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Le jardin créole, un délicieux fouillis

Texte et photos : Corine Tellier Le jardin créole, un délicieux fouillis

Remerciements à Johnny Mignon, guide touristique à l’Entre-Deux et à Jacqueline Andoche pour son merveilleux jardin

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Des espaces fleuris et odorants propices à l’émerveillement. Petite pause dans le jardin créole qui réjouit les propriétaires et ravit les invités, témoin des multiples inspirations culturelles et architecturales. Un patrimoine qui se fait rare.

L'histoire, et donc l'avenir, du jardin créole reste intimement imbriqué au sort de l'architecture. Il fait partie des incontournables de la maison créole, au même titre que les ornements comme les lambrequins ou encore la varangue. Le jardin créole est le fruit métisse de plusieurs influences qu'a su recueillir, dans l'île, ce domaine à mi-chemin entre l'horticulture et l'architecture. La première influence est évidente : l'organisation géométrique des parterres avec bordures végétales bordées par une allée principale et marquée par la présence de statues signe un goût très français. Les autres modèles sont plus surprenants mais historiquement et esthétiquement probants : lors de la courte domination britannique de l'île au début du XIXème siècle, le jardin à la créole s'est inspiré de plusieurs éléments : les longues parties gazonnées, les plantes à fleurs utilisées en arbustes (à l'image du mussaenda, espèce ornementale aux bouquets de fleurs orangées, qui pousse comme un petit arbre et qui orne aujourd'hui encore les allées de certaines cours), les pergolas et murs sur lesquels s'épanouissent les plantes grimpantes... Autre source : l’influence indienne, identifiable à la façon dont l’eau s’invite sous forme de bassins ou fontaines, aux

Le devant est en quelque sorte la vitrine de la maison, celle qui va se prêter à des mises en scènes délicates pour faire impression.

massifs colorés et odorants (l’odeur enivrante du jasmin de nuit ou celle de l’ylang ylang), aux arbres qui apportent de l’ombrage ou encore à l’incrustation de dallages.

La cour de devant et celle de derrière

Pour rejoindre l'analyse du Jardin botanique de Mascarin sur les hauteurs de SaintLeu (un écrin où l'on peut découvrir parmi les plus beaux spécimens de plantes et fleurs qui ont fait et font toujours la richesse de nos jardins) dans son enquête qui va à la «Découverte du jardin créole», l'organisation de l'espace fait apparaître deux jardins : celui qui se situe à l'avant de la maison et celui à l'arrière. Le devant est en quelque sorte la vitrine de la maison, celle qui va se prêter à des mises en scènes délicates pour faire impression. L’endroit tout indiqué pour un jardin d’agrément où des espèces particulièrement chéries par les propriétaires ont le beau rôle : roses, orchidées, lys, hortensias, agapanthes, anthuriums…

Dans la partie arrière de la maison, on retrouve les plantes médicinales (qui serviront de base aux tisanes comme l’ayapana ou la citronnelle) et aromatiques (thym, menthe…), un carré de terre consacré au potager pour les fruits et légumes pour la préparation des repas (brèdes, tomates, salades...) et les épices (piments, combava..). Pour ceux qui disposent de grands espaces, le jardin peut s'étendre sur ces vastes domaines que sont les vergers peuplés de manguiers, letchis ou jaquiers.

Que reste-il de tous ces trésors aujourd’hui à l’heure où, tout comme nos chères cases d'antan, les jardins ont tendance à diminuer faute d'espace où se déployer. Même si des jardins partagés et familiaux ont le mérite de permettre à petits et grands de vérifier s'ils ont la main verte, pas évident d'exercer son talent quand on n'a que quelques pots ou jardinières comme supports posés sur la terrasse d'un appartement ou quand les limites de sa maison sont déjà bornées. Le jardin à la créole s’il doit perdurer à travers les ans, semble devoir se résoudre à s’exprimer dans des parterres moins imposants par la taille mais où sera concentrée toute la richesse de ses formes.

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