Ecole de Porto- De la crise à l'émancipation

Université Libre de Bruxelles Faculté d’architecture LacambreHorta Année académique 2017-2018

Ecole de Porto : De la crise à l’émancipation

Par Marco Paulo Vicente Correia Promoteur : Fabrizio Bucella

Travail de fin d’étude présenté à la faculté d’architecture LacambreHorta en vue de l’obtention du grade de Master en architecture.

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Remerciements Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble du personnel de la Faculté Lacambre-Horta pour l’enseignement tout au long de ma formation et plus particulièrement à Fabrizio Bucella pour la confiance portée en moi.

Je voudrais remercier également ma famille et amis sans qui je ne serais jamais arrivé jusqu’ici.

Finalement un grand merci à Charlène et Claude Perbal pour leur soutien au cours de la rédaction de ce mémoire.

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"Une destruction qui commence par la simple impossibilité de garder vivant, c'est-à-dire habité, nombre de ces œuvres. Parce qu'ils ne correspondent plus aux nouveaux besoins, parce que les populations qui leur ont donné la vie ont changé ou simplement disparu. Ou, argument stupide mais décisif, seulement parce qu'ils ne sont plus à la mode.

Dans ces cas, on construit à côté, presque toujours avec de pire qualité, inadapté au site, mais certainement avec le langage de nos jours avec balcon, avant-toit, châssis en aluminium, garage, stores, autres couleurs et finitions. Tout ce qui sont des manifestations de notre provincialisme, dans ce que Fernando Pessoa a caractérisé comme « l'inconscient, d'être civilisé quand nous ne le sommes pas, de nous supposer civilisés précisément par les qualités à cause desquelles nous ne le sommes pas »."

José Manuel Pedreirinho

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Table des matières

Abréviations ..................................................................................................................................... 9 Introduction ................................................................................................................................... 10 Avant-Propos ................................................................................................................................. 13 1. Contexte Historique .............................................................................................................. 15 1.1. Un paysage architectural diversifié ............................................................................................ 15 1.2. Les apports des cultures romaines et musulmanes dans l’architecture portugaise ..................... 17 1.3. Le style manuelin : l’expression d’une époque .......................................................................... 19 1.4. Tremblement de terre de 1755 et la reconstruction Pombaline .................................................. 21 1.5. L’architecture de l’Estado Novo ................................................................................................ 23

2. Une période de bouleversements 1945-1984............................................................. 25 2.1. Prise de conscience et le débat traditionnel ou moderne ............................................................ 25 2.2. Carlos Ramos – Une nouvelle idée d’école ................................................................................ 29 2.3. Enquête à l’Architecture Régionale Portugaise .......................................................................... 37 2.4. Transformations et nouveaux défis des années 60 ..................................................................... 43 2.5. Fernando Tavora......................................................................................................................... 49 2.6. La révolution des Œillets de 1974 et le programme SAAL ....................................................... 57 2.7. Alvaro Siza ................................................................................................................................. 61

3. Une période de bouleversements 1945-1984............................................................. 25

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Abréviations : EBAL : Escola de Belas Artes de Lisboa – École des Beaux-Arts de Lisbonne EBAP : Escola de Belas Artes de Porto – École des Beaux-Arts de Porto ESBAL : Escola Superior de Belas Artes de Lisboa – École Supérieure des Beaux-Arts de Lisbonne ESBAP : Escola de Belas Artes de Porto – École des Beaux-Arts de Porto FAUP : Faculdade de Arquitectura da Universidade do Porto – Faculté d’Architecture de l’Université de Porto ICAT : Iniciativas Culturais de Arte e Tecnica – Initiatives Culturelles d’Art et Technique ODAM : Organização dos Arquitectos Modernos – Organisation des Architectes Modernes SNA : Sinicato Nacional dos Arquitectos – Syndicat National des Architectes IARP : Inquérito à Arquitectura Regional Portuguesa – Enquête à l’Architecture Régionale Portugaise FFH : Fundo de Fomento da Habitação – Fond de Financement de l’Habitation SAAL : Serviço de Ajuda Ambulatorio Local – Service d’Appui de Mobile Local

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Avant-Propos Actuellement, la production architecturale ne connait plus de frontières. Dans cette société globalisée, hyper connectée, l’information se répand à la vitesse de la lumière avec la fibre optique. Les livres, journaux, programmes de télévision et autres revues et sites internet dédiés à l’architecture nous inondent de belles images censées nous faire vénérer telle ou telle architecture. Ces médias nous présentent, analysent, catégorisent les projets dans différents styles devenant célèbres dans le monde avant même qu’ils ne soient construits. Toutefois, certains de ces projets, une fois finis, ne sont qu’une pâle copie de la somptueuse image promise.

Les dépassements de budgets sont fréquents, les couts d’entretien peuvent être élevés et l’impact sur l’espace environnant n’est perceptible que des années plus tard, le tout avec des qualités quelquefois très sommaires. Mais ceci n’est pas très important, car notre esprit aura depuis longtemps été submergé par ces millions de belles images publiées par les médias.

Cependant, généralement, un élément essentiel inhérent à l’existence même de l’architecture est oublié dans ces projets, l’être humain. C’est pourtant l’homme et l’échelle humaine qui donnent tout son sens à l’architecture et la différencie de la sculpture. Ce mémoire ne se veut pas le manifeste d’un style ou l’outil de promotion d’un architecte. Tout aussi important, l’objectif de ce travail n’est pas non plus de définir l’architecture d’un pays, car comme dit plus haut, la globalisation des influences architecturales permet de distinguer des styles diversifiés à l’intérieur même des villages les plus modestes. Le but de ce mémoire est d’analyser, comprendre et identifier les influences dans la production contemporaine portugaise d’un collectif, catégorisé comme « école de Porto » ou « régionalisme critique », dont le mérite a été de placer l’être humain au centre de ses préoccupations.

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Introduction Au cours des siècles, le Portugal se retrouve de multiples fois éloigné de par sa géographie et son histoire de l’épicentre intellectuel européen. De ce fait, la pensée architecturale portugaise s’isole du débat international qui avait lieu en Europe et plus tard en Amérique. Cet isolement atteint son apogée pendant le gouvernement totalitaire de Salazar, qui a duré plus de 40 ans, entre 1928-1974. La révolution des œillets de 1974 libère le pays de l’oppression imposée par le régime et pour la première fois depuis de décennies, la communauté portugaise découvre la liberté d’expression. La fin de la dictature rend alors possible l’ouverture culturelle et architecturale de la société portugaise au monde, favorisant aussi l’éveil d’une identité nationale. Cet affranchissement ouvre la voie à de nouvelles perspectives et prises de position idéologiques, notamment au sein des architectes de l’école de Porto, qui permettent l’enrichissement de la réflexion architecturale. Aujourd’hui, ce collectif est mondialement reconnu, pour preuves les prix Pritzker attribués à Alvaro Siza ainsi qu’à Eduardo Souto de Moura.

Le choix du sujet de ce mémoire s’appuie sur la volonté de développer une conscience architecturale propre à une pratique architectonique contemporaine. Au vu de ces prix, je me suis intéressé de plus près à l’école de porto et y ai découvert une architecture qui répond aux besoins de ses usagers de manière efficace tout en étant esthétiquement agréable sans être extravagante.

L’hypothèse de départ est que l’architecture contemporaine portugaise s’inspire largement de la pensée apportée par l’école de Porto. Cependant, les diverses crises économiques et sociales qui ébranlent le pays poussent à repenser la production architecturale pour répondre aux nombreuses difficultés existantes. La nouvelle génération s’appuie alors plus largement sur le patrimoine existant pour répondre aux besoins en infrastructures dans une société appauvrie.

Ainsi, nous pouvons nous demander dans quelle mesure l’idéologie de l’école de Porto impacte-t-elle la production architecturale contemporaine portugaise.

En partant du constat que malgré que de nombreux ouvrages traitent de l’école de porto, à ma connaissance, aucun n’aborde son influence au sein de la production architecturale contemporaine portugaise.

L’objectif de ce mémoire est donc de comprendre de quelle manière l’idéologie véhiculée au sein de l’école de porto influence les architectes contemporains. Initialement, nous essayerons de distinguer les spécificités qui font que l’architecture portugaise, et en particulier l’école de porto, est aujourd’hui internationalement reconnue. Pour finalement comprendre dans quelle mesure la production architecturale a évolué depuis la création de l’école de porto.

Pour réaliser ce travail, nous effectuons une recherche bibliographique à travers des ouvrages, articles de revue d’époques différentes, mémoires, sites internet ainsi que des entretiens au sein de la communauté scolaire de l’école de Porto. Elles permettent une analyse et un approfondissement des questions de base nécessaires à la compréhension du contexte architectural portugais.

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Ce mémoire se compose de trois parties, les deux premières plus théoriques et une dernière analytique.

Dans un premier temps, un bref contexte historique jusqu’aux années 50 apporte au lecteur une compréhension du paysage architectural portugais ainsi que les enjeux qui marquent la deuxième moitié du XXe siècle.

La deuxième partie permet d’examiner le contexte sociopolitique et architectural du Portugal, avec un accent particulier sur l’école de Porto. Nous débutons avec les années 50, période qui correspond à un changement dans la pensée architecturale portugaise, jusqu’en 1984 année d’entrée du cursus d’architecture au sein de l’université de Porto. Nous analysons les prises de position, acteurs et œuvres qui marquent cette période de façon à identifier les messages qui influencent l’architecture contemporaine portugaise.

La troisième partie se compose de trois cas d’étude qui sont des analyses des œuvres de trois bureaux d’architectes contemporains. Les projets sont le Musée du phare Santa Marta du bureau Aires Mateus, la Maison de la mémoire de l’agence Miguel Guedes Arquitectos et Arquipelago Centre d’arts contemporains une production conjointe par João Mendes Ribeiro et le bureau Menos é Mais.

Ces projets ont été choisis, car ils représentent la production architecturale d’une nouvelle génération d’architectes portugais. En outre puisqu’il s’agit d’œuvres publiques elles expriment également la volonté architecturale d’une partie plus globale de la société portugaise.

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1. Contexte Historique

1.1. Un paysage architectural diversifié L’architecture d’une ville, d’une région ou d’un pays entretient des rapports très étroits avec son territoire. L’être humain doit inévitablement s’adapter aux conditions qui l’entourent comme le relief, le type de sol, le climat et son incontournable relation à l’eau. Ainsi pour bâtir son « abri », l’homme doit tenir compte de ces facteurs. Le territoire du Portugal, petit pays à l’échelle mondiale, présente néanmoins une grande diversité de paysages et de climats. Située dans la péninsule ibérique, enclavée entre l’Espagne et l’océan atlantique, la frontière du Portugal s’étend sur environ 600 km dans l’axe nord-sud et sur approximativement 200 km dans l’axe est-ouest. Bien qu’il soit difficile de déterminer dans quelle mesure les différentes régions du pays influencent l’architecture populaire portugaise, nous pouvons distinguer trois grandes régions qui entretiennent des liens avec celle-ci. (Image 1) Le nord-est du Portugal se trouve sur un plateau montagneux, le climat y est froid et abondamment pluvieux en hiver et l’été est très chaud. Les populations autochtones vivent alors de la chasse et de l’élevage de bétail. Les sols graniteux ou en schiste sont exploités pour la construction des maisons. On retrouve encore aujourd’hui des villages, figés dans le temps entièrement construit en pierre avec des toitures en ardoise, sur les flancs des montagnes les plus inaccessibles comme le village de Piodão. (Image 2) Le nord-ouest du Portugal est influencé par l’Atlantique. Le climat y est doux aussi bien en hiver qu’en été. Les populations autochtones vivent alors essentiellement de la pêche.

Comme les sols ne fournissent pas la pierre nécessaire à la construction des maisons, de nombreux villages temporaires de pêcheurs se caractérisent par une mise en œuvre du bois. Les « palheiros », comme étaient désignées ces maisons, sont construites sur pilotis directement sur la plage. (Image 3) En raison de la fragilité naturelle du bois, de la mauvaise réputation de ces maisons et des politiques des années 60, en vue d’accueillir les migrations de populations vers le littoral, il ne reste aujourd’hui que quelques vestiges de cette architecture.1 Le sud du Portugal est, quant à lui, caractérisé par un relief plat, des sols argileux, un climat tempéré en hiver et des étés de forte chaleur. Ces conditions propices à l’agriculture permettent aux populations de s’y installer. Les maisons sont construites en pisé, leurs façades enduites de chaux réfléchissent mieux la lumière du soleil et préservent ainsi mieux l’intérieur de la chaleur.2 (Image 4)

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A. Menéres, Arquitecturas populares: memórias do tempo e do património construído. Arcos de Valdevez: CMAV, 2013, p.28.

2 A. Menéres, Arquitecturas populares: memórias do tempo e do património construído. Arcos de Valdevez: CMAV, 2013, p.24.

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1.2. Les apports des cultures romaines et musulmanes dans l’architecture portugaise S’il est évident que la localisation géographique conditionne la construction d’un bâtiment, l’architecture est également le résultat de l’esprit humain. Ainsi d’autres facteurs comme l’histoire ou la culture d’une population ne peuvent être dissociés de l’œuvre architecturale.

L’histoire architecturale portugaise est remplie d’apports significatifs provenant de cultures diverses. Le peuple portugais est le résultat d’une grande mosaïque génétique et culturelle. Au fil des années de nombreux peuples, dont les Celtes, Romains, Suèves, Wisigoths et les musulmans se sont installés à tour de rôle sur le territoire appartenant aujourd’hui au Portugal.

L’occupation de la péninsule ibérique par Jules César et les armées romaines est fondamentale dans l’évolution des populations autochtones. L’Empire romain entreprend de nombreuses réformes administratives et politiques qui déclenchent le développement des premières agglomérations. Plusieurs des villes les plus importantes du Portugal naissent et prospèrent dans la période d’occupation romaine, parmi elles3 : -

Braga (Bracara Augusta) Porto (Portucale-Castrum Novum) Coimbra (Aeminium) Lisbonne (Olisipo Felicitas Julia)

Outre la formation de nouvelles localités, la présence de l’Empire romain introduit bon nombre de nouveautés techniques dans la péninsule ibérique. La construction de routes, aqueducs ou ponts, dont certains aujourd’hui encore fonctionnels, permet le développement et la connexion entre les différentes villes. (Image 5) Au niveau architectural, la construction de temples, de thermes et villas permettent le développement de la construction en pierre qui aura une influence très forte dans l’architecture de certaines régions.4 De nombreux vestiges de la présence romaine au Portugal sont encore visibles comme le temple de Diane à Évora ou la tour de Centum Cellas près de Belmonte. (Image 6) Au VIIIe siècle, une armée de soldats berbères traverse le détroit de Gibraltar et envahit la péninsule ibérique. Rapidement, ils colonisent l’Al-Andalus, nom donné par les colonisateurs musulmans et leur occupation durera presque 800ans selon les régions. Sur le territoire portugais, l’occupation dure jusqu’au XIIIe siècle, mais leur influence est encore visible aujourd’hui surtout dans le sud du pays.5 Bien que leur influence soit aujourd’hui moins visible au Portugal qu’en Espagne, nous retrouvons des traces de leur présence surtout dans le sud du pays. Certaines mosquées construites par les musulmans sont ensuite adaptées par après en églises comme par exemple Église Matriz de Mertola. (Image 7) L’architecture des villes d’Algarve (nom d’origine arabe) est aussi fortement influencée par la présence musulmane. Les maisons construites en pisé enduites en chaux avec ses toitsterrasse, les cheminées d’origine islamique, les décorations arabesques et les rues étroites et sinueuses nous font rappeler les médinas du nord de l’Afrique. (Image 8)

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Saraiva, José Hermano, História concisa de Portugal. Lisbonne, Publications Europa-América, 1993, p.21. http://historia-portugal.blogspot.com/2008/02/provincia-da-lusitania-45ac-411dc.html 5 Saraiva, José Hermano, História concisa de Portugal. Lisbonne, Publications Europa-América, 1993, p.34.

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1.3. Le style manuélin : l’expression d’une époque Le XIIe siècle marque la fondation du royaume du Portugal, précisément en l’an 1143, par Alphonse Ier et la reconquête des territoires contre les peuples islamiques. L’occupation musulmane au Portugal prend fin en 1249 sous le règne d’Alphonse III et les frontières actuelles datent de l’an 1297 avec le traité d’Alcanizes entre les royaumes du Portugal et de Castille.

Avec ses frontières fixées, le royaume retrouve une période de paix et de développement au niveau interne. Au XVe siècle, l’expansion vers l’Espagne n’étant plus possible, commence alors la période de l’exploration maritime portugaise au cours de laquelle le Portugal se positionne comme la première puissance coloniale d’Europe. Le commerce avec l’Inde et l’exploration des ressources d’Afrique et d’Amérique du Sud apporte la prospérité à la couronne portugaise. Cette abondance est exposée sur les bâtiments commandés par Manuel Ier et sera connue comme le style manuélin. Ce style exubérant est un vrai mélange de courants architecturaux et culturels. Il réunit dans une même œuvre des aspects du gothique tardif, de la renaissance et la décoration emprunte des codes de la renaissance italienne, flamande, mais aussi des influences de la tradition marocaine et indienne.6 À tout cela vient s’ajouter une utilisation exubérante d’éléments de décoration représentatifs de la grandeur de la nation lors de la période des découvertes avec des écussons du roi, cordes maritimes, croix de christ, algues, faune exotique entre autres. (Image 9) " C’est un art qui s’inspire, non du monde antique, comme la Renaissance, mais de la découverte des mondes nouveaux. Son esprit n’est pas méditerranéen, mais atlantique." 7 Parmi les grandes œuvres de cette période, mettons en évidence la tour de Belém et le monastère des Hiéronymites chefs d’œuvre respectifs de l’architecture militaire et religieuse.

La tour de Belém, originalement conçue comme forteresse de défense de la ville de Lisbonne par Francisco de Arruda entre 1514 et 1520, est composée d’une tour et d’un rempart.

Sa composition est inspirée de la renaissance italienne et intègre des éléments de décoration rappelant les explorations maritimes, mais aussi influencée par les cultures orientales notamment magrébines et indiennes.8 (Image 10)

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Dos Santos, Reynaldo, « Diversité et unité du style manuélin », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 97ᵉ année, N. 1, p. 38, mars 1953.

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Dos Santos, Reynaldo, « Diversité et unité du style manuélin », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 97ᵉ année, N. 1, p. 39, mars 1953.

8 Direction générale du patrimoine culturel, « A Torre de S. Vicente - Torre de Belém », www.torredebelem.gov.pt. [En ligne]. Disponible sur: http://www.torrebelem.gov.pt/pt/index.php?s=white&pid=179&identificador=. [Consulté le: 01-juill2018].

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La construction du monastère des Hiéronymites, commandée par le roi Manuel Ier en faveur de l’ordre des Hiéronymites, débute en 1502 et dure presque un siècle. Initialement conçu par Diogo de Boitaca dans un style gothique, il est construit en pierre calcaire qui provient de la vallée d’Alcântara non loin de là. Des extensions successives lui donnent son caractère monumental avec une façade atteignant les 300 m de long. (Image 11) Trois autres architectes se succèdent apportant chacun leur touche et incorporent la décoration caractéristique du style manuélin. Le portail sud, un des exemples les plus aboutis de style manuélin n’est malgré sa monumentalité, qu’une entrée secondaire. Il est orné de figures de la chrétienté et de symboles mettant en valeur la couronne portugaise. (Image 12) À l’intérieur de l’église de Sainte-Marie, la nef impressionne par ses voûtes nervurées.9

1.4. Tremblement de terre de 1755 et la reconstruction Pombaline

La période des découvertes maritimes a un fort impact sur le développement de la ville de Lisbonne. En 1755, la ville compte 250 000 habitants et environ 20 000 maisons. Cependant, le 1er novembre 1755, un tremblement de terre d’environ 9 degrés de magnitude sur l’échelle de Richter plus un tsunami provoquent d’énormes dégâts dans la capitale, d’énormes feux détruisant de surcroît entièrement le centre-ville. Cette catastrophe provoque la mort de plus de 10.000 personnes rendant inhabitables 2/3 des maisons. 10 (Image 13) Avec la ville en ruines, il est urgent de reconstruire les maisons pour reloger les habitants au plus vite. Cette tâche est attribuée, par le roi Joseph Ier, à Sebastião José de Carvalho e Melo , à l’époque secrétaire des affaires étrangères et de la guerre (Futur Marquis de Pombal). Celuici ordonne le déblaiement de tous les bâtiments détruits dans la catastrophe et les utilise comme remblais. Il charge alors Manuel da Maia et Eugénio dos Santos d’établir les plans de la reconstruction de la ville de Lisbonne. À la mort de ce dernier, Carlos Mardel, un architecte austro-hongrois est nommé pour la supervision des travaux de construction.11 Les plans de reconstruction du centre-ville présentent un caractère néoclassique et fonctionnel avec des ilots rectangulaires, façades presque identiques et rues larges. Ils reflètent l’esprit des lumières de l’époque ce qui s’explique par la formation internationale de ces intervenants comme Carlos Mardel et Reinaldo Manuel dos Santos.12 (Image 14) Ils sont précurseurs des grands travaux urbanistiques de l’Europe du XIXe siècle comme la rénovation haussmannienne de Paris ou l’agrandissement de Barcelone par Cerda.

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Direction générale du patrimoine culturel, « Séc. XVI - Mosteiro dos Jerónimos », http://www.mosteirojeronimos.gov.pt.

[En ligne]. Disponible sur : http://www.mosteirojeronimos.gov.pt/pt/index.php?s=white&pid=219&identificador=. [Consulté le : 30-juill-2018].

10 L. F. Loureiro Morais, Revitalização da baixa Pombalina: Proposta de humanização, Institut Supérieur TecniqueUniversité de Lisbonne, Lisbonne, 2015, p. 9.

11 L. F. Loureiro Morais, Revitalização da baixa Pombalina: Proposta de humanização, Institut Supérieur TecniqueUniversité de Lisbonne, Lisbonne, 2015, p. 12.

12 Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 26.

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1.5. Architecture de l’Estado Novo Après le tremblement de terre de 1755, le Portugal connait une longue période d’instabilité.

Le début du XIXe siècle reste marqué par les invasions napoléoniennes et la conséquente fugue de la couronne portugaise vers le Brésil. S’en suit une guerre civile, entre 1828 et 1834, pour la prétention à la couronne. La bourgeoisie libérale accède au pouvoir et amène avec elle une nouvelle culture architecturale, celle de l’Académie de Beaux-arts qui rompt totalement avec la tradition portugaise.13 À la fin du XIXe siècle, l’abdication des revendications portugaises sur les territoires d’Afrique en faveur du Royaume-Uni affaiblit fortement l’image de la couronne portugaise et culmine avec la chute de la monarchie en 1910. La nostalgie d’un Empire portugais puissant au niveau international est la cause principale de cette volonté de changement. S’en suit l’instauration de la république, mais l’instabilité politique et sociale ne cesse qu’en 1926 avec le coup d’État militaire et la progressive implantation de la dictature fasciste de Salazar, alors dénommée « Estado Novo » (État Nouveau).

Toute cette période d’incertitude et de successifs renversements a comme conséquence l’oubli complet de la tradition architecturale portugaise. C’est à cette période que Raul Lino, rentré au Portugal après plusieurs années en Allemagne et s’apercevant des premiers effets de l’industrialisation sur la société, va se plonger sur la question de la maison traditionnelle portugaise. Entre 1929 et 1937, il écrit trois livres sur la maison portugaise, montrant une certaine nostalgie liée à la perte d’harmonie entre culture et civilisation. " Aux yeux de Lino, l’Histoire n’était rien d’autre qu’une garantie d’authenticité et d’enracinement de l’architecture..."14 L’état nouveau, nostalgique de l’ancienne grandeur de l’empire portugais et aussi désireux d’asseoir son pouvoir sur la société, s’empare de cet historicisme pour le combiner à une architecture « moderne » et commencer à l’imposer dans la production architecturale publique.

Il en résulte une architecture monumentale, signe de la puissance de l’état, ainsi qu’une utilisation d’ornement rappelant les grandes découvertes maritimes. L’architecture est utilisée comme outil de propagande célébrant un Portugal Impérial. Pourtant cette architecture se rapproche plus de l’architecture fasciste italienne que de la traditionnelle Portugaise. Le pavillon du Portugal de l’exposition universelle de Paris en 1937 réalisé par Keil do Amaral est le parfait exemple de l’image que le régime voulait donner. (Image…) L’Exposition du Monde Portugais réalisé à Lisbonne en 1940 est un pas de plus vers l’image que le régime voulait faire passer. " L’exposition du Monde Portugais en 1940 - en honneur de la force du régime et de sa volonté de maintenir l’«Empire » et étant l’illustration plastique du discours idéologique du salazarisme – table sur la collaboration des architectes modernes qui, ainsi, échouent de leur propre gré, n’ayant trouvé, ni probablement cherché, la synthèse que leur aurait permis, peutêtre, une apparition moins éphémère et superficielle. "15 (Image…)

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Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 30.

Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 35.

15 C. Quino Albino, « Les prémisses et la naissance d’une tendance : École de Porto », ISACF-LaCambre, Bruxelles, 2001, p.20.

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1. Une période de bouleversements 1945-1984 "L'intérêt pour les aspects sociaux (...) de l'architecte (...) commence à se renforcer au Portugal. La lutte pour une nouvelle architecture ne se limitait pas au traitement des questions esthétiques. C'était d'abord, et parce que directement lié à des conceptions d'organisation sociale radicalement différentes de celles en vigueur, une lutte essentiellement politique.

Beaucoup, sinon tous, les architectes de la nouvelle génération étaient membres du mouvement d'opposition. "16 Sergio Fernandes

2.1. Prise de conscience et le débat traditionnel ou moderne Au cours des années 40, un évènement majeur marque le destin de toute l’Europe, la Deuxième Guerre mondiale. La guerre laisse derrière elle de conséquentes destructions dans nombreuses villes d’Europe et la reconstruction se fait urgente. L’idéologie moderniste, exprimée dans les principes de la charte d’Athènes de 1933, trouve alors des conditions idéales pour son application. La volonté de rupture avec le passé trouve dans le radicalisme du mouvement moderne une voie vers le progrès et une réadaptation de la société.

La victoire des Alliés et la chute des gouvernements fascistes d’Europe rendent le régime de Salazar encore plus isolé dans le contexte international. Au niveau interne, l’insatisfaction sociale augmente progressivement, les premières positions critiques commencent à émerger et le gouvernement se renferme davantage. À Lisbonne, un groupe d’architectes dirigé par Keil do Amaral, l’ICAT (Initiatives culturelles, Art et Technique), relance la revue « Arquitectura » pour divulguer et initier le débat autour de ce qui se faisait en architecture à cette époque aussi bien au Portugal qu’à l’extérieur. (Image 18) À la même période, à Porto, se forme l’ODAM (Organisation des Architectes Modernes) qui se veut un pôle de débat théorique et culturel sur la base de la pensée du mouvement moderne.17 En 1945, Fernando Tavora, encore étudiant à l’ESBAP, écrit un article nommé « Le problème de la maison portugaise » dans l’hebdomadaire Aléo. Dans ce texte il se montre très critique envers le régime et les architectes qui collaborent avec celui-ci en se pliant à leurs exigences. Il y condamne l’architecture de mimétisme du gouvernement basée sur l’emploi d’éléments d’ornements inspirés de l’histoire portugaise. Il attire également l’attention du lecteur vers la perte d’identité de la maison portugaise. "Le romantisme encore latent dans ces esprits décida qu'ils devaient chercher dans le passé toutes les leçons pour résoudre leur problème et les voilà armés d'histoire, les voilà armés d'une fausse interprétation de l'architecture ancienne pour résoudre des questions bien présentes et bien vivantes… C'était, pourrait-on dire, une architecture d'archéologues et jamais une architecture d'architectes…

Par un raisonnement étrange, il a été établi que notre architecture «traditionnelle» était caractérisée par un certain nombre de motifs décoratifs dont l’application serait suffisante pour produire des maisons portugaises."18

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S. Fernandez, Percurso, arquitectura portuguesa, 1930-1974, 2a. ed. Porto: Faculdade de Arquitectura da Universidade do Porto, 1988.

17 H. S. da Silva Nunes, « Outras casas portuguesas », Université de coimbra- FCTUC, Coimbra, 2010.

18 F. Tavora, O problema da casa portuguesa. In: L. Trigueiros et F. Tavora, Fernando Távora. Lisboa: Blau, 1993, p. 11-13.

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Il énonce ensuite une série de réponses qui, selon lui, permettent de répondre à terme au problème de la maison portugaise. Ces réponses passent par l’étude de la réalité portugaise divisée en trois groupes : - L’étude du contexte portugais - L’étude de l’architecture portugaise existante - L’étude de l’architecture moderne dans le monde Il invite ainsi les architectes portugais, partagés à l’époque entre le débat traditionnel et moderne, à prendre une troisième voie et à concilier les traditions portugaises avec les idées progressistes du mouvement moderne. Selon Fernando Tavora, "Les maisons d’aujourd’hui devront être nées de nous, c’est-à-dire qu’elles devront représenter nos besoins, résulter de nos conditions et de toute la série de circonstances dans lesquelles nous vivons, dans l’espace et dans le temps… La maison populaire nous fournira de grandes leçons lorsqu'elle sera bien étudiée, car elle est la plus fonctionnelle et la moins fantaisiste, en un mot, celle qui correspond le mieux aux nouvelles intentions… Dans l'architecture contemporaine, il n'est pas difficile de voir déjà une solidité prometteuse; apparait un caractère nouveau, de nouvelles conditions et parce que ces conditions nous affectent également, c’est en elle que nous devons connecter l'architecture portugaise sans crainte de perdre son caractère."19 Deux ans plus tard, Nuno Teotonio Pereira invite Fernando Tavora à rééditer cet article dans « Cadernos de Arquitectura » un recueil de textes ayant le but de lancer une réflexion théorique sur la situation de l’architecture portugaise. Ce texte a un impact au sein des architectes du pays et sur la façon de penser les problèmes architectoniques du pays.20 En 1948, est réalisé le Ier Congrès National d’Architecture, dirigé par Keil do Amaral, auquel sont conviés de nombreux architectes provenant aussi bien de Lisbonne que de Porto.

(Image 19) Ce congrès est marqué par la volonté de rupture avec les idées du gouvernement et l’intégration des questions sociales du pays. Les intervenants défendent une nouvelle structure professionnelle qui renforce le rôle de l’architecte et refusent d’accepter les normes stylistiques imposées par le régime. Keil do Amaral défend également que la formation en architecture doit être plus ouverte et consciente.21 Lors de ce congrès deux thèmes sont en discussion, l’« architecture nationale » et « le problème portugais de l’habitat ». La génération plus jeune prône qu’aux nouveaux problèmes sociaux et économiques de la production architectonique du pays il est nécessaire de répondre avec une nouvelle architecture basée sur les principes du mouvement moderne. Simultanément, les architectes plus âgés expriment leur préoccupation envers le caractère globalisant du style international. Le congrès de 48 devient ainsi le catalyseur conduisant à la prise de conscience et à la réflexion sur les problèmes nationaux qui marquent les décennies suivantes. "Le congrès de 48, désiré comme point d'arrivée, était sans équivoque le point de départ."22

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F. Tavora, O problema da casa portuguesa. In: L. Trigueiros et F. Tavora, Fernando Távora. Lisboa: Blau, 1993, p. 11-13.

L. L. Ribeiro Ramos Clementino, « Fernando Tavora: de o problema da casa portuguesa ao da Organizaçao do espaço », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2013, p. 37.

21 H. S. da Silva Nunes, « Outras casas portuguesas », Université de coimbra- FCTUC, Coimbra, 2010, p. 21.

22 A. Tostões, Os verdes anos na arquitectura portuguesa dos anos 50, Porto: Faup Publicações, 1997, p.41.

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2.2. Carlos Ramos - Une nouvelle idée d’école Le Ier congrès national d’architecture ouvre la voie à une restructuration de la formation d’architecture. Il est important de préciser qu’à cette époque la formation en architecture s’effectue sous le modèle Beaux-Arts au sein de l’EBAP (École des Beaux-Arts de Porto) et de l'EBAL (École des Beaux-Arts de Lisbonne). Dans ces écoles, l’apprentissage de l’architecture se fait en parallèle des cursus de peinture et de sculpture et montre à ce moment une absence totale d’enseignement des sciences exactes. C’est justement ce modèle qui est mis en cause lors du Ier congrès national d’architecture. Les architectes jugent alors qu’il ne promeut pas des professionnels conscients de leur mission, les rendant de plus inadaptés aux nouveaux défis qui se présentent à eux. Keil do amaral énonce ainsi ses préoccupations et le besoin d’une réforme de l’enseignement : "Je veux croire que l’erreur fondamentale de l’organisation de l’enseignement de l’architecture entre nous réside dans le fait que les écoles des beaux-arts peuvent faire des artistes et doivent être orientées dans ce but suprême. (…) L’école, en ce qui concerne le cursus d'architecture, devrait donc avoir pour objectif la formation de bons techniciens, équipés avec de vastes connaissances, formés avec de bonnes méthodes de travail, bien formés et profondément conscients du rôle de l'architecte dans le monde d'aujourd'hui.

Chacun serait prêt à voler aussi haut que son génie artistique et son énergie créatrice le permettraient."23 A la suite de ce premier congrès, les années 50 voient apparaitre une série de réformes de l’enseignement qui marquent les décennies suivantes. A l’EBAP, l’action politique et pédagogique de Carlos Ramos contribue fortement à la modernisation de l’enseignement d’architecture. "Carlos Ramos est peut-être le seul architecte et enseignant de sa génération qui a une proposition pédagogique lorsqu'il commença à enseigner en 1940, une proposition d'école lorsqu'il commença à diriger ESBAP en 1952 et une proposition législative lors de la préparation de la réforme de 1950-57."24 Partant de cette déclaration, il est donc essentiel de s’attarder sur le rôle que joue Carlos Ramos dans le développement d’une culture moderne au sein de l’EBAP et de l’ESBAP (Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Porto). Il nous semble donc nécessaire d’identifier dans quelle mesure sa contribution a eu un impact sur la culture et l’idéologie de l’école de Porto. (Image 20) Carlos João Chambers Ramos est né le 15 Janvier 1897 à Porto. Il fait sa formation en architecture à l’EBAL aux côtés d’autres architectes influents de la première moitié du XXème siècle comme Cottineli Telmo, Cristino da Silva ou Pardal Monteiro. Malgré une formation sous le modèle des Beaux-Arts, Carlos Ramos est un des pionniers des idées du mouvement moderne au Portugal.25

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F. Keil do Amaral, « A Formação dos Arquitectos », in 1° Congresso Nacional de Arquitectura: Relatorio da comissão executiva, teses, conclusõese votos do congresso, Lisbonne: Ordem dos Arquitectos, 2008, p. 74‑75.

24 G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 213.

25 « Carlos João Chambers Ramos ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.lua.ovh/mundo/pt/Carlos_Jo%C3%A3o_Chambers_Ramos. [Consulté le: 07-août-2018].

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En effet, les premiers projets de Carlos Ramos dénotent la volonté d’appliquer les principes du mouvement moderne. Mettons ici en évidence les projets du Lycée D. Filipa de Lencastre de 1929 (non construit) et le Pavillon Radio pour l’Institut Portugais d’Oncologie de 1933.

(Image 21 et 22) Ces projets présentent une architecture moderniste pour son époque par ses volumes rectilignes, des toitures plates sous différents niveaux et l’absence totale de décoration en façade. De plus, la mise en évidence de la cage d’escalier du Pavillon Radio par un jeu d’ouvertures en façade rompt avec les concepts architecturaux portugais du moment. Le rationalisme de ces nouveaux principes architecturaux le rapproche de la pensée véhiculée par le Bauhaus de Walter Gropius. 26 Plus tard, l’architecture de Carlos Ramos converge progressivement vers les revendications historicistes du régime. Ce changement dans sa production architecturale, vraisemblablement expliqué par un rapprochement du pôle d’influence du régime en raison de sa position au sein de la communauté des architectes, se vérifie aussi parmi ses collègues architectes influents de la première moitié du XXème siècle dont font partie Cottinelli Telmo, Cristino da Silva, Jorge Segurado et Pardal Monteiro. Le tribunal d’Évora, avec sa toiture en pente et ses encadrements de fenêtre en granite, se rapproche davantage des canons de la maison portugaise. (Image 23) "Carlos Ramos justifie son adhésion et celle de ses compagnons à l’architecture salazariste : « Nous commencions à nous préoccuper du patrimoine culturel de l’architecture portugaise »."27 En 1940, Carlos Ramos est invité à intégrer l’EBAP en tant que professeur pour enseigner l’architecture. Il débute sa carrière de professeur avec une idée claire de pédagogie qui, malgré sa formation Beaux-Arts, est largement inspirée du modèle Bauhaus de Walter Gropius. "En fait, la proximité entre Walter Gropius et Carlos Ramos (1897-1969) est assumée par Carlos Ramos lui-même lorsqu'il propose de traduire en portugais son programme pour l'enseignement de l'architecture, « Blueprint for an architect’s training»."28 Il entreprend alors des changements dans l’enseignement au sein de son atelier basés sur une ouverture idéologique et un approfondissement d’une conscience critique. Cette première génération d’étudiants-architectes ayant un esprit critique apparait lors du Ier congrès National d’Architecture, comme Fernando Tavora, Mario Bonito ou Viana de Lima, où ils ont une participation active. "(…) Carlos Ramos était considéré comme un démocrate en temps de dictature, luttant pour un principe libéral, « un maximum de liberté, responsabilité maximale » et en cherchant « à ouvrir des chemins, plutôt qu'à indiquer des chemins »."29 A la suite du Ier Congrès National d’Architecture, Carlos Ramos expérimente de nouvelles formes d’enseignement articulant l’enseignement du projet avec d’autres disciplines comme l’« Architecture et Construction » et plus tard la conjugaison des trois arts (Architecture, Sculpture et Peinture).

26

« Carlos João Chambers Ramos ». [En ligne]. Disponible sur: https://www.lua.ovh/mundo/pt/Carlos_Jo%C3%A3o_Chambers_Ramos. [Consulté le: 07-août-2018].

27 Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 40.

28 G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 21.

29 G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 45.

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En 1949, Carlos Ramos intègre la commission d’architecture et a une participation active dans l’accord avec le gouvernement en vue d’une réforme de l’enseignement qui sera obtenue en 1950. Cette révision se traduit par la valorisation du diplôme d’architecture et le passage des Ecoles des Beaux-Arts vers les Ecoles Supérieures de Beaux-Arts de Lisbonne et Porto (ESBAL et ESBAP) qui obtiennent un statut identique aux universités. Cependant elle apporte peu de modifications dans l’enseignement effectué au sein de ces écoles. 30 Cette même année, Ramos invite quatre jeunes architectes, qui sont Delfim Amorim, Fernando Tavora, José Carlos Loureiro et Mario Bonito, à intégrer le corps enseignant de l’ESBAP en tant qu’assistants. Il rénove ainsi une partie du corps enseignant en vue d’une plus grande ouverture pédagogique.31 En 1952, Carlos Ramos assume la direction de l’ESBAP et peut ainsi appliquer sa vision de l’enseignement à l’ensemble de l’institution. Il initie un processus de valorisation et de promotion de l’image de l’école, non seulement au sein de la ville de Porto mais aussi envers le pays et principalement dans le contexte international. Pour ce faire, il promeut la réalisation de conférences et cursus avec recours à des contributions externes. Mais surtout il contribue à la création d’une exposition annuelle nommée « Exposição Magna » dans laquelle sont exposés les meilleurs travaux des élèves de l’école.32 (Image 24) Il s’agit d’un moyen d’engager, de motiver les étudiants et professeurs responsables qui voient leurs travaux exposés et donc vus par des cercles extérieurs à l’école. D’un autre côté, les expositions sont systématiquement accompagnées d’un catalogue qui permet divulgation et promotion de l’école au sein de la ville de Porto et à travers le pays. "C'était un moyen efficace pour Ramos de fonder ses options en tant que directeur et de contrôler la lecture que l’on puisse faire de l'école. En ce sens, ce document construit, année après année, une idée claire de l’école qui semble reposer sur les relations entre enseignants et étudiants, valoriser la méthode, les moyens et les objectifs plus que des résultats qui ne sont jamais publiés dans des catalogues."33 L’année 1955 reste marquée par le lancement de l’« Enquête à l’Architecture Régionale Portugaise ». Carlos Ramos en tant que président de la section départementale de Porto du Syndicat National des Architectes (SNA) est chargé d’organiser l’enquête du nord du pays, plus précisément les Zones 1 et 2. Il charge de l’enquête des groupes composés d’enseignants et d’étudiants de l’ESBAP, dont fait partie Fernando Tavora et met à leur disposition des locaux au sein de l’école pour les sessions de travail.34 Ainsi Ramos souhaite inciter les étudiants à s’impliquer dans les questions architecturales du pays et les rapprocher de la réalité professionnelle.

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G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 45.

31 R. A. G. e Paulino, « O ensino da arquitectura na nescola do Porto construção de um projecto pedagógico entre 1969 e 1984 », Faup, Porto, 2013.

32 I. Azevedo et J. Mateus, « Em Exposiçao: o fundo fotografico Teofilo Rego e as “Exposições Magnas” », in Fotografia e Arquivo, Porto: CEAA - CESAP/ESAP, 2015, p. 64.

33 G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 360.

34 R. A. G. e Paulino, « O ensino da arquitectura na nescola do Porto construção de um projecto pedagógico entre 1969 e 1984 », Faup, Porto, 2013, p. 65.

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En 1957, l’accord sur la réforme de l’enseignement négocié entre le syndicat des architectes et le gouvernement en 1950 entre finalement en vigueur. La révision tant souhaitée par Carlos Ramos et ses confrères apporte enfin la reconnaissance de la profession et la délivrance d’un grade universitaire souhaité .Basée sur le modèle du mouvement moderne, la réforme se traduit par de nouvelles approches de la pratique architecturale avec l’inclusion de disciplines comme les sciences exactes, des sciences humaines et une intensification du travail en atelier au cours de la formation. Gonçalo Moniz explique que la structure du plan d’études, "(…) traduit un enseignement moderne pour diverses raisons. Premièrement, par la nature systématique et hiérarchique du programme. Deuxièmement, par le remplacement d’une formation artistique initiale intense par une solide formation scientifique de caractère théorique et pratique.

Troisièmement, en misant sur une discipline de projet qui traverse les 2e et 3e cycles dans un régime intense de 15 et 18 heures par semaine, en articulation avec les disciplines suivantes: théorie et histoire, construction, urbanisme et la conjugaison des trois arts, en préparant l'étudiant aux différentes approches du projet avec des instruments pour intervenir sur des problèmes concrets."35 Cependant, alors que la réforme de 1957 se base sur les principes de la charte d’Athènes pour adapter l’architecture portugaise à la réalité de son époque, le mouvement moderne est déjà remis en cause à l’extérieur du Portugal. En effet, lors du CIAM IX réalisé en 1953 à Aixen-Provence dont le thème principal est l’« habitat humain » surgit un conflit générationnel.

Les jeunes membres du CIAM percevant les limites de la charte d’Athènes entrent en rupture avec leurs prédécesseurs. Ils contestent le caractère universel de la charte d’Athènes et une solution unique d’habitat est hors de question pour eux. Ils expriment la nécessité d’une architecture plus flexible capable de répondre aux diverses réalités et contextes culturels des populations. Ils prônent une approche plus humaniste susceptible de trouver une relation entre la forme physique et les besoins socio-psychologiques des communautés. Quatre de ces architectes, Jaap Bakema, George Candilis, Rolf Gutmann et Peter Smithson (qui formeront plus tard la Team X) sont alors chargés d’organiser le congrès suivant. 36 Le CIAM X, réalisé en 1956 à Dubrovnik, compte la participation d’un groupe d’architectes venant de Porto (Fernando Távora, Viana de Lima, Octávio Lixa, Filgueiras, Arnaldo Araújo et Carlos Carvalho Dias). Ils présentent le projet pour une nouvelle communauté agricole inspiré de leurs recherches effectuées au sein de l’enquête à l’architecture régionale portugaise. Cependant, le CIAM X consacre la rupture totale entre la nouvelle génération et l’avant-garde du mouvement moderne.37 Le dernier CIAM dirigé par la Team X en 1959 à Otterlo marque sa dissolution et annonce la fin du mouvement moderne.

De ce fait, lorsque la réforme de l’enseignement de 1957 est appliqué, ses principes se trouvent déjà périmés ne correspondant déjà plus à une société en pleine transformation ni au débat architectural international qui se tourne déjà vers la fonction sociale de l’architecte. Au cours des années 60, Carlos Ramos se voit donc confronté, malgré sa vision progressiste de l’enseignement, aux problèmes crées par un diplôme qui n’est plus adapté aux aspirations profondes voire à la réalité de l’école ou celle du pays.

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G. Canto Moniz, « A reforma de 57: Em direção a um ensino universitario da Arquitectura », présenté à Rituais, Espaços & Patrimonios Escolares. IX Congresso Luso Brasileiro de Historia da Educação, Lisbonne, 2012, p. 162.

36 E. Mumford, « El discurso del CIAM sobre el urbanismo, 1928-1960 », Bitácora Urbano Territorial, vol. 1, no 11, p. 96– 115, 2007.

37 L. L. Ribeiro Ramos Clementino, « Fernando Tavora: de o problema da casa portuguesa ao da Organizaçao do espaço », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2013, p.49.

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2.3. Enquête à l’Architecture Régionale Portugaise Le débat lancé par Fernando Tavora lorsqu’il écrit « Le problème de la maison portugaise » en 1947 et repris lors du Ier Congrès National d’Architecture de 1948 montre le besoin d’enquêter et de connaitre les racines de l’architecture portugaise. Cette nécessité de connaitre l’histoire et les traditions de la culture architectonique de façon à répondre à la stérilité stylistique crée par le régime culmine avec la réalisation de l’Enquête à l’architecture régionale portugaise (IARP) initié en 1955.

"Compte tenu des effets directs sur la formation des nouveaux architectes, le processus de réalisation de "l'enquête" aura été beaucoup plus marquante pour la naissance d’un nouvelle conscience théorique chez les nouvelles générations d'étudiants ESBAP que l'application de la réforme de 1957. Mais c'est surtout par l'observation d'un certain vide idéologique antérieur que l'on peut justifier l'enthousiasme avec lequel, dès la seconde moitié des années 1950, la méthodologie implicite dans "l'Enquête" est reçue dans EBAP / ESBAP."38 Cette affirmation montre l’importance de cette enquête pour la création d’un esprit critique chez les architectes de la deuxième moitié du XXème siècle. Il semble donc nécessaire de s’y attarder pour comprendre quels enseignements sont tirés de l’enquête.

Le gouvernement, qui voit dans cette initiative des architectes une manière de renforcer le caractère national de l’architecture portugaise, accepte finalement en 1955 de soutenir cette action des architectes. Cependant, pour les architectes en charge de l’investigation cette enquête vise justement à démystifier le « mensonge » de l’architecture du régime. Nous distinguons ainsi deux préoccupations centrales dans les objectifs de l’IARP. Premièrement contester l’architecture du gouvernement qui veut imposer son « style national » en étudiant l’architecture populaire portugaise avec des moyens modernes. Deuxièmement, porter une réflexion sur l’architecture moderne à travers la nature fonctionnaliste de l’architecture populaire.39 Cette enquête est l’opportunité pour une nouvelle génération de porter un regard sur la réalité humaine, de réfléchir aux conditions habitation, de travail et les relations que les populations entretiennent avec l’espace qui les entoure. Luisa Clementino nous explique qu’"Il ne s'agit pas seulement d'un inventaire ou d'un catalogue de formes et de techniques constructives, mais plutôt d'une réflexion sur l'approximation de l'architecture par rapport à la terre, au lieu et à la manière dont ces différences affectent l'espace. De manière générale, il s’agissait d’une approximation de la réalité de l’architecture populaire, dans une perspective largement disciplinaire, reflétant davantage la forme de l’architecture que des raisons anthropologiques, telles que les modes de vie des populations."40(Image 27)

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E. Fernandes, « A escolha do Porto: contributos para a actualização de uma ideia de Escola », Escola de Arquitectura da Universidade do Minho, Braga, 2010, p. 177.

39 L. L. Ribeiro Ramos Clementino, « Fernando Tavora: de o problema da casa portuguesa ao da Organizaçao do espaço », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2013, p. 61.

40 E. Fernandes, « A escolha do Porto: contributos para a actualização de uma ideia de Escola », Escola de Arquitectura da Universidade do Minho, Braga, 2010, p. 61.

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Au sein de l’ESBAP, comme déjà cité , deux équipes sont chargées par Carlos Ramos de l’investigation du nord du pays. Mais au total ce sont six équipes qui se partagent le territoire portugais en six régions et parcourent 50 000 kilomètres en voiture, en scooter, à cheval ou à pied. Lors de ces explorations les équipes prennent environ 10 000photos, des milliers de croquis et notes écrites.41 Les six équipes sont formées par : -

Zone 1 – Minho : Fernando Tavora, Rui Pimentel, Antonio Menéres ; Zone 2 – Trás-os-Montes: Octavio Lixa Filgueiras, Arnaldo Araujo, Carlos Carvalho Dias; Zone 3 – Beiras: Francisco Keil do Amaral, José Huertas Lobo, João José Malato; Zone 4 – Estremadura: Nuno Teotonio Pereira, Antonio Pinto Freitas, Francisco Silva Dias; Zone 5 – Alentejo: Frederico George, Antonio Azevedo Gomes, Alfredo da Mata Antunes; Zone 6 – Algarve: Artur Pires Martins, Celestino de Castro, Fernando Ferreira Torres.

Contrairement aux autres équipes, qui ont une vision plus fonctionnaliste de l’enquête, les équipes de l’ESBAP optent pour une approche plus urbanistique et anthropologique.

L’habitation est étudié non seulement par rapport à sa typologie ou ses caractéristiques architectoniques mais aussi par sa relation avec l’espace public, son quartier et étudient même son intérieur. Le climat et la géographie environnante sont également pris en compte.42 À la suite de l’étude, Fernando Tavora nous révèle que "L’enquête sur l’architecture régionale a révélé l’existence de nombreuses valeurs plus ou moins humbles de notre espace ancien."43 L’enquête est finalisée en 1958 avec des résultats présentés personnellement à Salazar. Le constat est éloquent "(…) il y avait finalement autant de traditions qu'il y avait de régions et que l'expression des bâtiments est principalement influencée par les conditions d'habitat de différents moyens."44 (Image 28 et 29) Une fois de plus, le gouvernement se voit contraint d’accepter une réalité qu’il ne voulait pas voir, son image historiciste et idéaliste de la maison portugaise n’étant qu’une illusion. Les conclusions de l’enquête ne sont publiées qu’en 1961 dans un ouvrage, composé de deux volumes, appelé « Arquitectura Popular em Portugal » et devient une référence pour les architectes portugais de la deuxième moitié du XXème siècle.

L’enquête atteint ainsi les objectifs qu’elle s’était fixée. En premier lieu, elle réussit à clore la question de la maison portugaise démontrant la diversité actuelle des habitations du pays. En second lieu, elle met en exergue le décalage entre l’architecture savante et l’architecture populaire dévoilant combien cette dernière est influencée par son contexte. L’enquête montre ainsi que la maison portugaise, loin de se caractériser par des ornements, est au contraire rationnelle en s’adaptant au mieux aux conditions d’habitabilité et de travail , de plus en symbiose avec l’espace qui l’entoure. "Dans ses conclusions, l’enquête établissait une distinction entre les architectures érudite et populaire, soulignant l’enracinement de la seconde.

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« Inquérito à Arquitectura Popular em Portugal », Wikipédia, l’encyclopédie libre, 11-mai-2013. [En ligne]. Disponible sur:https://pt.wikipedia.org/w/index.php?title=Inqu%C3%A9rito_%C3%A0_Arquitectura_Popular_em_Portugal&oldid=357 12117. [Consulté le: 09-août-2018].

42 L. L. Ribeiro Ramos Clementino, « Fernando Tavora: de o problema da casa portuguesa ao da Organizaçao do espaço », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2013, p. 67.

43 F. Távora, Da organização do espaço, 8 edição. Porto, [Portugal]: Faculdade de Arquitectura da Universidade Porto, 2008, p. 59.

44 A. Tostões, Os verdes anos na arquitectura portuguesa dos anos 50, Porto: Faup Publicações, 1997, p.161.

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Elle faisait également observer que l’existence de « constantes » dans l’histoire de l’architecture portugaise, ne devait nullement être attribuée à des modèles, types, ou éléments architecturaux, mais plutôt à « un trait de caractère intemporel des gens de notre pays »."45 Le deuxième objectif fixé pour cette investigation est également atteint. L’enquête met en lumière une architecture fonctionnelle, rationnelle mais pourtant très riche et diversifiée qui se distingue du caractère universel du mouvement moderne. "La même enquête démontra que cette « architecture sans architectes » possédait des valeurs de rationalité et d’adaptabilité bien distinctes de celles propagées par la doctrine du Mouvement Moderne."46 Le chemin est ainsi finalement ouvert à une troisième voie du débat traditionnel ou moderne que Fernando Tavora préconise dans son texte « Le problème de la maison portugaise » écrit seize ans plus tôt. L’enquête à l’architecture régionale portugaise devient dès lors un évènement charnière dans la pensée architecturale portugaise et l’ouvrage qui en découle, Arquitectura Popular em Portugal, influence fortement l’architecture portugaise de la deuxième moitié du XXème siècle. (Image 30) "Les principales conséquences dans l’architecture ont été la préoccupation de l’environnement, du paysage et de l’Homme: la valorisation croissante du parcours et la succession des espaces, l’utilisation de matériaux plus expressifs réconciliés avec les traditions populaires et une plus grande maîtrise de la lumière dans les espaces intérieurs, avec la demande de confort d'espace."47 Les architectes portugais peuvent alors se concentrer sur des questions bien plus importantes que la recherche ou la définition d’un style architectural.

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Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 42.

N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 49.

47 L. L. Ribeiro Ramos Clementino, « Fernando Tavora: de o problema da casa portuguesa ao da Organizaçao do espaço », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2013, p. 67.

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2.4. Transformations et nouveaux défis des années 60 A la fin des années 50 et au début des années 60, deux évènements accentuent le climat d’instabilité politique au Portugal et fragilisent le régime de Salazar. En 1958 les «élections » présidentielles, qui opposent Américo Tomas à Humberto Delgado, sont marquées par une fraude donnant la victoire au premier qui est pro-régime. En 1961, débute la guerre coloniale en Angola qui rapidement s’étend aux autres colonies portugaises. Ces évènements provoquent un accroissement de la contestation sociale et le régime se voit contraint d’intensifier la répression politique. Concomitant de ces évènements, l’exode des populations provenant des régions rurales de l’intérieur du pays vers les régions littorales plus industrielles pour trouver du travail, créent de sérieux problèmes d’habitation et urbanistiques.

Dans le domaine architectural, le début des années 60 représente également une période de transformation. Depuis la fin annoncée du mouvement moderne avec la dissolution des CIAM à Otterlo par la TEAM X, il devient plus que jamais nécessaire de trouver une voie pour l’architecture capable de répondre aux défis contemporains. Dans un article publié en 1961, dans la revue Arquitectura Josep Antoni Coderch, membre de la Team X, explique les raisons qui ont amené à la dissolution des CIAM et dénonce la superficialité et le manque de réflexion humaniste des architectes modernistes. Il déclare alors que "ce ne sont pas des génies dont nous avons besoin maintenant. Je crois que les génies sont des événements, pas des objectifs ou des fins en eux-mêmes. Je ne pense pas non plus que nous avons besoin de maîtres de l'architecture, ni de grands doctrinaires. (...) Je pense que nous avons surtout besoin de bonnes écoles et de bons enseignants. Nous devons tirer parti de la tradition constructive déjà réduite, mais surtout de la tradition morale, à une époque où même les plus belles paroles ont perdu leur véritable sens. "48 En 1962, est réalisée la Rencontre de Royaumont, organisé par la Team X, qui compte avec la présence des architectes portugais Fernando Tavora et Amancio Guedes. (Image 31) Cette rencontre révèle la complexité des défis qui se posent aux architectes contemporains. Bien que ne pouvant pas trouver une solution immédiate, cette rencontre permet néanmoins la prise de conscience des problèmes et du besoin d’une approche sociologique de la part des architectes.

De retour au Portugal Fernando Tavora expose les conclusions de cette rencontre : "Les temps et les dimensions ont changé ... La réalité est plus diverse, plus riche et plus variée. Il n'est pas possible pour l'instant de donner des solutions, de classer avec souveraineté, de hiérarchiser avec exactitude. Le monde se présente à nos yeux et notre esprit comme complexe, dérangeant, insolite. (...) Les contacts se sont accrus, de nouvelles cultures entrent en jeu, les concepts deviennent plus généraux, le champ des sciences et des techniques s'élargit, en un mot l'homme et le monde s'épanouissent dans des aspects inattendus. On sent que le moment est celui de la recherche et du doute, de la réunion, du drame et du mystère. Comment donc conclure avec clarté? (…) Transformons donc cette prise de conscience en un cri d'espoir dans une future synthèse."49

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C. Josep Antoni, « No son génios lo que necesitamos ahora », Arquitectura, no 73,déc. 1961, p. 3.

F. Tavora, « O encontro de Royaumont », Arquitectura, no 79, juill. 1963, p. 1.

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En effet, la société actuelle a déjà entrepris une profonde transformation qui marque les années 60 et 70 au Portugal. L’industrialisation amorcée par l’Estado Novo dans les décennies précédentes provoque l’exode des populations rurales de l’intérieur vers le littoral. L’état, débordé par la guerre coloniale qui se prolonge et plus enclin à accéder aux pressions de l’élite, délaisse l’investissement dans l’habitat social. Avec la pression démographique augmentant autour des grandes villes , la conséquence en est l’apparition de bidonvilles en périphérie de celles-ci. "Les années soixante sonnèrent définitivement le glas de la tradition architecturale et urbanistique. (…) Les principales villes du pays (notamment Lisbonne, Setubal, et les villes industrielles du Minho) connurent un rythme effréné aux accents tiers-mondistes. Surgirent alors les « bairros de lata », bidonvilles aux constructions précaires, et des quartiers de banlieue dépourvus de plans urbanistiques et d’infrastructures."50 (Image 32) La construction de nouveaux habitats se fait alors urgente et l’état entreprend une libéralisation de la promotion immobilière de façon à combattre la pression démographique toujours grandissante. L’état entame la destruction des bidonvilles dans plusieurs villes du pays afin de créer l’espace nécessaire à la construction d’habitations sociales. Les territoires libérés sont mis à disposition de l’investissement privé capable d’une intervention plus rapide. Le régime, absorbé par la répression politique, renonce ainsi au contrôle de la croissance urbanistique.51 Cependant le manque de planification des villes ainsi que l’absence de législation par rapport à la promotion immobilière, souvent dictée par des intérêts de gains rapides et faciles, vont donner naissance à de grands ensembles d’habitation. Ceux-ci, mal planifiés, sans les infrastructures nécessaires et parfois même illégaux, font abstraction totale du contexte qui les entoure. Nuno Portas les décrit ainsi, "Grands, isolés, mal desservis, les ensembles ainsi crées ne sont en fin de compte que des cités dortoirs, phénomène que l’on retrouve hélas dans d’autres pays de l’Europe méridionale. Dans cette situation typique de « dérégulation » urbaine, et dans le cadre d’un régime autoritaire, la méfiance traditionnelle vis-à-vis des postulats et des idées de la culture moderne favorise grandement l’ingénieur ou le géomètre : ce sont eux les agents prédominants dans la promotion de la construction."52 Parmi les rares projets urbanistiques réalisés à cette époque, mettons ici en évidence le projet pour le quartier Olivais au nord-est de Lisbonne. (Image 33) Conçu à la fin des années 50 et construit au début des années 60, le plan d’aménagement du quartier Olivais est fortement influencé par les principes du mouvement moderne. Prévu pour accueillir une population d’environ 50 000habitants, il s’agit d’une tentative de réponse au besoin pressant de logements à Lisbonne. Le choix d’appliquer les idées de la charte d’Athènes est facilement compris par sa capacité de produire efficacement du logement rapide. Le quartier est constitué par des tours et des barres de logement qui libèrent le sol permettant l’aménagement de parcs. L’influence du Le Corbusier est flagrante lorsqu’on compare les barres de logement de Pires Martins et Palma Melo avec la Cité Radieuse à Marseille. (Image 34 et 35) Le quartier de l’Olivais est ainsi un laboratoire de l’architecture moderne au sein de la ville de Lisbonne. Cependant le quartier rompt radicalement avec le tissu urbain existant isolant ses habitants du reste de la ville. Bien qu’il s’agisse d’une expérience intéressante et nécessaire pour son époque , ce quartier se réduit à une cité dortoir n’étant pas capable de s’adapter à l’évolution de la ville et à la diversification des besoins architecturaux contemporains. Ce quartier démontre par l’exemple les limites humanistes et urbanistiques de la charte d’Athènes et de la réforme de l’enseignement entamée en 1957.

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Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 47.

Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 48.

52 N. Portas et M. Mendes, Portugal: architecture 1965-1990. Paris: Editions du moniteur, 1992, p. 11.

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Cette transformation de la société commence aussi à se faire sentir à l’ESBAP à partir des années 60. La réforme de 1957 a permis l’évolution de l’enseignement vers un modèle moderniste, bien qu’une partie des mesures entrées en vigueur avec la réforme de 1957 soit déjà en application à l’ESBAP grâce à l’action de Carlos Ramos. De plus, comme nous avons vu plus haut, l’architecture portugaise suit pour la première fois depuis longtemps le débat architectural européen en temps réel grâce notamment à l’engagement de Fernando Tavora.

Ainsi les enseignants et étudiants de l’ESBAP ne veulent plus d’un enseignement moderniste car ils se sentent déjà concernés par le rôle social de l’architecte. Toutefois ce sont les problèmes créés par la réforme dans l’enseignement d’architecture qui vont faire augmenter la contestation parmi la communauté de l’ESBAP. Avec la réforme de 1957, les étudiants peuvent enfin jouir d’un enseignement de qualité universitaire où la formation artistique est enrichie par une formation scientifique. Cependant cette complémentarité se fait au détriment de la formation artistique. Le nombre d’heures consacrées au cours de dessin baisse significativement et passe à 4h par semaine lors de la première année de formation.53 Cette réduction d’heures du cours de dessin affecte la performance artistique des étudiants. De plus, les enseignants de l’ESBAP ne peuvent pas offrir une formation scientifique, contraignant les étudiants à se déplacer à la faculté de sciences pour suivre ces cours. Mais cette formation scientifique dure à laquelle ils ne sont pas préparés crée un mouvement de contestation parmi les étudiants. Alexandre Alves Costa, étudiant explique ainsi les raisons de l’opposition des étudiants : "Nous sommes le premier groupe d'étudiants à aller à la Faculté des sciences et nous nous sentions très mal. Nous avons commencé par contester les cours à la Faculté des sciences, car ils étaient une terreur et beaucoup de gens échouaient, en particulier en physique, en chimie et en mathématiques, mais la question n'était pas tout à fait ça. Le fait est que nous pensions que ces sujets pourraient même avoir des aspects intéressants, mais qu’ils devraient être donnés à l’ESBAP. (...) Nous nous rendions compte que, malgré tout, il y avait la possibilité d’avoir un langage plus appropriée pour nous et que si les cours scientifiques étaient donnés à l'ESBAP, il serait probablement possible de trouver un système plus direct avec les cours que nous avions à l'école et un programme plus approprié pour notre formation. Contrairement à ce que nous pensions, Ramos a bien réagi. Il était une sorte de promoteur et avait la responsabilité de nous conseiller d'aller à la réforme des 57 et a commencé à défendre, avec la direction générale, la création de ces disciplines à l'école."54 Suite à ces évènements, les étudiants décident de s’organiser et soutenus par Carlos Ramos ils lancent en 1962 la revue « ESBAP Journal des Elèves de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Porto» pour exprimer leur point de vue. Face à la passivité de l’état, qui année après année reste sourd à leurs revendications, la contestation augmente et les élèves ainsi que professeurs commencent à exiger plus de pouvoir de décision au sein de leur école. Cependant dès 1965 le régime prend une posture répressive envers les organisations étudiantes et la situation stagne jusqu’en 1969. Cette année-là, portés par le vent de mai 68, une vague de manifestations des communautés étudiantes éclate au Portugal. (Image 36 et 37) A l’ESBAP c’est le moment de réagir, la majorité des professeurs, solidaires du combat de leurs étudiants, démissionne pour faire pression sur l’état provoquant ainsi la presque extinction du cursus d’architecture.

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G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 458.

54 G. Canto Moniz, « O Ensino Moderno da Arquitectura: A reforma de 57 e as Escolas de Belas-Artes em Portugal 193169 », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2011, p. 462.

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2.5. Fernando Tavora Attardons nous un instant sur un personnage inhérent à l’idéologie de l’école de porto, Fernando Tavora. (Image 38) Comme cité plus haut, Tavora est protagoniste dans l’évolution de la réflexion architecturale portugaise non seulement par son article « Le problème de la maison Portugaise » et son rôle dans la réalisation de l’enquête à l’architecture régionale portugaise mais aussi par sa présence au cœur des centres de débat internationaux tels que le CIAM ou la rencontre de Royaumont de 1962. Ses réalisations architecturales ont également influencé bon nombre d’architectes portugais. Cependant son influence au sein de l’école de porto va bien au-delà de la réflexion architecturale ou de ses œuvres. Il y joue un rôle essentiel dans la crise institutionnelle qui éclate au sein de l’ESBAP à partir de 1969. Souvent méconnu à l’extérieur du Portugal, certainement en raison de la grande visibilité attribuée à Alvaro Siza et Eduardo Souto de Moura, Fernando Tavora est pourtant un des personnages les plus influents de l’architecture portugaise de la deuxième moitié du XXème siècle. Pour ces raisons, il semble essentiel de comprendre dans quelle mesure les contributions de Fernando Tavora ont eu un impact dans l’évolution de la pensée de l’école de porto.

" La pédagogie de Fernando Tavora n'a rien à voir avec des modèles, des réponses systématiques, savoir-faire. Elle ne supprime pas l'outil. Mais cela a à voir avec la condition humaine, l'ouverture, la prudence, la compréhension, la permissivité parfois, le doute, la volonté, l'intransigeance. Une série de contradictions dont les 180 degrés ne suffisent pas, d'où naissent des leçons d'architecture."55

Fernando Luis Cardoso de Meneses e Tavora est né à Porto le 23 août de 1923. Il appartient à une famille aisée et reçoit une éducation traditionnelle et conservatrice. 56 Il effectue sa formation en architecture à l’EBAP d’où il sort diplômé en 1946. Au cours de ses études, il côtoie Carlos Ramos avec lequel il développe une culture critique et libérale. Tavora dans un entretien avec José Miguel Rodrigues explique ainsi son quotidien avec Carlos Ramos : " Dans l’école, l’enseignement de l’architecte Carlos Ramos était très libéral, au sens où nous pouvions utiliser n'importe quelle langage. En tant que professionnel, il était un homme engagé à l’époque dans le langage classique officiel, mais malgré cela, il admettait que ses élèves utilisent un autre langage plus libre et différent. Mes premiers travaux étaient classiques. Voici sur le mur le premier: une copie d'un temple romain. Un jour, j'ai décidé de faire un bâtiment moderne et Ramos l'a accepté sans problème."57 La liberté dans la formation de Ramos va inculquer chez lui une conscience critique qui se révèle très tôt lorsque, encore étudiant, il écrit l’article « Le problème de la maison portugaise ».

De plus, la dualité dans son éducation éveille en lui une capacité de relativiser les différentes questions et ainsi pouvoir les appréhender sous divers angles. C’est cette capacité qui lui permet à la fois d’accepter le caractère traditionnel de l’architecture populaire et les innovations techniques apportées par l’architecture moderne. C’est ainsi que sa réflexion contribue à l’évolution du débat entre traditionnel et moderne qui occupe les architectes portugais jusqu’aux années 50.

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A. Siza Vieira, « A proposito da arquitectura de Fernando Tavora », in Fernando Távora, Lisboa: Blau, 1993, p. 69.

D. Cunha, « Fernando Távora : tradição e modernidade », Universidade Lusiada de Lisboa, 2017, p.25.

57 J. M. Rodrigues, O mundo ordenado e acessivel das formasda arquitectura: Tradição classica e movimento moderno na arquitectura portuguesa-dois exemplos. Porto: Editions Afrontamento, 2013.

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Les années 50 permettent à Tavora d’étudier et approfondir ces deux manières de voir l’architecture portugaise. Il est invité par Carlos Ramos à faire partie du corps enseignant de l’EBAP lui donnant ,en 1955, l’opportunité de participer à la réalisation de l’enquête à l’architecture régionale portugaise. Ce travail lui permet de mettre en évidence la diversité mais aussi les qualités fonctionnelles et d’adaptation à son contexte de l’architecture portugaise.

C’est également la période où, faisant partie de l’Organisation des Architectes Modernes, Fernando Tavora participe aux derniers CIAM et assiste en personne au débat architectural moderne. Ce dualisme dans sa vision architecturale accompagne ses projets tout au long de son parcours professionnel.

Un des premiers projets de Tavora en tant qu’architecte est le marché pour la municipalité de Santa Maria da Feira construit entre 1953-1959. (Image 39) Le projet se situe sur un terrain carré de cinquante par cinquante mètres où est réalisé le marché de la ville. Le marché est composé de 4 blocs, un bâtiment destiné à la vente de viande équipé pour la fiscalisation et conversation du produit et de 3 auvents qui accueillent les stands des marchands (poissonnerie, fleurs/fruits et animaux vivants), disposés autour de l’espace carré formant en son centre une cour. (Image 40) Face à la rue, le bâtiment principal est surélevé pour, à la fois, donner plus de visibilité et protéger l’espace de marché. Le socle en granit, la toiture inversée en tuiles rouges et les « azulejos » de la chambre froide de la poissonnerie font référence à l’architecture populaire portugaise. La hauteur maximale de l’ensemble n’excède pas celle des habitations avoisinantes et révèle la volonté d’intégration de son projet avec son contexte. " Le projet pour le marché de Vila da Feira fait partie d'une suite de textes et d'ouvrages qui, avec persistance et cohérence, ont cherché à définir ou à marquer un ensemble de problèmes, des contributions interconnectées contribuant à la formation d'un point de vue sur l'architecture une perspective nécessaire pour l'appropriation d'un patrimoine ou d'une tradition."58 Le projet présente aussi des influences de l’architecture moderne. La structure des auvents, en béton armé qui donne une sensation à la fois minimaliste et brutale, est composée de colonnes centrales qui supportent le poids de la structure et libèrent la surface au sol. (Image 41) La toiture en pente inversée est subtilement cachée des éléments horizontaux donnant aux usagers la sensation qu’il s’agit d’une toiture plate. Les différents blocs sont légèrement décalés entre eux permettant ainsi la circulation des usagers et donnant de la vigueur au plan. De plus, Tavora conçoit chaque unité sur des niveaux différents rajoutant ainsi du dynamisme à la composition.

(Image 42) Dans le projet pour le marché de la municipalité de Santa Maria da Feira, Tavora rompt donc avec les principes constructifs et les traditions architecturales portugaises. Il montre ainsi son intérêt pour l’architecture moderne et ses principes constructifs.

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A. Tostões, Os verdes anos na arquitectura portuguesa dos anos 50, Porto: Faup Publicações, 1997, p.132.

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En 1956, la municipalité de Matosinhos demande à Fernando Tavora de réaliser les plans d’aménagement pour le parc municipal Quinta da Conceição. Le projet consiste à reconvertir le domaine de l’ancien couvent « Nossa Senhora da Conceição », construit à la fin du XVème siècle, en un parc public. (Image 43) Ce lieu plein d’histoire et de symbolique est un écran vert qui sépare les zones résidentielles au nord de la zone industrielle portuaire au sud. Lors de son aménagement, qui s’étend sur quatre années, Tavora est confronté à la présence de nombreux vestiges du vieux couvent disséminés à l’intérieur du parc. Tavora conçoit alors le tracé du parc en tirant parti de ces vestiges et ainsi pouvoir les mettre en valeur. Tout au long de ces quatre années , il collabore avec José Pacheco, Alvaro Siza, Alberto Neves, Francisco Figueiredo e Vasco Cunha.59 Tavora évoque avec nostalgie les quatre années passées sur ce chantier: " Je travaillais là comme un prêtre du couvent. Je marchais avec les maçons et les jardiniers et leur disait quoi faire. Il y avait un chef d’équipe qui m'a donné ses conseils, plusieurs fois suivis.

Tout cela se passait dans une situation très familière, presque domestique, grâce au soutien du maire, un homme très sensible, pour qui l’argent n’avait aucun sens et estimait que l’important était de bien faire les choses."60 Lors de l’aménagement de ce parc fortement chargé d’histoire, Fernando Tavora est amené à construire un pavillon qui longe les terrains de tennis. Il se voit ici confronté au besoin d’incorporer un bâtiment qui réponde à une fonction du XXème siècle dans un parc dont le tracé respire l’esprit du XVème siècle. Alors que dans le projet précédant il élabore les plans à partir d’un terrain vide, il doit trouver ici une harmonie entre ses convictions modernistes et le caractère traditionnel du lieu. Aussi porte-t-il une particulière attention à l’insertion du projet dans le site. Tavora tire ainsi parti de la topographie existante pour construire un bâtiment de deux niveaux. Le niveau inférieur s’insère dans le dénivelé du terrain et la façade en granit accompagne le mur préexistant, assurant ainsi la bonne insertion du bâtiment dans son environnement. (Image 44) Le niveau supérieur, par contre, présente un caractère bien plus moderne. Le jeu de plans qui structurent l’espace supérieur nous rappelle le néoplasticisme de Piet Mondrian ou l’architecture de Gerrit Rietveld plus particulièrement la maison Schroder. (Image 45) À l’arrière du bâtiment, quatre blocs monolithiques déchirent la paroi blanche et soutiennent la toiture qui semble flotter sur l’immense poutre disposée sur les murs latéraux. Notons cependant, l’utilisation de la charpente en bois, de la toiture en pente de tuiles rouges et les blocs de granit monolithiques qui font référence à la tradition architectonique portugaise. Dans cette œuvre, Tavora parvient à trouver un point d’équilibre entre la tradition architecturale portugaise et une conception moderniste ainsi qu’à insérer le projet dans son contexte sans le dénaturer. Le pavillon de tennis révèle ainsi la capacité de Tavora à trouver une harmonie sur des sujets apparemment contradictoires comme Alvaro Siza l’évoquait plus haut.

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L. L. Ribeiro Ramos Clementino, « Fernando Tavora: de o problema da casa portuguesa ao da Organizaçao do espaço », Faculté des sciences et tecnologie de l’Université de Coimbra, Coimbra, 2013, p.111.

60 L. Trigueiros et F. Tavora, Fernando Távora. Lisboa: Blau, 1993, p. 66.

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Cette faculté à trouver l’harmonie dans la contradiction, nous la retrouvons également au sein de son parcours au sein de l’ESBAP. Comme cité plus haut, lors du début de l’année académique de 1969-70, le mouvement de contestation réunissant étudiants et professeurs face à l’inactivité du gouvernement à résoudre les problèmes créés par la réforme de 1957 culmine avec la démission d’une partie significative du corps enseignant installant une crise profonde au sein de l’ESBAP. Sans professeurs, les cours d’architecture s’arrêtent et le gouvernement, dirigé par Marcelo Caetano à ce moment, est contraint de faire des concessions pour trouver une solution. Au sein de l’ESBAP est alors testé un régime expérimental et se crée un comité de coordination, constitué de professeurs et étudiants, chargé de choisir le programme de cours et de faire part de leurs résultats au gouvernement.61 Si dans un premier temps Tavora demande aussi sa démission, il revient vite sur sa décision pour réintégrer le corps enseignant en avril 1970 et participer au comité de coordination qui présente pour la fin d’année sa proposition de programme de cours au gouvernement. La lenteur de l’échange ne fera reprendre les cours qu’en mai 1971.Nommé médiateur avec l’état par le comité de coordination, le rôle de Tavora au sein de l’ESBAP devient de plus en plus important.

Parallèlement Tavora garantit à ses étudiants une grande autonomie en basant son enseignement sur le projet et le dessin. " Pour Távora, même dans une période de grande incertitude, l'enseignement de l'architecture passera toujours par l'enseignement de l'expérience de projet; prise par conviction profonde ou par manque de meilleure alternative, il s’agit d’une option sensée, à un moment où c’est peut-être la qualité la plus difficile. Le rôle de Távora prendra de plus en plus d’importance dans les années où le cours d’architecture vise à assurer l’autonomie totale de son processus pédagogique, que l’État cherche à contrer avec la nomination d’un directeur qui aura au cœur de l’école un rôle de blocage et la commodité autoritaire."62 Le régime expérimental est néanmoins marqué par une plus grande ouverture à l’exploration de nouvelles formes d’expression et de techniques architecturales ayant comme arrière-plan le rôle social de l’architecte. (Image 46 et 47) La situation d’indéfinition du cursus d’architecture se prolonge et au sein de l’ESBAP le débat divise le corps enseignant. La situation n’est débloquée qu’à partir de 1974 avec la révolution des Œillets qui apporte un vent de liberté sur la société portugaise.

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R. A. G. e Paulino, « O ensino da arquitectura na nescola do Porto construção de um projecto pedagógico entre 1969 e 1984 », Faup, Porto, 2013, p 184.

62 E. Fernandes, « A escolha do Porto: contributos para a actualização de uma ideia de Escola », Escola de Arquitectura da Universidade do Minho, Braga, 2010, p. 260.

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2.6. La révolution des Œillets de 1974 et le programme SAAL Le début des années 70 est marqué par l’arrivée de Marcelo Caetano à la tête du gouvernement suite au décès de Salazar. Son mandat se veut plus libéral et ouvert au dialogue, c’est ce que l’on appelle le printemps Marceliste. Toutefois, la répression politique et l’autoritarisme sont tellement ancrés dans la machine de l’état que la contestation sociale ne cesse de s’accroitre. D’autre part, la guerre coloniale qui se prolonge depuis plus de dix ans plonge le pays dans une situation socio-économique insoutenable créant des mouvements d’opposition parmi les traditionnels partisans du régime.

Le 25 avril 1974, un coup d’état militaire pacifique renverse le régime en vigueur, restaure les libertés démocratiques et entame la décolonisation des territoires outre-mer. Les militaires sont accueillis dans les rues de Lisbonne avec des œillets et l’euphorie générale s’installe.

(Image 48-49) Suite à l’« été chaud » de 1975, la gestion militaire du pays est remplacée par des partis politiques de gauche et le Portugal devient une république démocratique. Après la révolution et le processus de décolonisation, des centaines de milliers de réfugiés arrivent au Portugal en provenance des anciennes colonies portugaises. Le pays qui rencontrait déjà des problèmes de logement avant la révolution voit sa situation devenir critique. " Avec le 25 Avril, du logement dans le pays devint impossible à dissimuler. Il suffisait de regarder les statistiques pour comprendre la gravité de la situation. Le manque de logements s’élevait à 600 000 avec une sérieuse tendance à la hausse. "63 L’état se voit ainsi obligé de réagir au plus vite pour résoudre le problème de l’habitation et décide d’avancer sur plusieurs fronts à la fois. Premièrement, le gouvernement décide de poursuivre et dynamiser les projets déjà existants financés par le Fond de Financement de l’Habitation (FFH) en partenariat avec le secteur privé. Deuxièmement, il élabore des systèmes alternatifs se basant sur l’autogestion sociale de manière à répondre plus rapidement là où la demande est plus importante. Il s’agit du programme de Service d’Appui Mobile Local (SAAL). Ces initiatives favorisent la gestion décentralisée des projets ce qui favorise une plus grande célérité dans la réalisation des projets. Les architectes travaillent directement avec les associations d’habitants. La gestion financière, le suivi des opérations, la localisation des projets, la distribution des logements finis est accomplie en coopération directe avec les associations d’habitants.64 "Le SAAL était, sans équivoque, un programme d’état. Mais l’état pouvait-il être commanditaire alors que les circonstances politiques du moment, nouvelles et en ébullition, le rendaient instable? La réponse n’était ni simple ni définitive. Il n’empêche que les commandes du SAAL avaient le sceau de double légitimité : celle, officielle, d’être des commandes publiques et celle, plus diffuse, présente dans la pensée des architectes tout au long du XXème siècle, de travailler « pour le peuple ». "65 Puisque à cette époque la promotion immobilière connait une période de stagnation beaucoup d’architectes portugais s’emparent de cette occasion pour avoir du travail.66 Les projets sont conçus en étroite collaboration avec les associations d’habitants, entrepreneurs et l’état.

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N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 143.

64 C. Quino Albino, « Les prémisses et la naissance d’une tendance : École de Porto », ISACF-LaCambre, Bruxelles, 2001, p.56.

65 N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 143.

66 C. Fernando Marquez et L. Richard, Alvaro Siza: 1958-2000: getting through turbulence- notes on invention. Madrid: El croquis, 2000, p. 23.

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Les populations, portées par l’effervescence de la liberté, s’investissent avec fougue dans les projets rendant le processus de conception très dynamique, bien plus que bon nombre de projets participatifs d’aujourd’hui. En raison de ces multiples acteurs, les projets du programme SAAL connaissent une grande diversité dans ses résultats.67 À Lisbonne, malgré la liberté offerte par la périphérie, les réponses obtenues par le programme SAAL reste en-dessous des attentes. En effet, les architectes de Lisbonne, plus proches de l’ancien régime et des intérêts des promoteurs immobiliers, ont du mal à se détacher de leurs habitudes et les projets obtenus ne diffèrent que très peu de ce qui se faisait auparavant.

Les nouveaux quartiers s’insèrent difficilement dans leur contexte et on note une absence d’articulation avec la ville existante.68 Notons néanmoins quelques exceptions comme les projets de Manuel Vicente dans le quartier Quinta do Bacalhau-Monte Coxo ou le projet de Raùl Hestnes Ferreira pour le quartier Quinta das Fonsecas-Calçada.

Cependant c’est à Porto et notamment parmi les architectes issus de l’ESBAP que les résultats sont les plus probants. La nature des projets, situés dans un tissu urbain de forte densité, oblige les architectes à trouver des solutions pour faciliter l’articulation des nouveaux projets avec la ville existante. Ici, les architectes portent une particulière attention à l’intégration des projets au contexte, essayent de trouver une continuité dans les questions d’échelle, de voisinage et de typologie. De plus, le maintien des modes de vie, en raison de la participation des habitants à la conception du projet, est une donnée presque obligatoire.69 Ces principes sont appliqués par exemple dans les projets de Sérgio Fernandez à Lapa ou celui de Pedro Ramalho dans le quartier Antas. Le projet pour le quartier de São Victor, dessiné par Alvaro Siza, est certainement celui qui applique le mieux ces principes. Il traite avec efficacité le problème du logement social en plein centre historique de Porto. Les logements de deux étages forment une barre de logements qui s’adapte au dénivelé typique des rues de Porto et suit le niveau des maisons déjà existantes. (Image 50) Nous retrouvons également des références à l’architecture moderne notamment le projet de Jacobus Johannes Pieter Oud pour le Weissensiedlung à Stuttgart. (Image 51 et 52) Cependant, Siza démontre une connaissance profonde du lieu, où par une série d’interactions entre le vieux et le nouveau, il réussit à inscrire son projet qui contraste avec la tabula rasa moderniste. Pourtant, ce qui fait la force du programme SAAL, l’interaction des habitants dans la conception de leur logement, devient aussi une de ses principales faiblesses en raison d’une grande intransigeance des habitants. Ce facteur conjugué à un manque de moyens de la part de l’état dicte la fin du programme le 27octobre 1976 alors que de nombreux projets ne sont pas encore finalisés. "Même s’il fut bref, le SAAL eut une importance significative pour la discipline, éveillant l’intérêt de la scène architecturale internationale, non seulement pour la révolution elle-même, mais aussi pour le renforcement qu’elle produisit de la fonction sociale de l’architecte, en tant que moteur de la participation civique. Dans ce contexte, Alvaro Siza, disciple de Fernando Tavora, acquiert une reconnaissance internationale grandissante, avec la diffusion, dans divers pays européens, de ses ouvrages réalisés dans le cadre du SAAL/Nord, lesquels stimulent également de futures commandes du même genre pour Berlin et la Haye."70 67

N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 144.

68 C. Quino Albino, « Les prémisses et la naissance d’une tendance : École de Porto », ISACF-LaCambre, Bruxelles, 2001, p.58.

69 N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 146.

70 N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 149.

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2.7. Alvaro Siza et la Faculté d’architecture de l’Université de Porto Comme nous avons vu au chapitre précédant, le programme SAAL est l’opportunité pour nombre d’architectes de porto de se faire un nom dans le paysage architectural portugais. Dans le cas d’Alvaro Siza cette renommée atteint même le niveau international, faisant d’Alvaro Siza le principal protagoniste des architectes de sa génération. Aussi est-il indispensable de s’intéresser à son parcours et à son œuvre.

"Fernando Tavora disait de Alvaro Siza qu’il était plus hollandais que les hollandais lorsqu’il travaillait aux Pays-Bas, le plus allemand des allemands à Berlin et le plus français en France (…)"71 Alvaro Joaquim de Melo Siza Vieira est né le 25 juin 1933 à Matosinhos. (Image 53) Bien qu’il veuille initialement se former en sculpture, il suit finalement une formation en architecture au sein de l’EBAP entre 1949 et 1955. Lors de sa formation il rencontre Carlos Ramos et Fernando Tavora qui vont influencer son parcours en tant qu’architecte. Il réalise notamment son stage en architecture chez Fernando Tavora entre 1956 et 1958. C’est justement à cette période que Siza dessine un de ses premiers projets, le salon de thé Boa Nova à Leça da Palmeira face à la mer. (Image 54) L’influence de Tavora, notamment dû au fait qu’ils travaillent ensemble, est perceptible et on sent la volonté d’appliquer une architecture moderne à la tradition architectonique portugaise. Cependant, ce qui fait de ce projet une œuvre remarquable est assurément la capacité de Siza à l’intégrer dans un contexte topographique exigeant. En effet, il est difficile de dire avec précision où s’arrête le sol rocheux et où commence exactement l’œuvre. Le projet ne s’impose pas au contexte, mais il en tire parti. Le salon de thé se cache entre les rochers et pourtant il s’ouvre totalement vers l’océan offrant un vue privilégiée à ses usagers. (Image 55) "L’œuvre de Siza s’inscrit dans une tendance qui ‘efface’ l’architecture moderne au profit du respect des éléments préexistants, qui suggère (plus qu’elle n’impose) ce qui est moderne."72 Cette capacité d’adaptation au contexte est une constante tout au long de la carrière de Siza.

C’est justement en raison de cette faculté que Tavora affirme que ‘Siza est plus hollandais que les hollandais’. L’adaptabilité des œuvres de Siza rend chaque œuvre unique, variable selon le contexte non seulement géographique mais aussi temporel, rendant ainsi impossible de le catégoriser dans un style ou un courant architectural.

En 1960, alors que Siza est encore un jeune architecte, ses œuvres sont déjà publiées dans la revue Arquitectura. Nuno Portas félicité la capacité de Siza d’apporter toujours de nouvelles solutions à chaque projet : "De telles idées ... ne sont pas dans les plans, les coupes ou les élévations, mais sont conçues de l'intérieur, c'est-à-dire pour ceux qui y circulent, vivent du détail dont lumière entre, de la transition du garde-corps avec le mur, du détail constructif que Siza Vieira aime exaspérer."73

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N. Grande et J. A. Bandeirinha, Les Universalistes: 50 ans d’architecture portugaise. Marseille : Paris: Parenthèses ; Fondation Calouste Gulbenkian : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2016, p. 19.

72 Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 44.

73 N. Portas, « 3 obras de Alvaro Siza Vieira », Arquitectura, no 68, p. 13, juill. 1960, p. 13.

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Dans les années 60, Avaro Siza construit essentiellement des projets résidentiels de petite taille. Ces années sont néanmoins marquées par une exploration formelle, matérielle et contextuelle et son architecture gagne ainsi un lexique architectonique de plus en plus varié.

Notons cependant le projet pour les piscines à Leça da Palmeira qui telles le Salon de Thé s’intègrent dans son contexte. Les rochers qui donnent sur la mer sont inclus dans la composition ce qui lui donne un aspect de naturel.

En 1966, il intègre le corps enseignant de l’ESBAP en tant que professeur assistant. Poste dont il démissionne en 1969 suite à la crise installée dans le cursus d’architecture en raison de la réforme de 1957.

Entre 1973-77, Siza réalise le plan d’aménagement pour le quartier Quinta da Malagueira situé dans la zone sud-est d’Évora dans le sud du Portugal. Le projet prévoit la construction de 1200 structures financées par différentes entités : 407 par des coopératives, 100 par des organisations de locataires, 300 par l’état, 93 par des contrats de construction et 300 par initiative privée.74 Dans ce projet Siza montre une fois de plus sa capacité à appréhender le lieu.

La situation géographique et topographie du site, des légères élévations typiques de la région de l’Alentejo, deviennent des éléments clés du projet. Bien que l’on puisse voir une influence des Weissensiedlung dans cette œuvre, celle-ci se réfère davantage à l’architecture du sud pays.

Maisons blanches, toitures plates et patios sont tous des signes de l’architecture méditerranéenne du sud du Portugal. La faculté de Siza d’intégrer dans son architecture histoire et modernisme montre que sa relation à la tradition ne signifie donc pas simple stagnation.

La topographie y joue également un rôle essentiel. En effet, bien que les maisons de deux niveaux semblent à première vue similaires, avec quelques variantes typologiques qui vont de la maison 1chambre à la maison 5chambres, la topographie du site apporte un dynamisme à l’ensemble. (Image 56) Pour se faire, Siza s’aide du dessin comme créateur d’espace. En effet, le croquis est l’outil de Siza pour appréhender le lieu. C’est à travers le dessin que Siza pense, se projette dans l’espace, teste des variantes, vérifie les échelles et imagine ses œuvres. Cette caractéristique est d’ailleurs une constante parmi les architectes de l’école de Porto. (Image 57) "L’interprétation de la ville en tant qu’organisme dont la croissance est sujette à la continuité et non à la rupture, fut en effet le premier choix culturel du projet. On procéda à une sorte d’archéologie physique et culturelle qui conférait au dessin le statut d’instrument, pour mettre en évidence certains aspects du territoire, et en éclaircir les potentialités formelles. "75 Dans ce projet, Siza explore également le rôle social de l’architecte, déjà souhaité par ses pairs de l’école de Porto dans les années 60. Il travaille en lien avec les différents acteurs du projet, municipalité et association d’habitants. Le résultat final n’est pas l’œuvre de l’esprit d’un génie, mais plutôt l’aboutissement d’une série de conflits au travers desquels l’architecte essaye de trouver un compromis. Ce sont ces divergences qui rendent le projet de Quinta da Malagueira vivant.

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Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 283.

75 Fondation pour l’architecture, Points de repère : architectures du Portugal, Bruxelles, Europalia 91- Portugal, 1991, p. 294.

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"Il agit avec ses compétences particulières, ses propres valeurs et une finalité. Mais, sans jamais se placer au-dessus du processus ; en acceptant le fait qu’on ne saurait mettre en œuvre le projet de l’extérieur et en mettant nettement en jeu sa sensibilité pour apprendre à partir de la situation ; dans un sens très européen du learning from."76 Les hésitations de l’état et le contexte politique tendu vécu dans les années 70 conduisent à de nombreux retards du projet et finalement seule une partie du plan initial est réalisée.

Cependant, l’approche sociale de ce projet ainsi que de ceux réalisés dans le contexte du programme SAAL, lui donnent une réputation internationale. Aussi quand Siza revient enseigner à l’ESBAP à partir de 1977, c’est en tant qu’architecte attaché d’une notoriété certaine et reconnu par ses pairs.

Au cours de l’année 1979, les problèmes liés à la réforme de 1957 n’étant toujours pas réglés, le ministère de l’éducation approuve la proposition d’intégration du cursus d’architecture au sein de l’Université de Porto. C’est la création de la Faculté d’architecture de l’Université de Porto (FAUP). Cependant cette décision suscite une nouvelle question, puisque le cursus d’architecture quitte l’ESBAP, où aller s’installer ? Le recteur de l’université de Porto propose alors de résoudre ce sujet en mettant à disponibilité de la FAUP le site sur lequel se trouve aujourd’hui la faculté. Alvaro Siza fait alors l’unanimité au sein du corps enseignant pour la conception des nouvelles installations. "Malgré la décision prise, au fur et à mesure du déroulement du processus et des nouveaux développements, José Grade - le nouveau président du conseil d’administration du cursus informe le recteur, le 24 septembre, de la décision d’accepter les installations du pôle 3 Campo Alegre et de nommer Fernando Távora pour représenter l’École, proposant que Álvaro Siza soit responsable du projet."77 Dans un premier temps la faculté s’installe dans la vieille ‘maison rose’ présente sur le site et entreprend la construction du pavillon Carlos Ramos achevé en 1987. Entre 1986 et 1994 il réalise finalement l’ensemble des installations de la nouvelle faculté d’architecture de Porto.

Dans ce projet il synthétise toute l’expérience acquise pendant ses 30 années de profession. Siza adapte les différents pavillons de la faculté à la forme du site et aux terrasses naturelles du terrain. Les bâtiments administratifs (bureaux de l’administration, cantine, auditoires bibliothèque) délimitent le terrain et quatre tours avec les salles de classe se tournent vers le Douro. (Image 58) Un patio, qui lors des beaux jours, fait office d’esplanade pour la cantine ou terrain de football, vient se placer entre ces éléments. Le patio participe à la composition et devient un espace de vie à part entière. Sous le patio, un couloir relie les différentes tours aux bâtiments administratifs. Les tours, une pour chaque année de formation (plus le pavillon Carlos Ramos), sont composées d’ouvertures dont aucune n’est similaire. Pour chaque ouverture, Siza attire le regard des étudiants sur un élément particulier du paysage. (Image 59).Notons l’absence d’une cinquième tour, espace vide qui devient lieu de rencontre et de vie. Les bâtiments administratifs sont reliés entre eux par une série de rampes où l’on voit des étudiants assis pour dessiner. Tout le projet invite à une promenade architecturale sans jamais se trouver face à un cul de sac. Dans ce projet, le sol devient toiture et les toitures espaces de rencontre. La faculté d’architecture de l’université de Porto exprime toute la complexité et contradiction de l’œuvre de Siza.

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K. Frampton, Alvaro Siza: professione poetica = profession poétique. Milan: Electa / Electa Moniteur, 1987, p. 95.

R. A. G. e Paulino, « O ensino da arquitectura na nescola do Porto construção de um projecto pedagógico entre 1969 e 1984 », Faup, Porto, 2013, p.594.

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Nous pouvons ainsi conclure qu’Alvaro Siza et son architecture synthétisent l’idéologie de l’école de Porto. Il représente le dernier maillon d’un ensemble de personnalités qui contribuent au développement de la réflexion architecturale se déroulant tout au long de la deuxième moitié du XXème siècle.

Cette partie de ce travail nous a permis de saisir un peu mieux la réalité architecturale portugaise en déchiffrant notamment le développement de la culture architecturale de l’école de Porto. Elle nous permet aussi de comprendre que l’on ne peut pas se résoudre à parler d’une architecture portugaise d’un seul tenant puisqu’il en existe de multiples. Nous découvrons ainsi une architecture portugaise très diversifiée conditionnée par l’histoire et de multiples facteurs.

Le climat, les sols, la topographie, les coutumes ou les influences de cultures extérieures ayant tous un impact sur la manière de vivre et donc la production architecturale d’une région ou d’un pays.

Nous pouvons ainsi résumer que l’idéologie de l’école de porto ne se base pas sur l’application stricte de principes architecturaux ou l’utilisation d’éléments formels mais plutôt qu’elle fournit une série d’outils en vue d’aider l’architecte lors de la conception de ses projets.

Nous pouvons ainsi identifier ces outils en quatre groupes : -

Développement d’un esprit critique envers l’emploi de l’architecture contemporaine Intégration de l’architecture au contexte existant Application du rôle social de l’architecte Dimension artistique de l’architecture

En appliquant ces outils, l’architecture est capable de s’adapter à son contexte ainsi qu’a son temps. Résumer l’idéologie de l’école de Porto en un style ou un courant architectural serait caricatural puisqu’au contraire, de cette pensée découle une architecture très riche car variable et diversifiée.

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1. Cas d’étude : architecture d’austérité Dans le dernier chapitre de ce travail, nous faisons une analyse de trois œuvres d’architectes et bureaux d’architecture contemporains portugais. Ce chapitre se compose de trois souschapitres qui correspondent chacun à une œuvre. Nous examinons ainsi le musée du phare Santa Marta, œuvre du bureau Aires Mateus, le centre d’arts contemporains Arquipelago une production conjointe du bureau Menos é Mais et de l’architecte João Mendes Ribeiro et la Maison de la Mémoire de Guimarães conçu para l’agence Miguel Guedes Arquitectos. (Images 60 à 62) Le but étant de déterminer les relations entre ses œuvres et la réflexion menée au cours de la deuxième moitié du XXème siècle au sein de l’école de Porto. Nous pourrons alors comprendre s’il y a influence de l’idéologie de l’école de porto dans la production architecturale portugaise contemporaine. Le choix de ces trois projets porte sur trois critères principaux.

Premièrement, le choix des œuvres s’est fait parmi des architectes ayant terminé leur formation au plus tôt dans les années 80 , ayant donc commencé à exercer vers la fin du XXème siècle. Par conséquent, ces architectes sont susceptibles de subir les influences d’architectes comme Fernando Tavora, Avaro Siza ou Eduardo Souto de Moura dont la réputation est déjà très grande au Portugal à cette période. De plus, nous nous sommes concentrés sur des œuvres construites dans les années 2000, ce choix temporel permet de présenter des œuvres récentes qui représentent la production architecturale contemporaine portugaise.

Le deuxième critère correspond à la sélection de projets publics. Puisque les œuvres publiques sont soumises à un concours, cela nous donne un premier garant de qualité. Quand bien même nous sommes conscients que les concours publics, dans certains cas, peuvent n’être qu’une façade pour l’attribution d’un projet à une agence prédéfinie, cela fait partie d’un autre débat qui ne nous intéresse pas en ce moment. De plus, le concours public est le résultat d’une volonté collective et donc plus représentative des tendances architecturales d’une société que les projets privés qui peuvent ne représenter que la volonté d’un seul individu.

Le troisième et dernier critère de sélection s’est porté sur le choix de projets ayant obtenu des prix et publiés dans des médiums, revues et sites internet dédiés à l’architecture. Ce qui nous donne une deuxième garantie de qualité puisqu’ils font également l’objet d’une présélection de la part de la communauté d’architectes.

Pour chaque cas d’étude, nous faisons dans un premier temps une présentation du bureau d’architecture. Ensuite nous analysons l’œuvre et identifions les relations qui peuvent exister entre ces projets et l’idéologie de l’école de Porto.

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3.1. Musée du phare Santa Marta Le bureau Aires Mateus est créé en 1988 par les frères Manuel et Francisco Aires Mateus.

Tous les deux suivent leur formation en architecture à la faculté d’architecture de l’université de Lisbonne en 1986 et 1987 respectivement. Ils travaillent au sein du bureau de Gonçalo Byrne avant de créer leur propre bureau. Dans les années 90, ils conçoivent essentiellement des projets de maisons de petite ampleur leur permettant de gagner en expérience. Au cours des années 2000, leur carnet de commandes se diversifie et ils commencent à projeter des écoles, des musées, des hôtels entre autres. Leurs travaux sont récompensés par plusieurs prix aussi bien au Portugal qu’à l’étranger. En 2009, leur projet pour le musée du phare de Santa Marta est sélectionné pour le Prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine Mies Van der Rohe.

Le projet se situe dans la municipalité de Cascais en périphérie de la ville de Lisbonne. Le phare, construit au XVIIème siècle, se trouve en bordure de mer à quelques mètres de distance de la maison de Santa Marta édifiée par Raul Lino au début du XXème siècle. Au pied du phare se trouvent trois bâtiments. Ceux-ci servaient de maison au personnel qui autrefois assurait la manutention du phare.

Le programme consiste en la réhabilitation du phare, de ses installations ainsi que la construction d’un espace muséologique où sera exposée l’histoire de ce vieux phare. Les intentions des architectes se basent sur trois principes : - restauration des installations existantes - clarification du processus historique - création d’un nouveau bâtiment en vue de son adaptation muséologique Le programme est par conséquent décomposé en trois ensembles chacun avec sa matérialité propre. Le phare dont l’intervention se résume à sa restauration, les bâtiments annexes au phare qui comprennent les espaces muséologiques et un nouveau bâtiment destiné à accueillir les fonctions nécessaires au fonctionnement du musée (bureau d’accueil, café et toilettes).

Le musée occupe donc les bâtiments préexistants au pied du phare. Les façades de ces édifices sont recouvertes d’azulejos blancs en référence aux azulejos qui tapissent les parois du phare. La clarté des façades extérieures contraste avec l’ambiance sombre qui règne à l’intérieur du musée. Les architectes ont pris le soin de mettre en évidence les encadrements des portes et façades comme vestiges de la tradition architectonique portugaise.

Aux espaces muséologiques vient s’adosser une nouvelle construction de façon à assurer les services du musée. Il se compose de quatre corps polygonaux, un bureau pour l’accueil des visiteurs, un bar, des toilettes et un espace de stockage. Ce volume irrégulier longe le mur de l’enceinte et structure l’espace du musée. Ainsi placé en bordure du site, ce nouveau bâtiment libère la zone face à la mer et permet aux utilisateurs de l’esplanade de profiter du paysage.

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Par un jeu de pleins et de vides, cette construction crée des niches qui protègent l’usager des vents forts qui ont cours sur la côte portugaise. De plus, ce « bâtiment-mur » connecte les différentes fonctions programmatiques entre elles. Sa toiture est plate et le jeu de pleins et de vides renforce son aspect de muraille. Sa façade est d’un blanc immaculé uniquement interrompu par ses ouvertures.

Nous notons ainsi un respect des architectes pour le patrimoine existant où le phare est la pièce maitresse de la composition. Les autres bâtiments par ses façades blanches s’effacent pour mettre celui-ci en évidence. Le concept temporel est également mis en valeur par les différentes matérialités appliquées à l’ensemble. Finalement la nouvelle construction apporte une dimension artistique moderne laissant la marque de notre temps dans ce projet intemporel.

L’abordage critique dans l’apport d’une architecture moderne, l’intégration au site et la dimension artistique apportée par les architectes nous permet ainsi affirmer que les principes de l’école de porto s’appliquent dans ce projet.

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3.2. Maison de la mémoire à Guimarães –Miguel Guedes Arquitectos Le bureau Miguel Guedes Arquitectos est le résultat d’une collaboration entre Miguel Ferreira Guedes de Carvalho, diplômé en architecture à FAUP en 1982 et Miguel Pinto Rodrigues Guedes de Carvalho, diplômé en architecture à l’université Lusiada de porto en 2009.

Il s’agit donc d’une collaboration entre père et fils ce qui leur apporte un savant mélange d’expérience et innovation. Miguel Guedes (père) travaille avec Alvaro Siza dans les années 80 puis fonde son propre bureau à partir de 1988. Il gagne au cours des années 90 plusieurs concours qui lui permettent de gagner en expérience dans la construction de bâtiments publics.

En 2010, ils gagnent le concours pour le projet de la Maison de la Mémoire à Guimarães.

Ce projet intervient dans le cadre des commémorations de Guimarães capitale européenne de la culture 2012. Celui-ci consiste en la réaffectation de l’ancienne usine de plastiques « Patria » qui se trouve en bordure de la ville de Guimarães. Le programme a pour but la création d’un espace culturel que les habitants de Guimarães doivent s’approprier pour produire et exposer leur art. Il s’agit d’un projet social qui ambitionne de promouvoir la création culturelle au sein des habitants. La maison de la mémoire se veut ainsi un réservoir du patrimoine culturel, matériel et immatériel, de la société de Guimarães.

Le projet se décompose en trois ensembles programmatiques. Un bâtiment se positionne face à la rue contenant les bureaux d’administration et les ateliers de création. Deux anciens hangars sont reconvertis en espace d’exposition. Enfin un bâtiment polyvalent pour accueillir des activités situé à l’arrière de l’ensemble.

Le bâtiment contenant les ateliers donne directement sur la rue et fait la transition avec les bâtiments mitoyens qui ont des niveaux différents. La façade en bois contraste avec les équipements techniques qui la surplombent. Ceux-ci se mettent en évidence par rapport à l’ensemble architectural, ce qui nous rappelle le centre Pompidou à Paris construit par Renzo Piano et Richard Rogers. Au centre de la façade principale une ouverture au rez-de-chaussée invite le passant à entrer dans cet ensemble.

Une allée amène le visiteur à travers les hangars jusqu’à l’arrière où il découvre une place publique avant d’arriver à la rue en arrière d’ilot. De cette manière l’espace public est prolongé avec le gain d’une nouvelle place pouvant accueillir des évènements.

Le visiteur continue sa visite en traversant les hangars d’exposition qui gardent leur structure initiale. Les architectes veulent ainsi garder et valoriser la mémoire industrielle de ce lieu. Celle-ci fait partie intégrante de la composition qui continue d’interpeler l’usager en raison de sa dualité entre son passé industriel et son architecture moderne.

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Nous pouvons voir que les architectes ont porté une attention toute particulière à l’intégration du projet au sein de son contexte. Non seulement au niveau architectural mais également au niveau urbanistique avec un projet créant un nouvel espace de vie au sein de la ville. On observe également une forte articulation entre l’architecture moderne et le patrimoine architectural industriel déjà existant dans la structuration de leur composition. De part ces différentes touches, ce patrimoine en ressort valorisé. En final, ce projet porte un esprit social très fort qui favorise la cohésion de la ville mais aussi de ses habitants.

Nous retrouvons ainsi dans ce projet, les principes fondateurs de l’école de porto tels que l’articulation entre les traditions et une architecture contemporaine, l’intégration au contexte et le rôle social de l’architecte dans la ville.

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3.3. Arquipelago : Centre des arts contemporains – João Mendes Ribeiro et Menos é Mais João Mendes Ribeiro est un architecte portugais diplômé en architecture à la faculté d’architecture de l’université de porto en 1986. Il est professeur à FAUP entre 1989 et 1991 où il côtoie Alvaro Siza. Il enseigne également à faculté de sciences et technologie de l’université de Coimbra où il est l’assistant de Fernando Tavora. Sa carrière en tant qu’architecte est marquée par des travaux dans la scénographie. Il reçoit plusieurs prix au Portugal et est notamment nominé à plusieurs reprises pour le Prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine Mies Van der Rohe.

Menos é Mais est un bureau d’architecture, basé à Porto, fondé en 1994 par les architectes Francisco Vieira de Campos et Cristina Guedes diplômés en architecture à la faculté d’architecture de l’université de Porto dans les années 80. Après leur formation, Francisco Vieira Campos et Cristina Guedes travaillent avec Eduardo Souto de Moura et Alvaro Siza respectivement. Ils reçoivent plusieurs prix au Portugal et à l’étranger et sont sélectionnés pour Prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine Mies Van der Rohe en 2015 pour le projet Arquipelago Centre d’arts contemporains.

Le projet Arquipelago Centre d’arts contemporains part de la volonté de la municipalité de Ribeira Grande, dans l’archipel des Açores, de se doter d’un espace d’exposition et de production d’art contemporain. Le site choisi est celui de l’ancienne usine d’alcool et de tabac de Ribeira Grande. L’usine se situe en périphérie de la ville et est délimitée par la route qui mène au centre-ville. Avant l’intervention, l’usine se trouve en état de ruine et sa toiture est complètement détruite. L’ensemble s’insère dans le paysage de l’ile par sa matérialité. Les bâtiments sont construits en basalte une roche volcanique typique des Açores. L’ensemble de l’usine se développe en forme de L libérant ainsi une ample cour extérieure.

Le programme comprend la création d’espaces d’exposition, des résidences pour artistes, ateliers, réception avec bookshop, espace multifonctionnel, bureaux administratifs.

L’intervention des architectes prétend tirer parti du potentiel de l’usine de façon à mettre en évidence ses qualités. Le point de départ de la réflexion se base donc sur la réhabilitation de l’usine tout en gardant son caractère d’origine. L’exigence de certaines fonctions demande la construction de nouvelles structures. Celles-ci sont donc construites sur la cour extérieure de façon à ne pas dénaturer les bâtiments existants de l’usine ce qui occasionne une densification de la parcelle.

Les nouvelles constructions présentent une architecture contemporaine. Ceci permet de mettre en contraste les nouveaux bâtiments avec l’architecture industrielle de l’usine et ainsi accentuer la notion temporelle entre les deux architectures. Ces nouvelles constructions fonctionnent indépendamment des bâtiments préexistants. Cependant les architectes assurent la cohérence entre les différentes entités par sa matérialité. Le béton foncé et rugueux des nouvelles installations garantit une harmonie avec le basalte de l’usine.

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L’intervention sur les bâtiments de l’usine se veut minimale de façon à préserver au mieux son caractère d’origine. Les architectes commencent par la reconstruction de la toiture et gardent les espaces amples de l’intérieur qui servent de lieu d’exposition. À l’intérieur, l’intervention se veut minimaliste. Seuls quelques éléments autonomes sont intégrés dans le bâtiment garantissant ainsi la préservation et la mise en valeur du caractère industriel de l’usine.

Dans ce projet, les architectes portent ainsi une attention particulière à la préservation du patrimoine. Avec les nouvelles constructions, ils mettent en évidence le concept temporel tout en assurant la cohérence de l’ensemble. De plus, les nouveaux bâtiments viennent renforcer et mettre en valeur les bâtiments préexistants.

Nous pouvons donc ainsi conclure que les architectes appliquent les principes de l’école de Porto. Nous retrouvons dans ce projet l’application critique d’une architecture moderne, la préoccupation d’intégration au contexte et la mise en valeur du préexistant à travers une architecture moderne.

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3.4. Réflexions à partir des cas d’étude Ces cas d’étude nous exposent l’influence que la pensée de l’école de Porto porte sur la production architecturale contemporaine portugaise. Notons que cette influence était prévisible dans les œuvres de Miguel Guedes, de Joao Mendes Ribeiro et du bureau Menos é Mais en vue de leur proximité avec la faculté d’architecture de Porto. Cependant l’œuvre du bureau Aires Mateus nous montre que l’idéologie de l’école de Porto sort de son cercle régional pour atteindre la sphère nationale.

Tous les trois projets font preuve d’une capacité admirable de la part des architectes à adapter leur architecture contemporaine au contexte existant. Ces constructions arrivent à trouver une cohérence entre la tradition du lieu et leurs influences modernistes.

L’œuvre du bureau Aires Mateus, pourtant, nous porte vers la dimension artistique de l’architecture. Le musée du phare de Santa Marta exprime toute sa beauté à travers ses jeux de pleins et vides et le blanc immaculé de ses façades. Pourtant, le musée s’efface presque de notre vision pour porter notre regard vers le phare de Santa Marta.

La maison de la mémoire de Miguel Guedes, quant à elle, nous invite à réfléchir le rôle social de l’architecte. Il s’agit d’un projet qui s’ouvre à la ville et proportionne un nouvel espace public à la ville de Guimarães. Les citoyens sont ainsi invités à la découvrir, la parcourir et la vivre sans restrictions ni discriminations.

Finalement le projet Arquipelago centre d’arts contemporains, production conjointe de João Ribeiro Mendes et du bureau Menos é Mais, nous rappelle l’importance d’un usage conscient de l’architecture contemporaine. Le projet ne s’impose pas à l’existant, mais plutôt, il s’associe avec de façon à se valoriser mutuellement.

Cependant, les architectes ne font pas qu’appliquer naïvement les principes de l’école de Porto. Nous pouvons dénoter une évolution de la réflexion architecturale par rapport à celle produite au sein de l’école de porto jusqu’à la fin du XXème siècle. Cette réflexion porte sur le questionnement de la place du patrimoine au sein de nos sociétés. Nous ne faisons pas référence ici au patrimoine produit par les grands maitres de l’architecture que tout le monde admire et veut se prendre en photo avec. Nous parlons ici plutôt de ce patrimoine moche, hideux, dégueulasse et souvent en ruines que nous laissons pourrir aux abords de nos villes. Nous parlons ici de ce patrimoine que nous oublions jusqu’à ce qu’un promoteur avide d’argent facile le rase pour en faire un hôtel cinq étoiles. Ces trois projets ont comme point commun la réhabilitation de structures qui étaient en état de ruine. Pourtant, plutôt que de les raser pour imposer leur architecture, les architectes ont choisi de leur donner une seconde vie. Ils ont choisi de faire collaborer leur architecture avec celle déjà existante. Il en résulte une série de contrastes qui, paradoxalement, dégage une certaine harmonie de l’ensemble. D’autre part, ce genre d’intervention a l’avantage permettre de faire des économies d’argent, mais également de matériaux.

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De plus, comme il s’agit de projets publics, nous pouvons en déduire que la société portugaise a, elle aussi, évolué. En effet, ces projets contrastent avec les politiques de destruction massive effectuée dans les années 60 par les pouvoirs politiques.

Nous vivons, aujourd’hui, dans un monde de superficialité où les belles images font vendre.

Nous vivons dans un monde où les « starchitectes » recherchent la notoriété par leurs projets fous équipés de toutes les technologies dernier cri. Dans ce monde d’aujourd’hui, les projets que nous venons d’analyser sont une bouffée d’air frais.

Cependant, nous vivons également dans un XXIème siècle marqué par le réchauffement climatique, qui d’ailleurs, est créé par toutes ces technologies produites par l’homme. Ce XXIème siècle marque également de début de la lutte contre le réchauffement climatique par la recherche d’efficience énergétique, par une économie de ressources et une utilisation écologique des matériaux de construction. Ce sont ceux-ci les défis qui se présentent aujourd’hui aux architectes. Dans ce cadre, la question de ce patrimoine « moche » prend de l’importance au sein de notre société. Allons-nous continuer à détruire pour reconstruire ? Ce patrimoine oublié, peut s’avérer une opportunité pour nos sociétés. Il peut représenter une économie de ressources et ainsi diminuer notre impact sur le réchauffement climatique. Il serait également naïf de penser que tout patrimoine doit être préservé. Cependant, en tant que bâtisseurs des villes de demain, les architectes ont le devoir de se poser la question de quelle est la place de ce patrimoine dans nos sociétés.

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Conclusion Ce travail nous permet de mieux saisir la réalité architecturale portugaise en déchiffrant notamment le développement de la culture architecturale de l’école de Porto. Elle nous permet aussi de comprendre que l’on ne peut pas se résoudre à parler d’une seule architecture portugaise puisqu’il en existe de multiples. Nous découvrons ainsi une architecture portugaise très diversifiée où l’histoire, le climat, les sols, la topographie, les coutumes ou les influences de cultures extérieures ont tous un impact sur la manière de vivre et donc la production architecturale d’une région ou d’un pays.

Les années 40 sont un moment charnière pour la construction de l’identité architecturale de l’école de Porto. En effet cette période marque l’éveil face au vide identitaire qu’un régime autoritaire était en train de créer, les architectes de l’école de Porto ayant une contribution essentielle dans cette prise de conscience. Carlos Ramos est l’initiateur, d’une certaine façon inconsciemment, de ce mouvement par sa pédagogie innovatrice au sein de l’école de Porto.

Carlos Ramos applique dès les années 40 des méthodes d’enseignement basées sur le modèle Bauhaus qui se révèlent fondamentales pour toute la génération de la deuxième moitié du XXème siècle. Il entreprend par ailleurs la promotion de l’école de porto aussi bien au niveau national qu’international. C’est lui qui par son idéal pédagogique, "un maximum de liberté, responsabilité maximale" accordée à ses élèves, éveille l’esprit critique de Fernando Tavora.

Alors que le débat architectural portugais de l’époque se centre sur la question, traditionnelle ou moderne, Tavora, inspiré par l’idéologie moderniste de son professeur, propose dans son essai « Le problème de la maison portugaise » de trouver une troisième voie qui permette d’associer la tradition de l’architecture portugaise aux idées innovatrices du modernisme.

Tavora se révèle également décisif dans le développement de la réflexion architecturale portugaise par sa contribution à la réalisation de l’enquête à l’architecture régionale portugaise.

Cette dernière nous enseignant les avantages apportés par la connaissance des différents contextes sociaux, économiques ou naturels sur la production architecturale. Enfin ses participations aux derniers CIAM mettent en évidence le besoin de renforcer le rôle social de l’architecte.

Ce sont ces principes, découverts auprès de Tavora, qu’Alvaro Siza met en application, après la révolution des Œillets, dans ses projets sociaux. Siza y expose les bénéfices et la richesse architecturale qui peut en découler quand l’architecte travaille en collaboration avec les différents acteurs plutôt que se superposer à eux. Il nous montre également l’importance du dessin comme créateur et organisateur d’espace. Il donne ainsi à son architecture et par conséquent à l’architecture portugaise, une dimension artistique nécessaire pour qu’elle soit capable d’interpeller ses utilisateurs.

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Nous pouvons ainsi résumer que l’idéologie de l’école de porto ne se base pas sur l’application stricte de principes architecturaux ou l’utilisation d’éléments formels, mais plutôt qu’elle fournit une série d’outils en vue d’aider l’architecte lors de la conception de ses projets.

Nous pouvons ainsi identifier ces outils en quatre groupes : -

Développement d’un esprit critique envers l’emploi de l’architecture contemporaine Intégration de l’architecture au contexte existant Application du rôle social de l’architecte Dimension artistique de l’architecture

En appliquant ces outils, l’architecture est capable de s’adapter à son contexte ainsi qu’a son temps. Résumer l’idéologie de l’école de Porto en un style ou un courant architectural serait caricatural puisqu’au contraire, de cette pensée découle une architecture très riche, car variable et diversifiée.

La dernière partie de ce travail, où nous analysons trois œuvres d’architectes contemporains, nous révèle de quelle manière l’idéologie véhiculée à l’école de Porto a un impact sur la production architecturale portugaise contemporaine.

L’œuvre du bureau Aires Mateus nous porte vers la dimension artistique de l’architecture.

Le musée du phare de Santa Marta exprime sa beauté à travers ses jeux de pleins et vides et le blanc immaculé de ses façades. Pourtant, le musée s’efface presque de notre vision pour porter notre regard vers le phare de Santa Marta.

La maison de la mémoire de Miguel Guedes, quant à elle, nous invite à réfléchir le rôle social de l’architecte. Il s’agit d’un projet qui s’ouvre à la ville et proportionne un nouvel espace public à la ville de Guimarães. Les citoyens sont ainsi invités la découvrir, la parcourir et la vivre sans restrictions ni discriminations.

Le projet Arquipelago centre d’arts contemporains, production conjointe de João Ribeiro Mendes et du bureau Menos é, Mais, nous rappelle l’importance d’un usage conscient de l’architecture contemporaine. Le projet ne s’impose pas à l’existant, mais plutôt, il s’associe avec de façon à se valoriser mutuellement.

Finalement nous pouvons conclure à partir de ces cas d’étude qu’il existe une évolution de la réflexion architecturale par rapport à celle développée au sein de l’école de porto jusqu’à la fin du XXème siècle. Cette réflexion porte sur le questionnement de la place du patrimoine industriel ou militaire au sein de nos sociétés. Ce patrimoine souvent oublié peut s’avérer une opportunité pour nos sociétés.

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Dans le monde d’aujourd’hui marqué par la lutte contre le réchauffement climatique, les nouveaux défis qui se présentent aux architectes passent par la recherche en efficience énergétique, par une économie des ressources disponibles et une utilisation écologique des matériaux de construction. Ainsi ce patrimoine oublié autour de nos villes peut représenter une opportunité d’économie de moyens pour les architectes. Pourtant bon nombre d’architectes cherchent encore désespérément la notoriété à travers des projets de plus en plus énergivores.

Nous voyons ainsi apparaitre une rupture entre architectes soucieux des questions climatiques et architectes soucieux de leur image. Quelle voie choisiront les architectes de demain ?

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