Jungle Trip 1
par Paola et Manon
Calais
50°57′06″ N 1°51′22″ E
Jour 1
samedi 12 mars 2016 10H00 :
Arrivée au local de l’auberge des migrants, une des associations établies depuis le plus longtemps à Calais.
> l’adresse du hangar est tenue secrète pour échapper aux contrôles de la mairie - d’après les dires des bénévoles
10H20 :
Après s’être inscrit, nous aidons les bénévoles à trier les nombreuses donations et à préparer des kits d’affaires qui seront distribués à Grande Synthe et sur la Jungle de Calais.
> nous remarquons qu’une grande majorité des bénévoles sont Anglais, il y a peu de Français et surtout très peu de Calaisiens.
11H15 :
C’est l’heure de la pause avec un thé ou un café offert par l’association, tout le monde discute. Les conversations sont plus ou moins légères. Certains parlent de leurs expériences dans la Jungle. Elle semble encore très loin de cet environnement.
11h45 :
On reçoit de mauvaises nouvelles de la Jungle: des militants d’extrême droite ont manifesté dans le centre-ville dans la matinée puis sont allés barricader l’entrée principale de la Jungle. La tension monte. Nous ne pourrons peutêtre pas y aller cet après-midi.
13h00 :
C’est l’heure du déjeuner, on fait la queue pour avoir son assiette puis on se pose dehors au soleil. L’ambiance est douce et chaude. On bavarde.
13h45 :
Julien, notre contact sur Calais, revient de la Jungle et nous explique que la tension est descendue. Il y a eu des blessés ce matin à cause de tensions entre migrants et militants d’extrême droite. Il a accompagné un kurde à l’hôpital. Mais maintenant le calme est rétabli. Nous irons dans la Jungle cet après-midi.
14H45 :
Départ de l’Auberge des Migrants pour la Jungle avec Julien. Dans la voiture il nous explique le parcours qui l’a mené à construire 500 abris dans la Jungle depuis le mois de juillet 2015.
15h05 :
Julien se gare aux abords de la Jungle, zone industrielle aux odeurs de soufre. présence humaine dans la rue sont les 4 de CRS sur le bord de la route. On peut frontière avec l’Angleterre.
15H15 :
Pour rentrer dans la Jungle, on passe sous un haut pont de nationale, puis on longe un petit terrain vague où des jeunes jouent au foot. On arrive à un croisement. A notre droite la zone Sud, encore fumante, à notre gauche la zone Nord avec sa rue commerçante pleine de vie - c’est encore l’endroit le plus vivant que l’on a pu voir dans Calais.
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15H20 :
Après quelques dizaines de mètres sur la rue commerçante, on se faufile entre des abris sur notre droite. Julien veut nous présenter à un groupe de syriens. On les trouve, Julien leur a ramené du thé, du riz, des biscuits... Ils sont très heureux de nous voir et nous proposent de boire un thé avec eux. Nous buvons et discutons puis repartons.
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16h00 :
Julien nous emmène voir les tentes de la Croix Rouge, au Nord de la Jungle. Les bénévoles sont interdits sur le site. Sur 400 places théoriques disponibles dans les tentes, seules 80 sont effectives ; à cause des fortes rafales de vents, les tentes se sont pour la plupart effondrées. Deux semaines auparavant, un migrant s’est fait broyer la jamble lorsque la structure métallique de la tente s’est effondrée sur lui.
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16h15 :
Nous passons devant les nouveaux conteneurs financés par l’Etat Français et gérés par la société Vie Active. Les conteneurs sont entourés de grillages. Pour entrer ou sortir du camp il faut passer par l’entrée principale. Elle s’ouvre aux migrants qui ont au préalable soumis leurs empreintes palmaires. La durée maximale de séjour est de 2 semaines.
dans une La seule camions voir la
16h35 :
Nous nous dirigeons vers le quartier des soudanais au Nord du lac qui divise la Jungle en zone Nord et zone Sud. Nous passons dans une zone où des caravanes sont alignées. Des enfants courent et jouent dans la terre. Julien nous explique que c’est la zone réservée aux familles.
16h40 :
Nous passons devant le lac. Il est plein de déchets. Julien nous explique que l’eau n’est pas potable et que de nombreux migrants ont attrapé des infections en buvant cette eau aux débuts de la Jungle.
16h45 :
Nous arrivons chez les soudanais. Ils nous accueillent avec le sourire. Il commence à faire froid, nous nous réunissons dans la cuisine. Nous buvons un thé autour de leur beau poêle. Ils nous racontent qu’un bénévole anglais le leur a construit. Ils nous racontent leurs parcours, leurs vies, leurs envies. Nous partageons une cigarette, c’est un beau moment.
18h15 :
Le soleil commence à tomber, nous partons rencontrer un autre groupe de soudanais dans la partie Sud.
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18h20 :
Nous rencontrons rapidement l’autre groupe de Soudanais, dehors autour d’un feu. Julien leur donne quelques provisions et nous repartons dans la zone Sud.
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18h30 :
Nous marchons jusqu’à l’école, survivante du démantèlement de la zone Sud. On entre-aperçoit une église au loin. Un cours de français y est donné. Toute la zone est encore fumante. Quelques personnes essaient de récupérer du bois des abris pour se chauffer. Nous quittons la Jungle à 19h.
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vues d’ensemble
un chez soi brulĂŠ Ă vif paroles aux objets
Jour 2
dimanche 13 mars 2016 12H10 :
Nous arrivons aux abords de la Jungle. Nous rejoignons Yasmine Bouagga et Lisa Mandel pour faire un tour de la Jungle avec elles. Lisa et Yasmine viennent régulièrement sur la Jungle depuis près d’un mois pour rencontrer les gens, écouter leurs témoignages puis reporter ce qu’elles voient dans le Monde. Yasmine est une sociologue franco-tunisienne et Lisa une dessinatrice française. Yasmine parle aux migrants et traduit de l’arabe, puis Lisa dessine de courtes BD de nouvelles de la Jungle pour le Monde.
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12H20 :
Nous traversons la rue commerçante. Avec ses restaurants, salons de thé, épiceries et coiffeurs, elle est le coeur de la Jungle. Julien nous avait expliqué la veille que tous les commerces appartiennent aux afghans. Ils ont beaucoup de mal à obtenir une demande d’asile en France ou en Angleterre, alors ils choisissent de rester sur la Jungle et d’ouvrir un commerce pour avoir une source de revenus. Aujourd’hui il faut payer plus de 1000 euros pour avoir un emplacement commercial dans la Jungle.
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12H30 :
On part à la rencontre d’un groupe d’afghans que Yasmine et Lisa connaissent. Ils sont assis au soleil sur un tapis brodé, à côté de leur abri. à notre venue ils se lèvent, embrassent chaudement Yasmine qui est la seule à parler l’arabe, nous font de la place pour qu’on s’assoit avec eux. Ils nous proposent aussi de prendre un thé. Ils savent que Lisa est dessinatrice et lui demandent de leur tirer le portrait. Elle gribouille un dessin en cinq minutes. On les quitte après quelques minutes pour aller vers la zone Sud.
12H45 :
Nous revenons donc sur nos pas à travers l’allée commerçante. On s’approche de 13:00 et ça commence à remuer dans les restaurants.
12h55 :
On découvre en plein jour le paysage désolant et fumant de la zone Sud démantelée. On aperçoit, au milieu de rien, le centre juridique où des avocats bénévoles aident les migrants à entammer des procédures de demande d’asile ou de rapprochement familial pour les mineurs isolés.
13h15 :
On se dirige vers le chemin des Dunes qui longe la Jungle à sa droite. On voit quelques abris, qui restent quand même rares et essaimés. Des appels à la prière retentissent dans la Jungle. On voit un imam soudanais avec son mégaphone, appelant les croyants.
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13h20 :
On marche dans la partie soudanaise, au Nord de la Jungle, quand Manon tombe sur une pierre tombale. On s’arrête, on regarde de plus près et on découvre un ancien cimetière au milieu des abris. Des pierres tombales sont retournées. De vieux matelas sont éparpillés sur des tombes entre-ouvertes. Nous restons sans voix.
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13h30 :
On revient sur le chemin des Dunes. On passe devant l’entrée du camp de conteneurs. Le dispositif est impressionnant. Des CRS sont postés devant, on dirait une prison.
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13h45 :
En continuant sur le chemin des Dunes, on arrive au centre Jules Ferry où des femmes, enfants et mineurs sont hébergés. C’est aussi le seul endroit où les migrants peuvent prendre une douche - la queue est interminable tous les jours.
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14h00 :
On continue à marcher pour essayer de comprendre à quelle distance se trouve la mer de la Jungle. On tombe sur un bunker ouvert et abandonné. Quelques hommes sont en train de jouer de la musique et de rigoler non loin de là.
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Nous quittons la Jungle vers 14h40.
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manon.paola.calais@gmail.com