Jungle Trip 2

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Jungle Trip 2

par Paola et Manon


Calais


50°57′06″ N 1°51′22″ E


Jour 1


lundi 23 mai 2016 10H00 :

Arrivée au local de l’Auberge des Migrants pour une matinée de bénévolat. Nous nous inscrivons et aidons à trier les vêtements des donnations. La chaîne de tri a changée et fonctionne mieux qu’avant. On doit être une douzaine de bénévoles à trier au même poste, le seul occupé, et on ne sait pas vraiment en quoi notre travail est utile : quand on est arrivé, on ne nous a pas expliqué l’ensemble du travail de l’Auberge et on a un peu le sentiment d’être de la maind’oeuvre. > aujourd’hui il y a très peu de monde à l’Auberge. Il y a surtout des anglophones : des anglais, allemands, américains ou encore italiens mais peu de français

11H15 :

C’est le rituel de la pause café où l’on en profite pour discuter avec quelques bénévoles et visiter le hangar construction de l’Auberge. On nous raconte que les dernières semaines ont été compliquées, ils n’ont pu construire aucun abri à cause du manque de donations et parce que l’accès à la Jungle était difficile.

12H15 :

On déjeune dehors. La nourriture a été préparée par des bénévoles et elle sera aussi distribuée plus tard sur la Jungle pour les migrants.

13h05 :

On demande à une bénévole anglaise s’ils ont le projet de faire de nouveaux abris dans les jours à venir. Dans deux semaines, ils espèrent pouvoir construire une cinquantaine d’abris. Ils sont en train de préparer quelques kits qui seront ensuite assemblés à l’Auberge des Migrants, pour être acheminés et terminés sur la Jungle. Elle nous explique qu’ils sont très méthodiques : ils assemblent les abris dans l’après-midi et les amènent sur la Jungle au petit matin pour ne pas créer de conflit entre les migrants pour savoir à qui sera l’abri. Pour venir aider à la construction, il nous faut rester un minimum de cinq jours pour avoir assez de temps pour nous former et que l’on soit productif.




Jour 1


lundi 23 mai 2016

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14H00 :

On arrive aux abords la Jungle. L’accès à l’autoroute est toujours fermé et entouré de CRS, on aperçoit aussi quelques géomètres. On suppose qu’ils sont venus faire des mesures pour prolonger les barrières jusqu’à l’entrée de la Jungle.

14h05 :

On entre par la partie Sud de la Jungle pour découvrir un paysage tout à fait différent de la première fois. Ce terrain qui était semblable à un crématorium d’abris à notre première visite, nous apparaît cette fois comme un grand espace vert. Des plantes ont poussé de partout dans cette terre pleine de déchets. Après avoir démantelé la zone Sud, le gouvernement a entrepris de retourner la terre du terrain, enfouissant les vestiges de cette zone de la Jungle sur à peine quelques centimètres. On peut y voir toutes sortes d’objets recouverts de végétaux. Ça reste quand même un no man’s land: les premières baraques visibles sont à une soixantaine de mètres. On commence à ramasser les feuilles des différentes plantes que l’on voit. Les gens nous regardent, demandent si l’on a perdu quelque chose. On retrouve l’église et l’école marquées lors de notre première juridique a quant à lui disparu deux jours après notre première

qui nous avaient visite. L’espace - il a brûlé visite.

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14H20 :

Au milieu du vide, un grand terrain de foot en sable a été installé. Personne ne l’occupe.

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14H30 :

On discute rapidement avec un groupe de soudanais autour d’un feu puis avec deux afghans qui sont dans les tentes de Médecins du Monde, à côté du terrain de foot. Ils sont venus recharger leurs téléphones. L’un deux seulement parle anglais, on discute quelques minutes.



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14H45 :

On remonte vers le Nord de la Jungle par le chemin des Dunes. On s’arrête chez un groupe d’afghans qui veut nous faire goûter sont ragoût.

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14H55 :

On passe devant l’entrée des conteneurs, on commence à parler à un jeune homme marocain qui est arrivé la semaine dernière. Il parle français avec nous. Son but à lui est de rester en France et de se trouver un travail. Un bénévole de l’association Audasse vient nous parler rapidement, avant de discuter avec un migrant en arabe. Il semble lui proposer une place en CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) vers Marseille, l’homme refuse, il veut aller à Paris.

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15h15 :

On va jusqu’au centre Jules Ferry. On remarque que la zone Nord s’est beaucoup développée dans cette direction. Ça contraste avec le désert humain qu’on vient de traverser : ici c’est très animé, d’autant plus qu’on est sur la fin des heures de distribution de repas par les associations. La Jungle semble être poussée de plus en plus vers la mer. Les ex-habitants de la zone Sud ont densifié cette partie de la Jungle, ce sont surtout des soudanais qui habitent dans cette aire. On se rend compte quand même qu’il y a moins de monde qu’il y a un peu plus d’un mois. Certains ont du vouloir partir et s’installer ailleurs en petit groupe.

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15h35 :

On rencontre Ahmat, un jeune soudanais chez qui on ira cuisiner plus tard dans la semaine.

15h50 :

On contourne les conteneurs, monte sur une bute à l’ouest de ceux-ci et on réalise que la zone occupée par les conteneurs a beaucoup augmentée. Toute la zone inondable dont Julien nous avait parlé la première fois est maintenant investie.

16h00 :

On continue notre chemin, en croisant un afghan qui était modèle de fitness et un groupe de trois érythréens avec qui on discute brièvement sur la


qualité d’un matelas laissé là. On arrive à un moment à un endroit plutôt agité, signe qu’on n’est plus très loin de la rue commerçante : on est derrière une mosquée, où les hommes, à la sortie, préparent le thé en grande quantité et jouent aux échecs avec entrain. À eux se mêlent quelques européens qui prennent le thé ou qui regardent la partie, c’est une ambiance joyeuse. On trouve un papier recouvert de texte en arabe dans le sol. On dirait un calendrier, les jours sont comptés et répertoriés.

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16H30 :

On passe dans la rue commerçante, toujours aussi active. On entre dans une boulangerie tenue par trois pakistanais. On commande des naans qu’ils préparent devant nous. On est impressioné par le grand four professionnel qu’ils ont.

17H00 :

On sort de la Jungle en mangeant nos naans, avec les joues rouges de s’être penché au dessus du four.









Jour 1


les cuisines de la jungle



cuisine afghanne


On était sur le chemin des Dunes, en marchant lentement et en regardant avec des grands yeux tout ce qu’il y avait de nouveau, quand y’a quelqu’un qui nous interpelle. Il est dans une petite baraque d’où sort une odeur de plat mijoté. Il insiste par des signes de mains et des “come come !” alors on come, et : “- What is this ? It smells sooo good ! - It’s duck ! - Duck ? Like ... a duck ? - Yes it’s a duck ! - Well it’s a big one. Where did you get that ? Ouh this smell ... Can I take just one picture of the meal ? Just the meal, I show you after”






boulangerie pakistanaise


Il était 16h30, on avait un p’tit creux et on était dans la rue commerçante où y’a plein de restaurants et salons de thés, et puis on a croisé une boulangerie pakistanaise “3 naans = 1 euros”, alors on s’est mis devant la vitrine, ils nous ont fait signe de rentrer. On a demandé 6 naans et à l’intérieur il faisait une chaleur de bête. Le four de l’extérieur ressemble à un lavevaisselle. À l’intérieur c’est une grande cuve avec des pierres qui chauffent au fond. Quand on se penche au dessus les joues tournent vite au rouge. Quand le naan est formé, il est posé sur un coussin qui est pris à la main et à l’aide duquel le naan est collé sur les bords de la cuve et y reste fixé car il a été un peu arrosé avant. Chacun regarde les gestes rapides et précis avec une grande attention et une foule de questions qui arrivent en tête. “Why do you mark it with the base of the bottle ? Why do you wet it ? Aren’t you to hot spending your day in your bakery ?” Il fait tellement chaud qu’Arthur se met sur le seuil de la porte. Tout le monde rit parce que Paola est très rouge. Ça sent bon le pain cuit à l’intérieur. On repart avec nos naans emballés dans un papier d’alu. On se remet en route en goûtant, puis on rebrousse chemin pour adresser un grand pouce aux pakistanais pour les remercier et leur faire comprendre que c’est vraiment très bon.








cuisine soudanaise


On était chemin des Dunes, et on venait juste de découvrir un ragoût de canard. On voulait continuer jusqu’au bout pour voir à quel point ça a changé. La route qui avant était déserte est maintenant presque aussi animée que la rue commerçante, sauf qu’il y a principalement des baraques pour dormir ou passer la journée. L’heure du déjeuner était passée, et on voyait des casseroles et des gobelets, couteaux, bols posés sur des palettes pour sécher. Alors on s’est arrêté pour bien regarder, là y’a quelqu’un qui sort, qui dit “Bonjour !”. On sourit de voir quelqu’un parler français ici, on entamme la conversation.









Jour 2


vendredi 27 mai 2016


On rencontre Ahmat le lundi 23 mai. On marche le long du chemin des Dunes qui longe la Jungle sur la droite, sur le retour du centre Jules Ferry, lorsque l’on croise le regard de ce soudanais de dix-sept ans et d’un mètre quatre-vingt. Il se tient au bord du chemin devant des abris. à côté de lui des casseroles noircies par le feu sèchent au soleil sur une petite table en bois. Manon, curieuse, lui demande si elle peut prendre une photo de la cuisine improvisée. Il nous répond avec un grand sourire dans un français précis. Après quelques clichés, il nous invite à entrer dans le premier des abris. C’est la cuisine, où six hommes sont assis sur des fauteuils, des canapés ou des tabourets. Ils discutent, une cigarette à la bouche et un thé à la main. Ahmat nous présente, on entame la discussion dans un anglais assez primaire. Avant de repartir, on demande à Ahmat s’il serait possible de cuisiner avec lui et ses amis. On reviendra quatre jours plus tard, courses en main, pour partager un déjeuner avec ce joyeux groupe de soudanais. On a envie de leur faire découvrir un plat un peu traditionnel. Bien qu’on n’ai pas parlé de religion, on écarte vite l’idée de faire un coq au vin ou une blanquette de veau, ou de manière général un plat à base de viande, et on opte pour des galettes bretonnes. En arrivant, on retrouve Ahmat dans la cuisine, assis sur un canapé avec trois des amis avec qui il partage la cuisine. Ils sont tous plus âgés que lui, les deux premiers doivent avoir la vingtaine et le troisième, la quarantaine. Ahmat porte un gros pull vert avec


écrit dessus “I ♥ LONDON”. Il nous raconte qu’il veut pourtant rester en France pour essayer de faire des études ou trouver un travail. Il nous prépare un thé à la soudanaise, c’est à dire une petite tasse de thé avec deux à trois cuillères à soupe de sucre. On a rammené des petis gâteaux brésiliens à la noix de coco, des brigadeiros. On les a cuisiné la veille chez Manon. Ils les goûtent avec un mélange d’amusement et de réticence mais se resservent vite. Après quelques minutes de discussion, Ahmat nous ramène des légumes frais pour commencer à cuisiner. On pèle et coupe les légumes au fond de l’abri sur une petite table pendant qu’Arthur discute de foot avec le groupe de soudanais. Ils partagent la cuisine à 8. Il y a toujours du mouvement, les gens vont et viennent pour dire bonjour et parfois s’arrêter et boire un thé. Tout le monde est le bienvenu et tout invité se voit proposer un thé. On commence à cuisiner sur le poêle nos champignons et oignons pour des galettes forestières. Arthur nous racontera plus tard qu’un rat se baladait entre nos jambes pour nous tenir compagnie. Lorsque c’est prêt on se met à table avec tous les hommes de la maison, on est alors une petite dizaine. On se partage les quatre galettes en mangeant ensemble avec les mains. On discute, on rit, on mange. Après avoir mangé, on nettoie la cusine puis on discute autour d’un thé. Ils nous racontent des histoires de chez eux, de leur familles et de leur envies. Ahmat nous propose de revenir après ramadan pour qu’ils nous cuisinent un plat soudanais cette fois-ci. On a hâte.




manon.paola.calais@gmail.com


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