L’interventions artistiques en entreprises

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L’INTERVENTIONS ARTISTIQUES EN ENTREPRISES. M A H D I

N A I M


Hello! comprendre comment les interventions artistiques au sein des entreprises peuvent permettre à l'art d'enrichir le management. Nous définissons une intervention artistique comme le fait de faire venir dans les organisations, depuis le monde des arts, des personnes, des produits et des pratiques. Nous observons que les apports de l'art au management interviennent à différents niveaux : celui de l'individu, sur le plan du développement personnel, ou celui du groupe de travail, sur le plan de la cohésion d’équipe.

« L’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme » André Malraux

A ces deux niveaux, les apports de l'art sur le plan individuel supposent des dispositifs divers qui consistent pour l'artiste tantôt de faire avec les participants, tantôt de faire pour les participants ou les organisations, et tantôt enfin de faire faire par les participants.


Art Et Management Le management peut-être défini comme l’ensemble des méthodes d’organisation et de gestion rationnelle employées dans la direction d’une entreprise. Cependant, il peut également être défini, par métonymie, comme l’ensemble des personnes qui élaborent la politique et l’administration de l’entreprise (on parle par exemple de « top management » pour désigner les dirigeants situés au sommet de la hiérarchie d’une entreprise et qui en sont responsables). Une première ambivalence de la notion de management apparaît dès à présent: le management désigne à la fois l’ensemble des techniques de planification, d’organisation, de direction et de contrôle mises en œuvre dans une organisation afin qu’elle atteigne ses objectifs et l’ensemble des personnes responsables d’une entreprise ou d’une organisation, c’est-à-dire les cadres ou les dirigeants.

L’art est une notion encore plus difficile à définir que le management et de nombreux théoriciens, depuis l’Antiquité, se sont prêtés à l’exercice. L’art peut toutefois être approché comme l’expression d’une subjectivité capable de revêtir de multiples formes. Les disciplines considérées comme artistiques n’ont cessé de varier à travers les siècles. Nous pouvons considérer qu’aujourd’hui les formes d’art se répartissent en quatre grandes catégories : • Arts plastiques : peinture, sculpture, photographie ; 
 • Arts du spectacle : théâtre, danse, cinéma ; 
 • Musique ; 
 • Arts « écrits » : littérature, poésie, bande-dessinée.


Ainsi définis, les mondes de l’art et le monde du management semblent être radicalement opposés : alors que le premier renvoie aux sensations, aux émotions et aux formes, le second se caractérise par la rationalité, la logique et le discours. Les mondes de l’art et du management se rencontrent et coopèrent néanmoins depuis longtemps


Les interventions artistiques une intervention artistique consiste à faire venir dans les organisations, depuis le monde des arts, des personnes, des produits, des pratiques. Il y a donc une multiplicité de manières de faire rentrer l’art dans les organisations. Comme nous l’avons écrit précédemment, certaines, très traditionnelles, existent depuis longtemps, comme l’introduction d’œuvres d’art dans les locaux d’une entreprise dans une visée décorative ou à des fins de mécénat. Cependant, lors d’une intervention artistique, ce ne sont plus seulement les œuvres d’arts qui pénètrent les organisations mais les artistes euxmêmes


Le monde de l’art, miroir du monde de l’entreprise "Tous les arts sont comme des miroirs où l'homme connaît et reconnaît quelque chose de lui-même qu’il ignorait." (Alain) Le monde de l’art et celui de l’entreprise sont en apparence deux mondes antinomiques. Tout semble les opposer : l’art est du côté de la sensibilité et de l’émotion alors que le management est du côté de la rationalité et de l’organisation. De plus, le monde de l’entreprise est du côté de l’argent alors que le monde de l’art est souvent désintéressé. ces deux mondes sont profondément différents


les points de conflit entre art et management sont multiples : la créativité, la sensibilité et le plaisir contre le rationalisme, l’art pur et hors de prix face au capitalisme, le sacré et le gratuit face à l’utilitarisme, l’autonomie face à l’hétéronomie, l’aristocratie face à la méritocratie. Elle explique dans son essai Artistes versus Managers que ces différences s’expliquent par leur origine : la critique artiste moderne est héritière de la représentation romantique de l’art du XVIIIème siècle alors que le management est héritier d’une société industrielle capitaliste dont l’incarnation est le bourgeois. La critique artiste de la modernité « prend appui sur la représentation romantique de l’art et des artistes qui s’impose au même moment et porte un regard distancié et négatif sur la société industrielle, capitaliste et bourgeoise, née elle aussi des deux révolutions, l’industrielle et la démocratique


Cependant, ces deux mondes ne sont pas si opposés qu’on pourrait le penser de prime abord : « Ceux qui seraient tentés d’opposer l’univers pur, idéaliste, éminemment subjectif de l’art à celui de la jungle implacable de l’entreprise et du marché, régi par des lois objectives, celle du temps et de l’argent, font fausse route. Aussi réducteurs l’un que l’autre, ces deux préjugés ont la vie dure et véhiculent auprès du grand public l’idée que le monde de l’art et celui de l’entreprise seraient incompatibles par nature ». Il y a en effet de nombreuses similitudes entre ces deux sphères apparemment incompatibles.


L’EXISTENCE D’UN MARCHÉ DE L’ART Tout comme les entreprises sont positionnées sur un marché particulier, l’art a son propre marché, doté de toutes les caractéristiques classiques d’un marché au sens économique du terme. Alban-Lionel Sarvonat, fondateur et dirigeant de Culture & Sens, établit un parallèle entre le monde de l’art et le monde de l’entreprise en évoquant l’existence d’un marché de l’art lors de son interview : « Les artistes sont des entrepreneurs, des chefs de PME, ils sont maîtres de leur carrière. Il y a une vision romantique de l’art mais aussi le marché de l’art. Ces personnes gèrent leur petite entreprise et sont sur un marché composé d’acheteurs, de galeristes... Les artistes ne sont pas tout seul : il y a de la concurrence. Il faut qu’ils sachent comment se positionner » Le marché de l’art peut même être considéré comme un modèle de marché

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ANALOGIE ENTRE L’ŒUVRE D’ART ET LA MARQUE L’œuvre d’art ainsi que son géniteur, l’artiste, peuvent être rapprochés d’une notion primordiale du monde de l’entreprise : la marque. Même si cette comparaison peut s’avérer choquante de prime abord, il n’en reste pas moins que les points communs sont nombreux : «Les analogies entre les problématiques purement artistiques – avec les galeristes, les critiques et les historiens d’art, les commissaires d’exposition – et celles des marques – avec leurs intermédiaires, créatifs publicitaires, directeurs marketing, agences hors médias, leaders d’opinion et autres « préconisateurs » - sont bien plus nombreuses qu’il n’y paraît ». Le processus de création d’une œuvre d’art et celui d’une marque est identique :
 « Dans les deux cas, le processus même de création est le même. Il s’agit de faire naître de la valeur incorporelle ».


Artiste et manager, entre alter modèles et alter egos « l’artiste est un manager et le manager doit être un artiste. ». L’artiste et le manager peuvent s’apporter beaucoup l’un à l’autre, ils sont une source mutuelle d’inspiration l’un pour l’autre. Le manager des « temps modernes », renouvellement de la figure du manager traditionnel, doit puiser dans la dimension sensible et « irrationnelle » de l’artiste pour être en phase avec son temps : « Flexible, autonome, en posture d’hyperconcurrence individuelle, créatif par nécessité, le manager d’aujourd’hui s’est approprié des caractères réservés jusqu’ici aux... artistes» Inversement, l’artiste doit s’inspirer de la rationalité et de l’organisation du manager en ce qu’il se doit d’être gestionnaire pour que son activité soit florissante. Si le rapprochement de l’artiste au manager a toujours existé – l’artiste ayant toujours dû être en partie gestionnaire – le rapprochement du manager à l’artiste n’est que très récent et provient de la redéfinition de la figure du manager. C’est parce qu’ils ont de nombreux points communs qu’ils peuvent désormais s’identifier l’un à l’autre et dialoguer l’un avec l’autre.


L’artiste, source d’inspiration du manager Une des critiques qui est faite aux managers est qu’ils sont beaucoup trop gestionnaires et que cela les prive d’une partie de leur liberté. Selon Didier Saulnier, « le manager est trop gestionnaire aujourd’hui [...] Il faut apprendre à désapprendre. On souffre des processus : le processus sécurise mais ne fait pas avancer. Il n’y a pas d’espace pour l’innovation ». Christian Mayeur, fondateur et président d’Entrepart et auteur du Manager à l’écoute de l’artiste, a comparé lors de son interview la figure du manager à un Janus à deux visages : « Le manager est un Janus à deux visages : il est moitié gestionnaire, moitié entrepreneur. L’artiste ne peut pas apporter grand-chose à son visage gestionnaire, mais l’artiste peut apprendre beaucoup à sa partie entrepreneur. [...] Un manager peut ne développer que son côté gestionnaire et oublier qu’il doit être aussi entrepreneur. ». C’est donc pour aller au-delà de sa simple dimension gestionnaire que le manager doit prendre exemple sur l’artiste : « Un manager doit ajouter aux qualités de gestionnaire les qualités de prise de risque et d’innovation. » (Didier Saulnier).


Le manager, source d’inspiration de l’artiste Malgré la conception romantique de l’artiste qui prévaut dans les représentations collectives, l’artiste a toujours dû être en partie gestionnaire : « Nous cultivons sciemment une conception démiurgique et géniale de l’art et nous l’opposons donc à toute gestion organisée ou rationnelle ». Afin de produire ses œuvres d’art et de les faire valoir auprès du grand public, l’artiste doit faire preuve d’organisation. C’est en cela qu’il se rapproche du manager traditionnel. La dimension gestionnaire de l’artiste apparaît particulièrement bien dans la figure du chef d’atelier aux XVème et XVIème siècles : « Directeur d’un atelier, l’artiste délègue les tâches et hiérarchise les fonctions. Un vrai parangon du manager traditionnel, pyramidal et autoritaire qui conjugue savamment optimisation des moyens, management par objectif et formation continue ». Les entrepreneurs effectue de manière assez systématique ce rapprochement entre l’artiste et le manager-gestionnaire en insistant sur les détails pratiques du quotidien : « L’artiste doit lui aussi gérer ses ressources (temps, peinture, ...) et doit connaître des techniques » Ou :
 « L’artiste ressemble au manager : il doit faire preuve d’organisation, apprendre et fonctionne avec un budget».


Degré De Participation Des Artistes LA DOUBLE PARTICIPATION DES ARTISTES ET D E S M A N A GER S Dans cette première configuration, les managers ou les salariés interagissent avec les artistes : ils participent activement durant les interventions artistiques d’une façon ou d’une autre. Cette interaction est souvent soulignée et revendiquée par les entrepreneurs : « C’est une formation qui n’est pas descendante mais interactive. »

Il faut toutefois établir une distinction au sein-même de cette première configuration. Il est important de distinguer les interventions artistiques, au cours desquelles les participants pratiquent une forme d’art, de celles durant lesquelles les participants ne se livrent pas à une pratique artistique mais où l’art est quand même le support.


PRATI QU E D’U NE FOR M E D’ ART PAR LES PARTICIPANTS

Certains participants se sont focalisés sur une seule forme d’art bien définie pour leurs interventions artistiques comme Aude Diano qui a spécialisé son entreprise dans l’improvisation, composante du théâtre, ou Anne DécoretAhiha, fondatrice d’ADEA, qui s’est spécialisée dans les « arts du mouvement »: « J’utilise les gestes et les mouvements dansés » .
 D’autres, en revanche, restent plutôt larges dans la définition des formes d’art qu’ils utilisent. Cela concerne principalement ceux qui utilisent des formes d’arts plastiques. Ghita Benkirane, fondatrice d’Art & Management, utilise plusieurs disciplines des arts plastiques :

« J’utilise beaucoup de collages. Le collage est beaucoup plus facile que la peinture : il met tout le monde au même niveau. J’utilise aussi le story-telling. En individuel, j’utilise la figure du mandala. ».


A B S E N C E D E P R AT I Q U E A R T I S T I Q U E PA R L E S PA R T I C I PA N T S

Il s’agit des Ateliers du regard, de Culture & Sens et de Forme d’art. Comment cela est- il possible ? Dans ces formes d’interventions artistiques, les artistes s’appuient sur des œuvres d’art déjà existantes ou sur des notions artistiques pour faire interagir les participants. Concernant Les Ateliers du regard par exemple, Sophie Bellier, en charge du développement de l’entreprise, nous a expliqué comment se déroulaient les interventions artistiques :

« Le mieux est d’être dans le musée. On est un groupe de 10/12 personnes. On les amène à la rencontre des tableaux. Le but est d’aborder l’œuvre par l’observation puis par la connaissance. [...] On reste dans le musée pendant une heure et demie et on met en place une démarche esthétique très précise. Le conférencier amène le groupe à prendre la parole, à en décomplexer certains. C’est une démarche participative qui s’appuie sur l’observation. ».


LA PARTICIPATION EXCLUSIVE DE L’ARTISTE Dans cette configuration, l’artiste est seul au centre de l’intervention.

Comment cela se matérialise-t-il concrètement? L’artiste se rend au sein d’une organisation et se livre à un travail d’observation de la structure dans son ensemble, de ses salariés, de ses managers, de son fonctionnement général. Il livre ensuite sa vision d’artiste sur ses observations, sous une forme artistique qui peut éventuellement être une œuvre d’art. L’observation est donc primordiale dans cette forme d’intervention artistique. Les artistes doivent pouvoir s’imprégner complètement de la structure au sein de laquelle ils vont s’imerger : .

« L’art a son rôle à jouer à deux niveaux : repérer ce qu’il se passe et inventer. Tout d’abord, il faut repérer ce qu’il se passe : la manière d’articuler productif et constructif est spécifique à chaque organisation. Nous avons appelé cela la « molécule de la co-création » Chaque entreprise a sa propre molécule. Pour la repérer, si on passe par les formes standardisées de l’observation de l’entretien, de la gestion des compétences, on passe à côté de cette articulation. On pourrait même parler de l’inconscient collectif. L’art peut être très bon pour faire émerger l’implicite tout en le laissant implicite. C’est une boucle explicitation de l’implicite en revenant à l’implicite. L’art a un super rôle pour repérer. Puis, une fois que l’on a pris conscience de cela, que fait-on ? Il faut alors inventer ».


t c a p m i ’ l e d e r t è m i r é p Le s n o i t n e v r e t n i s de artistiques

Les interventions artistiques n’impactent pas les organisations à la même échelle. Quelle est la portée des interventions artistiques au sein des organisations ? Nous pouvons déterminer trois niveaux différents d’impact des interventions artistiques

LES TERRITOIRES IMPACTÉS DE L’ORGANISATION VARIENT GRANDEMENT D’UNE INTERVENTION À L’AUTRE. NOUS EN AVONS DISTINGUÉ TROIS QUI VONT CROISSANTS DANS LEUR PÉRIMÈTRE : L’INDIVIDU, LE GROUPE ET L’ORGANISATION DANS SON ENSEMBLE


La créativité

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Ainsi que nous l’avons vu dans la première partie, l’art est une discipline qui est par essence créative et les managers des temps modernes ont de plus en plus la nécessité de faire preuve de créativité dans leur vie professionnelle. Les interventions artistiques au sein des organisations sont un excellent moyen de stimuler la créativité chez les managers et même chez les salariés. Cet axe d’amélioration est une des visées de beaucoup des interventions artistiques


La stratégie ou la “vision” de l’organisation

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Qu’est-ce que les interventions artistiques peuvent apporter à la stratégie des organisations ? Elles permettent aux organisations de bénéf icier de cette vision des artistes sur elles-mêmes, ce reflet ou ce miroir passé par le prisme de leur sensibilité artistique. L’art a un formidable pouvoir réflecteur« La représentation artistique fait écho au monde contemporain ». Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’ausculter le monde mais plutôt une organisation qui peut être considérée comme un microcosme. L’artiste fait alors le même travail qu’un consultant : il aide les entreprises à évoluer en leur fournissant un regard externe. Sa vision n’est pas objective et rationnelle comme celle des consultants en stratégie mais elle est totalement subjective et sensible. L’artiste n’analyse pas des données financières ou comptables de l’entreprise, des documents tangibles et matériels, comme auraient tendance à le faire les consultants « traditionnels », mais il saisit, perçoit puis restitue tout ce qui est de l’ordre de l’intangible et du culturel dans l’organisation. ,


— CONCLUSION

‘‘Les interventions artistiques peuvent donc être distinguées selon trois critères : la participation des managers et des artistes, le périmètre de leur impact et la nature de leurs apports. Il nous est apparu que ces trois critères de distinction peuvent se recouper entre eux de façon à dessiner deux grandes catégories d’interventions artistiques: – Lorsque les interventions artistiques impliquent une participation des managers et des artistes, elles impactent les individus ou les équipes de l’organisation et permettent d’améliorer toutes les composantes du développement personnel et la cohésion d’équipe. Dans ce cas, l’art est un simple outil qui permet d’atteindre une autre finalité : le développement personnel ou la cohésion d’équipe. Le but n’est pas que les managers deviennent des artistes mais de leur apporter quelque chose grâce au détour artistique


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