13 minute read
NAKROB MOONMANAS
One of the most collected issues of Latitudes has been #4, the one with a Nakrob Moonmanas collage on the cover. At that time, we wondered about the relationships between Western and Asian cultures, Thai culture in particular, as we discovered the artworks of Nakrob, in which he rewrites the rules through his collages and manipulations, revisiting classic works, beliefs and traditions in a deliciously iconoclastic manner.
LE GRAND ŒUVRE DE NAKROB The Alchemist
Nakrob is a Bangkok-based visual artist and illustrator working mainly with the medium of collage. His interest lies in historical memories, which he tries to reveal, question and play with. Through pictorial archives spanning multiple eras and places, his narratives are made by juxtaposing local knowledge and outlandish fragments of history with the feel of present-day aesthetics, all of which leads viewers of his work to reexamine the past.
Freshly back from Paris where he has been in residence for nearly a year, Nakrob returns for Galleries Nights with a new exhibition at Alliance française de Bangkok: PhotoAlchemy.
SUPERSTITION WAS NO STRANGER TO THE SIAMESE, BUT ALCHEMY WAS SOMETHING ELSE ENTIRELY...
ARTISTE VISUEL ET ILLUSTRATEUR BASÉ À BANGKOK, Nakrob
réalise principalement des collages et porte essentiellement son intérêt sur les mémoires historiques, qu’il révèle, puis interroge et avec lesquelles il se plaît à jouer. À travers des archives picturales couvrant de multiples époques et d’innombrables lieux, ses récits juxtaposent des savoirs locaux et d’étranges fragments d’Histoire avec une l’esthétique moderne, amenant les admirateurs de son travail à examiner le passé avec un regard neuf. Fraîchement de retour de Paris où il a passé près d’un an en résidence, Nakrob revient pour les Nuits des Galeries avec une nouvelle exposition à l’Alliance française de Bangkok : PhotoAlchemy.
La superstition n’était pas étrangère aux Siamois, mais l’alchimie, c’était tout autre chose...
Avec ses connotations surnaturelles, l’alchimie possède un fort parfum occidental. En raison des connaissances scientifiques
L’un des numéros de Latitudes les plus collectionnés a été le numéro 4, celui avec un collage de Nakrob Moonmanas en couverture... À cette époque, nous nous sommes interrogés sur les relations entre les cultures occidentales et asiatiques, thaïlandaise en particulier, en découvrant les œuvres de Nakrob, dans lesquelles il réécrit les codes au travers de ses collages et manipulations, revisitant œuvres classiques, croyances et traditions d’une manière délicieusement iconoclaste.
Nakrob Moonmanas ©
With supernatural connotations, alchemy has a western ring to it. Due to the limited scientific knowledge in pre-Renaissance times, this forbidden science of creating gold through chemical processing was seen as dabbling in black magic, and thus alchemy became associated with the dark arts and a slanderous term for science.
In this collage art exhibition, Nakrob is trying to recapture the time when the alchemy of photographic processing was brought into Siam, the home of superstition.
We are taken back to the 1800s, when cameras were first introduced to the Rama IV era of Siam. Before photography was brought to Siam by a catholic priest from Paris, L’Abbé Larnaudie (1819 - 1899), portraits were also considered a dark art. Making an image of someone was often done with mal-intent, that is, to use the replica as an ingredient to conjure dark magic against the person in question. This explains why portraits were extremely unpopular in Thai history before cameras.
One of the earliest photographic processes, the collodion process, was a technique which captured the exposure of light on a piece of coated reflective material over the span of 15 minutes. King Mongkut (Rama IV) was one of the first to enjoy such technology during his monkhood. Then, with much skepticism, the collodion process slowly spread among the royals and elites. While, for the French, photography was a mission to document the Orient, for the Siamese it was the first time they were able to see themselves in a photograph. Nakrob wonders how it would have felt for them to be sitting still in front of an alien western device for 15 minutes and see their own image appear before their eyes on a piece of mirror, and then remain forever. Alchemy! What horror or what excitement they could have felt.
For an artist who’s known for picturesque illustrative art, Nakrob challenged himself with a more abstract approach in PhotoAlchemy. The artist assumes the role of an alchemist juxtaposing archived collodion process images and imitating the nature of the process in question. These distorted, pixelated collage works imitate the in-between states of appearing and disappearing. On one look, the stressful facial expression of a subject is recorded in a fading history. On another, this historical imagery seems to slowly come back to life, bit by bit, on a piece of mirror...
limitées à l’époque de la pré-Renaissance, cette science interdite de la création d’or par traitement chimique fut apparentée à la magie noire et associée aux arts sombres, puis méprisée par la communauté scientifique.
Avec cette exposition de collages d’art, Nakrob tente de faire revivre l’époque où l’alchimie du traitement photographique fut introduite au Siam, la patrie de la superstition. Nous sommes ramenés aux années 1800, lorsque les appareils photo furent introduits pour la première fois au Siam, à l’époque de Rama IV. Avant même que la photographie ne soit importée au Siam par un prêtre catholique de Paris, L’Abbé Larnaudie (1819 - 1899), les portraits étaient également considérés comme un art sombre. Créer une image de quelqu’un était souvent synonyme d’intention malveillante et la réplique utilisée comme un ingrédient pour évoquer la magie noire contre la personne concernée. Cela explique pourquoi les portraits étaient extrêmement impopulaires dans l’histoire thaïlandaise avant l’apparition des appareils photo.L’une des premières techniques photographiques, le procédé au collodion, capturait l’exposition de la lumière pendant 15 minutes sur un morceau de matériau réfléchissant enduit. Le roi Mongkut (RamaIV) fut l’un des premiers à profiter d’une cette technologie, alors qu’il était moine. Puis, avec beaucoup de scepticisme, le collodion se propagea lentement au sein de la famille royale et des élites. Alors que pour les Français la photographie se traduisait déjà en mission pour documenter l’Orient, les Siamois se voyaient pour la première fois sur une photographie. Nakrob s’interroge alors sur ce qu’il aurait ressenti à leur place de se trouver assis immobiles pendant un quart d’heure devant un mystérieux appareil occidental et de voir leur propre image apparaître devant leurs yeux sur un morceau de miroir, puis rester pour toujours. Alchimie! Quelle horreur ou quelle excitation ils ont dû ressentir!
Nakrob Moonmanas ©
Nakrob Moonmanas ©
Nakrob Moonmanas ©
Just a few days before the opening of the exhibition we have touched base with Nakrob:.
HI NAKROB, MANY THINGS HAVE HAPPENED SINCE WE LAST MET! HOW HAVE YOU BEEN DOING THROUGH THIS PERIOD?
It has been a long time! The pandemic has made significant alterations to my perception of the world and life. It is pretty challenging to come across and accept the limitations of humans. By the way, I feel lucky to have kept myself doing ok through this hard time.
CAN YOU TELL US A BIT ALL ABOUT YOUR 11-MONTH ARTIST RESIDENCY IN CITÉ INTERNATIONALE DES ARTS IN PARIS?
I have to thank the French embassy in Thailand for their very kind support to make it all happen. My artist residency in Paris was like a grand oasis in the desert of a difficult time. Even though there was confinement and curfews at some point, I still had a good time exploring the city and its famous art scenes. At la Cité des arts, I met many artists from different fields and backgrounds. I feel that I have learned a lot from their practices and their works. We also did a small group show together. It was an excellent experience for me. It was my first artist residency, and I think It was quite a big step in my career. I also found some opportunities and hopes that gave me more confidence on my path of being an artist.
Connu pour son art illustratif pittoresque, Nakrob s’est lancé le défi d’adopter une approche plus abstraite avec PhotoAlchemy. L’artiste y assume le rôle d’un alchimiste juxtaposant des images d’archives créées avec le procédé au collodion tout en imitant la nature du procédé en question. Ces collages déformés et pixelisés imitent les états intermédiaires d’apparition et de disparition. D’un seul coup d’œil, l’expression faciale stressée d’un sujet est figée dans une histoire qui s’estompe. Sur un autre, cette imagerie historique semble lentement reprendre vie, petit à petit, sur un morceau de miroir...
Quelques jours seulement avant l’ouverture de l’exposition, nous avons repris contact avec Nakrob.
Bonjour Nakrob, beaucoup de choses se sont passées depuis notre dernière rencontre! Comment avez-vous vécu cette période?
Ça fait longtemps ! La pandémie a considérablement modifié ma perception du monde et de la vie. Il est assez difficile de prendre conscience et d’accepter les limites des humains. Soit dit en passant, je me sens privilégié d’avoir continué à aller bien pendant cette période difficile.
Pouvez-vous nous parler de votre résidence d’artiste de 11 mois à la Cité internationale des arts à Paris?
Je dois d’abord remercier l’ambassade de France en Thaïlande de leur soutien pour que tout cela se produise. Ma résidence d’artiste à Paris a constitué comme une vaste oasis dans le désert d’une période difficile.
HOW HAS IT INFLUENCED OR EVEN MODIFIED YOUR APPROACH TO ART?
During the confinement in Paris, I reflected a lot on what I was doing and what I would do. And as I said, I learned a lot from my artist friends and what I saw and felt in the Parisian museums and galleries. I tried to put my illustration practice closer to the area of contemporary art. I re-experimented with some handmade techniques, exploring the medium of collage in some unusual way, like making it more abstract.
In addition, during that time, many social and political movements happened in Thailand. It also influenced and moved me a lot. While I was in France, I also learned from French values, culture, and history how much liberty is significant to our lives.
HOW DID YOU FIND THE BANGKOK ART SCENE WHEN RETURNING?
For me, the Bangkok art scene is always vivid and more and more diverse. Our young artists are super cool and talented even though they have to live and work in many different conditions. We still don’t get enough understanding and support from society and the administration. And sadly, our freedom of expression is limited.
IN YOUR OPINION, IS GALLERIES NIGHTS A FITTING EVENT TO RESTART?
Of course, for me, It’s a perfect restart. My previous solo exhibition was presented on Galleries Nights 2018, and it was quite a long time ago! I brought back a lot of inspiration from Paris and am happy to present again at Galleries Nights. And for the Bangkok art and cultural scene, it will be a great restart because we have had a dull year of restriction. I really hope Bangkok will be back to life very soon.
WHAT CAN WE EXPECT FROM YOUR EXHIBITION AT ALLIANCE FRANÇAISE?
In this exhibition called PhotoAlchemy, I am going to present a new approach in making collage with the storyline of the arrival of the first camera to Siam almost two centuries ago. I play with historical fragments and different techniques from the early period of photography, such as cyanotype and wet collodion process, to reexamine the past.
Même s’il y a eu confinement et couvre-feux à certains moments, j’ai quand même passé du bon temps à explorer la ville et ses célèbres scènes artistiques. À la Cité des arts, j’ai rencontré de nombreux artistes de domaines et d’horizons différents. Je sens que j’ai beaucoup appris de leurs pratiques et de leurs travaux. Nous avons également exposé ensemble. Ce fut une excellente expérience pour moi. C’était ma première résidence d’artiste, et je pense que ça a représenté une étape assez importante dans ma carrière. J’y ai également trouvé des opportunités et des espoirs qui m’ont donné plus de confiance dans mon cheminement d’artiste.
Comment cela a-t-il influencé ou même modifié votre approche de l’art?
Pendant le confinement à Paris, j’ai beaucoup réfléchi à ce que je faisais et à ce que j’allais faire. Et comme je l’ai dit, j’ai beaucoup appris de mes amis artistes et de ce que j’ai vu et ressenti dans les musées et lieux d’exposition parisiens. J’ai essayé de rapprocher ma pratique de l’illustration du domaine de l’art contemporain. J’ai réexpérimenté certaines techniques manuelles, exploré le médium du collage d’une manière inhabituelle, notamment pour le rendre plus abstrait.
De plus, pendant cette période, de nombreux mouvements sociaux et politiques se sont produits en Thaïlande. Cela m’a aussi beaucoup influencé et ému. Pendant que j’étais en France, j’ai également pris conscience, à travers les valeurs, la culture et l’histoire françaises d’à quel point la liberté est importante dans nos vies.
Nakrob Moonmanas ©
Nakrob Moonmanas ©
Nakrob Moonmanas ©
WHAT ARE YOUR PROJECTS FOR 2022?
I have to finish my research on the history of Siamese early photography and publish it as a book. And I also have my project to do some little photo/art books. It is still fun to explore collage in other forms like poetry or sculpture. Lastly, finding the next destination of my artist residency is in my mind too. n
Comment avez-vous trouvé la scène artistique de Bangkok à votre retour?
Pour moi, la scène artistique de Bangkok est toujours vivante et de plus en plus diversifiée. Nos jeunes artistes sont super cool et talentueux, même s’ils doivent vivre et travailler dans des conditions très diverses. Mais nous ne recevons toujours pas suffisamment de compréhension et de soutien de la part de la société, ni de l’État. Et malheureusement, notre liberté d’expression reste limitée...
À votre avis, les Nuits des Galeries sont-elles un événement pertinent pour redémarrer?
Bien sûr, pour moi, c’est un redémarrage parfait. Ma précédente exposition personnelle a été présentée pour Galleries Nights 2018, et ça commençait à faire long! J’ai rapporté beaucoup d’inspiration de Paris et je suis heureux d’exposer à nouveau pour les Nuits des Galeries. Et pour la scène artistique et culturelle de Bangkok, ce sera un grand redémarrage après une terne année de restrictions. J’espère vraiment que Bangkok reviendra à la vie très bientôt.
Que peut-on attendre de cette exposition à l’Alliance française?
À l’occasion de cette exposition intitulée PhotoAchemy, je vais présenter une nouvelle approche du collage avec l’histoire de l’arrivée du premier appareil photo au Siam, il y a près de deux siècles. Je joue avec des fragments historiques et différentes techniques de la première période de la photographie, telles que le cyanotype et le procédé au collodion humide, dans le but de réexaminer le passé.
Quels sont vos projets pour 2022?
Je dois terminer mes recherches sur l’histoire de la photographie ancienne siamoise et la publier sous forme de livre. Et j’ai aussi mon projet de faire quelques petits livres photo/d’art. C’est toujours amusant d’explorer le collage sous d’autres formes, comme celles de la poésie ou de la sculpture. Enfin, j’ai constamment en tête de trouver ma prochaine destination de résidence d’artiste! n
nakrobmoonmanas.com www.facebook.com/nakrobmoon
Nakrob Moonmanas ©