Architecture de lumière et spiritualité des lieux de culte. Mémoire Final

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04 JANVIER 2017 MÉMOIRE MASTER

ARCHITECTURE DE LUMIÈRE ET SPIRITUALITÉ DES LIEUX DE CULTE MANON LHOMME

1 DIRECTEUR DE MÉMOIRE : LAURENT REYNES ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE STRASBOURG



04 JANVIER 2017 MÉMOIRE M2 UEM 212 AO5 ART & PAYSAGE

ARCHITECTURE DE LUMIÈRE ET SPIRITUALITÉ DES LIEUX DE CULTE

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LAURENT REYNES



REMERCIEMENTS Je remercie Laurent Reynes, mon directeur d’étude, pour la justesse de ses appréciations, son suivi et ses précieux conseils tout au long de cette année de mémoire. Je souhaite également remercier Alexandra Pignol, pour son aide et ses commentaires encourageants. Je tiens à remercier mes parents pour leur relecture critique et attentive. Enfin je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenu durant mon cursus de mémoire.

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SOMMAIRE ELABORATION DU SUJET ET METHODE D’INVESTIGATION

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INTRODUCTION

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PERCEPTION GÉNÉRALE ET SUBJECTIVITÉ

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I. LA PLACE DE LA LUMIÈRE DANS LA SYMBOLIQUE RELIGIEUSE ET CULTUELLE

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I.1 La lumière en tant que concept I.2 Symbolique et mystique de la lumière Occident Orient I.3 La notion de mystère I.4 Réflexion autour de la lumière dans les édifices anciens Cas de Vitruve Cas de l’abbé Suger I.5 Représentation picturale religieuse de la lumière I.6 Lumière et dépouillement ; ornement du lieu de culte

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II. LES MODIFICATIONS SPATIALES DU LIEU DE CULTE PAR LA LUMIÈRE: RECHERCHE DE L’IMMATERIEL

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II. 1Lumière et vide II. 2 Révélation de l’espace par la lumière II. 3 Effacement des limites et modification de la perception du vide par la lumière II. 4 Révélation du lieu de culte par l’ombre II. 5 Le contre jour II. 6 Hierarchie des espaces II. 7 Influence du dispositif lumineux Rapport à l’environnement de l’ouverture Orientation, direction et dynamisme symbolique Eclairage direct, indirect et latéral

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Forme et dimension Positionnement II. 8 Intensité et tessiture de la lumière II. 9 La lumière comme catalyseur de couleur Lieu et couleur Les vitraux Art couleur et lumière II. 10 perception des matières par la lumière III. LA LUMIÈRE, ÉLÉMENT INHÉRENT AUX RITES ET AUX PERCEPTIONS SENSORIELLES III. 1 Silence et lumière III. 2 Lumière et temporalité Cycle de la lumière Rythmique de la tessiture Dispositifs gnomoniques temporels La lumière comme base de rituel Perception temporelle propre Scénographie corporelle

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95 97 99

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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Photographie ProjectMedit, Allemagne, 2013


ELABORATION DU SUJET ET INVESTIGATION L’an passé, je me suis intéressée, dans le cadre de mon rapport d’étude, à la représentation de la commémoration de la mémoire dans les mémoriaux avec comme exemple le Centre des Déportés du Struthof. J’avais choisi ce sujet pour comprendre comment l’architecture pouvait être pensée pour donner une image à la mémoire, tout en transmettant une émotion. J’avais étudié comment le souvenir, la trace d’un événement historique tragique, était évoqué tout au long d’un parcours scénographique. Pour le choix du sujet de mon mémoire, je souhaiter continuer à étudier cette relation entre architecture et perception. J’ai fait le choix de m’intéresser au lieu de culte. Ainsi lorsque je vais dans un lieu de culte, quelque soit la religion représentée, je ressens quelque chose de par le médium de l’architecture et de l’atmosphère créée. Il est complexe d’expliquer ce ressenti, mais quelque soit le lieu de culte, l’ambiance y est spécifique, complètement à l’opposé des espaces dans lequel nous pouvons évoluer dans la vie quotidienne. Ces lieux inspirent la spiritualité. Si pour moi, ces espaces ne me font pas croire à une présence divine, il me plonge cependant dans un état de méditation, de contemplation. Par ailleurs les différents types de cérémonies données dans ces lieux de cultes ; mariages, fêtes, messes, sermons, baptêmes ou même enterrements ont un impact sur notre affect et sont vecteurs d’émotions très différentes tout en étant réunies dans un même lieu. Je me suis d’abord attachée à déterminer ce qui, pour moi, était caractéristique dans ces lieux de cultes et pouvait avoir un impact sur ma perception de l’espace. C’est ainsi que je me suis rendue compte que ce sont les questionnements relatifs au traitement de la lumière naturelle, de l’ombre, de la pénombre et de leurs effets sur le visiteur qui m’interpellaient. L’architecture est pensée pour faire tenir le bâtiment mais surtout rendre compte d’une atmosphère à même d’atteindre notre perception du lieu. Il me semble donc important de comprendre comment, la lumière naturelle magnifie ces lieux pour nous permettre d’accéder à une 9



quête spirituelle, s’inscrivant dans les rites et dans l’histoire de ces croyances. Pour répondre à ces questions, j’ai développé le sujet en m’appuyant sur des textes d’architectes et théoriciens. Chaque partie sera illustrée d’exemple de lieu de culte mis en relation avec les écrits d’architectes correspondant. Ces exemples seront pour la plupart contemporains. Enfin je me suis intéressée à la recherche de spiritualité dans l’architecture mais aussi dans le domaine artistique utilisant la lumière. (James Turell, Anish Kappoor, Veronica Janssens)

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Chapelle Rothko, Philip Johnson, Houston, 1971


INTRODUCTION Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le religieux n’a pas disparu à l’âge contemporain. La question de la religion continue à avoir un impact sur notre société, l’architecture, l’art. La religiosité est partout, même si elle prend de nouvelles formes dans notre société actuelle. Ces religions restent régies comme un ensemble déterminé de croyances et de dogmes, définissant le rapport de l’homme avec le sacré, ou encore, comme un ensemble de pratiques et de rites spécifiques propres. La religion se pratique dans des lieux de culte que ce soit des églises, des mosquées, des synagogues ou encore des temples. Ces espaces sont sacralisés par les rites qui s’y déroulent et font état de croyances propres ou collectives. Ces lieux de cultes se prêtent à des rassemblements plus ou moins fréquents, synonyme de sermons, prières, cérémonies, gestes liturgiques, mais aussi lieux d’enseignements. Ces spécificités doivent être prises en compte dans l’architecture du lieu et ainsi présenter un volume ample, des surfaces de déambulations et surtout des qualités acoustiques adéquates. L’idée pour ces espaces architecturaux est de recueillir tel un écrin, les spécificités propres de leur liturgie et de symboliser concrètement en un lieu leurs valeurs. Mais si l’espace cultuel doit répondre à des critères architecturaux précis, ceux-ci sont avant tout pensés comme des lieux de recueillement, où le fidèle rencontre le transcendant. Chaque tradition religieuse désire ainsi faire partager une expérience spirituelle et relier les croyants à ce qui les dépasse certes, mais aussi à ce qui les rassemble. L’espace architectural doit donc faire ce lien entre matérielle et immatérielle, entre sensible et palpable. Ainsi, si la prière ou le recueillement sont avant tout des expériences personnelles qui prennent place dans notre esprit, ces lieux de cultes sont là pour faire naitre l’émotion spirituelle recherchée ou du moins faciliter son apparition. L’architecture religieuse résulte donc d’un travail de mise en scène, qui place de façon spécifique les objets et les acteurs du culte en fonction de la spatialité, de la lumière et des 13


sons, propres à susciter une atmosphère religieuse, assimilée à un moment de recueillement. Les lieux de cultes permettent aux croyants de s’assoir, de se recueillir, de partager une expérience en communion avec les autres, de se projeter vers quelque chose de « divin ». Libéré des sollicitations et stimulations de son milieu quotidien, le croyant peut vivre en son sein, une expérience beaucoup plus personnelle, une quête de soi, une sensation de lâcher prise. Ainsi par ses qualités, l’espace s’inscrit dans le rituel et permet d’allier ce besoin de communier ensemble, tout en menant une quête intérieure. Si cette quête spirituelle peut prendre différentes formes ou symboles selon la religion ou le culte proféré, le respect, l’admiration ou le silence sont des notions communes, nécessaires à cette quête spirituelle. Ces espaces sacrés sont donc pensés pour accueillir un public de croyants mais aussi, d’un point de vue architectural pour satisfaire au mieux cette recherche de spiritualité. Ainsi, la spiritualité, « vie de l’esprit » en latin, peut être guidée par les qualités du lieu et ainsi offrir un support matériel à l’indicible. Elle peut être influencée par les caractéristiques du lieux, comme le vide, la matérialité, la symbolique du lieu, l’ornementation religieuse ou encore l’acoustique. Toutes ces caractéristiques architecturales doivent donc participer à la création d’une ambiance, d’une atmosphère propice au recueillement jouant sur une part de mystère, censée incarner une présence mystique et immatérielle. Cette atmosphère agit ainsi, plus ou moins directement sur le visiteur. Peter Zumthor écrit « J’entre dans un bâtiment, je vois un espace, je perçois l’atmosphère et, en une fraction de seconde, vrai la sensation de ce qui est là. L’atmosphère agit sur notre perception émotionnelle1 ». Tout l’art de l’architecte réside ainsi dans sa capacité à à exprimer et communiquer un sentiment de recueillement indispensable à la prière pour le croyant, par son architecture. L’ambiance recherchée par l’architecte relève notamment de la lumière du lieu cultuel, son absence, son relief, sa couleur. En effet 1 ZUMTHOR (Peter), Atmosphere, Birkhauser, Bale, 2007, p 21


la plupart des lieux de cultes font l’objet d’une attention particulière concernant la lumière naturelle. « La contemplation de la lumière est en soi une chose plus excellente et plus belle que toutes les utilisations qu’on peut en faire2» disait Bacon. Contrairement aux bâtiments traditionnels, qui ont besoin d’un minimum de lumière ou d’ombre pour répondre à des besoins fonctionnels spécifiques, le lieu de culte est libre de toute exigence si ce n’est celle de l’atmosphère donnée au lieu. En effet le lieu de culte est donc un réservoir d’ombre et de lumière, dédié aux rites. L’architecture contient le rite, l’oriente et lui donne une ambiance. La lumière vient ainsi remplir le vide des espaces de cultes et donner ses qualités à l’espace pour le modeler et le sculpter. Elle vient ainsi redessiner un espace et exacerber les sens des croyants. Elle est ainsi utilisée, dosée, pensée pour devenir un élément du rite religieux et plonger le croyant dans un environnement propice à l’élévation spirituelle. Ses rayons viennent matérialiser dans l’espace de culte, de façon indicible, l’inexplicable. La lumière devient donc le matériau de la foi. Dans ce mémoire, je vais par conséquent m’intéresser à l’étroite relation entre lumière et spiritualité dans les lieux cultuels et comment la matière lumière peut être révélatrice du sacré. Comment la stimulation lumineuse dans les lieux de cultes est vecteur d’émotion et de quête spirituelle? Dans un premier temps, je m’intéresserai à l’importance de la lumière naturelle dans la religion à travers les âges, et son influence sur l’espace architectural. Puis, je mettrai en évidence comment les caractéristiques lumineuses du lieu de culte influencent notre perception du lieu et de ses caractéristiques spatiales. Enfin, je m’interrogerai sur le rôle immatériel de la lumière concernant les rituels et les quêtes spirituelles.

2 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, Chine, 2009, p6

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Simon Ungers Kathedraal, dessin, sĂŠrie de 7 espaces cultuels, 2003


PERCEPTION GÉNÉRALE ET SUBJECTIVITÉ L’émotion est un «trouble subit, agitation passagère causée par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie1». Ce sentiment est de manière générale propre à chacun et va bien au-delà de la perception visuelle. La perception induite par un espace, dépend notamment de notre sensibilité. Elle est bien évidement subjective et personnelle. Notre impression sur l’atmosphère d’un lieu ne fait pas appel qu’au sens de la vue, mais aussi à l’ouïe, la peau, l’odorat. L’union des sens donnent une appréhension différente du lieu et joue sur la trace émotionnelle de notre mémoire sensorielle. C’est donc dans son ensemble, qu’une personne va réagir à une atmosphère, et ce, de manière spécifique. L’émotion peut être notamment due à une expérience esthétique ou visuelle forte, capable d’ébranler notre perception propre de l’espace. Elle peut nous déstabiliser et impacter notre manière de réfléchir, de penser, de sentir et de nous situer. L’architecture est capable de provoquer de nombreux types de sentiment ou émotion de forte intensité. « L’émotion, en effet, surgit de la relation entre un sujet percevant et une architecture perçue, plus que des qualités que l’on pourrait considérer comme intrinsèques à cette architecture2». Un lien se crée donc entre le sujet observateur et l’espace architectural lui même. L’architecture peut donc être considérée comme une enveloppe ou du moins un fond, théâtre des émotions personnelles ou encore comme le dit Zumthor « un subtil réceptacle pour le rythme des pas sur le sol, pour la concentration au travail, pour la tranquillité du sommeil.3 » L’architecture, élément physique offre donc un espace sensible, dans lequel l’individu évolue avec un regard sensible. La lumière, et ce encore plus dans le lieu de culte, fait partie intégrante de cette perception de l’espace. L’immatérialité de la lumière et la 1 STEGERS (Rudolph), A design manual Sacred building, Ed Birkhauser, Londres, 2007, p12 2 ARDENNE (Paul), POLLA (Barbara), Architecture émotionnelle matière à penser, Edition de La Muette, Lormont, 2010, p18

3 Bis, p22

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présence de l’architecture offrent un rapport dialectique, opposant éphémère et permanence à la perception sensorielle. Dans ce mémoire, je vais m’attacher à décrire et décrypter de ces émotions ressenties face à la lumière. Cependant, s’il est aisé et juste de parler des effets physiques et visibles de la lumière, les notions liées à la perception sensorielle et donc au ressenti seront elles bien évidement plus subjectives et ne pourront être considérées comme des généralités. En effet, pour parler des différentes ambiances lumineuses, il est nécessaire de se référer à une personne humaine, avec un mode de pensée propre quant à sa perception, son ressenti. Ce ressenti est dans le cas des lieux de culte encore plus personnel car lié à nos croyances. Une personne croyante dans un lieu de culte, sera peut être plus sensible pour capter l’ambiance lumineuse et y joindre une signification divine ou du moins mystique (ayant par la même un impact important sur sa perception sensorielle), alors qu’une personne non croyante considérera peut être la lumière pour ce qu’elle est, de manière physique et fonctionnelle. Ces architectures des lieux de culte sont cependant destinés aux croyants et non croyants. Elles sont par ailleurs réalisées par des architectes, qui peuvent ne pas croire en la religion en question. L’idée est donc pour l’architecte, de créer un lieu ou la lumière sera à même d’être perçue par tous, et ainsi, de provoquer une émotion favorable au recueillement. L’architecte doit donc réaliser à l’aide d’outil physique (géométrie, matérialité, choix des ouvertures) un espace capable de créer une atmosphère lumineuse et de rappeler l’immatériel. Si, pour certains architectes, l’architecture émotionnelle est spectaculaire et remplie de lumière, pour d’autres cette architecture doit explorer les notions de vide et de pureté et favoriser l’obscurité. Cette dernière vision se rapproche plus des canons esthétiques des lieux de cultes du 21e siècle. Encore une fois ces perceptions lumineuses et sensorielles sont personnelles. Le paradoxe de cette architecture émotionnelle est donc d’essayer de réaliser un espace sensé de façon universelle, ou du moins pour une communauté de croyant, destiné au recueillement. De même,


la notion d’émotion porte en elle l’idée d’une certaine spontanéité, de surprise. On peut donc se demander, comment l’élaboration soignée d’un édifice religieux, pensé pour « émouvoir », peut garder cette notion de spontanéité. Ou alors, si cette architecture est, à travers les effets lumineux réalisés, pensée pour « manipuler nos émotions » et ainsi universaliser un sentiment alors que celui-ci est censé être perçu de façon unique par chacun? De même si l’émotion perçu dans un édifice à un moment donné est spécifique et plonge le croyant dans une certaine emphase, en sera t-il de même au fil du temps, en sachant qu’une émotion s’atténue avec le temps par rapport à un même lieu. Si la perception de la lumière est toute subjective, certains ressentis sont plus ou moins partagés par un ensemble de personne. De même si la lumière a des effets sur nos émotions, elle est également visible par l’oeil bien évidement tout comme ses effets. Ainsi, pour les exemples sélectionnés dans ce mémoire, je me suis basée sur des lieux de culte disposant de textes expliquant le ressenti des visiteurs ou la vision de l’architecte pour l’atmosphère lumineuse mais aussi de photo faisant état de la lumière. Cette sélection exhaustive m’a également permis de voir que si pour beaucoup d’architectes, la lumière est au centre des préoccupations dans l’élaboration du lieu de culte, il n’en est pas de même pour tous. En effet pour certains bâtiments, l’accent est plus mis sur la géométrie, les matériaux ou d’autres caractéristiques, mais délaisse le cas de la lumière. De même certains bâtiments, où les moyens économiques ont pu par ailleurs être un frein, comme l’église de St Jacques de Compostel qui doit accueillir plus de cinq milles personnes, la lumière n’est pas une thématique engagée dans le processus de création architectural. Mais pour d’autres réalisations, si le thème de la lumière est mis en avant dans le discours de l’architecte, le résultat concret en terme de lumière n’est pas là. C’est pour moi le cas de l’église de Claude Parent, qui selon lui était pensé en fonction de la lumière justement. Elle présente, pour moi, des caractéristiques architecturales très intéressantes mais pas dans le domaine de la lumière. Très (trop) sombre, la lumière naturelle n’est pas perceptible et laisse place à un éclairage artificiel. Cependant je ne dirai en aucun cas que l’église n’inspire pas la spiritualité, cependant la spiritualité du lieu n’est pas retranscrite par la lumière. 19



I. LA PLACE DE LA LUMIÈRE DANS LA SYMBOLIQUE RELIGIEUSE ET CULTUELLE

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Chapelle Notre Dame du Haut, Le Corbusier,Ronchamps, 1955


I. LA PLACE DE LA LUMIÈRE DANS LA SYMBOLIQUE RELIGIEUSE ET CULTUELLE I. 1 LA LUMIÈRE EN TANT QUE CONCEPT La lumière naturelle du soleil est une matière vivante, intense, mobile, vitale, omniprésente et est littéralement source de vie sur terre. Elle fait partie de notre quotidien et rythme nos journées, nos saisons. Au sens général, elle s’identifie comme le «synonyme de brillance, de splendeur ou clarté, au sens propre comme au figuré1». La lumière est si nécessaire, que par analogie, lui ont été associé des correspondances dans les domaines immatériels et intellectuels. «L’intuition, la découverte et l’inspiration peuvent ressembler à des lumières qui éclairent notre entendement, physiquement, à la manière dont la lumière matérielle illumine nos sens et nous permet de voir. 2» Elle est également un symbole de connaissance et donne son nom au siècle des lumières. Si la lumière est un élément fonctionnel nécessaire à la vie, elle peut donc aussi illustrer des concepts immatériels. Elle associe la notion du visible bien évidement mais aussi d’intelligible. Ainsi plusieurs édifices ou réalisations ancienne attestent de cet intérêt pour la lumière à travers des sites, tels que Stonehenge, utilisé entre autre comme observatoire astronomique ou encore des tombes néolithiques comme Newsgrange en Irlande. Depuis les origines, la lumière présente un intérêt spécifique pour chaque culture. La lumière provenant du ciel, bénéficie d’une charge symbolique importante de la supposée manifestation divine. De même elle s’apparente universellement comme « le symbole des puissances supérieures à l’homme3», ajoutant encore une dimension métaphorique à la lumière. 1 SALVIONE DESCHAMPS (Marie-Dina), Décrire l’indicible : connaissance et sauvegarde de l’éclairage naturel dans l’architecture sacrée moderne occidentale, Thèse sous la direction de J. Lévy, ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE, 15 mai 2013, p63

2 Bis, p63

3 Chevalier(jean), dictionnaire des symboles, Robert Laffont/Jupiter, Paris, 1982, p250

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Aujourd’hui, le lien entre le soleil et la lumière est établi. La lumière provient des rayonnements solaires. Mais cette connexion n’a pas toujours été générique. En effet, au temps des Maya, la lumière était un composant fondamental de la réalité et aucun lien entre lumière et soleil n’est réalisé. La lumière n’existe pas en tant que tel et se confond avec l’espace. C’est par la suite seulement que la relation soleil lumière est démontrée. Pour la civilisation grecque la lumière est un symbole de connaissance et elle est directement reliée à Apollon et Hélios, antique lieu du soleil. Ainsi, les rayons lumineux et le soleil plus généralement, sont au centre de nombreuses croyances et endossent même l’apparence de Dieu (Grêce; Hélios, Egypte;Ra). Dans ces cultures polythéistes, le Soleil représente la vie, le divin, en opposition aux ténèbres : pyramides dédiées au soleil, sculpture représentant les dieux solaires. A l’inverse, la Renaissance conçoit le monde comme un microtheos où la présence de Dieu est présente dans chaque chose, avec un représentant unique sur terre; le roi Soleil. I.2 SYMBOLIQUE ET MYSTIQUE DE LA LUMIÈRE LA LUMIERE EN OCCIDENT Dans le cas des religions monothéistes et plus particulièrement le Judaïsme,le christianisme et l’islam, le thème de la lumière est présent dans les écrits religieux, liturgiques et poétiques ou autres. Identifiée à des forces surnaturelles ou mystiques du fait de son pouvoir prodigieux sur la vie, la lumière apparaissait pour ses croyants comme une manifestation divine. Ces trois religions associent dans leur dogme les éléments physiques de la lumière ou de la clarté à des connotations morales. Elles sont incarnées par une dichotomie entre le bien et le mal, la vie et la mort, le salut et le péché, la lumière et les ténèbres. Elles opposent donc ces concepts de manière fondamentale. D’un coté le créateur/dieu (terme variable selon la religion) censé avoir créer un monde de lumière et de révélation, de l’autre « les ténèbres de l’irréligion ». La lumière qui percent la pénombre ambiante, s’apparente ainsi à un processus d’illumination spirituelle, traduisant la révélation ou le passage d’un monde à un autre. Dans les écrits théologiques, la lumière est associée directement au divin ou du moins en est son


signe ou son instrument. Les écritures chrétiennes se réfèrent notamment à la lumière et utilisent des termes de même famille afin d’évoquer le Créateur, l’illumination du Saint-Esprit et le Mystère. En effet, d’après les écrits bibliques, Dieu aurait créé la Terre et prononce ces mots ; « Que la lumière soit Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour. 4» Avec le Christianisme, Dieu était considéré comme « pater laminais5 » et la lumière « divine » comme une émanation de l’esprit. De même, dans une autre mesure, les lumières artificielles des temples, synagogues, églises ou mosquées peut être également signifiante pour les croyants. Dans la religion musulmane, c’est en partie la lumière artificielle produite par les luminaires qui est allégorique. Cette symbolique est basé sur le «verset de la Lumière (Coran, XXIV, 35). La double identification - de la Lumière à Dieu, de la lampe au Prophète Dans l’architecture religieuse, les nombreux luminaires disposés dans la mosquée contribuent à commémorer le divin et à mettre en scène l’espace sacré.Dans l’architecture religieuse, les nombreux luminaires disposés dans la mosquée contribuent à commémorer le divin et à mettre en scène l’espace sacré6. » Dans la religion juive, on dénombre plusieurs symboles relatifs à la lumière. Ainsi par exemple, le vendredi soir lors du Sabbat avant le coucher du soleil, une lampe en « l’honneur de l’Eternel » doit être allumée. De même, dans la liturgie synagogale, la première des bénédictions du matin est considérée comme une action de grâce pour la lumière : « Sois loué, Eternel, notre Dieu, roi de l’univers, auteur de la lumière, pour la magnificence de tes œuvres et les lumières 4 « La symbolique chrétienne de la lumière », CDAS de Saint-Etienne, [En ligne], Publié en mars 2009, http://www.liturgiecatholique.fr/IMG/pdf/ LA_SYMBOLIQUE_CHRETIENNE_DE_LA_LUMIERE.pdf 5 NORBERT-SCHULTZ (Christian), Genius Loci, paysage, ambiance, architecture, Mardaga, Jarda, 1997, p32 6 « La lumière dans les religions du Livre : une approche pluridisciplinaire », Calenda, Publié le vendredi 17 mai 2013, http://calenda.org/247925

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Haut : MosquÊe de Xi’an en Chine, photo personnelle 2016 Bas: White temple, Takashi Yamaguchi & Associates, Kyoto, 2000


brillantes que tu as créées 7 ». La lumière est ici utilisé dans les rites et fait encore une fois office de symbole religieux. De manière générale la lumière est donc personnifiée et représente le bien face au mal (ténèbres) pour ces religions occidentales. Cette dichotomie ombre lumière, est propre à une vision occidentale et n’est absolument pas partagée par les pays orientaux comme le Japon ou encore la Chine. Ces pays qui partagent pour certains ces religions en ont d’autres et se distinguent par une vision très différentes de l’ombre et de sa symbolique. ` LA LUMIERE EN ORIENT En effet, parallèlement à cette relation entre Dieu et la lumière, l’orient quant à elle, s’en remet plus facilement au culte de l’obscurité. En effet, le culte spirituel, plus qu’une religion en particulier, met en avant le respect des ancêtres et notamment des morts. Comme le soutient Tanizaki, les ombre sont mystiques et font penser à une matérialisation des ténèbres tout en étant l’espace réservé aux anciens vivants. Ce culte de l’ombre est non seulement symbolique mais aussi esthétique. Au Japon, l’obscurité ou plutôt les « degrés d’opacité » de la pénombre sont un révélateur de beauté : «Le beau n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair obscur produit par la juxtaposition de substances diverses (…) Le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre 8». Ainsi à l’opposé des espaces cultuels occidentaux, les temples orientaux sont ainsi surmontés de très grandes toiture faitière, faisant ainsi disparaitre l’espace de culte dans l’ombre profonde que projette les auvents. Les espaces de recueillement ou de retraite spirituelle sont donc composés et creusés dans l’ombre. La pénombre embrasse ainsi une dimension sacrée, qui se retrouve sublimée dans des temples, où la lumière entre seulement par quelques ouvertures soigneusement choisies. Ainsi ombre et lumière sont symboles et acteurs de la religion, des 7 La symbolique chrétienne de la lumière, CDAS de Saint-Etienne, Publié en mars 2009, http://www.liturgiecatholique.fr/IMG/pdf/LA_SYMBOLIQUE_CHRETIENNE_DE_LA_LUMIERE.pdf 8 TANIZAKI (Junichiro), Eloge de l’ombre, Verdier, Lonrai, 2011, p64

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rites et des croyances. Il est donc tout naturel que ces éléments soit mis en oeuvre par le biais de l’architecture, pour les mettre en valeur, les sublimer. Ces éléments physiques impalpables (ombre et lumière), doivent dans le cadre d’une architecture bien réelle représenter ce qui est divin donc immatériel. Ainsi, étant donné la place prépondérante de la lumière dans la religion, il est évident que son traitement architectural est omniprésent dans la conception d’un lieu de culte pour l’architecte. « La modulation de la lumière par l’homme lui permet donc de souligner son espace en créant un lieu, de représenter ses croyances, des valeurs ou encore des émotions qu’il ne lui est pas possible d’exprimer sous forme matérielle.9 » I. 3 LA NOTION DE MYSTERE Dans les religions ou croyances citées, la part de mystère reste importante dans l’appréhension du dogme. Mais le traitement de la lumière dans les lieux de culte s’en remet également à une certaine part de mystère. Le terme mystère désigne un phénomène incompris et inexplicable, relevant de l’inconnu ou du secret. « Dans l’Antiquité, le mystère était utilisé pour nommer un culte religieux réservé aux seuls initiés, par exemple les mystères grecs10». A partir du XIXe siècle, le mystère renvoie « à une modalité particulière de connaissance, un retour vers l’intériorité et une ouverture à une altérité radicale, vécu intimement par le sujet11». La mystique est en ce sens, une expérience éprouvée mais personnelle. Elle peut trouver sa place dans l’union avec plus grand que soi ; Dieu (terme religieux). Théologiquement, le mystère est donc un élément révélé par Dieu, mais qui demeure insaisissable par la raison humaine. Cette part de mystère est donc associée à la lumière dans la société occidentale alors que la pénombre suscite au contraire « la grande noirceur », avec ce qu’elle sous entend de péjoratif.

9 BLAIZEAU (Marc), Construire l’inefable, une architecture spirituelle pour un lieu de recueillement, mémoire master, 2016, p94 10 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p47 11 Bis, p18


I. 4 REFLEXION AUTOUR DE LA LUMIÈRE DANS LES ÉDIFICES ANCIENS CAS DE VITRUVE Quelques écrits font état de préoccupations similaires concernant lumière et architecture cultuelle. Au XVe siècle, Vitruve s’intéresse aux effets visuels engendrés par la lumière dans les temples. Il met notamment en avant l’importance de l’orientation du temple. Il doit être orienté à l’ouest et se placer « dans le champs de vision de la divinité ». Mais, plus encore que l’aspect symbolique, il met en avant les effets perceptifs de la lumière. En pensant l’orientation des temples, il veut travailler la lumière du jour et créer des illusions et des visions d’optiques spécifiques. Le temple devient le « fonds ou champs global12» nécessaire au recueillement et où la figure lumineuse doit exprimer l’expression des divinités. Fort de son travail sur les proportions du corps humain, Vitruve souhaite reproduire ses canons de proportions dans le lieu de culte et les souligner par le travail de la lumière. Son travail et ses observations ont pour but d’esthétiser le lieu de culte et de produire des atmosphères compatibles et cohérentes avec le recueillement ou les cultes. Les mises en scènes élaborés par Vitruve se basent sur l’orientation, l’intensité, la tessiture de la lumière et ce jusqu’à la disposition et le choix du mobilier. « La clarté du soir, l’apport de l’ensoleillement pour la salubrité des lieux et la luminosité homogène pour distinguer les couleurs expriment des connaissances pratiques que Vitruve convoque pour assurer le confort dans l’accomplissement de certaines activités ou dans la recherche du repos (VI, 7). (…) qui, dans la vision de l’architecte romain ne manquera pas de rendre une scène qui affectera les sentiments du visiteur. Les « dieux » qui vont sembler se lever avec le soleil et regarder les fidèles venus prier, est la « séquence » principale que les fidèles vont imprimer 13». 12 ELISSEFF (Danielle), Esthétique du quotidien en Chine, Edition du regard, Paris, 2016, p45 13 Abdelouahab Bouchareb, « Vitruve : temples et lumière », Cahiers des études anciennes [En ligne], XLVIII | 2011, mis en ligne le 29 mai 2011, consulté le 30 novembre 2016. URL : http://etudesanciennes.revues. org/341

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Haut :Dessin Tempietto San Pietro, Bramante, Montorio, XVe siècle Bas: Basilique St Denis, ,Suger, Paris , XIe siècle


Comme souligné ici, l’atmosphère lumineuse est travaillée pour être cohérente avec le culte, mais également pour s’imprimer de manière plus durable dans l’esprit du visiteur. Le choix lumineux de l’architecte pour le temple, donne une image au moment de recueillement. Pour Vitruve la perception de la lumière est donc primordiale dans le temple. Pour lui, la lumière peut également influencer directement le dessin de l’architecte et notamment les proportions. Ainsi il écrit que la lumière a tendance à rendre les colonnes d’un bâtiment plus fines qu’elles ne sont à l’ombre. Ils recommandent donc aux architectes de temples, de grossir les colonnes qui seront illuminés lors du culte par rapport à celles qui resteront dans l’ombre. CAS DE L’ABBÉ SUGER En 1135, l’abbé Suger est chargé de la reconstruction de l’église abbatiale St Denis, suite à des dégradations de celle-ci. Fort des nouvelles techniques de reconstruction et surtout d’une connaissance importante des textes religieux catholiques, l’abbé va à travers cette reconstruction remodeler l’image de l’église dans un style gothique. Il va ainsi traduire de manière architecturale ses connaissances bibliques et ce par la qualification de la lumière à l’intérieur de l’édifice. Suger a suivi le chantier et a pris soin de noter, dans un traité d’architecture, ses préceptes et volontés architecturales et en expliquant leur sens. Le porche, anciennement massif de l’église, laisse place à un porche léger avec en son milieu une rose. L’abbé explique ce choix par une volonté d’inscrire cet espace comme « l’étape initiale de la marche vers la lumière14». De même il supprime le jubé et reconstruit le choeur de façon à ce que celui ci soit très illuminé. Cette progression lumineuse s’achève au niveau de chapelles rayonnantes disposant chacune de baies plus grandes que les précédentes ouvertures de types romanes. Celles ci sont ornées de vitraux. Dans son traité Suger écrit ; «Une fois que la nouvelle partie postérieure fut jointe aux antérieures, l’église resplendit avec son milieu devenu lumineux, car brille ce qui est brillamment accouplé à ce qui brille, et rayonne 14 STEGERS (Rudolph), A design manual Sacred building, Ed Birkhauser, Londres, 2007, p72

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Haut : Peinture Le songe de Joseph, Georges De La Tour, XVIIe siècle Bas: Tryptique du Monastère de Chilandari-Mont Athos, XIVème siècle


le noble édifice que pénètre la lumière nouvelle15.» Il fait par ailleurs graver sur le portail de l’église : « L’esprit aveugle surgit vers la vérité par ce qui est matériel, et, voyant la lumière, il ressuscite de sa submersion antérieure16. » Suger est l’un des premiers personnages, dans l’histoire chrétienne à mettre en évidence de façon aussi clair la relation entre la religion, la lumière et l’architecture. Comme on le voit ici, il utilise l’architecture et rend compte d’une atmosphère lumineuse à même, selon lui, d’avoir du sens au niveau théologique. «En faisant de la lumière non seulement un matériau de construction des ambiances, mais aussi une allégorie théologique, il met en scène l’opposition lumière / ténèbres, base des Livres Sacrés17. » I. 5 REPRÉSENTATION PICTURALE RELIGIEUSE DE LA LUMIÈRE La représentation picturale prend également part à la théologie et à la lumière. En effet de nombreuses peintures religieuses symbolisent le divin par le tracé de la lumière. Dans la religion chrétienne orthodoxe, les icônes des peintures byzantines d’Orient, sont peintes de face auréolées d’or. Ce fond doré est une manière de représenter le halo lumineux et de marquer leur appartenance au domaine du sacré. De même, dans d’autres représentations chrétiennes, certains messages religieux sont incarnés par la lumière comme dans une série de Vierge à l’Enfant puis dans le retable peint pour son propre couvent, avec la scène de l’Annonciation. Fran Angelico, qui travaille la lumière et la perspective mathématique développe des procédés de clair obscur pour transmettre son message religieux. D’autres artistes comme Caravane ou De La Tour, utilisent par la suite cette technique créant des atmosphères intimistes suspendues entre ombre et lumière. Ces oeuvres devenant des objets de contemplation influencent et sont 15 La symbolique chrétienne de la lumière, CDAS de Saint-Etienne, Publié en mars 2009, http://www.liturgiecatholique.fr/IMG/pdf/LA_SYMBOLIQUE_CHRETIENNE_DE_LA_LUMIERE.pdf 16 La symbolique chrétienne de la lumière, CDAS de Saint-Etienne, Publié en mars 2009, http://www.liturgiecatholique.fr/IMG/pdf/LA_SYMBOLIQUE_CHRETIENNE_DE_LA_LUMIERE.pdf 17 Abdelouahab Bouchareb, « Vitruve : temples et lumière », Cahiers des études anciennes [En ligne], XLVIII | 2011, mis en ligne le 29 mai 2011, consulté le 30 novembre 2016. URL : http://etudesanciennes.revues. org/341

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Abbaye du Thoronet, Le Thoronet, 1160


influencées par les atmosphères des lieux de culte. Passé le XXe et le XXIe siècle, les avancées techniques concernant la maitrise de la lumière, ont permis aux artistes de ne plus seulement représenter la lumière par des procédés picturaux. Il leur est possible de manipuler physiquement la lumière et ses effets et de travailler la lumière comme un matériau, élément central de l’oeuvre. Ces exemples seront étudiés dans une prochaine partie du mémoire. I. 6 LUMIÈRE ET DÉPOUILLEMENT; ORNEMENT DU LIEU DE CULTE Dans la pratique ancienne, les édifices religieux d’hier sont caractérisés par des espaces intérieurs richement décorés, où s’étalent de façon ostentatoire de luxuriante peinture, sculpture et dorure synonyme à l’époque de puissance pour les pouvoirs religieux. Cependant certains édifices anciens se démarquent par leur minimalisme, comme par exemple l’architecture cistercienne. L’une des abbayes emblématique de ce type architectural; l’abbaye du Thoronet, est par excellence l’illustration de cet espace de culte dépouillé, sobre, simplement mis en valeur par la lumière. L’architecture cistercienne se veut être l’illustration de cette mystique de la lumière, ou chaque faisceaux traversent d’étroites fenêtres dépourvues de vitraux de couleur, arrivant très humblement sur des murs nus. Fort d’un renouveau tant liturgique qu’architectural, à l’aube de la modernité, les édifices de cultes comme l’église comme la Tourette de Le Corbusier, se détachent de l’ornementation d’entant. Les architectes placent la question de la lumière au coeur du projet. Ceux-ci ont pour seul décor l’ombre et la lumière. Le Corbusier écrit à propos de la Tourette :« L’expérience en vivant dans l’église à la Tourette est que tout est par les volumes, par le silence visuel, par le jeu de la lumière qui vient varier constamment, en mettant en valeur par exemple un élément du mur. Cela crée une discrétion18. ». Cette architecture sobre et simplement illuminée présente de grande qualité notamment pour l’exercice du culte. Comme le dit 18 HERVIEU LEGER (Daniel), Conférence du colloque Sacré Archi, l’espace sacré aujourd’hui, quels défis pour l’architectes ?, INSA Strasbourg, Strasbourg, 2014, p47

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Robert Morris : « simplicité de forme ne signifie pas nécessairement simplicité de l’expérience19 ». Ainsi la lumière, en plus de son rôle immatériel, devient le matériau principal de l’esthétique du lieu. L’art de l’illumination devient pour les maîtres modernes, ancré dans l’idée que la lumière et l’espace sont d’égale importance. S’impose à présent un besoin d’explorer la pénombre et de saisir la spatialité à travers la matière lumière et ainsi exprimer le mystère qui est intimement relié à la foi. Cette vision contemporaine de l’espace par et pour la lumière naturelle sera retranscrite tout au long de ce mémoire à travers des exemples d’édifices religieux récents (de 1940 à nos jours), où la dualité ombre-lumière devient l’attribut majeur de l’espace.

19 Bourdie (Alain), Bernard (Dominique), découvrir et comprendre l’art contemporain, Editions Eyrolles, Paris, 2010, p23

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II. LES MODIFICATIONS SPATIALES DU LIEU DE CULTE PAR LA LUMIÈRE

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Haut : Chapelle, Sol Madridejos, Juan Sancho, Valleaceron (Espagne), 2009 Bas: Eglise, Daniele Marques, Uetikon (Suisse), 2008


II. LES MODIFICATIONS SPATIALES DU LIEU DE CULTE PAR LA LUMIÈRE II. 1 LUMIÈRE ET VIDE Comme évoqué précédemment, la lumière est travaillée dans les lieux de culte pour révéler ces espaces et ainsi éveiller les sens des croyants. Ces espaces sont la plupart du temps caractérisés par le vide qu’ils abritent. Les vides étudiés sont ainsi souvent de tailles et de hauteurs importantes. Ces vides, considéré comme «des lieux féconds, actifs et créateurs1» tant en Orient qu’en Occident, sont présents pour accueillir les nombreux fidèles et se veulent réservoir des émotions communes. Ce vide, se remplit également peu à peu de matière impalpable comme la lumière ou l’ombre. Cette lumière est cependant très différente selon le lieu de culte. Si les textes religieux ne font pas spécialement état de préférence en terme de lumière, les architectes peuvent donc faire le choix de la lumière qu’ils veulent donner à ces «volumes sous la lumière2», comme les appelle Le Corbusier. L’idée est de comprendre comment la lumière vient occuper ce vide pour le modeler, le révéler mais aussi le dématérialiser, et ainsi faire, que le croyant vive une expérience ou le vide se renverse en plénitude. L’espace va ainsi être plus ou moins occupé par la lumière ou l’ombre selon l’emplacement et l’orientation des ouvertures, des brises soleil au profil particulier, apportant un panel d’atmosphère possible pour l’architecte. Dans ce vide nécessaire au culte, l’architecte façonne et met en valeur la lumière par différents dispositifs architecturaux afin de définir et créer des ambiances et atmosphères désirées. Ainsi, il peut la canaliser, la colorer, la filtrer, la refléter, la diffracter ou encore lui faire perdre de son éclat en l’estompant. Loin d’être stérile, ce vide spatial va voir se joindre les émois, valeurs, croyances du fidèle, à la matière lumière de part l’ombres, révélation mystique du divin. 1 ELISSEFF (Danielle), Esthétique du quotidien en Chine, Edition du regard, Paris, 2016, p33 2 LE CORBUSIER, L’espace indicible, Architecture d’aujourd’hui, Paris, 1977, p51

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Haut : Chapelle Padre Rubinos, Elsa Urquijo Architects, Espagne, 2014 Bas:La Iglesia de Iesu San Sebastiรก, Raphael Moneo, Barcelone, 2011


II. 2 RÉVÉLATION DE L’ESPACE PAR LA LUMIÈRE Certains lieux de culte sont très simplement révélés par la lumière. L’idée est de restituer une lumière comparable à celle de l’extérieur générant ainsi une certaine neutralité. Celle-ci ne vient pas modifier la compréhension et la perception visuelle du lieu de culte. Cette lumière naturelle ne passe généralement pas par des vitraux et n’est pas occulté par un dispositif spécifique. La lumière n’altère pas les caractéristiques architecturales et ne bouleverse pas la vision du croyant. Le lieu de culte s’attache à être rempli de cette matière lumière qui vient l’unifier. En effet dans ce cas la lumière est renvoyée de façon très homogène dans l’espace. Ce résultat peut notamment être obtenu par une ouverture et/ou par les parois réfléchissantes: c’est une lumière indirecte. L’idée est simplement ici comme le dit Le Corbusier d’ « introduire le soleil 3» dans l’espace cultuel. Comme dans la Chapelle Padre Rubinos, celle-ci exprime cette idée de lumière révélatrice. La blancheur du lieu est juste soulignée par la lumière zénithale, baignant de lumière l’autel et les croyants. Les murs blancs des différents lieux reçoivent et réfléchissent la lumière de manière à ce qu’elle provienne de toutes les directions et qu’elle soit renvoyée par les parois blanches. Révélé par une lumière constante et douce, l’espace est appréhendé dans sa totalité sans modulation. Cette lumière ne présente pas de variation et se veut mise en valeur du vide de façon très simple et n’a pas forcément de pouvoir d’évocation fort. Si la lumière ne vient pas modifier de façon importante le lieu cultuel, celle-ci peut cependant accentuer certaines caractéristiques architecturales du lieu de culte et révéler plus intensément la forme de l’espace. Ainsi la lumière peut entrer dans le lieu de culte et venir directement souligner les lignes directrices de l’espace par un faisceau ou des motifs lumineux.

3 LE CORBUSIER, L’espace indicible, Architecture d’aujourd’hui, Paris, 1977, p53

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Eglise, Daniele Marques, Uetikon (Suisse), 2008


II. 3 EFFACEMENT DES LIMITES ET MODIFICATION DE LA PERCEPTION DU VIDE PAR LA LUMIÈRE Dans les lieux de culte, certains architectes prennent le parti de traiter la lumière de manière à brouiller les limites distinctes du lieu. Ainsi, le recueillement se fait dans un espace avec une lumière vive ou non, mais qui vient surtout gommer les aspérités du lieu. Cette matière lumière dissout ainsi les limites spatiales du lieu. L’espace est remodelé, repensé par la lumière lui conférant une nouvelle dimension. L’espace ainsi révélé dématérialisé et illimité, « vise de manière explicite à créer des conditions pour que le spectateur au delà d’une approche visuelle, forme une expérience d’ordre spirituelle4». En élargissant les perspectives, l’idée est ainsi de remodeler de manière générale l’espace entourant le croyant. La lumière vient dissoudre la forme du lieu. Celle-ci vient ainsi défier et questionner les lois naturelles, en donnant l’impression de soustraire les éléments architecturaux de la gravité. On peut alors se demander, si c’est la lumière qui vient sculpter l’espace ou si, au contraire, les formes viennent envelopper la lumière présente. L’espace architectural devient abstraction et invite le croyant à méditer non pas en prêtant attention au lieu de recueillement, mais renvoie aux limbes de son esprit, ainsi prêt à réaliser la quête spirituelle qu’il est venu chercher. Cette lumière se retrouve par exemple dans la Kirchenzentrum de Daniel Marques, ou encore dans l’église Padre Rubinos. Tel un brouillard, la lumière s’empare délicatement du lieu de culte et le rend presque vaporeux, comme si l’espace se décomposait. Cette représentation de la lumière se veut recréer un espace propice à l’interaction avec le divin. Par son effet enveloppant, la lumière procure une impression de protection, de présence bienveillante. Comme le dit Louis Kahn dans le livre Silence et lumière , la lumière peut ainsi apparaitre comme « donatrice de toute présence5». L’espace retient ainsi la lumière et brouille les perceptions, ainsi «où 4 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p48 5 KAHN (Louis), Silence et lumière, Ed du Linteau, Paris, 1996, p31

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Specus Corallii, Antonino Cardillo, Trapani, Italie, 2016


règne l’absolu, s’annule toute opposition entre celui qui écoute et l’objet de l’écoute6». L’idée pour l’architecte est d’immerger le croyant dans un espace sans borne, où les frontières entre « le dedans et le dehors, le moi et le non-moi, le corps et le monde, brouillés, fondues, abolies. Le sujet se dissout dans un espace tout à coup grand ouvert, comme un océan sans borne. L’ego se perd. Simultanément, il se retrouve, immergé dans un océan cette fois intérieur, et s’ouvre à un élargissement de l’être.7 » II. 4 RÉVÉLATION DU LIEU DE CULTE PAR L’OMBRE Si la lumière prend une place prépondérante dans la représentation de la spiritualité ,dans l’espace théologique, son antithèse, l’ombre est, elle aussi, dans la création d’une atmosphère propice au recueillement. Comme le dit Le Corbusier ; « la lumière a besoin de l’ombre, comme le jour a besoin de la nuit. Le désir lui même ne peut vivre sans la présence du manque. Il faut élargir et creuser le vase du désir pour qu’il puisse déborder de la générosité de la vie. L’ombre appelle la lumière et la lumière se repose à l’ombre. C’est l’habileté à favoriser un tel jeu de cache cache et de séduction, qui peut faire le grand architecte8». L’ombre fait donc partie intégrante du processus de matérialisation du divin dans une église, dans une mosquée ou encore dans un temple. Tout comme la lumière, il n’existe pas qu’un seul type d’ombre, mais différent degré d’ombre. L’ombre comme une peau possède plusieurs couches, «épaisseur, de degré d’opacité9» allant de la couche plus extérieure et fine, laissant pénétrer la lumière, jusqu’aux couches les plus profondes, plus épaisses. Entre ces deux extrêmes, une palette d’ombre s’offre aux espaces. Pour créer une ambiance de pénombre (zone entourant l’ombre), un jeu se livre entre ombre et lumière, entre surface translucide et matière absorbante. Ainsi, selon que la lumière soit diffuse ou directionnelle, les ombres et les effets créés ne sont pas les mêmes. Si l’ombre créée diffère, l’émotion 6 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p49 7 Bis, p98 8 LE CORBUSIER, L’espace indicible, Architecture d’aujourd’hui, Paris, 1977, p22 9 TANIZAKI (Junichiro), Eloge de l’ombre, Verdier, Lonrai, 2011, p44

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Uno Tomoak,Temple House’, William Weaver, 2012


développée face à celle-ci varie également. En effet, dans le monde occidental, des émotions telles que l’angoisse apparaissent sous une lumière blême (synonyme de saleté, de peur), alors que l’éclairage lunaire est rassurant et « mystérieux et poétisant dans la mesure ou il unifie les formes en les enrobant d’un voile monochromatique10. » Les ombres incertaines « sfumato » englobant volume et espace, suscitent quant à elles une atmosphère paisible. De manière générale, dans le monde japonais (oriental), l’ombre, très présente dans les temples et espaces de méditation, est esthétisée, synonyme d’apaisement, de recueillement et de proximité avec les ancêtres. L’ombre a donc la capacité, au même titre que la lumière, de conditionner notre perception spatiale et sensorielle. Cette matière ombre est donc pensée, modulée et sculptée par les architectes pour répondre au besoin de lumière des espaces de culte et surtout caractériser une atmosphère spécifique. Finalement serait-on plus sensible aux rayons de lumière, quand ceux ci sont enveloppés et mis en valeur par l’ombre ? L’ombre a le pouvoir de sublimer les rayons du soleil entrant dans l’espace de culte. De même un espace quelque soit son apport lumineux, ne peut complètement dissoudre l’ombre, car chaque objet ou matériaux produit une ombre propre. L’ombre vient donc ici permettre la perception de la profondeur, du relief, des formes relatives aux espaces, leur donner une silhouette. La pénombre favorise ainsi la perception des rapports majeurs des divers espaces. L’ombre est une matière permettant de façonner une émotion en accord avec le recueillement. Celle-ci peut symboliser une zone de refuge où chaque individu peut dévoiler son intimité à l’abri du regard d’autrui. Or, dans l’acte de recueillement, l’intimité est nécessaire pour s’ouvrir à la spiritualité et à l’abandon du soi. « La pénombre (..) favorise l’introversion. Elle adoucit les traits de la pièce, les harmonise11. » 10 HOLL (Steven), Color, light, time, Lars Muller Publishers, Germany, 2012, p53 11 Capran, (Jean-Luc), Pour une nouvelle approche de l’éclairage architectural, Architecture Louvain St Luc, architecture, site de Bruxelles, 20103, p57

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Eglise Sainte Madeleine, Venise, 1780, photo personnelle


L’ombre va moduler notre perception du réel et influencer notre ressenti pendant la prière notamment. Sa répartition, ses nuances, ses vibrations et ses rythmes vont échanger avec les intensités des lumières devenant porteur d’une émotion visuelle. La quantité d’ombre modifie l’espace et notre ressentie de celui-ci. Un climat de faible pénombre est favorable à la confidence, à l’effusion mystique ou sentimentale. Un espace de culte plus sombre va augmenter notre sentiment d’intimité propice à la prière et va ralentir nos pas. En effet les limites de l’espace étant masqué par l’ombre, le croyant va instinctivement recherché de nouveaux repères et va éloigner le croyant du concret pour l’envelopper d’ombre. La forme du lieu de culte est dissolu, les limites de l’espace sont donc difficilement perceptibles, renvoyant à une notion d’infini, d’espace mystique. Dans le cas d’espace partitioné entre zone d’ombre et de lumière, le lieu semble divisé spatialement par la matière ombre/lumière. L’ombre vient créer des sous espaces entre une suite de halos lumineux. Ces zones d’ombre, marquées par l’absence, impliquent une certaine dynamique spatiale qui stimulent le croyant dans sa visite du lieu de culte. Il se crée donc une alternance d’espaces connus (éclairés) et d’espaces plus difficiles à apprécier (dans l’ombre) et donc imaginé par le visiteur qui a pour effet d’accroitre visuellement la dimension apparente de l’espace observé. L’ombre, peut donc si elle est régulièrement répartie, modifier la perception de l’espace, en créant des espaces partiels différenciés et individualisés selon le degré de lumière. II. 5 LE CONTRE JOUR « Le contre jour résulte d’un éclairage tel que la lumière ou du moins la source lumineuse éclaire de façon très intense un objet, dans la direction opposée à celle par où on le regarde. » Le contre jour a pour effet de contraster les plans immédiats. Il réduit la perception du lieu par l’expression de son contour. A la manière d’un flash photographique, le contre jour fige notre perception, par un contraste violent entre la luminosité extrême de la lumière parvenant par l’ouverture et la pénombre entourant cette ouverture. Cette délimitation des contours renvoie une perception du volume aplati.

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Collage, View from the passage toward the exit, Hiroshi Sugimoto, 2007


Le lieu prend une dimension intemporelle et mystérieuse perdant son identité propre. « Le contre jour omet tout détail. Il omet aussi toute couleur. Tout et rien que l’essentiel. Noir et blanc, ombre et lumière se partagent le visuel12. » L’obtention d’un contre jour dans un espace de culte a pour impact de stimuler très précisément le croyant en un point donné. Par son effet de cadrage resserré, la lumière va orienter le regard du croyant. La lumière perçue; crue, altère la perception de l’espace jusqu’à le supprimer. Le visiteur est soumis à un éblouissement. Ce passage ou infiltration de la lumière à travers les couches d’ombre rappelle une fois encore la valeur de la lumière en tant que message divin ou du moins sa métaphore. La fiction lumineuse, qui s’offre au croyant se mélange au réel. Elle s’apparente à une apparition (lumière salvatrice), d’autant que la source lumineuse ne peut être visible précisément, car dissimulée par le trop plein de lumière qui s’apparente à une image blanche. Cette lumière blanche, focalisée en un point va dans l’imaginaire collectif occidental renvoyer à une notion de manque ou de disparition et plus encore à une représentation de l’au-delà. En effet, la présence d’une lueur blanche au fond d’un tunnel fait référence à la vision de patients ayant survécu à une mort clinique. Cette perception de la lumière en un éclat entouré d’ombre renvoie donc à cette idée de lien entre vie et mort, et par la même occasion à « l’inexplicable » expliqué par la religion. L’éblouissement a donc un impact visuel sur le croyant mais renvoie donc également à une métaphore de l’irrationnelle comprenant la vie et la mort. Les limites ainsi posées, entre ombre et lumière, jouent sur la dichotomie du clair obscur et tendent à créer au delà de l’ombre un «monde distant, sacré et d’une tension extrême13». La pénombre fonctionne ici comme un seuil, séparant deux mondes différents, le réel et l’immatériel. Ces deux mondes symbolisent le monde des vivants pour l’obscurité et « le paradis » ou « l’espace de résurrection » dans le cas de la lumière. Mais si l’effet du contre jour produit une perception visuelle très 12 BLAIZEAU (Marc), Construire l’ineffable, une architecture spirituelle pour un lieu de recueillement, mémoire master, 2016, p105 13 « Le contre jour, art plastique », Jean Paul Galibert, Wordpress, [En ligne], Publié en janvier 2008, https://jeanpaulgalibert.wordpress.com/

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EntrĂŠe de la Centinela Chapelle Arandas, estudio ALA, Mexico, 2014


forte, il a également un impact sur l’appréhension du corps dans cet espace. En effet l’éblouissement due au contre jour va marquer la silhouette de chaque chose et plus précisément celle du corps dans l’espace. La volumétrie propre du corps est aplatis et ne fait plus partie d’un repère en trois dimensions. Le corps est ainsi ramené à sa plus simple expression à savoir le contour de sa silhouette projeté au centre de la composition spatiale. Dans l’obscurité et face à la lumière blanche, le corps perd sa singularité et devient atone, sans couleur ni profondeur. Les caractéristiques physiques ne sont plus visibles et renvoient au croyant une image d’uniformité du corps face à l’éblouissement. Le croyant se fond dans l’espace face au vide lumineux qui s’offre à lui; métaphore de l’au delà encore une fois. Il n’est plus qu’un corps parmi d’autres, de manière symbolique du moins. De même, l’effet de contre jour peut décontextualiser la perception du corps dans l’espace du culte. Il se forme donc deux plans distincts dans l’espace; le vide et l’Homme. La silhouette humaine perd son rapport avec la pièce au même titre qu’elle perd ses caractéristiques physionomiques. Cette perception du corps dans le contre jour, peut être mise en relation avec la notion orientale du Shintai. Le shintai terme japonais signifiant entre autre le corps implique la séparation spirituelle du corps en tant que tel et l’âme accrochée au corps mais emplissant l’espace. Mais le shintai signifie également l’objet de culte. Ainsi, le corps comparé à un objet sacré prend place dans l’espace mais est matérialisé comme un réceptacle neutre, où l’âme peut un jour se déposer. II. 6 HIERARCHIE DES ESPACES De manière générale, dans les écrits religieux (religion chrétienne et musulmane), l’espace vécu n’est pas censé être homogène. Celui-ci est censé éprouver des pauses , des interruptions. « Pour l’homme religieux, cette non homogénéité spatiale trouve son expression dans l’expérience de l’opposition entre l’espace qui est sacré -le seul espace-réel et réellement existant et tout autre espace, l’étendue

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informe qui l’entoure14. » Cette non-homogénéité spatiale se retrouve dans les lieux de culte. Ils présentent des espaces avec des caractéristiques lumineuses différentes et qui sont qualitativement hiérarchisés les uns les autres. On peut parler de «géographie lumineuse15». Tous les dispositifs architecturaux pensés pour influencer ombre, lumière, tessiture ou encore intensité lumineuse partitionnent de façon implicite l’espace de culte. Par exemple, les lieux de dévotion vont avoir tendance à proposer des espaces de pénombre favorisant le recueillement, contrairement à certains espaces du lieu de culte (l’accès, l’arrière autel, l’espace de préparation des rites) non sacralisés par le rite donc profanes, seront éclairés de façon plus importantes pour permettre une visualisation optimale. La différentiation entre lieu profane et sacré se fait par la lumière et l’ombre, comme par exemple dans la chapelle Arandas. II. 7 INFLUENCE DU DISPOSITIF LUMINEUX RAPPORT À L’ENVIRONNEMENT DE L’OUVERTURE L’environnement extérieur et notamment la quantité de lumière naturelle, joue un rôle très important dans la création d’atmosphère lumineuse dans un espace. L’orientation et la latitude du site détermine la quantité de lumière reçue mais également le type d’ouverture privilégié. Kahn écrit «la fenêtre est une chose merveilleuse par laquelle vous obtenez la touche de lumière qui vous appartient à vous et non au soleil16». Ainsi la fenêtre ou du moins le dispositif d’ouverture, par sa géométrie, sa place dans l’espace, va jouer un rôle essentiel dans la captation de la lumière et donc dans l’ambiance du lieu de culte. Si dans l’architecture contemporaine classique les ouvertures ont pour vocation a donner à voir sur l’extérieur et offrir des vues, dans de nombreux cas d’architecture cultuel, l’ouverture sert plus à modeler la lumière, choisir les rayons lumineux et 14 STEGERS (Rudolph), A design manual Sacred building, Ed Birkhauser, Londres, 2007, p32 15 NORBERT-SCHULTZ (Christian), Genius Loci, paysage, ambiance, architecture, Mardaga, Jarda, 1997, p18 16 KAHN (Louis), Silence et lumière, Ed du Linteau, Paris, 1996, p78


engendrer une atmosphère lumineuse spécifique. Les ouvertures ne montrent donc pas forcément le paysage extérieur, l’oeil ne perçoit en aucun cas l’environnement périphérique et ceci afin d’offrir aux prêtres un véritable lieu de culte, de communion avec le divin et de recueillement sans être distrait par un quelconque élément. Il existe bien évidement des exceptions comme la Chapelle of the Holy cross, où le paysage se fond avec l’espace de l’autel. ORIENTATION, DIRECTION ET DYNAMISME SYMBOLIQUE L’orientation du lieu de culte présente des caractéristiques lumineuses spécifiques mais aussi concernant la symbolique religieuse. En effet, les églises de la chrétienté méditerranéenne sont censés être orientés à l’est vers les lieux saint de Palestine. De même les mihrab des mosquées doivent être tournés vers la Mecque, lieu de naissance de leur prophète. Ces orientations impliquent un certain dynamisme spatial et une convergence certaine pour un point géographique saint. Fort de ces spécifiés religieuses, il en revient à l’architecte de penser les ouvertures du lieu de culte en fonction de ces orientations et du dynamisme spatial employé. Le dynamisme spatial amplifie le sentiment d’être attiré vers le haut sous un dôme baroque, vers l’horizontale dans une abside médiévale, vers le bas quand il s’agit du sable blanc d’un temple zen. S’ajoutant à ces orientations symboliques, il est important de préciser que les lumières du matin, du zénith ou du soir présentent des spécificités propres. Le climat et la saison influent également sur le traitement de ces lumières et sur leur rayon d’incidence. Par exemple la « Lumière du Nord » est particulière : il n’y a pas de rayon direct du soleil. Les ouvertures pratiquées dans le lieu de culte peuvent être occultées ou filtrées selon le rapport au soleil et à la chaleur du pays en question. Ainsi certains temples asiatiques présentent des rideau de papier de riz disposés, pour éviter un ensoleillement trop important. De même dans les pays du Maghreb, de nombreuses mosquées présentent des filtres tels que des moucharabiehs ou des claustras, dispositif permettant un apport en lumière suffisant dans l’espace mais préservant le lieu de la chaleur par la quantité d’ombre. Réalisé

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pour diminuer la lumière entrante en façade, les claustras, sont des parois ajourées placé à l’extérieur d’une baie. Ils peuvent être en bois ou encore en céramique. L’ouverture pratiquée, plus qu’un choix de l’architecte, est issus d’une réflexion sur le lieu, son orientation spirituelle ou encore le climat propre du lieu. ECLAIRAGE DIRECT, INDIRECT ET LATÉRAL Le choix du type d’ouverture est donc primordial car ceux-ci produisent un ou plusieurs effets spatio lumineux spécifiques. On peut ainsi distinguer les sources d’éclairages directes, indirectes et latérales notamment. La source directe a la particularité d’être visible, à savoir d’être un dispositif de mise en lumière identifiable et visible facilement. Celleci est caractérisée par un contact visuel avec l’extérieur. A l’inverse un éclairage indirect présente une ouverture dissimulée depuis l’espace intérieur impliquant une réflexion indispensable de cette lumière et créant un rendu lumineux plus diffus que la source directe. En dissimulant la source lumineuse, l’espace semble être illuminé de façon mystérieuse. Ce dispositif lumineux a été utilisé par l’architecte Emre Arolat dans la mosque de Sanklacar Enfin le dispositif latéral « correspond à un dispositif qui laisse pénétrer la lumière naturelle dans un espace à travers une paroi17», éliminant ainsi les effets de contre-jour. Ce dispositif se prête bien aux effets d’ombres portés et peut dans le cas d’un sanctuaire, créer un effet de jour unilatéral ou bilatéral. Ce dispositif est très utilisé dans les lieux de cultes catholiques ou protestant pour éclairer latéralement le crucifix ou la croix situé la plupart du temps derrière l’autel.

FORME ET DIMENSION 17 SALVIONE DESCHAMPS (Marie-Dina), Décrire l’indicible : connaissance et sauvegarde de l’éclairage naturel dans l’architecture sacrée moderne occidentale, Thèse sous la direction de J. Lévy, ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE, 15 mai 2013, p131

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Haut : Chapelle Seed, O Studio Architect, Huizhou, Chine, 2010 Bas: Chapelle St. OvĂ­dio Farm, Alvaro Siza, Lousada, Portugal, 2002


Il existe de nombreux types d’ouvertures dont les formes, le positionnement et l’orientation en façade, varient et sont déterminants quant à l’éclairage et l’ambiance d’un espace. Le cas le plus commun d’ouverture est la fenêtre. Elle se défini comme « toute ouverture ou baie ménagée dans un mur pour l’aération et l’éclairage des locaux » ou encore comme « baie ou groupement de baies dans un plan vertical, muni d’une fermeture vitrée et donnant du jour à l’intérieur d’un bâtiment 18». Dans le cadre de l’architecture cultuel, on retrouve de nombreux types d’ouverture avec leur spécificité propre. En effet de la baie vitrée, de la claire voie, du mur de lumière, à l’ouverture verrière ou zénithale, ces ouvertures apportent des quantités de lumière différentes selon leur disposition mais aussi par rapport à leur forme. Plus la forme est grande, plus elle est à même d’apporter de la lumière au lieu de culte. L’architecte en pensant le dimensionnement de l’ouverture, influence directement l’atmosphère d’ombre ou de lumière du lieu sacré. Si l’architecture sacré reprend de nombreux codes et formes de l’architecture profane, certains lieus de culte ont des formes d’ouvertures spécifiques de la religion en question. L’un des cas les plus évident semblent l’église Church of light de Tadao Ando, où l’une des ouvertures est de forme cruciforme, forme propre à la religion catholique. On retrouve ce procédé dans la Church of Seed de O studio. De même dans la grande mosquée de Xi an en Chine, une partie de l’aile droite présente des ouvertures inspirées de caractère musulman en calligraphie chinoise. L’ouverture a un rôle figuratif et symbolique. Il en va de même pour la lumière projetée entourée de l’ombre du lieu sacré. Les contours lumineux de l’ouverture sont visibles dans l’espace cultuel et en font un symbole religieux de lumière. L’ombre et la lumière projetés par l’ouverture sont en partie influencés par l’épaisseur de l’ouverture. On peut imager cette différence avec d’un coté les ouvertures d’abbayes cisterciennes, très épaisses, et donnant une forme lumineuse nette. De l’autre on peut choisir le ças des ouvertures réalisées dans les oeuvres de Turrell. Les ouvertures 18 Peregalli (Roberto), Les lieux et la poussière: sur la beauté de l’imperfection, Arlea, 2012, p60

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The Color Inside, James Turrell, Austin, USA, 2013 (dĂŠtail constructif et photo)


Abbaye du Thoronet, Le Thoronet, 1160 (dĂŠtail constructif et photo)

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Haut : Eglise San Jorge,Tabuenca & Leache, Pamplone, 2008 Bas:Chapelle Del retiro Monmendio, undurraga Deves Arquitectos, Los Andes,2009


sont retravaillés et leurs arrêtes sont affinées au maximum (notion de deux dimensions). POSITIONNEMENT Des dispositifs de lumière à hauteur d’oeil ou du moins qui délivrent une « lumière horizontale» renvoyant à un espace controlé et à une réalité bien tangible. Cette relation très directe avec la lumière est exprimée dans l’église de Montenmedio. Le lien entre lumière intérieure et extérieure est renforcée par la paroi rocheuse ceinturant les baies vitrées. A l’inverse, des systèmes tels que les verrières, les claustras, les fenêtres ou les murs de lumière pratiqués sur la hauteur de l’espace de culte, impliquent une lumière tombant d’en haut créant un sentiment de dépendance. « Les rayons qui descendent des hautes verrières des cathédrales nous placent ainsi dans un « ici bas », opposé à l’au « delà », dans un état de subordination, nous invitant à remonter ces rayons jusqu’à leur source.19 » Cette technique d’ouverture date de la période gothique. Les nouvelles techniques constructives des bâtisseurs de cathédrale allége la charge des murs et peuvent ainsi les ouvrir largement. Fermé par des vitraux coloré ou par des parois de verre translucides, la lumière ainsi filtrée se réfléchit de façon importante dans l’espace du lieu de culte et crée l’effet d’un mur lumineux. Autres cas, la lumière issue d’une ouverture zénithale ou claire voie (« dispositifs latéral qui distribue une lumière pénétrant par le haut, à travers des baies d’apparence classique ») appelle de l’attention hors de l’espace contingent 20». En constituant un point focal vers le sommet de l’église, elle stimule et attire le croyant, qui instinctivement, lève ses yeux et se tourne vers le haut, vers le ciel (métaphore du divin). La lumière zénithale souligne par ailleurs la hauteur des murs, recréant une volumétrie axée sur la verticalité, comme dans la galerie Iglesia San Jorge. 19 PINGUSSON (Georges-Henri), L’espace et l’architecture, Ed du Linteau, 2010, p195 20 Bis, p132

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Deux murs de lumière diffÊrents, transparent / translucide Gauche: Chapelle Sainte-Croix, Marguerite Staude, Sedona, Arizona, 1956 Droite: Chapelle de St Loup, Local Architecture, St loup, Pompaple 2008


fig. 27 Tableau original tiré de l’ouvrage The New Churches of Europe diversité de plans d’églises modernes existants.

(G.E. Kidder-Smith) cherchant

à démontrer la

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Tableau montrant la diversité des formes et ouvertures dans les églises, KIDDER (Smith), The New Churches of Europe, Reinhart and Winston, New York, Holt, 1964.

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Eglise, Peder Vilhelm, Grundtvig’s (Islande), 1780


Enfin le choix du verre qu’il soit translucide, transparent ou sertie de vitraux colorés va également influencé l’atmosphère lumineuse du lieu de culte, ce thème sera abordé dans une prochaine partie. Le choix du dispositif d’ouverture de l’architecte, que ce soit sa forme, sa dimension et son type vont définir l’ambiance du lieu et peut être plus ou moins lié à la religion ou aux rites mis en place dans le lieu de culte. Ces choix du système d’éclairage peuvent également être mis en exergue dans le choix de la couleur, de la matérialité ou du dimensionnement spatial du lieu sacré. II. 8 INTENSITÉ ET TESSITURE DE LA LUMIÈRE La lumière, comme vu précédemment, est une matière qui évolue et possède des caractéristiques propres. La couleur, les tons induis par celle ci sont donc visibles. Mais la lumière impacte également le milieu en modifiant ainsi sa perception. La lumière, tout comme l’ombre teinte tous les éléments présents dans l’espace, les textures, les matières et les volumes. Ainsi, si l’on prend l’exemple d’une église ancienne, peu éclairée, et laissant la part belle au jeu d’ombre, la sensation première va être que ce lieu nous semble froid. Le noir de la pénombre fait en fait écho au froid, rendu encore plus intense si le lieu est étroit de grande hauteur voir même humide. Cette perception est donc directement influencée par les choix de l’architecte. Ainsi, celui-ci peut jouer sur la coloration de l’ombrage ou multiplier le nombre de sources pour accentuer ou matérialiser la spiritualité du lieu. De même la lumière naturelle change quant à elle constamment. En effet, elle est intimement liée au temps et aux conditions météorologiques. La perception de la lumière naturelle varie profondément d’un jour à l’autre, d’heure en heure et d’une région à l’autre. Par temps de brume, la lumière sera plus diffuse alors que par temps orageux, la lumière prendra des reflets cuivrés et se fera plus pesante. Cette différence par rapport à l’extérieur accentue donc les sensations

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Temple de l’eau, Tadao Ando, Hompuki (Japon), 1991


perçues. La lumière du lieu de culte peut ainsi par sa quantité et ses couleurs (teintes chaudes du soleil) redonner au lieu une atmosphère plus chaude. La lumière peut sembler avoir un « poids » et venir envelopper le croyant. L’intensité de la lumière variant selon la source naturelle du soleil. La lumière naturelle est constituée de toutes les couleurs de l’arc en ciel. Par conséquent elle peut être jaune, orange, blanche, grise et bleue, ... Ces teintes ont un impact sur les éléments palpables. Le lieu revêt donc les caractéristiques de la lumière. II. 9 LA LUMIÈRE COMME CATALYSEUR DE COULEUR La lumière peut donc par sa tessiture et son intensité, revêtir le lieu de teinte nouvelle et changeante. Mais ce jeu de lumière peut également être transcendé par l’utilisation de la couleur dans les lieux de culte. La couleur qu’elle soit mise en valeur par les architectes ou artistes peut s’établir sur les vitraux, les parois, les fresques ou encore des canons de lumière. LIEU ET COULEUR «Certains architectes utilisent la couleur pour sublimer une pénombre et renforcer l’aspect théâtral d’un espace21». Ainsi la couleur donne une densité plastique au lieu et permet de donner une atmosphère plus qu’évocatrice. Celle-ci couplée à la lumière donne donc sa force à l’architecture du lieu. Comme le dit Cézanne «la couleur est l’endroit où notre cerveau et l’univers se rencontrent» 22. Cette relation entre lumière, ombre et couleur se retrouve très spécifiquement dans des lieux de culte orientaux notamment. Dans le temple de l’eau, réalisé par l’architecte Tadao Ando, le lieu de culte est composé tout d’abord d’un passage sombre, en courbe menant jusqu’au sanctuaire. Après plusieurs minutes plongé dans une quasi obscurité, le croyant arrive dans l’espace de culte du temple. Celui-ci resplendit a contrario de manière spectaculaire grâce à la lumière tamisée rouge du lieu. « La couleur intense de cet espace intérieur vide renait chaque jour au coucher du soleil, dont la lumière chaude se colore encore davantage 21 PINGUSSON (Georges-Henri), L’espace et l’architecture, Ed du Linteau, 2010, p195 22 Bis, p53

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Haut : Chapelle de La Tourette, Le Corbusier, L’Arbresle,1960 Bas: Chapelle Notre Dame du Haut, Le Corbusier,Ronchamps, 1955


quand elle filtre à travers les écrans vermillon et vient saturer l’espace sacré 23». Cette relation entre couleur et lumière, est notamment sublimée dans l’église de la Tourette. L’édifice réalisé par Le Corbusier présente différents types d’ouverture, diffusant de manière constante une lumière continue et diffuse. L’un des murs en béton protégeant la crypte revêt une couleur jaune intense multipliant ainsi les effets scénographiques. Ces effets colorimétriques sont à même de susciter une émotion intense chez le croyant. L’intensité de la lumière allant de la violence, de la force à la douceur et au calme, faisant ainsi varier l’ambiance, l’atmosphère du lieu. De même, la lumière projetée sur la couleur vient se lier à celle-ci, ces contours indéfinis enveloppés par l’ombre environnante. La couleur/lumière présente une perception différente selon que le contraste avec l’ombre est important. Ainsi si la pénombre est importante, l’oeil du croyant se raccrochera directement à la lumière/couleur, l’identifiera comme un point précis du lieu. A l’inverse dans une lumière diffuse et avec peu d’ombre, la lumière et donc la couleur, aura tendance à se dissoudre dans l’espace environnant. Dans la chapelle de Ronchamps la lumière descend des 3 tours périscopiques conférant une atmosphère particulière aux chapelles. Les lumières se distinguent néanmoins par l’orientation mais surtout la couleur des verres filtrant la lumière. La lumière est en effet d’abord filtrée par des lamelles verticales puis traversent un verre coloré, se retrouvant projetée et reflétée sur les parois verticales du périscope et s’allongeant lentement jusque vers l’autel en emportant avec eux la trace de la couleur traversée. Le crépi accroche la lumière par sa texture et semble sous l’effet de la lumière refléter un dégradé de couleur observable dans la faible clarté par le croyant. LES VITRAUX Ainsi, la couleur est présente dans les lieux de culte que ce soit par la présence sur une paroi ou encore le sol, mais est également induite par l’utilisation de vitraux, notamment dans la religion catholique 23 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, Chine, 2009, p24

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Haut: Vitraux de la Basilique St Denis, ,Suger, Paris , XIe siècle Bas: Vitraux de Santuario Dom Bosco, Claudio Naves, Brasilia, 1960


et protestante. Le vitrail peut être défini comme une composition translucide formée de pièces de verre, généralement coloré et pouvant recevoir un décor. Le vitrail est « assemblé à l’aide de plombs et d’une armature de fer ou à l’aide d’un ciment, et servant à clore une baie, voire à créer une vaste paroi lumineuse et décorative24 ». Si à l’origine, le vitrail est initialement créé dans une volonté d’enseigner la théologie aux croyants (souvent illettrés), celui-ci doit par la même éveiller spirituellement les croyants. De manière mystique, les vitraux sont perçus comme des dispositifs transformant la lumière physique en lumière divine. «Que les objets de culte resplendissent! 25» demande l’abbé Suger pour la basilique SaintDenis. Le passage de la lumière par ce dispositif en verre a donc pour but, tel un prisme, de remplir le lieu de culte de ses rayons tout en y injectant une dimension sacrée. Mais plus encore que leur portée théologique ces vitraux de par leurs caractéristiques, leurs couleurs et motifs ont un impact très concret sur la perception visuelle du lieu. « Pour certains, le vitrail est l’art de peindre dans l’espace, pour d’autres, c’est un moyen de transformer la lumière en un jeu de couleur et d’image.26» Le vitrail permet ainsi de moduler et transformer la lumière qui pénètre dans les espaces architecturaux. La couleur des pièces de verre, leur transparence ou encore leur agencement sont autant d’éléments permettant de composer les effets de lumière qui contribueront à optimiser l’espace où ils se trouvent. Ainsi la composition et le travail du verre ont un impact sur la clarté de la lumière traversante. Par exemple, les bulles d’air et déformations, formées lors du soufflage et du façonnage du verre, vont réfracter et diffracter les rayons du soleil, impliquant ainsi variation et réfection au niveau de la lumière perçu. Mais surtout les vitraux se caractérisent par leur richesse de couleurs, teintes et motifs, donnant au lieu de culte un aspect très différent. Ce travail des couleurs est observable notamment dans des réalisations de vitraux dans des églises anciennes dans l’entre deux guerres en Europe. Sévèrement touchés par les bombardements, de nombreux 24 BARRAL I ALTET (Xavier), Art & lumière, le vitrail contemporain, Edition de la Marinière, Paris, 2006, p21 25 Bis, 29 26 Bis, p9

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Gauche: Vitraux, Cathédrale Notre-Dame de Paris, Jacques LE CHEVALLIER Droite: Vitraux, Cathédrale de Nevers, Claude VIALLAT


Gauche :DĂŠtail constructif Chapelle Sweeney Droite: Chapelle Sweeney, James Carpenter, Indianapolis, 1987

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Haut : Schema de la Chapelle St Ignatus par Steven Holl, 1993 Bas: Chapelle St Ignatus, Steven Holl, Washington, 1994


édifices de cultes ont fait appel à des artistes pour réaliser de nouveaux vitraux pour leur église ou temple. En 1994, dans la cathédrale de Nevers, de nombreux artistes sont sollicités pour repenser les vitraux endommagés de l’édifice. Jouant sur l’obscurité et la dimension impressionnante de la cathédrale, Claude Viallat réalise des vitraux contemporains fait de taches rouges sur fond bleu établissant un rapport étroit entre couleur et symbolique. L’abstraction s’impose au détriment de la figuration devenue traditionnelle. Si, certaines réalisations de l’époque gardent encore des motifs même conceptuels, plusieurs architectes font le choix de ne garder que la dimension colorimétrique du vitrail à l’instar de Le Corbusier dans la chapelle de Ronchamps et Steven Holl dans la chapelle Jésuite. Steven Holl, écrit en collaboration avec Pallasmaa le livre Color, Light, Time et met en pratique ses recherches sur la couleur et la lumière dans la chapelle jésuite Saint Ignatius. Steven Holl conçoit cette chapelle comme « sept bouteilles de lumière dans une boite de pierre27» (chaque « bouteille étant illuminée d’une couleur différente de vitrail). Celui-ci joue avec les dualités entre lumière (blanc) et ombre (noir) et solide (matériaux) contre vide (immatériel) et ce rythmé par la couleur changeante du lieu traversant les différents vitraux. Holl emploie ici des contrastes forts mais utilisant des couleurs complémentaires pour stimuler le croyant et engager ses sens tout en affectant sa perception de l’espace et du temps. Autre exemple, celui de la Chapelle Sweeney aux Etats unis réalisé par James Carpenter. Cette chapelle est composé d’une structure de treillis de verre avec des plaques de verre dichroïde (plusieurs tonalités de lumières transmises). Les verres sont rangés en bande de couleurs différentes (voir photos) et vont sous l’action du soleil, émettre des bandes de lumière bleu-verte et rouge orange. Ces lignes de lumières colorés apparaissent notamment sur le mur de l’autel. Selon le moment de la journée, les bandes de couleurs se mélangent et les tailles et inclinaison des motifs se transforment en fonction de l’angle du soleil. Les tons chauds se mélangent au tons 27 HOLL (Steven), Color, light, time, Lars Muller Publishers, Germany, 2012, p35

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Vitraux, CathĂŠdrale de Conques, Conques, Pierre Soulages, 1994


froids et viennent colorer cette chapelle blanche. «La lumière est ce qui embellit le bâtiment, elle est le grand illuminateur de toute vie, une partie du bâtiment lui même.28 » La lumière est donc travaillée avec la couleur. Elle vient modifier notre perception du lieu et invoque notre relation à l’indicible. Mais ce travail de la couleur dans les architectures contemporaines et cultuelles voit son impact réduire au fil des années. En effet de nombreux édifices cultuelles renoncent à un aspect trop ostentatoire pouvant être engendrée par la couleur ou les motifs et recherche à obtenir un résultat minimaliste assumé. Dans ces réalisations, les volumes simples dénués d’artifice, font la part belle à la lumière. C’est le cas de l’église des Conques. Celle-ci est dépourvu de fresque et de tenture, ses parois se montrent nues. Pierre Soulages parle de l’église en ces termes: « Dès le début, je n’ai été animé que par la volonté de servir cette architecture telle qu’elle est parvenue jusqu’à nous, en respectant la pureté des lignes et des proportions, les modulations des tons de la pierre, l’ordonnance de la lumière, la vie d’un espace si particulier. Le but de ma recherche a été de les donner à voir29. ». Ainsi pour éclairer ses pierres sans en détruire les nuances, Soulages s’associe au verrier Jean Dominique (St Gobain). Ensemble, ils obtiennent un verre translucide non transparent a base de grains de verre blanc de différentes grosseurs, diffusant la lumière aussitôt que celle ci y pénètre. Ce rapprochement entre expérience artistique et expérience spirituelle, renvoie à la méditation et au recueillement nécessaire à un lieu de culte. Le but de Soulages dans cette oeuvre était de nous faire ressentir le sentiment du « Mysterium tremendum » (mystère qui fait frissonner), « nous retranch(ant) de la vie banale et nous amen(ant) à ce qu’il y a de plus profond en nous.30 » Ces réalisations minimales autours du vitrail, ont par la suite été 28 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, Chine, 2009, p48 29 BARRAL I ALTET (Xavier), Art & lumière, le vitrail contemporain, Edition de la Marinière, Paris, 2006, p104 30 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p55

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Chapelle de l’efflorescence, TC plus, Dilbeek (Belgique), 2011


réinterprétées dans d’autres édifices contemporains comme la Chapelle de l’Efflorescence. Elle est réhabilitée par TC Plus en 2012. Dans cette chapelle, les vitraux, textes religieux ou encore littographie sont conservés derrière des volets blancs. Lorsque le croyant arrive dans cette chapelle, l’espace perçu est blanc et vide. Il peut ouvrir certains volets et choisir les vitraux qu’il souhaite percevoir lors de son culte. Il crée sa propre atmosphère lumineuse et questionne la notion d’individualité dans le rite religieux. Le vitrail n’est plus un élément mural figé, mais au contraire, évolue au gré des besoins des croyants. ART COULEUR ET LUMIERE Ces travaux sur la lumière à la couleur sont donc bien présents dans l’architecture cultuelle contemporaine. Mais ces recherches ont nourrit et sont nourrit d’oeuvres d’artistes tel que James Turrell, Robert Irwin, Bill Viola ou encore Olafur Eliasson. Ces artistes recherchaient dans leur oeuvre, une sérénité absente des spectacles cinétiques de leur prédécesseur, qui en plus d’expérimenter la couleur et la lumière (artificielle dans certains cas), se prête à des attitudes mystiques et spirituelles. Dans l’installation, « The weather project », à la Tate Modern de Londres en 2003, Olafur Eliasson réalise une oeuvre se composant simplement d’un nuage de minuscules gouttes d’eau, produit par un tuyau d’arrosage percé, et éclairé par la lumière d’un projecteur. Apparait alors un phénomène optique d’arc en ciel dans l’espace de la galerie. La volonté d’Eliasson de travailler des matériaux impalpables (vapeur, lumière diffuse, ..) renvoie à une poétique du sublime : « l’oeil et l’imagination sont plus attirés par le lointain vaporeux que par ce qui s’offre aux yeux clairement et de près31 », notait le peintre Friedrich. La beauté de l’oeuvre ne réside pas dans des limites fixes mais relève de l’expérience vécue d’un espace indéfini, informe et perpétuellement mobile et lumineux. Le spectateur est invité à écouter ses sensations, en reliant le corps et l’esprit, à l’instar des traditions orientales. Plongé dans ce brouillard de couleur, le spectateur vit une expérience céleste entre sacré et profane. 31 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p55

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The weather project, Olafur Eliasson, Tate Modern, Londres, 2003 vue spectateur


The weather project, Olafur Eliasson, Tate Modern, Londres, 2003 vue d’en haut

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Haut :Skyspaces,James Turrell, maison d’assemblÊe de Live Oak,1999 Bas: blue, red and yellow pavilion., Ann Veronica Janssens, 2000


Cette dissolution des limites habituelles, et dans ce cas précis par la lumière et l’usage abondant de couleur, est un trait caractéristique de l’expérience spirituelle, et plus encore , mystique. « Les frontières entre le dedans et le dehors, le moi et le non-moi, le corps et le monde, sont brouillés, fondues, abolies. Le sujet se dissout dans un espace tout à coup grand ouvert, comme un océan sans bornes pour reprendre le titre d’une installation de Bill Viola32 » L’idée ici est que le visiteur/croyant est immergé dans un espace sans limite, lui permettant d’accéder à une expérience perceptive et sensorielle, « un élargissement de l’être33». On retrouve cette expérience dans le travail de Ann Veronica Janssens ; « blue, red and yellow pavilion ». Dans ce brouillard artificiel, le spectateur subit une instabilité permanente dans sa déambulation, qui a contrario, va intensifier sa perception de lui-même dans l’espace contraint. Enfin lorsqu’on parle d’expérience entre couleur et lumière, il semble évident de mentionner la travail de James Turrell, qui incarne le courant artistique dit « Light and Space ». En effet, l’artiste réalise de nombreuses installations où le module principal est la lumière, qu’il s’approprie et transforme pour créer une atmosphère. James Turrell réalise des « sculptures de lumière », ou seul la lumière et la couleur viennent remplir ces espaces à l’image de son travail pour The Light Inside, (Houston 1999) et notamment dans ces « Skyspaces » qu’il appelle « Environnements perceptuels ». Dans un espace clos, les spectateurs s’assoient sur des bancs disposés le long des murs, afin d’observer le ciel, perceptible grâce à l’installation de l’artiste. Turrell conçoit ainsi la maison d’assemblée de « Live Oak » pour la Société des Amis avec une ouverture dans le toit, où la notion de lumière prend dans ce cas une connotation spirituelle. L’artiste cherche ici à réunir les contraires: l’illimité et le limité, l’intériorité et la spatialité, le spirituel et le visuel et à réaliser « une présence sans contenu ». La lumière entrante semble peser physiquement sur celui qui la regarde et s’offre à cette voute céleste. 32 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p98

33 Bis, p98

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Chapelle Bruder Klaus, Peter Zumthor, Mechernich, Allemagne, 2007


II. 10 PERCEPTION DES MATIÈRES PAR LA LUMIÈRE Les matériaux choisis ont aussi un rôle et une influence très importante dans la création d’une ambiance. Ceux-ci vont réfléchir ou absorber la lumière plus ou moins intensément. Si la lumière peut être considérée comme un catalyseur de couleur, celle-ci peut donc également se révéler réciproquement via la matérialité du lieu. « On peut dire que la lumière, donatrice de toutes les présences, est créatrice d’un matériau, et le matériau a été créé pour projeter une ombre, et l’ombre appartient à la lumière.34 ». Le choix de la matérialité du lieu de culte est donc pensé en fonction de la manière dont la lumière va appréhender le matériau. Ainsi la plupart des dispositifs d’ouvertures zénithaux, sont accompagnés d’une paroi verticale ou appuyés sur un mur, mettant en avant la matérialité mais également en modulant la tessiture de la lumière, ses nuances. La lumière s’imprègne du nuancier de couleur propre à la matérialité et vient disperser ses couleurs dans le lieu de culte. « La lumière permet de conférer à l’espace un caractère sacré dans la relation qu’elle entretien avec la matière35». Ainsi par exemple, la matière (112 troncs de pin) et la lumière (zénithale) dans la chapelle St Nicolas réalisée par Zumthor entretiennent une révélation réciproque et ne peuvent exister l’un sans l’autre. De même dans le cas du futur projet de temple au Mont Tindaya dans les Iles canaris par Eduardo Chilida, la montagne est sculpté et évidé par des salles, corridor et puit imposant de lumière pour permettre à la lumière de voyager par ces espaces. L’idée pour le sculpteur architecte est de produire « une irradiation subtile qui semble inhérente à la pierre36 ». Par ailleurs les caractéristiques induites par la texture du matériau (mat, brillant, rugueux) sont révélées par la lumière mais vont avoir un impact important sur la perception de cette lumière. De par leur texture, c’est à dire leur relief micro ou macroscopique, ils vont jouer avec la lumière en laissant apparaitre certaines faces plus que d’autres, 34 KAHN (louis), Silence et lumière, Editions du Linteau, 1996, Paris, p164 35 BLAIZEAU (Marc), Construire l’ineffable, une architecture spirituelle pour un lieu de recueillement, mémoire master, 2016, p100 36 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, Chine, 2009, p218

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MosquĂŠe de Sanclakar, Emre Arolat Architects, Istanbul, 2007


certains aspects seront révélés tandis que d’autres « disparaitront » dans l’ombre. Cette relation au matériau varie selon les cultures. En effet en Asie, sont préférés des matériaux s’apparentant à «des stratifications d’ombre qui évoquent irrésistiblement les effets du temps37» , alors que pendant longtemps dans les espaces de culte européens ont été préféré les matériaux « qui condensent en eux tous les rayons du soleil 38». En Asie, les lieux de cultes sont principalement réalisé dans des matériaux mat et absorbant la lumière. Seul exception est faite des dorures réalisés à de nombreux endroits dans l’espace cultuel. Ces dorures concentrent l’attention du visiteur mais ne délivrent pas totalement leur éclat car les temples restent relativement sombres. Mais certains architectes prennent le parti de travailler la brillance du matériaux et ainsi augmenter la réflexion lumineuse sur celui-ci. Ils peuvent manipuler la lumière par le module du verre (comme vue précédemment avec les vitraux) mais peuvent aussi rendre réceptif des matériaux de base opaque. Plusieurs techniques peuvent être employés selon le matériau et l’effet de brillance voulue. Il est possible de lustrer le béton en appliquant de la cire ou une peinture au latex, ou en incorporant du quartz pulvérisé. Il en va de même pour le bois mat qui peut être poli ou frotté, et du métal, qui décapé au sable ou oxydé à l’acide présente une patine donnant des reflets lumineux. Certains architectes à l’instar de Tadao Ando vont imprimer des reliefs subtils directement dans leur béton, qui vient subtilement sculpter la surface sous l’action de la lumière. La surface du matériau est donc pensée par l’architecte pour influencer l’ambiance lumineuse du lieu que ce soit par sa couleur, ses caractéristiques de brillance ou encore son relief naturel ou artificiel. Mais le matériau peut également être directement un filtre de lumière à l’instar des vitraux. On retrouve plusieurs cas d’églises, où les ouvertures sont recouvertes de pierre d’albâtre. Ce matériau ancien, utilisé pour son épaisseur dans la construction, peut laisser passer la lumière selon sa finesse. C’est le cas dans la Cathédrale Notre Dame des Anges en Californie. Les vitraux sont 37 TANIZAKI (Junichiro), Eloge de l’ombre, Verdier, Lonrai, 2011, p63 38 Bis, p63

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Haut :Eglise catholique de Meggen, Franz Fueg, Meggen, Suisse 1966 Bas: Structure porteuse de l’Eglise catholique de Meggen


remplacés par des lamelles d’albâtre très fine formant ainsi un rideau minéral translucide. Le passage de la lumière par ces pierres produit un rayonnement rempli des nuances de la sédimentation des pierres au sein du lieu de culte, entre naturel et surnaturel. On retrouve ce travail dans la lumière à plus grande échelle dans l’eglise construite par Franz Fueg à Meggen en Suisse. Complètement entouré d’albatre, la lumière est douce et met en évidence les veines et particules de la pierre Le choix du matériaux est donc intimement lié à la lumière, à sa qualité, son orientation et à l’ambiance voulue (selon le culte et la culture choisie). .

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III. LA LUMIÈRE, ÉLÉMENT INHÉRENT AUX RITES ET AUX PERCEPTIONS SENSORIELLES

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MosquĂŠe de Sanclakar, Emre Arolat Architects, Istanbul, 2007


III. LA LUMIÈRE, ÉLÉMENT INHÉRENT AUX RITES ET AUX PERCEPTIONS SENSORIELLES III.1 SILENCE ET LUMIÈRE On éprouve des espaces à travers nos sens. Parmi eux, on note évidement la vue, maintes fois stimulée par la lumière, l’ombre ou la pénombre des espaces. Mais ce sens est dans les lieux de cultes très souvent couplé au silence. Ses lieux sont en effet avant tout des espaces de sérénité, de recueillement nécessitant ainsi, une atmosphère méditative souvent représenté par une absence de son. « Il faut du silence pour écouter son être1 ». Si cette caractéristique est propre à la plupart des espaces de culte, il n’existe pas, à proprement parlé, de dispositif précis pour permettre à l’architecte de créer une atmosphère de silence. Ce silence doit donc être pensé et mis en oeuvre de façon subtil par celui-ci. La création de volume sans limite, surdimensionné, produit un vide, censé allié la lumière et le silence. Ce vide par ses dimensions, d’un point de vue sonore peut favoriser l’écho et implique donc pour le croyant, d’éviter tout geste brusque ou parole trop haute pouvant le ou les détourner de la quête spirituelle. Mais, la création de ce vide, doit également faire perdre aux croyants le besoin de s’épancher. C’est à l’architecture de l’espace, par sa magnificence, son dépouillement, ses jeux de lumière changeant de rendre bouche bée le croyant. La stimulation visuelle prend le pas sur la stimulation sonore. « Le visiteur, environné de calme et de silence, sollicité par les jeux d’ombres et de lumière prend conscience de lui même et incline tout naturellement vers un état méditatif. 2» L’idée est ainsi de contrôler la lumière, pour donner au lieu cet atmosphère de silence qu’il nécessite. La pureté des formes, soulignée par la lumière changeante, invite ainsi le croyant à s’ouvrir spirituellement plutôt que par la parole. La lumière prend possession du vide pour le transformer en silence. L’architecte peut faire le choix de travailler plus précisément l’ombre, voir la pénombre dans le but de moins mobiliser le sens de la vue. Selon Takashi , l’ombre renferme par ailleurs une « épaisseur de silence3. » 1 NUSSAUME (Yann), Ando (Tadao), Pensées sur l’architecture et le paysage, 2014, p7 2 Bis, p7 3 TANIZAKI (Junichiro), Eloge de l’ombre, Verdier, Lonrai, 2011, p48

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D’après Palasmaa, « la vue est le sens de l’observateur solitaire, tandis qu’entendre crée un sentiment de relation et de solidarité, notre regard erre seul dans les profondeurs, mais le son de l’orgue nous rappelle immédiatement notre affinité à l’espace4. » L’absence de lumière peut ainsi conduire à mettre de coté la vue, au profit de l’écoute de l’espace et ainsi de ses sens. Si précédemment, l’accent a été mis sur le besoin de silence, les lieux de culte sont aussi des instruments de résonance. «Ces sons proviennent d’abord du célébrant, au fond du chœur, tantôt psalmodiant, ou parlant tantôt à voix haute, tantôt à voix basse. Lorsqu’il prie vers l’Est, dos aux fidèles, sa voix est dirigée vers l’abside puis revient vers la nef ; lorsqu’il se retourne vers l’assistance, le son se dirige directement vers l’Ouest. On observe donc à ce stade plusieurs niveaux d’intensité sonore : fort, lorsque le prêtre s’adresse à l’assemblée ; plus étouffé lorsqu’il s’adresse à Dieu, tourné vers l’Est, voire faible, sinon inaudible lorsqu’il prononce les paroles du Canon appelées secrètes. Mais la gamme de sons est plus variée encore si on tient compte que certaines prières sont prononcées au pied de l’autel en dialogue avec l’acolyte, d’autres au sommet des marches.5 » Ces espaces peuvent être destinés aux chants et aux proclamations. Il est donc évident que l’ambiance lumineuse doit permettre au croyant de se recueillir, sans être distrait par le vide alentour mais également, de lui permettre de se sentir bien et à l’oreille d’entendre ce que la voix dit. « Alors que l’oeil se pose, l’oreille écoute 6». Ombre et lumière doivent donc oeuvrer pour répondre à ce double objectif, voir son esprit et l’espace de prière. Cette analyse des conditions de la méditation autour du silence et de 4 PALASMAA (Juhani), Le regard des sens, Edition du Linteau, Paris, 2012, p57 5 « Espace, lumière et son dans l’architecture religieuse », Jean-Michel Leniaud, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, [En ligne], Publié le 15 avril 2011, http://eduscol.education.fr/cid46339/espace-lumiere-et-son-dans-l-architecture-religieuse.html 6 PALASMAA (Juhani), Le regard des sens, Edition du Linteau, Paris, 2012, p66


la lumière se retrouve également dans le travail d’artiste comme par exemple, celui d’Anish Kapoor. Dans son oeuvre Léviathan, le visiteur est immergé dans une sphère de dimension importante baignée d’une lumière violette. Bercés par cette lumière, les visiteurs vivent une expérience spirituelle sans relation avec la religion, mais qui les tient au silence. Ces espaces, rendent le visiteur dépassé par ce volume et cette lumière. Ils expérimentent ainsi à l’instar du lieu de culte, une dissolution de l’ego. Cette intimité avec le lieu s’accompagne ainsi d’un certain niveau de vertige et de peur. Cette peur au regard du lieu invite le visiteur au silence et au respect immédiat du lieu et peut ainsi engendrer une certaine perte de lui -même. Ainsi, on se rend compte que la lumière et le vide, mettent en place une atmosphère spécifique dans le lieu de culte. Le silence n’y est pas demandé spécifiquement, personne n’oblige les croyants à se taire mais pourtant ceux ci s’y astreigne sans réfléchir. Bien sur le fait de fait de méditer et de respecter les autres croyants implique ce silence. L’esprit méditatif inspire ainsi plus à observer, écouter sans le mot, sans commentaire. Le sens de la vue et la perception du silence viennent combler le besoin de parole. Mais pour un non croyant le simple respect des autres personnes dans le lieu de culte ne suffisent pas à expliquer le besoin de faire voeux de silence dans ce lieu. C’est donc bien le lieu qui par ses caractéristiques, sa lumière et l’importance du vide, vont donc adjoindre le visiteur du lieu de culte à devenir à son tour muet et à l’écoute des mouvements de son esprit et du lieu. Le traitement de la lumière implique le silence, indispensable au déroulement des différents rites selon le culte. III. 2 LUMIERE ET TEMPORALITE CYCLE DE LA LUMIÈRE Les lieux de culte, bénéficient pour la plupart de lumière naturelle. Ces espaces de culte vont être à même d’enregistrer les mouvements de la lumière selon une chorégraphie journalière, saisonnière, annuelle. En effet la lumière suit un rythme imposé par la course du soleil et d’élément climatique (au loi du temps). Ainsi les conditions de rayonnement sont dépendantes des différents rythmes temporels de la nature et vont changer de l’aube au crépuscule laissant place

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à la pénombre. Entre ces deux moments, la lumière telle une matière mobile, va selon des schémas propres, s’élever, disparaitre, réapparaitre avec des caractéristiques variées. Cette intensité mouvante est également couplée à des notions de tessitures (colorations) d’éclairement qui est lié au temps. Ainsi, les rayons lumineux viennent colorer le lieu de culte selon les saisons, la météo, les nuages. Les rayons font donc entrer les particularités du ciel, de la nature à l’intérieur de l’espace de culte. Ces éléments modifient également l’intensité des rayons, imposant une luminosité plus ou moins forte écho des espaces extérieurs. Ce cycle du soleil fait donc de la lumière une matière mobile directement lié à la notion du temps. Ces variations sont visibles et se ressentent à l’intérieur des bâtis. Le lieu de culte tel un réservoir lumineux devient le théâtre de l’orchestration de la lumière selon une mutation dans le temps bien caractéristique. Mais si l’évolution de l’éclairage naturel dans un lieu de culte est de façon visible, influencé par le temps qui passe, certains paramètres quant à la perception de la lumière sont à prendre en compte. En effet on peut noter deux perceptions différentes. La première objective et quantitative, est la perception du temps de manière physique basée selon une mesure mathématique du temps avec des unités définies (les heures, les jours, etc). Le principe de ce temps est la notion de passage, d’une seconde à une autre par exemple, et qui constitue une « durée pure » qui est donc considéré comme unidimensionnel. Dans ce cas précis, le « temps horloge 7» reste identique pour tous et n’est évidement pas modifié quel que soit le lieu. La lumière perçue de manière objective épouse le rythme solaire et vient se répéter tout au long des saisons. La deuxième perception du temps (selon le philosophe Bergson) est 7 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, 2009, p21


« la durée telle que la vit notre conscience8 » appelé temps vécu. Celleci est basée sur des notions subjectives et qualitatives qui s’apparente au temps vécu. Le croyant, loin des principes unidimensionnelle de durée, va développer son rythme propre dans le lieu de culte. D’après Henri Bergson, ce ressenti est rendu possible par la mémoire « qui introduit le passé dans le présent et rassemble plusieurs moments du temps en une intuition unique9. » Dans le cas du recueillement, se mêle le moment présent mais également les souvenirs et les moments passés du croyant. En se rappelant intérieurement les moments passés ou en laissant ses pensées divaguer, la perception du temps réelle est modifiée et non linéaire. Le temps revêt une grande diversité de formes temporelles. Le temps vécu, lors du culte va être en partie perçu, via la lumière reliant ainsi le temps solaire et le temps vécu lors du moment de recueillement. En effet quantité de temps et perception sensorielle se lient et se délient pendant le rite. Ainsi, durant ce moment, le croyant va par exemple s’attacher plus longuement à l’observation d’une raie de lumière balayant le mur et laissera ses pensées divaguer (notion de temps vécu) jusqu’a la disparition de cette lumière qui lui fera reprendre conscience du « temps horloge ». Cette perception du temps et de la lumière engendre parallèlement un sentiment d’éphémère et de passage du temps ou comme le dit Ando « où deux modes différents d’existence temporelle fusionnent, saisissant l’instant tout en offrant des aperçus d’éternité10 ». Cette relation entre temps vécu et temps perçu est en étroite corrélation avec l’image du temps qui passe. Elle est retranscrite par la lumière, son absence, puis sa présence dans les lieux de cultes, selon un cycle changeant. En effet, la corrélation lumière/temps est visible grâce au mouvement du soleil lié lui aussi au temps. La composante du mouvement dans la lumière du lieu de culte est importante et peut également avoir une valeur symbolique perceptible par le croyant. 8 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, 2009, p21 9 Bis, p20 10 Bis, p18

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Chapelle San Bernardo, Nicolรกs Campodonico, Argentine, 2015


Cette « poétique du mouvement » de la lumière comme l’évoque Le Corbusier à propos de son oeuvre de La Tourette est pensée par l’architecte comme une matière à part entière dans le lieu de culte. Cet élément animé, vient au grè des secondes, des minutes réinterpréter le lieu. L’esprit suit donc la prière tout en étant bercé par la lumière, écho du temps passé. Les jeux de mouvement de la lumière dans le lieu de culte sont exacerbés dans certains bâtiments car ils peuvent être assimilés à une présence. Ils peuvent aussi modeler l’espace en délivrant un message fort de manière universelle. La masse inerte, que représente le bâtiment vient donc sous l’action de la lumière revêtir différentes atmosphères selon les moyens de capter la lumière et devient « vivante » au rythme de celui-ci. Les lieux personnifiés semblent s’endormir et se réveiller au fil du temps et renvoient encore une fois à la notion d’une présence mystiques au sein même du lieu de culte qui évoluerait dans le temps. La lumière vient personnifier le bâtiment, en le faisant vivre en fonction du temps et du cycle lumineux. Dans le cas de la Chapelle San Bernardo en Argentine, on retrouve cette symbolique de la scénographie lumineuse. Ce lieu de culte présente une salle de prières au volume sphérique. L’emplacement de prière se trouve en face d’un haut mur de brique opaque éclairé en face par une ouverture large. Au centre de cette ouverture une barre verticale et une horizontale sont placées séparément. Si ces barres placées séparément dans l’ouverture n’ont pas de sens au premier regard, cette perception change lorsque la lumière traverse l’ouverture et vient projeter leur ombre à l’intérieur au niveau du mur de prière. Par conséquent, chaque jour, l’ombre de la barre verticale et horizontale, glissent le long de l’intérieur incurvé du volume, séparément d’abord jusqu’à se chevaucher et dessiner une croix. L’idée pour l’architecte ici, est d’utiliser le mouvement de la lumière via un dispositif simple, pour réaliser à un moment précis, une oeuvre symbolique à base d’ombre et de lumière. Cette croix d’ombre, symbole catholique traditionnel n’est pas représenté par des objets ou autres structures palpables qui seraient présents de manière permanente. Au contraire il joue sur la notion d’éphémère de la lumière.

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CathĂŠdrale de Pannonhalma,John Pawson, Hongrie, 1996


De même, le fait que cette apparition cruciforme soit liée au temps et aussi au mouvement prend une double symbolique. En effet, le dispositif met en lumière le rituel de crucifixion de Jésus (bible) sur le chemin du Golgotha. Ce rituel met également en avant une idée de lenteur, de temps mais aussi d’avancé du condamné et donc de mouvement. Cette idée de mouvement et de traversé qui se solde par l’apparition de la croix (de crucifixion a la fin du Golgota) est mise en exergue métaphoriquement. Les caractéristique de la lumière liées au temps, sont donc mises à profit dans la démarche architecturale pour témoigner d’une atmosphère spécifique, mais aussi pour délivrer un message simple aux croyants. Ainsi, la lumière est actrice du rite religieux et participe à créer une atmosphère très spécifique en un temps donné. Le mouvement de la lumière joue entre présence et absence, ombre et lumière. Il peut également être utilisé pour mettre en valeur certains éléments à une période donnée puis les effacer par l’action de l’ombre sur eux. On retrouve cette utilisation de l’ombre de manière épisodique dans l’église de John Pawson11. Cette église est relativement sombre durant les matinées et les après midi. En effet, pour l’architecte, la quantité d’ombre dans le lieu de culte était nécessaire et devait prévaloir pour que le croyant en dehors des messes, puissent dans la journée se fondre dans l’obscurité du lieu. Cependant si l’obscurité semblait nécessaire au recueillement de chacun dans cet espace de culte, le moment de la messe (entre 10h et 11h) devient le lieu de rites, de prières à hautes voix et de sermons au point de l’autel. L’architecte a pensé un système ingénieux de percement (réflexion sur l’orientation de l’église) pour que durant le laps de temps que dure la messe, l’autel soit mis en lumière. L’idée est donc de concentrer la lumière en un endroit précis durant une cérémonie spécifique. La sacralisation du rite est donc accompagnée par le cycle lumineux. La lumière, tel un projecteur, vient souligner l’importance de l’autel à un moment donné. Passé ce temps, le silence et l’ombre reprennent leur droit et accompagnent les recueillements solitaires. L’architecte utilise encore une fois la caractéristique de mobilité de la lumière pour créer 11 STEGERS (Rudolph), A design manual Sacred building, Ed Birkhauser, Londres, 2007, p78

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un événement lumineux, en un point et ainsi évoquer « un geste » du ciel. La lumière donne ainsi de l’importance aux rites et signalent de façon visible le début et la fin du recueillement du moins sous la forme de la messe. RYTHMIQUE DE LA TESSITURE Ainsi la temporalité de la lumière a un impact sur son tracé, son mouvement et induit une vision différente du lieu. Mais autre que le mouvement, la lumière évoque également une autre composante : la tessiture (coloration de l’ombre et de la lumière). Comme dit précédemment la lumière revêt différentes couleurs tout comme l’ombre peut contenir différentes nuances d’opacité. Ces variations sont en parties dû au lieu et au condition locale du soleil mais également dû au temps. Concernant l’ombre,du matin au soir, son intensité varie constamment. Le jeu des ombres projetés s’intensifie puis se déforme au fur et à mesure de l’évolution du soleil. Ces différentes nuances de lumière en font un bâtiment vivant, à même d’être en résonance avec nos affects du moment. La lumière est personnifiée. Cette relation entre rythme du soleil et résonance spirituelle prend tout son sens dans les églises de l’extrême nord de l’Europe de Juha Leiviska. S’y déploient toutes les techniques de modulation de la lumière et de la captation du ciel couplées à un rythme solaire complexe: « Ces espaces semblaient avoir dilaté le temps. A la manière d’un prisme qui ralentirait la propagation de la lumière en fonction de son indice de réfraction, les bâtiments ralentissent le temps par l’ensemble de leur dispositif spatiaux temporels. Le temps est le langage de la mémoire parce qu’il lui permet de s’exprimer. 12» Ainsi, la variation de tessiture de la lumière dans le lieu de culte, grâce à ces variations va faire référence au temps qui passe. L’évolution de la tessiture de la lumière, au même titre que la mouvance d’un raie de lumière va être capable de mettre en avant un élément précis de l’espace. 12 BAMBOU (Karim), « mémoire et temps, in le visiteur, n17 , Paris, Infolio, novembre 2011, p6

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MosquĂŠe Bait ur Rouf, Marina Tabassum, Dhaka, 2012


Mais plus encore, la tessiture en constante évolution dans le lieu de culte, reste un élément palpable, qui de façon tangible cette fois, peut sortir le croyant de sa quête spirituelle et devenir un élément visible et objectif sur le moment de la journée. (valable seulement si le dispositif d’ouverture ou l’espace de manière générale ne présente pas une couleur pouvant modifier la tessiture naturelle de la lumière). DISPOSITIFS GNOMONIQUES TEMPORELS « La gnomonique (du grec gnomon, indicateur) est l’art de concevoir, calculer et tracer des cadrans solaires. la gnomonique était utilisée chez les architectes grecs et romains dans les années -25 lors de la conception des bâtiments.13 » Cette volonté de lier lumière et temps, a été démontrée dans les derniers paragraphes. Mais, cette liaison a seulement été mise en évidence dans le cas d’un seul type de dispositif de lumière à la fois dans un lieu de culte (un seul type d’ouverture). Pourtant, certains bâtiments de culte prennent le parti de délivrer plusieurs atmosphères lumineuses liées à différents dispositifs lumineux ,et ce, couplés à des périodes de temps spécifiques. Ainsi, plusieurs atmosphères lumineuses se succèdent dans la journée, selon un rythme précis (très souvent liées aux rites). Comme évoqué, les séquences d’effets lumineux se succèdent mais proposent des atmosphères différentes. Par exemple, dans le temple de l’eau de Tadao Ando, plusieurs sortes de lumière transitoire sont exploitées dans ce temple, afin d’exprimer les croyances en la résurrection. Ainsi les différentes phases de la résurrection selon les écrits traditionnels japonais, prennent forme dans chaque atmosphères lumineuses traversées par le croyant durant sa journée au temple. Dans le cas de la mosquée Bait ur Rouf, toute l’architecture du lieu de culte est pensée, sculptée pour dispenser des ambiances lumineuses différentes rythmées dans le temps. Constituée de trois enveloppes de briques enveloppant des bassins d’ablution et une salle de prière, la mosquée présente une lumière changeant en permanence. 13 D’A (D’architecture) 249, novembre 2016, bibliothèque ENSAS, consulté le 22 novembre

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MosquĂŠe Bait ur Rouf, Marina Tabassum, Dhaka, 2012


La première peau de briques est ouverte à trois endroits et délivre le matin une lumière douce et diffuse. Puis une autre ouverture en façade, produit une ligne blanche traversant diagonalement un angle et butant sur le retour du mur. Ensuite, la lumière semble ruisseler sur le mur de brique dont les appareillages différents (françaises, boutisse ou encore en claire voie) viennent par leur ombre redessiner et creuser l’espace de prières. Enfin le plafond en béton perforé, projette au sol des ellipses de lumière qui se déplacent de midi jusqu’à la fin de la journée. « Le temps solaire accompagne le temps des fidèles et l’architecture commémore ici la gnomonique pour en faire un décor immatériel. Dans cette boite lumineuse où la matière est irradiée, on perd toute idée du site et du temps.14 » Les rythmes lumineux redéfinissent ainsi le rythme vécu. Ce ne sont plus les secondes ou les minutes qui font le temps mais les différentes séquences lumineuses. LA LUMIÈRE COMME BASE DE RITUEL La lumière grâce à ses composantes propres est un élément inhérent dans la conception du lieu de culte. Ces lieux de cultes sont sacralisés par les rites. Il est donc intéressant de voir que la lumière et plus précisément sa mobilité, est étudiée pour donner encore plus de sens à ces rites. Plus encore que dans le cas de l’église de John Pawson où la lumière illumine un moment du rite, la lumière peut elle même faire l’office de rite. Dans le cas de du temple de Cao’an en Chine, dernier temple manichéen encore existant au monde, on retrouve une statue Mani qui veut dire « Bouddha de lumière ». Ce temple à base carrée représentant la Terre et d’un toit circulaire représentant le ciel, est soutenu par huit Piliers orientés selon les points cardinaux. Il est composé de neuf salles dont une centrale. Chaque façade du Ming-Tang est associée à une saison et est percée de trois ouvertures en rapport avec les mois de la saison. Le Temple représente donc la lumière, sous son double aspect; spatial 14 D’A(D’architecture) 249, novembre 2016, bibliothèque ENSAS, consulté le 22 novembre

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avec les points cardinaux et temporel pour les saisons. Lors d’un des rites spirituels ordonnés, l’Empereur doit effectuer chaque mois une déambulation dans le Temple, en partant du centre jusqu’à un point du cycle. Ainsi, pour chaque mois donné, il doit se placer devant chacune des douze ouvertures relatives aux douze mois, pour y proclamer les prières destinées à réguler le pays selon les saisons. Le temps céleste fait ainsi l’objet d’une procession rituelle. PERCEPTION TEMPORELLE PROPRE Ainsi, la perception lumineuse par le croyant, évolue en fonction du cycle solaire et de l’intensité de la lumière selon le temps. Mais elle peut aussi varier en fonction du temps passé par le croyant dans un même lieu. Cet effet spatial et temporel est purement subjectif. C’est notre relation à l’espace et au temps qui semble changer par rapport à leur qualité et non le temps dans ses réalités physiques. L’idée est ici d’ «arrache(r) le visiteur du temps ordinaire pour le placer dans un temps abstrait15 ». Notre perception corporelle et mentale peut donc évoluer au contact d’un espace. L’image première du lieu de culte pour le croyant, peut être considérée comme «image primaire16» selon Gaston Bachelard. En fait, c’est la première impression ou vision du lieu qui va être imprimée dans notre mémoire immédiate. Cependant cette « image primaire » va ensuite laisser place à une nouvelle perception du lieu. Elle est due à une évolution de la vision de l’oeil mais aussi par le fait qu’en s’habituant au lieu et passé l’effet de surprise, l’image du lieu de culte et notamment de sa lumière vont être différentes de l’image primaire. Ces différences de perceptions sont notamment liées à la capacité mobile de l’oeil, à sa réaction à l’ombre et à la lumière, en fonction du temps. 15 BAMBOU (Karim), « mémoire et temps, in le visiteur, n17 , Paris, Infolio, novembre 2011,p6 16 PLUMMER (Henry), Architecte de la lumière, Editions Hazan, Chine, 2009 p54

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Church of light, Tadao Ando, Osaka (Japon), 1999


Par exemple en arrivant dans un espace sombre au premier abord, l’oeil va d’abord chercher le moindre point de lumière. Privé de lumière extérieure, l’esprit va instinctivement se diriger vers la lumière pour se déplacer (métaphore religieuse). Une fois habituée à cet espace, la perception du lieu est différente, les «couches d’épaisseur17» se désépaississent et font place aux détails de l’espace. Les limites du lieu réapparaissent peu à peu. Cette perception se lit dans l’église Church of Light de Tadao Ando. Le temps passé dans l’église, modifie la perception première de ce lieu. Tout d’abord, le croyant est enveloppé d’une obscurité presque totale mais face à une intensité lumineuse importante délivrée par l’ouverture en croix au fond de l’autel. Puis, à mesure que l’oeil s’habitue, l’espace se redessine et sort de sa noirceur. La croix de lumière devient un signe lumineux moins intense et vient redessiner l’espace de façon moins crue. La lumière semble ré-apparaitre au fur et à mesure du temps passé dans le lieu de culte, comme si la prière venait emmagasiner une partie de la lumière pour la restituer au croyant. SCÉNOGRAPHIE CORPORELLE Le temps de procession dans le lieu de culte joue aussi avec la lumière. Les lieux de culte peuvent être pensés comme des espaces de transition lumineuse forte avec l’extérieur. En effet, de nombreuses mosquées, églises ou synagogues sont pensées comme des espaces sombres. Le temps passé dans ces espaces sombres permet à l’oeil de s’accommoder à une certaine obscurité. Une fois le moment de recueillement effectué, la sortie de cet espace de culte vers un espace extérieur lumineux provoque un choc lumineux et visuel fort, comme un éblouissement, un éclair de luminosité (effet de contre jour). Cette transition peut être plus ou moins rapide et selon l’effet voulu rendre ce cheminement entre lieu de prière et monde extérieur progressif. Certains espaces de lieu de culte se pensent comme des passages initiatiques de l’obscurité à la lumière. De même le mouvement induit par le corps dans l’espace de culte modifie la perception visuelle et lumineuse. Les trois dimensions traditionnelles (x, y, z) ne sont donc pas les seules prises en compte dans l’appréhension du lieu. Il s’y ajoute une quatrième dimension correspondant aux déplacements 17 TANIZAKI (Junichiro), Eloge de l’ombre, Verdier, Lonrai, 2011, p32

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Petite chapelle de La Tourette, Le Corbusier, L’Arbresle,1960


successifs de l’oeil ou du corps. Le mouvement du corps ou encore de l’oeil modifie notre perception visuelle. Ainsi, par exemple, l’ouverture baignée de lumière d’une mosquée produit un certain visuel ou une certaine perception à un endroit du lieu de culte mais qui par le déplacement de l’oeil mobile dans le temps sera altéré et deviendra différente. Cette quatrième dimension est par ailleurs mentionnée par Le Corbusier au sujet du couvent de La Tourette et permettrait d’expérimenter un «moment d’évasion illimitée provoqué par une consonance exceptionnellement juste des moyens plastiques mis en oeuvre et par eux déclenchés 18» et serait ainsi traité comme apparition de l’ineffable. Ainsi, l’architecture cultuelle est fortement influencée par la dimension spatio-temporelle de la lumière. Les rites et les études gnomoniques sont en lien direct avec le rythme lumineux et viennent redonner aux volumes atones, des perceptions mobiles sous l’influence du temps et des moments de la journée. De par ses caractéristiques mobiles et éphémère, la lumière vient telle une présence, se signifier de manière palpable durant certains rites. Puis elle laisse derrière elle, l’ombre obscurcir à nouveau les lieux en son absence. Ce cycle lumineux offre donc une véritable expérience lumineuse à même de stimuler la perception du croyant et fabriquer des atmosphères en constant mouvement. Ces atmosphères lumineuses redéfinissent les notions de temps, faisant oublier aux croyants les repères physiques au profit d’une définition personnelle du temps cadencé par la lumière.

18 COLLECTIF, Le Corbusier: Le symbolisme, le sacré, la spiritualité, Edition de la Villette, Paris 2004, p10

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CONCLUSION

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Maquette en bois de l’Êglise Borromini de Rome, Mario Botta, Lugano, Suisse, 2003


CONCLUSION Dans ce mémoire, j’ai souhaité mettre en évidence la relation entre spiritualité, lumière et lieu de culte. Nous avons pu voir que la lumière était reliée à diverses religions de façon symboliques ou cultuels. Ce lien entre lumière et lieu de culte, est transcendé dans de nombreux édifices cultuels dont ceux cités ci-dessus. Les architectes des lieux de culte ont, par différents dispositifs architecturaux et différentes sensibilités propres, créé des atmosphères, à même de rendre possible le recueillement lors des rites et les pratiques spatiales induites. Ces ambiances lumineuses ont comme nous avons pu le voir permettre aux croyants de pratiquer leur culte en profitant du silence et d’un rapport au temps apaisé. Les points communs de tous ces édifices sont d’abriter des cultes propre à une religion. Cependant si la religion a été abordée et présente des connivences quant à la symbolique théologique de la lumière, les effets lumineux ont été traités dans leur ensemble et sans distinction de religion. Ici ce sont les atmosphères créées et véhiculées par la lumière qui sont mis en évidence et non une religion en particulier. Plus que l’aspect religieux de chaque édifice, je me suis attaché à parler en terme de spiritualité, de recueillement, de transcendance ou encore de contemplation. La méditation. Si ces moments sont possibles quelque soit l’endroit car ayant le « soi » comme figure centrale, « le fait d’extraire la personne de son milieu quotidien permet de faciliter le recueillement dans sa capacité de rupture face aux sollicitations et stimulations environnantes. L’isolement permet de se concentrer davantage sans être perturbé par ce qui nous entoure.1 » Ainsi s’il est possible de prier dans n’importe quel endroit, les croyants continuent de se rendre encore aujourd’hui dans les lieux de culte, hors de leur quotidien. Cependant si les lieux de cultes mettent à disposition l’isolement et la lumière nécessaire à aux rites de prières, n’est il pas possible de retrouver ces caractéristiques dans d’autres lieux? 1 BLAIZEAU (Marc), Construire l’ineffable, une architecture spirituelle pour un lieu de recueillement, mémoire master, 2016, p32

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Kolumba Museum, Peter Zumthor, Cologne, 2010


Ainsi les caractéristiques de lumière, de vide et de silence établi lors de ce mémoire pour les lieux de cultes ne peuvent ils pas être comparé à d’autres lieux profanes ou des lieux de spiritualité dénué de religion par exemple? Il est impossible d’imaginer la religiosité dans un espace profane. Cependant si l’on distingue la spiritualité de la religion, on peut imaginer des lieux pour des spiritualité sans dieu. Ou encore il serait possible d’envisager une spiritualité comme nouvelle religion laïque, et comme toute religion, elle aurait besoin d‘espace spécifique et symbolique. Il serait alors possible de retrouver une forme de transcendance dans le quotidien et non dans un d’au delà. Baudelaire disait «si la religion disparaissait du monde, c’est dans le coeur d’un athée qu’on la retrouverait2 » On pourrait ainsi considérer les musées, certains espaces d’expositions mais aussi des termes ou encore des funérariums. En effet, ces espaces comme les lieux de cultes bénéficient d’une attention particulière quant à l’atmosphère donnée par l’architecture. Le but de la lumière dans ces espaces, n’est pas d’être un élément fonctionnel mais plutôt de mettre en évidence un élément artistique ou autre, et de pousser les visiteurs (et non les croyants cette fois ci) à se plonger dans un état de méditation. En effet, le recueillement devant des oeuvres d’art peut être comparable dans un sens à quelque chose de sacré et de contemplatif. Dans un musée par exemple, devant une oeuvre d’art, on parle bas et la contemplation est au centre des préoccupations et de l’émotion esthétique. Dans ce moment de méditation, l’esprit voit, observe sans commentaire et attentif aux perceptions sensibles du milieu, architectural ou artistique. Il est donc possible de faire une corrélation entre la médiation des musées profanes et des lieux de cultes sacrés. Les caractéristiques lumineuses des musées et des lieux cultuels sont similaires pour de nombreux cas. Ainsi plusieurs architectes réalisent des lieux de culte et des lieux profanes en utilisant les mêmes procédés de lumière. On retrouve 2 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p4

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Haut : Chapelle Rothko, Philip Johnson, Houston, 1971 Bas: Monument à la tolérance, Eduardo Chillida, île Fuerteventura, phase projet


ce cas par exemple avec les architectes Campo Baeza, Richard Meier, Tadao Ando ou encore Peter Zumthor. Dans leur nombreuses réalisations, ces architectes travaillent la matière lumière en fonction de leur vision propre. La lumière ou l’ombre, dans ces cas, subliment l’ambiance du lieu et plongent le visiteur dans une phase méditative. De même, ces espaces peuvent pour un temps devenir sacré ou profane. En effet de plus en plus d’exposition ou d’installation artistiques prennent place dans des lieux de culte. Comme en 2009 où l’artiste Claudio Parmiggiani réalise une installation intitulé « Labyrinthe de verre brisé» dans l’église du Collège des Bernardins. De même le musée de Peter Zumthor à Cologne, fait office de lieu de culte une fois par an pour la Pâque chrétienne. Au vue des photos prises lors de ces événements, il est difficile sans connaitre le statut du bâtiment de déterminer que l’espace est celui d’un musée et non d’un lieu de culte. Via le contexte du lieu de culte, l’installation artistique peut être interprété par les spectateurs en plusieurs sens. Ce sens peut être perçu par les croyants et apporter une nouvelle signification à leur rites cultuels. Il en va ainsi dans la Chapelle Rothko. Cette chapelle commandée par Rothko était initialement destinée à être une chapelle catholique, qui au final deviendra une chapelle profane célébrant « l’obscurité de la peinture ». «Sacré et profane, loin de s’opposer, s’enlacent. 3» La lumière apparait ainsi comme le médium commun de la construction d’un espace méditatif et contemplatif. On peut donc se demander si la relation entre sacré et profane dans l’architecture a lieu d’être. Espace sacré et profane peuvent ainsi partager une capacité à moduler l’espace temps et les perceptions des croyants ou visiteurs grâce à leurs atmosphères lumineuses. Ainsi on peut se demander si la différence entre notre perception de certains espaces comme sacré et profanes tient finalement à la lumière, à notre projection propre ou à nos croyances et expectation quant au lieu?

3 FILLIOT (Philippe), illuminations profanes art contemporain et spiritualite, Scala, Paugres, 2014, p9

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BIBLIOGRAPHIE

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MAGASINE D’A, (D’architecture) 249, novembre 2016, bibliothèque ENSAS, consulté le 22 novembre


MEMOIRE CONSTANS (Aurelia), lumière naturelle créatrice d’ambiance, Mémoire, sous la direction de Mme Groueff, Ecole d’architecture de Marseille, septembre 2012 SALVIONE DESCHAMPS (Marie-Dina), Décrire l’indicible : connaissance et sauvegarde de l’éclairage naturel dans l’architecture sacrée moderne occidentale, Thèse sous la direction de J. Lévy, ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE, 15 mai 2013

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ANNEXES

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MausolÊe du Cimetière Monumental, Milan, Italie


ECHANTILLON PHOTOGRAPHIQUE Lors de vacances scolaires je suis allée 2 semaines en Chine (Xi an, Ping Yao et Shanghai) et 3 mois à Milan en Italie du Nord (Venise, Gènes, Turin). Durant mon voyage j’ai pu visité des temples, mosquée et églises. Voici un échantillon photographique de mon parcous.

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Haut: Eglise de Levano, Levano, Italie Bas: Duomo de Milan, Bramante, Milan Italie1386


Haut: Eglise de Venise Bas: Eglise de Gènes

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Grande mosquĂŠe de Xi an, Xi an, Chine, 742


Haut: Temple du Bouddha de jade, Shanghai, Chine, 1882 Bas: Eglise protestante de Ping Yao, Ping Yao, Chine

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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le religieux n’a pas disparu à l’âge contemporain. La question de la religion continue à avoir un impact sur notre société, l’architecture, l’art. La religiosité est partout, même si celle-ci prend de nouvelles formes dans notre société actuelle. Elle se pratique dans des lieux de culte que ce soit des églises, des mosquées, des synagogues ou encore des temples. Ces espaces sont sacralisés par les rites qui s’y déroulent et font état de croyances propres ou collectives. L’idée pour ces espaces architecturaux est de recueillir tel un écrin, les spécificités propres de leur liturgie et de symboliser concrètement en un lieu leurs valeurs. Mais si l’espace cultuel doit répondre à des critères architecturaux précis, ceux-ci sont avant tout pensés comme des lieux de recueillement, où le fidèle rencontre le transcendant. L’ambiance recherchée par l’architecte relève notamment de la lumière du lieu cultuel, son absence, son relief, sa couleur. En effet la plupart des lieux de cultes font l’objet d’une attention particulière concernant la lumière naturelle. « La contemplation de la lumière est en soi une chose plus excellente et plus belle que toutes les utilisations qu’on peut en faire» disait Bacon. L’architecture contient le rite, l’oriente et donne une ambiance lumineuse spécifique au lieu sacré. Dans ce mémoire, je vais m’intéresser à l’étroite relation entre lumière et spiritualité dans les lieux cultuels et comment la matière lumière peut être révélatrice du sacré. Comment la stimulation lumineuse dans les lieux de cultes est vecteur d’émotion et de quête spirituelle? Comment la stimulation lumineuse dans les lieux de cultes est vecteur d’émotion et de quête spirituelle? Entre ombre sacrée et lumière profane, comment l’architecture permet elle le recueillement et la méditation?


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