Traditions céramiques et savoir-faire techniques au Néolithique ancien

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1 Dicembre 2015 Palazzo Matteucci, Pisa

Le résumé

Traditions céramiques et savoir-faire techniques au Néolithique ancien Méthodes et apports de l'approche anthropologique des assemblages céramiques à la compréhension des premières communautés agro-pastrorales d'Europe continentale

Louise Gomart Post-doctorante UNS Nice - CEPAM, équipe P2EST

© Y. NAZE (CNRS – UMR8215 Trajectoires)

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Introduction : Le Néolithique ancien européen : des questions en suspens Les questions relatives à l’origine et à l’identité des agro-pasteurs européens, à leur mobilité, à la possible intégration de chasseurs-cueilleurs au sein des communautés agro-pastorales sont au cœur de mes recherches. Trois terrains d’étude seront abordés dans le cadre de cette présentation : - Les débuts du Néolithique ancien balkanique en Bulgarie - La zone de jonction entre le Néolithique ancien balkanique et le Rubané en Hongrie - La phase finale d’expansion du Rubané en Europe centre-occidentale

I- Présupposés méthodologiques Mon objectif est de restituer les chaînes opératoires de fabrication des poteries, afin d’identifier des habitudes motrices transmises sur le long terme au sein de communautés de pratique. Offrant un accès direct à l’individu au travers des gestes qu’il apprend et transmet à son tour, cette approche permet de suivre à une échelle très fine les réseaux de filiation et d’interaction, ainsi que les migrations individuelles et collectives. Vocabulaire méthodologique : -

Chaîne opératoire : série d’actions qui transforme une matière première en objet fini (Cresswell 1987) Tradition : ce qui d’un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui à leur tour, au fil des générations, la transmettent (Bonte et Izard 2010). Technique : modalités physiques selon lesquelles un matériau est transformé (Roux 1994). Ex : technique du colombin Méthode : séquence ordonnée d’opérations fonctionnelles (Roux 1994). Ex : ébauchage au colombin puis mise en forme par battage) Procédé : stratégie de mise en œuvre de la technique (Roux 1994). Ex : colombins joints en biseau externe). Ébauche : volume creux qui ne présente pas les caractéristiques géométriques finales du récipient (Roux 1994) Préforme : volume creux qui présente les caractéristiques géométriques finales du récipient sans pour autant avoir subi des opérations de finition (Roux 1994).

* Bibliographie indicative : Livingstone Smith A. (2001) – Chaîne opératoire de la poterie : références ethnographiques, analyses et reconstitution. Bruxelles, Université libre, Faculté de Philosophie et Lettres, Thèse de Doctorat en Philosophie et Lettres, 203 p. (disponible online) Roux V. (1994) – La Technique du tournage : définition et reconnaissance par les macrotraces. In: Binder D., Courtin J. (Eds.), Terre cuite et société, la céramique, document technique, économique, culturel. Actes des XIV rencontres internationales d’archéologie et d’Histoire d’Antibes, 21-23 octobre 1993, Juans-les-Pins, APCDA, p. 45-58. èmes

Roux V. (2010) – Lecture anthropologique des assemblages céramiques : fondements et mise en œuvre de l’analyse technologique. In: Giligny F., Mery S. (Eds.), Approches de la chaîne opératoire de la céramique : le façonnage. Les nouvelles de l’Archéologie, 119, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, p. 4-9. (disponible online) Roux V. (2011) – Anthropological interpretation of ceramic assemblages: foundations and implementations of technological analysis. In: Scarcella S. (Ed.), Archaeological Ceramics: A Review of Current Research. Oxford, BAR International Series 2193, p.80-88. (disponible online)

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II- Première étude de cas : Les marges occidentales du Rubané (nord-est de la France et Belgique) : de l’approche multi-échelles des savoir-faire céramiques aux dynamiques d’implantation des agro-pasteurs Au travers de ce premier exemple, nous nous intéresserons aux savoir-faire techniques mis en œuvre par les producteurs de la céramique rubanée, par l’étude de huit sites localisés dans le quart nord-est de la France et en Belgique (5300-4900 av. J.C.). Les études typologiques de la céramique rubanée avaient abouti à une perception plutôt homogène des assemblages et l’analyse des décors avait permis la mise au point de séquences chronologiques particulièrement précises. Pourtant, plusieurs questions restaient en suspens, en particulier sur le contexte de production des vases, ainsi que sur l’origine des producteurs de la céramique dite du Limbourg, présente en petite quantité sur certains sites de la zone d’étude, qui se distingue de la céramique rubanée par une forme et un dégraissant spécifiques. Dans chacun des villages étudiés, il semble que la production céramique ait eu lieu à l’échelle de la maisonnée, bien qu’il ne soit pas possible d’exclure des formes de coopération entre maisons voire entre villages. La mise en perspective chronologique et spatiale des résultats technologiques à l’échelle intrasite permet de supposer que les dynamiques d’implantation des producteurs à l’échelle locale différaient d’un site à l’autre. À l’échelle macro-régionale, une distribution préférentielle des différentes traditions techniques dans certaines régions de peuplement a pu être observée, parfois tout au long de la séquence. Cette répartition pourrait suggérer des contacts privilégiés entre certaines zones de peuplement rubané, qu’il s’agisse de la circulation de savoir-faire, de récipients ou d’individus. L’étude technologique des vases Limbourg révèle des manières de faire variées. Il est possible d’opposer un Limbourg « standard », dont les caractères formels et techniques sont homogènes et dont la distribution est transrégionale à un Limbourg « imité ». Les vases Limbourg « imités » présentent des caractères formels typiques du Limbourg « standards », mais ils ont été façonnés selon des traditions majoritairement employées pour la réalisation des vases rubanés. Ce résultat original permet d’envisager que les vases Limbourg avaient un statut tout à fait particulier pour les communautés rubanées et conduit à formuler plusieurs hypothèses sur l’identité de leurs fabricants.

* Bibliographie indicative : Gomart L., Burnez-Lanotte L. (2012) – Techniques de façonnage, production céramique et identité de potiers : une approche technologique de la céramique de style non rubané du site du Staberg à Rosmeer (Limbourg, Belgique), Bulletin de la Société Préhistorique Française, 109, 2, p. 231-250. Gomart L. (2014) – Traditions techniques et production céramique au Néolithique ancien. Étude de huit sites rubanés du nord est de la France et de Belgique. Sidestone Press, Leiden, 342 p. (disponible online). Gomart L., Hachem L., Hamon C., Giligny F., Ilett M. (2015) – Households integration within Neolithic villages: a new model for the Lbk in central-western Europe, Journal of Anthropological Archaeology 40, p. 230-249

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III- Seconde étude de cas : Une même diversité des manières de faire aux débuts du processus de Néolithisation de l’Europe continentale ? Le Néolithique ancien balkanique dans la vallée de la Struma (6100-5800 av. n. è.) L’étude des techniques de façonnage de poteries mises au jour sur six sites localisés dans la vallée de la Struma (ouest de la Bulgarie) et datés du Néolithique ancien a permis la mise en évidence de quatre méthodes de façonnage distinctes, caractérisées par une large gamme de macrotraces diagnostiques. La distribution spatiale de ces méthodes révèle d’importantes différences techniques entre le nord et le sud de la vallée en ce qui concerne les manières de faire. Ces différences sont observées au cours de toutes les étapes du Néolithique ancien. En l’état actuel des données, il semblerait que malgré l’homogénéité des styles céramique qui caractérise cette région, deux entités techniques puissent être distinguées tout au long du Néolithique ancien.

* Bibliographie indicative : Vieugué J., Gomart L., Salanova L. (2010) ‒ Les estèques en céramique des potiers néolithiques de l’habitat de Kovačevo (6200-5500 av. J.-C.), in Y. Maigrot et J. Vieugué (dir.), Outils de potier néolithiques : traditions techniques et organisation des productions céramiques, Bulletin de la Société Préhistorique Française, 107, 4, Paris, p. 709-723 (disponible online)

III- Troisième étude de cas : Du Néolithique ancien balkanique au Rubané : quels mécanismes ? La Hongrie, une zone de mutation culturelle (autour de 5500 av. n. è.) Au travers de ce troisième exemple, nous aborderons sous l’angle des traditions techniques et des savoir-faire céramiques une période de mutation culturelle majeure pour le Néolithique ancien européen : le passage du Néolithique ancien balkanique (Starčevo et Körös) à la Céramique Linéaire, cette dernière marquant l’émergence du premier Néolithique en Europe tempérée ainsi qu’un bouleversement des modes de vie des communautés agro-pastorales venues des Balkans. Quatre assemblages céramiques provenant de sites localisés dans cette zone culturellement contrastée ont fait l’objet d’une analyse technologique centrée sur les techniques et méthodes de façonnage. Les résultats obtenus suggèrent que cette aire de transition culturelle constitue une zone de forte interaction entre différentes communautés de pratique et révèlent une stabilité extrêmement forte des savoir-faire techniques entre les Balkans et l’Europe centrale. La répartition spatiale des six méthodes de façonnage identifiées au sein de la zone d’étude permet en outre de supposer la coexistence de plusieurs groupes sociaux au moment de l’émergence de la culture rubanée.

* Bibliographie à paraître : Gomart L. (à paraître) – Quels facteurs d’émergence du premier Néolithique d’Europe tempérée ? Les apports de l’approche anthropologique des assemblages céramiques du Néolithique ancien de Hongrie, Annales de la Fondation Fyssen 29 (bientôt disponible online) Kreiter A., Marton T., Gomart L., Oross K., Pánczél P. (à paraître) – Looking into houses: Analysis of LBK ceramic technological change on a household level, Séances de la Société Préhistorique Française (bientôt disponible online)

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