le tome 2 est enfin sorti il y a quelques semaines. On y trouve un ensemble de dessins soit inédits, soit revisités, réunis au sein d’une édition collector.
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Le livre, au tirage très limité de 1500 exemplaires, est uniquement disponible auprès de l’auteur via sa page Facebook. Stephff le promet, une fois cette édition épuisée, il n’y aura pas de retirage, alors ne ratez pas cette rareté contenant quelques perles politiquement incorrectes qui ne seront jamais republiées.
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Quand nous nous sommes vus pour l’article dans le Paris Phuket en 2015, tu m’avais déjà fait part de ton envie de faire un livre sur un vrai thème, comme celui des Farangs. Il est enfin sorti en 2020, puis le tome 2 cette année. Parle-moi des années de gestation de ces Farang Affairs.
Ce n’est pas de la gestation, c’est juste de la procrastination ! Il faut quand même savoir que mon boulot de dessinateur politique me bouffait une bonne partie de mon énergie et que par conséquent, je laissais un peu le bouquin se faire tout seul...
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Je publiais cette série une fois par semaine dans The Phuket Gazette et, après que celle-ci se soit arrêtée, dans l’édition du week-end de The Nation
Le problème c’est que c’était juste une accumulation de dessins parfois un peu bâclés, car toujours faits à la dernière minute dans l’urgence de la deadline, parfois avec le problème de faire trop de dessins sur un même thème, comme celui des filles de bar, et pas du tout sur d’autres sujets. Or, dans un bouquin tu as besoin que tous les thèmes soient abordés. Bref, quand j’ai perdu mon boulot au Nation en juin 2019, j’ai immédiatement mis à profit ce temps libre pour me dire « allez, tu le finis une bonne fois pour toutes ce putain de bouquin ! ça fait depuis le temps du Gavroche, donc 25 ans, que je dois le faire ! »
Mais je me suis vite rendu compte que je n’allais pas juste faire une bête compilation de mon travail (c’était pourtant ce que me suggéraient la plupart de mes potes en Thaïlande), mais que j’avais l’opportunité de faire un peu mieux, de réaliser un truc plus chiadé avec des dessins inédits. C’est donc ce que j’ai fait et ça a pris pas mal de temps...
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Mais je suis vraiment satisfait du résultat et franchement je ne dis pas ça souvent de mon travail. Je pense que les gens qui suivent mes dessins ont été agréablement surpris. Pour moi ça valait vraiment la peine de se donner du mal et de prendre du retard (4 mois de retard pour le premier tome par rapport à mes premières promesses de le finir pour la fin décembre 2019). Après tout, qui va se plaindre de recevoir un bouquin deux fois mieux en attendant un peu plus longtemps ? Ce n’est pas non plus une livraison d’Airbus A380 !
Le succès du premier opus t’a apparemment donné l’envie d’y revenir ?
D’abord, c’est un succès tout relatif, j’ai vendu les 1500 exemplaires du premier, mais ce n’est que 1500 exemplaires !
Cela n’est pas suffisant pour en vivre. Mais en tout cas il a beaucoup plus a ceux qui apprécient ce genre d’humour.
En quoi ce tome 2 est-il différent ?
Il n’est pas vraiment différent, il rassemble d’autres situations de la vie de l’expat en Thaïlande. Sinon, on peut dire qu’il est un peu plus chiadé dans le dessin que le premier. Aussi, j’ai poussé peut-être un peu plus à l’absurde certaines situations.
Y’en aura-t-il d’autres ?
Oui, j’ai rassemblé suffisamment d’idées pour faire un tome 3 et un tome 4 ; d’ailleurs je travaille déjà sur le plan du 3 et du 4 simultanément, histoire de bien gérer tout de suite une bonne répartition des situations et des gags. Il y aura aussi un hors-série « coquin » qui sera tiré à seulement 500 exemplaires et vendu « sous le manteau » (impossible je pense d’obtenir un ISBN hahaha !!!).
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Tu travailles au milieu de ta collection d’art primitif...
Depuis que je m’intéresse à l’art primitif, je cherche ce que personne ne collectionne. C’est un peu le Graal de trouver un truc local auquel personne n’a encore pensé. Comme ça, je peux monter n’importe quelle expo dans un musée ethnographique d’Europe !
J’entasse chez moi, c’est un peu le délire. Comme je suis un collectionneur fou, l’idée consiste à arrêter de collectionner n’importe quoi et de me concentrer sur les choses de valeurs, de l’art, et puis d’en constituer ma retraite. Je suis incapable de garder de l’argent, alors autant le claquer pour des objets qui prennent de la valeur !
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J’imagine qu’il y a une filiation directe entre tes peintures tribales et tes collections ?
Oui, mais justement, les peintures sont venues naturellement. Je collectionne aussi des tableaux et j’ai une collection d’artistes un peu dans le même genre, Africain, etc. Quand tu collectionnes des peintures d’artistes, ça crée un déclic chez toi, tu réalises que, quel que soit l’artiste, aucune œuvre n’est jamais parfaite, qu’il y a plein de défauts, et au fur et à mesure ça te décomplexe, en fait tu te dis que tu pourrais t’y mettre aussi. Quand je vois une pièce, quand c’est un coup de poing dans la gueule tellement elle est magnifique et que je ne pourrai jamais me la payer, je la mets dans mon ordi...
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Puis je me dis que je pourrai m’en inspirer un jour. C’est un peu une façon de contrebalancer une frustration, en me disant que je vais me l’approprier. Il y a toute une idée où la pièce parfaite que tu ne peux pas avoir, tu vas la créer toi-même.
Tu sembles te diversifier de plus en plus avec l’art d’inspiration tribale, cela va-t-il se traduire par une œuvre plus importante dans les années à venir ?
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Mon travail n’est pas de l’art tribal à proprement parler, c’est juste de l’art contemporain inspiré de l’art tribal. Ce que je fais est donc en grande partie influencé par cet art dit primitif, d’Afrique et d’Océanie surtout, mais aussi par beaucoup d’artistes modernes comme Keith Haring. Dès que je kiffe une forme, un design, que ça vienne d’un Paul Klee ou d’un illustre inconnu, je me l’approprie et le remets à ma sauce. Je m’autocopie même assez souvent, car après quelques années, si je regarde un de mes travaux plus anciens, ça m’inspire un nouveau truc. Bref, c’est un peu une histoire sans fin et je pourrais peindre encore 500 ans sans perdre l’inspiration. Donc, oui, l’ambition est de produire une œuvre plus importante, plus mature, plus forte.
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J’ai vraiment de grosses envies et de bonnes idées à développer, reste toujours le problème du temps et mon péché mignon de me disperser assez facilement. Même en ne gardant que la peinture, je me disperse encore et je fais l’inverse de ce qu’attendent les galeries et les pros de l’art, je m’amuse et je ne développe pas nécessairement un style particulier. Mais bon, j’arrive quand même à vendre de cette manière. Ça m’emmerderait terriblement de m’enfermer dans un style juste pour des questions de marketing et de carrière. Alors tant pis, je ne serai peut-être jamais un vrai grand artiste, mais au moins je m’éclate et je dois dire que de toutes mes activités, c’est probablement la peinture qui se révèle pour moi la plus récréative.
Quelle(s) évolution(s) vois-tu dans ce travail depuis 3 ans ?
Ça a surtout évolué parce que j’ai été plus productif ces dernières années. Bon, mais évolution ou pas, ça reste difficile de gagner sa vie uniquement avec des peintures, surtout quand en plus tu ne fais pas que ça. Je sens bien qu’il y a une amélioration et j’arrive plus facilement à me surprendre moi-même, donc je prends bien mon pied.
Après, il reste juste à surprendre les autres et ça n’est pas encore gagné !
Pour finir, j’ai envie de parler de tes titres, généralement toujours dans l’esprit BD/ cartoon. Est-ce un moyen pour toi de garder un lien avec la face humoristique et cartoonesque de ta production artistique ?
Les titres de mes peintures ? Oui c’est un peu difficile à expliquer, un titre est un mélange de spiritualité, à laquelle j’adhère vraiment entièrement, avec une souscouche d’autodérision. En fait, le titre finit par être exagéré au point de ne plus vouloir dire grand-chose. C’est plus la beauté des mots choisis qui est supposée aller avec la peinture. Et en même temps je me moque de mes propres titres en les rendant super ronflants et prétentieux. Donc en fait ça part quand même d’un choix intuitif de mots qui vont avec la peinture, puis au final ça ne veut plus vraiment rien dire. D’ailleurs, en général j’envoie bouler les gens qui me demandent de leur expliquer ces titres, car j’en suis incapable. Maintenant, certains de ces titres ont quand même du sens. À la base, si j’utilise le mot Christ cosmique ou Bouddha cosmique, ça signifie vraiment quelque chose, dans la littérature new age spirituelle par exemple, et c’est vraiment ce que je voulais peindre. Alors, j’exagère peut-être un peu ma propre fumisterie en prétendant que mes titres n’ont aucun sens. J’espère que c’est clair ? Pour commander Farang Affairs 2 ou des œuvres, contacter Stephff : stephff.artist@gmail.com
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www.instagram.com/stephff_art