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REVUE Alison Thirion L'Heure bleue L’Arlatan Agriculture urbaine Mare medi terra Marion Bernard Architecture balnÊaire La Marseillaise
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Avant-propos
Centrer cette Revue sur l’art et l’architecture s’est imposé à nous comme une évidence. Un besoin même, tant ces domaines emplissent nos vies, et tant ils résonnent quand ils sont associés. Prenant racine dans le sud de la France, et portant notre regard plus loin encore, c’est tout naturellement que nous nous sommes tournés pour ce premier numéro vers la Méditerranée, son art de vivre, son architecture singulière et l’énergie créatrice et artistique qu’elle dégage. Avec en fer de lance Marseille, belle et rebelle, berceau de tous les possibles. Une grande ville dynamique, avant-gardiste sur bien des aspects et sauvage à la fois, qui réunit toutes les problématiques et enjeux des citadins que nous sommes. Alors prenez le temps de vous plonger dans nos réflexions (à partager), de nous suivre dans nos pérégrinations, et de vous ressourcer finalement, dans notre univers. Amandine & Sébastien Coquerel Fondateurs d'Archik
Lieu d’exception et évènementiel contact@fortindecorbières.com www.fortindecorbieres.com
L’équipe Sébastien Coquerel Editeur Amandine Coquerel Directrice de Publication
Ont collaboré à ce numéro Charline & Baptiste Galland, Nastia Sleptova, Manon Gaillet, Véronique Tichadou, Maurice Sauzet et toute l'équipe Archik.
Eric Foucher Rédacteur en chef Laure Amoros Coordinatrice rédaction Flirt Studio Direction Artistique
Contributeurs IGO studio Photographes
Pascale Bartoli Architecte & historienne
IGO est un studio de photographie basé à Marseille. Depuis 2015, le
Pascale Bartoli est architecte diplômée à Marseille et docteur en
duo de photographes crée des images dans les domaines de la mode,
architecture. Elle concilie une activité d’enseignement, de recherches
de l’architecture et du design, et réalise des clips pour des artistes
et de maîtrise d’œuvre. À son actif de nombreux équipements publics
musicaux. IGO ne s’arrête pas à un style défini. Leur travail se caractérise
ainsi que des villas à travers l’agence Architecture 54 créée en 2006
par une forme d’expérimentation permanente, un renouvellement
avec Thierry Lombardi. Ses terrains d’étude l’ont conduit à participer
sans limites.
à la rédaction d’ouvrages ou l’organisation d’expositions autour du Patrimoine du XXème siècle dans notre région.
Edwige Lamy Photographe À Marseille depuis 15 ans, Edwige Lamy s’approprie la ville et capte son
Emmanuelle Oddo Consultante artistique & commissaire d'exposition
énergie méditerranéenne. Publicité, décoration, reportage industriel,
À Paris, elle fut critique pour des revues spécialisées en art contemporain
portrait : Marseille, capitale de tous les possibles, se révèle la plateforme
(le Châssis, Point Contemporain, Tafmag). De retour à Marseille, elle
idéale pour cette photographe qui, formée à l'École Nationale Louis
intervient comme commissaire d’exposition à la Double V Gallery,
Lumière, collabore régulièrement avec des titres comme Elle Décoration
collabore avec des architectes comme François Champsaur, devient
et Art & Décoration.
curatrice des expositions de la Maison Archik et développe sa maison d'édition d'art "Pièce À Part".
Fabienne Berthet Journaliste Journaliste polyvalente, Fabienne Berthet intervient depuis de nombreuses années sur des sujets centrés sur l’urbanisme, l’immobilier mais aussi le lifestyle. Elle collabore régulièrement avec des magasines nationaux tels que Capital ou le Moniteur ainsi qu’avec des organes de presse marseillais comme Businews ou Azur TV.
La Revue est une publication semestrielle tirée à 10 000 exemplaires et diffuseé à Paris, Marseille et Toulouse. Elle est éditée par la SARL ARCHIK - 50 rue Edmond Rostand 13006 Marseille – 801 774 449 00012 RCS MARSEILLE Tel : 04 91 26 64 56 / www.archik.fr / larevue@archik.fr N° ISSN : 1879-8691XX Elle est imprimée sur du Papier Munken Polar Rough de 340 gr pour la couverture et du papier Magno Naturel de 120 gr pour l’intérieur. Imprimeur : Imprimerie CCI Marseille 9 avenue Paul Héroult 13015 Marseille Les textes et l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés.
Chrystel Laporte-Deloubrière - Un jour d’avril Architecte d’intérieur - Marseille @chrystel_deloubriere - chrystel@unjourdavril.com
Table des Matières
Chapitre I
De l'art et du design
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Visite d’atelier — Alison Thirion
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Intérieur particulier — Leçon de style
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Icône — La Cafetière Moka
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Objets de convoitise — L'Heure bleue
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Archik — Les Éditions
Chapitre II
De la ville
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Rendez-vous — La Baleine - Ourea - Aussih
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Mutations — Agriculture urbaine
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Clichés de ville — Marseille par Studio IGO
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Villégiature — L'Arlatan
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Archik — Une Collection
Chapitre III
De l'architecture
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Conversation — Marion Bernard
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Re-naissance — Mare medi terra
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Symbiose — Architecture naturelle
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Pensée constructive — Architecture balnéaire
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Anatomie d’un building — La Marseillaise
EbÊnisterie française de mobilier contemporain 21 rue Edmond Rostand, 13006 Marseille www.raboniakmobilierdesign.com
Š Christophe Billet
Mise en Scène Eclairage 162 rue Breteuil, 13006 Marseille www.mise-en-scene-eclairage.fr
De l'art et du design
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Visite d’atelier Texte — Emmanuelle Oddo
Photos — Gaëtane Girard
Alison Thirion
Du dessin préparatoire au volume, Alison Thirion joue avec les perceptions, donnant forme à des céramiques graphiques et sculpturales, réalisées une à une à la main et en petites séries.
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Au gré de ses collections, elle pétrie la terre comme les références au passé. Musique, littérature ou architecture : les arts sont partout. Ils infusent son travail et inscrivent ses pièces dans une relative intemporalité. Rencontre au cœur de son atelier en région parisienne, là où la tête pense, la main transforme, la terre cuit et la chimie opère.
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Alison, pourriez-vous nous parler de votre parcours ? Comment la terre et le volume sont entrés dans votre vie ?
A—T Bien que ma formation initiale soit éloignée de l’artisanat d’art (ndlr : elle a travaillé comme chargée de pub pendant plusieurs années), j’ai toujours cultivé intimement et avec passion un univers créatif ponctué d’expérimentations, de photographies, de peinture... avec le dessin comme fil rouge. C’est lors d'un cours d’expression plastique, où nous travaillions sur la forme et l’abstraction, que j’ai eu envie d’expérimenter le volume. À ce moment-là je tournais en rond dans ma pratique artistique, j’ai senti le besoin d’évoluer autrement vers la forme et la terre est apparue comme une évidence. Après des cours de loisirs, ma décision était prise, la céramique prenait toute la place, je ne pensais plus qu’à ça ! J’ai donc entamé une reconversion auprès de Grégoire Scalabre qui m’a formé au tournage, et qui reste aujourd’hui mon référent. Le dessin est toujours là, sous une autre forme ! Quel rapport entretenez-vous avec votre atelier ? Comment influe-t-il sur votre manière de travailler ? Lorsque j’ai commencé la céramique, j’ai quitté Paris pour m’installer dans un petit village à 50 km de Paris, au coeur de la forêt de Rambouillet. Je suis
entourée de nature c’est donc très paisible et parfait pour me concentrer. Au départ, mon atelier était dans un petit coin de la maison mais j’ai finalement investi tout le salon pour travailler... C’est dire l’influence ! Je me levais parfois la nuit pour défourner ou à l’aube pour tourner. Je ne compte plus les journées et semaines qui ne se terminaient jamais ! Aujourd’hui les choses s’organisent autrement. J’y suis toujours comme chez moi, même si plusieurs kilomètres nous séparent. J’y ai mes habitudes, mes repères, c’est mon refuge. C’est là que tout commence. L'atelier évolue en même temps que moi, j'y bouge souvent les choses pour qu’il soit toujours le plus adapté à mes besoins. Vos créations semblent se situer entre tradition et contemporanéité. Que voulezvous transmettre à travers elles ? Une certaine idée de l’intemporalité ? Je cherche avant tout à faire des objets singuliers, équilibrés, décalés, que l’on a l’impression d’avoir toujours connus, mais en même temps que personne n’a jamais faits. J’aime que mes céramiques soient épurées dans la forme et qu’elles gardent la vibration du fait main. Mes connaissances assez limitées en céramique (je me suis un peu rattrapée depuis !) m’ont permises d’être très libre dans la création. J’ai pris le temps de faire des choses personnelles, qui me ressemblent. J’essaie donc de transmettre à travers elles l’exigence de la matière, sa force et sa
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fragilité, mais aussi la pluralité qu’elle permet et son intemporalité en effet. Toutes vos pièces sont produites en petites séries, et bien évidemment à la main : une contrainte technique ou une réelle conviction ? J’ai appris à tourner parce que je voulais faire, produire, toucher. J’ai besoin de ce contact avec la matière et je passe beaucoup de temps à la fabrication de mes pièces. Et puis j’aime le caractère unique que ça leur donne. De toute façon, j’ai un petit atelier et un petit four, qui ne me permettent ni une grosse production, ni de grosses pièces... pour l’instant en tout cas ! À travers les collections "Cocteau" ou bien "la Muralla Roja", on peut ressentir l’importance du passé et de son empreinte, le désir de transmettre ou perpétuer un héritage culturel. Quel est votre rapport à l’histoire ? Je travaille beaucoup en amont de la réalisation d’une pièce. Le dessin, l'architecture et toutes les formes d'art sont des sources inépuisables d'inspiration. J’aime beaucoup la céramique, évidemment, mais finalement ce n'est pas cette discipline qui inspire le plus mes pièces. Je m'en détache souvent pour aller puiser ailleurs. Ces deux collections sont liées à mon histoire personnelle. Je dessine depuis petite et Cocteau est un artiste dont j'admire l'audace et la pluralité. Son approche du plein et du vide, la symétrie des corps et la poésie de son trait s'associent parfaitement à la porcelaine. Quant à la Muralla Roja, c’est un clin d'oeil à mon intérêt pour l'architecture et à mes origines espagnoles. Plus qu’un vase, qu’une tasse, mes pièces sont un peu une part de moi, de ma personnalité que je transmets à travers elles. Avec votre collection Muralla, vous sortez pour la première fois du monochrome pour faire entrer la couleur dans votre travail. Comment avez-vous appréhendé cette audace chromatique ? Je dois vous avouer que la couleur me fait un peu peur autant qu’elle me fascine. Elle est puissante, complexe et selon moi doit apporter quelque chose à la pièce. Si elle est juste décorative, cela ne m’intéresse pas vraiment. Je lui préfère alors la couleur naturelle de la terre, souvent parfaite. Ici le bleu fait référence à la méditerranée, les nuances d’ombre et de lumière de la Muralla Roja, le ciel. On y voit parfois un clin d’œil à Majorelle ou à la Grèce, pourquoi pas ! J’aime que chacun s’approprie l’histoire.
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Comment avez-vous choisi de traduire dans cette collection l’esthétisme constructiviste de ce chef d’œuvre post moderniste ? Je voulais que l’objet soit inspiré et utilise les codes de cette architecture de Ricardo Bofill, sans pour autant simplement reproduire. On retrouve les nombreux escaliers dans les découpes des pièces, et l’installation de cubes permet de retrouver les lignes. La photo et la mise en scène de mes pièces font d’ailleurs partie intégrante de l’objet. Cela m’aide à transmettre leur histoire justement et à les intégrer dans un univers. Que représente la ville pour vous ? La ville m’inspire, son architecture notamment. J’aime lui emprunter des détails. Je suis d’ailleurs plus à l’aise à l’idée de m’emparer d’un sujet déjà passé par l’homme ; l’art, l’architecture par exemple sont des thèmes qui nourissent mon travail. La nature, elle, est si parfaite qu'elle a quelque chose de sacré. J'ose moins m’y aventurer.
L’art et l’architecture sont des thèmes qui nourissent mon travail. La nature, elle, est si parfaite qu'elle a quelque chose de sacré.
Quelle importance a pour vous le contact avec la matière ? Lorsque je passe du dessin à la terre, j'ai besoin de tous mes sens. Ça commence dès le pétrissage de la terre, son humidité, sa fermeté, son odeur, sa couleur... C'est une expérience à chaque fois. Je ne pourrais pas m'en passer. J'ai des pièces complexes à réaliser. Inconsciemment je pense que je rallonge le moment du contact avec la matière, le façonnage pendant lequel je découpe, gratte, peaufine la terre crue. C'est mon moment préféré.
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Le dessin compte beaucoup dans votre travail. Mais laissez-vous place à l’improvisation ? Malheureusement non. C'est quelque chose que j'aimerais savoir faire, être plus spontanée. Mais le travail en amont et le dessin sont des étapes dont je ne sais pas encore me passer. J'ai besoin de collecter des mots, des images, puis de faire des croquis et d'étudier les proportions avant de me lancer. Quand je passe à la réalisation, la pièce est déjà bien aboutie, il ne me reste plus qu'à tester ses volumes. La création manuelle est souvent un exercice solitaire qui permet de se recentrer sur l’essentiel. Mais aimeriez-vous être entourée pour créer ? Avez-vous fait des collaborations avec d’autres créateurs ? J'aime être seule dans l'atelier. Ça n'a pas toujours été le cas. J'ai mis du temps à m'y faire car j'aimais partager mon espace de travail. Au-delà de l'aspect pratique, c'est aussi une autre énergie. On peut échanger, se donner des conseils, simplement discuter. Maintenant que je suis seule, en effet, les collaborations commencent à voir le jour. Il y a un projet avec la céramiste Emmanuelle Roule encore en sommeil mais qui, je l’espère, verra bientôt le jour. Il y a également une collaboration avec Pia Van Peteghem qui sera exposée lors des Journées de la Céramique au sein du quartier Saint Sulpice à Paris (27 au 30 juin 2019). Quelle sera la thématique de votre prochaine collection ? J’ai plein d’envies et des projets qui attendent de voir le jour, depuis longtemps pour certains. C’est important pour moi de prendre le temps. J’ai des carnets et des planches d’inspiration qui commencent à se multiplier. Je laisse mûrir les idées. Ça me permet de faire le tri car il y en a beaucoup, mais elles ne sont pas toujours bonnes ! À court terme, je voudrais développer la collection Intervalle qui me tient à coeur, composée de pièces fortes et singulières sortant un peu de l’univers de l’art de la table, notamment avec une lampe. J’aimerais aussi explorer davantage la terre nue. Affaire à suivre... Des adresses favorites à Paris ? Le Musée Guimet : c’est une superbe source d’inspiration et la modernité de certaines pièces, pourtant centenaires, est vraiment étonnante. Les Ateliers de la Manufacture de Sèvres valent aussi le coup d’œil quand on aime la céramique et les ateliers. Sinon, j’adore la librairie Yvon Lambert, rue des Filles du Calvaire, et la boutique À Rebours pour sa sélection pointue. Ça fait longtemps que je n’ai pas flâné à Paris, ça me donne envie !
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Intérieur particulier Texte — Laure Amoros
Photos — Edwige Lamy
Leçon de style
Charline et Baptiste sont tous deux esthètes. Férus d’art, de design, de mode, en un mot, de création. Ils nous ouvrent les portes de leur appartement marseillais, véritable cabinet de curiosités.
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Après 5 ans d’une vie aixoise où Charline dénichait de nouvelles marques de prêt-à-porter pour sa boutique quand Baptiste créait sa première école ESDAC (École Supérieure de Design, d’Arts Appliqués et de Communication), ils décidèrent de délaisser la Sainte Victoire pour la Bonne Mère. Et c’est dans le quartier des antiquaires qu’ils posèrent leurs valises : un choix de cœur mais aussi de raison. À la fois calme et commerçant, à proximité du Vieux-Port et des grands axes, ce quartier était idéal pour ces deux citadins. Quant à l’appartement, ce fut un véritable coup de cœur dès la première visite. Très lumineux avec de beaux volumes et des propriétaires charmants "qui nous ont fait penser à nous", nous confient Charline et Baptiste. Ils s’y sont alors projetés immédiatement, les deux chambres donnant sur un cœur d’îlot leur apportant un sentiment de quiétude malgré le fait d’être en hyper centre. Évidemment, ils l’ont remis à leur goût et ont repensé plusieurs aménagements. Tous deux fins gourmets, il était important de privilégier une grande cuisine. L’idée d’avoir une cuisine semi-ouverte se révéla être un bon compromis entre l’espace espéré et l’ordre constant de la pièce. Elle fut donc déplacée le long des fenêtres afin de bénéficier de la clarté naturelle. Et pour être à la hauteur de sa cuisinière, elle fut habillée de chêne et de marbre et parée de Gaggenau, tel un bijou dans son écrin.
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Le parquet à larges lattes, en bois massif, permit quant à lui d’agrandir les volumes et de donner une certaine profondeur aux pièces. À l’arrière et au calme, les chambres au charme fou furent réaménagées et investies avec des teintes douces, laissant la part belle à la végétation luxuriante du balcon. Tout y est patiné, le couple aimant l’idée que les matériaux révèlent leurs plus belles aspérités. Le résultat est là : l’architecture classique est audacieusement contrebalancée par le choix subtil des éléments contemporains, qui y ont parfaitement trouvé leur place. Ici, tout respire l’élégance. Les matériaux finement sélectionnés dialoguent avec une collection d’œuvres et de pièces de design, qui viennent twister les classiques moulures et cheminées.
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Les chaises Prouvé dialoguent avec une chaise Diamond de Bertoïa et une table Kristalia, un masque aux matériaux de récupération d’un élève répond aux nombreux éléments tribaux dont se passionne Baptiste, parmi lesquels un authentique masque du Vanuatu. Aux murs, un tableau de l’artiste espagnol Eduardo Romaguera fait face à une œuvre du peintre argentin Ronaldo Enright à l’aspect tribal, acheté dans la galerie Eric Aknin. Les luminaires ne sont pas en reste : des suspensions de Benjamin Hopf pour Formagenda, une applique de Fabrice Berrux pour Dix Heures Dix et un lustre Gino Sarfatti chiné dans le si joli quartier de Santo Spirito à Florence. C’était en août 2014. 5 ans plus tard, de nouveaux projets de vie les attendent, ne restant plus qu’à souhaiter aux prochains propriétaires une belle et heureuse tranche de vie.
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Les Fétiches de Charline et Baptiste
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Bouquet de fleurs
Masque du Vanuatu
Chaque semaine, Baptiste fait livrer à sa tendre et chère un bouquet de fleurs en provenance de Mon Fleuriste Préféré, artisan fleuriste à Marseille. Charline aime cette touche de gaieté et de vie dans l’appartement, lui permettant de rythmer son intérieur en fonction des saisons.
Appartenant à la collection Guigues et acheté dans la galerie Franck Marcelin à Aix, ce masque du XIXème siècle est un cadeau de Charline pour Baptiste, passionné d’art océanien et aborigène. Provenant du Vanuatu, il est composé de matériaux très bruts, de feuilles de bananiers, de terre et de chanvre.
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Guide Michelin rouge Italie
Aquarelle de Michel Ciry
L’Italie est pour le couple un pays de cœur. Baptiste, y ayant vécu plus jeune, connait chaque région mieux que celles de son pays natal. Tombés particulièrement amoureux de la Toscane, ils s’y ressourcent. Les cyprès florentins, les domaines viticoles, l’art de vivre italien les inspirent. Le Guide Rouge n’est qu’une excuse pour répertorier les classiques, leurs adresses fétiches et confidentielles quant à elles sont bien gardées dans leurs mémoires.
C’est une histoire de souvenirs. Pour Charline, car l’œuvre représente un champ de pommiers à Varengevillesur-Mer dont elle est originaire. Pour Baptiste, qui fut charmé un beau jour de vacances par les œuvres de ce peintre normand. Peinte dans les années 60, on arrive encore à ressentir sur cette aquarelle la brume du matin, cette atmosphère normande si particulière qu’aimaient tant les impressionnistes.
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Icône Texte — Eric Foucher
Illustration — Nastia Sleptsova
La Cafetière Moka La cafetière la plus populaire au monde vitelle ses dernières heures ? Retour sur un objet iconique et design qui a traversé nos vies et nos cuisines.
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Alessi / Photo Š Simon Menges
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Elle a maintenant plus de 85 ans mais il semble impossible de lui donner un âge, pas plus que de lui donner un nom d’ailleurs. Plutôt que “Moka”, les italiens l’appellent affectueusement “machinetta”, nous “cafetière italienne”. Il faut dire qu’on lui doit une fière chandelle. Celle d’avoir fait rentrer l’expresso dans les foyers quand il n'était alors réservé qu’aux gens fortunés ou aux baristi des cafés de quartier. Tout cela grâce à son génial inventeur, Alfonso Bialetti, qui utilisa la vapeur d'eau sous pression pour infuser rapidement le célèbre breuvage. Mais aurait-elle gardé son éternelle jeunesse sans ses huit jolies facettes qui la rendent reconnaissable entre toutes sur un étal ? Son corps en aluminium et sa poignée en bakélite ont fait entrer le design industriel et la modernité dans les foyers dès les années 30. Elle ne les a plus quittés depuis, passant de la chambre d’étudiant désargenté à la cuisinière de grand-mères nostalgiques. Dans les années 50, sa période faste, elle s’est affublée de ce drôle de personnage à moustaches levant le doigt comme on hèle le garçon de café, représentation cartoonesque d’Alfonso Bialletti. Ce n’est pas ce qu’elle a fait de mieux. Mais elle a réussi la gageure
d’être un des produits ménagers le plus populaires au monde tout en étant exposé dans des musées comme le Science Museum de Londres. On a tous une histoire avec elle et dans l’oreille son petit chant strident qui chuchote “le café est prêt”. Malgré le succès, elle est restée abordable et s’est adaptée à toutes les tailles de foyers. "De un à dix huit cafés" disait la réclame selon la taille choisie, avec toujours la même promesse : faire couler dans nos tasses de citoyens pressés un jus bien serré qui allait nous réveiller pour la journée. Mais les dosettes sont arrivées qui ont juré sa mort. Bien sûr elle tente de résister en colorant sa robe, en jouant l’écolo et en se réinvantant chez son cousin Alessi. Mais cela suffira-t-il à enrayer sa chute, quand tant de contrefaçons donnent maintenant une bien mauvaise image d’elle ? Les icônes ne meurent jamais... dans nos souvenirs tout du moins.
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Objets de convoitise Sélection art & design
Fenêtre sur Vase la Nuit Pièce unique, oeuvre originale Caséine sur papier fine art Hahnemühle 350g, 90 x 110 cm Caroline Denervaud chez Double V Gallery 3 500 € www.carolinedenervaud.format.com
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Fauteuil Para(d) Assise en acier tubulaire et tissu coton Nova Obiecta 1 800 â‚Ź www.novaobiecta.com
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Salopette de travail Inventée par Adolphe Lafont Moleskine 100% coton, bleu indigo De Toujours 96 € www.detoujours.com
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Collection Boys From the South Peintures sur textile tissé à la main Réalisé à Taghazout, Maroc LRNCE www.lrnce.com
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O B J E T S D E C O N V O I T I S E
Livre Yves Klein Ouvrage 96 pages Taschen 10 € www.taschen.com
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Sac Dora Cuir italien de veau Roksanda 1 350 € www.roksanda.com
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Canapé Togo Designer Michel Duaroy édité par Ligne Roset Selency 1 800 € www.selency.com
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IMMOBILIER & ARCHITECTURE & EDITION
Archik, les Éditions
Depuis 2016, artistes et designers de talent sont exposés au sein des Maisons Archik. De ces rencontres naissent des pièces exclusives imaginées pour la marque et éditées en série limitées, avec un objectif commun : valoriser le design contemporain et affirmer une esthétique aussi brute qu’élégante.
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Bureau Opu(s) Partageant une esthétique rendant hommage à l’art cinétique, Nova Obiecta recherche l’abstraction géométrique à travers des formes strictes et calculées. Né de la collaboration entre Archik et Nova Obiecta, Opu(s) fait suite à l’exposition "Colum(n)", dessiné dans un esprit mêlant minimaliste et fonctionnalité. Réminiscence des œuvres de Prouvé ou Perriand, une touche de modernité ancre ce modèle dans l’ère moderne.
Designer Nova Obiecta Matériaux Plateau en chêne finition mat, sous-main et piètement en acier thermolaqué Édition 50 exemplaires numérotés, fabriqués en France Dimensions [L] 120 cm – [l] 60 cm - [H] 74 cm [L] 150 cm – [l] 70 cm - [H] 74 cm
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Prix 850 et 950 € TTC
Miroir Kihcra
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La démarche créative de Charlotte Juillard cherche à valoriser l’importance du travail manuel, de la gestuelle de l’artisan et de la matière brute. Suite à l’exposition "Graphic Landscapes" la confrontant à l’artiste hollandais Louis Reith, Charlotte Juillard et Archik imaginent une pièce exclusive : un plateau-miroir d’une sobriété impeccable, à la charge décorative puissante et d’une sensibilité pour autant très féminine.
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Designer Charlotte Juillard Matériaux Métal thermolaqué & miroir teinté bleu ou rose Édition 20 exemplaires numérotés, fabriqués en Italie Dimensions [D] 33,5 cm - [P] 10 cm Prix 260 € TTC
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Baladeuse Dota Samy Rio a étudié l’ébénisterie pendant 4 ans avant de rejoindre l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle à Paris où il étudie pendant 5 ans le design industriel. Ces deux formations lui permettent de travailler de concert avec l’industrie et l’artisanat, pratiques qu’il perçoit comme complémentaires et indissociables. Lauréat du grand prix Design Parade 2015 de la Villa Noailles, il a par la suite été invité à une résidence au Cirva et à la Cité de la Céramique de Sèvres, et poursuit actuellement une résidence à l’atelier Luma en Arles.
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Suite à l’exposition "Esthétiques Totémiques" à la Maison Archik en septembre 2018, le designer propose pour Archik une série de 6 appliques baladeuses reprenant conjointement les deux matériaux phares de ses recherches : le bambou et l’aluminium. Dans un esprit minimal, à la fois tribal et ultra-contemporain, il confronte une fois de plus savoir-faire artisanal et production industrielle.
Designer Samy Rio Matériaux Aluminium anodisé noir mat et bambou naturel Sources Luminaire LED 6W, 2 700K blanc chaud, 2 m de câble tressé noir, branchement sur prise sans interrupteur
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Édition 60 exemplaires numérotés, fabriqués en France Dimensions [l] 26 cm - [H] 80 cm Prix 280 à 350 € TTC
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C2, hôtel particulier 19ème revisité 21ème Hôtel 5*, lieu de rencontres artisitiques, de concerts et d’expositions Architectes Claire Fatosme & Christian Lefevre 48 Rue Roux de Brignoles, 13006 Marseille 04 95 05 13 13 - www.c2-hotel.com
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Rendez-vous Texte et Photos — Eric Foucher
La Baleine
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Aussih
59 cours Julien Marseille 06
72 rue de la Paix Marcel Paul Marseille 06
9 rue Châteaubriand Marseille 07
Trois nouvelles adresses marseillaises et trois mariages réussis entre le fond et la forme, les envies des fondateurs et la réalisation de leurs architectes et designers.
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La Baleine 59 cours Julien Marseille 06 Du mardi au dimanche 8h — 23h T - 04 13 25 17 17 @labaleinemarseille
C’est l’histoire d’un cinéma de quartier qui aurait croisé le bistrot du coin. Le premier a embobiné le second avec ses belles images. Le second a entourloupé le premier de ses joyeux canons. 5 5
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Nicolas Grasset
Annick Lestrohan & Ingrid Giribone
“L’idée des fondateurs Thomas Ordonneau et Cyril Zimmermann était de retrouver un esprit cinéma qui ne soit pas daté mais plutôt intemporel. Un lieu qui soit élégant mais pas snob ou excluant, tout sauf un truc d’intello. On voulait que cela évoque un âge d’or du cinéma mais pas forcément hollywoodien, entre une brasserie parisienne et un bar à New-York.” C’est à l’architecte Olivier Moreaux qu'a échu la tâche complexe d'aménager cet espace pluriel (à la fois bistrot et salle de projection), au directeur artistique Mothi Limbu de créer une identité qui soit à la fois gourmande et visuelle, et enfin à Nicolas Grasset de synthétiser les idées en un mood-board et des mots-clés qu’Honoré Décoration traduira dans le décor. Les contraintes étaient de taille vu que la partie bistrot et restaurant (le Ventre de la Baleine) devaient être modulables pour accueillir toutes sortes d’événements et d'ateliers (y compris pour enfants) autour du septième art. La gestion des flux des personnes, depuis la cuisine en sous-sol jusqu’à la grande terrasse, mais aussi de la caisse jusqu’à l’unique salle de cinéma, sera un facteur clé de la réussite. Ceci afin que ce nouveau lieu de culture et de rencontres procure des expériences sensorielles les plus plaisantes possibles.
Bien qu’ayant déjà habillé trois commerces emblématiques de Marseille (le Bistrot de la Relève, L'Épicerie Idéale et le bar à cocktails Gaspar), Annick et Ingrid se revendiquent avant toutes choses créatrices plus que décoratrices. Le duo mère-fille, reconnu au travers de sa marque de mobilier et décoration Maison Honoré, avoue néanmoins avoir accepté ce projet de ciné-bistrot comme une parenthèse stimulante. La palette de couleurs donne d’entrée le ton. Le crème et le lie de vin de la façade que l’on retrouve sur les murs intérieurs donnent au lieu une ambiance chaleureuse, ni trop féminine, ni trop tendance, qui colle à l’esprit bar à vins. Les jaune curry et bleu pétrole des velours apportent cette petite touche fraîche et stimulante pour réveiller les banquettes et les tabourets - des créations maison qui font écho à la structure dorée audessus du comptoir en granito. Habillé d’un astucieux bardage en bois de manche à balais, le bar offre avec les tables bistrot un juste équilibre entre simplicité et raffinement. C’est dans les détails qu’on apprécie la richesse d’un univers 50’s mâtiné d’art déco. Ainsi, ces niches dans les murs prolongeant les alcôves du plafond ou ces constellations lumineuses - des globes translucides à l’entrée et de grands abat-jours en ratafia et cordons de laine pour le fond - qui offrent une ambiance feutrée non dénuée d’un certain glamour.
Directeur
Décoratrices
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R E N D E Z V O U S
Ourea 72 rue de la Paix Marcel Paul Marseille 06 Du mardi au samedi Midi et soir T - 04 91 73 21 53 @ourea_marseille
Faire émerger la simplicité et le bon goût n’est jamais chose aisée. En compagnie de leur ami designer, le couple de jeunes restaurateurs nous explique par le menu comment ils ont réussi à aligner les planètes. 6 6
O U R E A
Camille Fromont & Mathieu Roche
Axel Chay - Nova Obiecta
Dans la mythologie grecque, Ourea est une divinité personnifiant les montagnes. Ce nom reflète la cuisine de Matthieu qui puise son inspiration dans la terre avec un équilibre entre le minéral et le végétal. Les plats sont faits de produits simples, bruts, imprégnés de toute la culture méditerranéenne. La cuisine ouverte s’avançant dans la salle en est l’élément central. Cela permet une rencontre directe entre Mathieu et Kim Mai Bui, sa seconde, et les clients, souvent curieux de savoir ce qu’il se passe en coulisses et désireux de partager leur ressenti. On retrouve cet aspect joyeux jusque dans la carte. “Nous essayons de trouver le juste équilibre avec des assiettes colorées et goûteuses préparées avec des produits soigneusement sourcés chez les meilleurs producteurs locaux". Dans le même esprit, Camille sélectionne des vins de petits producteurs qui effectuent un travail de qualité dans le respect des vignes et des sols. Dans une ville qui braille volontiers, on est frappé par l’atmosphère sereine du lieu. “Il semble paisible car notre travail demande une grande concentration et du professionnalisme. Mais si vous vous approchez de la cuisine d’un peu plus près, vous verrez des gestes précis et rapides et pourrez peutêtre ressentir l’adrénaline qui monte lorsque nous sommes en plein service".
Le brief ? Créer un véritable lien entre la décoration et ce qu’on allait retrouver dans l’assiette, que ce soit en terme de couleurs, de textures et de fraîcheur. Le lieu ayant déjà accueilli trois restaurants, il fallait rompre radicalement et ce, malgré la taille restreinte et le peu de possibilités d’agencement qu’il offrait. “J’ai imaginé la décoration du restaurant comme une scénographie, en inscrivant chaque élément comme une œuvre à part entière. J’ai assumé des couleurs tranchées qui jouent avec des pièces fortes pour donner une empreinte unique dès le premier regard : des tabourets de bar en tige d’acier couronnés d'une assise en liège pour réchauffer le comptoir en carreaux blancs, deux miroirs circulaires d’inspiration Geneviève Claisse, qui rythment l’habillage en tasseaux de bois”. Tout le reste a été chiné pour donner un univers coloré et cohérent. “Une banquette verte, des miroirs bleus, un mur saumon et des luminaires jaunes ! Parfait pour y associer un tableau théâtral de Alexandre Benjamin Navet, une œuvre poétique de Côme Di Meglio et un buste d’Apollon peint en blanc sur socle”. Des œuvres de jeunes artistes représentés par la Double V Gallery qui gravite dans la même constellation qu’Ourea.
Restaurateurs
Designer
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R E N D E Z V O U S
Aussih 9 rue Châteaubriand Marseille 07 Du mardi au samedi 10h — 19h T - 04 91 31 29 47 @aussihmarseille
Entre les quartiers d’Endoume et de Samatan, une ancienne imprimerie transformée en boutique, cantine et salon de thé par un trio féminin illustre à merveille l’idée de slow shopping. 6 6
A U S S I H
Audrey Colombani & Jessie Hessmann
Laetitia Visse
Le quartier, à deux pas de la mer et loin de l’agitation du centre-ville, fût un choix de cœur vite assumé. Les deux jeunes femmes y résidaient déjà et souhaitaient contribuer à son développement au côté d’une librairie, d'un traiteur, d'une cave à vins et d'une boutique de lingerie nouvellement installés. Faire cohabiter une table et une boutique sera comme un jeu de Tétris. "Le local en forme de "L" a quand même facilité l’aménagement. Les deux parties communiquent tout en ayant chacune leur propre espace. Les corners déco, mode, objets, livres changent au gré des saisons et des achats puisqu’ici tout est à vendre, du mobilier du restaurant aux appliques de la terrasse". Un mélange hétéroclite d’objets neufs et vintage, mis en scène pour vous inspirer dans un décor qui fleure bon la Méditerranée. Audrey et Jessie ont fait de leur contrainte budgétaire une force : le sol en chutes de marbre, les comptoirs et étagères en briques, les ferronneries des fenêtres et les petits orangers ont des airs de Costa Brava sur laquelle on prend plaisir à accoster.
Après quatre années d'études à l'École Ferrandi et un apprentissage en restaurants étoilés, Laetitia Visse a décidé de s'orienter vers une cuisine de bistrot, plus populaire et conviviale. La jeune chef de 26 ans seulement, s'est éprise des recettes de grands-mères, comme la tête de veau sauce gribiche, le poulet rôti au thym pommes grenailles, le pâté en croûte de lapin au whisky ou la blanquette de veau. Autant de plats de notre enfance qu'on est heureux de retrouver et qui collent à merveille à l’esprit famille du lieu. "Aussih est un endroit très féminin et racé de par sa sélection et son ambiance. Jessie et Audrey ont créé un univers bien à elles, très apaisant et où on se sent comme à la maison. C'est pour toutes ces raisons que j'ai eu envie de m'investir à leurs côtés. J'aimerais développer le côté salon de thé avec des recettes pour les enfants qui "éduquent" leur palais aux bons produits, en circuit court et bio bien sûr". Inviter des chefs une fois par mois pour des dîners thématiques, mettre en place des apéritifs dans la cour, les idées fusent et ne manquent pas de la part de celle qui aime qualifier sa cuisine de "canaille".
Cofondatrices
Chef
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Mutations Texte - Eric Foucher
Photos - Eric Foucher
Agriculture urbaine Reconnecter le citadin au vivant et à la terre nourricière est le grand enjeu d’aujourd’hui et de demain. Une nécessité d’autant plus urgente que nos métropoles ont bien souvent perdu les odeurs mais aussi le goût, comme à Marseille où l’espace naturel était en voie d’extinction.
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Photo Š Le Talus
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Chaque mardi, c’est le même défilé au Talus, un projet de micromaraîchage installé entre deux bretelles de la toute nouvelle rocade L2, au nord de Marseille. Mais pas celui de personnes auxquelles on pourrait penser (bobos, retraités, écolos intégristes). C’est un joyeux mélange de populations, avec pour seul trait commun que toutes habitent en ville. Dans l’une de celles où la nature avait quasiment disparu, chassée par l’urbanisation galopante qui a grignoté peu ou prou toutes les terres cultivables et espaces verts disponibles depuis l’après-guerre. À la tête de l'association Heko qui pilote le projet, Fréderic Denel, ancien entrepreneur dans le commerce électronique reconverti dans les projets agro écologiques, est un idéaliste mais pas un doux rêveur. "Il est clair que l’agriculture urbaine ne va pas nourrir tout le monde. C’est par contre un moyen de sensibiliser et d’éduquer les citoyens à la problématique de la souveraineté alimentaire et à l’alimentation durable. C’est aussi créer des vocations en inventant une nouvelle agriculture qui permettra à des jeunes comme Carl Pfanner et Valentin Charvet (ndlr : les deux gestionnaires du Talus) d’être rémunérés convenablement en exerçant un métier qui a du sens. C’est déjà beaucoup." L’exemple du Talus est en ce sens assez emblématique de ce travail de reconquête à la fois physique - reprendre possession des surfaces cultivables laissées en déshérence entre les îlots de béton - et psychologique - faire comprendre qu’il est possible de se nourrir et consommer autrement. Et force est de constater qu’après seulement un an d’un laborieux travail de déblaiement, tri et valorisation du lieu, l’intérêt des riverains mais aussi de personnes venues de beaucoup plus loin va grandissant. "Un mélange de population d’une richesse incroyable qui redonne foi en l’humanité" confie-t-il tout sourire. Les uns prennent de leur temps pour venir prêter main forte à l’aménagement lors de chantier participatifs : celui en cours consiste par exemple en l’aménagement d’un jardin méditerranéen en terrasses avec des arbres et des plantes aromatiques. Il va surplomber la mare et le futur restaurant qui servira des repas bon marché à base de produits bio et locaux. Les autres viennent se renseigner et réserver un bac d’environ un mètre carré : un micro-jardin dans lequel ils pourront faire pousser chaque saison jusqu’à six espèces de plantes (basilic, romarin, tomates, courges, etc.). Près de mille bacs accueilleront prochainement cette micro-agriculture hors-sol de l’autre côté de l’autoroute sur un nouveau terrain, bétonné celui-ci de 6 000 m2.
Photo Š Les Champignons de Marseille
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Photo Š Augustin Tempier, Terre de Mars
M U T A T I O N S
3 maraîchers 4 projets d'agriculture urbaine 60 jardins partagés 230 hectares de foncier agricole disponible 47% surface agricole en moins (1988-2010)
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* données agriculture urbaine à Marseillle
Le plus facile est paradoxalement de trouver ces parcelles. Le plus complexe reste de convaincre les pouvoir publics et ne pas être découragé par la lourdeur et les imbroglios administratifs qui peuvent survenir. "Enormément de terrains vont être mis à disposition via des appels à projets. Mais cela peut prendre des années (parfois jusqu’à 10 ans) entre le moment où la collectivité décide de changer l’affectation du PLU et l’autorisation d’exploiter. Heko a de nombreux dossiers similaires sous le coude en attente de validation. Mais le plus ambitieux reste de prouver la rentabilité de 3 à 5 ans du Talus afin de pouvoir le dupliquer et répondre à l’urgence. "Quand on trace une courbe à 20 ans, on ne sait pas qui va produire une nourriture durable. L’âge moyen de l’exploitant agricole aujourd’hui est de 57 ans. 60000 fermes ont disparu depuis 40 ans, et une ferme sur deux n’a pas de repreneur. La grande majorité des agriculteurs et maraîchers qui vont arriver sur le secteur sont des néos. Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis 50 ans, les fils et filles d’agriculteurs ont fui le métier en voyant leurs parents galérer et leur exploitation dépérir. Notre rêve ultime serait de transformer en maraîchers les jeunes de la cité voisine (Air Bel) pour qu’ils s’installent en périphérie. C’est un des rares métiers ou l’on peut accueillir des personnes de toutes origines, âges et niveaux d’éducation". Pour l’heure ils ne sont pas très nombreux à avoir quitté le seuil des barres d’immeubles. "Ce sont des gens qui vivent en marge et à qui on a fait des promesses non-tenues pendant des
années. Ils sont devenus très méfiants et ont raison de l’être. Il faut aller les prendre par la main, tour par tour, palier par palier". Alternatives aux jardins ouvriers ou partagés, ces offres proposent néanmoins une réponse beaucoup plus pragmatique et pédagogique aux jeunes générations, ces millenials ultras connectés mais qui ont beaucoup moins les pieds sur terre. Si l’arrivée de l’agriculture en ville semble si spectaculaire, c’est qu’on revient de loin. Ce sont les premiers marchés paysans, il y a à peine plus de 10 ans, qui ont démontré pour la première fois qu’une distribution des produits de la terre en circuits courts et la limitation des intermédiaires permettaient de s’alimenter avec de bons produits et à bon prix. Dans la foulée se sont créées des épiceries paysannes dans chaque quartier de la ville afin de pouvoir répondre quotidiennement à la demande, mais aussi des systèmes de panier pour faciliter la tâche d’approvisionnement d’urbains pas toujours véhiculés. Deux initiatives qui apportaient aussi des réponses à nos préoccupations environnementales : la limitation (voire la suppression pour les épiceries de vrac) des emballages et des déchets polluants. Les rares maraîchers ayant survécus sur les extérieurs de Marseille à la pression des lobbies de l’agro-alimentaire ont vu arriver sur leurs terres des néo-paysans qui, à défaut d’avoir toujours l’expérience requise, étaient emplis de bonne volonté.
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Ainsi le "Mas des Gorguettes" (une bastide de Sainte Marthe dans les quartiers Nord de la ville) fût-il transformé avec succès en ferme maraîchère. Les quatre jeunes porteurs du projet Terre de Mars, initialement architectes-paysagistes et urbanistes, étaient persuadés qu’une relocalisation de la production agricole en contexte méditerranéen était possible. Et ce, afin de répondre à une demande de production de légumes saine et locale, mais aussi préserver des terroirs fertiles à l’orée des villes. La découverte de ce lieu entre garrigues et cités est assez bluffante et dépaysante.
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Le Fonds Epicurien, qui finance des actions sous forme de prêts d’honneur et fonds d’amorçage auprès d’associations et entreprises agissant sur le territoire de Provence, y a été bien sûr sensible. "L’alimentation durable, c’est du circuit-court, une culture raisonnée et sans produit chimique" rappelle Thomas de Williencourt à sa tête. "L’idée in fine est de prouver que l’on peut produire sur place de très bons produits pour éviter de les faire venir du bout du monde avec une empreinte carbone catastrophique pour la planète. Terre de Mars a commencé comme une ferme urbaine et se diversifie maintenant en transformant leurs produits pour les entreprises et les particuliers directement sur place. Le Fonds permet de donner de la visibilité au
projet, de le soutenir au lancement par des mises en relation. Ils ont ainsi réussi à financer la création de leur hangar professionnel avec une chambre froide pour le stockage des légumes, un centre d’emballage des œufs et un espace de valorisation culinaire des produits agricoles". C’est aussi ce qui s’est passé avec les Champignons de Marseille, start-up qui s’est spécialisée dans la culture circulaire, en transformant les mous de café de restaurateurs marseillais en terreau fertile pour ses spores. Les champignons frais reviennent eux sur les meilleures tables de la ville (comme celle de l’Intercontinental) et le compost obtenu comme engrais fertile pour les fermes urbaines dans une démarche zéro déchet. "Dernier projet que nous soutenons et auquel nous croyons beaucoup, c’est celui du Paysan Urbain qui se développe au Cloître, un pôle d’innovation et d’entrepreneuriat social également dans les quartiers Nord de Marseille." Initié par Benoît Liotard en SeineSaint-Denis il y a quatre ans, le projet entend produire des micro-pousses. Ces nouveaux produits entre la graine germée et le mesclun plaisent beaucoup aux consommateurs pour leurs qualités nutritives et leurs goûts mais aussi aux restaurateurs pour leurs couleurs qui rendent les plats très désirables.
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Photo © Augustin Tempier, Terre de Mars
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Afin d’impliquer davantage encore les citoyensconsommateurs aux bienfaits de l’agriculture circulaire et du recyclage, des bacs à compost commencent à fleurir ici et là pour récupérer les déchets bioorganiques dans la ville. On mesurera néanmoins l’énorme retard pris sur des pays comme la Suède qui entendent être indépendants énergiquement grâce à leur bioénergie. Les actions de sensibilisation commencent néanmoins à porter leurs fruits. Un lieu vient de naître à Marseille qui pourrait résumer la prise de conscience, l’envie d’agir au quotidien et de penser demain : la Cité de l’agriculture, sobrement baptisée "lieu de vie autour de l’agriculture (en ville) pour la transition agro écologique". Une sorte de hub animé par Marion Schnorf et Bastien Bourdeau et toute une équipe de jeunes gens qui proposent des ateliers, des événements, des projections sur les enjeux agricoles et alimentaires. Ici, la cantine propose un nouveau modèle de restauration collective qui met en valeur le produit, décrit ses moyens de production et ses bienfaits nutritifs. Entre bottes de pailles et ouvrages de références sur l’alimentation durable, on n’y oublie pas le plaisir d’apprendre et le bonheur de retrouver le vrai goût des choses.
Le Talus 603 rue Saint-Pierre 13012 www.letalus.com Terre de Mars 25 impasse du Four de Buze 13014 www.terredemars.fr Cité de l’agriculture 37 boulevad National 13001 www.cite-agri.fr Les Champignons de Marseille 89 traverse Parangon 13008 www.champignons-marseille.fr Le Fonds Epicurien 24 rue Neuve Ste-Catherine 13007 www.fonds-epicurien.fr Le Paysan Urbain 20 bd Madeleine Rémusat 13013 www.lepaysanurbain.fr
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ClichĂŠs de ville
Marseille par
IGO Studio 72
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Cabanon
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Papet à l'agachon
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Esquicher 1
P74-75
Immeuble tarpin beau
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Esquicher 2
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Calanca
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Oh vé !
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Villégiature Texte - Eric Foucher
Photos - Eric Foucher & Sébastien Coquerel
L'Arlatan
C’est à un carambolage spectaculaire de couleurs et d’époques que nous convie l’artiste Jorge Pardo dans un hôtel du XVème siècle au centre d’Arles entièrement transfiguré.
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L ' A R L A T A N
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V I L L É G I A T U R E
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Comme dans tous les palais et belles demeures arlésiennes, l’extérieur est trompeur : massif et rude comme le mistral balayant le delta du Rhône. L’hôtel d’Arlatan (du nom d’un riche intendant du Roy René) n’échappe pas à la règle, et le classement d’une partie du site aux Monuments Historiques a nécessité de s’accommoder de ces murs épais, ces petites ouvertures et ces plafonds bois à encaissement très hauts. “De la contrainte naît la créativité” dit l’adage et c’est justement ce que l’on découvre en caressant le déshabillé en résille qui orne l’entrée, et que l’on retrouvera en trame du bar à l’escalier. Préserver une intimité tout en jouant des transparences, voilà une bien jolie et féminine entrée en matière, du fer en l’occurrence, dont le délicat maillage jaune et orange répond aux couleurs des carreaux émaillés venus du Mexique. Pas moins de deux millions de pièces qui tapissent les six mille mètres carrés de sols ont permis la relance d’une fabrique traditionnelle qui périclitait. Puisque le haut demeure sacré - les plafonds ont d’ailleurs révélé durant les travaux de somptueux motifs du Moyen-âge - c’est par le bas que l’artiste Jorge Pardo va dérouler son histoire : colorée, joyeuse et métissée comme Cuba dont il est originaire et le Mexique où il réside une partie de l’année. Comment ne pas voir un clin d’oeil aux "piñâtas" dans les couleurs des nombreuses lampes en polycarbonate, ou encore une allusions aux « banderines » - ces guirlandes décoratives en papier très populaires durant la fête des morts - dans les motifs des trames métalliques découpées au laser ? Contrairement à de nombreux établissements qui axent leur décoration autour des pièces d’art contemporain, vous n’êtes pas ici spectateur mais invité à vivre dans une œuvre tant l’univers de l’artiste s’exprime partout. C’est justement une “Gesamtkunstwerk” (terme allemand désignant une œuvre d’art totale) que souhaitait la femme d’affaires et mécène Maja Hoffman.
Déjà propriétaire, à travers sa société Les Maison d’Arles, d’établissements aux partis-pris créatifs clairement assumés (l’Hôtel du Cloître, la Chassagnette ou encore le Réfectoire sur le site de LUMA), elle souhaitait aller plus loin dans sa démarche artistique en donnant carte blanche à Jorge Pardo, suite à la visite de son projet Tecoh - ancienne ruine coloniale située dans la forêt primaire du Yucatan et réhabilitée en 2007, où l’on trouve déjà les éléments récurrents de l'esthétique de l’artiste : l’importance attachée aux luminaires, aux sols en patchwork de céramiques colorées ou encore aux garde-corps en résille métallique.
L ' A R L A T A N
A l’opposé du Less is more, on est ici dans l’emphase, l’accumulation de couleurs sans qu’il n’y ait, et c’est là la gageure, jamais saturation ni overdose. Des couloirs bleu layette, des chambres saumon, des armoires aux portes peintes (toutes des pièces uniques signées de l’artiste), des boutis aux tissus camarguais, les Caraïbes sont bien là, transpirant sur les murs de cette bâtisse séculaire qui se régénère gaiement dans ses trente-cinq vastes chambres et six appartements résidentiels.
Photo © L'Arlatan
Les amoureux du design aussi seront à la fête, qui s’amuseront en promenant le regard à retrouver les signatures des belles pièces de mobiliers - Charlotte Perriand y côtoie Gio Ponti - provenant des collections privées de la propriétaire qui prennent place dans la salle à manger et les salons. Aux murs, on retrouve des photographies du film At Eternity’s Gates de Julian Schnabel, inspiré de la vie de Van Gogh et tourné en grande partie dans l’hôtel. Comment ne pas penser d’ailleurs aux tournesols et à la palette de couleurs franches de l’artiste maudit en se promenant dans les couloirs et coursives, décorés de bouquets de fleurs coupées, et de corbeilles de fruits disposées nonchalamment sur les rebords des fenêtres et qui ne semblent n'attendre qu'à être immortalisées.
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Si l’ancien patio provençal, transformé en paradis du farniente avec la création d’une piscine colorée bordée de plantes tropicales, offre en plein cœur de ville une touche d’exotisme, c’est vraiment dans ses intérieurs que l’Arlatan séduit le visiteur. Dans les chambres, la magie opère et les cheminées d’époque, les plafonds en bois et les murs de pierre sourds semblent comme réveillés par la frénésie de couleurs. L’élément le plus photographié sera à n’en pas douter la suspension vertigineuse tombant en grappes dans le puits du magnifique escalier jouxtant l’ancien mur antique dit “Hadrien”. On prend plaisir à se perdre dans les corridors débouchant ici sur une salle de sport équipée uniquement de machines en bois à propulsion mécanique, là sur un salon au panneau de bois peint d’une grande fresque qui fera office de salle de réunion. Pour le plus grand bonheur des arlésiens et des visiteurs qui n’auront pas la chance d’y séjourner, les parties dites “communes” comme le bar et le restaurant sont ouvertes à tous. Elaborée par Armand Arnal, le chef du restaurant-potager la Chassagnette situé non loin de là en plein cœur de la Camargue, la carte revisite avec un twist contemporain - dû en partie au beau dressage des assiettes - les recettes de familles d’hier et d’aujourd’hui avec des produits uniquement frais et de saisons. Les amateurs de minestrone ou de panisses seront aux anges, d’autant que la table peut s'enorgueillir d'être très accessible eut égard à la qualité du lieu. En plus du comptoir principal qui s’enjaille en pagaille lorsque les convives ont le sang chaud, on trouve au sous-sol un autre petit bar à cocktails aux lumières tamisées, idéal pour roucouler sur de douces mélodies. L’Arlatan a tant à offrir qu’on en reste vite prisonnier, mais tant qu’il y a de l’amour … 8 8
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L'Arlatan 20 rue du Sauvage 13200 Arles T - 04 65 88 20 20 @larlatan
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ARCHIK Marseille 50 rue Edmond Rostand 04 91 26 64 56 marseille@archik.fr ARCHIK Toulouse 2 place Montoulieu 05 62 84 76 31 toulouse@archik.fr
Archik, une Collection
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Avec cette vision singulière qui consiste à remettre l’architecture et l’art de vivre au centre de l’immobilier, Archik collectionne des biens de caractère "à vivre" ou "à rénover". 9 9
AC RH CA HP II KT R E T I T R E
A l'ombre des citronniers Architecture de la fin du XIXème siècle, cette magnifique maison de maître de 360 m² cachée au détour d'une rue d'un quartier jouxtant l'Estaque, se dévoile sur un jardin soigneusement paysagé de 1 400 m². Parfaitement restaurée au fil du temps par les propriétaires sensibles à la nature du lieu, tout a été pensé dans l'harmonie et la préservation du site. La maison a ainsi retrouvé ses matériaux nobles d'origine : carreaux de ciment, cheminées en marbre, tomettes marseillaises, pile de Cassis, et sols à damiers en marbre et pierres de Bourgogne. Pas moins de neuf pièces animent la demeure, du salon majestueux avec son sol ancien chiné, de son extension traversante accueillant la grande salle à manger, de la cuisine Poivre d'Âne au granit noir du Zimbabwe, aux quatre chambres baignées
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de lumière, en passant par la jolie tour et son toit terrasse dominant la mer et Marseille. Le grand jardin, tourné au Sud, est bordé de platanes et espèces exotiques luxuriantes qui le protègent du tumulte de la ville. Il accueille une piscine et différents espaces invitant à la paresse et au ressourcement. Indépendante, une jolie maison de 40 m² dite "du jardinier", abrite un salon, une cuisine, et une chambre à l'étage avec sa propre terrasse en ipé, agrémentée de jolis pots d'Anduze. Un bassin attenant à la maison, habité d'oeuvres sculpturales de Marc Bédikian, accueille des carpes koï et souligne la quiétude du lieu. Une véritable maison du Sud, idéale pour les épicuriens, et animée autour de plusieurs espaces de vie où il fait bon se prélasser.
Type De Bien Maison Architecture Néo-classique État À Vivre Quartier Estaque, 16ème, Marseille Surface 360 m²
U C N H E A P CI T O R L E L E T C I T T I R O E N
Prix 1 250 000 €
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U C N H E A P CI T O R L E L E T C I T T I R O E N
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L'arsenal Architecture du XIXème siècle, cet ancien Arsenal des Galères cache un loft de 119 m², lieu de vie ou de travail unique et chargé d'histoire, idéalement situé à deux pas de Saint-Victor et du Vieux-Port. À s'approprier, ce loft qui servi d'entrepôt et de chantier communal de constructions navales a gardé ces éléments d'origine qui lui donnent tout son charme. En open space, il jouit de beaux volumes au potentiel illimité. La pièce de vie de 54 m² est majestueuse avec sa double hauteur, son plafond orné d'anciens mats de galères, et son sol en pierre. Ses beaux volumes sont soulignés par une mezzanine de 33 m² accueillant une vaste chambre à la vue plongeante. Dans un style bateau, la cuisine et la salle de bains avec douche et baignoire se dévoilent chacune d'un côté, sous la mezzanine.
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Type De Bien Loft Architecture Vernaculaire État A Rénover Quartier Vieux-Port, 7ème, Marseille Surface 119 m² Prix 370 000 €
C U H N A E P CI T O R L E L E T CI T RI O E N
Horizon mer Architecture des années 50, cet immeuble classé du grand architecte de la reconstruction Fernand Pouillon, accueille en son premier étage un spacieux appartement de 123 m² avec terrasse, d'où la vue face à la mer et aux bateaux donne des airs de vacances. Structuré de manière logique, l'appartement traversant dévoile une vaste pièce de vie avec cuisine ouverte, prolongée par une terrasse couverte à la superbe vue panoramique sur le Vieux-Port et la Bonne Mère. Le coté nuit se compose en deux parties avec d'un côté une suite parentale et sa salle d'eau d'où la vue mer s'invite et se réinvente toute la journée en fonction de la lumière ; et de l'autre, le coin enfants avec deux chambres se partageant une salle de bains.
Type De Bien Appartement Architecture Moderne État À Vivre Quartier Vieux-Port, 2ème, Marseille Surface 123 m² Prix 890 000 €
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Le belvédère Architecture contemporaine, cette maison d'architecte de 258 m² aux lignes pures et minimales s'ouvre sur de belles terrasses avec panorama sur la mer et les îles, au calme de l'effervescence de la ville, et au pied de Notre Dame de la Garde. Réalisée par l'agence Archimed, la maison est rythmée par ses trois niveaux vitrés et ses vastes terrasses, pour ne laisser place qu'au tableau divin de la mer, dans un dedans-dehors particulièrement appréciable. Situé au niveau intermédiaire, le cœur de la maison bénéficie d'une vaste pièce à vivre éclairée par d'immenses baies vitrées toute hauteur, menant sur une terrasse avec vue mer. La pièce se pare d'une cheminée centrale structurant l'espace, avec un coin salon d'un côté, et une partie cuisine et salle à manger de l'autre. Plus haut, la suite profite d'un dressing et d'une salle d'eau plongeant dans la mer, ouverte sur une deuxième terrasse. A l'étage inférieur se découvre un bureau avec vue, pouvant servir également de chambre. Deux belles suites avec dressing et salles de bains ouvrent elles aussi sur des terrasses, profitant d'un bassin spa à petits carreaux. Une pièce cinéma, un hammam tout de Bisazza vert et d'or vêtu complètent ce bien d'exception.
Type De Bien Villa Architecture Contemporain État À Vivre Quartier Bompard, 7ème, Marseille Surface 258 m² Prix 1 840 000 €
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Terrasse sur mer Architecture vernaculaire, cette maison de 165 m² au cœur de l'anse privilégiée de Malmousque profite d'un panorama estival, à deux pas de la mer. Repensée par la propriétaire actuelle qui y crée une ambiance toute particulière, la maison à la verticale se dresse sur trois niveaux, tel un phare dominant l'horizon. Une volée de marche mène à un premier patio aux airs grecs où se découvre une chambre indépendante à la fraicheur bienvenue. Au bout d'un deuxième escalier, la vaste terrasse en Ipé trône, offrant un salon invitant au farniente et un espace déjeuner. La vue sur la mer, le petit port et les îles y est magique. Ouverte largement sur cette belle terrasse, la pièce à vivre profite d'espaces généreux et joue la carte d'une décoration éclectique. Le coin salon est aussi chic que cosy, la salle à manger pleine de cachet, et la cuisine semi-ouverte offre des teintes chaleureuses. A l'étage, la suite parentale s'ouvre sur une véranda toute de blanc vêtue, laissant place au spectacle des navires depuis le coin bureau. Une salle de bains à l'esprit marocain et un dressing complètent ce niveau. Enfin, au dernier étage se dévoile une chambre aux tons clairs avec sa salle d'eau s'ouvrant sur une petite terrasse, point d'observation de la rade.
Type De Bien Villa Architecture Vernaculaire État À Vivre Quartier Malmousque, 7ème, Marseille Surface 165 m² Prix 1 100 000 €
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Objet de collection Architecture moderniste, cet immeuble dessiné par l'architecte Fernand Pouillon dans les années 50 abrite en son 5ème étage un appartement à la pointe du détail de 57 m² dans le quartier vivant de l'Hôtel de Ville. Entièrement rénové en 2018 par son propriétaire soucieux de ses choix, ce petit bijou lumineux fait dialoguer les éléments d'origine avec des matériaux et objets contemporains ou chinés, dans une harmonie évidente. Tout y est subtil et soigné : le choix des peintures poudrées, le mobilier chiné et précisément posé, les carreaux de ciment de la cuisine répondant aux teintes des sols d'origine. Il s'en dégage une ambiance sereine et apaisante. Son plan est optimisé : l'entrée dessert un premier espace avec une chambre au papier peint exotique, puis la pièce de vie éclairée par les grandes baies du séjour. Dans son prolongement se découvre une cuisine fonctionnelle, d'où la perspective laisse apparaître une percée sur le Vieux-Port. Enfin apparaît une seconde chambre ainsi qu'une salle d'eau au béton ciré et douche à l'italienne. 1 1 1
Type De Bien Appartement Architecture Moderne État À Vivre Quartier Vieux-Port, 2ème, Marseille Surface 57 m² Prix 250 000 €
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Hauteur de vues Architecture des années 40, ce petit immeuble marseillais au coeur du quartier d'Endoume accueille en son dernier étage un triplex de 154 m² dominant la ville et protégé par Notre Dame de la Garde. Ce bel écrin conçu et restructuré par l'ancien propriétaire architecte laisse la part belle à la fantastique vue sur la baie de Marseille et au loin la chaîne de la Côte Bleue, grâce à ses baies toute hauteur. Le parquet exotique met en valeur la majestueuse pièce de vie aux allures de loft avec ses volumes en open space, à l'étage principal. Dominant la ville, la grande cuisine et l'espace salle à manger sont tournés vers la vue, comme suspendus au dessus du port. Au Sud, le coin cheminé est prolongé par une jolie terrasse en ipé de 15 m², au calme. Ce niveau principal accueille la suite parentale ainsi que sa salle de bains blanche immaculée. Au niveau inférieur se dévoile une chambre d'amis et sa salle de bain. Desservies par un escalier graphique, deux chambres d'enfants se partagent une grande salle de bain ludique.
Type De Bien Appartement Architecture Moderne État À Vivre Quartier Endoume, 7ème, Marseille Surface 154 m² Prix 890 000 €
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L' archiduchesse Architecture du XIXème siècle, cette magnifique campagne Marseillaise de 375 m² appartenant historiquement à la Comtesse de Saint-Pons est parfaitement assise sur son terrain de 1 800 m² au cœur du quartier Saint-Julien. Entièrement rénovée en 2007, l’architecte d’intérieur a su parfaitement marier la beauté des volumes et des matériaux anciens aux éléments contemporains, créant une mise en scène élégante. La maison se découvre au bout d’une rangée symétrique de tilleuls, laissant découvrir un jardin méditerranéen agrémenté de platanes, pin maritimes, cèdre bicentenaire et petits carrés de simples. Cabane et atelier contemporain s’y camouflent, élégants. Avec son magistral fronton sculpté et son horloge d’origine, l’entrée est majestueuse. Vêtue de carreaux en marbre noir et pierre aixoise, elle dessert deux magistrales pièces de vie au parquet 1 1 1
à bâtons rompus et aux cheminées de marbre. Le vaste salon bibliothèque d’un côté, chaleureux, dialogue avec l’espace de réception ouvert de l’autre, accueillant cuisine et salle à manger. L’étage est dédié à l’espace nuit : une suite parentale aux jolies tommettes vernaculaires et sa salle de bains privative, ainsi que deux autres chambres se partageant une salle de bains au meuble d’écolier et carreaux métro. Sous comble, deux pièces mansardées servent de petits ateliers d’artistes. Au sous-sol, un espace de loisir et de détente ouvre sur une chambre d’amis, un studio de musique, un hammam et une grande cave sous voutains.
Type De Bien Maison Architecture Néo-classique État À Vivre Quartier Saint-Julien, 12ème, Marseille Surface 375 m²
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Prix 1 580 000 €
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L'élégante Architecture néo-classique, cette magnifique demeure de 1875 est typique des maisons de maîtres du Roucas Blanc, en situation privilégiée dans son écrin de verdure et bénéficiant d'une pleine vue sur la mer et les îles du Frioul. En position dominante et au calme absolu, elle se dresse fièrement sur un terrain en restanques de 1 610 m² minutieusement entretenu et arboré d'arbres centenaires, laissant découvrir ici et là des espaces privilégiés pour les différents moments de la journée. Immédiatement, la grande piscine turquoise surplombant la mer Méditerranée appelle à la détente. Le charme et l'ambiance particulière qui y règne font le reste, présageant de doux moments en famille.
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Bâtie sur 2 niveaux, la maison de 298 m² ouvre de toute part sur la terrasse de 200 m² et sur la mer, omniprésente. Au rez-de-chaussée se découvrent les pièces de vie : séjour, salle à manger, cuisine séparée, buanderie, et véranda d'hiver. A l'étage se dévoile l'espace nuit avec une suite parentale toute de bleu nuit vêtue, un bureau ouvert, et quatre autres chambres. Enfin, un appartement de gardien de 60 m² veille sur cette demeure d'exception.
Type De Bien Maison Architecture Néo-classique État À Vivre Quartier Roucas Blanc, 7ème, Marseille Surface 298 m²
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Prix 3 300 000 €
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Entre deux mondes Architecture de la fin du XIXème siècle, cette habitation singulière de 355 m² à la lumière zénithale déploie fièrement ses volumes audacieux au cœur du quartier des Minimes. Transformé par ses propriétaires dans les années 90, cet ancien cinéma a gardé le faste de ses volumes, permettant diverses possibilités de rénovation, qu'un brin d'imagination rendra singulier. L’entrée sur rue distribue d’une part un lieu accueillant du public de 100 m², et d’autre part, un espace de vie familial derrière une ancienne porte vitrée en bois. Traité en open space avec une homogénéité de sols en béton peint, le salon aux percées en double hauteur et la
salle à manger habillée de briques recouvertes de chaux sont réchauffés par un poêle à bois. La cuisine est ouverte, conçue essentiellement en menuiserie. Un escalier central en métal et bois invite à l’étage supérieur, accentuant la vertigineuse hauteur sous faîtage. Inspirés par leurs nombreux voyages, les propriétaires ont disposé çà et là des claustras et des noren, et choisi des couleurs murales tranchées chez Ressource pour définir les différents espaces. L’étage dévoile deux chambres dont une avec mezzanine, une salle d’eau, un salon de repos en rochelle, et un coin bureau. Un grand espace parental avec salle de bains et sauna privatif vient parfaire ce tableau singulier.
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Type De Bien Loft Architecture Industrielle État À Vivre Quartier Minimes, Toulouse Surface 355 m² Prix 990 000 €
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Californian life Architecture des années 60 revisitée, cette maison de 400 m² aux allures californiennes est parfaitement installée sur son terrain plat de 1 518 m², dans une rue calme du quartier de Balma.
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Entièrement repensée en 2014, la maison aux lignes pures se développe sur deux niveaux. De plain-pied, la somptueuse pièce de vie de 130 m² aux larges percées sur l’extérieur s'ouvre intégralement par des baies horizontales à galandage sur les terrasses, bordant ainsi le jardin plein Sud et sa piscine. Les décrochés de façade traités en casquette créent des espaces cosy invitant au farniente. L'intérieur accueille un
grand salon avec cheminée et une salle à manger au parquet de chêne blond. La cuisine se compose de deux îlots habillés de bois, contrastant avec le sol en béton ciré. Un coin télé, une chambre d'amis avec salle d'eau privative et un atelier viennent dans la continuité. Un escalier graphique en menuiserie mène ensuite à la partie nuit. Ce niveau accueille logiquement trois grandes chambres indépendantes avec salles d'eau privatives, ouvertes sur des terrasses. A part, le vaste espace parental se compose d'une chambre avec vue sur la piscine, suivie d'une belle salle de bain avec baignoire îlot et douche double entrée. Le tout ponctué de prestations qualitatives et élégantes.
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Type De Bien Villa Architecture Contemporaine État À Vivre Quartier Balma, Toulouse Surface 400 m² Prix 1 420 000 €
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De l'architecture
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Conversation Texte — Eric Foucher
Photos — Marion Bernard
Marion Bernard À l’heure des archis stars, l'agence Marion Bernard réhabilite l’aventure collective. Découverte d’une agence qui brouille les pistes pour mieux nous surprendre, crée des espaces à vivre plutôt qu’à seulement habiter.
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Derrière un nom à l’apparente banalité, un duo lui très singulier. Manon Gaillet et Sylvain Bérard se sont rencontrés sur les bancs du lycée et retrouvés après leurs études d’architecture dans leur ville d’origine : Marseille. Un concours très rapidement gagné les convainc qu’ils sont sur la même longueur d’ondes dans leur vision du métier. Décloisonner l’architecture en y invitant l’art, montrer les pratiques et partager les modes d’expression sera leur leitmotiv dans la réalisation de commandes privées comme publiques. Dans un milieu qui manque souvent d’humour et de recul sur soi, leur ego s’efface avec une volonté de ne pas se prendre au sérieux.
La signature architecturale est un code ancien. C’est devenu une marque avec les archis stars. Quelle est la signification de la vôtre ?
bien sûr mais aussi la façon de faire circuler les bruits, de se voir, s’entendre. Offrir la possibilité de vivre les uns sur les autres tout en gardant de l’intimité. Enfin il y a le blanc bien sûr, omniprésent.
Nous cherchions un nom M—B pour notre agence sans vouloir nous mettre en avant. On m’a appelé Marion toute ma vie et lui Bernard. Ça nous amusait de mixer les deux pour créer un personnage fictif. Sortir de l’égo et rester secret avec la possibilité d’agrandir le collectif (ndlr : ils travaillent depuis les débuts avec l’artiste Romain Magail et l’architecte Fanny Camerlo).
Vous dites aimer dessiner des espaces à vivre, dont la lecture sols, murs et plafond est très simple…
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L’agence a dix ans cette année. C’est court en terme d’architecture mais déjà long pour réfléchir à des projets. Quel premier bilan tirez-vous de son positionnement singulier ?
Que l’on est sur la bonne voie. On a enseigné à l’école d’architecture de Marseille en parallèle des activités de notre agence et on a perçu des gros changements de mentalité. L’architecture de consommation dont l’esthétique n’existe que pour ellemême n’intéresse plus les jeunes élèves d’aujourd’hui. Ils se soucient davantage maintenant de pourquoi ils font les choses, à quoi elles servent, leur bien-fondé pour le quartier, l’importance de la concertation avec les habitants. Les extérieurs peuvent être considérés comme de vraies pièces à vivre dans nombre de vos projets. En quoi la Méditerranée vous inspire-t-elle ? 1 1 1
On est de vrais sudistes. On a fait une conférence un jour sur la Méditerranée et comment notre architecture en parlait. Il y a le dedans/dehors
Oui nous sommes des architectes de la coquille, des "espaces capables" comme on dit en architecture. D’où la non couleur, car on ne veut pas que cela soit trop investi par le décoratif, qui lui viendra par le client. On garde la qualité de surface et de lumière mais on n’est pas dans le débat du choix des couleurs ou d’ajouts de matière. Le projet d’un hangar transformé en deux appartements symétriques auxquels on accède par un escalier commun parle beaucoup de cela. Il y avait le vide et maintenant l’habité. C’est très surprenant de voir comment deux familles se sont appropriées un volume identique. Certains de vos projets intégrant des portes cintrées de différentes tailles et des cloisons arrondies ont néanmoins une charge scénique assez poétique… ? Ça participe sans doute de notre amour du théâtre, des décors. Dans son cursus d’études Sylvain a fait l’école Pennhingen et j’ai quant à moi eu la chance d’intégrer l’ENSA de Paris-Malaquais qui avait une nouvelle façon d’enseigner, permettant de choisir tous les six mois une branche de l’architecture (archi, urbanisme, scénographie, design, etc.). J’ai aussi eu l'opportunité par la suite de faire des stages à la Mode en Images à Paris et dans les ateliers d’artistes de la Ville de Marseille qui m’ont beaucoup influencé dans mon approche du métier. Le cube en miroir pour
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Nous aimons la puissance onirique de l’art qui est éminemment plus abstrait que l’architecture.
le collectif oracular/vernacular installé à la Maison de vente Leclere, ou l’escalier et ferronneries roses participent aussi de ce besoin de fantaisie.
d’une œuvre. Nous avons dessiné le socle pour que cela puisse être élégant, puis orchestré l’installation de ce sacré tronc par une grue.
Pourquoi cette prédominance du béton travaillé sous toutes ses formes, couleurs, effets (banchage, crénelage, etc.) ?
L’image est très importante dans votre travail. Elle rend sensible des notions de sensualité, de bien-être, de mouvement. Comment naissent-elles ?
C’est vrai qu’on aime beaucoup travailler ce matériau. Ses mises en œuvre sont multiples et il a la chance de pouvoir être à la fois un matériau de gros œuvre comme de finition. De plus, il vit, vieillit, se patine avec le temps. Ce qui, à nos yeux, représente une qualité. Son défaut serait la note de sa consommation énergétique nécessaire à sa production… On a la chance d’avoir de très bons artisans pour le travailler, patients et curieux. Donc on expérimente avec des maquettes en béton pour pouvoir montrer les vrais rendus au client qui a souvent besoin d’être rassuré. L’art est souvent partie prenante dans vos réalisations. Comment se passe le processus d’intégration d’une œuvre ?
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Nous ne faisons pas le choix « d’intégrer de l’art » dans nos projets. Nous aimons la puissance onirique de l’art qui est éminemment plus abstrait que l’architecture. Par définition le fait de construire fige. Nous aimons travailler nos projets de sorte à ce que même une fois construits, l’imaginaire de chacun puisse encore s’exercer. Nous avons réalisé dans le quartier de Malmousque à Marseille une terrasse à l’aménagement très minimaliste en raison du fort mistral qui souffle souvent là-bas. Il fallait juste de quoi s’asseoir (une table et un banc) se rafraîchir (une douche) et en visuel l’horizon marin (un petit muret et un garde-corps dont la hauteur cache juste les maisons alentour). Comme le client est un collectionneur d’art, il nous a fait mettre en réserve un emplacement en prévision de l’achat
Là encore ce sont des histoires de collaborations. Que ce soit un lâcher de poussins autour d’un cube (en référence à une installation photo de Thomas Mailaender pour lequel nous avions construit une scénographie), une danseuse évoluant dans l’espace devant l’objectif d’une photographe à qui on avait prêté un lieu, ça peut paraître loufoque mais c’est intéressant parce que cela parle aussi de notre lieu et la façon de l’habiter. On souhaite laisser prochainement les murs à des artistes entre les temps de latence d’un prochain chantier. Vous aimez exposer et réfléchir aux enjeux de l'architecture en invitant vos congénères à des événements. N’est-ce pas aussi une façon de dépasser le cadre de la compétition dans laquelle les agences sont souvent enfermées ? On s’est aperçu que dans la conception comme dans le chantier et les étapes intermédiaires, chaque agence a des méthodes très personnelles de recherche qui fabriquent une esthétique mais questionnent aussi différemment tout le quotidien. Par l’outil, on fabrique la question. Il y a des agences qui ne travaillent que comme cela. C’est par leur brouillon qu’elles esquissent le travail fini. La 3D entérine mais ne permet pas la recherche. Dans la galerie Art-cade de Marseille (exposition "25 architectes, 5 absents" en 2016) comme au Pavillon de l’Arsenal à Paris (exposition "30 architectes" en 2017) on a réussi à inviter parmi de
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nombreuses agences nos préférées. Pas forcément les plus commerciales, mais celles qui expérimentent avec les matières et les concepts. Vous parliez pour un chantier de villa à La Londe esquissé en 2018 de « construire une ruine ». Qu’entendez-vous par là ? Ça revient à notre fantasme d’une architecture qui ne doit pas s’imposer mais exister comme une évidence, s’intégrer au paysage comme si elle avait toujours existé. Cela procède aussi d’une affinité au primitif et matériaux bruts. Une ruine ça n’a plus de toits. Il reste les refends (ndlr : murs porteurs intérieurs). Il y a une mixité entre les intérieurs et extérieurs, un jeu de quinconce, une volonté de brouiller les pistes, ne plus savoir où l'on est. Ça devient une sorte de squelette dans l’environnement végétal comme les œuvres de l’artiste Rachel Whiteread que l’on adore.
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Le chantier de l’Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires (IMVT) qui va faire cohabiter trois écoles (architecture, paysage et urbanisme) est là encore une aventure collective. Avez-vous été surpris de remporter le concours ? Oui car je crois que le ministère a pris un beau risque en récompensant l’humain plutôt qu’une signature. Nous avons répondu à cette commande publique avec les agences np2f et Point Suprême, accompagné de Jacques Lucan, avec qui nous avons un vrai affect que ce soit familial ou amical et une vision commune de ce que doit être l’architecture de demain. Notre réponse ne renvoie pas à une architecture dite d’auteur. Elle s’adresse aux usagers. Elle met l’accent sur la générosité des espaces dessinés, sur la pérennité d’une structure porteuse et son adaptabilité, ce qui nous semble être fondamental de nos jours.
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Re-naissance Texte — Amandine Coquerel
Photos — Edwige Lamy
Mare medi terra Au sein d’un vieux quartier marseillais, une maison de pêcheur à la façade blanchie a retrouvé une nouvelle jeunesse après une rénovation en profondeur signée Archik. Le projet s’est déroulé autour d’un escalier monumental rappelant Valentine Schlegel, investissant chaque niveau jusqu’au toitterrasse où se dévoile un paysage idyllique.
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Projet Débuté par le toit qui respirait un air de Grèce évident et qu’il suffisait de dévoiler, puis par le patio et le rez-de-chaussée, “racines” de la maison, les quatre niveaux ont chacun connu une transformation. Circuler aisément, profiter de la fraîcheur et investir les niveaux les plus bas ont été la principale problématique.
Technique Formes organiques et brutes, patines naturelles, murs arrondis et garde-corps maçonnés sont les témoins de techniques méditerranéennes que la rénovation, fidèle, a mis en exergue et magnifiés. Les menuiseries sur mesure en chêne massif, réalisées par Raboniak, soulignent l’ensemble, précis et intemporel.
Aménagement Les différents espaces entremêlés signent un art de vivre méditerranéen. Le rez-dechaussée décloisonné et ouvert sur le patio accueille une grande bibliothèque et, à part, la suite parentale immaculée. L’espace de vie fait la transition au premier étage entre les deux espaces nuit bien distincts. A l'abri des regards, le toit-terrasse cache une cuisine et un salon d’été à ciel ouvert, dépaysant.
Décoration Le blanc est à l’honneur dans la maison. Un style contemporain affiché avec des références au design des années 50 – 60, répond au style vernaculaire. Charlotte Juillard, Eames, Paola Navone et Michel Ducaroy habitent l’intérieur. Lise Prévot, Martin Parr et Alexandre Benjamin Navet, quant à eux, les murs. Les luminaires CVL ponctuent le tout. Il s’en dégage une certaine harmonie, rytmées de touches de velours bleu nuit et de lin blanc. 1 1 1
Architecte & Paysagiste Manon Gaillet & Elodie Werhlen Localisation Mazargues, Marseille Budget des travaux 150 000 € Durée des travaux 6 mois Superficie 160 m2
Matériaux Céramique Marbre Micro-mortier Ligne Concrète® Tomettes Laiton Chêne massif
Couleurs Bleu azur Bleu nuit Blanc pur Blanc crème
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Symbiose Texte — Laure Amoros
Photos — Edwige Lamy
Architecture naturelle Faire communier l’homme avec son environnement, voilà tout l’enjeu de l’architecture de Maurice Sauzet. Découverte de l’une de ses rares villas à Marseille.
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Brillant élève de l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris dont il ressort avec le prix de l’Académie, la carrière de Maurice Sauzet, né en 1927, aurait pu verser comme pour ses condisciples vers une architecture moderne et rationnelle très corbuséenne. Pourtant, c’est lors d’un séjour au Japon qu’il s’éprend des temples bouddhistes zen, conçus comme de véritables habitations. De retour dans le Sud de la France, c’est alors tout naturellement qu’il s’inspire de l’architecture traditionnelle japonaise et de son lien indéfectible à la nature pour la retranscrire dans l’environnement méditerranéen. Au pied des collines avancées du Massif du Garlaban, surplombant le quartier de La Treille, il trouve comme parfait terrain de jeu, 2 800 m2 parmi les pins et les cyprès pour y concevoir une villa tout à fait singulière. Son architecture, qu’il qualifie de "naturelle", a pour ambition de créer des lieux où vivent ensemble les êtres de la nature. "L'architecture naturelle propose des méthodes appropriées, parfois irrationnelles, pour susciter avec la plus grande force la relation à la nature du monde, aussitôt ressentie en beauté" traduit l’architecte. Une beauté évidente, transcendante, sensible, tant esthétique que conceptuelle se dégage de cette villa. À peine entré, un sentiment de quiétude et d’équilibre nous envahit. Nous cheminons dans la pièce de vie entre la cheminée sculpturale et l’assise aux lignes courbes et organiques. Partout, une transparence omniprésente laisse opérer la lumière, à travers les vitrages, le lattage en
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claire-voie, les patios. Elle s’efface ou s’expose, suivant le rythme de la journée, jouant avec les décrochés et débords de la toiture en tuiles. La frontière entre intérieur et extérieur disparait, pour valoriser le paysage dans une continuité naturelle des espaces. De larges baies à galandage horizontales cadrent la vue sur la colline et la végétation avoisinante, quand des patios vitrés, véritables contre espaces, permettent à l’extérieur de s’approprier délicatement l’intérieur. Dans les salles de bain, l’homme partage alors son intimité avec des rideaux végétaux. Ainsi, le bâti s’efface devant la nature et devient davantage une manière de montrer que de se montrer.
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À travers des jeux de hauteurs, de formes, d’espaces, de matériaux, l’architecture de la maison s’adapte à l’homme, à ses déplacements, sa morphologie, ses mouvements. Témoins d’une architecture organique, sensorielle. L’homme s’éveille alors dans son milieu avec lequel il ne fait plus qu’un.
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C’est grâce à cette architecture naturelle que Maurice Sauzet a inspiré plusieurs générations d’architectes en enseignant à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille. Son œuvre, et c’est bien là la différence, dépasse toute volonté gratuite de bâtir ou de créer, faisant seulement la part belle à la nature et nous replaçant à merveille dans notre milieu originel.
VILLA SAUZET Architecte Sauzet Architectes Site Quartier La Treille, Marseille Maître d’ouvrage Privé Date Livraison 2008 Superficie 290 m2, terrain 2 800 m2 Prix de vente 1 295 000 € 1 1 1
Pensée Constructive Texte — Fabienne Berthet & Pascale Bartoli
Photos — Pascale Bartoli
Architecture balnéaire Village du Merlier, placette et fontaine en céramique de Jean Perrier, atelier de Montrouge architectes, Ramatuelle
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L' avènement d’un tourisme à grande échelle va de pair avec la sortie de terre de nombreuses constructions balnéaires. Prisé, le littoral méditerranéen a été considérablement impacté par cette mutation sociale. Entre utopie et fonctionnalité, les programmes alors imaginés incarnent une pensée en mouvement et une volonté de concilier architecture, accueil du plus grand nombre et préservation environnementale. Décryptage avec Pascale Bartoli, co-fondatrice de l’agence Architecture 54 à Marseille et auteur d’un ouvrage sur la question*.
Un contexte sociétal Avec les années 50 sonne l’apparition de nouveaux modes de vie. Les avancées sociales de l’aprèsguerre et notamment les congés payés imposent un tourisme désormais accessible à tous. A la fois résultat et catalyseur des mutations qui bouleversent la société des Trente Glorieuses, il favorise le progrès social et une aspiration à la liberté individuelle hors du temps de travail. En pratique, l’accroissement des revenus génère un nouvel attrait pour les vacances qui se porte tout naturellement sur les stations balnéaires et les littoraux. Sous le doux nom d’héliotropisme, encouragées par une culture qui valorise coquillages et crustacés, des foules entières se
précipitent sur la côte, désireuses de goûter aux plaisirs de la plage. Conscients des enjeux économiques du tourisme, les pouvoirs publics instaurent une politique incitative à ce grand déploiement qui s’oriente majoritairement vers 3 territoires : le Languedoc-Roussillon, les Alpes Maritimes et le Var qui, chacun développe en fonction de son histoire, de son attractivité et de ses atouts, des modèles propres. Trois modèles Sur le littoral languedocien, les mutations accompagnées en 1963 par la mission interministérielle Racine reconnaissent le principe de six unités touristiques sur 180 km de littoral. Saint-Cyprien, Leucate
- Le Barcarès, Gruissan, le Cap d’Agde, la Grande Motte et Port Camargue, séparés par de vastes zones naturelles, voient le jour. Avec un objectif de construire, en 20 ans, les infrastructures ainsi que 500 lits touristiques nécessaires au développement d’une économie qui fait défaut à cette partie du pays. Près d’un million de vacanciers sont attendus dans ce qui sera surnommée la Floride ou la Californie française et résonne désormais comme l’emblème des sites de tourisme populaire. Autre ambiance, l’aménagement des plages des Alpes Maritimes, fréquentées par les touristes issus des hautes sociétés européennes depuis le début du XIXème, repose sur un autre modèle. Les stations
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climatiques fixées à proximité de zones déjà urbanisées s’avèrent très codifiées entre la promenade, le casino, les palaces et les villas qui se dispersent sur les pentes escarpées du littoral. Les palaces, justement, peinent à retrouver leur clientèle et s’essaient à la reconversion, notamment en copropriétés. A mi-chemin, le Var joue une carte singulière. Elle se concrétise durant les Trente Glorieuses par un développement sans précèdent de ses équipements touristiques et de loisirs. Une dynamique immobilière qui s’inscrit dans les grands débats doctrinaires de l’époque sur l’habitat, le logement social et le logement pavillonnaire. Avec une vraie spécificité, la prise en compte du paysage et de l’environnement dans les projets. Le Var met ainsi
en avant une expérience architecturale innovante en écho avec la modernité critique. Des opérations significatives Les travaux réalisés par Pascale Bartoli "1955-1975 : Les ensembles résidentiels de vacances sur le littoral varois" révèlent les enjeux à l’oeuvre. Cette vue d’ensemble permet d’appréhender l’originalité et l’exemplarité de la réflexion architecturale, urbaine et sociologique de ces projets. "C’est en constatant la quantité des publications sur les quatre principaux projets de villages de vacances du littoral varois (le Merlier de l’Atelier de Montrouge, le village des Fourches de Lefèvre et Aubert, le Graffionier de l’AUA et Port Grimaud de François Spoerry)
que l’intérêt d’un inventaire s’est manifesté. En effet, le retentissement d’une poignée d’opérations permet d’envisager la découverte de nombreux autres projets réalisés ou bien seulement esquissés". La problématique est posée. Le Var possède une culture agricole, peu d’infrastructures. L’industrie y est inexistante. Le tourisme s’impose comme la seule vraie possibilité d’essor économique. Cette déferlante saisonnière, certes souhaitée, doit cependant composer avec un autre enjeu, la préservation des atouts naturels et notamment de vastes zones côtières naturelles. Les liaisons sont encore difficiles. "Au début des années 1950, le littoral des Maures est dépourvu de voies de communication, les déplacements se font par cabotage.
—la relation forte des projets avec les côtes varoises pose les fondements de l' "architecture paysage" ou "architecture orographique".
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— leur qualité architecturale alliée à une intégration paysagère aboutie ont permis à ces programmes d'être labellisés "Architecture contemporaine remarquable" par la DRAC.
À Toulon, où la raison militaire supplante toutes les autres, rien n'est fait pour faciliter les échanges avec l'Est". Un plan avant-gardiste Les premiers jalons sont posés dans les années 1920-1930 avec le Plan Prost (1926), particulièrement novateur pour l’époque. Avec comme objectif, l’embellissement du littoral varois depuis Hyères jusqu’à Saint-Raphaël, il initie des modes d’urbanisation concertés et respectueux du paysage. "C’est ainsi la première tentative de constitution d’un urbanisme de bord de mer propre à ce territoire. Visionnaire, il continue par son actualité et sa modernité, d’influencer l’urbanisme aujourd’hui". Etape par étape, celle-ci s’organise et prend forme de lotissements isolés, occasionnellement articulés avec un hôtel et ses équipements sportifs et balnéaires. L’Entre-deux-Guerres voit un autre phénomène se produire. De
larges domaines situés à l’écart des centres existants sont morcelés et vendus à des vacanciers en quête d’un habitat plus proche de la nature et en rupture radicale avec les formes traditionnelles de leur vie citadine. "L’automobile a incontestablement soutenu cette diffusion de l’urbanisation structurée autour de voieries en corniche d’où l'on apprécie déjà le paysage". Le département évolue et développe dans la foulée une géographie et une tradition farouche de préservation du paysage. Un tourisme à grande échelle L’arrivée en force des Villages de Vacances accélère la cadence. Créée en 1959, avec la troisième semaine de congés payés autorisée 3 ans plus tôt, l’association VVF, gérée entre autres par la Caisse des Dépôts et Consignations, innove. L’acronyme est révélateur et le concept en phase avec l’état d’esprit de l’époque. Ce mouvement de fonds bouleverse
incontestablement le marché du tourisme dit de masse en introduisant le principe d’offre de "séjours tout compris". La proposition consiste, en effet, en un accueil complet de loisirs et de services et un hébergement en hameaux à des familles dans l’incapacité financière de partir (vraiment) en vacances. La fédération nationale des foyers et clubs de loisirs Léo Lagrange, sous l’impulsion du parti socialiste, coordonne alors la construction d’équipements qui vont se multiplier et déterminer de nouvelles formes architecturales. "La véritable évolution de la commande réside dans l’arrivée des programmes sociaux représentés par l’État et le milieu associatif. Ils vont s’inscrire dans une approche la plus souvent traditionnelle et pragmatique avec une réappropriation des rites des vacances. C’est du point de vue morphologique que se situent les principales innovations et expérimentations de formes architecturales inédites. La relation
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forte des projets avec les côtes varoises pose les fondements de ce qu’on pourrait appeler "l’architecture paysage" ou "l’architecture orographique". Trois grandes catégories de programmes combinant différentes formules de logements individuels ou collectifs émergent ; l’échelle de l’unité résidentielle (grands ensembles, hameaux et villages), l’unité de voisinage (urbanisations raisonnées, quartiers) et celle de la petite cité (stations balnéaires intégrées). Citons, quelques exemples significatifs, celui du village des Aludes à La Garde Freinet construit par André Wogensky et Alain Amédéo, au milieu des années 70 marque la montée en puissance d’une idéologie communautaire et solidaire. Elle prévaut d’ailleurs à l’organisation des équipements et des activités. Le principe est simple, il s’agit d’initier aux loisirs quels qu’ils soient, sportifs ou culturels, les classes dites laborieuses pour favoriser les relations sociales. Un parti pris qui implique, par exemple, la prise en charge des tâches ménagères, des repas et la garde des enfants. Le village du Pradet créé en 1962 par André Devin fait, à ce titre, figure de pionnier sur le littoral varois. Institutions et promoteurs de la partie Ce tourisme social est impulsé par les institutions. Mais la promotion privée comprend l’intérêt de se positionner et s’illustre à travers quelques grands noms. On y compte François Leredu installé à Hyères et spécialisé dans les programmes balnéaires de standing tels que le domaine Gaou-Bénat, le golf de Valcros, le domaine Pardigon de Lefèvre et Aubert, le Château Volterra de l’atelier de Montrouge. Marius Cayol, promoteur toulonnais de Simone Berriau plage en est un autre représentant comme l’architecte François Spoerry. On lui doit le concept de station intégrée tel celui de la cité Lacustre de Port Grimaud. Célèbre, cet ensemble architectural unique, inscrit en 2002 au "Patrimoine du XX ème siècle", imaginé et construit à partir de 1966, possède la particularité d'être organisé en copropriétés
privées qui assument entièrement son entretien et sa préservation. Véritables innovations en matière d’urbanisation à l’échelle du territoire, des lotissements géants se développent désormais sur les côtes. Celui du Rayol Canadel est particulièrement représentatif. Classiquement connecté au réseau ferré, par son échelle et son étalement sur les côtes escarpées du littoral entre le Cap Nègre et Cavalaire, il échappe à toutes possibilités de compositions ordonnancées. La référence à la figure villageoise continue à séduire mais les promoteurs misent de plus en plus sur ces complexes imposants. La création de stations balnéaires intégrées incarne le double enjeu du tourisme : accueillir un large public sans dénaturer les paysages. Des stations entières sortent de terre. Echelonnées entre 200 et 1500 logements, elles restent malgré tout, quantitativement moins importantes que celles du Languedoc-Roussillon.
des logements en rupture avec les formes traditionnelles. Avec de nouveaux pré-requis, séduire, certes mais également rationnaliser de façon constructive et morphologique. Sans exclure, donnée essentielle du Var, la notion d’intégration paysagère. Se pose ainsi la question, contradictoire, de l’aménagement des sites naturels et sauvages. Comment ouvrir au plus grand nombre sans dénaturer ? Des outils et des enseignements qui font écho dans le domaine de la prospective territoriale. A l’heure où une urbanisation concertée des sites sensibles reste, sur ce territoire, plus que jamais d’actualité.
Une mobilisation active pour l’environnement Dans les années 70, le grand public se mobilise sur de nouveaux enjeux comme la protection de la nature et du littoral. Symboles s’il en est, le Conservatoire du même nom verra d’ailleurs le jour en 1975 et la Loi Littoral sera votée 11 ans tard. Le ton est donné, sans retour en arrière possible. Certains projets comme Marina Baie des Anges entre Cagnes sur Mer et Villeneuve Loubet sont pointés du doigt, alors même que leur vertu et leur intérêt sont depuis reconnus, entre autre par la labellisation "Patrimoine du XXème siècle". La législation a ses limites. L’urbanisation n’est pas stoppée, elle permet la construction en continuité des agglomérations. Et dans un département où le BTP possède un poids incontestable, les dérapages ne sont pas rares…. Ce tour d’horizon ouvre le débat. Le tourisme de masse, par la dimension utopique et expérimentale qu’il véhicule, offre de nouvelles libertés et créativité, donnant naissance à
* Habiter les Vacances Architectures et urbanismes sur le littoral du Var Par Pascale Bartoli Éditions Imbernon
— le double enjeu du tourisme : accueillir un large public sans dénaturer les paysages.
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Ancien VVF de giens la Badine, André Devin architecte, Hyères
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Anatomie d’un building La Marseillaise par
Jean Nouvel 146
Tour de grande hauteur
L A
Béton roi
M A R S E I L L A I S E .
La Marseillaise est le 2 Immeuble de Grande Hauteur (IGH) de la nouvelle skyline marseillaise après la Tour de Zaha Hadid (CMA-CGM) et avant celle de Jean-Baptiste Pietri (la Porte Bleue) en construction. ème
Teinté sur la façade ou brut dans les parties communes, le béton est montré sous toutes ses facettes et donne à voir même ses défauts. Des cabochons en verre coulés par les maîtres verriers de la cristallerie La Rochère ornent les banches.
Brises soleil
3 500 pièces en Ductal® (béton fibré tel qu'au Mucem) ont été fixées en façade avec pas moins de 30 teintes. Elles offrent des vibrations colorées selon l’heure et l’angle de vision et une trame d’ombres et de lumière à l’intérieur.
Pilotis et ciel mouvant
De grandes colonnades de béton. créent une trame extérieure, telles un échafaudage jusqu’à son sommet. Un ciel "artificiel" formé d'une multitude de tiges bleues s’agite avec le vent, créant des ondes marines, et couvrant ce qui peut s’apparenter à un péristyle.
Jardins supendus
La tour compte 5 terrasses végétalisées. Sur les toitures des commerces du rez-de-chaussée, aux étages intermédiaires et sur les toits. Ces jardins, malheureusement qu’ornementaux. sont peuplés d’espèces méditerranéennes (pins, oliviers et figuiers) seules aptes à supporter vents et chaleur.
En chiffres
"C'est la beauté de l’esquisse, celle du tableau qui veut laisser encore voir la toile… Une absence qui devient un territoire de plus pour l’imaginaire… Elle se veut, La Marseillaise, hymne à la lumière : une marche, un escalier, une ascension à des passerelles vers ou dans le ciel". (J.N)
135 mètres de hauteur 31 étages 35 000 m² de bureaux 16 000 m² de surface vitrée 15 ascenseurs 1 restaurant 1 crèche 5 commerces 113 000 000 € HT de coût
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Teinte Yves KleinÂŽ