Andreas Maurer
L’abc de l’islam Revu et augmenté
Titre original en anglais: Ask your muslim friend Š 2008 by Andreas Maurer Original publiÊ en 2008 par: AcadSA Publishing PO Box 12322 Edleen, Kempton Park, 1625 Afrique du Sud
Les textes bibliques sont tirÊs de la version Segond 21 Les citations du Coran sont tirÊes du Saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets, traduit par le Professeur Muhammad Hamidullah et ÊditÊ par le Complexe du Roi Fahd en 1990 Traduction et adaptation française: Roger FoehrlÊ, Olivia Festal
Š et Êdition: Ourania, 2008, 2013 Case postale 128 CH-1032 Romanel-sur-Lausanne info@ourania.ch www.ourania.ch Tous droits rÊservÊs ,6%1 pGLWLRQ LPSULPpH ,6%1 IRUPDW HSXE ,6%1 IRUPDW SGI
Table des matières
Remerciements ......................................................................00007 Remarques introductives ........................................................ 0009 Préface ................................................................................... 0011 Introduction ............................................................................. 013 1ère partie La doctrine de l’islam ..............................................................
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01. L’histoire de l’islam ........................................................... 02. L’expansion de l’islam à travers le monde ........................ 03. Le Coran ........................................................................... 04. La tradition ........................................................................ 05. La loi islamique (charia) .................................................... 06. La doctrine et les obligations de l’islam ............................ 07. Les différents groupes islamiques .................................... 8. Culture, us et coutumes ...................................................
0023 0 47 0065 075 0083 091 109 135
2 e partie Objections de l’islam, réponses de la Bible ............................
145
9. Objections de l’islam au sujet de la Bible ......................... 10. Objections de l’islam au sujet de Jésus ............................ 11. Objections de l’islam au sujet de la doctrinne chrétienne ... 12. Autres objections de l’islam ..............................................
149 161 173 191
3 e partie Rencontres avec les musulmans ............................................
199
13. Le chrétien face au défi de l’islam .................................... 14. Conseils pratiques ............................................................
203 211
15. Expliquer l’Evangile aux musulmans ................................ 16. Ebauches d’études bibliques ............................................ 17. Evangéliser les musulmans en tant qu’église ................... 18. La conversion ................................................................... 19. Les enjeux politiques ........................................................ 20. Les enjeux sociaux ...........................................................
225 233 241 249 257 265
Conclusion .............................................................................. 0273 Bibliographie ........................................................................... 277 Lexique ................................................................................... 285
Préface
L’histoire des relations entre l’Occident chrétien et le monde musulman est depuis longtemps empreinte d’incompréhension, de méfiance, d’intolérance et de violences mutuelles. Aujourd’hui, le climat entre les deux grands monothéismes n’est guère différent. Par contre, ce qui a radicalement changé, c’est la proximité physique qui existe souvent entre «chrétiens» et «musulmans». Alors qu’il y a un siècle seulement, le monde se divisait en régions à majorité religieuse assez nette – la France était un pays «chrétien», l’Algérie une terre «musulmane» – une multitude de raisons font que les choses ne sont plus aussi claires de nos jours. Et comme cela est apparu ces dernières années, ce qui était provisoire a pris un tour définitif. Celui qui était «l’immigré» s’est attaché à son nouveau pays et désire souvent en devenir citoyen à part entière. Mais en s’installant en Europe, il a ramené au cœur de l’actualité la vieille question de savoir si «chrétiens» et «musulmans» peuvent vraiment partager les mêmes droits sur la même terre. Face à cette question de nature politico-religieuse, l’Eglise a quelques recommandations pertinentes à faire. D’abord celle de témoigner de la bienveillance envers l’étranger, quelle que soit sa religion. Ensuite, celle d’assurer à chacun la liberté d’exercer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune. Mais le rôle de l’Eglise ne se cantonne pas à demander le respect des droits de la personne. Elle vit, sert et parle afin que chacun, sans considération de religion, puisse rencontrer Celui dont la présence réelle et la bénédiction changent tout. C’est pour cela que le livre que vous tenez entre vos mains est si important. Son auteur affirme en effet qu’il n’y a de salut pour les
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musulmans qu’en Jésus. C’est donc la vie de Jésus, répandue en nous, que nous devons partager avec eux. Mais ce livre ajoute à ce rappel fondamental la connaissance et les outils nécessaires pour que vous soyez en mesure de le faire effectivement. Si vous abordez le monde musulman sans repères précis, vous trouverez en première partie un rapide survol de l’histoire de l’islam, de ses origines arabes à sa diffusion dans le monde. Vous recevrez également réponse à nombre de questions que vous pouvez vous poser sur la formation du Coran et de la charia. De plus, vous apprendrez ce qui distingue sunnites et chiites et ce que sont les groupes musulmans les plus importants. Si votre préoccupation actuelle est de mieux comprendre les objections que les musulmans font à votre témoignage chrétien, la partie consacrée aux réponses à leur donner vous sera très utile. Enfin, si vous vous demandez comment entrer en contact avec les musulmans et si vous désirez savoir ce qui est à faire et à éviter pour partager le message de l’Evangile avec eux, vous trouverez en troisième partie d’excellentes recommandations pratiques. Mais l’aspect le plus important de cet ouvrage tient à la méthode qu’il propose. Plutôt que de vouloir approcher les musulmans comme s’il s’agissait de les convaincre de la supériorité de l’Evangile, Andreas Maurer suggère de régulièrement leur poser des questions sur leur religion. En les amenant ainsi à réfléchir aux «pourquoi» de leur foi, vous les disposerez à accueillir votre témoignage. En prenant la peine de les écouter, vous comprendrez mieux comment leur présenter Jésus. Puis, en priant, vous pourrez les confier au Seigneur pour qu’il achève ce qu’il aura lui-même commencé en eux. Alors, vous le constaterez encore et encore: Jésus touche, convainc et sauve des musulmans aussi… Christian Bibollet, octobre 2008 Groupe de travail sur l’islam, Réseau Evangélique
Introduction
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Etats musulmans se sont progressivement hissés au rang de puissantes entités politiques et religieuses. Suite à un mouvement de migration sans précédent, de nombreux habitants des pays occidentaux ont aujourd’hui des musulmans pour voisins directs. En outre, certains événements tragiques survenus ces dernières années, comme les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et la multitude d’actes terroristes commis à travers le monde, ont projeté l’islam au premier plan de la scène internationale et suscité de nombreuses questions à son sujet. Il est désormais clair pour tous qu’il ne s’agit pas d’une religion au sens usuel du terme, à savoir une conviction religieuse purement personnelle. En effet, l’islam en tant que religion se considère comme étant au-dessus des hommes et des peuples et régissant tous les domaines de la vie: la foi, les mœurs, le droit, l’ordre civil, l’art, l’éducation, l’économie et la politique. Il est donc important que nous comprenions ce qu’est l’islam et ce qui motive ses attaques souvent virulentes contre les fondements de la foi biblique. C’est à cela que veut nous aider cet ouvrage. Nous verrons aussi de quelle manière nous pouvons, en tant que chrétiens, gagner la confiance de nos voisins musulmans, leur témoigner l’amour de Christ et les aider à revoir leurs perceptions souvent étranges concernant la foi chrétienne. Ce livre a été rédigé de manière à être compréhensible et abordable pour tous. Les lecteurs qui souhaitent approfondir davantage le sujet pourront consulter les ouvrages recommandés dans la bibliographie. Voici quatre points essentiels à considérer avant d’en entreprendre la lecture:
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L’abc de l’islam. Revu et augmenté
1. Ce livre présente les bases de l’islam et la façon dont il est pratiqué par les musulmans. Il est probable que, lorsque vous l’aurez lu, vous en sachiez plus que la moyenne des musulmans. Notre but n’est cependant pas de les corriger dans leurs croyances, mais de nous intéresser véritablement à ce qu’ils pourront nous expliquer à ce sujet. 2. Les informations transmises ci-après, qui seront peut-être en contradiction avec les affirmations des musulmans, nous aideront à mieux distinguer entre la réalité et l’idéal de l’islam. 3. Nous serons ainsi davantage en mesure de poser les questions susceptibles de faire réfléchir nos amis musulmans quant à leur relation avec le Créateur. Au lieu de leur apporter des réponses immédiates, amenons-les plutôt à s’interroger et à chercher des réponses eux-mêmes. 4. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons partager notre foi avec eux et leur expliquer ce que la Bible enseigne. Voici, pour illustrer ces quelques points, deux exemples de conversation entre un musulman et un chrétien:
Conversation 1 Le musulman: Je dois prier cinq fois par jour pour être un bon musulman! Le chrétien: Voilà qui est intéressant! Auriez-vous la gentillesse de me montrer où il est écrit que vous devez priez cinq fois par jour? Le musulman: C’est écrit dans le Coran! Le chrétien: J’aimerais bien le lire moi-même. Pourriez-vous me donner la référence? Le musulman: Je dois d’abord la trouver! (Après un certain temps) Le musulman: Voici quelques passages du Coran sur la prière… (Notons que nulle part dans le Coran il n’est indiqué que les musulmans doivent prier cinq fois par jour. Nous pouvons le faire remarquer, mais avec douceur et sans ridiculiser notre interlocuteur.)
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Introduction
Le chrétien:
Merci de m’avoir montré ces passages du Coran. Puis-je vous montrer ce que la Bible dit au sujet de la prière?
Conversation 2 Le chrétien:
Pouvez-vous me raconter comment vous êtes devenu musulman? Le musulman: Eh bien, je suis né en Arabie saoudite! Le chrétien: Donc si vous étiez né au Japon, vous seriez bouddhiste? Cette question amène souvent une discussion intéressante, qui peut se terminer ainsi: Le musulman: Comment êtes-vous devenu chrétien?
Le but de ce livre est d’équiper les chrétiens pour qu’ils puissent rendre un témoignage plus efficace auprès des musulmans en: • gagnant plus d’assurance et en rejetant la crainte, les préjugés et les mauvaises attitudes dans leur contact avec les musulmans qu’ils côtoient; • apprenant à poser aux musulmans les bonnes questions pour les faire réfléchir sur ce qu’ils croient; • apprenant à faire la différence entre l’idéal religieux et la pratique quotidienne de l’islam; • devenant capables d’apporter des réponses pertinentes aux objections de l’islam; • apprenant à partager l’Evangile avec des personnes dont les convictions religieuses sont diamétralement opposées aux leurs. Je suis convaincu, et j’en ai fait l’expérience, qu’une des meilleures manières d’annoncer la bonne nouvelle du salut aux musulmans est de leur poser des questions intelligentes. Mais cela suppose une véritable connaissance de l’islam d’une part et de la Bible d’autre part.
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L’abc de l’islam. Revu et augmenté
Remarques Si nous préconisons de poser des questions à nos amis musulmans, ce n’est pas pour les mettre dans l’embarras (ils ne connaîtront probablement pas toutes les réponses) ni pour les provoquer, mais bien plutôt pour agir selon le modèle dicté par l’amour chrétien et susciter des échanges de vues profonds et une réflexion véritable1. Chaque situation est unique. Il convient donc de choisir avec sagesse les questions à poser. Celles qui sont proposées dans ce livre ne peuvent s’appliquer à tous les cas de figure. Très souvent, il vaudra mieux poser simplement la question «passe-partout»: «Que pensez-vous à ce sujet?» et réserver les questions plus spécifiques pour le moment opportun. Il y a évidemment d’autres façons que celle-ci d’entrer en contact avec les musulmans. On peut notamment expliquer l’Evangile de façon directe, sans passer par des questions. En toutes choses, cependant, l’essentiel est de soumettre notre cœur au Saint-Esprit afin d’agir en conformité avec la volonté de Dieu. Ce livre est divisé en trois parties. La première est une introduction aux fondements de l’islam. La deuxième nous permettra d’identifier les objections les plus communes de l’islam à la foi chrétienne et de considérer les réponses qu’y apporte la Bible. Enfin, la troisième se veut un guide pratique pour les chrétiens qui entrent en contact avec des musulmans et qui désirent construire avec eux une relation basée sur la confiance et la durée.
1
Voir chapitres 13 et 14.
1ère partie
La doctrine de l’islam
Introduction
Dans cette partie, nous parlerons: 1. de la naissance et de l’expansion de l’islam; 2. de la vie de Mahomet, prophète de l’islam; 3. de l’importance du Coran, livre saint de l’islam; 4. de la doctrine de l’islam et de ses différentes branches; 5. d’autres sujets relatifs à l’islam comme, par exemple, la place de la femme ou les différentes fêtes et traditions.
Pour un dialogue efficace avec les musulmans, il est important de bien comprendre leur manière de vivre et leur mentalité. Pour cette raison, il est recommandé aux chrétiens engagés de commencer par s’informer sur l’islam. Les clichés les plus répandus sont souvent basés sur de fausses informations qui véhiculent la peur au lieu de favoriser le témoignage. La présentation retenue ici correspond davantage à la vision de l’islam des sunnites orthodoxes. Cependant, la doctrine peut varier selon les différents groupes islamiques.1 Il est donc recommandé d’interroger directement les musulmans sur les croyances qui leur sont propres. Il est par ailleurs impossible d’étudier l’islam sans utiliser diverses expressions arabes, mais celles-ci sont expliquées soit dans le texte même, soit dans le lexique en fin d’ouvrage. 1
Voir chapitre 7.
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Vécu Un jour, je suis allé dans une mosquée en Afrique et j’ai demandé aux gens qui se trouvaient là en quoi ils croyaient. Ils m’ont raconté plusieurs histoires du Coran et m’ont dit notamment que Jésus, quoique ayant été crucifié, n’est pas mort, mais a simplement perdu connaissance. «Mais c’est le contraire de la foi sunnite», leur ai-je dit. Ils m’ont répondu qu’ils étaient des ahmadiyyas et qu’ils en savaient donc davantage que les sunnites. Ils m’ont montré un Coran dans leur propre traduction et comprenant leurs commentaires doctrinaux, en insistant bien sur le fait qu’ils étaient, eux, les «vrais» musulmans.
A retenir • Ne prétendons pas savoir ce que les musulmans croient. Interrogeons-les individuellement. • Il existe de nombreux groupes musulmans différents et chacun d’eux pense qu’il représente l’islam véritable.
1 L’histoire de l’islam
L’islam est né dans la péninsule arabique.1 C’est là qu’a vécu Mahomet, le prophète de l’islam. Les villes de La Mecque et de Médine jouent un rôle de première importance dans l’histoire de l’islam. On sait toutefois peu de choses sur l’Arabie préislamique, car tous les documents de valeur concernant cette période ont été détruits à l’époque de l’islam primitif. Ce qui nous est connu aujourd’hui relève de la légende et il convient donc de considérer ces traditions avec un regard critique.
Pourquoi est-il important d’étudier l’histoire? Cette histoire est-elle vraie? Quand Mahomet a fui de La Mecque à Médine, il s’est caché dans une petite grotte pour échapper à ses ennemis. C’est alors qu’une araignée a tissé sa toile à l’entrée de cette grotte. Quand les hommes qui étaient à sa recherche ont vu cette toile d’araignée juste à l’entrée, ils se sont dit entre eux: «Il ne peut pas s’être caché ici!» Ils ont donc poursuivi leur chemin. N’estil pas merveilleux de voir qu’Allah a protégé son prophète? Raconté par un musulman
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De nombreux musulmans ne sont pas d’accord avec cette affirmation et pensent qu’Adam était le premier musulman.
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L’Arabie avant Mahomet La civilisation tribale des Arabes L’époque qui précède Mahomet (jusqu’en 570 apr. J.-C.) est appelée par les musulmans comme «l’ère de l’ignorance» (al-Jahiliyya).2 Au 6e siècle apr. J.-C., deux puissances règnent sur l’Orient: l’Empire byzantin et l’Empire sassanide.3 L’Arabie est, en quelque sorte, indépendante, mais la péninsule arabique, qui a des frontières communes avec ces deux puissances, subit leur influence et se trouve elle-même partiellement entraînée dans leur lutte réciproque pour le pouvoir. Ces combats incessants, affaiblissant les deux Empires rivaux, amènent bientôt une «carence du pouvoir».4 Le commerce est florissant sur les routes des caravanes qui longent la mer Rouge. Celles-ci relient en effet l’Europe et l’Afrique de l’Est à l’Asie de l’Est (Route de la Soie5). La Mecque devient à la fois une importante plate-forme d’échanges commerciaux, un centre religieux et un lieu de pèlerinage. La vente d’idoles constitue une de ses principales ressources. Mais il y règne de nombreuses injustices sociales. Par exemple, pour les hommes, avoir de nombreuses filles est une honte. Aussi celles-ci sont-elles souvent enterrées vivantes dès leur naissance, ce qui montre bien que les femmes ne bénéficient guère de droits ni de protection. A cette époque, la partie la plus riche de la péninsule est le Yémen, car la construction d’une série de digues y a permis le développement d’une agriculture prospère. Les habitants des royaumes yéménites ont en partie adopté la religion juive. Ils parlent l’arabe méridional, langue proche de l’arabe du reste de la péninsule, mais différente toutefois. Cependant, à la fin du 6e siècle, les digues cèdent, ce qui provoque l’effondrement de l’ensemble des royaumes 2 Il y a, selon l’islam, plusieurs explications à l’utilisation de ce terme, la principale étant que les Arabes de l’époque adoraient de nombreuses idoles et ignoraient qu’il n’y avait qu’un seul Dieu. 3 Dynastie iranienne qui a régné de 226 à 651 apr. J.-C avec un Empire qui s’étendait de la Mésopotamie à l’Indus. Sa religion dominante était le zoroastrisme. Les zoroastriens ont subi des persécutions de la part de l’envahisseur arabe sous le règne d’Omar, le deuxième calife. Beaucoup d’entre eux ont été alors contraints, par la force et par la peur de la mort, de se convertir à l’islam. 4 Voir Gerhard Endress, ISLAM – An Historical Introduction. 5 La Route de la Soie (cette expression a été inventée par le géographe et géologue Ferdinand von Richthofen en 1877) s’étendait sur plus de 8000 km. Le commerce qu’elle favorisait a joué un rôle très important dans le développement des grandes civilisations (Chine, Egypte, Mésopotamie, Perse, Inde, Empire romain…).
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L’histoire de l’islam
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La péninsule arabique au temps de Mahomet et les trois principales régions chrétiennes
d’Arabie méridionale. A peu près à la même époque, les Sassanides envahissent le Yémen. Les deux autres centres de culture arabe préislamique se situent alors en bordure du désert de la Syrie byzantine et de celui de la Mésopotamie perse zoroastrienne (Irak actuel). Ces deux pays sont gouvernés par des rois arabes de confession chrétienne. Au Yémen et sur la côte de la péninsule arabique, des Arabes sédentaires pratiquent l’agriculture et la pêche. A l’intérieur des terres vivent une majorité de nomades et semi-nomades, à l’exception de ceux qui peuplent les grandes agglomérations de La Mecque et de Médine. Les tribus de Bédouins se font constamment la guerre, et leurs alliances sont fragiles et changeantes. Il n’y a ni unité ni
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paix durables; le plus fort règne. Les raids contre les autres tribus font aussi partie de la loi non écrite du désert. Les oasis, qui sont des lieux de vie sédentaire, deviennent des centres économiques souvent fréquentés par les nomades. Des marchés et des fêtes s’y tiennent régulièrement. Et déjà, durant cette période, la riche tradition de la poésie arabe s’y développe.
La religion des Arabes A cette époque, la plupart des Arabes sont animistes6, même s’ils ont une vague idée d’un dieu tout-puissant (Allah en arabe). Mais avant tout, ils s’efforcent de plaire à une foule de divinités, censées conduire leur destin. A La Mecque et dans les environs, on adore plus particulièrement trois déesses: Manat, al-Uzza et al-Lat, appelées «les filles d’Allah». Les nomades et les citadins croient que les esprits habitent dans les cavernes, les arbres, les sources et les pierres, et ils leur apportent des offrandes. La tribu des Koraïchites (dont est issu Mahomet) réussit, dans les années 550 à 600, à centraliser les cultes à La Mecque. C’est ainsi que la Kaaba de La Mecque, où se trouvaient environ 360 idoles, devient le centre de ces cultes païens. La Kaaba, (terme qui signifie «le cube») est un temple fermé, dans les murs duquel sont scellées des «pierres sacrées». Une pierre noire devient même le but d’un pèlerinage annuel au cours duquel les Arabes la vénèrent en l’embrassant.7
Le judaïsme à cette période Depuis leur expulsion de Jérusalem par les Romains en 70 apr. J.-C., de nombreux Juifs vivent dans le Hedjaz, la partie occidentale de la péninsule arabique. Ils travaillent avec succès dans le commerce, dans l’agriculture et dans la production d’armes, et ils sont très estimés. A Yathrib (Médine), ils vivent en clans (banu) dans leurs propres quartiers. Les Juifs se savent être le peuple élu. Ils croient en 6 Adeptes de l’animisme, forme de religion qui attribue une âme aux animaux, aux phénomènes et aux objets naturels. 7 La Kaaba doit son caractère sacré à la pierre noire. La religion des Arabes consistait à l’origine essentiellement en l’adoration de divinités liées à des pierres, des arbres, etc. Voir H.A.R. Gibb & J.H. Kramers, Shorter Encyclopaedia of Islam.
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un Dieu unique et possèdent leur propre livre sacré, la Torah. C’est en partie de là que Mahomet tiendra l’idée que le peuple arabe doit aussi avoir son livre «venant de Dieu». Il a de nombreuses rencontres avec les Juifs, au cours desquelles il débat de thèmes religieux. C’est ainsi qu’il a connaissance de plusieurs textes du Talmud8 que l’on retrouve dans le Coran.
Le christianisme à cette période L’Empire byzantin compte une majorité de chrétiens, contrairement à l’Empire sassanide, dans lequel ils constituent une minorité, toutefois très influente. On découvrira plus tard que l’Arabie des années 600 apr. J.-C. comptait plusieurs colonies chrétiennes bien établies. Outre les nombreux petits groupes installés à divers endroits, il existe trois principales colonies le long des frontières9: • Dans la partie sud-ouest de la péninsule arabique, qui correspond à peu près à l’actuel Yémen, et plus spécialement à Nadjran. Le christianisme se répandait à l’époque à partir du royaume d’Aksoum, situé sur la rive opposée de la mer Rouge (aujourd’hui l’Ethiopie). • Au nord-ouest, en direction de Jérusalem et de la Méditerranée, quelques tribus arabes, sur la frontière byzantine, avaient accepté le christianisme. • Au nord-est, près de l’Irak, dans une province de l’Empire sassanide, dont l’un des souverains, al-Nu’man ibn al-Mundhir10 (583-602 apr. J.-C.), s’était converti au christianisme. En outre, de nombreuses tribus arabes vivant en Arabie ont accepté le christianisme. Pour les Arabes, il s’agit à l’époque d’une religion étrangère, mais moderne.11 La plupart des chrétiens avec lesquels Mahomet est en contact viennent du nord du Yémen ou des 8
Le Talmud est une compilation de commentaires rabbiniques sur les lois, la morale, les coutumes et l’histoire des Juifs. 9 Voir carte p. 25. Pour plus de détails, voir Hugh Goddard, A History of Christian-Muslim Relations. 10 Al-Nu’man ibn al-Mundhir était un roi ghassanide. Les Ghassanides étaient une tribu arabe chrétienne, originaire du Yémen, qui avait émigré en 250 apr. J.-C. vers le Hauran, région du sud de la Syrie. Le nom Ghassan fait référence à une source du Hauran. 11 Comme les Juifs, les chrétiens fondaient leur foi sur un «livre venant de Dieu», ce que les Arabes n’avaient pas.
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pays limitrophes: ils sont juifs chrétiens, chrétiens éthiopiens ou chrétiens syriens. Certains se sont établis dans la péninsule arabique parce qu’ils ont été chassés de leur pays, taxés d’hérétiques, mais ils ont gardé leur foi et leur culture. Toutefois, le christianisme que Mahomet rencontre n’est pas constitué d’une église à la foi bien établie, mais plutôt de petits groupes qui se combattent mutuellement.12 On les reconnaît avant tout à leurs rites extérieurs. La vénération de Marie, qui a déjà infiltré l’Eglise, n’est guère différente de l’idolâtrie pratiquée par les Arabes. Mahomet la considère donc comme de l’idolâtrie et la condamne.13 Le christianisme ne présente donc pas le visage d’une Eglise unie, mais des communautés déchirées par des différends théologiques, par les disputes des évêques et par des persécutions internes. Le Coran reflète bien cette division des chrétiens. C’est en parlant avec les Juifs et les chrétiens que Mahomet a eu connaissance des histoires bibliques, des traditions et du folklore des «gens du Livre», et la façon dont sont abordés les sujets bibliques dans le Coran prouve qu’il n’a jamais lu la Bible lui-même.14 L’expansion du monachisme d’origine égyptienne est un autre facteur d’influence sur le monde arabe de l’époque. A ce momentlà déjà, les moines vivent souvent leur spiritualité d’une manière peu conforme à la Bible, au point que certains font des pèlerinages à La Mecque et prennent à leur compte des éléments du paganisme ambiant, tandis que d’autres prêchent ouvertement près de la Kaaba. Mahomet apprécie beaucoup ces moines.15 Les affirmations du Coran au sujet des Juifs et des chrétiens durant la première période de prédication de Mahomet à La Mecque sont plutôt positives. Il va jusqu’à affirmer que ces deux peuples devraient être considérés comme des ahl al-Kitab, c’est-à-dire des «gens du Livre». Cependant, les versets qui datent de la seconde période, celle de Médine, sont plutôt négatifs. Ils déclarent en effet 12
Ils avaient surtout des conceptions différentes quant à la nature de Dieu, la personne de Jésus-Christ et la tri-unité. 13 Voir sourate 5.116-117. 14 Dans le Coran, les références au récit biblique sont souvent bien confuses. Il semble que Mahomet n’était pas capable de faire la part des choses entre les vérités de l’Ecriture, les traditions et le folklore. 15 Voir p. ex. sourate 5.82-85 et Ibn Ishâq, The Life of Muhammad, A Translation of Ibn Ishâq’s Sirat Rasul Allah, trad. A. Guillaume, 16e éd., Karachi, Pakistan, Oxford University Press, 2003. Cet ouvrage, écrit en 750 apr. J.-C., est la source biographique la plus traditionnelle concernant la vie de Mahomet. Voir aussi Ibn Hichâm, La biographie du prophète Mahomet. Ibn Hichâm (mort en 834 apr. J.-C.) a édité une biographie de Mahomet écrite par Ibn Ishâq.
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que les chrétiens sont coupables de polythéisme (shirk) et de négation de la foi (kufr), et que, par conséquent, il est permis de les tuer. Le christianisme est alors bien représenté en Arabie, exerçant une certaine influence sur la population, particulièrement le long des frontières, mais il ne jouera jamais un rôle majeur dans l’histoire du pays et de la région.
L’année de l’éléphant Peu avant la montée de l’islam, Abraha, roi d’Abyssinie16, décide de faire du christianisme la religion principale de l’Arabie méridionale. Il fait construire une grande cathédrale à Sanaa, espérant pouvoir y accueillir tous les Arabes en pèlerinage. Cette ville existe encore aujourd’hui, puisqu’elle est la capitale du Yémen, mais la cathédrale a disparu depuis bien longtemps. Abraha est déterminé à faire de Sanaa le grand centre commercial de la péninsule arabique. Peu après la construction de la cathédrale, il fait une proclamation obligeant tous les Arabes à s’y rendre chaque année. Bien conscient de la popularité qu’a la Kaaba à La Mecque, il se met pourtant en tête d’enlever à cette ville son titre de centre religieux et commercial de l’Arabie. Mais rares sont ceux qui tiennent compte de ses décrets, et c’est ainsi que ce roi himyarite17 regarde avec douleur ces hordes de pèlerins continuer à se rendre chaque année à La Mecque.18 16
Nom donné autrefois aux hauts plateaux du massif éthiopien. (N.d.E.) Le royaume Himyarite était un royaume antique du Yémen qui a connu son apogée au début du 1er siècle et dont l’Empire contrôlait une grande partie de l’Arabie méridionale. (N.d.E.) 18 La Mecque était déjà un lieu de prière à l’époque préislamique. 17
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Un jour, il parvient aux oreilles de ce roi de confession chrétienne qu’un membre de la tribu arabe de Kenana est entré dans sa cathédrale et l’a profanée en couvrant le sol d’excréments d’animaux. Abraha devient fou furieux, d’autant plus qu’il a entendu dire que des tribus voisines se sont révoltées contre son régime et ont assassiné son allié, Mohammed ibn Khuzaa, roi de Modar. En guise de riposte, il mène une expédition vers La Mecque, dans la seule intention de détruire la Kaaba. Une gigantesque armée de soldats et de cavaliers se met en route. On trouve dans cet immense cortège aussi des animaux, dont un éléphant. C’est pourquoi cette année (570 apr. J.-C.) sera appelée L’année de l’éléphant. Les Arabes de La Mecque, largement dépassés par cette armée, s’enfuient vers les collines avoisinantes. Abd al-Muttalib, chef des habitants de La Mecque et beaupère de Mahomet, prie pour la protection de la Kaaba. L’éléphant, revêtu de manière festive, est amené à l’avant des troupes. Selon la légende, le guide qui conduit la procession vers La Mecque, Nufayl, très réticent quant au but de ce «voyage», commande, dans un murmure mais avec autorité, à l’éléphant de s’agenouiller. Abraha en est très contrarié: il est incapable de faire se relever l’animal pour le faire marcher sur la ville à la tête de l’armée.
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Puis, un événement dramatique dont on ne connaît pas la nature survient et décime cette armée, réduisant à néant son projet d’attaque de La Mecque. Les Koraïchites occupant les collines environnantes ont probablement lancé des pierres et fait tomber des rochers sur ces forces ennemies, les obligeant à rebrousser chemin. Ou peut-être qu’une épidémie de variole ou une autre maladie infectieuse force Abraha à rentrer sans avoir atteint son but. Une légende naît aussitôt à ce sujet, racontant que l’armée a été vaincue par une nuée d’oiseaux qui lançaient des pierres sur les soldats. Cette histoire est même reprise dans le Coran, à la sourate 105, intitulée «L’éléphant»: N’as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les gens de l’éléphant? N’a-t-Il pas rendu leur ruse complètement vaine et envoyé sur eux des oiseaux par volées qui leur lançaient des pierres d’argile? Et Il les a rendus semblables à une paille mâchée. Sourate 105.1-5 Ce qui reste de l’armée retourne donc au Yémen; de nombreux soldats meurent en route (ce qui donne l’impression que leur défaite est bien due à une épidémie). Le Coran, quant à lui, présente cette légende comme la vérité. La délivrance de la Kaaba est, à l’époque, visiblement considérée par les Arabes comme un miracle et comme le signe que ce sanctuaire est revêtu d’une signification divine.
Le «prophète universel» Deux éléments relatifs à l’histoire de l’islam expliquent pourquoi les musulmans voient en Mahomet le «prophète universel». Tout d’abord c’est son grand-père qui a pris l’initiative de s’opposer au roi d’Abyssinie en lui garantissant que le «Seigneur de la Kaaba»19 s’occuperait de sa maison, tout comme le chef de la tribu arabe s’était occupé de la sienne. Ensuite, les historiens musulmans ont toujours cru que Mahomet était né en 570, donc l’année de l’éléphant.20 C’est pourquoi, traditionnellement, les musulmans voient dans ce récit de 19 Le «Seigneur de la Kaaba» ou encore «Seigneur de la région» était un des dieux les plus importants vénérés par les Mecquois. 20 Pour plus de détails, voir John Gilchrist, Muhammad – The Prophet of Islam; Mark Gabriel, Jésus et Mahomet.
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la défaite de l’armée d’Abraha le signe de la venue imminente d’un messager ultime, capable de résister à toute tentative, de la part des païens ou des non-croyants, d’anéantir l’ultime révélation transmise par «Dieu» au moyen d’écrits sacrés.
A retenir 1. Les musulmans voient dans ce récit de la victoire sur le roi d’Abyssinie un signe d’Allah confirmant que La Mecque est un lieu de pèlerinage valable pour tous les temps, intouchable et indestructible par les non-musulmans. 2. Les musulmans croient que cet épisode de l’histoire préislamique confirme «le caractère sacré de la Kaaba». Il est pour eux la preuve qu’Allah, de la même manière miraculeuse, protégera la Kaaba et l’islam contre toute attaque future des chrétiens. 3. Le fait que c’est le grand-père de Mahomet, Abd alMuttalib, qui a pris l’initiative de prier pour la protection de la Kaaba est pour les musulmans une autre confirmation que Mahomet est le véritable et ultime prophète d’Allah. 4. Ce récit est aussi pour eux une preuve que le christianisme a déjà été vaincu avant la montée de l’islam. C’est le rappel de la première victoire de l’islam contre la chrétienté. 5. Le fait que Mahomet est né durant «l’année de l’éléphant» est considéré par les musulmans comme un autre signe qu’Allah l’a envoyé comme messager ultime pour proclamer que jamais la Kaaba ne pourra être détruite par les non-musulmans.
Mahomet et la naissance de l’islam21 Quel est donc cet homme dont le nom est indissociable de celui d’Allah dans la confession de foi musulmane22? Des millions de personnes sur toute la surface de la terre vénèrent Mahomet comme 21
Voir Ibn Hichâm, La vie du prophète Mahomet. Le credo musulman: «J’atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et que Mahomet est l’envoyé d’Allah» (voir p. 95).
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le prophète de l’islam. Il est pour eux le dernier et le plus grand des prophètes. Né dans une famille pauvre, il est devenu par la suite un puissant homme d’Etat et s’est cru appelé à transformer le caractère religieux et social de son peuple et à devenir le fondateur de «la seule grande religion en mesure de succéder à la foi chrétienne». Voici comment un musulman l’a décrit un jour: «II est le plus grand des modèles, en lui sont rassemblées toutes les vertus qu’une personne peut avoir.» C’est le devoir et le but de tout musulman d’imiter le plus parfaitement possible la vie de son vénéré prophète. Considérons, ci-après, quelques éléments de sa biographie.
La Kaaba et la mosquée de La Mecque
Naissance et enfance 570 Il y a quelques incertitudes quant à la date précise de la naissance de Mahomet à La Mecque (dans la tribu des Koraïchites). Son père, Abdallah ibn Muttalib, meurt avant sa naissance. Puis, à l’âge de 6 ans, il perd sa mère, Amina. Son grand-père, Abd-al Muttalib, puis ensuite son oncle, Abu Talib, se chargent de son éducation. Mahomet est d’abord berger avant de devenir commerçant.
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582 A l’âge de 12 ans, il commence à accompagner son oncle dans ses voyages d’affaires.
Mariage et visions23 595 A 25 ans, il épouse une riche veuve, Khadidja, de quinze ans son aînée, qui l’emploie dans ses affaires commerciales. Ce mariage améliore sensiblement sa position sociale. Leur union, semble-t-il heureuse, durera vingt-cinq ans, jusqu’à la mort de Khadidja. Leurs deux fils mourront en bas âge, ce qui affectera beaucoup Mahomet. Quatre filles survivront.24
610 Vers l’âge de 40 ans, Mahomet prend l’habitude de se retirer fréquemment pour méditer dans une grotte du mont Hira, situé près de La Mecque. Selon la tradition, c’est au cours d’une de ces méditations qu’il a, «par l’intermédiaire de l’ange Gabriel25», sa première vision et, par elle, reçoit sa vocation de prophète (sourate 96.1-5). Cette première vision le saisit de crainte et le remplit de doutes, car il ne sait pas si elle provient d’Allah ou de mauvais esprits.26 Toujours selon la tradition, il est conforté et encouragé à croire en sa mission par Khadidja, par le cousin de celle-ci, Waraqa bin Neufal, qui semble être de confession chrétienne, et par son propre cousin, Ali. Tous l’encouragent à croire en sa vocation.27 Il a ensuite plusieurs autres visions en des moments et lieux différents. Celles-ci seront, plus tard, consignées par écrit pour devenir le Coran. Suite à ces visions, Mahomet se met à prêcher à La Mecque. 23 Mahomet a vécu une sorte d’«expérience mystique». Pour de nombreux érudits musulmans, il ne s’agit pas de «visions», mais plutôt d’une parole qu’il aurait reçu de la part d’Allah: iqra! (qui signifie «récite!»). 24 Rokaïa, Zainab, Omm Koltoum et Fatima. Fatima deviendra plus tard une musulmane très fervente. 25 Dans le Coran, Gabriel (Djibril) est un être spirituel qui ne se présente pas (sourates 2.97-98; 66.4). Son message ne s’accordant pas avec celui de la Bible, il ne peut être l’ange Gabriel mentionné en Luc 1.26-38. 26 Voir Ibn Sad, Tabaqat II 225. 27 Voir Mishkat IV 356-357.
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616 Son message monothéiste, avec ses exigences morales, ne trouve pas beaucoup d’échos à ses débuts. Il est axé sur un point central: il n’y a qu’un seul dieu, Allah, auquel l’homme doit se soumettre. Ainsi apparaît pour la première fois le mot islam, qui signifie «soumission, obéissance», et qui donnera plus tard son nom à l’ensemble du phénomène musulman. Les discours de Mahomet provoquent de plus en plus de résistances de la part des commerçants arabes, car ils s’opposent au culte des idoles et menacent ainsi le commerce florissant qui en résulte. Mahomet et ses premiers partisans sont donc persécutés par les Mecquois, et certains d’entre eux vont chercher refuge dans le royaume chrétien d’Abyssinie, en Ethiopie.
619 Après la mort de sa femme Khadidja et de son oncle et protecteur Abu Talib, la situation devient intenable pour Mahomet. La persécution augmente et il n’est plus en sécurité, même au sein de son clan. Deux mois après la mort de Khadidja, Mahomet épouse une veuve éthiopienne, Sauda. Par la suite, il a encore plusieurs autres épouses, dont une très jeune fille, Aïcha, qui n’a que 9 ans quand le mariage est consommé. Les historiens de l’islam ne sont pas tous d’accord sur le nombre de femmes que Mahomet a eues dans sa vie, mais le chiffre se situe probablement entre 12 et 15.28
L’hégire: de La Mecque à Médine 622 apr. J.-C. / 0 apr. l’hégire (AH) Les persécutions s’amplifiant à La Mecque, et sur l’invitation de quelques adeptes de Médine, Mahomet, suivi par environ quatre-vingts disciples, décide d’émigrer vers Médine. Sa situation change alors soudainement. Il n’est plus un prédicateur persécuté, mais un dirigeant influent dans cette ville, dont les habitants lui confèrent le titre de «maire», lui donnant une pleine autorité. C’est ainsi que l’hégire se révèle être un succès et marque, selon le calendrier islamique, le début de cette nouvelle religion. 28
Voir Thomas P. Hughes, Dictionary of Islam.
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Evolution du statut de Mahomet (622 apr. J.-C.) La Mecque • très peu d’influence • simple prédicateur • persécuté (à la fin) • citoyen ordinaire • pauvre
Médine (pouvoir grandissant) • puissant et influent • chef religieux • chef de guerre incontesté • chef politique • de plus en plus riche
Une grande inimitié s’installe alors entre ces communautés et Mahomet, qui se démarque nettement de ce qu’il appelle «les deux religions monothéistes antérieures».29 Dès lors, les Juifs de Médine sont soit condamnés à l’exil, soit tués, et leurs femmes et leurs enfants sont réduits à l’esclavage. Par la suite, les chrétiens et les Juifs vivant dans des territoires musulmans sont considérés comme des citoyens de seconde classe (dhimmis ) et soumis à la capitation (jizya).30 Durant ses dix ans de règne à Médine, Mahomet se forge, tant par les armes que par la diplomatie, un empire petit, mais solide.
624 A partir de ce moment-là, Mahomet et ses adeptes commencent à s’attaquer aux caravanes qui proviennent de La Mecque et à les piller. Ces attaques donnent lieu à toute une série de batailles entre les musulmans et les habitants de La Mecque:31 • La bataille de Badr: victoire de 324 musulmans de Médine sur trois fois plus de Mecquois. 29
A partir de ce moment-là, et c’est ce que croient toujours les musulmans aujourd’hui, Mahomet donne une grande importance à Abraham et à son fils illégitime, Ismaël, pensant probablement qu’ils sont ses ancêtres (alors que ce n’est aucunement prouvé). Il décide alors que les musulmans prieront désormais en étant tournés vers La Mecque et non plus vers Jérusalem. Il déclare par ailleurs que le sanctuaire de la Kaaba a été érigé par Abraham (voir sourates 2.124-127). Le Coran se fait l’écho de ce changement d’attitude de Mahomet: les versets favorables (p. ex. 2.62; 3.199; 5.69) datent de ses années passées à La Mecque et de ses débuts à Médine, tandis que les versets hostiles (p. ex. 5.75-76; 9.29) sont ultérieurs. 30 Pour plus de détails sur ce sujet, voir Bat Ye’or, Juifs et chrétiens sous l’islam: les dhimmis face au défi intégriste. Face à l’islam, les habitants de ces régions avaient un choix limité: soit ils se soumettaient et acceptaient l’islam, soit ils décidaient de garder leur foi mais acceptaient alors d’être considérés comme des «citoyens de seconde classe» et devaient payer la capitation, soit ils étaient passés au fil de l’épée. 31 On ne mentionnera ici que trois batailles, mais les conflits ont été plus nombreux.
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• La bataille d’Uhud: victoire des combattants de La Mecque; Mahomet est blessé. • La bataille dite «du Fossé»: Médine attaquée, mais victoire des musulmans grâce à un fossé creusé tout autour des quartiers exposés de la ville.
Les dernières années de Mahomet 628 Les habitants de La Mecque signent avec les musulmans de Médine le traité de paix d’Al-Hudaybiya32, ce qui permet à Mahomet et ses adeptes de revenir à La Mecque pour le pèlerinage l’année suivante. Durant les deux ans qui suivent ce traité, Mahomet pose les fondements de son pouvoir, faisant de nouvelles conquêtes et s’alliant à de puissantes tribus, notamment à celle de Banu Khuza’a. C’est ainsi qu’en 630, il se trouve bien plus fort face aux Koraïchites que lors de la signature du traité de paix. Ces derniers ne se sont pas mis en peine de chercher toutes sortes de nouvelles alliances, mais se sont simplement alliés à la puissante tribu des Banu Bakr. Les Banu Khuza’a et les Banu Bakr sont des tribus voisines qui ont déjà un long passé de querelles. En 629, quelques Banu Bakr s’attaquent par vengeance à une partie des Banu Khuza’a et en tuent plusieurs. Lorsque Mahomet apprend cela, il opte aussitôt pour la riposte la plus radicale: l’attaque de La Mecque. Le temps est venu de défier le dernier bastion des Koraïchites dans leur propre ville.
630 Mahomet retourne à La Mecque avec une armée d’environ 10’000 combattants musulmans. Au vu de ce déploiement de puissance, les Mecquois n’offrent guère de résistance et deviennent musulmans.33 Après cette prise de pouvoir, Mahomet accorde l’amnistie à la plupart des habitants de sa ville natale. Toutes les idoles de la 32
Al-Hudaybiya est le nom d’une source près de La Mecque. Mahomet avait l’intention de conquérir sa ville natale sans effusion de sang. Aussi a-t-il proposé un accord: si ses habitants se soumettaient à lui et à sa nouvelle religion, il leur garantirait que La Mecque resterait un lieu de prière où tous les musulmans devraient se rendre au moins une fois dans leur vie, ce qui, bien sûr, leur assurait de bonnes rentrées d’argent (traité de Hudaybiya). 33
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Kaaba sont détruites, et la ville est déclarée interdite à tout noncroyant. L’année suivante, Mahomet mène pour la première fois une guerre de conquête contre les grandes puissances. Alors que l’Empire byzantin et l’Empire perse sont très affaiblis par les luttes incessantes qui les opposent, Mahomet et son immense armée lancent une offensive contre les frontières de la Syrie byzantine.
632 Mahomet meurt à Médine à l’âge de 62 ans, sans avoir désigné de successeur.34 Sa mort subite place ses adeptes devant un grand problème. Qui va prendre sa succession à la tête de cette communauté musulmane naissante, afin de la garder unie?
622 622
Naissance de Jésus Calendrier solaire; apr. J.-C.)
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500 750 1000 1250 570 - 632 Mahomet - 52 - 10 632 - 661 Les quatre califes 10 - 40
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1750
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661 - 1258 Dynasties 40 - 657 1174 - 1921 Empires 570 - 1340 Hégire (Calendrier lunaire; AH = Anno Hegirae = après l'hégire l'année lunaire est 11 jours plus courte que l'année solaire) 0
1921 - 2000 Expansion de l'islam à travers 1340 - 1421 le monde
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500
750
1000
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1500
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L’islam, survol historique
34 On n’est pas certain de la cause de la mort de Mahomet. Les érudits émettent les hypothèses suivantes: la maladie, une blessure grave, un empoisonnement de la part de ses ennemis ou une combinaison des trois.
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Les quatre premiers califes35 622 Année de l’hégire. Date qui marque le début du calendrier musulman.
630 Le message de Mahomet devient de plus en plus hostile à l’égard des Juifs et des chrétiens vers la fin de sa vie. Après sa mort, cette approche prédomine chez les musulmans, qui se battent contre «les gens du Livre» et lancent des attaques dans les régions voisines de l’Arabie.36 632-634 Abu Bakr, premier calife et père d’Aïcha (une des épouses de Mahomet), empêche, par la répression de toutes les révoltes, la sortie de plusieurs tribus arabes du nouvel Empire musulman. 634-644 Omar, deuxième calife. Après la bataille de Yarmuk (637), il prend Jérusalem et revendique la souveraineté sur la Syrie. Quelque temps plus tard, les musulmans conquièrent l’Egypte et la Perse sous la direction du talentueux Khalid ibn Walid. Omar est assassiné alors qu’il prie dans la mosquée. Les versets du Coran sont rassemblés et compilés par Zayd ibn Thabit sous les ordres d’Abu Bakr et d’Omar. 644-656 Uthman, troisième calife, ordonne une édition définitive du Coran, car de nombreuses versions circulent, ce qui est source d’une grande confusion. Il décide que seule cette nouvelle version révisée constituera le texte coranique valable et fait détruire toutes les 35
Nom donné aux successeurs de Mahomet. Le calife est le chef suprême de la communauté islamique (umma). Ce terme signifie «successeur» ou «représentant». L’attaque de la garnison byzantine de Gaza est un bon exemple. Elle est contrainte d’abandonner sa foi, de renier Christ et de participer à la prière musulmane. Suite à son refus, elle est entièrement massacrée. Il y a d’autres exemples de cette hostilité à l’égard des chrétiens de l’époque, notamment les incendies des églises, la destruction des monastères et les blasphèmes proférés contre l’Eglise et le Christ. Voir Patricia Crone & Michael Cook, Hagarism: The Making of the Islamic World. 36
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autres versions. Uthman est assassiné par un groupe rival soutenu par Fatima, fille de Mahomet et épouse d’Ali.
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L’Empire musulman en 634 apr. J.-C.
656-661 Ali, le quatrième calife, est le cousin, le fils adoptif et le gendre de Mahomet (mari de sa fille Fatima). Pour des questions de pouvoir, les musulmans se divisent alors en deux groupes: sunnites et chiites. Les chiites, vivant majoritairement en Iran et convaincus qu’Ali aurait dû être le premier calife, refusent, contrairement aux sunnites, de reconnaître l’autorité des trois premiers califes. Comme ses deux prédécesseurs, Ali est assassiné.
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Les dynasties La dynastie des Omeyyades (661-750) Hasan, le deuxième fils d’Ali, vend son titre de calife. Muawiya, devenu le seul régent, fonde une dynastie dont Damas devient le siège. Les Omeyyades, descendants d’Omayya, constituent un clan à part dans la tribu des Koraïchites (tribu de Mahomet). Le jeune Empire s’agrandit encore suite à de nombreuses conquêtes, notamment en Afrique du Nord. En 711, les troupes musulmanes se dirigent vers l’Espagne et conquièrent les quatre cinquièmes de la péninsule Ibérique. Leur avancée est stoppée en France, à Poitiers, par l’armée de Charles Martel, en 732.
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L’Empire musulman en 750 apr. J.-C.
La dynastie des Abbassides (750-1258) La dynastie des Abbassides succède à celle des Omeyyades, avec, pour capitale, la puissante ville de Bagdad. Les califes abbassides fondent leur droit au califat sur le fait qu’ils sont descendants d’Abbas ibn Abd al-Muttalib (566-652), un des plus jeunes oncles du prophète Mahomet. En vertu de cette ascendance, ils se considèrent comme les vrais héritiers de Mahomet, par opposition aux Omeyyades, dont ils critiquent le sécularisme, la moralité et la manière d’administrer l’Empire en général.
ANDREAS MAURER Andreas Maurer a fait des études de théologie à l’université de Pretoria, avec une spécialisation «Foi chrétienne / islam». De 1984 à 1999, il a servi comme missionnaire avec la SMG (Schweizerische Missions-Gemeinschaft) dans le sud de l’Afrique, où il a côtoyé de nombreux musulmans. Rentré en Suisse en 1999, il travaille actuellement comme formateur au sein de la mission Arab World Ministries et, depuis 2000, est aussi responsable de l’Institut suisse pour les questions islamiques (Institut für Islamfragen Schweiz).
ISBN 978-2-940335-25-1
L’ABC DE L’ISLAM
«Je suis convaincu, et j’en ai fait l’expérience, qu’une des meilleures manières d’annoncer la bonne nouvelle du salut aux musulmans est de leur poser des questions intelligentes. Mais cela suppose une véritable connaissance de l’islam d’une part et de la Bible d’autre part. (…) Le but de ce livre est d’équiper les chrétiens pour qu’ils puissent rendre un témoignage plus efficace auprès des musulmans.» Simple, claire, biblique, avec cartes, schémas et de nombreux conseils pratiques pour la discussion, cette nouvelle édition, revue et considérablement augmentée, de L’abc de l’islam sera utile à tous ceux qui ont à cœur de transmettre le message du salut au peuple du Coran!