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Cacophonie de chiffres, et des solutions

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Cacophonie de chiffres, et des solutions... Pauvreté en Tunisie

Par Nasreddine Ben Hadid

Le récent rapport de la Banque Mondiale concernant la pauvreté dans le monde, vient de paraître, au moment où la Tunisie est en pleine campagne de formation d’un gouvernement qui se fait toujours attendre, tant la gestation dure encore, et la naissance a été à maintes reprises reportées. Le rapport n’a pas retenu l’attention des medias, à savoir le choc que les chiffres et pourcentages, devraient provoquer. Uniquement, des articles «d’information», qui ont annoncé la publication du rapport, avec citation de chiffres et de pourcentages, sans aller plus loin dans l’analyse des faits, et surtout tirer les conséquences.

Des chiffres, sans les lettres d’analyse «Accélérer la réduction de la pauvreté en Afrique», est le titre du rapport publié par la Banque Mondiale pour l’année 2019, concernant les taux de pauvreté dans le monde, ses causes ainsi que sa définition. Cette définition concerne toute personne vivant avec moins de 3,20 dollars, par jour, dans les pays à faibles et à revenus intermédiaires. Concernant le statut d’extrême pauvreté, il concerne toute personne vivant avec moins 1,90 dollars, par personne et par jour. L’éradication de l’extrême pauvreté constitue, selon le rapport de la Banque mondiale, un énorme défi malgré la baisse relative et inégale de ses taux par catégories et régions dans un nombre important de pays dans le monde. A lire les chiffres, plus de 1,9 milliards de personnes, soit 26,2% de la population mondiale, vivent avec moins de 3,20 dollars par personne et par jour, et environ 46% de la population mondiale vit avec moins de 5,50 dollars par personne et par jour. Concernant la Tunisie, le rapport constate que le taux de pauvreté annoncé, à savoir 15,2% est supérieur plus de cinq fois au taux admis comme seuil, à savoir 3% de la population totale. A placer dans son entourage, à savoir la zone de l’Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA), le Yémen, l’Égypte, l’Iraq, la Tunisie, la Jordanie et le Maroc, ces pays se classent parmi les plus pauvres de la région. La Tunisie, d’après le même rapport, arrive sixième dans le classement juste après l’Irak.

Vision(s) locale (s( Il faut noter qu’une étude visant à dresser une carte multidimensionnelle de la pauvreté en Tunisie et à mesurer l’ampleur de l’impact du phénomène, au niveau de différentes entités sur la base d’une approche statistique en prenant en compte la totalité des variables liées aux indicateurs de développement humain, a été élaborée, l’année dernière, par une unité de recherche spécialisée en économie du développement

la Tunisie, le rapport constate que le taux de pauvreté annoncé, à savoir %15,2 est supérieur plus de cinq fois au taux admis comme seuil, à savoir %3 de la population totale

Carte de la pauvreté en Tunisie.

de l’Institut Supérieur des Sciences Economiques et .Commerciales de Tunis On peut y lire que près de deux millions de personnes, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une pauvreté qui concerne essentiellement, les régions du nordouest, du centre et du sud-ouest, qui seraient les plus touchées par ce phénomène. En chiffres, 412 milles familles, vivent avec moins de 1450 dinars tunisiens (environ 505 dollars) par an et par personne. Dans cette pauvreté, se distingue la zone du centreouest, par une misère plus grande, à savoir une extrême pauvreté qui touche 45% de la population. Selon l’étude, cette situation est due à deux facteurs essentiels :1. La faiblesse des investissements publics dans la santé, l’éducation et autres programmes sociaux. 2. Les solutions proposées pour remédier au fléau de la pauvreté sont inadaptées et ne peuvent résoudre les causes profondes comme l’inégalité des chances ou la répartition injuste des richesses accumulées et la croissance. Une crise de vision, de conception, et même de mise en place, des programmes de développement, dans les trois secteurs : 1. L’infrastructure de base : Ces régions manquent atrocement de routes goudronnées, de pistes agricoles viabilisées, de ponts et autres structures. 2. La politique sociale : Ces régions sont les plus touchées par la réduction des budgets des secteurs de l’éducation, de la santé et de la culture. Sans oublier le ministère des Affaires sociales, avec la réduction relative de son budget, et la croissance des besoins, n’arrive plus, ni directement, ni à travers ses relais, à jouer son rôle ancestral de réducteur de la pauvreté. 3. L’investissement privé : n’a pu jouer le rôle que l’Etat prétend lui octroyer dans ces régions. Rares, et même très rares, sont les projets générateurs de postes d’emploi. L’Etat, à travers ses divers services publics et administrations, restent le premier employeur de ces régions pauvres.

Combat de chiffres Pour l’Institut national de la statistique (INS), la pauvreté touche désormais 1,7 millions de Tunisiens, dont 300 mille qui vivent sous le seuil de la pauvreté ! La région du nord-ouest est la plus touchée par ce phénomène, avec 28,4%, dont 6,4% qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Quant au Grand-Tunis, la pauvreté a affecté 5,3% de la population, dont 0,3% vivant sous le seuil de pauvreté. La Présidence du gouvernement a récusé ces chiffres, les considérants «amplifiés». Tant en Tunisie, comme ailleurs, les avis divergent et même se contredisent, concernant la pauvreté. Une querelle de méthodologie, qui plonge dans les entrailles des subtilités, mais aussi des «doutes» des uns, que les autres manipulent ces chiffres, l’INS, présente sur son site internet, sa méthodologie, comme suit : «La méthode adoptée ici pour le calcul du seuil de pauvreté consiste à évaluer ce seuil sur la base des besoins en énergie alimentaire. Il s’agit d’estimer le coût d’un panier de biens alimentaires permettant de gar

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antir un apport calorique indispensable à l’activité de l’individu (Besoin Energétique Recommandé BER). L’estimation de ce coût requiert la détermination d’un groupe de référence dont le panier de consommation sera utilisé pour déterminer le coût moyen de la calorie. Ensuite, le coût moyen de la calorie est utilisé pour déterminer la composante alimentaire du seuil de pauvreté. Ayant déterminé cette composante alimentaire, on déterminera par la suite les deux seuils de pauvreté: le seuil bas et le seuil haut», avant d’ajouter qu’«Il n’existe pas une méthode standard pour la fixation de la population de référence», et de préciser que «le choix de la population de référence pour déterminer le panier de consommation est plutôt guidé par le libre-arbitre de l’analyste. Il n’en demeure pas loin que la mesure du seuil de pauvreté est très sensible au choix de la population de référence. Les habitudes de consommation de ce groupe sont décisives dans la détermination de la composition du panier de consommation qui constitue la base du calcul du seuil de pauvreté alimentaire». Le ministère des Affaires sociales, présente une autre vision, ou plutôt un autre point de vue. Sur son site internet, est publiée une étude élaborée par Yassine Jmal, sous le titre «Mesure de la pauvreté en Tunisie : (Limites et challenges)», reconnaît que «La pauvreté est un phénomène difficilement mesurable», et que «plusieurs définitions ont été élaborées par des économistes, statisticiens et sociologues»… Sans oublier de préciser que «les organisations internationales (essentiellement la Banque Mondiale) ont toujours cherché à harmoniser les concepts et les méthodologies». Concernant la pauvreté, Jmal, accepte «toutes ces définitions [qui] partent du fait que la pauvreté est une

situation de privation matérielle et morale empêchant l’individu de satisfaire ses besoins essentiels», avant de remarquer que «les instances statistiques adoptent une définition monétaire», et de conclure que «la définition monétaire est toujours critiqué par plusieurs intervenants».

En chiffres, 412 milles familles, vivent avec moins de 1450 dinars tunisiens (environ 505 dollars) par an et par personne

La solution A la cacophonie des méthodes et surtout des résultats et conclusions, s’ajoute une autre concernant la solution (ou les solutions) à adopter pour dégager le pays .de cette fatalité Déjà en octobre 2015, sur le site internet tunisien, «l’économiste maghrébin», de la plume de Hamza Marzouk, on peut lire à ce sujet : «Malgré l’obtention du Prix FAO 2015 (Organisation des Nations unies

pour l’alimentation et l’agriculture) pour la lutte contre la pauvreté en juin dernier pour ses efforts dans l’éradication de la pauvreté et la réduction des inégalités sociales, la Tunisie a encore du chemin à faire. D’ailleurs, le ministre des Affaires sociales vient de déclarer récemment que 25% de la population tunisienne sont indigentes et analphabètes et que le pays compte 870.000 familles nécessiteuses, chiffre alarmant comme ceux avancés par l’Institut national des Statistiques (INS) de 2010 qui révèlent que 15,5% des Tunisiens vivent sous le seuil de pauvreté et que 4,6% des Tunisiens vivent sous le seuil de la pauvreté extrême», avant d’ajouter : «Les chiffres parlent d’euxmêmes et indiquent un grand décalage. Tous ces chiffres viennent d’être accentués par une étude préparée par le Centre des études économiques et sociales de

Pour l’Institut national de la statistique (INS), la pauvreté touche désormais 1,7 millions de Tunisiens, dont 300 mille qui vivent sous le seuil de la pauvreté !

l’Université de Tunis indiquant que le taux de pauvreté, pendant les quatre dernières années, a connu une augmentation de 30%». Sans la date, ce constat et ces chiffres et pourcentages, avec une certaine marge, restent valables en 2020.

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Les végétariens en difficulté, malgré la richesse de la cuisine locale La gastronomie à l’égyptienne

Yasmine Al-Jeraisy

Les régimes végétariens sont très rependus en Occident, les restaurants offrant de la nourriture sans viandes, ont vu leur nombre exploser. Selon Google, l’intérêt pour le mot «végane», à savoir un régime alimentaire excluant tout produit animalier, à savoir viandes, laits et œufs, a enregistré, une augmentation de %700, pour les cinq dernières années, à savoir de 2014 à 2019. Ce phénomène s’explique par un ensemble de préoccupations concernant la santé, la vie des animaux, sans omettre la situation environnementale. Certains pensent que ce régime alimentaire est une émanation du système de vie occidental, et amplifié par le net. En Egypte, par exemple, un très grand nombre d’habitants, ne consomme que des plats végétariens, non par choix, mais plutôt par nécessité. Encore plus, observer un régime végétarien, par choix, constitue un comportant très étrange pour ces habitants. Sans savoir, que le régime végétarien, est à la base de la cuisine de leur pays. Les Égyptiens raffolent des plats à base de viande. A la question de savoir son plat préféré, toute personne répondra «kebab et kofta», à savoir un plat composé presque essentiellement de viandes. Reste que dans un pays où la pauvreté est extrême et les prix des produits alimentaires sont élevés, la viande devient de plus en plus, un luxe et un signe de richesse. De ce fait, tout plat contenant de la viande, reste un souhait très appréciable, pour de nombreux Égyptiens, observant par obligation un régime végétarien. De la sorte, un grand nombre de plats égyptiens, ne dépendent plus de la viande. La cuisine quotidienne se compose essentiellement de légumes. Les Egyptiens qui raffolent des plats vendus sur les trottoirs, consomment avec un grand appétit leur préféré, le «Kouchari». Une recette traditionnelle, qui remonte au XIXème siècle, et se compose de riz, macaronis, et de lentilles, surmonté par une sauce de tomate. Le tout mariné dans du vinaigre à l›ail, et garni de pois chiches et d›oignons rouges croustillant.

Les spécialités égyptiennes comprennent également la «molokhia», à savoir une sauce à base des feuilles de cette plante [Corète potagère], avec de l›ail. Ce plat remonte au temps des pharaons. Il y a aussi les légumes farcis, essentiellement de riz; aussi les fèves «medammis», le plat essentiel du petit-déjeuner en Egypte. Sans oublier les «falafels» frits croquants, composés uniquement de fèves et de légumes, et non de pois chiches comme dans certains pays du Moyen-Orient. Les Coptes Orthodoxes Egyptiens, qui représentent entre %10 et %15 de la population, ont contribué à l’élaboration de la cuisine égyptienne traditionnelle. Car ils jeûnent de 180 à 200 jours par an, s›abstiennent de manger tous les produits d›origine animale et s›engagent à ne prendre que des repas végétariens les jours de jeûne. Aucun autre groupe chrétien n’observe ces périodes de jeûne prolongées, à l›exception de celles de l›Église orthodoxe du monothéisme. Alors que le principe vise à réduire l›opulence des aliments sous le nom de piété religieuse, le jeûne a conduit à une relance de l›offre de nourriture

Dans un pays où la pauvreté est extrême et les prix des produits alimentaires sont élevés, la viande devient de plus en plus, un luxe et un signe de richesse. De ce fait, de nombreux égyptiens qui observent par obligation un régime végétarien, raffolent de consommer de la viande dans pareilles circonstances.

végétarienne à la population en général tout au long de l›année. Même plus, des recherches indiquent que les origines du système végétarien, en Égypte remontent à l›époque des anciens Égyptiens. Des nombreuses découvertes, dont une basée sur la mesure du Carbone 14, sur des momies de personnes, ayant vécu en Égypte entre 3500 avant

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JC. Et 600 av JC, a prouvé que les Égyptiens comptaient beaucoup sur la culture du blé et de l›orge, au lieu de la viande et du poisson. Cela peut être surprenant étant donné la proximité de la civilisation égyptienne avec le Nil, mais les chercheurs voient des raisons religieuses derrière cette tendance. Les vaches, les moutons, les cochons et les chèvres étaient tous sacrés dans l›Égypte ancienne. Non seulement les Égyptiens de l›époque mangeaient de la viande, uniquement à l’occasion des cérémonies et de fêtes, mais aussi, détestaient porter des peaux d›animaux. Le pionnier, et le plus éminent à ce niveau, n’est autre que le pharaon égyptien Akhenaton, qui a interdit l›abattage d›animaux parce qu›il croyait inconvenant d’abattre toute vie créé par le dieu Aton. Cependant, le mouvement végétarien moderne, connaît une expansion notoire, même si le nombre est encore relativement réduit, et ne concerne qu’une certaine élite. Mais le nombre ne cesse d’augmenter. «Au moment de lancer mon projet en 2013, j›étais l›une des 20 végétariens en Égypte!», a déclaré à «Majalla», Yasmine Nadhmy, une jeune entrepreneuse égyptienne qui a fondé le premier restaurant végétarien et biologique. Qui ajoute : «Maintenant, je peux confirmer que le nombre a atteint des milliers et continue d›augmenter. C›est formidable de voir ce changement dans notre société, même à petite échelle, et ce fut un changement relativement massif au cours des cinq dernières années».

Les végétariens ne considèrent pas cette occasion comme une fête, car ils se sentent angoissés par l’image de l’abattage des animaux dans la rue, ainsi que la consommation de la viande.

L›un des mythes les plus répandus concernant le régime végétarien, est que l›on dépense plus en produits végétaux qu›en produits animaux, et donc ce système n›est qu›un choix pour la classe moyenne et supérieure, mais Nadhmy croit qu’il est plus qu’aisé de concevoir des plats, abordables pour toutes les bourses. Nadhmy ajoute : «L’alimentation végétale ne dépend-elle pas des cultures?», qui sont relativement abordables, et le resteront, à moins que l›on importe des produits de continents lointains. Les produits seraient alors plus chers, car les prix comprennent l›emballage, la commercialisation, les salaires, les factures, le transport et d›autres dépenses. Et tant que vous vous engagez à acheter des aliments frais, locaux, cela ne vous coûtera pas cher du tout. Vous pourriez même être végétarien avec un budget limité». Il serait mieux de poser une autre question dans ce sens : comment consommer de la viande avec un budget limité? C›est plutôt une question que nous posons par hasard aux végétariens en Egypte. Bien que la cuisine égyptienne comprenne de nombreuses options végétariennes, un grand nombre regarde encore cette pratique avec suspicion. Yasmine Nadhmy, qui est aussi, propriétaire de la marque de distribution des légumes, disponible dans les supermarchés en Égypte, explique: «Quand j›ai arrêté de manger de la viande et des produits laitiers en 2013, les gens ont commencé à considérer que je suis sévère envers moi-même, et je me suis senti isolée. Alors, je ne prenais mes repas qu’avec des amis végétariens, et même j’imposais de la nourriture végétarienne à mes invités. Et je suis devenue célèbre pour être la «fille végétarienne» ou «Yasmine la végétarienne»». «Mais lorsque mon régime est devenu moins strict, j›ai remarqué que ma famille est devenue plus ouverte», et précise «J›étais strictement végane durant environ deux ans, jusqu›à ce que je commence lentement à goûter des produits laitiers et du poisson, mais je ne suis jamais

revenue aux viandes. Quand je me suis permis cette flexibilité, j›ai ressenti un changement énorme dans le traitement de ma famille et de mes amis, et m’ont semblé plus ouverts, et moins répulsifs». Néanmoins, il ne faut guère occulter l’importance que la culture arabo-musulmane accorde à la consommation de la viande, essentiellement à l’occasion de la fête d›Aïd al-Idha, qui est connue aussi comme «la fête du sacrifice», où des millions de musulmans abattent principalement des moutons, des brebis ou parfois des vaches. C›est, un jour, férié essentiel de l›année égyptienne pour la plupart des gens, qui économisent pour consommer de la viande à cette occasion, ou la recevoir de voisins plus riches. Reste que les végétariens ne considèrent pas cette occasion comme une fête, car ils se sentent angoissés par

Le pionnier, et le plus éminent à ce niveau, n’est autre que le pharaon égyptien Akhenaton, qui a été un adepte convaincu du régime végétarien, et a interdit l’abattage des animaux.

l’image de l’abattage des animaux dans la rue, ainsi que la consommation de la viande. «Je quitte toujours le pays pendant l›Aïd al-Idha. Je ne peux supporter de voir tout ce sang», constate Nadhmy, avant de conclure : «Durant les fêtes des cinq dernières, je n’étais pas présente en Égypte».

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