comme dispositif d’insertion urbaine Malu França de Miranda 1
École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg A06 Pouvoirs et contre-pouvoirs : terrains et méthodes des sciences sociales pour comprendre les mutations des sociétés globalisées - Enseignants : B. Morovich, M. Diestchy
Coop Campus
comme dispositif d’insertion urbaine
Malu França de Miranda 2018/2019
Remerciements
À Mireille Diestchy pour le suivi de ces derniers mois, pour les corrections et pour tout l’effort investi. À Barbara Morovich, pour l’encadrement du début de ce mémoire, pour m’orienter pour le choix du sujet, du terrain et de la méthodologie. Merci à vous deux pour le soutien. À madame Maennel, pour ses sourires, ses corrections et pour la bonne ambiance de nos cours de français du mardi soir. Vous nous avez énormément appris. À ma mère, la femme la plus incroyable au monde, qui m’a toujours appris à voir l’autre. Merci pour tout. Te amo. À ma grand-mère, qui était toujours si fière de moi et qui rêvait de me voir architecteurbaniste, mais qui a du partir avant. À Maphie, pour me relire et pour les corrections au téléphone jusqu’à très tard le soir. À Isabelle, Michel, Antoine et surtout Valérie, qui m’a énormément aidée avec tellement de choses que je ne saurais même pas par où commencer. Je n’ai pas assez de mots pour vous remercier tous. Au Abricó, l’expérience la plus importante dans ma formation comme architecteurbaniste et comme personne. À tout le monde qui a été avec moi pendant ces quatre ans d’actuation, un grand merci. En spécial aux professeures Luciana Andrade et Juliana Canedo, deux femmes que j’admire beaucoup. Merci pour le voyage à Berlin et pour m’avoir introduit au Coop Campus. Merci à Huani pour m’accompagner dans les expériences de terrain à Paris et à Berlin. Un grand merci au Coop Campus et à F, qui m’a toujours très bien reçu au centre. Au Groupe de Recherche Modernité et Culture (IPPUR), en spéciale au prof Dr Frederico Araujo, pour mon initiation scientifique, mais pas que. Merci pour tout l’affection partagé et À tous mes amies et amis, de toutes les parties du monde qui, d’une façon ou de l’autre, ont contribué pour ce mémoire. À Patricia et Thibaud. À Coline, Cécile et Louis. À Vanessa et Leticia. À Sebastian, Nils et Bruno. À l’ENSAS, à tous les professeurs, à l’administration et aux fonctionnaires qui m’ont toujours très bien accueilli. Obrigada. 3
Table de matières 0 Avant-propos 6 1 Introduction 10 1.1 Présentation de la problématique 11 1.2 L’état des lieux : interroger le rôle du Coop Campus comme dispositif dans l’intégration de migrants 14 1.2.1 L’intégration : quelques éléments de définition 14 1.2.2 La notion de dispositif 15 2 Méthodologie 2.1 Réflexions sur l’expérience du terrain 2.2 Le Coop Campus et quelques récits 2.2.1 Présentation du quartier 2.2.2 Vendredi, le 27 avril 2.2.3 Jeudi, le 16 août
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3 Le Coop Campus: un dispositif ? 30 3.1 L’histoire/l’ethnographie de Coop Campus 31 3.2 Dispositif: une petite introduction conceptuelle 36 3.2.1 Dispositif et subjectivation 36 3.2.2 Un autre approche du pouvoir 37 3.2.3 Vers une valorisation du savoir local 38 3.2.4 Les lignes de force 39 3.2.5 Le contre-dispositif : une introduction à l’idée de résistance 42 4 Comment un espace particulier pourrait-il permettre une intégration réussie? 4.1 Les enjeux de l’intégration 4.1.1 La théorie de l’assimilation 4.1.2 Le multiculturalisme 4.1.3 Le structuralisme
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4.2 Les limites d’une telle intégration 50 4.2.1 Urbanisme et pouvoir 51 4.2.2 Les enjeux de construction identitaire 51 4.2.3 Le rôle de la pratique urbaine dans l’intégration socialement 52 4.2.4 Donner la voix à la population 52 4.2.5 Agir dans les marges 52 4.2.6 Insertion et intégration 54 4.3 L’importance de l’insertion du Coop Campus dans son contexte urbain 55 4.3.1 Les enjeux de la ville 55 4.3.2 L’analyse des alentours 57 4.3.3 La séparation des espaces 58 4.3.4 Les yeux de la rue 60 4.3.5 La danse de la rue 61 5 Le Coop Campus comme espace de résistance et de résilience 62 5.1 La rencontre avec l’Autre – un processus de réterritorialisation 63 5.1.1 Un espace pour l’appropriation 64 5.1.2 Des territoires multiples 64 5.1.3 Une aventure vers l’inattendu 67 5.2 “Faire la ville ensemble” - sur la collectivité et la résilience 70 5.2.1 Vers une démarche participative 70 5.2.2 Prendre sa place dans la ville 72 5.2.3 Construire les espaces de résistance 73 6 Conclusion
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Bibliographie
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Avant-propos
Vue aérienne de la zone où se trouvait le Boulevard Ney. Source : Google Maps
Porte de la Chapelle, Paris C’était le mercredi 7 février quand je suis descendue à Porte de la Chapelle, dans le 18ème arrondissement de Paris, vers quatorze heures. A cette période Paris avait connu une neige inhabituelle, et un nouveau paysage était installé, tout en blanc. Là où une fois il y avait le bidonville connu comme Boulevard Ney, à cause du nom du boulevard, il y avait une grosse couche de neige dont on voyait à peine quelques traces d’un ancien usage. J’avais lu que, au moment du dernier démantèlement du bidonville, le 28 novembre 2017, une partie des familles avait été dirigée vers le centre humanitaire d’accueil pour migrants, un bâtiment conçu par Julien Beller et Hans-Walter Müller, en partenariat avec Emmaüs solidarité. Selon Beller1, le centre est un dispositif de premier accueil, pour les personnes qui vivent dans la rue, notamment les réfugiés et les migrants. C’est un espace de court séjour, d’où les personnes sont 1
Sur video disponible à: http://www.pavillon-arsenal.com/fr/paris-dactualites/10523-centre7
ensuite redirigées vers des centres d’hébergement pour migrants et des centres d’accueil pour les demandeurs d’asile. Avant d’aller à Paris, j’avais essayé de contacter sans succès le centre d’accueil et des associations qui travaillaient avec le bidonville du boulevard. Sans réponse et une fois sur le site, j’ai décidé d’y aller quand même et d’essayer d’avoir un premier contact sur place. Avant d’aller directement au centre, je me suis promenée dans le quartier, et ma sensation était de me retrouver dans un lieu à l’écart. Les autoroutes qui se croisent, les dessous de ponts vides et mal-éclairés, que des hommes dans la rue. Cela me semble un espace assez masculin. Même en étant accompagnée, je ne me sentais pas à l’aise. Le centre, entouré par des grilles, se trouve sur un terrain de la SNCF concédé par la mairie de Paris à l’association Emmaüs Solidarité. Aux alentours, on a l’impression d’avoir un périmètre de sécurité : plusieurs policiers fortement armés à côté de leurs voitures. Devant la première barrière, je me suis présentée en tant qu’étudiante d’architecture et urbanisme, qui voulait connaître le fonctionnement du centre dans le cadre de la rédaction d’un mémoire. Les deux messieurs qui gardaient la porte m’ont dit qu’il faudrait un badge pour rentrer, ou sinon une justification de rendez-vous. Je lui explique que j’ai essayé de contacter plusieurs associations mais sans succès. Je lui demande si je peux rentrer pour parler avec quelqu’un à l’accueil, vu que je suis venue de très loin pour ce premier contact. Les deux hommes m’ont dit que cela ne sera il pas possible, et ils m’ont demandé de partir. Le centre est connu par son projet pas seulement architectural, mais aussi social: « rendre la vie plus accueillante », comme le dit l’architecte à la fin de sa vidéo. Cependant, ce n’est pas un accueil chaleureux que j’ai pu trouvé en visitant le centre. Certes, la sécurité est importante parce que il est indispensable d’offrir un espace sécurisé pour les réfugiés et migrants, qui sont dans la plupart des cas dans une situation de fragilité sociale et exposés aux préjugés et intolérances. Toutefois, ces dispositifs de sécurité mènent à une séparation spatiale de ces personnes, qui finissent par être isolées autant physiquement que socialement du reste de la ville. Cette ambiguïté peut être humanitaire-daccueil-pour-migrants.html accès le 8 avril 2018, 16:38 8
bien dangereuse, quand la xénophobie est une réalité. Cette même séparation spatiale peut créer des espaces d’insécurité, surtout en dehors des murs : en ne regardant que vers l’intérieur, on oublie ce qui se passe à l’extérieur. Sur la vidéo explicative du projet, les architectes proposent le centre d’accueil comme un endroit démocratique organisé spatialement pour avoir une dynamique telle que la dynamique urbaine: ouverte à recevoir les besoins les plus divers. Cette expérience m’a montré tout d’abord l’écart qui existe entre le projet - c’est-à-dire les envies de l’architecte -, et la réalité post-construction. L’expérience m’a incitée aussi à penser quelles relations nous trouvons entre l’environnement urbain et l’accueil des migrants. La question de l’immigration en soit me touche personnellement, en tant qu’immigrante brésilienne en France, même si dans des circonstances très privilégiées, j’en ai conscience. Toutes ces expériences ont déclenché nombreuses questions qui m’ont motivée à enquêter sur le rapport entre les centres d’accueil et l’intégration urbaine au long de ce mémoire.
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1 Introduction
1.1 Présentation de la problématique 1.2 L’état des lieux : interroger le rôle du Coop Campus comme dispositif dans l’intégration de migrants
1.2.1 L’intégration : quelques éléments de définition 1.2.2 La notion de dispositif
1.1 Présentation de la problématique A partir de l’expérience de terrain au Coop Campus, à Berlin, ce mémoire cherche à penser les liens qui peuvent exister entre les espaces, les lieux et l’intégration. On peut dire que le Coop Campus est un contre-exemple de ce que l’on connaît comme centre d’accueil. C’est un espace où les personnes peuvent s’approprier, étudier, construire, jardiner, cuisiner. Il est, surtout, un lieu de résistante et de lutte urbaine, où un groupe stigmatisé socialement construit et prend conscience de ses droits tout en cherchant sa place dans la ville. Il s’agit d’interroger quels sont les rapports entre le quartier et le centre d’accueil, en quoi l’implantation peut-elle favoriser l’intégration dans la ville, mais aussi, à l’inverse, comment les luttes urbaines peuvent permettre de recréer l’urbain ? C’est aussi un point important considérer les dispositifs sécuritaires en tant que partie de cette implantation et par conséquent de l’intégration à la ville. Je compte aussi analyser comment s’insère l’architecte/urbaniste dans ce processus d’accueil et d’intégration de ces minorités, notamment les migrants, en tant qu’il est partie intégrante du réseau multidisciplinaire qui construit la gestion des villes. De quelle manière l’architecture du centre, et son environnement urbain, jouent un rôle dans le processus d’accueil et d’intégration ? Comment les centres peuvent-ils être appropriés pour être des endroits agréables et répondre aux besoins d’une population mise à l’écart socialement ? Les dernières années, la « crise des réfugiés » est à l’ordre du jour. Les contextes de ces migrationssont les plus variées : le monde passe en ce moment par des moments de guerres civiles, de précarités, de crise économique, de pauvreté et d’incertitudes. Il est important de questionner pourquoi nous l’appelons « une crise ». L’ONU considère que c’st « la pire crise humanitaire du siècle, avec le plus grand flux de réfugiés depuis la deuxième Guerre Mondiale »2. Les flux migratoires ont commencé à augmenter considérablement à partir de 2011, avec la guerre civile en Syrie. Par conséquent, la moitié des migrants viennent de la Syrie. Les pays qui reçoivent le plus de réfugiés sont la Grèce et 2
Selon le site http://www.politize.com.br/crise-dos-refugiados/ 11
l’Italie. Malgré la crise qui est arrivée en Europe cette année, la plupart des migrants sortant de la Syrie sont allés vers le Moyen Orient, dans des pays comme la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Irak et l’Égypte. Ces pays concentrent environ 95% des réfugiées syriens3, même s’ils dis posent de très peu de structures pour recevoir un tel nombre de personnes. Cependant, il paraît que l’on a commencé à parler de crise quand les flux d’immigration ont augmenté dans les grands puissances européennes. L’Allemagne est au centre de cette discussion actuellement, après que la chancelière Angela Merkel et le gouvernement ont décidé de mettre en place une politique de « portes ouverts ». Le pays a accueilli, en 2015, 800 000 personnes. Cette politique a été influencée par des raisons démographiques et économiques: l’Allemagne a une population qui vieillie et un taux de natalité décroissant, c’est-àdire peu de gens qui ont l’âge de travailler et beaucoup de gens à la retraite. L’espérance de vie est très élevée, ce qui rend la population très âgée. Cette politique apporte des avantages pour l’économie du pays, et il y a de plus en plus de initiatives pour l’accueil de cette population. Cela montre comment on ne peut pas dissocier l’économie du social et de l’urbanisme. La planification urbaine est dictée par le système économique, et cela est l’une des raisons pour laquelle l’insertion urbaine des groupes minoritaires est un défi. L’intégration des migrants dans la vie urbaine peut être faite de plusieurs façons, et cela change le rapport entre le primo-arrivant, sa propre culture et la nouvelle culture. Tous ces enjeux ne sont pas simples à clarifier. Tout d’abord, il nous faudra définir ce qu’est l’insertion urbaine, en précisant la différence entre insertion et intégration. Quels sont les enjeux actuels de l’intégration ? Un centre d’accueil peut-il être envisagé comme un dispositif au sens de Foucault, Agamben et Deleuze et quelles possibilités pour mettre en place une nouvelle démarche de construction collective de la vie urbaine ? Tous ces questions nous mènent à la problématique de ce mémoire :
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http://www.politize.com.br/crise-dos-refugiados/
Des structures telles que le Coop Campus peuvent-elles être considérées comme dispositifs d’insertion urbaine et d’intégration sociale ? Quel est le rapport existant entre ces deux dernières et cette intégration est-elle possible, telle qu’on la croit ?
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1.2 État des Lieux : interroger le rôle du Coop Campus comme dispositif dans l’intégration de migrants Cet état des lieux consiste en une étude du rapport entre l’immigration, le dispositif et l’intégration: qu’est-ce que cette intégration tellement recherchée et quelle est son rapport avec la ville ? 1.2.1 L’intégration : quelques éléments de définition Dans la « crise » migratoire actuelle, le mot « intégration » est à l’ordre du jour. Auparavant processus dynamique et naturel (les êtres humains ont, depuis leur apparition, l’habitude de se déplacer sur le territoire pour aller s’installer ailleurs), aujourd’hui l’intégration devient un objectif politique à atteindre (Caponio, Testore, 2012) et, comme tel, un espace de contrôle et de manifestation du pouvoir de l’État. Ces politiques peuvent être interprétées comme une sorte de néocolonialisme: il y a une obligation de rentrer dans un cadre, de montrer un « nouveau profil », d’accepter une culture autre que la sienne. L’intégration est un terme qui apporte des contradictions : jusqu’où existe-t-elle vraiment et jusqu’où existe-t-il une imposition d’une culture dominante ? Cela nous montre qu’il faut se méfier de ce terme, qui peut être ambigu et pas forcément positif. Selon Tiziana Caponio et Gaia Testore, l’intégration devient une des nombreuses frontières qui doivent être franchies par le migrant (Caponio, Testore, 2012). L’intégration peut paraître maîtrisé par l’État, mais finalement ce contrôle est flou. L’État participe dans le sens de « moraliser » l’immigrant, de le faire entrer dans les cadres et dans les règles civiles, tandis que l’intégration telle qu’on la croit se fait plutôt aux marges: « La “moralisation” du citoyen donne à l’État l’impression d’un contrôle sur le processus d’intégration, pouvoir que finalement il ne détient pas. Le processus d’inclusion et de développement des liens sociaux, d’identification à la communauté d’accueil se passe en dehors de l’action publique. » (Caponio, Testore 2012 pag 285-294). On peut considérer que cette intégration en dehors de l’action publique fait partie de la dynamique urbaine, si on prend en compte que le processus migratoire est naturel et inhérent à la condition humaine. Si « intégration » est renoncer à ses origines pour s’adapter 14
complètement au cadre d’une autre culture, elle n’existe pas et elle est même indésirable. Cependant si elle est la convivialité entre les différences dans un réseau multiple, elle peut exister et avoir un rapport intime avec la vie urbaine. L’organisation et la désorganisation sociales font partie du métabolisme de la ville (Burgess, 1990) et pour cette raison l’espace urbain et le comportement humain sont si associés. L’occupation de l’espace est un processus conflictuel entre ceux qui sont « dominants » socialement, et ceux qui sont marginalisés. En effet, les villes vivent un processus permanent de déstabilisation et de réaménagements (Joseph, Grafmeyer, 1990). Les situations de crise ou d’insécurité, les migrations, les enjeux, doivent être considérés comme partie de cette dynamique, et on doit réfléchir comment gérer ces éléments. Comment penser cette occupation de l’espace de façon à atténuer ces distances géographiques et sociales, et aller vers une intégration plus fluide et naturelle, même si une situation de pleine égalité dans une société de classes est un but assez ambitieux. 1.2.2 La notion de dispositif Les dispositifs jouent ce jeu de la construction de la ville. Le terme “dispositif” est largement utilisé et pourtant très difficile à définir. C’est un substantif qui désigne un mécanisme destiné à obtenir une fin, dans les domaines les plus divers et pas seulement dans la philosophie. Il a une fonction d’ordonner au même temps qu’une fonction stratégique. Le concept se trouve principalement chez Foucault. Une des définitions qu’il a donnée de « dispositif » est « un ensemble hétérogène qui englobe des discours, des institutions, des organisations architectoniques, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques. En bref, ce qui est dit et ce qui est non dit sont des éléments du dispositif » (Foucault, 2015). Ce concept nous mène à une réflexion sur les influences que l’espace peut avoir par rapport aux dynamiques sociales et urbaines, l’intégration parmi les plusieurs fins qui peut avoir un dispositif. D’autres auteurs explorent ce concept, comme Agamben et Deleuze. On pourra plus en détail aborder ces idées en troisième partie. 15
Au fur et à mesure, ce mémoire proposera de penser les liens existants entre l’idée du dispositif et ces implications pour l’intégration; l’importance de l’aménagement spatial et quelles sont les limites d’actuation de ce genre de centre; et jusqu’où l’environnement urbain a vraiment un rôle dans l’intégration sociale.
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Une bande sonore
2 Méthodologie
2.1 Réflexions sur l’expérience du terrain 2.2 Le Coop Campus et quelques récits 2.2.1 Présentation du quartier 2.2.2 Vendredi, le 27 avril 2.2.3 Jeudi, le 16 août
2.1 Réflexions sur l’expérience du terrain Le choix du terrain n’a pas été une étape facile. Je souhaitais à la fois pouvoir investir un terrain comme j’avais pu le faire pendant mes études. À Rio de Janeiro, au Brésil, j’ai travaillé pendant quatre ans avec une favela (nommée Indiana). J’ai à la fois fait l’expérience de l’appréhension qu’on a sur le terrain ainsi que des possibilités d’actions sur un temps long de partenariat. Dans le cadre de ce mémoire, j’ai été amenée à réorienter mon choix de terrain comme évoqué dans l’avant propos : dans un premier temps, je souhaitais étudier le bidonville du Boulevard Ney pour ensuite envisager le centre d’accueil de Porte de la Chapelle pour travailler, finalement, sur le Coop Campus de Berlin. Or l’idée de la méthodologie et de la grille d’entretien que j’avais pensé pour le Boulevard Ney, ne marchait plus pour le centre d’accueil de Porte de la Chapelle, et encore moins pour le Coop Campus. J’ai découvert le Coop Campus sans l’avoir prévu au cours d’un voyage d’études à Berlin. Leurs activités m’ont beaucoup interpellé notamment en comparaison de mes expériences précédentes. La première visite inopinée m’a permis d’écouter et d’observer, ainsi que de poser les questions qui me passaient par l’esprit. Pour la deuxième visite sur le terrain, j’avais imprimé des cartes du quartier pour essayer de faire une activité de cartographie affective. Je savais que l’idée était risqué, vu que je ne connaissais pas beaucoup de personnes dans le centre et que je n’avais pas une relation si proche, en habitant à Strasbourg. Notre communication se faisait beaucoup par mail et après par « whatsapp », avec le monsieur (on va l’appeler F.) qui nous avait accueilli lors de la première visite. En arrivant, il n’y avait pas beaucoup de monde, et ceux qui étaient là avaient beaucoup de travail à faire, avec l’entretien des abeilles et du jardin. Donc encore une fois j’ai préféré abandonner cette méthodologie. Une conversation avec F., posés par terre sur une passerelle en bois, en plein milieu du jardin. Je m’aidais de questions préalablement écrites sur mon carnet. L’entretien s’est bien passé et tout à été enregistré. La conversation a été aussi nourrie par les personnes qui passaient, qui écoutaient la conversation et qui voulaient ajouter quelque chose. Ensuite, quand F. 21
a dû retourner au travail, on a passé une partie de l’après-midi dans le centre, pour sentir, observer et écouter encore un peu. J’ai pu retirer plusieurs leçons de ces expériences. Tout d’abord, le fait que dans des thématiques d’instabilité ou d’incertitude – comme c’est le cas des bidonvilles et des migrants – le terrain change très vite. Il faut savoir accepter cette instabilité et voir que cette caractéristique a aussi une puissance qui peut mener à des réflexions intéressantes. Également, qu’il n’est pas évident de s’insérer dans un terrain auquel on n’appartient pas. Cette relation chercheur et société peut être à la fois inégale. Comme on pourra voir plus loin dans ce mémoire, le savoir crée aussi des rapports de pouvoir. J’ai beaucoup vu à Rio, pendant ces années de travail avec des favelas, des chercheurs qui venaient prendre quelque chose sans rien laisser en échange à part la sensation d’avoir utiliser la population pour son prestige. J’ai eu peur de tomber dans cette situation, de pas savoir m’insérer et surtout de pas avoir le temps de mener cette enquête correctement. Quand j’ai eu l’opportunité de connaître le Coop Campus, j’ai senti que c’était une bonne opportunité. L’ouverture pour connaître le centre et pour mener cette recherche s’est fait facilement, et je remercie énormément tout le personnel du Coop Campus pour avoir toujours laissé la porte ouverte.
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2.2 Le Coop Campus et quelques récits
Vue aérienne des alentours du Coop Campus, à Berlin. Source : Google Maps
Le Coop Campus se trouve dans le cimetière V de Jérusalem-Ouest et l’Evangelische Friedhofsverband Berlin-Stadtmitte. Selon le site du projet, l’objectif est de « rendre le site disponible à long terme afin de créer un lieu créatif d’apprentissage, de travail et de rencontre avec l’implication du quartier »4. 2.2.1 Présentation du quartier Le quartier de Neukolln, où se trouve le Coop Campus, est l’un des arrondissements les plus vastes et les plus pauvres de Berlin, avec une infrastructure sociale précaire. Ces conditions ont un impact sur l’intégration interculturelle, pas toujours facile à cause des problèmes sociaux, éducatifs, économiques. La politique de gestion du Neukolln a été la clé pour accroître la participation démocratique et pour revitaliser les zones urbaines défavorisées. En 2006/2007, les « Quartiers4 Selon le site http://www.schlesische27.de/s27/portfolio/coop-campus/ accès le 5 mai 2018, 21:32 23
räte »5 ont été créés dans tous les quartiers de Berlin et le quartier Neukolln a particulièrement profité de cette initiative. Cela a ouvert une porte pour la participation de ses habitants de cultures diverses pour la résolution des problèmes sociaux et urbains. Neukolln a une population de 320 000 habitants et le quartier est divisé en deux parties : la partie du sud, plus grande, où se trouve la classe moyenne avec une quantité relativement petite d’immigrants ; et la partie nord, plus petite et plus densifié, avec une population plus diversifié culturelle et socialement. Aujourd’hui il y a plus ou moins 65 000 étrangers qui habitent à Neukolln, c’est-à-dire 20 % de la population locale. Les allemands représentent 58 % des habitants, et les « non-nationaux » sont 22 % de la population. Les citoyens issus de l’immigration représentent 48 %. Les résidents issus de l’immigration peuvent aller au delà de 65 % dans certaines régions du nord du district, en faisant du Neukolln un quartier spécialement façonné par l’immigration. Les groupes ethniques les plus importants sont les turcs (12 %), les arabes (9 %), les ex-yougoslave (4 %), les polonais (5%), les provenant de pays africains (2 %) et les ex-soviétiques (2 %). 6 Au cours des dernières années, le quartier attirent surtout des jeunes européens de classe moyenne, et cela commence à influencer la vie sociale. C’est un quartier qui vit un processus de gentrification (comme plusieurs quartiers de Berlin) et qui souffre avec les inégalités.
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Ce terme peut être traduit comme « comité de voisinage »
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Source : https://www.coe.int/en/web/interculturalcities/berlin-neukolln
2.2.2 Vendredi, le 27 avril Du 24 avril au 4 mai, j’étais à Berlin en voyage d’études avec mes collègues de l’UFRJ, où j’étudiais avant d’intégrer l’ENSAS. Ce voyage a un peu changé mes plans, qui étaient de trouver un centre d’accueil à Strasbourg pendant les vacances. Cependant, cela m’a ouvert une nouvelle opportunité, de faire une recherche dans une autre ville et dans un pays dont les politiques envers les réfugiés et les immigrants est assez différente de celle de la France en général. Le 27 avril, à quinze heures nous sommes arrivés au Coop Campus, dans le quartier de Neukolln, à Berlin. F., un homme grand et sympathique venu de l’Éthiopie, nous a reçus avec du thé dans une salle à côté d’une cuisine pleine de monde et d’odeurs.
Le premier contact, un accueil au tour d’un thé. Photo : Beatriz Jordão
Pendant la visite, on a rencontrée aussi H., un journaliste syrien qui travaille pour l’intégration de son peuple en Allemagne. Il nous explique que le centre accueilli des migrants et des réfugiés. Les bénévoles les aident à faire les démarches administratives et à trouver un logement. De fois ils les aident aussi à avoir quelque chose à manger. 25
Cependant, le personnes ne peuvent pas être logées dans le centre. La construction a été faite sur le terrain d’un cimetière de Jérusalem-Ouest, à côté du terrain de l’ancien aéroport Tempelhof. Aujourd’hui, ce terrain est un grand parc utilisé par les allemands comme espace de sport et de loisirs. Comme il faisait beau le jour de la visite, le parc était rempli, ainsi que les alentours du centre. Les personnes passaient et il était vraiment facile de trouver l’endroit. Les acteurs du terrain sont ouverts à tous les nouveaux projets et les nouvelles idées qui peuvent apparaître pour aider dans cette intégration, de la menuiserie, à la musique. Ils font des séances où les réfugiés peuvent enseigner leur propre langue, ou faire leur propre cuisine. Il y a des cours d’allemand pour ceux qui savent déjà lire ou qui ont déjà une base, et aussi des cours pour ceux qui n’ont jamais été alphabétisés. Ils produisent du miel, et ils le vendent pour d’obtenir un peu d’argent pour leurs activités. F. nous a dit qu’ils cherchent une relation écologique.
Une cuisine en mouvement. Photo : Beatriz Jordão
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2.2.3 Jeudi, 16 août Il fait beau à Berlin, et le Tempelhof est plein avec des personnes qui profitent du soleil. On arrive au centre et la porte est ou-
Stand pour vendre du miel, devant l’entrée. Photo : Malu França
verte, Il y a un petit stand pour vendre du miel. F. nous a reçus habillé en apiculteur. C’était le moment d’entretenir les abeilles et récolter leur miel. Il nous raconte que le défi est de faire la récolte sans que les abeilles souffrent. Le centre est un peu vide, et on va s’asseoir dans le jardin derrière la maison principale pour parler un peu. On lui demande si on peut enregistrer la conversation et il est d’accord. Cette fois-là on prend un peu plus de temps pour parler: la dernière fois, comme j’étais accompagné d’un grand groupe, la conversation était plus distante et plus générale. On s’assoit par terre, sur une passerelle en bois qui traverse le potager. Je suis accompagnée de deux collègues également étudiantes en architecture et urbanisme, les deux très intéressés par la démarche d’agriculture urbaine menée par le centre. Pendant notre conversation, F. nous raconte ses origines : il est éthiopien, il est arrivé d’abord à Stuttgart et après il est 27
allé à Berlin. Il est venu d’une grande ville, donc Stuttgart pour lui était très ennuyante. Il avait besoin d’être entouré de personnes, même s’il ne les connaît pas, « juste pour se sentir normal ». On remarque qu’il y a très peu de gens dans le centre à ce moment, malgré le beau temps. Il nous explique que ce n’est ne pas toujours stable le travail au Coop Campus. D’abord, pour mener ce genre de travail, il est important d’avoir un soutien financière, ce qui n’est pas toujours évident quand on travaille sur les “marges” - c’est-àdire agir dans les espaces où sont possibles agir, pas forcement dans le cadre formel d’un centre d’accueil proprement dit. Les personnes qui vont au centre, n’y restent pas forcement. Des projets commencent et finissent, et cela dépend de la quantité de personnes engagés pour faire marcher le centre, et de la quantité de personnes qui le cherchent en tant qu’endroit d’appui pour son entrée dans la ville. Au moment de l’entretien, il n’y avait pas d’activités en place comme il nous l’avait raconté la première fois, à part par l’entretien du jardin et des abeilles. Les personnes qui y vont à ce moment sont plutôt des gens déjà installés et qui croient à l’importance du centre. Malgré la diminution des activités, garder le centre ouvert est en soit un acte de résistance. Les activités reprennent au fur et à mesure, quand il y a des projets ou des gens qui ont besoin d’aide. C’est un endroit flexible et mutable, capable de s’adapter aux différents moments. F. nous montre comment le terrain était avant l’implantation du centre, et le défi de s’installer sur un ancien cimetière. Travailler sur un terrain où auparavant il y avait des os c’était un travail ardu. La terre avait une couleur jaune. C’était une terre lourde et difficile a gérer. Ils ont trouvé de grandes machines pour faire les premiers travaux, mais surtout ils ont pu compter sur la force des mains sur les outils. Ce qu’il aime bien de l’emplacement du centre, c’est la proximité avec le Tempelhof. Les personnes qui passent, qui font du sport, des enfants qui courent par tout : toute cette vie apporte une joie aux alentours du centre. Il y a aussi des projets d’accueil de migrants et de jardinage au Tempelhof, et cette proximité permet la création de liens. Sur le jardin, F. nous dit que l’une des principales raisons pour garder le jardinage comme activité principale, c’est que jardiner est 28
silencieux : plusieurs fois avec d’autres activités, comme la musique et le cinéma, le bruit a dérangé le voisinage. Le défi du Coop Campus est d’utiliser les ressources qui sont devant nos yeux, ce qui est à la disposition. Souvent c’est le plus difficile à voir. Cela demande aussi de la créativité et de la capacité d’adaptation. Aujourd’hui c’est le jardin, demain sera peut être quelque chose d’autre.
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3 Le Campus Coop : un dispositif ?
3.1 L’histoire/l’ethnographie de Coop Campus 3.2 Dispositif: une petite introduction conceptuelle
3.2.1 Dispositif et subjectivation 3.2.2 Un autre approche du pouvoir 3.2.3 Vers une valorisation du savoir local 3.2.4 Les lignes de force 3.2.5 Le contre-dispositif : une introduction à l’idée de résistance
3.1 L’histoire/l’ethnographie de Coop Campus Le projet Schlesische27 est issu du concours d’urbanisme « Stratégies pour Kreuzberg », de 1978. L’objectif initial était de créer un établissement d’enseignement et d’apprentissage, avec un intérêt majeur sur les actions interculturelles. A partir de 2001, une équipe d’éducateurs et d’artistes s’intéressent de plus en plus à comment certains projets liés à la production artistique, à long terme dans la communauté, peuvent générer des avantages plus intenses et durables pour la qualification professionnelle et l’intégration sociale. L’association est soutenue par l’État de Berlin et par des financements privés. L’un des points principaux du projet est d’ouvrir la possibilité de formation aux jeunes réfugiés. La plupart a entre 16 et 27 ans, et beaucoup d’entre eux sont allés seuls à Berlin. Souvent ils ont un statut de résidence précaire ou même sont sans abri. L’association les accueille pendant l’hiver, organise des repas et des soins de santé réguliers. Ils ont un partenariat avec le centre d’accueil de réfugiés BBZ et le centre d’éducation d’adultes Berlin-Mitte, où ils peuvent s’appuyer pour mobiliser des forces pour des actions concrètes envers ces réfugiés. L’objectif est aussi de mettre en place des espaces d’opportunités et d’appuis simples pour l’intégration des jeunes qui échappent complètement aux soins publics destinés aux réfugiés. Selon leur site, « le défi consiste à redonner aux jeunes réfugiés leur autonomie et à les accompagner hors de leurs statuts de victime ».7 Le Coop Campus est une branche de ce projet. Il se situe dans le cimetière V de Jerusalem-Ouest, dans le quartier Neukolln, à Berlin. Le projet est né de l’idée de construire la ville ensemble, de changer la société autour d’un jardin. C’est un processus d’expérimentation et d’échange où les voisins, les réfugiés et les nouveaux arrivants peuvent créer un espace de partage d’idées, de connaissances et d’aide mutuelle. L’objectif majeur de cet espace est l’intégration. Les activités proposées par le centre ne veulent pas « donner » quelque chose, mais plutôt « recevoir ». Plutôt que de rester dans la logique traditionnelle qui souvent force les réfugiés à rester dans une dynamique 7
Traduit de l’allemand « den jungen Geflüchteten ihre Selbstwirksamkeit 31
de passivité, pour recevoir ce que la société d’accueil a à offrir, le Coop Campus est un espace pour développer l’autonomie et l’échange culturel comme une manière d’aller vers une intégration bi-laterale . Apprendre à travailler dans la coopération, dans une relation horizontale plutôt que verticale , avec le potentiel pour prendre une responsabilité envers le collectif, ainsi que l’activation de tout un réseau de relations, ce qui est extrêmement important principalement pour ceux qui arrivent isolés. « La ville comme un espace de négociation »8 est une phrase souvent répétée dans le Coop Campus. Les villes sont des espaces de diversités, et le processus de négociation est inhérent à l’expérience urbaine. L’espace est aussi le produit d’un échange social. Le Coop Campus se considère comme un espace où ces négociations sont possibles, de façon un peu plus égalitaires que dans les espaces de prise de décisions traditionnels. C’est un espace pour les possibilités et pour la citoyenneté. L’idée de la participation est au sein du Coop Campus, et l’importance donnée à la ville autour apporte une nouvelle vison au projet, qui « collecte des expériences en même temps qui fomente la création des connaissances ».9 Depuis sa création, plusieurs projets on été mis en place. En 2014, un projet qui s’appelle Junipark a été conçu pour penser des structures publiques, pour créer des espaces de rassemblement entre les voisins et les personnes du centre. Au printemps 2014, un groupe de jeunes réfugiés de l’Afrique de l’Ouest, d’architectes, d’artistes et de travailleurs sont arrivés sur le champ du cimetière. Au moment où des centaines des personnes étaient en train de traverser la Méditerranée pour chercher des opportunités dans le continent européen, il était nécessaire de créer un endroit où la rencontre entre les nouveaux arrivés et les berlinois soit possible et désirée. Le projet inclut aussi les travaux d’une vieille maison en pierres, tournée vers la HermannstraBe : aujourd’hui la porte d’entrée du centre vers le quartier. zurückzugeben und sie aus dem Opferstatus heraus zu begleiten. » 8
Traduit de l’anglais « city as space for negotiation »
9 Traduit de l’anflais « the project collects experiences while fomenting the creation of knowledge » 32
Le Coop Campus se met en place pour créer un espace où tous les genres de projets peuvent être activés en relation avec la participation, l’intégration, l’habitation et la production urbaine. Plusieurs acteurs se sont engagés dans ce Campus pour un développement progressif du centre, autre que simplement accueillir les nouveaux arrivants. L’objectif est de devenir un partenaire dans le cadre de la transformation locale pour construire une nouvelle relation urbaine avec le quartier, tout en intégrant les personnes qui sont à l’écart. Le projet Die Gartenerei établit au printemps de 2015, est l’un des principaux projets au Coop Campus. Le projet commence avec la transformation de l’espace du cimetière, pour dévoiler les potentialités cachées derrière cet espace chargé de connotations. Ensuite la construction d’une serre et l’aménagement de l’espace en jardin permet une participation plus efficace. Les personnes qui fréquentent le centre, peuvent utiliser leurs capacités dans le domaine de l’agriculture, et aussi vendre ce qui est produit dans le jardin aux personnes du quartier : c’est une façon d’ouvrir les portes et de tisser des liens entre les habitants et les nouveaux arrivants. Une histoire touchante sur le site, c’est que, au moment du nettoyage et des excavations, ils ont trouvé les murs de fondation d’un camps de travail forcé. L’inscription sur le mémorial disait : « the God who frees slaves, be merciful to us ». C’était un moment assez touchant de découvrir que, sur ce site, des jeunes ont été forcés à travailler pour l’église. Histoire triste et contradictoire, cela a motivé re-signification de cet endroit. Les jeunes réfugiés, les adultes et les enfants des centres de jeunesse des alentours sont devenus des paysagistes et des constructeurs pendant deux ans. Ils ont créé une passerelle pour découvrir le jardin, ainsi que des petites structures expérimentales. Des collectifs d’architectes, d’artistes, d’enseignants, des spécialistes en immigration de différentes communautés ont soutenu la démarche de cette exploration communautaire. L’endroit est devenu une base pour les réfugiés à Berlin, un espace de sécurité. Après des années sans avoir une place dans la société, en vivant dans la solitude ou dans l’illégalité, sans le droit légal de faire quoi que ce soit, ces réfugiés sont devenus partie intégrante d’une vie 33
commune. Des bénévoles ont commencé à organiser des cours d’allemand, de façon flexible pour s’adapter aux différents niveaux et besoins. Les réfugiés ont aussi l’opportunité d’enseigner leur langue et leur culture. La journée s’organise en séances culinaires et cours de langues le matin, et le travail dans le jardin et des ateliers l’après-midi : ce rythme apporte un cadre stable pour ces personnes qui ont besoin de calme et de stabilité pendant qu’ils font les démarches nécessaires auprès de l’État allemand. Pendant le printemps de 2016, le jardin reçoit des abeilles pour la production de miel. Avec trois ruches, ils arrivent à produire 150kg de miel à l’année. Cela incite les voisins à venir plus souvent au centre. Quand les locaux viennent acheter du miel, ils finissent aussi par parler aux migrants, pour connaître un peu les activités et pour se sensibiliser avec la situation d’autrui. Aussi, pendant l’hiver 2016, ils ont mis en place une petite pharmacie avec des produits faits à base de plantes, comme des crèmes, des baumes, du propolis, des produits pour des bains. Des travailleurs de l’initiative privée, tels que des travailleurs de l’entreprise d’automobile Daimler Benz, de i+m Naturkosmetik et Bio Company, basées à Berlin, ont aussi apporté leur aide aux travaux du centre. L’initiative privée joue un rôle dans le fonctionnement du centre, qui ne peut pas s’en sortir avec seulement l’argent public : une partie du budget vient forcément de l’initiative privée. Une fois par mois, un projet qui s’appelle Café Nana a lieu. C’est un moment où les réfugiés prennent la parole pour enseigner sur un sujet qui leur tient à cœur, pour parler de leur culture, de leur langue, des problèmes sociaux de leurs pays d’origine, l’histoire, les traditions, les festivals, les pratiques. En octobre 2016, des représentants de différents entités ont été invités au Café Nana pour parler d’une thématique sensible aux réfugiés et aux allemands : l’accès à l’éducation, au travail et à l’habitation. L’idée était d’aborder ces sujets d’une façon ouverte, pour casser les préjugés et trouver des solutions pour que cette coexistence existe de la meilleure façon possible. Proche du centre, à Netzestraße, dans une petite rue collée au parc du Tempelhof, la construction d’un immeuble résidentiel pour 34
réfugiés a commencé en 2016. Les plans prévoient des appartements partagés et des petits appartements pouvant accueillir environ 150 personnes, ainsi que des salles communes. Toute cette région du Tempelhof a un historique d’accueil de réfugiés. Cette proximité facilite les partenariats, les activités communes et l’ouverture du centre vers le parc à cause de ces relations. Le parc du Tempelhof devient un élément central de convergence, ainsi qu’un point de repère.
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3.2 Dispositif : une petite introduction conceptuelle Le mot « dispositif » est un substantif qui peut être défini comme un mécanisme destiné à l’obtention d’une fin, et aussi un adjectif qui porte l’idée de contenir une disposition, un ordre ou une prescription ( Ferrari de Lima, 2017 ). C’est un mot qui porte en lui même des idées d’ordre ainsi que de fonction stratégique pour atteindre un objectif. Michel Foucault est l’un des principaux auteurs qui aborde ce sujet, même si dans son œuvre on ne trouve pas de définitions claires sur ce terme. Une approximation est donnée dans un entretien en 1977, dans lequel il défini « dispositif » comme « un ensemble hétérogène qui englobe des discours, des institutions, des organisations architectoniques, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques. [ … ] Le dispositif est le réseau établi entre ces éléments… Il existe un genre de jeux, c’est-à-dire, des changements de position, des modifications de fonction, qui peuvent aussi être très différents ; [la finalité] est de répondre à une urgence. Le dispositif a alors une fonction stratégique dominante ». (Foucault, 2015). Le dispositif est quelque chose de très complexe. C’est un réseau entre des éléments, en même temps que cela peut être l’élément lui-même. Pour Foucault, le dispositif n’est pas quelque chose de fragmentée, mais justement c’est l’ensemble de tous ces éléments organisés en réseaux. Pour Giorgio Agamben aussi, cela est évident : tous ces mécanismes rassemblés ont l’objectif de répondre à une urgence et d’obtenir un effet (dans sa fonction stratégique et son caractère dynamique). Le dispositif dirige les lignes de force. Le Coop Campus, en tant que dispositif, dirige ces forces pour l’intégration des étrangers dans la vie du quartier et dans la société allemande, c’est-à-dire, il a une fonction spécifique pour répondre à une urgence. 3.2.1 Dispositif et subjectivation Dans son fonctionnement, le dispositif capture une partie de l’existence de l’individu, et cette perte est compensée par la construction de sa propre subjectivité (da Silva, 2014). Selon Giorgio Agamben, 36
le dispositif est, avant tout, une machine qui produit des subjectivations et par cela est, aussi, une machine de gouvernement. La subjectivation est en soit l’acte de devenir/créer un sujet, à travers la production de discours et d’énoncés. Si on pense au Coop Campus, par exemple, c’est un espace qui produit de la subjectivation dans la mesure où, dans la production de ces discours, – on considère « discours » l’ensemble de signes qui passent non seulement par la communication, mais aussi par toutes les activités sociales – le Coop Campus oriente vers une façon d’être, une façon de penser même si c’est de manière inconsciente. Le discours neutre n’existe pas, vu qu’il est toujours chargé d’expériences et d’intentions. Par cela, on voit aussi qu’on ne peut pas dissocier la production de la subjectivation avec le savoir. Le centre, dans son rôle de dispositif, exerce un pouvoir sur les personnes qui le fréquentent, et ce pouvoir, tel qu’un réseau qui passe par tout le corps social (Foucault, 1979) façonne les sujets. 3.2.2 Un autre approche du pouvoir Comme on vient de le voir, l’idée de dispositif est intimement lié avec l’idée de pouvoir. Le pouvoir est partout dans la structure sociale et pas seulement dans l’État : il appartient à la structure sociale et il est construit historiquement. Le pouvoir ce n’est pas quelque chose qu’on peut avoir, mais c’est une relation continue, de l’un envers l’autre, même dans les plus petites relations. On peut conclure que le pouvoir n’existe pas en tant que tel, qu’il n’est pas une propriété, un état, mais un ensemble de relations et pratiques. Le pouvoir marche comme un réseau de dispositifs ou mécanismes où personne ni rien n’échappe (Machado, 2015). C’est important alors de ne pas oublier que le pouvoir n’est pas une propriété. L’État a souvent l’ensemble nécessaire pour être dans la meilleure position pour exercer le pouvoir, et pour cela on pense souvent que l’État « détient » le pouvoir. Deleuze aide à comprendre cette question : « l’État lui-même apparaît comme effet d’un ensemble où le résultat d’une multiplicité d’engrenages et de focus se situent dans un niveau bien différent et qui constituent une « microphysique du pouvoir » . ( …) le pouvoir est local parce qu’il n’est jamais global, mais il n’est pas local ni possible à localiser car il est diffus » (Deleuze, 37
2005). Alors les dispositifs sont des outils pour le pouvoir, qui est en soit un système de relations. Dans notre cas d’étude, ce n’est pas la société allemande qui détient le pouvoir sur les réfugiés. La société allemande a une position stratégique pour l’exercice de certains pouvoirs sur un autre groupe, mais ces relations ne sont pas constantes et ces stratégies sont des moyens pour arriver à des fins déterminées. Dans le cadre de la « crise des réfugiés » que l’Allemagne a connue pendant les dernières années, le pays a mis en place de nombreuses mesures pour gérer cette situation, et dans cette position l’État exerce son pouvoir. Le pouvoir et le savoir sont aussi indissociables. On a vu qu’un dispositif produit de la subjectivation, et le savoir est en même temps un outil de la subjectivation et un outil de pouvoir. Dans ce sens, il n’existe pas de relation de pouvoir sans la construction d’un champs de savoir et, de façon réciproque, tout savoir constitue des nouvelles relations de pouvoir (Machado, 2015). L’information est une arme importante dans le jeu du pouvoir (Ferrari de Lima, 2017), et dans les hiérarchies de force, les discours dominantes se superposent aux discours moins « soutenus » socialement. Le discours scientifique, par exemple, se superpose au savoir faire et à d’autres discours populaires. Quand on pense que, parmi les activités du Coop Campus, il y a un effort pour valoriser et faire passer la culture du réfugié ou du groupe plus faible comme quelque chose d’aussi important que la culture allemande, il y a, d’une certaine façon, une envie de changer cette logique, et en changeant cette logique on change aussi les rapports du pouvoir entre les discours. Si dans un premier moment, ce groupe plus fragile est obligé « d’accepter » la culture allemande – et, dans ce cas, les migrants sont contrôlés par ce groupe de la culture dominante puisqu’ils reçoivent leur savoir –, dans un deuxième moment ce groupe a la possibilité de faire passer son propre savoir. Dans ce moment d’échange, il y a un équilibrage de forces et le pouvoir s’exerce de façon horizontale et plus égale envers les deux groupes. 3.2.3 Vers une valorisation du savoir local Pour cela Foucault s’est intéressé à la réactivation des savoirs locaux, par « l’insurrection des savoirs locaux ou dominés ». Selon 38
lui, les savoirs plus « naïfs » qui appartiennent aux personnes ordinaires, éloignés du discours scientifique, ne peuvent pas être capturés par la science, et c’est là où on retrouve sa force : cet éloignement apporte une capacité d’opposition au discours dominant. Cette puissance on découvre dans l’activité du Café Nana, quand les réfugiés ont la possibilité de prendre le devant pour enseigner quelque chose. Cette même puissance on retrouve dans l’auto-construction, dans les mobiliers faites par eux mêmes, ou l’aménagement et l’entretien du jardin fait sans forcement avoir un spécialiste à disposition. L’échange du savoir faire de chacun crée des nouveaux savoirs encore plus difficiles à être dominés. On aperçoit la richesse de cette échange de savoir quand F. nous raconte, lors de l’entretien, que « faire partie des activités du Coop Campus, c’est un moyen tout d’abord de trouver des vocations, surtout liés à la terre et à l’agriculture, mais aussi pour la construction, la menuiserie, les langues, la cuisine. C’est aussi une façon de connaître des gens dans la même situation, et de créer un réseaux d’empathie et d’aide mutuelle ». Il nous raconte aussi une anecdote sur un monsieur algérien qui a découvert son talent pour la pâtisserie dans le centre. Ce monsieur était toujours très timide et très peu communicatif. Ils lui ont laissé la cuisine pendant deux ou trois jours et le jeune monsieur a fait des choses fantastiques. Cela montre une des puissances de donner l’autonomie aux gens dans le dispositif, ainsi que donner de l’espace et du temps pour le développement de ce savoir-faire. D’autres personnes ont aussi découvert leur talent et leur futur profession dans les activités du centre. Cela ouvre la possibilité de, une fois établis, trouver un stage ou un travail dans un nouveaux domaine : le dispositif déclenche un premier événement, et il y en a d’autres qui viennent d’affilée. 3.2.4 Les lignes de force Selon Deleuze, le dispositif est un ensemble « multilinéaire ». Ces lignes qui partent dans tous les sens sont toujours en déséquilibre, elles s’approchent et s’éloignent, sans délimiter des espaces mais toujours en le traversant : « dénouer les lignes d’un dispositif est, dans chaque cas, tracer des cartes, cartographier, parcourir des terres inconnues, ce que Foucault appelle le « travail de terrain » » (Deleuze, 39
1990). Pour l’auteur, Le concept de dispositif peut être lu à partir de quatre lignes principales ( Ferrari de Lima, 2017 ) : la première ligne, c’est par rapport à la visibilité dans les énoncés des discours, qui parfois ont des éléments clairs et des éléments cachés. Les lois, par exemple, ont des énoncés simples et visibles, mais avec un contenu sous-entendu, pas toujours évident pour ceux qui n’ont pas étudié le droit. On peut construire un autre exemple basée sur l’entretien avec F. : Il nous a raconté qui il y a tout un réseau de réfugiés, y compris celui du Tempelhof, et ces réseaux peuvent s’aider mutuellement. Souvent les personnes sont très compétents pour les plus différents domaines de travail, cependant le problème majeur est que les réfugiés ne peuvent pas être payés lorsqu’ils ne sont pas encore légalisés. La solution est de les payer indirectement. Par exemple, une option est de leur acheter des carnets de ticket de métro, qu’ils peuvent revendre après, ou les utiliser pour le déplacement dans la ville . Un autre moyen, est de louer des appartements pour cinq ou six personnes, et donner la place aux réfugiés. Dans cette logique, on peut dire que lorsque quelqu’un donne du travail à un réfugié, c’est une ligne visible. La ligne invisible, ce sont les moyens trouvés pour payer ce réfugié autrement, avec des tickets de métro ou avec la location d’un appartement. C’est savoir se servir des entre-lignes. D’un autre côté, il y a aussi les lignes invisibles qui sont les sous-entendus dans une culture. Par exemple, en Allemagne on sait que traverser pendant que le feu est rouge est inacceptable, tandis que dans d’autres pays ce ne l’est pas. Là c’est une ligne invisible de la culture allemande, qui donne une avantage aux locaux, vu qu’ils sont au courant de ces accords sociaux non-dits. Cela pose une limite dans l’intégration, ce qu’on va voir plus en détaille dans la quatrième partie. La deuxième ligne, Deleuze l’appelle « les courbes de l’énonciation », c’est la qualification des discours par rapport à l’époque, c’est ce qui est pertinent à un certain moment et qui ne l’est plus à d’autres. On observe aussi cette flexibilité à Coop Campus, qui adapte ses discours par rapport aux moments : des projets qui marchent par rapport à une situation dans un moment donné, et qui après ne sont plus pertinents, et même des choses qui sont permises et ensuite deviennent interdites, comme les fêtes sur le terrain, par exemple. 40
Ils ont fait une fois une fête des lumières (« light fest ») et ils ont invité plusieurs personnes, surtout les réfugiés des centres voisins. Un microphone était ouvert aux invités, et des jeunes qui n’avait jamais eu l’opportunité de s’exprimer avant, ont chanté du rap, du hip hop, de la musique, déclamé de la poésie, fait de la danse. Un collectif qui fait des séances de ciné dans des endroits abandonnés ou cachés ou secrets (« hit and run kino ») a apporté ses matériaux au centre pour faire la projection d’un film. Ils attendaient cinquante personnes, et finalement ils en ont eu trois-cent-cinquante. F. a pensé que les chargés du centre allaient être contents avec la démarche et son succès, et pourtant la réponse qu’ils ont eu a été complètement négative. Les supérieurs ont dit que ce n’était pas bien et qu’il ne faudrait pas le refaire. L’administration a demandé de garder le silence et ils ont dû se calmer. Pour garder l’approbation du projet, surtout parmi les habitants du quartier, il ne faut pas faire du bruit. Le dispositif reste malgré tout un outil de contrôle. Sortir du cadre c’est possible et s’adapter aussi, cependant on observe que le contre-dispositif a ces limites dans le dispositif lui-même. Les dispositifs font ce qu’ils peuvent faire en fonction de ses conditions de visibilité : pas forcement dans le sens littéral de voir, mais dans le sens si les lignes de force sont allumés ou pas dans ce jeu de rapports de forces qui existe dans un dispositif. La troisième ligne, est simplement l’ensemble de lignes de force. Ces lignes sont associées à l’idée de mouvement et d’action dans le dispositif. Elles sont composées par les éléments des autres lignes, et ces lignes majeures se croisent et vont en direction de la fonction du dispositif. En dernier lieu, la ligne de la subjectivation, c’est la ligne qui revient vers le sujet, qui le modifie et le constitue. C’est la dimension de soi-même, une ligne qui n’a pas de relation avec le savoir et le pouvoir (Deleuze, 1990). Selon Deleuze, le concept de dispositif présenté par Foucault a un rapport avec la cartographie, une fois que le dispositif cartographie les relations de pouvoir, ses lignes de force et les éléments qui configurent ces dynamiques de pouvoir et de résistance.
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3.2.5 Le contre-dispositif : une introduction à l’idée de résistance Agamben reprend l’idée du dispositif comme instrument de contrôle et de domination pour parler de l’importance de la résistance, ou du contre-dispositif. Par résistance, Giorgio Agamben (2009) dit que c’est « apporter la lumière à celui qui est ingouvernable, qui est le début et en même temps le point de fuite de toute politique ». Deleuze parle aussi de résistance, à mesure que les relations de pouvoir se conservent dans le système, tandis que la résistance a une relation avec l’extérieur. Pour Foucault, les forces de résistance existent toujours là où il y a des forces en conflit, c’est « l’interlocuteur inflexible ». Pouvoir et résistance, alors, font partie du même jeu le long de toute la structure sociale ( Ferrari de Lima, 2017 ). Ils marchent dans une relation continue de lutte et affrontement, chacun avec ses dispositifs et ses stratégies. La cinquième partie de ce mémoire va aborder plus profondément comment l’idée de résistance s’applique dans le Coop Campus.
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Le fonctionement du dispositif :
Schema : Malu Franรงa 43
4 Comment un espace particulier pourrait-il permettre une intégration réussie?
4.1 Les enjeux de l’intégration 4.1.1 La théorie de l’assimilation 4.1.2 Le multiculturalisme 4.1.3 Le structuralisme 4.2 Les limites d’une telle intégration 4.2.1 Urbanisme et pouvoir 4.2.2 Les enjeux de construction identitaire 4.2.3 Le rôle de la pratique urbaine dans l’intégration socialement 4.2.4 Donner la voix à la population 4.2.5 Agir dans les marges 4.2.6 Insertion et intégration 4.3 L’importance de l’insertion du Coop Campus dans son contexte urbain 4.3.1 Les enjeux de la ville 4.3.2 L’analyse des alentours 4.3.3 La séparation des espaces 4.3.4 Les yeux de la rue 4.3.5 La danse de la rue
4.1 Les enjeux de l’intégration L’intégration a toujours été un terme assez ambigu et vaste. Le mot « intégration » paraît plus simple à définir que le mot « dispositif », et pourtant c’est si chargé de signification que cette tâche ne sera pas simple. Premièrement, le sens du terme change par rapport au domaine : intégration, pour la sociologie, c’est différent de l’intégration pour la politique, par exemple. L’intégration est antagonisme de désintégration, mais dans certains cas elle est aussi le contraire de l’anomie, de l’exclusion, de la délinquance, de la déviance, de l’invalidation, de la dissociation, de la dissidence, de l’émiettement, de l’aliénation, de la ségrégation, de la désaffiliation (Schnapper, 2008). En traitant d’intégration envers les migrants, le terme peut être même vu comme péjoratif. On doit aussi faire la différence entre les politiques d’intégration (au sens de policy, c’est-à-dire de l’ensemble des dispositions prises pour définir et appliquer une volonté politique) et le processus d’intégration sociologique (Schnapper, 2008). L’intégration, dans le sens politique, est plutôt un résultat, tandis que l’intégration sociologique est un processus. Le sociologue W. Landecker (1965)10 parle de l’intégration comme une notion multidimensionnelle, et donc impossible à définir de façon générale et unique. Il distingue quatre types d’intégration : « l’intégration culturelle (ou concordance entre les normes d’une culture), l’intégration normative (ou conformité de la conduite aux normes), l’intégration communicative (ou échange de significations dans le groupe), enfin l’intégration fonctionnelle (ou interdépendance due aux échanges de services) ». Ces différents dimensions sont à la fois indépendantes - par exemple, une intégration normative à quelqu’un qui arrive dans un nouveaux travail -, à la fois partie d’un processus plus complexe : quand le migrant arrive dans une ville complètement nouvelle pour lui, par exemple, et il doit s’intégrer dans plusieurs dimensions au même temps pour être accepté. Dans les années 1980-1990, de nombreux débats sur ce sujet ont eu lieu, avec, d’un côté, « ceux qui insistaient sur la priorité de l’inté10 In : Rhein, Catherine. « Intégration sociale, intégration spatiale », L’Espace géographique, vol. tome 31, no. 3, 2002, pp. 193-207. 45
gration des populations de toutes origines » et de l’autre, « ceux qui entendaient redéfinir les relations entre des appartenances culturelles multiples et l’organisation politique. La politique française apparaissait plus proche du modèle de « l’intégration » (qualifiée parfois d’« intégrationniste ») et celle de l’Allemagne et surtout du Royaume-Uni du modèle du « multiculturalisme ». » (Schnapper, 2008). Le multiculturalisme est l’une des trois perspectives de l’intégration culturelle dans le domaines des sciences sociales. Ces trois perspectives sont : la théorie de l’assimilation, le multiculturalisme et le structuralisme (Algan, Bisin, Manning, Verdier, 2012).
Les perspectives de l’intégration :
l’assimilation
le multiculturalisme
le structuralisme
Schema : Malu França 46
4.1.1 La théorie de l’assimilation La théorie de l’assimilation est présente dans la pensée sociologique pendant la plupart du vingtième siècle. Cet approche est basée sur trois caractéristiques principales. La première : les étrangers viennent partager une culture commune. Cela marcherait de façon naturelle, en considérant les migrants avec le même accès à des opportunités socio-économiques que les personnes locales. La deuxième, ce processus consiste à faire disparaître progressivement les comportements originaux pour les remplacer peu à peu ; et la troisième, une fois ce processus est démarré, il va vers une disparition complète et irréversible de la culture originale jusqu’à l’assimilation complète de la nouvelle culture. Dans l’idée de l’assimilation, il est attendu que les primo-arrivants se mélangent complètement dans la culture que les reçoit. Cela va vers un processus d’intégration à long terme, et même intergénérationnel – à force de l’assimilation, les descendants de ces migrants probablement n’auront que la culture locale comme base, et la culture de ces parents n’aura pas l’intérêt à être transmise. Selon Gordon (1964)11 les migrants commencent leur adaptation à partir de l’assimilation, ou de l’acculturation, comme un premier pas nécessaire. L’assimilation socio-économique inévitablement va vers une perte éventuelle de l’identité des nouveaux arrivés. 4.1.2 Le multiculturalisme Le multiculturalisme, au contraire, refuse l’intégration telle comme elle est proposé par la théorie de l’assimilation. L’idée est de stimuler une collection hétérogène des minorités culturelles et sociales, où les migrants peuvent former leur propre identité à la place d’être juste des agents passives. En plus, le multiculturalisme considère que les migrants peuvent jouer un rôle active dans la société, pour en faire partie de cet dernière. Dans cet perspective, on arrête de penser à eux comme des étrangers à l’écart, mais comme une partie importante de la dynamique sociale. L’Allemagne, pendant cette période de grand flux migratoire, parlait beaucoup du multiculturalisme. Le Coop Campus est dans cette 11 In : Algan, Yann ; Bisin, Alberto ; Manning, Alan ; Verdier, Thierry ; « Cultural Integration of immigrants in Europe » oxford press 2012 47
démarche. Le projet Café Nana, quand les migrants peuvent prendre la parole pour parler d’un sujet à leur choix, dans la plupart du temps relationné à leurs pays d’origine et leurs cultures, est un espace pour casser cette logique d’apprendre seulement la culture allemande. Enseigner leur propre langue c’est aussi une façon de la garder vivante, et de pas la perdre même s’ils sont complètement intégrés. Comme nous a dit F, « C’est un endroit où les personnes peuvent construire quelque chose avec un rapport avec leur passé, et pas complètement oublier ou ignore leurs origines ». L’idée est d’avoir l’espace pour l’intégration, pour la collectivité et aussi pour le développement personnel de chacun. Au Coop Campus, les migrants avaient des cours d’allemand quatre jours par semaine, de neuf heures à midi trente, et aussi des activités de jardinage trois fois dans la semaine pendant l’après-midi. La langue est un vecteur d’intégration, et savoir l’allemand les aident avec les démarches administratives ainsi qu’avec leur intégration dans la société. 4.1.3 Le structuralisme Le structuralisme fait la relation entre les différences d’opportunités et l’intégration sociale. L’accès inégal au système de santé, de sécurité sociale, d’emploi, d’éducation, de pouvoir et de privilège sont des contraintes qui affectent les possibilités d’intégration des minorités. Les différences de niveau d’éducation et par conséquence de réussite professionnelle mène, par exemple, à des inégalités de salaire, et donc à un écart entre les pouvoirs d’achat. Alors tous ces différences joue par rapport à l’intégration : « au contraire des deux derniers théories, le structuralisme met en évidence les conflits inhérents à hiérarchie sociale entre groupes dominants et minoritaires » (Algan, Bisin, Manning, Verdier, 2012). Le structuralisme nous permet de poser la question si l’intégration est vraiment possible, et encore, quelle est la couche sociale qui « absorbe » ces nouveaux arrivants qui, à cause des inégalités sociales, ont tendance à vivre dans des situations précaires auprès des classes sociales moins favorisés. Pendant l’un des entretiens, une réponse m’a attiré l’attention vers un lien avec la théorie du structuralisme. J’ai à demandé à F. sur les difficultés, et il m’a répondu que « c’est dur 48
de mener avec la même force un projet basé sur la collectivité dans un environnement basé sur l’individualisme. La société allemande marche comme cela. Même si dans certains cercles sociaux le bénévolat est quelque chose de commun, et il y a des gens enthousiastes surtout parmi les jeunes étudiants de classe moyenne, c’est encore un échantillon très limité ». Même avec tous les efforts pour l’intégration fait par le Coop Campus, cette société basée sur l’individualisme, qui se méfie de ces nouveaux arrivants, nous fait questionner si une réelle intégration est possible, ou si en dehors du centre et de cette boule sociale, ces migrants seront absorbés par un système où ils seront encore en difficulté. Est-ce qu’il existe une réelle volonté politique d’intégration ? Selon Milton Santos (2003), qui parle de la pauvreté comme quelque chose de planifié dans la production urbaine, les villes ont besoin de ces personnes plus pauvres pour être la main-d’œuvre pas cher. Si on pense aux intérêts économiques de l’Allemagne liés à cette politique d’accueil des migrants, c’est un pays qui a effectivement besoin de personnes pour travailler, vu que la population locale vieilli et le taux de natalité est très faible. On peut alors faire le lien entre la théorie de Milton Santos et ce qui se passe aujourd’hui dans plusieurs villes. Cette séparation entre les riches et les pauvres, à la fois sociale et spatiale, fait la manutention d’un système et d’un modèle de ville où les intérêts économiques se superposent aux intérêts sociaux. La pauvreté, auparavant un phénomène qualitatif, devient quantitatif et, sans la dimension humaine dans les analyses, c’est facile à oublier ou ignorer. Le Coop Campus agit dans la sphère locale pour une insertion urbaine dans le quartier, et en tant que dispositif il va jusqu’où sa capacité d’actuation arrive. Pour une intégration urbaine efficace, il faut condamné la planification capitaliste, et la remplacer par un modèle qui s’occupe effectivement de toutes les personnes, et pour cela « la bataille d’idées est essentiel » (Santos, 2003).
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4.2 Les limites d’une telle intégration
En Europe, la discussion sur ce qui est la diversité et l’identité culturel est poussé par la pression politique associé aux flux migratoires. L’intégration des migrants peut changer de façon significative en relation à chaque pays et leurs politiques d’accueil. Certes, n’importe quelle que soit la politique d’intégration adopté, l’intégration pose des question par rapport à ses contraintes et ses limites. Les opinions sont divergentes, et on retrouve des différents points de vues sur ce sujet. L’intégration des migrants peut changer de manière significative selon les politiques du pays d’accueil. La diversité culturel peut affecter le sens de communauté et d’identité sur lesquelles plusieurs démocraties se sont basées. Cela peut mener à une érosion du consensus social et diminuer le support public à des politiques pour des programmes sociaux universaux (Algan, Bisin, Manning, Verdier, 2012). Pour cette raison, la politique d’assimilation comme on a vu dans la partie antérieure est si demandé. Pourtant, penser des politiques pour accueillir la diversité culturelle peut faciliter le contact entre les différents communautés et ainsi promouvoir la tolérance, la confiance et le respect envers l’autre. Ce mélange peut aussi être un moteur pour le développement des nouvelles identités nationales – affirmation qui peut être moins accepté dans des sociétés plus conservatrices. En tout cas, une intégration réussite ne se mesure pas simplement au fait d’avoir un travail ou le droit de voter, mais plutôt au fait de réussir à faire partie de la vie collective et à partager les valeurs de la société d’accueil (Caponio, Testore, 2012). Tiziana Caponio et Gaia Testore parlent de l’intégration comme une nouvelle frontière à franchir : « à la frontière géographique et politique s’ajoute un nouveau type de frontière à “géométrie variable”, qui se construit autour du concept d’intégration, capable d’opérer au-delà de la frontière ellemême ». Cette frontière, à la fois spatiale et sociale, pose la question de jusqu’où un dispositif – ici, le Coop Campus, notre dispositif en question – a la capacité d’intégrer les réfugiés de façon efficace, et finalement quelle est le rôle de l’architecte-urbaniste dans ce processus d’intégration : avons-nous le pouvoir d’agir sur un sujet si politique ? 50
4.2.1 Urbanisme et pouvoir L’espace urbain, comme on a déjà dit, est un espace en dispute. La ségrégation spatiale est une vrai question. Souvent, les groupes minoritaires ont tendance à se rassembler, soit volontairement, soit par envie politique. Ils sont connus les cas d’aménagement urbain avec une politique de « nettoyage », où les personnes plus pauvres ou les groupes marginalisés sont obligés de migrer vers des quartiers plus éloignés du centre ou même à l’écart de la vie urbaine12. Il y a aussi le rassemblement par identité, quand par exemple les turcs ou les juifs cherchent à habiter dans le même quartier, soit du fait de l’offre de services, soit pour rester entre proches. En tout cas, ce genre de séparation a tendance à créer des « guetos ». Cette ségrégation constitue un frein à l’intégration : si les migrants restent entre eux, et s’ils ne se sentent pas bienvenus dans d’autres quartiers, l’intégration sociale et culturelle ne se donnera pas complètement. 4.2.2 les enjeux de la construction identitaire Cette séparation spatiale a un rapport avec l’identité. En arrivant à un nouveau paysage, on perd nos points de repère. Les migrants peuvent rentrer dans un état de marginalisation13 ou même de séparation14. Jusqu’à la construction d’une nouvelle identité, sociale et spatiale, l’individu ne se reconnaît pas dans l’espace. Le Coop Campus est dans une position privilégié dans le quartier, avec un jardin et le Tempelhof à côté, et le centre est un espace de rassemblement des nouveaux arrivants : le Coop Campus devient le point de repère dont les primo-arrivants en ont besoin. Cette attachement est lié aux espaces bâtis, au parc et au jardin mais, en sortant du centre, je ne peux pas affirmer si l’intégration de l’individu avec le quartier est vraiment effective. 12 On peut citer Haussmann, à Paris, et Pereira Passos, à Rio de Janeiro, par exemple. Deux urbanistes qui ont suivit à peu-près les mêmes principes dans ses projets d’aménagement. 13 La marginalisation est défini comme « un fort détachement de la culture du pays d’accueil et de la culture d’origine » selon Amelie Constant, Olga Nottmeyer et Klaus Zimmermann, dans le chapitre « Cultural integration in Germany » dans le livre « Cultural Integration of Immigrants in Europe » 14 La séparation est défini comme « un engagement exclusif envers la culture d’origine même après des années d’émigration, associée à une faible implication dans la culture du pays d’accueil et les réalités du pays » selon les mêmes sources de la note au-dessus. 51
4.2.3 Le rôle de la pratique urbaine dans l’intégration sociale L’intégration urbaine a aussi un rapport très fort avec avoir droit à la ville. La personne doit avoir droit à la mobilité, à l’habitation, à l’utilisation des services publics et des espaces publics. L’accès au logement est un vecteur d’insertion important est l’accès à la ville. Le logement est le support pour accéder aux droits dans d’autres domaines, comme la santé, la scolarisation, les aides sociales, la banque etc. Pour l’appropriation de l’espace public, on observe que certains groupes ethniques ont plus l’habitude d’occuper les espaces que d’autres. Cependant, malheureusement ce sont souvent les hommes qui occupent la sphère publique, et les femmes sont davantage cantonnées à l’intérieur, en gardant les enfants et la maison. 4.2.4 Donner la voix à la population Le parlement de la ville de Berlin a mis en place en 2010 une loi sur la participation et l’intégration qui s’appelle « Partizipations-und integrationsgesetz ». Cette loi donne une base solide à des démarches politiques et institutionnelles qui visent la multiculturalité dans les sphères de décision. Neukolln a établi son comité d’intégration en 2011, où quinze membres et quatre délégués des citoyens discutent les problèmes liés à l’intégration et font le bilan envers le parlement de Neukolln afin d’optimiser les actions administratives. De plus, le comité pour l’intégration de Neukolln est toujours en place, en gardant une coopération entre l’administration et les ONGs. La question est jusqu’où cette représentativité est effective, et quelles sont les personnes qui peuvent vraiment faire partie des conseils (pas seulement dans le sens d’être présent physiquement, mais aussi dans le sens de se sentir bienvenu et d’avoir assez de « empouvoirement 15» pour faire partie d’un tel espace). 4.2.5 Agir dans les marges Souvent, la prise en charge concrète des migrants dans les espaces urbains est fait plus par les acteurs locaux. C’est la cas du Coop Campus, et son actuation indépendante, vu que les catégories offi15 Concept qui veut dire aussi « autonomisation », c’est la prise du pouvoir par des individus ou groupes minoritaires pour réussir à agir avec véhémence et certitude. 52
cielles sont souvent inefficaces. Souvent le centre se voit obligé à travailler dans les marges pour faire marcher le projet de la façon qu’ils le croient, c’est-à-dire hors catégories officielles. F nous dit que « une partie du mouvement fait par les associations qui travaillent avec les migrants et les réfugiés, le gouvernement n’est pas ou courant. Une autre partie du mouvement, le gouvernement ne veut même pas être au courant. On ne peut pas toujours attendre l’approbation du système, il faut bouger quand il est temps pour réussir à changer quelque chose. L’idée est d’apprendre avec le processus, pour ne pas répéter les mêmes erreurs du passé ». On voit ici l’importance de l’autonomie et de la prise en charge non-officielle pour essayer de construire quelque chose efficace. En plus, pour la prise en charge officielle, normalement il y a une catégorisation administrative des arrivants, et ces catégories se superposent à leurs trajectoires personnelles. Cela fait un accueil qui ne prend pas en compte l’individu, mais le rentre dans un cadre normatif (Belmessous, Roche, 2018). Ils ont une identité reconstitué, et les acteurs de la prise en charge peuvent les trier et les classifier plus facilement – une classification qui ne prend pas en compte la réalité vécue par chacun des migrants. Ce système est un dispositif de contrôle voire de rejet de ces personnes. Aussi, le même système crée une espèce de hiérarchie entre les arrivants : qui doit être accueilli en premier et par conséquent qui sera intégré, et les agents ont une large place pour leur interprétation personnelle sur chaque cas (Belmessous, Roche, 2018). Selon Belmessous et Roche, « une personne enregistrée comme réfugiée ou demandeur d’asile est assignée à cette catégorie et « bénéficie » en retour d’un statut (tels les migrants syriens venus en Europe). À l’inverse, le migrant dont la situation personnelle n’est pas reconnue par l’administration est considéré comme vivant sur le territoire de manière « irrégulière » et acquiert un autre statut : l’indésirable, sans-papiers et sans-droit, contraint à la clandestinité ». Il y a des divergences dans l’intégration aussi par rapport aux différents groupes ethniques. Des européens par exemple sont plus facilement intégrés, dans un mécanisme d’absorption direct au corps social. Les africains, au contraire, sont souvent face à une assimilation du type paternaliste (Belmessous, Roche, 2018). Cela joue aussi 53
sur la place que les migrants vont prendre dans la société et comment ils vont s’intégrer, et quelles seront leurs chances dans cette insertion sociale. 4.2.6 Insertion et Intégration Une bonne différenciation de ces deux termes se trouve dans l’article de Fatiha Belmessous et Elise Roche : « En première approche, l’insertion fait souvent référence à une approche thématique de la question sociale (par le logement, l’économie, la santé ; Guyennot, 1998). Ensuite, elle est parfois vue comme un préalable chronologique à l’intégration pleine et entière des individus par des affiliations diverses (Roche, 2004). ». L’insertion est, alors, une étape pour atteindre l’intégration. Le Coop Campus est ainsi un dispositif d’insertion urbaine parce qu’il agit sur les moyens pour parvenir à l’intégration. L’absence d’accès à la ville peut conduire les migrants vers des espaces de relégation (dans les rues, les bidonvilles, des espaces insalubres) ou dans une mobilité forcé incessante (Belmessous, Roche, 2018). Normalement on a une vision binaire de la ville, divisé entre le centre (où se trouvent les ressources, la vie, la culture, le travail) et la périphérie (lieu isolé et avec peu de ressources). Au-delà de cette idée, « l’accès à la ville dessine aussi une cartographie de lieux supports d’une forte mobilité » (Belmessous, Roche, 2018). La ville est un réseau de points de repères (le logement comme premier point) par où les migrants doivent passer et circuler. Ces sont les divers territoires – physiques et sociales - parmi où les migrants doivent se déplacer pour tisser leur intégration. L’accès à la ville est aussi rempli d’inégalités et de violence envers les migrants. Le « non-accueil » (Belmessous, Roche, 2018) est tout ce processus relatifs à la l’accès à la ville : soit la violence administrative, liée au cadrage et au tri de ceux qui « méritent » être acceptés, à d’autres formes d’oppression comme la ségrégation spatiale, les préjugés et le racisme. Les migrants sont souvent perçus comme une « charge à répartir », et dans l’espace social urbain ils sont victimes d’exploitation, de marginalisation, d’impérialisme culturel et même de violence (Belmessous, Roche, 2018). 54
4.3 L’importance de l’insertion du Coop Campus dans son contexte urbain Pour ce qu’on connaît des centres d’accueil et des structures pour les réfugiés et les migrants, normalement ils ont tendance à être assez isolés, géographiquement et socialement, surtout s’ils ont une grande dimension. C’est le cas du centre de la Porte de la Chapelle, par exemple, qui par rapport à sa taille et à son périmètre de sécurité, donne l’impression d’essayer de rentrer dans une île sécurisée. Il est rare qu’on voit des centres d’accueil en marchant en centre ville, dans les rues. Ils ont tendance à être invisibilisés. Plusieurs raisons peuvent être à la source de cette constatation : on peut supposer l’envie de cacher ce problème social, pour ne pas déranger les habitants dans leur quotidien. On peut supposer aussi que c’est par rapport à la protection des réfugiés et des migrants qui sont souvent dans des situations très précaires et fragiles en arrivant dans un nouveau pays. Encore avec l’exemple de la Porte de la Chapelle, on se rend compte que l’architecture elle-même n’a pas spécialement un pouvoir pour résoudre le problème de l’intégration. Le projet de Julien Beller, très engagées dans les questions sociales et très bien réfléchi pour accueillir dans la meilleur façon possible, est impuissant en se traitant de l’intégration avec le quartier, si on regarde attentivement les alentours urbains. La planification urbaine est aussi un envie politique, et pour cela on peut avoir plusieurs suppositions quand on analyse ce genre d’endroit. Même si le bâtiment en soit a une bonne qualité architecturale, la planification des alentours urbains est nécessaire pour éviter les espaces résiduels et d’insécurité. 4.3.1 Les enjeux de la ville Le quartier du Neukolln a été au sein de grands changements dans la société allemande par rapport aux événements politiques et la croissance des mouvements collectives. Il s’insère dans le programme des villes interculturelles. Cet place est associé à l’histoire complexe de Berlin, aussi qu’à des changements politiques et administratives que la ville a mis en place depuis 1945. En parlant de Neukolln, il faut aussi prendre compte de cette histoire de la ville de Berlin, qui est en effet 55
indissociable de l’histoire du district. Neukolln été un district dans la frontière pendant les 28 ans d’existence du mur de Berlin, ce qui joue un rôle par rapport à la croissance démographique. Aujourd’hui, il y a presque un demi million de personnes sans un passeport allemand qui vivent à Berlin issus de plus de 190 pays différentes, c’est-à-dire plus au moins 14 % de la population résidente.16 La ville de Berlin vit, après la guerre, une période de crise financière qui laisse une partie de la population au chômage dû le déménagement des plusieurs entreprises et le manque d’investissements. Par l’autre côté, le coût de vie à Berlin devient l’un des plus bas en Allemagne (un loyer à Berlin est presque la moitié d’un loyer à Munich), ce qui attire des artistes, des étudiants et des intellectuels. Cette nouvelle scène culturelle attire de plus en plus des touristes, surtout ceux qui cherchent la vie nocturne. En 2003, le maire de Berlin Klaus Wowereit a défini Berlin comme « arm, aber trotzdem sexy » (pauvre, mais quand même sexy). Ce dernier est devenu le slogan du festival culturel « 48 heures Neukölln » de ce même année.17 Cela contribue aussi au processus de gentrification vécu par la ville dernièrement. Cette tension culturelle produit une séparation sociale. Les cultures dominantes, représentés par des étudiants, des artistes, des intellectuels, prennent la place dans ces quartiers les moins chers, et donc plus recherchés. Cela crée une effervescence culturelle qui attire encore plus de monde vers ces quartiers. L’arrivée de ces personnes fait augmenter les prix, et la population moins dominante et conséquemment plus pauvre est obligée de se déplacer. En raison de la complexité de son histoire, Berlin se transforme à une vitesse incroyable et l’intensité de ces changements sont proportionnelles. La ville est maintenant une des villes les plus attractives de l’Europe. Cette attractivité attire une dynamique à la ville, ainsi qu’un développement économique accéléré. Pourtant, comme dans autres villes de taille similaire, ce processus augmente les écarts et les inégalités entre les groupes sociaux. La ville, connue pour son multiculturalisme et pour sa diversité, est aussi « Mehrheitsgesellschaft », 16 Source : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/ DisplayDCTMContent?documentId=0900001680482a95 17 56
idem
ce qui veut dire que les valeurs de la majorité doivent prévaloir sur les tendances des minorités pour maintenir l’ordre sociale. C’est accepté le fait d’avoir une « Leitkultur », une culture dominante, à laquelle d’autres peuvent s’intégrer ou même être assimilés18. Cela ne veut pas dire une culture fermée. Cependant il y a une sorte de supposition implicite qui accepte cette hiérarchisation. Même s’il y a un débat en Allemagne sur les implications des migrations et sur la diversité culturelle, il y a aussi une acceptation incontestée de « Mehrheitsgesellschaft » et « Leitkultur ». 4.3.2 L’analyse des alentours Dans cette effervescence qui vit la ville et le quartier, le Coop Campus se retrouve à côté du Tempelhof, très proche de la sortie du métro Hermannstraße. Son emplacement est privilégié. Sa façade a un petit éloignement du bord de la parcelle pour mettre en place un jardin et un petit espace d’accueil avant d’arriver au bâtiment. La grille est souvent ouverte, une invitation à rentrer.
Carte avec les premiers aperçus de ce qu’il y a au tour du centre. Base : Google Maps; Production: Malu França
Comme on peut observer sur la carte, les alentours sont privi-
légiés avec des zones d’habitation, plusieurs parcs et espaces boisés et aussi une grande offerte de transports publics. Il y a des équipements 18
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urbains nécessaires, comme des hôpitaux, des marchés et autres services. Tous les conditions physiques pour une qualité de vie urbaine sont en place au tour du Coop Campus. L’intégration avec la rue est aussi importante, comme on peut l’observer sur la photo. Selon Jane Jacobs, les trottoirs ne sont pas seulement pour la circulation, mais ils jouent un rôle important dans la sécurité des gens. Le fait d’avoir des inconnus qui circulent génère ce flux constant qui donne la possibilité aux rencontres et aux regards. Les rues et les trottoirs sont les organes vitales de la ville (Jacobs, 2000). Le contact dans la ville est essentiel pour la vie publique. Cela met en évidence les différences et stimule la tolérance et la convivialité entre les étrangers (Jacobs, 2000). Jane Jacobs, dans ses études sur les villes américaines aux années 1961, a développé des concepts qui peuvent facilement être appliqués à Neukolln aujourd’hui. Elle défend qu’il est important d’avoir des inconnus dans la rue, pour la manutention de la sécurité, qui ne se fait pas seulement par la police, mais « par le réseau complexe, presque inconscient, de contrôles spontanés et de modèles de comportement présents parmi et à travers les personnes elles-mêmes ».source Cela rejoint l’idée de Foucault du pouvoir capillaire, où chaque personne a en soit un devoir de maintien de la sécurité, la surveillance et la discipline, et on n’a pas besoin des dispositifs externes de sécurité : on a, même que de manière inconsciente, l’élan de nous surveiller/protéger mutuellement. Par rapport à la position urbaine et la sécurité19, on peut analyser le cas du Coop Campus encore du point de vue de Jane Jacobs. Elle nous parle de trois conditions pour avoir la sécurité : 4.3.3 La séparation des espaces La première condition est la séparation claire entre l’espace publique est l’espace privé. Cette délimitation de l’espace est importante pour que les personnes comprennent jusqu’où va leur responsabilité de vigilance naturel. Les espaces sans limites n’appartiennent à personne. Même si l’espace est ouvert, cette délimitation peut être faite de plusieurs façons, avec des limites végétaux, des couleurs, des 19 Se sentir en sécurité fait aussi partie d’avoir le droit à la ville (Lefebvre) et donc est intimement lié à l’intégration urbaine. 58
petits barrières ou de repères visuels. Le Coop Campus, comme on a vu dans l’image au-dessus, a une grille basse avec la porte ouverte, une table et des plantes devant son entrée. On peut facilement y entrer, mais ces limites sont claires et posées sur le territoire.
L’entrée du centre et le mouvement de la rue. Photo : Malu França
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4.3.4 Les yeux de la rue La deuxième condition est d’avoir « les yeux de la rue ». Ces sont les personnes qui consciemment ou inconsciemment utilisent l’espace publique et/ou regardent la rue depuis leurs maisons. Ces personnes sont attentives à ce qui se passe. Souvent un stéréotype lié aux personnes plus âgées, ce contact visuel entre les édifications et la ville est très utile : s’il y a un problème, il peut être rapidement repéré et résolu ; S’il y a une fête ou un événement, il peut être facilement joignable. Pour cela la fête au Coop Campus a dérangé autant. On l’a voyait, et elle faisait du bruit. Et, en lien avec la première condition, l’entrée toujours ouverte devant le Coop Campus attirent les regards des passants, ainsi que les mouvements « inhabituels », les ventes, les activités, la quantités d’étrangers qu’y fréquentent. Au même temps, la proximité du centre avec la rue fait que les personnes qui sont à l’intérieur peuvent aussi garder ce contacte visuel avec la rue et être des acteurs de cette « vigilance mutuelle ».
La façade principale, un appel vers le jardin. La delimitation de l’espace est claire. Photo : Beatriz Jordão
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4.3.5 La danse de la rue La troisième condition, les trottoirs doivent être remplis par des passants incessamment. Cela se lie avec le point antérieur, et veut dire que les rues doivent être remplies par les personnes de toute sorte. Ce « ballet des rues », où chaque personne a son rôle, crée la chorégraphie de la vie urbaine, composée par les activités qui configurent un réseau social d’interaction et de soin mutuel. Quand on revient à l’insertion urbaine du centre, on remarque qu’on a les conditions pour cette dynamique, pourvu que les alentours soient souvent remplis de gens grâce aux équipements disponibles, aux activités du parc, aux habitations et commerces. Cette position privilégiée crée ces conditions, et justifie la réponse de F. sur la sécurité : malgré l’intolérance et les préjugés qui peuvent exister, le Coop Campus s’intègre bien avec le quartier : « Quel quartier ne veut pas avoir un jardin ? », Il rigole. Être un jardin veut dire faire partie de la vie des gens, et encore : être une extension de la maison de chacun. Il y a bien évidemment le défi de s’insérer dans une société plutôt individualiste, mais l’ouverture à un échange même limité dans cette direction – la direction de la collectivité - apporte des avantages pour l’intégration des nouveaux arrivants et pour l’implantation de nouvelles démarches de collaboration. F. nous raconte aussi qu’il ne sait pas combien de personnes ont les clés, mais beaucoup de monde en a. On ne sait jamais qui sera là, et beaucoup de monde peut utiliser l’espace. Cela possibilité l’inattendu, les surprises, et c’est un grand pas vers une gestion collective. Cette prise de responsabilité de la part de chacun dans le centre est une étape importante pour construire une nouvelle conscience sociale plus tournée vers une gestion commune de confiance que sur l’individualité et la méfiance. Ce lien avec le jardin et notamment avec le parc et la nature joue un rôle certain dans l’intégration urbaine.
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5 Le Campus Coop comme espace de résistance et de résilience
5.1 La rencontre avec l’Autre – un processus de réterritorialisation 5.1.1 Un espace pour l’appropriation 5.1.2 Des territoires multiples 5.1.3 Une aventure vers l’inattendu 5.2 “Faire la ville ensemble” - sur la collectivité et la résilience 5.2.1 Vers une démarche participative 5.2.2 Prendre sa place dans la ville 5.2.3 Construire les espaces de résistance
5.1 La rencontre avec l’Autre – un processus de réterritorialisation L’espace est quelque chose en changement continu, un « devenir » en permanence (Doel, 1999)20. Dans la dynamique urbaine, l’espace, le lieu et le territoire font partie de ce laboratoire où se crée la ville. Vivre dans la ville est aussi vivre en collectivité, avec les agencements qui viennent avec. Ce constant échange avec l’autre fait la richesse et les soucis de la vie urbaine. En prenant l’idée de Deleuze et Guattari (1972), dans cette dynamique où se trouvent les désirs et les pensées, il existe aussi un constant processus de déterritorialisation et reterritorialisation. Cela construit le territoire. Le concept de territoire est intéressant, quand on pense à la multitude de significations de ce qui constitue un territoire. La première acception de la notion de territoire est la vision “naturaliste”, relative à la manière dont se comportent les animaux. Les animaux savent naturellement quand ils doivent abandonner un territoire ou refaire un autre sur un nouveau endroit, ils savent s’adapter et s’en fuir de façon instinctive. En plus, la plupart des animaux reconnaissent dans son collectif un « territoire mobile », et donc ils se sentent plus forts quand ils sont en groupe. Gunzel (s/d)21 considère le territoire comme un espace d’un groupe ou collectif. Ce territoire est constitué par des normes d’interaction qui apportent à ce groupe une certaine sécurité et stabilité. Cela explique la nécessité de rassemblement qu’on peut observer chez les migrants. La première réaction, en arrivant dans un nouveaux pays, c’est de chercher des points de repère auprès de ceux qui sont venus du même endroit ou qui ont vécu la même chose. Ce territoire « connu » a une puissance par rapport aux agencements possibles, à toutes les échelles: du territoire psychologique ou subjective au territoire sociologique et au territoire géographique. Pour cela l’importance de parler de ce concept pour parler aussi de la rencontre avec l’Autre et son importance. Selon Guattari et Rolnik (1986), « Le territoire peut être rela20 In : Haesbaert, Rogerio; Bruce, Glauco « a desterritorialização na obra de Deleuze e Guattari » . GEOgraphia, v4 n7, 2002 21
Idem 63
tive à la fois à un espace vécu et à un système aperçu dans lequel un sujet se sent « chez lui ». Le territoire est synonyme d’appropriation, de subjectivation fermée sur elle même. C’est l’ensemble de projets et de représentations dans lesquels, de manière pragmatique, une série de comportements, d’investissements, dans les époques et dans les espaces sociaux, culturels, esthétiques et cognitifs vont se retrouver ». En partant de cette définition, on peut considérer le Coop Campus comme un territoire construit, un espace vécu où les agencements vont au delà de l’espace géographique. Ces agencements, soient-ils machiniques ou d’énonciation, constituent le territoire, qui par conséquence peut être déterritorialisé et reterritorialisé à tout moment et constamment. La déterritorialisation et la territorialisation sont deux processus concomitants dans la société et dans la pratique humaine (Haesbaert, Bruce, 2002). 5.1.1 un espace pour l’appropriation Dans ce processus, les espaces physiques où ces événements ont lieu ont leur importance. Comme on a vu dans la notion de dispositif, tout ce qui est au tour, qui influence, peut déclencher quelque chose. Dans ce moment d’intense déterritorialisation et reterritorialisation de la part des migrants, ce territoire physique propice à l’appropriation crée aussi un territoire. Les territoires sont, surtout, sociaux. Pendant la première expérience de terrain, on a observé que l’entrée était un espace de convivialité. Il y avait des personnes étrangères papotaient tranquillement, posés sur des mobiliers en bois et entourées de quelques plantes. Comme on peut voir sur l’image, l’espace au sein du centre est constitué de façon flexible. On aperçoit que les mobiliers et les décors ont été faites à main. Dans nos entretiens, on nous parle des gens qui découvrent leurs talents dans ces moments d’activités, d’officine et de bricolage. Cette découverte, lié à cet agencements machinique des corps, est une sorte de reterritorialisation. Ainsi que l’apprentissage collectif – ces agencements d’énonciation – déclenchés par un dispositif dit « d’intégration », font du Coop Campus un territoire constamment en construction et déconstruction. Constructions des territoires individuels et collectives ? 64
Les qualités et l’identité d’un espace auto-construit. Photo : Beatriz Jordão
5.1.2 Des territoires multiples La pensée, fait partie du processus de déterritorialisation. Penser est toujours créer et abandonner pour après récréer encore de nouveaux, c’est un constant aller – retour, dans cette création de nouvelles idées, nouvelles rencontres, nouvelles relations. La déterritorialisation est toujours accompagné par une retérritorialisation. Cette retérritorialisation est la nouvelle idée, la construction finie, le mémoire rendu. Selon F. tous les processus existantes dans le centre et tous les activités ont une chose en commun : tout est basé sur les négociations. Tout est possible, mais il faut savoir être flexible. Et renoncer à certaines choses pour réussir à en faire d’autres. Ce processus est une reterritorialisation en continu : c’est l’adaptation aux nouveaux territoires, c’est être capable de se des-territorialiser – avec tous les difficultés qui se posent – pour se réinventer. Dans la routine d’un réfugié, par exemple, il y a plusieurs territoires : le territoire du centre, où il se déterritorialise en arrivant et 65
La cuisine est un espace de créativité et de rassemblement. Photo : Malu França
commence sa réteritorrialisation, en participant des activités de la cuisine avec les autres nationalités, de la production de miel, de cours de langue, de jardinage, de bricolage, de l’art et de construction. Il y a aussi le territoire de la bureaucratie, des démarches d’entrée, de recherche pour un emploi, pour un logement ; il y a le territoire de la rue, de la communauté d’expatriés ; le territoire de la famille, ou pas. La journée se constitue dans ces passages d’un territoire à l’autre, en touchant le territoire de l’autre, jusqu’à il se retrouve adapté et intégré socialement. Souvent les intégrants du centre travaillent avec les associations qui ont des projets au Tempelhof et ailleurs. Il y a un certain nombre d’institutions partenaires sur lesquelles ils peuvent compter. Cela est un tremplin pour l’insertion dans la vie urbaine, et pour démarrer une intégration dans un groupe. Faire partie d’un groupe est important pour la création de points d’appui, et est ainsi une partie du processus de réterritorialisation : le territoire de chaque individu est constitué par ses liens, son identité et ses relations. F . ajoute que le secret pour l’intégration est de « donner une responsabilité à des gens qui n’ont rien à faire : c’est ce petit pouvoir qui leur donnent envie de 66
travailler, de faire partie de quelque chose, de transformer ». Ils ont aussi plusieurs projets qui permettent l’intégration, comme le projet « ARRIVO » - un projet qui enseigne aux réfugiés à travailler le bois. 5.1.3 Une ouverture vers l’inattendu Le Coop Campus en tant que dispositif et, comme tel, avec une position stratégique pour encourager une construction différent de celle proposée dans le cadre de la vie urbaine « formelle », ouvre un éventail de possibilités pas évidentes. Cet espace permet des rencontres inattendues et des constructions insolites. L’ouverture à l’art, à ce qui est différent, modifie l’espace ainsi que les usagers.
Les structures sont à la fois l’art, à la fois point de repére, à la fois support pour d’autres activités. Photo : Beatriz Jordão
F. nous a aussi raconté que le processus de renouvellement de l’endroit a contribué à augmenter le potentiel d’intégration du Coop Campus. C’était un endroit vieux, chargé de stigmates, et les personnes ont vu un mouvement, et par conséquent un territoire en changement. L’intégration commence aussi par rapport à la relation de confiance de faire un tel projet sur un terrain qui appartient à quelqu’un d’autre et s’approprier de cet endroit. 67
Il y a un changement de l’espace, une démarcation du territoire. Les interventions artistiques devient un point de repère, la création d’un espace à la fois physique et à la fois social. Les relations avec l’extérieur et l’ouverture vers l’insolite alimentent les activités du centre. Pendant l’entretien, F. nous raconte que le weekend précédent il a vu des gens qui faisait une partie de bike polo. Il rigole et il nous raconte qu’il existe une dynamique qui enrichit ce parc, avec ces jardins, les activités, les personnes qui le fréquentent et l’historique d’accueil de réfugiés. Il y a des loisirs et des choses stupides et amusantes. Cette spontanéité est importante : elle permet la création des choses les plus incroyables.
La liberté de création génère des espaces et des activités innatendues. Photo : Vanessa Vieira
Le point le plus important sur le Coop Campus, est que c’est un endroit pour tout le monde. F nous dit : « il y a une chose que je peux vous dire par rapport à toutes ces années de travail dans ce jardin : ce projet n’est pas sur un jardin. C’est sur les personnes. C’est sur être capable de venir de différents endroits avec différents cultures et être capable de partager le même espace, même que par une période de temps limité. ». 68
Cette rencontre de multiples territoires et des multiples agencements, cette possibilité d’appropriation et de participation, font du Coop Campus un dispositif de grande puissance collective. Cette puissance est liée aussi à l’idée de résistance.
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5.2 « Faire la ville ensemble » - sur la collectivité et la résilience La production de la ville est liée au système économique, et dans la société capitaliste, la ville se fonde sur l’accumulation de capital et les stratégies de pouvoir. il n’existe selon Lefebvre que trois types de planification urbaine : « l’urbanisme des hommes de bonne volonté (qui veut construire à l’échelle humaine pour les hommes mais qui oublie que l’homme a changé d’échelle et qu’au mieux, cette tradition est vouée à un formalisme) ; l’urbanisme des administrateurs liés au secteur public qui se croit scientifique et qui tend à nier le facteur humain ; et un urbanisme des promoteurs qui conçoit et réalise pour le marché, dont le but est lucratif, et ceci sans le cacher » (Lefebvre, 1967). Ainsi, on réalise pourquoi nos villes sont comme aujourd’hui, tellement liées au capital, au pouvoir et à la production des espaces d’inégalité. Les habitants jouent un rôle dans ce contre-courant : les processus dits participatifs inventent de plus en plus les démarches de projets urbains. La ville comme espace social et politique, où l’on peut effectivement être des citoyens actifs paraît une utopie difficile à atteindre, et pourtant de plus en plus on en parle comme de quelque chose de nécessaire pour changer les modes de production urbaine. 5.2.1 Vers une démarche participative L’enjeu de la participation des habitants, au paravent un sujet pas très abordé, prend de plus en plus d’importance : « le rôle de l’habitant dans la production de la ville découle ainsi d’un cumul de pratiques spatiales et de détournement desdites pratiques, une stratégie cumulative qui prend tout son sens lorsqu’elle est complétée par la participation des habitants dans les projets urbains » (Lecoq, 2018). Pour une intégration effective dans la ville, le projet urbain doit être recentré sur l’habitant, et sur tous les classes d’usagers de l’espace. Souvent, c’est plus facile de faire un projet participatif avec une parcelle spécifique de la population, souvent la classe moyenne, les étudiants ou les personnes qui ont déjà un historique d’engagement. Le défi c’est de vraiment prendre en compte la diversité qui existe dans le (des)ordre de la ville. Surtout, de savoir com70
ment le faire pour que cela soit effectif : comment partager le rôle de planificateur et finalement devenir coproducteur avec les habitants, et adapter le projet aux nouveaux acteurs de ce terrain. Pendant notre conversation au Coop Campus, on a parlé de l’importance des enfants : « ils apportent une joie de vivre. En plus, c’est important de réfléchir à la manière dont les enfants sont élevés aujourd’hui, de les mettre en contact avec la diversité, les différences, et les questions actuelles ». Les enfants aussi, ont besoin de liberté et d’autonomie. Cette réflexion de F. est juste aussi quand on pense que pour une participation effective il faut prendre en compte tous les acteurs du terrain, de toutes les classes sociales et de tous les âges. Les personnes âgées et les enfants ont leur place dans la vie urbaine et, avec cela, des besoins spécifiques.
Ammener la ville dans le jardin pour écouter les differents besoins pour penser la ville ensemble. Photo : Beatriz Jordão
Pour que la participation soit profitable aux gouvernements, c’est important de penser à la balance socio-économique. Les démarches d’économie locale, sociales et solidaires sont des moyens pour intégrer économiquement les locaux, pour échanger en circuit 71
court et pour construire une citoyenneté. La production de miel et des produits du jardin du Coop Campus apportent une puissance pas seulement dans l’échange avec l’extérieur mais aussi dans la création d’une économie locale, qui peut ensuite devenir plus grande et plus effective dans le quartier, par exemple en s’associant à d’autres coopératives locales, soit au Tempelhof soit ailleurs. Cela crée des espaces d’action, et par conséquent de citoyenneté urbaine : « cette appréhension urbaine de la citoyenneté se fait en lien avec l’accessibilité à l’espace – et donc, du droit à la ville -, la capacité d’expression des habitants – et donc, des compétences politiques de performativité de la citoyenneté -, ainsi que celle des obligations de l’habitant dans sa faculté à agir vers le commun » (Lecoq, 2018). 5.2.2 Prendre sa place dans la ville Le Coop Campus est, avant tout, un mouvement pour reconquérir la ville : les liens avec les mouvements sociaux, les initiatives pour ouvrir le centre et pour mettre en place un espace de construction collective autour d’un jardin et d’une cuisine. Même si cette résistance a des limites – l’endroit reste encore beaucoup tourné vers l’intérieur – on peut considérer que les gestionnaires du centre ont mis en place un espace où les décisions collectives sont possibles et leur emplacement politique entre l’officiel et le non officiel permet une communication entre les deux sphères. Dans le Coop Campus, le projet et les migrants essaient de s’intégrer et d’avoir une bonne relation avec les voisins, soit en organisant des événements, soit en vendant ce qui est produit dans le centre. Cela est déjà un grand pas vers une intégration urbaine, du centre en tant qu’espace public comme des personnes qui y sont et qui essayent de s’intégrer dans la société allemande. L’intégration physique peut pousser l’intégration sociale. F. nous parle d’un événement qui s’appelle « quarante-huit heures à Neukolln », c’est-à-dire du vendredi au dimanche, tous les endroits sont de libre accès aux visiteurs, et le quartier vit un moment de grande ouverture. C’est un moment où les gens se sentent à l’aise pour entrer dans le centre et dans le jardin. C’est un moment de rassemblement aussi des personnes et des associations qui travaillent avec des objectifs communs. 72
Ces activités proposées, avec cette ouverture vers le quartier, est en fait un exercice du droit à la ville et, d’une certaine façon, c’est aussi un moteur de production urbaine : « l’habitant construit sa citoyenneté par le biais d’une pratique politique actionnelle dans un cadre spatial divers et pluriel » (Lecoq, 2018). L’intégration des habitants passe par la prise en compte de leurs actions, et la reconnaissance que finalement les habitants sont les acteurs effectifs de la vie, dans cette chorégraphie urbaine que l’on danse sans répétition dans notre quotidien. 5.2.3 Construire les espaces de résistance Pour construire la ville autrement, il est important d’encourager la résistance dans ces espaces. Les résistances sont présentes dans tous les champs où il y a des forces en conflit (Foucault, 1979), et donc la ville. Dans les tentatives de domination, il y a toujours des formes de résistance, comme c’est le cas du Coop Campus, face à cette dynamique d’accueil de migrants décalée mise en place par l’État. La résistance a un lien avec les relations de pouvoir, mais elle cherche surtout une indépendance. Le Coop Campus, comme dispositif, fait partie du système, même s’ils utilisent leurs rapports de pouvoir dans le sens contraire du sens normatif. Si les espaces de résistance sont soumis à cette dynamique de rapports de pouvoir, on peut remettre en question la véritable efficacité des espaces de résistance : d’où vient la capacité de subversion ? Résister ce n’est pas se libérer ou désactiver des dispositifs, mais c’est prendre les mesures pour que cet exercice du pouvoir répond à l’engagement des habitants et, surtout, pour que cela réponde à ce dont ils ont besoin de construire (da Silva, 2014). La puissance du Coop Campus comme dispositif repose sur sa capacité de reconfiguration face à ces enjeux de l’accueil. Avec le ciblage de ses lignes de force vers une démarche participative et d’intégration, le Coop Campus construit un territoire de partage, de construction collective et surtout d’insertion urbaine, avec une puissance à motiver l’intégration, vers une ville plus résiliente.
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6 Conclusion
La thématique de l’intégration urbaine n’est pas évidente. Dans la ville, il y a beaucoup d’enjeux qui se posent et ce n’est pas possible de faire cette analyse d’un point de vue purement architectural. Les villes sont faites par les croisements d’intérêts, de cultures, de différents acteurs, de conflits. Prendre en compte tout cela, ainsi que la situation délicate où se trouvent les migrants aujourd’hui, est nécessaire pour comprendre ce qui veut dire être intégré dans la ville. À partir des expériences de terrain et de l’histoire du Coop Campus, nous avons pu investiguer la notion de dispositif. Ce concept très utilisé et cependant si difficile à définir nous a permis d’analyser comment s’exercent les rapports de pouvoir, et comment l’espace (le dispositif en tant qu’espace physique) peut contrôler et influencer les dynamiques sociales. Les dispositifs sont surtout un outil de contrôle, mais cette puissance peut aussi être ciblée vers une autre relation de pouvoir. Le pouvoir est par tout, en sortant de cette dichotomie où le pouvoir est lié seulement aux autorités et aux gouvernements. Et ce pouvoir, comme on a pu le voir dans le cas du Coop Campus, se formalise aussi pour mettre en place un contre-dispositif. Ce dernier dirige ces lignes de force pour la construction d’un espace de partage, d’accueil, d’expression individuelle et de création collective. L’insertion urbaine est, alors, une étape pour l’intégration sociale. On a vu l’importance de la relation avec les alentours, de la rue aux quartier, mais aussi que cela n’est qu’une étape vers l’intégration urbaine. Le centre joue un rôle dans cette insertion avec les activités et l’ouverture vers le Tempelhof et vers Neukölln, mais les enjeux de l’intégration vont au-delà de ces actions. L’accès au logement et au travail, notamment, sont deux facteurs déterminants pour une intégration effective dans la société. Selon la politique d’accueil mise en place par le gouvernement en question, l’intégration devient l’une des nombreuses barrières que le migrant doit franchir pour enfin appartenir à ce nouveau territoire. L’appartenance au territoire a aussi un lien avec l’intégration. Dans un champs physique et sensible, cet abandon du territoire d’origine pour en chercher un autre ailleurs n’est pas évident. Cependant, ce mouvement de réterriotorialisation – qui est continu - permet la création des nouvelles relations avec ceux qui sont autour et la construc75
tion de nouveaux territoires. Avoir un espace où ce mouvement peut avoir lieu, où ces territoires peuvent se créer, se détruire et se récréer, comme est le cas du Coop Campus, permet la création de choses inattendues mais puissantes, comme la découverte des nouveaux talents et l’autoconstruction des espaces, la cuisine collective comme espace d’échange et les installations artistiques, le jardin, les mobiliers et les ruches pour le miel. Ce potentiel collectif ouvre une porte pour la participation aussi dans la planification urbaine. Faire la ville ensemble signifie surtout prendre en compte les besoins des minorités et donner de la place pour la participation citoyenne, pour construire les villes autrement et, par ce chemin, chercher une nouvelle forme de planification urbaine. Le puissance du dispositif réside dans sa capacité à se réinventer : le Coop Campus se réorganise et se refait à chaque instant, selon les nécessités du moment. La liberté qu’on sent quand on connaît le centre, ce n’est pas une absence de pouvoir (on a besoin de la liberté pour que le pouvoir puisse se mettre en place) mais c’est ce champ de possibilités, de réactions, de comportements. Cette résilience est importante dans la mesure où l’on considère le centre comme un espace de résistance. Cet espace a une responsabilité sociale dans la lutte pour le droit à la ville. Le processus d’intégration dans la ville n’est pas simple, ni facile. L’architecte-urbanisme tout seul ne peut rien faire. Cependant, l’architecte-urbaniste intégré dans les démarches sociales, en contact avec les collectifs, en prenant en compte les besoins de la population et en tenant compte des enjeux politiques, peut contribuer à une nouvelle manière de penser l’aménagement urbain, de façon à faciliter l’intégration des minorités, pas seulement dans le cas des migrants mais aussi de tous ceux qui sont marginalisés dans l’espace urbain.
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A partir de l’expérience de terrain au Coop Campus, à Berlin, ce mémoire cherche à penser les liens qui peuvent exister entre les espaces, les lieux et l’intégration. Peuton considérer le Campus Coop comme un dispositif d’insertion urbaine ? Le Campus Coop est un espace où les personnes peuvent s’approprier, étudier, construire, jardiner, cuisiner. Il est, surtout, un lieu de résistante et de lutte urbaine, où un groupe stigmatisé socialement construit et prend conscience de ses droits tout en cherchant sa place dans la ville. Il s’agit d’interroger quels sont les rapports entre le quartier et le centre, en quoi son implantation et les activités menés par le projet peuventelles favoriser l’intégration dans la ville, mais aussi, à l’inverse, comment les luttes urbaines peuvent permettre de recréer l’urbain ?