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Noël d'hier et d'aujourd'hui

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Cocktails de Fête

Cocktails de Fête

Texte : Corinne Daunar

Noël d’hier Noël d’aujourd’hui

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Entre les coutumes d’antan, les pratiques revisitées et les influences plus récentes du reste du monde, Noël aux Antilles représente un art de vivre unique, bouillonnant de joie, de rythme et de saveurs. A travers temps, tour d’horizon de l’une des fêtes les plus attendues du calendrier, où les heures s’ébrouent joyeusement entre traditions et modernité.

Une tradition créole et métissée

En ces temps si inédits, il est parfois difficile de retrouver ses marques et ses habitudes lorsque pointe la Noël. Là où se retrouvait la grande foule se glisse le petit comité ; ici, le bonnet de Noël s’agrémente d’un masque ; là, c’est derrière les écrans interposés que se partagent les petites joies de la fin de l’année. Surtout, c’est grâce aux téléphones, formidables étoiles messagères, que les vœux, l’amour et les familles se retrouvent, après tant de mois de restrictions et de difficultés. Pourtant, ce Noël 2.0 n’est que la dernière évolution d’une fête qui se pare, de générations en générations, de nouvelles pratiques bien de leurs temps ! Le message plein d’images et de clins d’œil et d’émoticônes vient déjà remplacer le SMS, qui lui-même se voulait la nouvelle carte de vœux qui s’échangeait au ventre des Latécoère. Les joujoux d’époques, poupées de tissu rapiécées, les raras et autres toupies ou yoyos de bois, ont laissé place à l’industrie du jouet acheté en quelques clics dans des magasins spécialisés.

Et si noël nous était chanté

Dans cette veine, l’emblématique Chanté Noël, incontournable ode chantée à l’arrivée prochaine du messie, s’entame sur l’accord rigoureux du cantique catholique français. C’est à renfort de l’influence musicale européenne, notamment valse et mazurka, des premiers esclaves instrumentistes, parfois formés par les

Jésuites pour animer les messes et d’une nouvelle rythmique propre à l’île qu’il se patine, et intègre des sonorités coloniales et la ferveur du rite créolisé.

En plusieurs siècles, ces enroulements se façonnent, se retravaillent, s’individualisent. Depuis, à chaque formation populaire, sa signature, sa ritournelle à reconnaitre entre toutes. Les groupes de musique s’augmentent de tout l’équipement moderne, dans des rendez-vous qui prennent des airs de grands bals populaires : organisés par les familles, le voisinage, les associations, les communes, les comités d’entreprises, ces immenses chanté nwel exaltent une tradition profonde, qui admet au flanc de sa religiosité la joie collective et l’esprit de fête des cantiques vibrants à chœur. Mais, depuis plusieurs années déjà, c’est aussi à la maison que ces chœurs s’apprécient, sur les vinyles triomphants, les CD et autres karaokés à partager. Les ritournelles sont définitivement dans toutes les poches, vibrantes à chaque instant pour nous rappeler de bien fêter Joseph, Marie, Michaud et le minuit chrétien. Mais c’est peut-être en cuisine que se révolutionne le plus la pratique, et c’est sur le bout des doigts et de la langue que le Noël se vit aussi. Emblématique passage de la Nativité, l’abattage traditionnel du cochon et sa préparation répondent à de savantes techniques, qui se perpétuent encore parfois entre voisins et en famille. Traditionnellement, à chacun son rôle, dans ce grand ballet synchronisé, pour l’historique concoction du boudin antillais, des salaisons ou du ragoût de porc coutumier de l’époque. Cette pratique longue, elle s’est constituée de la Martinique rurale, qui élevait quelques cochons pour arrondir la bourse et marquer la Noël.

Et si les gestes sinueux sont répétés à l’envi depuis force de temps, ici aussi, la modernité s’insinue : déjà dans les techniques, où le salage, désormais remplacé par la puissance du froid et du congélateur, s’oublie à mesure. Dans la préparation des farces ou le mélange du boudin, les machines en cuisine facilitent l’ouvrage, mais confondent parfois le tour de main ancestral. Dernier jalon de toute une coutume culinaire : le colis « pays », qui embarque en son cœur toutes les saveurs de Noël et qui, dans un ballet incessant s’envole de la Martinique pour réchauffer au cœur de l’hiver ceux partis au loin faire leur vie. Pour l’occasion, tout s’achète et s’envoie au-delà des mers, à commencer par les pâtés de Noël, le jambon fumé, les boudins créoles… De même, les incontournables punchs Coco et liqueurs, le Schrubb et ses accents d’agrumes, que chaque foyer a un jour conçus à la force des ficelles de chacun, des bons conseils et des recettes gribouillées dans un cahier usé se savourent désormais tout prêts. Le chocolat de première communion, que l’on consomme tout autant à Noël, s’émancipe parfois de la main savante et jalouse de son préparateur pour s’offrir presque directement, déjà en poudre et prêt à chauffer. Le pois d’Angole ainsi sorti de son paquet se mijote avant un dernier selfie comme pour immortaliser les saveurs du passé.

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