La Vie

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les essentiels spécial protestants

Florence xoxoxoxo xoxoxoxoox Blondon

Être pasteur, Xoox xooxox oxo c’estxox oxo xoxoxoxox transmettre un savoir 22 octobre 2009 14 février N° 3347 2008 Le Le cahier cahier spirituel spirituel à détacher à détacher

ouvert avec les le enfants dimanche jésus xox xo filsoxxo de david ox ox 047-061 LV 3347 ESSENTIENL4-A.indd 47

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transmission

Florence Blondon des études de théoloGie suivies avant tout par intérÊt intellectuel l’ont amenée À rencontrer sa vocation et À devenir ministre du culte au sein de l’éGlise réformée.

Ma famille maternelle est d’origine arménienne. Suite à une mission évangélique américaine, mon arrièregrand-père était devenu l’un des rares pasteurs, fait singulier dans un pays où existe l’une des Églises les plus anciennement fondées au monde et qui comptait seulement 2 % de protestants. Après les massacres orchestrés par les Turcs, ma mère et ses parents ont été accueillis à Marseille, puis à Issy-les-Moulineaux, par l’Armée du salut dans laquelle ils se sont engagés. Ma grand-mère maternelle était plutôt austère, mais joyeuse et engagée au service des pauvres. De l’autre côté

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de ma famille, c’était tout différent. La pratique catholique conventionnelle de mon autre grand-mère semblait bien falote face à cette foi en acte. J’ai gardé de cette jeunesse salutiste la certitude joyeuse de me savoir aimée par Dieu, qui m’a poussée à m’engager. de mes 17 ans à la naissance de mon quatrième enfant, j’ai un peu mis de côté la question de la foi. Avec mon mari, d’origine catholique, j’avais pourtant voulu faire un mariage religieux. La communauté réformée du Luxembourg nous avait accueillis, l’occasion de découvrir le rite de la cène. Car, à l’Armée du salut, il n’y avait ni baptême ni cène. Cette pratique m’avait semblé très « catholique » ! Puis, durant des années, je m’étais contentée de lire un livre de l’Ancien Testament, de loin en loin. Je me disais : « Demain, je me rattraperai. » Se posait toutefois la question de la transmission à mes enfants. Un été, une voisine de plage, uu

les étapes de sa vie

1956 Naissance à Paris. 1966 Enrôlement comme jeune « soldat » de l’Armée du salut.

1982 Mariage à Paris. 1997 Entrée à la faculté de théologie protestante de Paris.

2003 Pasteure à Montpellier. 2008 Pasteure au temple de l’Étoile, à Paris.

BRUNO LEVY

À 41 ans, c’était mon premier cours de grec, à la faculté de théologie protestante de Paris. J’avais demandé la possibilité d’en être dispensée, car les langues anciennes me faisaient peur. Mais rien n’y avait fait. La professeure avait décidé de commencer son cours par la lecture du Prologue de Jean en grec, un texte qui scrute les profondeurs de Dieu. Dès le premier instant, j’ai été saisie. Plus rien n’existait que ce texte dont je ne comprenais pas un mot, mais qui m’emplissait par sa beauté, sa musicalité. Il s’est passé quelque chose en moi. J’avais entrepris ces études par curiosité intellectuelle. Vivre d’emblée cette expérience a transformé ma perspective.

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« Plus rien n’existait que ce texte dont je ne comprenais pas un mot mais qui m’emplissait par sa beauté »

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transmission

« Être pasteur, c’est être à plein-temps au service de Dieu et des autres » uu voyant ma croix huguenote, m’a dit qu’elle connaissait une femme pasteur remarquable à Orsay où nous habitions. J’ai inscrit mes enfants à « l’école biblique », c’est-à-dire au catéchisme, où je les ai suivis. À 38 ans, j’ai commencé à me passionner pour l’exégèse. Je comprenais peu, mais il y avait des étincelles. Puis il y a eu ce moment essentiel où, suivant l’enseignement d’un vieux pasteur marqué par l’analyse historico-­critique, j’ai compris qu’Abraham n’avait peut-être jamais existé, du moins tel que la Bible nous le présentait. Beaucoup de gens perdent la foi suite à ce genre d’analyse décapante. Pour moi, l’inverse s’est passé. Cela m’a libérée de la question de la véracité historique pour en susciter de bien plus essentielles. Et d’abord : « Quel sens le récit de ce vieillard qui quitte tout pour partir vers l’inconnu a-t-il aujourd’hui pour ma vie ? » L’année suivante, le pasteur m’a demandé de faire l’école biblique puis de former ses moniteurs, ce qui m’a conduit finalement à m’inscrire à la faculté de théologie. J’en avais le temps car, après dix ans dans les ressources humaines, j’avais cessé de travailler.

Pasteure, je n’ai pas pensé à le devenir de prime abord. J’étais une bénévole engagée dans ma communauté. Lors d’une discussion du conseil presbytéral sur l’accession à la cène des non-baptisés, j’ai réalisé que je n’avais jamais reçu le baptême ! Je communiais pourtant. Après un an de préparation, j’ai été baptisée à la Pentecôte. Quelques mois après, lors d’une conférence, une personne m’a confondue avec le pasteur. « Pourquoi tu n’es pas pasteure, toi ? », m’a-t-elle demandé en comprenant son erreur. Cette question m’a travaillée. J’en ai parlé avec mes proches, mes professeurs, le pasteur. Puis j’ai pris cette route. Pour commencer rapidement, j’ai accepté un ministère à Montpellier, où j’ai vécu cinq ans avec mes enfants alors que mon mari était resté à Paris. Puis j’ai été appelée au temple de l’Étoile l’année dernière. Être pasteur, pour moi, c’est d’abord transmettre un savoir théologique. C’est également être à plein-temps au service de Dieu et des autres. Au cours des offices funèbres notamment, je suis toujours frappée de voir la force de la parole. Les proches accablés se redressent grâce à elle. La parole biblique met debout et tourne vers la vie, en aidant à sortir de sa souffrance. C’est principalement de sa lecture que se nourrit ma foi. J’essaie cependant de prendre un temps chaque matin, lorsque mes enfants et mon mari sont partis, pour prier en silence. J’aimerais pouvoir faire des retraites. Mais cela m’obligerait à prendre sur le temps réservé à ma famille. Il n’est cependant pas impossible que vienne un jour où la prière personnelle tiendra plus de place dans ma vie. ● interview Xavier Accart photos : BRUNO LEVY pour la vie

Les conférences de l’Étoile Le temple de l’Étoile propose des conférences autour de la crise envisagée sous tous ses aspects. Les divers intervenants tenteront de revisiter les lieux de crises en se demandant en quoi ils peuvent être des espaces de renouveau. Les thèmes sont les suivants : 13 octobre : L’identité nationale, mythe ou réalité ?, avec É. Besson, ministre de l’Immigration, P. Peugeot, président de la Cimade, et O. Clochard, docteur en géographie. 21 octobre : Sait-on encore transmettre ?, de F. de Singly. 11 novembre : Amour, désamour, amours, avec J.-C. Kaufmann. 18 novembre : Le salut dans notre assiette ?, avec J. Fricker, nutritionniste. Les conférences, introduites par F. Blondon, commencent à 20 h au temple de l’Étoile, 54, avenue de la Grande-Armée. Celle du 13 octobre nécessite une réservation auprès de : florence.blondon@eretoile.org ●

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mes conseils pour

se nourrir de beauté 1

Cherchez-la dans les Écritures La poésie, la musicalité d’un texte, voilà une dimension à laquelle on ne prête pas toujours attention. Pourtant, elle fait partie de l’expérience de la lecture biblique. J’en ai eu une radicale démonstration la première fois où j’ai entendu le Prologue de Jean en grec. Les différentes traductions de la Bible disponibles ne présentent pas toutes le même intérêt sous cet angle. La Traduction œcuménique de la Bible (TOB), par exemple, a été pensée sous l’angle du sens plus que du son. Je conseillerai ainsi de lire les psaumes dans la traduction « Parole de vie » en français fondamental. Pour le Nouveau Testament, la Bible Osty est bien, ainsi que les quatre Évangiles de sœur Jeanne d’Arc. Généralement, la première Bible Segond est très belle.

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Changez votre regard en contemplant les œuvres d’art J’aime aller dans les musées pour contempler de grandes toiles. Je pense par exemple à cette crucifixion de Fra Angelico conservée au Louvre : Jean, Dominique et la mère de Jésus sont représentés au pied de la croix. J’ai une prédilection pour les primitifs italiens, mais

également pour de grandes toiles contemporaines comme Guernica de Picasso. Ces moments au musée sont importants, car la contemplation de la beauté transforme notre regard. Elle nous permet ensuite de reconnaître le très beau dans le « banal », chez nos frères. Il est bien d’aller dans ces lieux, mais il faut savoir en sortir.

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Vivez la liturgie de tous vos sens La liturgie doit s’adresser à tous les sens. J’aime par exemple mettre du parfum dans le temple, le jour où je commente l’Évangile de la femme adultère. En Arménie, où je me sens comme chez moi, je suis sensible à la beauté des chants liturgiques, même si je ne comprends pas bien ce qu’il se passe pendant les quatre heures que durent les offices. Je suis également sensible à la beauté des églises. Quelquefois nous, protestants, négligeons cette dimension de la beauté pour la fonctionnalité. Je crois également que nous avons un peu exagéré dans notre rapport aux images, car ce ne sont pas les icônes elles-mêmes que l’on adore, mais ce vers quoi elles dirigent. Il y a dans la beauté quelque chose de l’ordre du sacrement : un signe visible de la grâce de Dieu. ●

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un JÉSuite BiBLiSte

mA FiGure spiriTuelle

1924 Naissance à Tours. 1941 Entrée chez les jésuites à Laval. 1948 Départ en Chine. 1954 Ordination à Lyon. 1956 Études à l’Institut biblique

Paul Beauchamp

de Jérusalem, puis à Rome.

1966 Doyen de la faculté jésuite de théologie de Fourvière.

1974 Enseignement au centre Sèvres à Paris.

2001 Décès à Paris.

Paul Beauchamp est issu d’une famille poitevine. Son père s’était recyclé à la Banque de France après avoir été instituteur. La vocation saisit Paul alors qu’il prépare une licence de lettres en hypokhâgne. De passage au monastère bénédictin de Ligugé, il découvre « un monde sauvé ». Il veut donner sa vie au Christ mais, préférant rester au cœur du monde, il choisit le mode de vie jésuite. Il fait son noviciat durant la Seconde Guerre mondiale dans un collège pour moitié occupé par les Allemands. Les événements politiques de l’après-guerre vont l’empêcher de réaliser sa vocation de missionnaire en Chine. Un an après

Lire

cinquante portraits bibliques

Cet ouvrage constitue une bonne introduction à l’œuvre de Paul Beauchamp. Simple sans jamais être simpliste, il nous propose un éclairage personnel et pertinent sur ces personnages bibliques qui peuvent devenir des compagnons de route. Seuil, 21 €.

Testament biblique

Huit textes qui permettent à la fois d’entrer dans la pensée biblique de Paul Beauchamp et d’en mesurer l’intensité et la cohérence. Belle préface de Paul Ricœur. Bayard, 12 €.

psaumes nuit et jour

Pour goûter à la profondeur, entrer dans la musicalité et sentir la dimension anthropologique de ces poèmes bibliques. Seuil, 23,70 €.

l’un et l’Autre Testament

Cet ouvrage est plus exigeant, mais il vaut le détour. L’exploration des récits de création qu’y présente Paul Beauchamp m’a permis de revisiter ces textes et d’y découvrir une vision de l’homme et de Dieu, une relation entre l’homme et Dieu ou la culpabilité n’a plus de place. On n’est pas obligé de tout lire en une seule fois, j’y reviens encore souvent, par touches. Seuil, 35,80 €.

Voir Le premier Livre de la Bible, la Genèse, commenté par Paul Beauchamp, enfin en DVD ! Réalisation : Michel Farin. Coffret deux DVD, le Jour du Seigneur, 29,90 €.

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aLaiN piNOGEs/ciRic

le récit biblique des origines

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à méditer

Ses travaux ont eu une influence considérable sur des générations d’étudiants. À une époque où la méthode historico-­critique montrait ses limites, il a su souligner l’intérêt d’une lecture symbolique renouvelée. Il était persuadé qu’une dynamique d’accomplissement était à l’œuvre dans la Bible : le Christ vient accomplir et dévoiler le sens ultime des Écritures. Ce qui est aussi à l’œuvre à l’intérieur de l’Ancien Testament. Des figures se retrouvent au fil des livres, préparant celles qui les suivront et accomplissant celles qui les ont précédées. J’ai eu la chance de suivre son enseignement. Le fait marquant pour moi est qu’il parvenait à allier une exigence scientifique forte à un grand rayonnement spirituel. ●

Paul Beauchamp « Les Psaumes laissent une large place à l’épreuve. À cause de son caractère extrême, la souffrance du Psalmiste rejoint dans leur racine les moments cruciaux de chaque vie et elle rassemble les traits qui conviennent à la masse immense des plus malheureux. Tout dans ce recueil est “question de vie ou de mort” ».

Psaumes nuit et jour, page 47.

« L’imprévisible est présent dans tout récit. À plus forte raison quand il s’agit des actions de Dieu. Dieu se cache, est-il écrit. On peut dire aussi : “Dieu se déguise”. L’enjeu de l’histoire biblique – Dieu tiendra-t-il sa promesse, et quelle est finalement cette promesse ? –, cet enjeu se risque chaque fois d’une manière qui déjoue l’attente.» Cinquante Portraits bibliques, page 7.

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son arrivée à Pékin en 1948, il doit fuir devant l’avancée des troupes communistes. L’année suivante, il quittera Shanghai, où il a enseigné le latin et le français aux séminaristes jésuites, et finalement la Chine. Sa voie sera l’exégèse, qu’il apprendra à Jérusalem et à Rome.

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ouvert le dimanche Dimanche 25 octobre, 30 e dimanche, on lira quatre textes. Première lecture Livre de Jérémie (Jr 31, 7-9). Psaume 125. Deuxième lecture Lecture de la lettre aux Hébreux, chapitre 5, versets 1 à 6 (He 5, 1-6). L’Évangile selon saint Marc, (Mc 10, 46-52).

l’espÉ rA Psaume 125 Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions

Psaume 125 Ce psaume fait partie d’une collection de cantiques appelés les « psaumes des montées » (Ps 120-134), car ils accompagnaient les pèlerins qui « montaient » à Jérusalem. En effet, pour rejoindre la ville, que l’on vienne de l’est, du sud ou de l’ouest, il faut monter ; mais il s’agit aussi ici d’une élévation spirituelle vers le Seigneur.

Ramena les captifs à Sion Le sens de cette expression est incertain. On pourrait traduire aussi : « quand le Seigneur restaura la situation de Sion ». Dans tous les cas, cette expression évoque le retour des juifs de leur exil à Babylone, à la faveur de l’édit de Cyrus en 538 avant J.-C.

Quelles merveilles Littéralement : le Seigneur « a fait grand ». La même expression se retrouve au verset suivant sous la forme d’une confession de foi du peuple libéré. L’homme est bien petit, mais Dieu a choisi de « faire grand » avec lui.

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comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie. Alors on disait parmi les nations : « Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous

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lire la bible simplement

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Ramène, Seigneur,

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nos captifs, comme les torrents au désert. Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. Il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes.

Ramène Le retour d’exil se fit lentement et avec difficulté (le livre d’Esdras (2, 1) donne la liste des hommes de Juda qui rentrèrent). C’est pourquoi la louange est suivie d’une prière pour que la libération des captifs soit étendue à tous et en tout temps. Ce psaume est un chant d’espérance, souvent entonné par Israël dans les jours d’épreuve, car il concerne tous les prisonniers.

Les torrents au désert En été, les rivières du Néguev sont à sec. Mais lorsqu’il pleut, les oueds enflent brusquement et se réunissent pour former de véritables torrents. Rien ne saurait arrêter leurs eaux impétueuses. De même le psalmiste en appelle-t-il à une force qui dépasse l’homme pour une restauration pleine et entière. Alors, comme le désert irrigué reverdit, le pays reprendra-t-il vie.

Qui sème Les verbes « semer » et « moissonner » rappellent le destin d’Israël : dans les semailles, les grains sont dispersés comme le fut le peuple. À la moisson, les gerbes sont liées comme pourront être rassemblés tous les habitants d’Israël. Plus largement, il s’agit de vivre dans la confiance que les graines minuscules que nous semons, si dérisoires qu’elles paraissent, peuvent porter du fruit. L’apôtre Paul dit : « Qui sème dans l’Esprit récoltera la vie éternelle. » (Ga 6, 8-9).

Retrouvez le commentaire de Christine Renouard en page suivante.

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ouvert le dimanche Un chant de joie qui nous libère par Christine Renouard

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La tonalité de ce court psaume est sans conteste la joie. Elle éclate dans les mots-clés « cris de joie », « merveilles », qui se répètent, se répondent, se relancent de phrase en phrase, soutenant l’élan et rythmant la montée du pèlerin vers Jérusalem. Mais où le psalmiste puise-t-il cette joie ? Son présent n’est-il fait que de moments heureux ? Non, le retour du long exil à Babylone s’est accompagné de nombreuses difficultés : les exilés ne sont pas tous rentrés, il a fallu cohabiter avec ceux qui étaient restés dans le pays, le Temple n’a pas été reconstruit aussi vite qu’on l’espérait… Les mille et un soucis du quotidien ternissent souvent les plus belles pages de nos histoires… Pourtant, malgré ces déceptions, le psalmiste est habité d’une allégresse palpable. Son présent, il le déchiffre à la lumière de l’événement fondateur qu’est le retour d’exil, il puise la joie qui l’habite dans le souvenir de faire partie d’un peuple libéré. Car ainsi se comprend Israël, comme né de l’exode hors d’Égypte et sauvé de l’exil à Babylone. Arraché aux ténèbres de l’esclavage et placé sous le regard de Dieu. Un Dieu qui peut faire sauter tous les verrous, libérer de tous les enfermements.

Christine Renouard de l’Église réformée de France est aumônier des hôpitaux. Elle enseigne l’hébreu biblique à la faculté protestante de théologie de Paris.

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Plonger dans le passé est parfois tentation de la nostalgie, fuite hors du présent. Il n’en est rien ici : si le psalmiste convoque le souvenir encore vif du retour d’exil, c’est pour irriguer le présent et soutenir l’avenir. Il fait fond sur son expérience de libération pour imaginer un avenir à ceux qui sont encore enchaînés, fait revivre la joie pour transcender les larmes. En finale, son chant ouvre un espace où tous les humains peuvent trouver place : c’est là le sens de la dernière image, qui prend la forme d’une sentence de sagesse, hors temps et hors situation, comme une vérité pour tous les âges. La vie ressemble à un éternel va-et-vient entre peines et joies,

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Gianni Dagli Orti/picture desk

pour aller plus loin

une sorte de mouvement perpétuel ? À chacun d’y discerner un sens, une orientation, une direction : des semailles vers les récoltes, du labeur vers le fruit. D’oser risquer jusqu’à ses dernières semences pour une moisson de joie.

Les Hébreux pleurant dans Babylone, psautier de sainte Élisabeth, XIIIe siècle.

Chacun de nous sait dans quelles chaînes il se débat, et quel champ il doit encore moissonner avant d’en récolter les fruits. Mais le psalmiste nous rappelle qu’en haut de l’escalier de nos peines, Dieu nous attend. C’est l’homme qui gravit, degré par degré, la volée de marches qui mène au Temple, les étapes qui conduisent à Dieu, mais c’est Dieu qui le hisse vers lui, le fait revenir. Ce psaume s’offre comme un viatique à ceux qui traversent la vallée des larmes, se fait le compagnon de nos errances et de nos souffrances, nous rejoint dans nos exils : exils loin des autres, loin de Dieu, loin de nous-mêmes parfois. L’instant présent est souvent difficile à déchiffrer, il nous atteint parfois avec une telle violence que nous en sommes comme prisonniers. Il est bon d’insérer, comme le psalmiste, notre présent dans une histoire plus vaste, celle d’une vie libérée, d’ouvrir un horizon à nos jours. ●

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ouvert le dimanche jésus fils de david Dans l’Évangile de ce dimanche, l’aveugle Bartimée demande à Jésus de le guérir, en lui criant : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Mais pourquoi appelle-t-on Jésus « fils de David » ? Texte : Constance de Buor. Illustrations : Martin Jarrie pour La Vie.

David, le roi d’Israël Mille ans avant la naissance de Jésus, David le berger avait réussi à tuer le géant Goliath qui menaçait son peuple. Il devient plus tard roi d’Israël. Avec son armée, il remporte toutes les guerres contre les pays voisins et la paix s’installe dans toute la région. Une nuit, Dieu lui dit qu’Il l’a choisi lui-même comme chef de son peuple et qu’Il le protégera pour toujours. ●

En attendant le Sauveur Dieu dit également que David aura « un successeur dans sa descendance », c’est-à-dire qu’un homme de sa famille deviendra aussi roi. C’est pourquoi le peuple d’Israël, même dans les plus grandes difficultés, a toujours espéré qu’un Sauveur ramènerait la paix et le bonheur. ●

Mais qui est Jésus ? Marie, la mère de Jésus, et Joseph, son père adoptif, viennent tous les deux de la famille de David. L’aveugle Bartimée, dont parle l’Évangile, croit que Jésus est bien le Sauveur qu’il attend. Juste après sa rencontre avec Bartimée, Jésus sera d’ailleurs acclamé par une foule à Jérusalem et accueilli comme un roi. Mais il dira lui-même cette parole mystérieuse : « Ma royauté ne vient pas de ce monde. » En effet, il n’est pas un roi comme les autres, puisqu’Il est le fils de Dieu. ●

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AVEC LES enfants

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LA CHRONIQUE Du poète

philippe Mac Leod

L’autre monde L’éternité n’est pas pour demain, elle est la clé de notre vie présente, d’une finesse extrême, qui d’un tour, sans bruit, l’ouvre à sa pleine dimension. L’autre monde surgit de celui-ci qui le façonne, comme à l’intérieur d’un œuf. C’est par la terre qu’on rejoint le ciel. Elle nous élève, nous soulève. Elle nous enseigne même, en puisant dans ses innombrables paraboles, mais pour un fruit qui mûrit dans un espace et une lumière qui la dépassent infiniment. Tout m’appelle, tout autour de moi devient signes, signes visibles d’une réalité toujours plus loin, plus secrète, plus intérieure...

plus concevoir la vie éternelle à la manière d’une récompense bien méritée. Commençons par rejoindre en nous ce qui déjà ne nous parle que de lumière, cessons surtout d’y projeter nos modèles domestiques, pour traverser la mort comme nous aurons traversé la vie, avec le seul désir de Dieu, sans rien emporter, en laissant tout derrière nous, et ne considérant que cette incomparable

« Me perdre, me distendre, m’oublier, voilà l’autre monde »

À quoi ressemblerait l’espérance si elle n’était que désir de continuité, refus de partir, si elle se dérobait à cette force d’ar rachement, de dépassement qui ne cesse de nous travailler, en prenant appui sur chaque aujourd’hui ? On ne peut

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Anne-LiseLarge

La vie qui s’écoule ne nous présente pas seulement l’image d’un passage, d’une traversée, elle est le lieu même du secret, sa résonance, dont nous devinons à peine le fin mot, dans un murmure intermittent. L’éternité à laquelle j’aspire agit en moi à la manière d’un ferment, jusqu’à l’éclatement de mon enveloppe provisoire. Me perdre, me distendre, m’oublier, voilà l’autre monde, car on ne peut s’abîmer que dans un plus grand que soi. Il faut d’abord avoir ce goût-là, cette soif des lointains, pour rendre vie à un ailleurs qui deviendra une véritable passion.

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Philippe Mac Leod

Le paradis ? Plus qu’en nous, il est nous-mêmes. Ou plutôt, ce pour quoi nous sommes faits. Une plénitude à laquelle nous aspirons par un désir imprimé au plus clair de notre cœur, au plus tendre du noyau qui nourrit un autre jour, en nous mais comme séparé par un degré infranchissable, une différence d’échelle infime et cependant insurmontable. On y entrera en se délestant, grâce à la transparence d’âme que notre existence nous aura permis de développer. Le reste tombera comme une vieille peau, une gangue devenue inutile, l’enveloppe sèche qui libère le fruit mûr d’une vie longtemps cachée, comme si l’espace de notre cœur, soudain, devenait tout l’horizon... Joie d’être en Dieu – de passer en Dieu – dans une lumière qui me transforme à mesure qu’elle m’absorbe... Nous la rejoindrons comme par enfantement, par une vie qu’il

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dignité humaine qui tient à sa position unique dans la splendeur de la Création.

est écrivain, il a publié plusieurs recueils de poésie. Son dernier ouvrage, l’Infini en toute vie, est paru aux éditions Ad Solem. lachronique@lavie nous faut porter jour après jour à son terme... Quel chemin parcouru depuis les balbutiements de l’homme ! En même temps que ses premiers pas sur la terre naissait la lueur timide du mystère, sous une peau qui le distinguait à peine de l’animal, alors qu’en lui le monde résonnait, l’espace se creusait, libérant une clarté grandissante qui continue de croître à travers notre intériorité présente. C’est par cette découverte d’un être unique, inaliénable, qui s’impose comme un absolu par son caractère indépassable, que Dieu se manifeste encore aujourd’hui, dans un ciel intérieur sans bord ni fond, une transparence infinie dont l’éternité devient le lumineux aboutissement... ●

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7e Biennale d’Art Sacré Actuel

“par le Fils” du 24 septembre au 19 décembre 2009 25 rue René Leynaud, 69001 Lyon Entrée par le passage Mermet au milieu des escaliers entre la rue Burdeau et la rue René Leynaud

Ouverture jeudi, vendredi, samedi, de 15h à 18h 04 72 40 98 20 / 04 72 98 36 43 confluences.beau@orange.fr

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