A vous qui avez été bienveillants
Témoignage d’une fille d’immigrés
A vous qui avez été bienveillants
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ISBN édition imprimée 978-2-8260-2049-3
ISBN format epub 978-2-8260-0077-8
ISBN format pdf 978-2-8260-9930-7
Imprimé en France par Sepec numérique
Table des matières
Chers Monsieur et Madame Klopfenstein...
Vous faites irruption dans ma vie lors de ma 16e année. Est-ce un samedi ou un dimanche ? Je n’en suis plus sûre. Mes frères et sœurs jouent dehors devant notre immeuble, lorsque vous vous approchez pour demander la permission de brancher chez nous les guitares électriques de votre groupe de jeunes.
Irritée, je dis à Maman : « Refuse, ils sont complètement fous ! »
Mon quartier, constitué d’HLM, est planté hors du village, au milieu d’un bois. Il est le rebut de la société à cause de la violence, de l’immoralité et de l’injustice qui y règnent. Alors, écouter des cantiques…
D’ailleurs, un jour, un camarade d’école m’a demandé :
– T’habites où ?
Je lui ai répondu :
– A l’A…t.
A
ces mots, je crois qu’il a reculé d’un pas, comme si j’étais une pestiférée…
Et vous voilà parmi nous, chers Monsieur et Madame Klopfenstein1, chantant et racontant l’amour de Dieu. Comment vous décrire ? Vous avez dans les 60 ans. Madame est grande, sobrement vêtue, et ses cheveux sont noués en un chignon. Monsieur est trapu, plutôt effacé et porte des lunettes. Vous arrivez dans votre 2 CV grise et distribuez des cartons remplis d’habits, de chaussures, etc.
Les familles nombreuses apprécient vos visites, et les dons fréquents qui les accompagnent.
Derrière votre apparence austère se cache votre amour qui n’attend rien en retour et qui rayonne à chacune de vos apparitions. Cela me touche en plein cœur.
Vous avez été missionnaires durant plusieurs années parmi les bagnards de Guyane française, région infestée de moustiques. Jean, votre fils aîné, jouait avec les prisonniers, des criminels sans famille et sans but.
Pour mémoire, le 30 mai 1854, un décret signé par Napoléon III stipule l’exécution de la peine des travaux forcés : tout individu condamné à moins de huit ans est tenu de résider en Guyane pendant un temps égal à son délit. Et si la peine est supérieure, il y reste à vie... Quelle injustice ! Ce n’est qu’en 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, que les députés signent enfin la fermeture du bagne... Mais les derniers détenus ne quitteront la forêt amazonienne qu’en 1953.
Mais revenons à vous, chers Monsieur et Madame Klopfenstein ! En tant que voisins, vous êtes prêts à sortir de votre zone de confort pour obéir à cette parole de Jésus : « Va vite sur les places et dans les rues de la ville et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. » 2
Comme souvent, Jésus parle en paraboles. Ici, il raconte l’histoire d’un personnage important qui organise un grand festin, mais dont les invités s’excusent l’un après l’autre. Alors, l’homme dit à son serviteur : « Va vite sur les places… », puis encore : « Va sur les chemins et le long des haies… »3
Le maître de la maison, c’est Dieu, qui envoie ses serviteurs proclamer son amour à tous les êtres humains, riches ou pauvres ; car chacun a de l’importance à ses yeux. Il les appelle à participer à son banquet et à savourer les mets délicieux qu’il leur a préparés : pardon, paix, joie, vie éternelle… Mais, hélas, rares sont ceux qui se laissent inviter !
Pour ma part, chère Madame Klopfenstein, à l’été 1965 (toujours durant l’année de mes 16 ans), j’accepte votre proposition de participer à un camp biblique en HauteSavoie. Je me revois encore dans votre « deudeuche », qui nous emmène, quelques filles et moi, à la gare.
Un long voyage en train et en bus nous attend. A l’arrivée, Robert, le directeur du camp, nous accueille d’un sourire franc. Immédiatement, je devine une présence
2 La Bible, Evangile de Luc, chapitre 14, verset 21.
3 Verset 23.
singulière. Je comprendrai plus tard que, comme le dit Jésus, là où deux ou trois sont rassemblés en son nom, il est au milieu d’eux.4
Les moments passés dans cet endroit, lieu de sainteté, de bonté, de paix, de force et de joie, vont me laisser une empreinte profonde et durable.
La vue des montagnes majestueuses, des torrents aux eaux limpides, des chamois agiles, des lacs immenses, des innombrables sentiers de randonnée et des rares edelweiss me ravit. Je pourrais rester des heures à contempler ces merveilles. J’apprécie aussi les énormes tartines de bon pain, accompagnées de beurre et de confiture maison, ainsi que les plats délicieux, préparés avec amour par Maurice, le cuisinier. Je me souviendrai aussi de la toilette à l’eau froide, au bord du torrent…
Comment oublier ces journées baignées de soleil, d’air pur et de ciel bleu, remplies de petits bonheurs qui se succèdent, comme des vagues bienfaitrices ?
De plus, mon cœur reçoit ce qu’il y a de plus précieux, l’essentiel : chaque soir, nous découvrons des histoires bibliques, transmises pour notre instruction.
Chère lectrice, cher lecteur, le saviez-vous ? La Bible, ouvrage exceptionnel, unique, inspiré de Dieu et le plus lu au monde, est un ensemble de 66 livres. Elle a été écrite sur une période de 1500 ans, par plus de 40 auteurs, issus de divers milieux culturels et ayant vécu à différentes époques. Celui qui en comprend le sens, par le moyen du Saint-Esprit, acquiert une sagesse certaine.
Le récit des dix plaies d’Egypte5 va marquer un tournant dans ma vie d’adolescente. Le pharaon, souverain égyptien, refuse de libérer le peuple hébreu, réduit en esclavage depuis 400 ans. Après l’avoir averti plusieurs fois et de diverses manières, Dieu lui envoie un jugement terrible : un ange passera dans chaque famille, y compris dans celle du pharaon, afin d’y faire périr le fils aîné. Mais Dieu donne aux Israélites un moyen d’échapper à cette sentence : il leur demande de sacrifier un agneau, sans défaut, innocent, et d’asperger de son sang l’encadrement de leur porte d’entrée. Ainsi, quand l’ange passera, il verra le sang et épargnera la maison. Cette dernière des dix plaies va contraindre le pharaon à laisser partir le peuple hébreu.
Longtemps à l’avance, ce sang annonce celui que Jésus versera à la croix pour les pécheurs. En effet, « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu »6 (c’est-àdire condamnés à vivre pour toujours loin de lui). C’est là le jugement de Dieu. Mais le don gratuit qu’il nous offre, c’est la vie éternelle : « Ils sont gratuitement déclarés justes par sa grâce, par le moyen de la libération qui se trouve en Jésus-Christ ».7 Ainsi, en résumé, le sang de Jésus protège contre la sentence divine ceux qui se confient en lui. Il leur ouvre la voie de la réconciliation avec Dieu et les libère de l’esclavage du péché et du diable.
5 Livre de l’Exode, chapitres 7 à 12.
6 La Bible, lettre aux Romains, chapitre 3, verset 23.
7 Lettre aux Romains, chapitre 3, verset 24.
Mon cœur bat la chamade, tandis que j’écoute cette histoire. Je suis en état de choc : comment l’orateur sait-il que j’ai commis tel ou tel péché ? Alors, dans un même élan, je les reconnais et j’en demande pardon à ce Dieu vivant, proche et vrai. Je crois à la valeur et à la protection du sang de Jésus versé à la croix pour moi et, sur-lechamp, je le reçois et lui abandonne la direction de ma vie.
Voilà comment je réponds à l’appel de Dieu. Et voilà comment le sacrifice du Christ me touche au plus profond et bouleverse ma vie, 2000 ans après sa mort. Et ce message s’adresse encore à chacun(e). Jésus reste le même, pour vous qui me lisez aujourd’hui.
Chère Madame Klopfenstein, après le camp, à la rentrée de septembre, vous invitez les campeuses à se joindre à votre groupe de jeunes. Une anecdote me rappelle votre foi extraordinaire : le local, situé au sous-sol d’un immense bâtiment, est invisible de l’extérieur. Aussi, postée en haut de l’escalier de manière à être vue, vous nous attendez sous une pluie battante, souriante et sûre de notre venue, faisant fi des obstacles réels auxquels nous pouvons être confrontées : absence d’intérêt, refus des parents, averses… Je me souviens du sentiment de douceur qui, face à tant d’égards, m’a envahie et attirée vers vous.
Oui, vraiment, Dieu est bon ! Votre bienveillance nous empêchera de commettre l’irréparable, nous, ados de ce quartier mal famé. Et je n’exagère pas !
Deux moniteurs, Bernard et Josette, le traversent chaque jeudi pour se rendre chez une voisine où ils enseignent la Bible aux enfants (parmi lesquels se trouvent mes deux
petites sœurs). Ces personnes me donnent l’impression d’être des créatures venues du ciel. Chère lectrice, cher lecteur, surtout, ne riez pas ! Quelqu’un disait : « Nous devrions travailler à être des anges. » Eux ont relevé ce défi, et ils ont réussi ! Pourquoi ? Parce qu’ils « fréquentaient » Jésus.
Le livre Jeannot chez les bagnards8 raconte les récits de votre confiance en Dieu. Une anecdote me reste : en Guyane, éloignés des commerces, confrontés à une pénurie de lait de bébé, vous avez supplié le Dieu vivant qui répond à ceux qui s’adressent à lui avec foi. Un bateau imprévu s’est alors approché, avec, à son bord… du lait artificiel pour nourrissons, expédié depuis plusieurs semaines par une croyante bretonne. Une nuit, réveillée par Dieu, cette femme avait compris qu’elle devait faire parvenir aux jeunes parents le précieux aliment. La Bible dit :
Alors, avant même qu’ils ne fassent appel à moi, je leur répondrai; avant même qu’ils n’aient fini de parler, je les exaucerai.9
Dieu était votre capitaine. J’admirais votre engagement total. Vous visitiez les malades à l’hôpital, les prisonniers, les personnes âgées dans les maisons de retraite… Je vous ai d’ailleurs accompagnés parfois. Devant un public plus ou moins attentif, notre modeste groupe chantait des cantiques. Ensuite, vous apportiez un court message. C’est
8 Samuel Grandjean, La Maison de la Bible, 1968.
9 La Bible, livre d’Esaïe, chapitre 65, verset 24.
dans ce cadre que, sur votre demande, j’ai rendu pour la première fois le témoignage de l’œuvre de Dieu dans ma jeune vie ! J’avais 17 ans.
Peut-être auriez-vous trouvé que ce portrait est idéalisé. Et je vous l’accorde, nous avons tous aussi une part d’ombre ; même les héros mentionnés dans la Bible : Abraham, Moïse, David, Salomon, Pierre, Paul… Je veux toutefois me souvenir de vos qualités, ainsi que des belles œuvres que vous avez accomplies par la grâce de Dieu. Toute la gloire lui en revient. Je vous ai connus tous deux animés d’un feu brûlant pour lui et pour les perdus.
Alors, à votre suite, j’ai désiré (et je désire encore) inviter mes contemporains à le connaître, afin qu’un jour, ils puissent prendre part au festin qu’il a préparé.
Et vous, chère lectrice, cher lecteur, que répondrezvous à son appel ?
Chère Irène...
Je suis maintenant lycéenne à Belfort. En pleine période d’adolescence, je ressens un vif besoin de réconfort et de sécurité…
La première fois que nous nous rencontrons, tu discutes avec Maman, debout dans notre salle de séjour. Agée de 35 ans environ, de taille moyenne, quelque peu enrobée, tu sembles, avec tes yeux bleu clair et tes cheveux dorés et fins retenus en chignon, venir d’une autre planète. Mais le plus frappant pour moi, c’est ton visage rayonnant qui, comme je m’en rendrai compte plus tard, reflète l’amour de Dieu.
Tu fais partie de ceux qui ont véritablement consacré leur vie à Jésus, même si, parfois, ton caractère se manifeste. Je pense à cette fin de mini-camp de jeunes, à Etobon, lorsque tu me demandes de nettoyer l’évier de la cuisine : après ton inspection minutieuse, je comprends que je peux mieux faire, mais j’en suis vexée !
C’est toi qui, avec Madame Klopfenstein, proposes à Maman de m’envoyer passer des vacances à la montagne,
A vous qui avez été bienveillants
Témoignage d’une fille d’immigrés
Fatima KachaouA travers des lettres adressées aux personnes qui ont marqué sa vie par leur bienveillance, Fatima Kachaou nous propose ici un voyage dans le temps retraçant son parcours d’enfant d’immigrés. Elle signe un ouvrage qui touche, non seulement par son originalité, mais aussi par la fraîcheur de son style, sa simplicité et l’hommage, vibrant de sincérité et de reconnaissance, rendu à tous ces « bienveillants » qui ont croisé sa route et ont contribué à faire d’elle ce qu’elle est devenue.
Avec sensibilité, finesse et une belle considération pour les personnages évoqués, Fatima Kachaou brosse ici de magnifiques portraits. Alain Stamp, extrait de la préface
Mariée et mère de trois enfants, Fatima Kachaou a été, avec son époux Sebti, collaboratrice de l’AEE France (Association Evangile et Enfance) durant de nombreuses années. C’est ici le troisième ouvrage qu’elle publie.
CHF 12.90 / 11.90 €
ISBN 978-2-8260-2049-3