MONTÉE DES EAUX : COMMENT INVENTER UN NOUVEAU PAYSAGE DE LA PLAINE MARITIME FLAMANDE Le projet de paysage pour penser un futur incertain
Margaux DELPORTE - Travail Personnel de Fin d’Etude - Juin 2015 Domaine Matérialité et Paysage Soutenable ENSAP Lille
>Vue depuis la digue de Petit-Fort Philippe lors des marÊes du siècle, le 21 Mars 2015.
MONTÉE DES EAUX : COMMENT INVENTER UN NOUVEAU PAYSAGE DE LA PLAINE MARITIME FLAMANDE Le projet de paysage pour penser un futur incertain
Margaux DELPORTE - TPFE 2015 - ENSAP Lille Soutenance le 1er Juillet 2015 Domaine Matérialité et Paysage Soutenable - Directeurs d’étude : Armelle VARCIN et Michel BOULCOURT Membres du jury : Armelle VARCIN, Catherine GROUT, Vincent TRICAUD, Jérôme SAINT CHÉLY, Vincent CHARRUAU
REMERCIEMENTS Je remercie Armelle Varcin et Michel Boulcourt pour leur accompagnement, leurs conseils, leurs encouragements qui m’ont permis de construire ce travail personnel de fin d’étude. Je remercie aussi Vincent Charruau et Sébastien Lebel, paysagistes, ainsi que toutes les personnes de l’Agence d’Urbanisme de Dunkerque m’ayant accueillie pendant trois mois, pour leur disponibilité, et avec qui j’ai pu échanger sur mon projet de diplôme. Merci aussi aux amis de la promotion de paysage 2011-2015, grâce à qui ces quatre années n’ont été qu’enrichissement, partage et solidarité. Et merci surtout à Margaux, Margaux et Marine pour la complicité partagée. Enfin, merci à ma famille, mes parents, mon frère, ma soeur et à Julien pour leur amour, la confiance qu’ils ont en moi et leur soutien immuable, notamment sur cette année de diplôme.
Merci à tous.
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES Toutes les sources sont mentionnés individuellement. Les documents non annotés sont issus de la production de l’étudiante. Les mots accompagné d’un astérisque (*), sont définit dans le glossaire p 90.
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SOMMAIRE INTRODUCTION ........................................................................................................................................................13 PARTIE I – Comment inventer un nouveau paysage avec la montée des eaux ? ...............15 1 – Quelle évolution des paysages pour le delta de l’Aa? .................................................................. 16 a) Le choix du site
b) Méthode pour envisager le futur
2 – Les changements climatiques face au territoire ............................................................................. 18
a) Montée des eaux : prévisions b) Montée des eaux : menace ?
PARTIE II – Le delta de l’Aa : l’eau au centre des préoccupations .............................................. 23 1 - Retour sur la formation du territoire .................................................................................................. 24 1.1 – Le delta de l’Aa : un relief modelé par l’eau ....................................................................................... 24 1.2 – À la conquête du polder ............................................................................................................................ 26 a) La formation d’un socle
b) Un territoire drainé c) Un territoire maitrisé
1.3 – L’eau vécue comme ressource et comme menace ............................................................................ 32 a) L’eau défensive
b) L’eau destructrice c) Les éléments de «protection» aujourd’hui
2 – Des paysages du delta remarquables et diversifiés ............................................................................... 40 a) Des paysages d’eau hérités
a) Des entités paysagères variées, révélatrices du delta de l’Aa b) Des ambiances et des atmosphères remarquables
3 – Un territoire fortement anthropisé ........................................................................................................... 46
a) Une agriculture intensive à perte de vue b) Une répartition des zones habitées inégale c) Une industrie lourde, concentrée sur le littoral d) Un territoire traversé par d’innombrables réseaux
PARTIE III – Quelle stratégie mettre en place pour le projet ? .................................................... 55 1 - Hypothèse d’inondation du delta à l’horizon 2100 .............................................................................. 56 2 – Une évolution progressive du trait de côte ............................................................................................. 58 3 - Trois scénarios pour anticiper la montée des eaux ............................................................................... 60 4 – Un postulat: une stratégie du repli rétro-littoral à amorcer ............................................................... 66 a) Les enjeux
b) La stratégie
PARTIE IV – Un projet face à la montée des eaux: expérimentation sur les communes de Watten et Eperlecques ............................................................................................................................ 71 1 – Un site à la confluence de grandes entités paysagères ....................................................................... 72 2 - État des lieux .................................................................................................................................................... 74 a) Retour sur le passé florissant d’un site
b) Le site aujourd’hui
3 – Hypothèses d’évolution du paysage et des milieux ............................................................................. 80 4 – Les enjeux d’un site soumis aux évolutions contemporaines .......................................................... 82 5 – Utopie de projet : une réflexion menée sur l’inconnu ........................................................................ 84 a) Les intentions de projet
b) Quelques pistes pour le projet
CONCLUSION ............................................................................................................................................................ 88 GLOSSAIRE .................................................................................................................................................................. 90 ANNEXES ................................................................................................................................................................... 93 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................................ 96
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INTRODUCTION Ce travail de TPFE se concentre sur le territoire de la plaine maritime flamande, sur le delta du petit fleuve de l’Aa, formant un triangle de Calais à l’ouest, Watten au sud et jusqu’à la frontière belge à l’est. C’est la région la plus septentrionale de France, s’appuyant sur environ 130 km de côte sur le littoral de la mer du Nord. C’est un territoire attractif d’environ 85000 hectares, fortement anthropisé (industries, ports, agriculture intensive, zones habitées) et comportant une grande richesse ainsi qu’une grande diversité de paysages. Les Hommes habitant cette terre (environ 400000 habitants sur toute la plaine) y sont très attachés, leur permettant d’y vivre par une grande maitrise et gestion de l’eau, et ce depuis des siècles. Aujourd’hui cette plaine est confrontée aux évolutions climatiques, notamment à la montée des eaux, du fait de sa situation de polder, situé en dessous du niveau des plus hautes mers. Elle est aussi confronté aux eaux de la terre, avec des inondations par ruissellements importants venant des collines. Mais ce pays, avec tout le patrimoine qui le compose, est fortement remis en question du fait des changements climatiques, comprenant la hausse du niveau de la mer et l’augmentation des précipitations provoquant des inondations continentales. Alors comment envisager le futur, sans connaître les réels mouvements du paysage ? Ce TPFE s’engage sur une dimension prospective en terme d’évolution de ce territoire et sur la transformation de ses paysages, apportant une difficulté sur la vision projetée de la plaine dont on ne connaît pas la véritable issue. Un travail sur la forme d’utopie, avec un projet-fiction mené tentant d’envisager le changement à long terme, avec une expérimentation des possibles sur les communes de Watten et Eperlecques, situées à la confluence de grandes entités de paysage.
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PARTIE I Comment inventer un nouveau paysage avec la montĂŠe des eaux ?
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1 - QUELLE ÉVOLUTION DES PAYSAGES POUR LE DELTA DE L’AA ?
a) Choix du site
La plaine maritime flamande est un territoire situé entre terre et mer, sur le littoral de la Mer du Nord. La présence de l’eau caractérise ce paysage, notamment dans son histoire, par la présence d’un delta*, le delta de l’Aa*. L’évolution des paysages est très attachée à la protection des terres par l’évacuation des eaux continentales vers la mer. La problématique de la gestion et la maitrise des eaux sur ce territoire perdure depuis des siècles. La Flandre maritime était autrefois une région couverte de forêts, parsemée de marécages et marais humides, subissant l’effet des marées ; situés sur des terres pour la plupart en dessous du niveau de la mer. Des crises climatiques ont fortement marqué l’évolution de ce paysage, notamment les submersions marines. Le territoire évolue progressivement en polder habité, anthropisé, exploité pour la qualité de sa terre. L’homme a dû façonner les nouveaux paysages du delta en canalisant de nombreuses rivières et cours d’eau. Ce sont les paysages diversifiés que l’on connait de nos jours. Aujourd’hui, les problématiques liées aux changements climatiques, notamment sur la montée des eaux se posent sur ce territoire. En effet, le 5e rapport du GIEC prévoit une augmentation du niveau de la mer d’ici 2100 d’environ 1m pour le scénario le plus pessimiste. Le territoire, de part sa topographie est totalement vulnérable face à ces changements. Les digues construites et renforcées, le cordon dunaire discontinu situé le long de la côte suffiront-ils à protéger les populations, et les paysages du delta ? Faut-il consolider ces infrastructures et tenter de maintenir les dunes, comme moyen d’anticipation et de résistance face à la montée des eaux ? Ou faut-il plutôt repenser cette anticipation dans une démarche de recul sur l’arrière pays, comme accompagnement des mutations du paysage, plus durable, sur le long terme ? C’est sur ces questions propres à ce territoire que ce TPFE s’oriente.
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b) Méthode pour envisager le futur
Le delta de l’Aa est un territoire singulier, où les acteurs politiques, gestionnaires et aménageurs prennent conscience de l’aggravation des problèmes liés à l’évacuation des eaux de l’arrière-pays vers la mer, notamment dans un contexte fortement impacté par les évolutions du climat. Ils s’interrogent sur le devenir de leur territoire, ses modes d’aménagement et de gestion ; par le biais de documents de planification spatiale (SCOT, PLU, …), des outils d’action (PAPI, PPRI, …). Mais ces réflexions sont menées en prenant en compte des cartes d’aléas décennales, centennales, très localisées (communes de Dunkerque et de Gravelines), sans remettre en question les ouvrages de « protections » existants (telles que les digues construites, ou encore les dunes, protection très fragile et mobile), et sans visualiser globalement l’échelle du territoire du delta de l’Aa. La politique actuelle est plutôt portée sur la lutte contre la montée des eaux, avec des investissements financiers qui s’épuisent dans le renforcement des ouvrages actuels. Je propose dans ce travail personnel de fin d’étude de considérer la question de la montée des eaux à l’échelle du territoire de delta de l’Aa, et de ne pas penser « lutter contre » la montée des eaux, mais « faire avec » et accompagner l’évolution des paysages. Il est question ici de mener une réflexion sur le long terme, sur l’idée qu’il est nécessaire de laisser l’eau réinvestir son territoire. Ce postulat me permettra dans un premier temps, d’analyser les caractéristiques du territoire et ses enjeux face à la montée des eaux, de mettre en place une stratégie d’évolution rétro-littorale à l’échelle du territoire. Cette stratégie sera portée par une expérimentation localisée autour des communes de Watten et Eperlecques, à la confluence des évolutions à l’horizon 2100. Le projet proposera une réflexion autour d’une démarche dynamique, sur l’accompagnement du recul, sous la forme d’hypothèses d’évolutions concernant les manières d’habiter, de se nourrir, de se déplacer et de vivre avec ces changements, sans connaître l’issue certaine du devenir de ce territoire.
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2 - LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES FACE AU TERRITOIRE
a) Montée des eaux : prévisions
Les données publiées en 2014 dans le 5e rapport du GIEC* (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) posent la question du devenir de nos territoires, par rapport aux évolutions climatiques et ce partout dans le monde. Selon ce rapport, « l’activité humaine est la cause principale du réchauffement observé », avec un degré de certitude à 95%, notamment sur la concentration des gaz à effet de serre et sur la diminution de la couche d’ozone. Ces changements climatiques induisent directement l’augmentation des températures, avec une hausse prévue à hauteur de 4°C environ sur la surface du globe. La fonte des glaces et l’amplification des précipitations provoquerai une élévation du niveau des océans à hauteur d’un mètre dans le scénario le plus pessimiste. De forts impacts ont été identifiés de manière générale, notamment sur la ressource en eau potable, la biodiversité, la production alimentaire, la santé, l’habitat, sur les inégalités sociales, économiques, etc. … Dans le cadre de ce travail personnel de fin d’étude, c’est la question de la montée des eaux qui sera traitée principalement. A l’échelle de la France, de nombreuses zones se trouvent concernées par cette élévation du niveau de l’eau, notamment de par leur configuration topographique en zones basses et leur situation géologique : les côtes sableuses (Cf. illustration ci-contre). Le territoire étudié du delta de l’Aa est directement concerné par ces prévisions de hausse du niveau de la mer, mais aussi à l’avenir par une hausse de la pluviométrie, ce qui induit le risque d’inondations continentales. La violence de la tempête Xynthia en février 2010 a provoqué une véritable prise de conscience des risques d’inondattions sur le territoire. La Bretagne et la côte Atlantique sont également exposées. Auparavant, ce facteur «inondation» n’était pas pris en compte, seuls les risques industriels et technologiques étaient connus et considérés sur la plaine maritime flamande.
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Delta de l’Aa
> Représentation des côtes basses, submersibles et l’érosion marine sur le territoire français - état actuel. (Source : Richer, Jean; La prémonition d’Antioche, 2014)
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2 - LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES FACE AU TERRITOIRE b) Montée des eaux : menace ?
Aujourd’hui, la prise en compte du phénomène de la montée des eaux et du risque de submersion marine a été amorcée, et est connue des acteurs du territoire. Il est identifié, à partir de cartes d’aléas sur des zones potentiellement concernées, sur des risques de rupture de digues mais aussi sur des débordements, des franchissements d’ouvrage, sur des brèches qui pourraient survenir dans le cordon dunaire, localement fragilisé et affaissé. Dans la mesure où ces risques sont connus, dans la perspective où les cartes d’aléas les expriment et annoncent la destruction d’ouvrage, oui, la montée des eaux sur ce territoire est perçue comme une menace concernant les zones urbaines et habitées, l’industrie, les terres agricoles, les infrastructures viaires du delta, le tourisme, l’emploi, etc. ... Dans cette vision de l’eau comme menace, il y a la question du temps. Aujourd’hui les submersions marines sont vues comme étant un phénomène d’aléas décennal, centennal, voire millénal. Elles semblent perçues comme des évènements climatiques ponctuels, ayant un impact direct sur sa population. En effet, le littoral est la zone la plus habitée de la plaine maritime flamande, de Calais à Bray-Dunes en passant par Dunkerque. Il y a sur ce territoire un attachement à la mer des habitants qui vivent sur le littoral. Il y a cette connaissance du risque, localement, mais pas forcément partagée par tous. Pour les habitants de l’arrière-pays, cette question littorale ne se pose pas ou presque. Ils sont plutôt concernés par des inondations issues des fortes pluies, par débordements des canaux et watergangs: les inondations continentales. Il y a un paradoxe du rapport à l’eau, à la fois attrayante et à la fois menaçante.
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Selon moi, c’est cette notion de temps s’impose. Si l’on va plus loin dans la réflexion liée à la montée des eaux, c’est un phénomène qui se produit sur la durée, de manière plus ou moins rapide. La fréquence de plus en plus importante des tempêtes et des submersions préfigure ces évolutions du niveau de la mer. Il faut donc réfléchir à ces mutations sur ce temps long et à l’échelle de tout le territoire du delta, en ayant une vision de l’eau non pas comme une menace, mais comme une opportunité de pouvoir amorcer une réflexion sur l’aménagement du territoire et sur l’évolution du paysage de la plaine maritime flamande, sur des horizons assez lointains : 2100 par exemple.
> Plage de Petit-Fort Philippe, lors de la marÊe du siècle, le 21 Mars 2015. La mer et son coefficient 119, franchit la digue-promenade de la plage et attire le public.
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> Représentation du delta de l’Aa au XVIIIe siècle (Carte de Cassini - (source: www.geoportail.gouv.fr))
PARTIE I Le Delta de l’Aa : l’eau au
centre des préoccupations
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1 - RETOUR SUR LA FORMATION DU TERRITOIRE 1.1 – Le delta de l’Aa : un relief modelé par l’eau
La plaine maritime flamande est un territoire de polder* situé dans le Nord Pas-de-Calais. C’est la région la plus septentrionale de France, disposée entre terre et mer et traversée par un chevelu de canaux et wateringues*. Ce plat pays s’étend sur 130km, le long de la côte franco-belge de la Mer du Nord. La plaine maritime flamande couvre le delta de l’Aa sur un bassin d’environ 1200km2. Ici, la mer et la terre semblent se mêler, ne formant qu’un trait ponctué par le cordon dunaire, des ports, des industries et des zones habitées. L’eau a façonné ce territoire deltaïque depuis des siècles, notamment avec le petit fleuve de l’Aa étendu sur environ 90km, prenant sa source à Bourthes dans le Pas-de-Calais et les collines de l’Artois, à environ 120m de hauteur. Elle vient se jeter dans la Mer du Nord à Gravelines, dans un estuaire très artificialisé. Le petit fleuve suit son cours naturel jusqu’à St-Omer. L’Aa est ensuite canalisée, pour limiter l’envasement, pour la mise en circulation de péniches au gabarit Freycinet* et enfin pour drainer les eaux du marais audomarois vers la mer. Dans sa partie amont, l’Aa bénéficie d’une pente assez forte sur environ 40km entre sa source et Arques, près de St-Omer ; s’écoulant sur les collines crayeuses de l’Artois, fortement creusée par le petit fleuve ; cette partie n’étant pas navigable. Puis un mouvement de rupture, résultant d’une tectonique du socle entre les collines crayeuses de l’Artois (à l’ouest) et collines argileuses des Monts de Flandres (à l’est) provoque une dérivation du fleuve, passant d’un écoulement ouest-est vers un écoulement sud-nord. Le fleuve passe d’un débit important dû à la pente, à un débit beaucoup plus faible, où une écluse permet de franchir l’importante différence de niveau. Le fleuve de l’Aa se transforme en canal et traverse ainsi le marais audomarois sur 10km en récupérant les eaux des fossés. Au niveau de Watten, le canal de divise en trois bras (le canal de Calais, le canal de l’Aa et le canal de la Haute-Colme) et se jette dans la mer à Gravelines, le canal suit ainsi son cours sur 30km. La mer et l’homme ont aussi joué un rôle majeur dans le modelage du socle de la plaine maritime et du delta.
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>À l’échelle du Nord-Pas de Calais, la topographie et l’eau permettent de comprendre la géographie du delta de l’Aa
> Réseau hydrographique du bassin versant de l’Aa. Rivières, canaux et wateringues forment le chevelu hydrographique du delta
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1.2 – À la conquête du polder
a) La formation d’un socle
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La formation de la plaine maritime flamande remonte au Quaternaire*, il y a 2,6 millions d’années, période la plus proche sur l’échelle géologique, avec l’apparition de l’Homme et le retour des glaciations. A cette époque, l’isthme de Calais réunit l’Angleterre et la France. De nombreux mouvements de terrains et de violentes marées dans la Manche provoquent la séparation de l’Angleterre du continent. Ainsi les côtes de la Mer du Nord ne sont plus protégées face aux tempêtes venant du nord-ouest. La mer envahit de ce fait ce qui devient par suite la plaine maritime, la recouvrant jusqu’aux collines de l’Artois et jusqu’au Monts de Flandres, émergences topographiques issues du Tertiaire. C’est l’époque Flandrienne. Des dépôts de sable sont apportés par les flux de la mer venant de l’ouest, pendant des millénaires. Ces dépôts d’alluvions marines se stabilisent et se forment en cordons, s’allongeant dans le sens du courant: c’est la première forme de dunes littorales. De cette manière, les cours d’eau venant des collines et qui se jettent dans la mer voient leur courant ralenti, provoquant le dépôt d’une couche de limons, épaisse. La mer se retire alors derrière le cordon dunaire, les rivières s’étendent peu à peu en formant un grand marécage recouvert de forêts. Au IVe siècle, une grande crise climatique marque le temps des grandes submersions marines (transgressions* Dunkerquiennes). La plaine est à nouveau recouverte d’eau de mer, provoquant le dépérissement de la forêt, qui se transforme en tourbe. Le territoire se métamorphose en un immense golfe où la sédimentation* engendre l’argile de la Flandre maritime. Ces transgressions s’opèrent jusqu’au VIIe siècle. La sédimentation fait augmenter le niveau des terres et partitionne l’Aa en plusieurs bras : c’est le delta de l’Aa. L’apparition de terres permet l’implantation du peuple celte : les Morins. Les courants marins et le vent augmentent le dépôt d’alluvions sur le cordon dunaire, ne laissant la mer pénétrer dans le delta que lors des grandes marées d’équinoxe. Les dunes sont à cette époque une réelle barrière naturelle, protégeant les terres de la mer: le polder commence à prendre forme.
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ST-OMER 1 - Les courants marins avec un fort vent d’ouest déposent des sédiments pendant plusieurs siècles, nivellant des cuvettes et dépressions
DUNKERQUE GRAVELINES CALAIS
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ST-OMER 2 - Ces dépôts de sédiments marins se stabilisent. Les matériaux s’allongent en cordon dans le sens du courant. C’est le début des dunes du littoral, et la formation du premier rempart contre les inondations marines.
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ST-OMER 3 - Les dunes émergent. Les cours d’eau du delta qui s’écoulent dans la mer voient leur courant ralentit, ce qui provoque le dépôt de limons. Après le retrait de la mer, les rivières rentrent dans leur lit, une importante végétation se développe.
> Evolution schématique de la formation de la plaine maritime flamande (d’après docs. AGUR)
> Coupe géologique simplifiée de la plaine maritime flamande (source: Gabriel Michel)
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1.2 – À la conquête du polder
b) Un territoire drainé
C’est à partir du VIIe siècle que les grandes institutions monastiques tentent d’exploiter la terre du delta en organisant les premières tentatives de dessèchement du sol et de ses marais. Les missionnaires, des moines bénédictins arrivés depuis l’Angleterre dans le pays des Morins, sont dotés d’une « grande connaissance des moyens à employer pour rendre productifs les sols marécageux ». Ainsi, ils s’installent au sein de la plaine maritime flamande, notamment à St-Omer avec la construction du premier monastère. Plusieurs autres monastères voient le jour sur le territoire, permettant d’accélérer la christianisation du pays et la métamorphose du paysage, principalement par la transformation des marécages en terres cultivables. Cependant, de nombreuses inondations viennent détruire les travaux d’assèchement entrepris par les moines et les habitants. De plus, l’invasion des normands sur ces terres ne permet pas de poursuivre le dessèchement. Le sol tourbeux se tasse, des affaissements de terrains apparaissent, et de nouvelles inondations surviennent jusqu’à St-Omer, où le sol se stérilise et ne peut être cultivé. Mais ces inondations provoquent à nouveau un dépôt d’alluvions, permettant de rehausser le sol (transgression Dunkerquienne 3). Le règne de Philippe d’Alsace et des comtes de Flandre au XIe siècle va de nouveau remettre en marche les travaux de dessèchement de la plaine, la « Terra nova » : le polder est né. Elle est définie comme étant « la terre soustraite de l’impétuosité des flots de la mer et des inondations, par l’homme et avec ses deniers ». Les wateringues apparaissent et sont dotées d’une réelle administration permettant d’organiser le dessèchement sur tout le littoral, afin d’exploiter le plus de terres possibles. Le territoire est alors pensé par fossés drainants. Quelques inondations plus tard, c’est Cobergher, ingénieur, architecte et mathématicien qui mettra en place dans la régions des Moëres, les moulins à vent actionnant des vis sans fin, permettant d’orienter les eaux dans des fossés, puis vers la mer. Au 17e siècle, le territoire est alors entièrement poldérisé.
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> Région des Moëres, après son assèchement a (source: www.westhoekpedia.org)
> Le delta de l’Aa au VIIème siècle, territoire marécageux,supportant les transgressions marines et les dépôts de sédiments (source : Centre de la Mémoire urbaine d’agglomération de la CUD-archives de Dunkerque)
au 17e siècle
>Canal des Chats, aujourd’hui, à proximité des Moëres
>L’Aa canalisée à hauteur de Watten
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1.2 – À la conquête du polder
c) Un territoire maîtrisé
Du territoire en perpétuel mouvement, soumis aux aléas climatiques et la montée des eaux, jusqu’à l’accomplissement de l’assèchement et du drainage des terres il a fallu du temps : le temps nécessaire à la maitrise de l’eau sur le delta. Les terres peuvent être cultivées, la mécanisation de l’eau par les moulins et vis sans fin dans un premier temps, puis la mise en place d’un système gravitaire avec écluses et stations de pompage, permettent de limiter les problèmes liés à la montée des eaux, en rejetant les eaux continentales de l’arrière-pays dans la mer lorsque la marée est basse. À marée haute, les écluses se referment afin d’éviter les inondations marines sur le polder. L’agriculture menée sur le territoire, grâce à la qualité des sols tourbeux est performante. Elle représente une économie conséquente. Dans les années 1960, dans un souci d’optimisation du rendement, l’arrivée de nouveaux engins agricoles de types tracteurs vient perturber le socle. En effet, même si les eaux du territoire sont drainées, les sols restent très humides, ce qui les rend fragiles. Ainsi le poids des engins agricoles cause la déformation et le compactage des terres, amenuisant les rendements. Dans les années 70, un vaste programme de drainage et d’implantation de stations de pompage sur le territoire des wateringues est lancé, par système de vis d’Archimède sans fin. Une Institution Interdépartementale des Wateringues (IIW) est créée à cette occasion, permettant de mieux gérer le drainage des eaux sur le territoire et ainsi, de limiter les crues. L’IIW facilitera des travaux de modernisation des ouvrages et la réfection des principaux canaux. Cette amplification des systèmes de drainage, plus lourds, a eu un réel impact sur la modification des paysages. Une grande partie des prairies humides sont devenues cultivables, au détriment de nombreuses mares et milieux humides, sources d’une biodiversité très riche, dont il ne reste que des reliquats aujourd’hui.
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Station de pompage primaire Station de pompage secondaire Ecluses Partiteur
> Écluse Tixier, au bout cu canal exutoire à Dunkerque
DUNKERQUE GRAVELINES CALAIS
WATTEN
ST OMER
> Le fonctionnement hydraulique des Wateringues sur le delta de l’Aa, ponctué d’écluses et de stations de pompage permettant d’évacuer les eaux continentales vers la mer du Nord. (d’après document du SAGE du delta de l’Aa).
> Vis d’’Archimède
> Éclusette de Lynck
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1.3 – L’eau vécue comme ressource et comme crainte
a) L’eau défensive
Le territoire de la plaine maritime flamande a subi de nombreuses guerres au fil de son histoire. Au XVIIe siècle, la Flandre est sous domination espagnole, puis anglaise. Des guerres et invasions se succédent pendant près d’un siècle, jusqu’à la Révolution. Pendant cette période, le territoire des Wateringues est inondé sept fois, de manière à faire reculer l’ennemi et de ne plus rendre les terres accessibles. Ce sont les premières inondations dites « stratégiques ». De nombreux ports voient le jour, notamment ceux de Dunkerque et Calais, qui grâce à leurs écluses et au creusement de nouveaux canaux, permettent de mieux drainer et d’assécher le territoire. Sous Louis XIV, Dunkerque devient une place forte. Le roi en fait un véritable lieu de défense sous Vauban, et tire parti de la présence de l’arrière pays pour pouvoir stratégiquement recouvrir le territoire d’eau en 24 heures. Toutes les constructions de Vauban sur la plaine maritime penseront l’eau comme ressource stratégique et comme moyen premier de défense. Ainsi toutes les écluses se ferment, les canaux et wateringues se chargent en eau douce, et débordent afin d’inonder tout le territoire. Lors de la Première Guerre mondiale, de nouvelles inondations stratégiques sont organisées à l’eau douce. À la fin de la guerre, un canal exutoire est construit à Dunkerque, afin de récupérer et de rejeter toutes les eaux des wateringues par le même canal. Mais c’est lors de la Seconde Guerre mondiale que le territoire connaît sa plus grande submersion stratégique. Les Allemands s’emparent du territoire et au delà des inondations à l’eau douce, ils ouvrent les écluses à marée haute pour faire rentrer la mer. Une évacuation des habitants est orchestrée et en 1944, le territoire ressemble au golfe inondé du XIe siècle. A la fin de la guerre, l’eau est de nouveau évacuée par restauration des ouvrages, les terres sont asséchées, mais les sols sont complètements salinisés. La remise en état des sols sera un processus long.
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> Inondations stratégiques du territoire du delta de l’Aa, plus précisemment aux Moëres, pendant la seconde guerre mondiale (source : Centre de la Mémoire urbaine d’agglomération de la CUD-archives de Dunkerque, tiré de «Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain» - AGUR)
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1.3 – L’eau vécue comme ressource et comme crainte
b) L’eau destructrice
En 1953, une violente tempête éclate en mer du Nord, avec un flux venant de nord/nord-ouest. Les vents dominants sont perpendiculaires à la côte et projette d’importantes quantités d’eau sur tout le littoral de la Mer du Nord, des Pays-Bas jusqu’à la plaine maritime flamande. A marée haute, la mer se propulse au delà de 2m40 par rapport à la côte marine normale. Tout le littoral français de la Mer du Nord, de Calais à Bray-Dunes est submergé. Des franchissements et destructions de digues, le recul et par endroit, la rupture par brèches dans le cordon dunaire sont constatés. La mer s’est introduite dans les terres, ravageant des cultures et submergeant par endroit les villes littorales, où les habitations ont été inondées. Cette inondation a été le dernier évènement climatique de cette ampleur sur le territoire du delta. Aujourd’hui, les évènements climatiques, tels que les tempêtes ou encore les marées d’équinoxe ne parviennent pas encore à détruire les infrastructures. Mais les changements climatiques et les prévisions annoncées sont à prendre sérieusement en considération, notamment par rapport au devenir du territoire, et nécessite de mener une réflexion à l’échelle de la plaine maritime. La montée des eaux annoncée pose la question du devenir et de la durabilité des ouvrages liés à l’évacuation des eaux vers la mer, les wateringues. Le fonctionnement de ces réseaux est totalement remis en cause, et semble être un système complètement obsolète sur le long terme à l’horizon 2100.
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> Inondations liée à la tempête de 1953. Deux brèches se forment sur la digue des Alliés à Dunkerque, laissant rentrer l’eau dans la ville (source : Centre de la Mémoire urbaine d’agglomération de la CUD-archives de Dunkerque, tiré de «Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain» - AGUR)
> Inondations liée à la tempête de 1953. Les caves des habitations du centre ville sont inondées. C’est le dernier évenement climatique de cette ampleur sur le territoire du delta. (source : Centre de la Mémoire urbaine d’agglomération de la CUD-archives de Dunkerque, tiré de «Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain» - AGUR)
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1.3 – L’eau vécue comme ressource et comme menace
c) Les éléments de «protection» aujourd’hui
Avec toutes les évolutions du polder, de sa formation progressive, de son étroite relation avec l’eau aussi bien marine que continentale, le territoire semble avoir souffert de ces mouvements perpétuels. La politique menée depuis des siècles sur l’assèchement afin d’optimiser les terres et de protéger le territoire se poursuit encore aujourd’hui avec le confortement de systèmes de défense contre la mer. Le territoire s’est stabilisé et a développé de grands moyens agricoles, industriels, portuaires, touristiques qui forment l’économie actuelle, et ce grâce aux différentes structures de protections naturelles (dunes) et bâties (digues) par l’homme au fil des siècles. Le cordon dunaire a toujours formé une barrière naturelle étroite (environ 250m de large à Calais et 1000m de large à Dunkerque, et entre 5 à 15m de hauteur) à la montée des eaux. Cependant, la formation de brèches et l’érosion causée par les tempêtes ont fortement fragilisé ce bourrelet littoral. Les digues bétonnées, construites par l’homme le long de la côte, notamment en amont des zones habitées et des zones occupées par les industries ont elles aussi participé à cette protection. Mais, comme dit précédemment, certaines digues ont été fragilisées par le passé, notamment lors de la tempête de 1953.
Digues contre montée de la mer Digues contre crue de canal Dunes
Des travaux perpétuels de renforcement de digue sont encore amorcés. Avec les prévisions du changement climatique, les politiques territoriales envisagent de nouveaux travaux sur les digues, notamment le rehaussement de certaines d’entre-elles. Mais les digues ne pourront pas être indéfiniment rehaussées ! Des solutions plus pérennes, sur le long terme doivent être pensées pour ce territoire, au delà des mandats politiques et des durées de vie.
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> Digue-promenade à Bray-Dunes (source: www.westhoekpedia.org)
> Cartographie des différents moyens de protection contre la montée des eaux aujourd’hui. Les dunes comme moyen naturel, les digues comme moyen artificiel.
> Diguette, bourrelet entre le canal et les habitations
> Oyats plantés sur le cordon dunaire, afin de la maintenir face au vent
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1.3 – L’eau vécue comme ressource et comme menace
c) Les éléments de «protection» aujourd’hui
À Dunkerque, sur la digue des Alliés près de Malo-les-Bains, des travaux de confortement de la digue par réensablement l’année dernière ont nécessité le déversement en deux phases de 1 200 000m3 de sable, pour un coût de plus de 7 millions d’euros. Toutes ces dépenses dans ce type d’opérations dites urgentes, ne sontelles pas une manière de repousser la question de la montée des eaux et ses conséquences ? De plus, les acteurs du territoire, notamment l’IIW a pleine conscience des répercussions prévisibles liées aux changements climatiques sur l’écoulement gravitaire des eaux ainsi que sur les ouvrages vieillissants, qui deviendront complètement désuets avec la montée des eaux.
Bâti Front de mer Digue Mer
Estran
>Coupe schématique du système de la digue-promenade à Bray-Dunes ou Malo les Bains
Voie
Canal
Diguette
Champs
Voie Diguette
Habitation
Terrain privé
>Coupe schématique de la diguette en bourrelet, par rapport au canal
Mer
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Dune Estran embryonnaire
Dune blanche
Dune grise Dune à fourrés
>Coupe schématique de dune et la succession des milieux
Dune boisée
Habitations
>Confortement par réensablement de la digue des Alliés, à Dunkerque en 2014 (source: AGUR, in Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain)
> Franchissement de la digue de Malo-les-Bains, en février 2009 (source: Jean-Jacques Vynck, in Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain)
> Hausse de la pluviométrie, causant une crue au niveau du canal de l’Aa. (source: Jean-Jacques Vynck, in Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain)
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2 - DES PAYSAGES DU DELTA REMARQUABLES ET DIVERSIFIÉS
a) Des paysages d’eau hérités
Comme vu précédemment, les paysages de plaine maritime flamande ont véritablement évolués depuis notre ère, mais le socle et l’eau ont toujours eu cette relation fusionnelle. Aujourd’hui, un véritable héritage de l’eau sur le territoire du delta existe, même si l’eau, de par la forte présence de l’horizon, et de son contact au sol, semble parfois invisible et disparaît dans l’immensité de la plaine. La mer, son estran et les bâches* laissées à marée basse sont une forme d’eau inconditionnelle, rattachée à chaque marée au paysage de la plage. Ces grandes flaques d’eau, accompagnées de ses chenaux sont modelées par le vent qui forme de petites rides sur le sable et l’eau, appelés les « ripple-marks ». Dans les dunes, les pannes inter-dunaires sont une forme de présence de l’eau très marquée sur le littoral de la mer du Nord. Ce sont de petites dépressions situées sur un socle très instable, soumis aux évolutions climatiques, tel que le vent, les marées, les précipitations. Ces pannes peuvent parfois être d’origine anthropiques, par exemple, reliquats de trous laissés par des obus. Les mares le plus souvent observées sur les grandes étendues planes sont associées la plupart du temps à des huttes de chasse. Ces mares sont artificielles, déblayées, le remblais servant à former la hutte. Autrement, les mares sont des reliquats, situées au cœur des rares petits boisements de la plaine, situé parfois au beau milieu de certaines terres agricoles. On les distingue par la présence de quelques saules têtards disposés autour. Les canaux et les watergangs qui quadrillent le delta sont la forme d’eau la plus caractéristique de ce grand paysage. En effet, ils sont un héritage de l’histoire du delta, de la manière dont ce sol a pu être dompté, maitrisé par l’homme durant des siècles, et encore aujourd’hui, car ce sont des systèmes qui fonctionnent toujours. Pour combien de temps encore ? Toutes ces formes d’eau présentes sur le territoire sont un héritage d’une extrême richesse, notamment en terme de diversité de paysage et de milieux qu’elles proposent.
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> Plage de Petit-Fort Philippe et les bâches à marée basse
> Panne humide dans les dunes à Gravelines
> Mare et hutte de chasse au Platier d’Oye
>Watergang près des Moëres
> Petit watergang drainant près de l’Aa canalisée
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2 - DES PAYSAGES DU DELTA REMARQUABLES ET DIVERSIFIÉS
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b) Des entités paysagères variées, révélatrices du delta de l’Aa
Le paysage du delta de l’Aa a été extrêmement modifié par l’homme. Les réseaux de canaux et fossés sont très rythmés et structurent très fortement le paysage. Malgré cette répartition homogène de l’eau, très rigoureuse et mécanique, une diversité de paysages remarquables coexistent. Les paysages d’estran présents sur toute la côte du littoral de la mer du Nord sont une entité paysagère mouvante, mobile, évoluant avec les marées, le vent et la lumière de ce pays. Les paysages dunaires succèdent à ce paysage de l’estran, tantôt sableux, tantôt paysage d’eau. Le cordon dunaire, seul « relief » du delta, est discontinu et interrompu par les zones portuaires et industrielles, ainsi que par les zones habitées du littoral. Il est un paysage très riche, hérité du temps de la sédimentation et composé de différentes strates végétales, fixant la dune. C’est un paysage très fragilisé, érodé, qui a protégé le territoire de la plaine pendant des siècles et qui aujourd’hui, par sa fragilité, le rend vulnérable face à la montée des eaux. Les paysages industrialo-portuaires qui occupent une partie du littoral et qui bloquent l’accès et la vue à la mer sont composés d’usines, de grandes cheminées, de silos, de containers. Ce paysage très vertical est omniprésent dans l’horizontalité du delta, on le perçoit depuis le lointain. Les paysages agricoles occupent une très grande partie du territoire, environ 70%. Ils forment un paysage d’arrière-pays très ouvert, permettant la perception de l’horizon. Ils sont composés essentiellement de grandes parcelles cultivées de céréales, laissant paraître tantôt des terres nues, tourbeuses et noires, tantôt de grandes étendues vertes, battues par les vents. Cette formation d’openfields laisse encore aujourd’hui quelques reliquats de haies bocagères, détruites au profit des nouvelles techniques agricoles. Certaines parcelles sont pâturées laissant entrevoir ici et là quelques saules têtards et petit points d’eau. Quelques boisements subsistent dans ce paysage, près de fermettes éparpillées. Les paysages d’eau du delta sont assez dissimulés. Ils se fondent et se confondent avec les lignes de l’horizon. Certains alignements d’arbres de bord à canal, permettent de deviner la présence d’eau. Les watergangs, quant à eux, sont parfois soulignés de roseaux qui s’étendent sur toute leur longueur, et quadrillent hiver comme été l’openfield cultivé.
> Paysage de l’estran, étendue de la plage de Gravelines
> Paysage de pâtures vallonées, héritage de la guerre
Paysage de Paysage de dunes l’estran
> Paysage de dunes, à Petit-Fort Philippe
> Paysage agricole, étendue de terres exploitées
Paysage de l’eau Canal
Ter
> Paysage industrialo-portuaire, à proximité de Mardick
> Paysage des canaux, de l’eau. Ici, le canal de l’Aa
Paysage de coteau boisé limite du delta de l’Aa
Paysage de la plaine agricole cultivée et pâturée
TGV
A16
30km
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2 - DES PAYSAGES DU DELTA REMARQUABLES ET DIVERSIFIÉS
c) Des ambiances et des atmosphères remarquables
Le vent et la lumière sont des éléments qui influencent la perception du paysage de la plaine maritime flamande et qui les font évoluer au fil des saisons. Le vent est un élément naturel qui façonne les paysages et les hommes dans leurs pratiques. Il est à l’origine de la formation du polder, des dunes, grâce aux houles qu’il a pu former avec la mer, dans le dépôt des sédiments. Ce mouvement plus ou moins fort, parcours les étendues ouvertes de l’arrière-pays, et brasse le sable de l’estran presque continuellement. Il a permis de mettre en place des mécanismes afin d’assécher le polder mais aussi de transformer les matières premières céréalières grâce à des moulins à vent, héritage patrimonial. Il influe sur la végétation du delta, et sculpte les arbres de bord à canal et les bosquets de l’openfield, en les déformant par son intensité. Cet élément permet aussi la pratique de nombreuses activités nautiques de voile, véritable générateur de mouvement sur le delta.
> Le vent façonne les paysage du delta, comme ici sur cet alignement «tortueux»
La lumière fluctue sans cesse sur le delta. Elle évolue au fil des saisons et même au fil de la journée suivant les aléas météorologiques. Une matinée peut être brumeuse et humide laissant une atmosphère lourde et sans repères, l’horizon disparaît ; un midi chaud et ensoleillé, avec les reflets scintillants sur la mer ; une après-midi grisâtre, laissant transparaitre quelques rayons ; un coucher de soleil aux camaïeux de roses et d’orangés, une soirée illuminée par le grand spectacle nocturne des lumières du port. Cette richesse en terme d’atmosphère influe sur la qualité des paysages, qui ne font que se multiplier par la multitude de nuances et d’intensité de la lumière. La diversité et la richesse des paysages sont un enjeu fort par rapport à la montée des eaux. Ils relatent l’histoire du territoire, qui sera nécessairement amenée à évoluer dans le temps. Ce territoire a toujours vécu des évolutions climatiques qui l’ont métamorphosé. La montée des eaux sera vue dans ce TPFE comme une évolution naturelle, permettant la continuité de la transformation du delta.
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> Teintes grisées entre ciel et mer à Malo les Bains
> Moulin à vent à Hondschoote, héritage patrimonial du polder
> Lumière chaudes d’automne au coucher du soleil
> Le vent permet la pratique de sport à voile sur tout le delta, voiles appartenants au paysage marin
> Lumières nocturnes, mettant en valeur le patrimoine portuaire
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3 - UN TERRITOIRE FORTEMENT ANTHROPISÉ
a) Une agriculture intensive à perte de vue
La plaine du delta est avant tout une terre cultivée et exploitée pour sa qualité et le rendement qu’elle offre et ce depuis des siècles. Elle occupe presque tout l’arrière pays (environ 70% du territoire), par ces étendues de céréales, betteraves à sucre et pommes de terres, parfois ponctuées de quelques pâtures, où des bovins et chevaux paissent. Les parcelles sont rythmées et délimitées par le réseau hydrographique, composé des canaux et des watergangs. Les évolutions climatiques au fil des siècles, ainsi que l’optimisation des performances agricoles ont influencé la disparition des boisements, leur transformation en tourbe et ainsi la métamorphose et l’optimisation de ce paysage par l’homme. Aujourd’hui, environ 6% de la population active exploite les terres, ce qui n’est pas négligeable. Mais la pérennité de ce paysage agricole est remise en question, notamment par la pression foncière qui sévit dans le delta : les extensions et le développement des villes semblent toujours plus forts face à la fragilité de l’activité, qui pourtant paradoxalement représente une économie majeure du territoire. La pression foncière sur les terres agricoles, menacées par la montée des eaux littorales et continentales ainsi que la valeur économique de l’activité agricole sont des facteurs à prendre en compte dans l’élaboration du projet, notamment par une attention particulière apportée à la limitation du développement urbain, à la préservation de terres cultivées et à la transformation du mode d’agriculture dû aux futurs changements de milieux.
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> Etendue agricole de jeunes pousses de maïs et un champs de lin en arrière plan, près de Watten
> Cartographie de l’espace agricole, représentant environ 70% du territoire du delta; une agriculture essentiellement céréalière, intensive.
> Fermettes encore existantes, et les alignements de peupliers qui les entourent,
> Pâtures près du Platier d’Oye.
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3 - UN TERRITOIRE FORTEMENT ANTHROPISÉ
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b) Une répartition des zones habitées inégale
Aujourd’hui, environ 400 000 personnes habitent la plaine maritime flamande. Cette population est répartie assez inégalement, distinguant les zones habitées littorales et l’arrière-pays. Le littoral a eu et a encore un pouvoir d’attraction très important, notamment en terme de qualité de vie et grâce aussi au tourisme. C’est l’installation de digues à partir du XIVe siècle qui a pu permettre le développement portuaire et balnéaire de ces villes sur le littoral. Deux grand pôles urbains et portuaires dominent sur la côte: Calais et Dunkerque, respectivement 75000 habitants et 93000 habitants. 47km d’industries, d’usines, de dunes et de réserve naturelle séparent les deux pôles sur le littoral au nord, et des champs à perte de vue sur l’arrière-pays au sud. Les deux communes et leur agglomération regroupent les principaux bassins d’emplois de la plaine maritime. Sur la côte, de plus petites communes sont greffées au littoral, séparées par le cordon dunaire intermittent, à l’est de Dunkerque et jusqu’à la frontière belge. Ces petites stations balnéaires constituent l’attractivité touristique du littoral de la plaine. Elles attirent autant les locaux que les nombreux lillois et autres nordistes, de Malo Les Bains (16500 habitants) à Bray-Dunes (4600 habitants), passant par Leffrinckoucke (4400 habitants) et Zuydcoote (1700 habitants). Dans chacune de ces communes, la population double sur la journée en période estivale. Sur l’arrière-pays, les anciens hameaux et bourgs ruraux se sont étalés, créant parfois un mitage sur le parcellaire agricole. Ces villages sont disposés en constellation sur l’openfield, reliés par de petites routes où seuls les clochers émergent et permettent de distinguer la présence d’habitations. Ils se développent progressivement en grappillant sur les terres cultivées, avec des maisons individuelles, sous forme de petits lotissements standardisés, plus attractifs pour une population moins aisée, n’ayant pas les moyens d’habiter le littoral. Cet intérêt associé au littoral, à la mer et aux activités qui en découlent est ancré dans la culture du territoire et de ses habitants. Il existe un réel attachement, notamment par l’histoire du pays, ses paysages diversifiés liés à l’eau et la qualité de vie qu’il procure, remis en questions avec la montée des eaux.
> Le port de plaisance et le centre-ville de Dunkerque (source : http://tc-dunkerque.fr)
> Cartographie des zones habitées sur le delta. Deux grands pôles urbains sur le littoral, et de petits bourgs ruraux dans l’arrière-pays.
> Le front de mer de la ville de Bray-Dunes (source : http://www.twinproperties.be)
> Rue de Dunkerque, centre ville rural de Watten
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3 - UN TERRITOIRE FORTEMENT ANTHROPISÉ
c) Une industrie lourde, concentrée sur le littoral
L’industrie présente sur le territoire est associée à l’existence de ports et de leur développement sur le littoral. Les premiers ports étaient des ports de pêche, dont le trafic commercial avec l’Angleterre et les Pays-Bas n’émergea qu’au XIVe siècle. Les travaux de chenaux, de jetée, d’écluses et de bassins ont permis d’étendre et d’intensifier les activités et les échanges portuaires, malgré les guerres. L’arrivée des voies de chemins de fer au XIXe siècle a permis de relier l’arrière-pays de la plaine aux ports, et de développer à nouveau les échanges commerciaux. Des entrepôts de réparations navales et le creusement de darses au gabarit Freycinet donne de l’importance au port, notamment à Dunkerque qui pût devenir ainsi le 3e port de France. Au début du XXe siècle, de nombreuses industries se sont développées, notamment des industries drapières, en favorisant le trafic portuaire d’importation à l’échelle de la région. Après les années 1950, le port s’étend de nouveau avec des bassins gagnés sur la mer, qui permettent l’implantation d’usines et d’entrepôts de sidérurgie, de minerais, mais aussi de raffineries.
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L’installation sur le littoral a été nécessaire pour faciliter les échanges commerciaux et le transport de personnes associée au tourisme avec une gare maritime dans chaque port (Calais/Dunkerque). L’arrivée de la centrale de Gravelines en 1974 (indépendante du port de Dunkerque) a permis la création de nombreux emplois. Le site a été choisi d’abord pour sa proximité à la mer du Nord pour le refroidissement de ses réacteurs ; pour la proximité à l’Angleterre et l’Allemagne, la proximité de grandes entreprises sidérurgiques et le besoin en électricité de la région, très industrielle et très peuplée. Aujourd’hui, le port de Dunkerque (occupant presque tout le littoral jusqu’à Gravelines) est en projet d’extension jusqu’à l’autoroute A16, sur des terres aujourd’hui encore cultivées, permettant l’implantation de nouvelles entreprises et le développement d’activités logistiques. La montée des eaux, hypothétique, pourrait remettre en question l’investissement et le développement des activités industrialo-portuaires du territoire, notamment sur des terres plus basses que l’implantation des activités actuelles, et donc plus soumises au risque.
Infrastructures Usines Zones d’activités - Zones industrielles Zone portuaire Centrale nucléaire de Gravelines Gare maritime
> La centrale de Gravelines vue depuis les dunes
> Cartographie des différents types d’activités industrialo-portuaire du territoire, se situant essentiellement près du littoral, sur la côte.
> Raffinerie de pétrole Total, près de Mardyck
> Réservoires d’hydrocarbures dans la Z.I des Huttes, près de Gravelines
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3 - UN TERRITOIRE FORTEMENT ANTHROPISÉ
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d) Un territoire traversé par d’innombrables réseaux
Le delta de l’Aa est comme dit précédemment un territoire d’une grande platitude avec une plaine située sous le niveau des plus hautes mers, et donc soumise aux risques inondations. Les grands réseaux qui le traverse, sont les autoroutes A16 (est-ouest, allant jusqu’en Belgique), A26 et A25 (nord-sud) qui ont été construites en promontoire de la plaine, sur des talus. Ces talus rehaussés entre 1m50 à parfois 6m, forment des digues artificielles qui ne sont pas complètement opaques, laissant filer de plus petites routes et parfois des canaux. Elles sont de véritables fenêtres sur le paysage de la plaine. Les départementales permettent de relier les grandes agglomérations rapidement. Elles bordent le delta pour la plupart, les autres le traversent, mais toujours sous forme de petites digues, permettant en cas d’inondation continentale par les eaux de pluie de pouvoir circuler et traverser le territoire. Les routes plus secondaires, étroites, formant un chevelu à l’échelle du delta sont bordées de fossés drainants jouxtant les terres agricoles. Elles permettent de relier entre eux les communes, bourgs et villages éparpillés dans la plaine. Les voies ferrées, véritables moyens de développement du territoire en terme d’industries, d’échanges commerciaux, de tourisme … coupent le territoire, elles aussi situées sur des remblais. La voie TGV Nord-Europe, permettant de relier Paris-Lille-Londres traverse le delta du sud-est vers le nord-ouest. Elle passe au dessus du canal de l’Aa à Watten et vient s’engouffrer dans la mer du Nord, dans l’Eurotunnel à Calais. Des sentiers de Grande Randonnée (GR) parcourent le delta, notamment le long du canal de l’Aa (GR 128A). Ce GR rejoint le GR 128, à Watten, véritable lieu touristique, se poursuivant sur les Monts de Flandre, le Houtland. Le GR 120 quant à lui propose un parcours transfrontalier franco-belge, permettant de parcourir tous les paysages du littoral flamand. Le delta de l’Aa est indéniablement un espace traversé, à la confluence de réseaux, qu’ils soient locaux, nationaux, internationaux. Ils ont permis le développement de ce territoire, afin qu’il ne forme pas une enclave septentrionale, oubliée. Dans l’optique du projet de paysage exprimé dans ce TPFE, certains réseaux devront nécessairement être confortés de par leur importance et d’autres devront être délaissés au profit de la montée des eaux et des inondations continentales.
Autoroute Route principale Route secondaire Voie ferrée TER - FRET Voie ferrée TGV Sentier de Grande Randonnée
> Cartographie des réseaux traversants le territoire du delta de l’Aa. Ils sont parfois source de grandes «barrières» dans le paysage.
> Croisement entre une voie départementale et l’autoroute A16, près de Bourbourg
> Route secondaire rurale, près de St-Georges-Sur-l’Aa
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PARTIE III Quelle stratĂŠgie mettre en place pour le projet ?
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1 - HYPOTHÈSE D’INONDATION DU DELTA À L’HORIZON 2100
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Le territoire de la plaine maritime flamande est soumis à un climat océanique tempéré. L’influence et la proximité de la mer joue sur les écarts de températures sur l’année : plus on est proche de la mer, plus les écarts de températures entre l’hiver et l’été sont réduits. Les vents dominants viennent du sud/sud-ouest, et leur vitesse est accélérée près des côtes. Pour ce qui est de la pluviométrie, elle est beaucoup plus importante durant les saisons automnales et hivernales. Ce sont pendant ces périodes pluvieuses que les inondations continentales sont les plus redoutées. Selon les prévisions scientifiques du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), le territoire du delta de l’Aa devra nécessairement s’adapter aux évolutions climatiques, annonçant des précipitations beaucoup plus importantes, une hausse du niveau de la mer d’environ 1 mètre pour le scénario le plus catastrophique, et une augmentation de la température d’environ 4°C d’ici 2100. Ces évolutions vont totalement amorcer une métamorphose, certes progressive, des pratiques du territoire et des paysages qui le composent. Sur des hivers plus rigoureux et beaucoup plus humides (environ +25% de précipitations), le territoire devra faire face à des terres qui s’imbiberont d’eau douce, allant jusqu’aux inondations, et qui n’arriveront plus à s’évacuer correctement vers la mer du Nord, du à l’élévation de celle-ci. Une attention devra être portée sur les nappes d’eau douce pour leur préservation et leur restauration, notamment durant les épisodes de sécheresses estivales qui seront plus fréquentes. L’eau douce et potable deviendra une ressource encore plus précieuse qu’aujourd’hui. Des conséquences sur l’évolution des milieux, sur la faune, la flore ainsi que sur le type d’agriculture doivent être envisagées. Ces submersions seraient apportées par la mer, par des brèches dans le cordon dunaire et le franchissement voir la rupture de digues, dont la pression sur leur efficacité ne cesse de progresser. Les eaux reviendraient à recouvrir la quasi totalité du delta, laissant une faible profondeur et créant ainsi une sorte de lagune*. L’apparition d’un lido*, sur tout le cordon littoral actuel, industriel et habité, ainsi que la formation de petites îles sur les communes fortifiées par Vauban apparaitraient.
> Cartographie simulant la montée des eaux à l’horizon 2100 sur le territoire du delta de l’Aa. Carte réalisée avec l’appui du site de simulation de la montée des eaux : http://flood.firetree.net, s’appuyant sur les données de la NASA.
30°C
30°C
150mm
150mm
20°C 30°C
20°C
100mm 150mm
100mm
10°C 20°C
10°C
50mm 100mm
50mm
10°C
Janv.
Dèc. Fèvr.Janv. MarsFèvr. AvrilMars Mai AvrilJuin Mai Juil. Juin AoûtJuil. Sept.Août Oct.Sept.Nov. Oct. Dèc.Nov. 50mm
Janv.
Fèvr.
Mars
Avril
Mai
Précipitations actuelles Précipitations +25% à l’horizon 2100
Juin
Juil.
Août
Sept.
Oct.
Nov.
Dèc.
Témpératures moyennes actuelles Témpératures moyennes + 4°C à l’horizon 2100
> Températures et taux de précipitation actuel sur le delta de l’Aa (d’après données Météo France et prévisions du GIEC)
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2 - UNE ÉVOLUTION PROGRESSIVE DU TRAIT DE CÔTE
Dans un premier temps, entre aujourd’hui et 2025, l’hypothèse d’évolution montre une avancée de l’eau progressive, venant butter contre une digue artificielle, parcourant d’est en ouest le delta, à environ 6km en moyenne de la côte actuelle : l’A16. L’autoroute peut être pensée comme premier obstacle, après le franchissement des dunes mais ce n’est cependant pas un obstacle opaque et hermétique au passage de l’eau. L’autoroute est comme perforée, afin de pouvoir y laisser passer routes et canaux. C’est un premier trait de côte potentiel, où le marnage* de la mer est difficile à figurer. Dans une optique allant jusqu’à 2050, la mer aura peut être parcouru une dizaine de kilomètres supplémentaires, faisant évoluer son trait de côte à nouveau. Ce dernier s’appuyant sur les canaux structurants du delta, avec le canal de l’Aa comme fil conducteur, et les micros reliefs présents dans la plaine (jusqu’à 5m de haut). En 2100, la mer atteint la commune de St-Omer, passant par le goulet de Watten. Le trait de côte est très instable. Les paysages de la plaine, notamment de la plaine maraichère du marais audomarois sont recouverts ici et là, la mer laissant derrière elle des dépressions humides d’eau saumâtres*. La rencontre entre les eaux continentales et l’eau de mer seraient visibles, et proposeraient de nouveaux milieux, de nouveaux paysages, transformés par le temps. La connaissance de cette hypothétique évolution me permet d’envisager trois scénarios de transformation du territoire, en fonction des choix d’anticipations qui pourront être envisagés.
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St-Omer 27m>0
Avec l’ampleur de la préhension de l’eau sur le territoire à l’horizon 2100 (l’eau ne s’arrête pas de monter après, 2100 n’est qu’une échéance pour aborder ce travail de TPFE), le trait de côte va nécessairement évoluer et se moduler. Ainsi, j’ai imaginé cette évolution progressive du trait de côte, étalée entre aujourd’hui et l’échéance fixée, par rapport à des données liée à la topographie, au temps et à la distance.
> Coupe hypothétique de la montée de
> Coupe hypothétique de la montée de
> Coupe hypothétique de la montée de
l’eau en 2025
Cordon dunaire 20m > 1m
Autoroute A16 9m
Plaine maritime 4m > -3m
Watten 42m > 2m
Forêt d’Eperlecques 70 m
> Cartographie simulant l’évolution du trait de côte, d’aujourd’hui à l’horizon 2100.
38 km
l’eau en 2050
l’eau en 2100
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3 - TROIS SCÉNARIOS POUR ANTICIPER LA MONTÉE DES EAUX
a) Scénario 1 : Si aucune anticipation n’est engagée
Pour ce premier scénario, j’ai imaginé quels seront les effets de la montée de la mer et de l’écoulement des eaux continentales, si aucune mesure d’anticipation n’est prise. Ainsi, l’écoulement des eaux des canaux et watergangs sur le territoire ne pourra plus se faire correctement. Avec l’amplification du taux de pluviométrie et la montée de la mer, le système de gestion des eaux des wateringues sera totalement saturé, avec des ouvrages ne pouvant pas supporter le volume d’eau accumulé et le débit. Cette situation confortera la position des infrastructures industrialo-portuaires et des habitations (des quartiers entiers parfois) par la formation du lido. Dans l’arrière pays, certaines villes deviendront de petites îles encore habitées (villes fortifiées par Vauban) et les autres communes seront progressivement délaissées, entrainant avec elles l’abandon de la pratique agricole, véritable perte économique pour le delta. La population sera composée de réfugiés climatiques, abandonnant leurs habitations pour des terres mieux protégées, laissant place à des villes fantômes, bientôt sous-marines. Une situation d’extrême urgence en terme de relogement (environ 280 000 personnes concernées par la montée des eaux) serait une catastrophe pour les villes rétro-littorales* (qui du fait de la non-anticipation n’auront pas prévu l’extension de leur commune), et le fonctionnement urbain. Sans accès, le bassin d’emploi industriel ne pourra pas être maintenu. Les grands accès routiers seront fortement endommagés pour ceux restant hors d’eau (routes-digues surélevées). Pour les autres accès, ils seront complètement submergés par l’eau. La non-anticipation serait un problème dévastateur pour le delta, provoquant une situation d’urgence malgré une montée des eaux lentes (le temps est relatif, mais il ne s’agit pas là d’un évènement climatique occasionnel). De plus, cette situation serait en complète contradiction avec les intentions des politiques actuelles de protection et de préservation de la plaine maritime flamande.
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ST-OMER
WATTEN DUNKERQUE
CALAIS
MER DU NORD
> Scénario 1 : A l’horizon 2100, l’abandon de terres à la mer sans anticipation pourrait être une véritable problématique, créant une situation d’urgence avec de nombreux réfugiés climatiques sans solutions de repli.
Ruissellement des eaux issues des coteaux - inondations continentales
Montée des eaux marines +1m
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3 - TROIS SCÉNARIOS POUR ANTICIPER LA MONTÉE DES EAUX b) Scénario 2 : Si l’anticipation par confortement des digues est poursuivi
Pour ce second scénario, j’ai repris la logique d’anticipation menée actuellement par le territoire de la plaine maritime flamande : la poursuite des actions de protection et la préservation du territoire par des travaux de confortation des digues et entretien du systèmes d’évacuation des eaux des wateringues. Sur cette piste, le territoire mène de nombreux travaux, financés par le département, la région, l’Etat entre autres, sur des zones dites « sensibles », extrêmement fragilisées et érodées. Ces moyens d’anticipations sont mis en place dans une logique de lutte contre les inondations, et tente d’amorcer une résilience du territoire. En confortant ces investissements de bataille pour « mieux vivre avec l’eau » et penser la sécurité de ses habitants, la confortation de digues par rehaussement, comme c’est déjà le cas à Ostende en Belgique, peut être une première solution. La construction de nouvelles digues, plus hautes sur toute la longueur du front de mer, pourrait être des barrières supplémentaires venant s’ajouter à des travaux de confortement de dunes, par plantation de pieux. Pour ce qui est de la protection des habitations, la politique menée actuellement propose un réhaussement des seuils et des entrées des logements à hauteur d’un mètre. Cependant, toutes ces intentions seront vaines si l’on se projette à l’horizon 2100. Le delta sera tout de même confronté à l’intrusion de l’eau. La mise en place de zones d’expansion de crues (ZEC) pour relayer les disfonctionnements de gestion des eaux de l’IIW ne sera probablement pas suffisant à terme, et l’arrière-pays pourrait subir des inondations à l’eau douce sur toute sa surface : environ 60000 hectares. De même, les digues artificielles confrontées à la pression de la mer seront fragilisées. Les solutions actuellement envisagées pour ce territoire sont une forme d’anticipation, certes, mais sur le court terme. Les visions, les investissements et les stratégies engagées ne semblent pas durables au regard des prévisions du changement climatique sur le delta de l’Aa.
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ST-OMER
WATTEN DUNKERQUE
CALAIS
MER DU NORD
> Scénario 2 : A l’horizon 2100, la création et la conforation de digues, de ZEC pourront-elles permettre une réelle protection sur le long terme face à la montée des eaux ? Rien n’est moins sûr ... Ruissellement des eaux issues des coteaux - inondations continentales
Montée des eaux marines +1m
Nouvelles digues construites
> Photographies des surrélévation de digues (en escalier) et créations de murets pour se protéger. Un ré-ensablement massif de la plage a aussi été opéré. (source : http://www.urbislemag.fr)
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3 - TROIS SCÉNARIOS POUR ANTICIPER LA MONTÉE DES EAUX
c) Scénario 3 : Si l’anticipation par le recul est engagé
Pour ce dernier scénario, j’ai envisagé la mise en place d’une anticipation cohérente avec un investissement dans des solutions à long terme, apportant une dimension plus réfléchie et plus pérenne à l’horizon 2100. Ainsi, il s’agirait d’anticiper l’inondation d’environ 60000 hectares du delta par la mise en place d’une stratégie de repli rétro-littoral, en considérant la montée des eaux comme étant un fait établi, dont on constate déjà les évolutions. Il semble ainsi inutile de persévérer dans la construction d’infrastructures protectrices faisant front à la mer et qui seront dévastées dans un futur proche. Il s’agira d’accompagner cette évolution du territoire, la dépoldérisation*, en organisant le repli des populations et de l’habitat sur des zones protégées du rétro-littoral : les coteaux et premiers reliefs bordant le delta d’Est en Ouest, de la Flandre à l’Artois. De cette manière, le maintien de la dimension balnéaire et la proximité à la mer, chère en terme de qualité de vie aux habitants du delta pourra être maintenue par l’extension de villes sur le nouveau littoral. La situation en hauteur des zones industrielles et portuaires ainsi que de certains quartiers de Calais et Dunkerque, permettent de conforter ces occupations humaines et ces terres entre mer et lagune sur le lido, et donc de consolider le premier bassin d’emploi de la région. Concernant l’agriculture, l’évolution des milieux et des paysages devra amorcer une reconversion des pratiques agraires, en prônant une agriculture de proximité, parfois basée sur l’élevage et le pâturage en milieux saumâtres* de près salés par exemple, dû à la rencontre entre l’eau de mer et l’eau douce des terres. Pour ce qui est des réseaux et des infrastructures routières, certaines voies principales pourront être conservées en fonction de leur configuration rehaussée, sensiblement hors d’eau et de leur importance en terme de maillage territorial.
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ST-OMER
WATTEN DUNKERQUE
CALAIS
MER DU NORD
> Scénario 3 : A l’horizon 2100, une stratégie de repli rétro-littoral concernant les zones habités en péril, de nouvelles manières de pratiquer l’agriculture avec ces évolutions, conforter certaines infrastructures routières, soutenir certaines activités industrialo-portuaires sur le lido et ainsi tenter d’accompagner l’évolution de ce paysage. Ruissellement des eaux issues des coteaux - inondations continentales
Montée des eaux marines +1m
Repli rétro-littoral des habitations = mise en sécurité
> Ce scénario me semble être le plus intéressant à explorer, notamment dans la richesse des questionnements qu’il pose en terme d’évolution du territoire, proposant non pas une disparition mais une transformation du delta, mais aussi par sa dimension fictionnelle, presque utopique. Ce scénario permet de projeter sur le long terme et d’ouvrir le champ des possibles quant au devenir de la plaine maritime flamande, avec toutes les fluctuations que cela pourra engendrer.
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4 - UN POSTULAT: UNE STRATÉGIE DU REPLI RÉTRO-LITTORAL À AMORCER a) Les enjeux
Au regard de ces évolutions, le territoire va nécessairement devoir prendre conscience de la mesure du bouleversement qu’elles impliquent. Les activités humaines constituées depuis des siècles ainsi que les transformations paysagères en terme de milieux forment des enjeux forts liés à ces évolutions climatiques. Dans un premier temps, les zones habitées du littoral seront les premières touchées à l’échelle de la plaine, certaines se situant sur des terres rehaussées par rapport à la mer, sur la future zone hors d’eau du lido, où les dunes joueront encore leur rôle protecteur. D’autres seront confrontées directement à la planéité du delta et donc à l’avancée de l’eau, notamment sur les zones habitées de l’arrière-pays qui seront envahies d’abord par les eaux continentales puis par la mer. Cela pose les enjeux en terme de gestion des eaux sur le territoire, où les structures d’écluses, de canaux, de watergangs et de pompes gérées par l’IIW ne seront plus efficaces pour évacuer les eaux vers la mer, ne pouvant pas supporter des volumes d’eau trop importants. Des enjeux agricoles se posent. Quel devenir pour les terres cultivées du delta ? Ces dernières seront de plus en plus concernées par des inondations continentales, empêchant la culture sereine de la terre. De nouvelles pratiques agricoles devront être envisagées localement. Les industries localisées sur le littoral, constituent un enjeu majeur pour le delta. Comme dit précédemment, elles forment le bassin d’emploi le plus important de la plaine. Installées en hauteur par rapport à l’élévation du niveau de la mer (sur le futur lido), ces infrastructures industrialo-portuaires devront être confortées. Les réseaux et infrastructures routières s’imposent en terme d’enjeu. Comment le territoire ne devient pas un socle isolé : en conservant et renforçant les routes principales, surélevées en digues, qui permettront de continuer de desservir le lido, et de traverser le territoire. Les routes plus secondaires seront délaissées au profit de nouvelles circulations sur l’eau. Enfin des enjeux environnementaux, notamment sur l’évolution du paysage. Avec la transformation progressive des milieux, certains paysages seront perdus, d’autres se créeront.
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> Carte des enjeux liés à la montée des eaux marines à l’horizon 2100 Surface agricole du delta Surface industrialisée du delta Surface habitée du delta Surface inondée à l’horizon 2100
Autoroute - émergée Route principale - émergée/immergée Route secondaire - immergée Voie ferrée TER - FRET - emergée Voie ferrée TGV - émergée Sentier de Grande Randonnée
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4 - UN POSTULAT: UNE STRATÉGIE DU REPLI RÉTRO-LITTORAL À AMORCER b) La stratégie
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Au regard des différents enjeux vus précédemment , une stratégie du repli rétro-littoral doit être mis en place à l’échelle du polder. Concernant la population et les zones habitées, celles situées sur le futur lido touchant certains quartiers de Dunkerque et de Calais semblent protégées à terme. De petites îles émergentes située dans l’arrière-pays seront elles aussi péservées. Les communes situées sous le niveau de la mer devront être déconstruites et se replier sur des communes situées sur les coteaux, les mettant ainsi hors d’eau et les sécurisant. Dans le projet, de nouvelles manières d’habiter seront envisagées. Les matériaux issus de la déconstruction seront récupérés et réutilisés pour la construction de renforts et pour les nouvelles habitations. Cette stratégie de repli remettra en scène les territoires et les communes du delta, qui auront pû être oubliés. Les terres agricoles dépoldérisées permetteront de renforcer celles présentes sur coteaux, limitant ainsi le développement et l’étalement urbain des futures communes littorales. Elles seront repensées en nouvelles pratiques moins intensives et beaucoup plus locales, s’adaptant aux changements de milieux, plus orientées vers l’activité maritime mais aussi vers le pâturage et l’élevage. Les industries situées sur le futur lido seront (dans la mesure du possible au regard du risque) conservées, notamment pour les emplois qu’elles génèrent. La question de la conservation de la centrale de Gravelines est ici remise en cause, de par sa dangerosité au regard de la montée des eaux. Le démantèlement sur des dizaines d’années est à prévoir. D’ici 2100 de nouvelles pratiques en terme de production d’énergie seront probablement développées à plus grande échelle. Pour desservir ses nouvelles composantes du delta, ou plutôt du nouveau golfe de l’Aa, les routes-digues actuelles seront maintenues, à l’image des autoroutes permettant notamment de relier les pôles urbains et portuaires de Dunkerque et Calais. Les voies ferrées principales, notamment la voie TGV Nord-Europe seraient conservées, permettant de préserver la liaison avec l’Angleterre. Cette stratégie mise en place permet d’amorcer une réflexion sur l’anticipation et l’accompagnement du territoire dans son évolution, dans sa transition, et ainsi de pouvoir en tirer parti. C’est un changement dynamique qui s’organise à long terme.
Guînes
Centrale de Gravelines
Bergues
Pitgam
Audruicq Bollezeele
Eperlecques
> Carte de la stratégie de repli rétro littoral envisagé avec la montée des eaux marines à l’horizon 2100 Centrale nucléaire de Gravelines : démentèlement à prévoir Autoroutes sur remblais, concervées pour permettre de continuer à desservir le territoire Communes ou quartiers concernés par la montée des eaux et qui nécessite un repli Hypothèses de replis rétro-littoral, organisé près de la future côte, dû à l’attachement de la population pour le littoral Communes situées sur les coteaux, qui seront support de développement urbain, agricole, et nécéssitant une nouvelle organisation spatiale Nouveaux pôles urbains potentiels
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PARTIE IV Un projet avec la montée des eaux: expérimentation sur les communes de Watten et Eperlecques
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1 - UN SITE À LA CONFLUENCE DE GRANDES ENTITÉS PAYSAGÈRES
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J’ai choisi de m’intéresser aux communes de Watten et d’Eperlecques, comme socle et site d’expérimentation pour le projet et d’observer l’application de la stratégie de repli rétro-littorale ainsi que les évolutions du paysage et de l’aménagement du territoire qu’elles impliquent. Ces deux communes sont intéressantes comme outils de recherche car elles se situent à la confluence de quatre grandes entités de paysage : la plaine maritime flamande au nord, le marais audomarois au sud, les collines crayeuses du Calaisis et de l’Artois à l’ouest et les collines argileuses des Monts de Flandre et du Houtland à l’est. Le paysage de la plaine maritime flamande et de son littoral est comme vu en partie II du rapport, un paysage de polder étroitement lié à l’eau par les canaux, fossés, watergangs, éléments de gestion et de drainage de l’eau vers la mer sur son territoire. C’est un paysage essentiellement agricole, exploité pour la qualité de sa terre, doté d’un littoral habité et fortement industriel, où le cordon dunaire persiste et où les infrastructures viaires viennent couper la plaine. Le marais Audomarois est un paysage d’eau, de marais d’eau douce enclos, en dialogue avec les coteaux boisés qui le bordent et dont découlent les ruissellements. C’est un paysage très structuré dans ses fossés, permettant la culture d’étroites parcelles maraichères. Des peupleraies viennent combler la déprise agricole et refermer ce paysage ouvert. L’habitat s’est peu développé dans le marais, on le retrouve majoritairement sur les coteaux. Les paysages des collines de l’Artois et du Calaisis situés dans le Pas de Calais sont essentiellement agricoles et composés de grandes prairies grasses, avec un habitat clairsemé ici et là. Ils sont parsemés de petits boisements et sont un véritable balcon sur la plaine maritime et le marais Audomarois. Les reliefs des paysages des Monts de Flandre et du Houtland situés à l’est sont plus doux et vallonnés que les collines de l’Artois. Le Houtland est une terre agricole, composée de fermes isolées, de bois, de villages, de haies... La terre argileuse prédominante y laisse s’écouler les eaux arrivant dans la plaine maritime et le marais. Ce sont des paysages permettant de surplomber la plaine jusqu’à 176m de hauteur. Il va être intéressant de constater l’évolution de ces paysages spécifiques avec la montée du niveau de la mer et l’affluence des eaux continentales à l’horizon 2100. En effet, le site sera un lieu de confluence et de rencontre entre eaux salées et eaux douces.
Collines de l’Artois
> Collines alternant pâtures et cultures dans l’Artois. Au loin, la cuesta et la Manche. (sources : http://bouvignyboyeffles.free.fr et http:// artoisvert.free.fr)
Plaine maritime flamande
> Paysages diversifiés de la plaine maritime flamande - industries - dunes et plaine wateringuée
Marais audomarois
Collines des Monts de Flandre Houtland
> Collines souples et argileuses des Monts de Flandre. (sources : http://fr.wikipedia.org et http://www. nordmag.fr)
> L’audomarois et ses paysages de marais maraîchers
(sources : http://www.eurotunnel.com et http://levasiondessens.com)
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2 - ÉTAT DES LIEUX a) Retour sur le passé florissant d’un site
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Les communes de Watten et d’Eperlecques sont stratégiquement positionnées par rapport à la plaine, elles forment à elles deux une sorte de pincement, de resserrement : le goulet de Watten. Situées chacune sur des hauteurs, elles dominent le paysage. L’Aa, ici canalisée, s’écoule dans la plaine et le marais entre chacune d’elles et forme la limite entre le département du Nord (Watten) et le département du Pas-de-Calais. Environ 1,5km de plaine cultivée les séparent l’une de l’autre. Watten se positionne sur la rive droite de l’Aa, sur le flanc de coteau passant d’une altitude de 72 mètres au niveau de la Montagne de Watten, Mont le plus occidental des Monts de Flandre, à 2 mètres dans la plaine sur une distance d’environ 1km. Sur la rive gauche de l’Aa, Eperlecques s’étend en village-rue en plusieurs hameaux sur environ 10km, sur le plateau de la colline portant le même nom. Dans l’histoire, la place forte entre ces deux communes est bien Watten. Ville dont le nom signifie « passage à gué », elle a longtemps été convoitée grâce à sa position haute avec le Mont, sa situation d’entre-deux entre la Flandre et l’Artois. Quand la mer couvrait encore les terres aujourd’hui cultivées et bâties, des romains avaient choisi de s’établir ici. Une forte présence monastique au XIe siècle a permis de construire le monastère encore présent aujourd’hui sur la Montagne. Cette cité a joué un rôle militaire très fort au fil des siècles. Sa possession a permis de tenir la Flandre maritime au nord et a constitué une menace pour la position de St-Omer au sud. Le développement de la ville s’est fait progressivement, avec une occupation du bas de versant après la dernière transgression marine, les habitations s’y sont concentrées après le retrait de la mer. Au XVIIIe siècle, la Montagne se dote d’un moulin, permettant de broyer les blés et de fournir des huiles. Il a été utilisé comme observatoire par les allemands pendant la seconde guerre mondiale. A la fin du XIXe siècle, la ville a connu un essor économique majeur avec le développement d’industries florissantes de tuileries, filatures et de chantiers de bateaux. Elle est un véritable carrefour de voies de communication, notamment grâce à la présence du canal de l’Aa et ses différents affluents reliant les grands ports de la plaine maritime flamande. Cette prospérité associée à la commune s’arrête avec la seconde guerre mondiale. Le développement de la cristallerie à Arques au sud de St-Omer et les usines d’Arcelor-Mittal vers Dunkerque ont permis au secteur de Watten et d’Eperlecques de continuer à se développer.
> Cartographie du site et de la ville de Watten au XVIIIe siècle (source : CAUE du Nord)
Bois royal de Watten
Bois royal de Watten
Colline et forêt d’Eperlecques
Colline et forêt d’Eperlecques
Watten
Watten
La Montagne
La Montagne
Eperlecques
Eperlecques
Bois du Ham
Bois du Ham
0
500m
2km
0
> Cartographie de la plaine et développement des villes de Watten et d’Eperlecques au XIXe siècle (source : CAUE du Nord)
0
2km
500m
> Cartographie de la plaine et développement des villes de Watten et d’Eperlecques aujourd’hui (source : CAUE du Nord)
> La grande filature de Watten au début du XXe siècle
> Les chantiers de construction de bateaux sur l’Aa au XXe siècle
> Les tuileries du Nord à Watten au début du XXe siècle. Le moulin et la Montagne en arrière plan.
> L’important traffic fluvial de marchandises sur l’Aa au XXe siècle
(source : Ville de Watten, www.watten.fr)
(source : Ville de Watten, www.watten.fr)
500m
(source : Ville de Watten, www.watten.fr)
(source : Ville de Watten, www.watten.fr)
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2km
2 - ÉTAT DES LIEUX
b) Le site aujourd’hui
Ligne TVG Nord Europe
Les communes de Watten et Eperlecques, respectivement 2500 habitants et 3350 habitants ont conforté leur position d’entrée sur le delta de l’Aa, elles sont les portes de la plaine maritime flamande et de l’audomarois, marquée par la présence des boisements sur les hauts plateaux des coteaux (forêt d’Eperlecques, bois royal de Watten et bois du Ham), visibles depuis le lointain, avec le canal de l’Aa comme fil conducteur. Elles sont aujourd’hui des communes rurales, vivant au contact terres agricoles, de l’eau et du marais.
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Comme dit précédemment, c’est un site à la confluence de nombreux éléments fabriquant le paysage. Des entités de paysage certes, mais aussi des réseaux et voies de communication s’y cumulent : routes départementales, voies de TGV et TER (une gare dessert le site), voies secondaires, chemins de halage, canaux et fossés, se concentrent au niveau du goulet. Certaines de ces voies se trouvent sur des remblais, permettant de les mettre hors d’eau et de les protéger des crues. C’est un site extrêmement agricole, où près de 430 hectares de marais, à l’échelle de toute la région Audomaroise, sont exploités par une quarantaine de familles. C’est le dernier marais maraîcher. Environ 1100 hectares du marais sont des pelouses et prairies humides, consacrées au pâturage de bovins. La dimension touristique du site est aussi à relever. Le Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale vient englober le site sur toute sa partie Pas-de-Calais jusqu’à St-Omer, s’appuyant sur l’Aa pour créer sa limite. Ainsi, la présence du parc génère une forte attraction touristique, avec le développement de chemins de randonnées dont les deux communes peuvent bénéficier. Cela a permis à la commune de Watten (bien que n’intégrant pas le périmètre du PNR) de profiter de l’affluence, en développant un tourisme fluvial sur l’Aa, avec la présence d’une halte nautique. De plus, le patrimoine bâti et architectural du site avec le blockhaus d’Eperlecques (plus gros blockhaus du Nord datant de la seconde Guerre Mondiale et classé aux Monuments historiques), avec le moulin de Watten et le panorama offert de la plaine maritime flamande sur la Montagne, avec la présence de l’abbaye ; ainsi que le patrimoine naturel lié aux forêts et bois, et la réserve naturelle du lac bleu (ancienne argilière) sont des sources générant une forte attractivité du site. De nombreux campings sont présents, accueillant des touristes et vacanciers venant de tout le département ainsi que de nombreux anglais.
Camping
EPERLECQUES
TER
D300
ne Lig
Ligne TVG Nord Europe
Canal de l’Aa
Camping
Forêt d’Eperlecques
Bois Royal de Watten WATTEN La Montagne
Blockhaus d’Eperlecques Moulin Abbaye de Watten D300
Le lac Bleu
Bois du Ham
Camping
Bâtiments - Habitations
Espaces boisés - type peupleraie
Espace agricole
Réseau de fossés drainants du marais
Espaces boisés importants - forêts, bois
Réseau viaire principal du site
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2 - ÉTAT DES LIEUX
b) Le site aujourd’hui
1 2 9
10 5
7 6
3
4
8
> Plan de repérage des vues
> 1 - La rue de Dunkerque, rue principale du centre ancien de Watten
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> 3 - Le moulin sur la Montagne de Watten
> 2 - Petite venelle à Watten, permettant de relier l’Aa au centre-ville
> 4 - Panorama sur la plaine maritime flamande, depuis la Montagne de Watten
> 5 - Champs cultivé sur le coteau nord d’Eperlecques
> 6 - Eperlecques, village-rue allongé, composé de maisons individuelles
> 7 - Maisons en bandeau et petits bateaux le long du cours d’eau de la Liette > 8 - Fossé drainant dans le marais maraîcher
> 9 - Le canal de l’Aa à hauteur de la halte nautique de Watten
> 10 - Fossé drainant au pied du coteau sud du Bois d’Eperlecques
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3 - HYPOTHÈSES D’ÉVOLUTION DES MILIEUX
Avec les prévisions de la montée des eaux à hauteur d’1 mètre et l’augmentation de la pluviométrie d’environ 25% entraînant donc des écoulements d’eau continentale depuis les coteaux plus importants, des changements en terme de paysage et d’évolution de milieux est à prévoir. A quoi pourraient ressembler ces paysages à l’horizon 2100 ? Quelles évolutions sur le site de Watten-Eperlecques ?
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Aujourd’hui, les nombreux fossés drainants étroits sont parfois clairsemés sur leurs berges d’espèces hélophytes (plantes ayant les racines dans l’eau) comme des phragmites (Phragmites australis) ou encore des petits iris jaunes des marais (Iris pseudacorus). Mais la nécéssité de curer ces fossés détruit les espèces en place. Les quelques boisements de la plaine, de grandes peupleraies, viennent combler la non-exploitation des zones maraîchères. Quelques saules têtards viennent ponctuer la vue de ce grand paysage ouvert. Dans l’hypothèse d’évolution, dans un premier temps (2025 par exemple), tout le marais situé en point bas, dans la plaine, et comportant de nombreux réseaux de fossés drainants resserrés, de petits cours d’eau et de canaux vont se gorger d’eau de temps à autre, notamment pendant les saisons froides dû à des pluies plus fréquentes. Les terres seront moins exploitables, et permettront une confortation des espèces végétales hélophytes d’eau douce, observables sur certaines berges de fossés aujourd’hui. Dans un second temps (hypothèse 2050), ces crues liées à l’augmentation du ruissèlement des eaux continentales et la difficulté de rejeter ces eaux à la mer, vont amplifier ce phénomène de débordement, de manière beaucoup plus fréquente, avec un apport léger et progressif de sédiments. D’importantes roselières vont apparaître. Enfin, à l’horizon 2100, la rencontre entre eaux douces continentales et eaux marines va s’opérer, créant un milieu saumâtre*. L’apparition d’espèces halophytes (espèces adaptées aux milieux salés et saumâtres) devrait pouvoir s’observer. Différents milieux pourraient voir le jour : des mollières (près salés), des roselières appartenant à la schorre en partie haute n’étant pas recouverte systématique par les marées, et la slikke composée de vasières recouvertes à chaque marées ; incluant respectivement des espèces végétales et animales propres.
0
500m
1km
> Evolution hypothétique des milieux à l’horizon 2025
0
500m
1km
0
> Evolution hypothétique des milieux à l’horizon 2050
500m
1km
> Evolution hypothétique des milieux à l’horizon 2100
> Coupe d’un fossé drainant et de sa végétation aujourd’hui, avec les parcelles cultivées de part et d’autre
Champs maraîchers
Phragmites
Champs maraîchers Iris Joncs
Joncs
> Coupes de la végétation potentielle avec l’augmentation de l’eau douce, venant gorger le sol, à l’horizon 2025-2050
Agrostides et Carex
Iris Phragmites
Myriophylle et lentilles d’eau
Phragmites
> Coupe de la végation potentielle et des différents milieux lié à l’eau saumâtre en 2100 Slikke - Schorre
Phragmites
Puccinellie
Aster maritime et Obione
Salicorne
Spartine
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4 - LES ENJEUX D’UN SITE SOUMIS AU ÉVOLUTIONS CONTEMPORAINES Ligne TVG Nord Europe
Les enjeux liés à la montée des eaux sur le site sont forts en terme de conséquences et de changements qu’ils impliquent. La zone de la plaine et du marais sera touchée en premier par les inondations continentales, avec des crues et des débordements de plus en plus fréquents. La stratégie du repli est ici à appliquer. Des déconstructions de bâtiments (supermarchés, entreprises) et de logements devront être anticipées, afin d’assurer la sureté de la population. Ainsi, de nouvelles zones à construire devront être identifiées sur les plateaux des coteaux, en s’appuyant sur la densification des communes de Watten et Eperlecques. De nouvelles manières d’habiter seront envisagées, adaptables aux évolutions des milieux et des paysages.
GR 128
Les zones agricoles du marais constituent un autre enjeu majeur. En effet, les zones cultivées seront recouvertes partiellement par l’eau de ruissellement. L’exploitation de ces terres est remise en question. Il s’agira de définir de nouvelles manières de pratiquer l’agriculture, en adaptant les espèces cultivées aux évolutions des milieux, mais aussi de conforter des cultures sur les coteaux, du maraichage en ville, sur de plus petits espaces, et la mise en pâture de terres confrontées au milieu saumâtre. Des enjeux en terme de déplacements et d’infrastructures viaires sont à prendre en compte. Certaines voieries en remblai devront être confortées, d’autres supprimées au profits de nouveaux modes de déplacements. La multiplication de cheminements doux devra être considérée pour connecter le site au reste du territoire et ne pas l’isoler. Des enjeux en terme de tourisme sont à prendre en compte. Les changements climatiques ne vont-ils pas remettre en question tout l’intérêt touristique du site ? Au contraire il faudra réussir à tirer parti de ces changements pour valoriser l’attrait du site, ses paysages, son patrimoine.
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EPERLECQUES
0
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n Lig R
Canal de l’Aa
Ligne TVG Nord Europe
Forêt d’Eperlecques
Bois Royal de Watten WATTEN Halte nautique
Blockhaus d’Eperlecques
GR 128
Moulin
Le lac Bleu
D300
Abbaye de Watten
Bois du Ham
Lieux touristiques GR 128 Limite PNR
Bâtiments et logements, situés dans le marais, en zone basse et devant être déconstruits à terme Montée de l’eau à l’horizon 2100
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Le projet qui sera mené dans ce travail personnel devra tenir compte des enjeux du site exprimés précédemment face aux évolutions liées à la montée des eaux de la mer et à l’augmentation des eaux continentales. La difficulté d’élaboration du projet émane de sa dimension prospective, sur le fait que l’on ne connaît pas la véritable issue des changements et leurs impacts à terme.
HOMME
5 - UTOPIE DE PROJET : UNE RÉFLEXION MENÉE SUR L’INCONNU a) Les intentions de projet
exploitation agricole pérénisée sur les côteaux
Ce travail est donc une expérimentation proposant une réponse fictionnelle d’accompagnement des évolutions, avec des intentions s’appliquant au site d’étude de Watten-Eperlecques qui sont :
routes importantes conservées conforter l’accessibilité
• Tirer parti du temps long afin de proposer un projet de paysage basé sur un repli de la plaine et de son marais habité, afin de mettre en sécurité la population soumise au risque,
• Adapter le site à de nouveaux moyens de déplacements et de nouvelles infrastructures évolutives, correspondant aux différents milieux et types de socles,
EAU
• Anticiper le déplacement de ces populations en amorçant le développement urbain, s’appuyant sur les coteaux et les communes de Watten et Eperlecques ; et optimiser l’espace du marais en proposant de nouvelles formes d’habitats adaptables aux évolutions,
• Penser et développer de nouveaux modes de production d’énergie, en utilisant les forces naturelles très présentes sur le site : le vent dû aux espaces très ouverts (présence du moulin à Watten) et l’eau, qui occupe une grande place dans le territoire et qui sera amplifiée avec les changements climatiques
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• Tirer parti des évolutions liées au climat pour conforter l’activité touristique propre au site.
TERRAIN
• Conforter les espaces agricoles des coteaux et transformer les pratiques culturales des marais en les adaptant aux évolutions des milieux,
socle : terrain fixe
pâturage de près salés sur prairies saumâtres suivant l’évolution des milieux parcellaire agricole réduit pratiques agricoles moins intensives et plus locales
habitat densifié, diversifié, pérenne sur les coteaux jardins partagés dans la ville
Energie éolienne développée
es des côteaux
Chemins empiérés; fondations légères
activités maritimes, ceuillettes, mytiliculture conchyculture
sentiers modulables, cheminements souples
Energie hydraulique développée
habitat modulable et démontable optimisation de l’espace
marées d’équinoxe
crues eaux continentales
terrains de la plaine : sédimentaires et maléables
marées hautes
marées basses
mer et eaux de ruissellement
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5 - UTOPIE DE PROJET : UNE RÉFLEXION MENÉE SUR L’INCONNU b) Quelques pistes de projet
Des intentions énoncées découlent quelques pistes, permettant de rendre compte en différents temps, des dynamiques de projet évolutives : > DES CHEMINEMENTS ET MODES D’HABITATS MODULABLES EN FONCTION DES ÉVOLUTIONS CLIMATIQUES Le socle de la plaine est cultivé pour la qualité de sa terre tourbeuse, permettant d’en faire le seul marais maraîcher actuel. Ce marais va évoluer développant les espèces végétales dont il est déjà doté sur certaines berges, comme les iris, les joncs ou encore les phragmites. L’évolution de ce milieu va permettre de développer un nouveau rapport à l’eau avec des cheminements légers à travers le marais, et l’implantation d’habitats modulables, sur pilotis ou flottants, adaptés au milieu, permettant d’étendre la surface habitée en optimisant le sol de la plaine. > L’EAU COMME SUPPORT DE NOUVEAUX MOYENS DE DÉPLACEMENT DANS LA PLAINE Comme dit précédemment, la plaine constituée du marais est cultivée et est composée d’un réseau de fossés drainants permettant d’évacuer les eaux de ruissellements, les eaux issues des parcelles cultivées et enfin de circuler sur l’eau en déplaçant les récoltes. Avec la montée des eaux, ces réseaux vont se gorger d’eau, déborder et s’élargir, laissant les sédiments s’y déposer. A terme, il est intéressant d’utiliser ces fossés afin de l’utiliser comme véritable support de transport, avec un entretien et remodelage de certains fossés en chenaux praticables
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> LES MATÉRIAUX DE DÉCONSTRUCTION AU PROFIT DE CHEMINEMENTS DOUX, ENTRE TERRE ET EAU Sur un site entre marais et coteaux, c’est l’articulation de ces deux configurations qui est intéressante. La montée des eaux progressive va nécessiter des déconstructions de bâtiments, d’habitations. Il est alors judicieux de réutiliser les gravats non exploitables (pour de la reconstruction) en les utilisant pour former les fondations de petites diguettes, luttant ainsi contre l’érosion future. Elles permettent ensuite de développer des cheminements et nouvelles circulations promontoires, entre terre et eau, offrant un nouveau rapport aux éléments.
> DES CHEMINEMENTS ET MODES D’HABITATS MODULABLES EN FONCTION DES EVOLUTIONS CLIMATIQUES Temps actuel
Temps 1
Une terre exloitée dans la plaine
soumise aux inondations continentales, et où des cheminements légers en milieux humides sont implantés. Ils sont modulables en fonction de l’évolution des milieux
Temps 2
ainsi que le développement d’habitats modulables et démontables peuvent être installés, pour une optimisation de l’espace
> L’EAU COMME SUPPORT DE NOUVEAUX MOYENS DE DÉPLACEMENTS DANS LA PLAINE Temps actuel
Un territoire drainé par les fossés dans la plaine
Temps 1
soumise aux inondations continentales, permettant l’élargissement des fossés
Temps 2
afin de développer de véritables chenaux de circulation sur l’eau (développement de modes doux)
> LES MATÉRIAUX DE DÉCONSTRUCTION AU PROFIT DE CHEMINEMENTS DOUX ENTRE TERRE ET EAU Temps actuel
Un territoire entre côteau et plaine agricole ......
Temps 1
où les matériaux issus des déconstrucitons sont réutilisés pour limiter l’érosion liée à la montée des eaux
Temps 2
et constituer une nouvelle relation entre terre et eau, en s’appuyant sur les remblais pour créer de nouvelles circulations douces
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> Dunes et plage de la réserve naturelle du Platier d’Oye lors de marée d’équinoxe en mars 2015.
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CONCLUSION
Ce rapport de présentation m’a permis de présenter le territoire de la plaine maritime flamande, la formation de son polder, la richesse et la diversité de ses paysages, ainsi que l’attachement de sa population à cette terre. J’ai pu exprimer la vulnérabilité de ce delta face aux enjeux de l’évolution climatique et des conséquences que cela pourrait induire. C’est un territoire au centre des défis contemporains liés à la montée des eaux, remettant en cause l’aménagement actuel du territoire sur ça durabilité dans le temps et permettant ainsi le développement du projet de paysage. Le projet proposé par ce TPFE est une réponse hypothétique qui m’est propre, avec la difficulté de la dimension prospective qu’il implique et apportant une autre réponse à la politique de protection menée actuellement sur la plaine, mais partout ailleurs en France. Ce projet s’inscrit dans une démarche dynamique et propose une vision fictionnelle, utopique de l’évolution d’un territoire pour ouvrir le champ des possibles. Il tire parti du temps laissé à l’eau pour regagner ses terres, d’aujourd’hui à 2100, pour amorcer de nouveaux paysages, et de nouvelles manières de s’approprier et d’habiter, suivant différentes temporalités, le delta de l’Aa aujourd’hui et le futur golfe* de l’Aa demain.
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GLOSSAIRE
Aa : Petit fleuve côtier français du Nord de la France, dans la région Nord-Pas-de-Calais, qui se jette dans la mer du Nord, pour partie canalisé. L’origine du nom Aa est une dégradation d’un mot germanique (néerlandais) aha qui signifie « eau ». (www.fr.wikipedia.org) Bâches : Ce sont des dépressions temporaires ou mares résiduelles ressemblant à des piscines naturelles formées entre la côte et un banc de sable. À marée basse, les bâches se présentent comme une succession de cavités régulières. (www.fr.wikipedia.org) Delta : Zone, généralement de forme triangulaire, constituée par les alluvions apportées par les branches (deux ou plusieurs) d’un fleuve à son embouchure dans la mer ou dans un lac. (www.cnrtl.fr) Dépoldérisation : Processus de « remise » à la mer des terres précédemment gagnées sur l’espace maritime. Il permet de faire prendre conscience du retour de la mer et de la fin de l’occupation et de l’exploitation humaines d’un polder, mais c’est aussi faire indirectement penser à la protection contre la mer des espaces environnants, aux réactions sociales suscitées par l’interruption d’une longue tradition de conquête, ou aux éventuels avantages économiques et défensifs à tirer de ce nouveau mode de gestion du littoral, dans un contexte de changement climatique. (www.cairn.info/revue-espace-geographique-20094-page-376.htm.) Gabarit Freycinet : Norme européenne régissant la dimension des sas d’écluses de certains canaux à 39 m de long pour 5,20 m de large, afin qu’elles soient franchissables par des péniches de 300 t ou 350 t. Suite à cette norme, de nombreux travaux ont été engagés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle pour moderniser les canaux, les écluses et harmoniser la navigation fluviale. (www.fr.wikipedia.org)
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GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat
Golfe : Vaste avancée de la mer à l’intérieur des terres et dont l’ouverture est ordinairement très large. (www.cnrtl.fr) IIW : Institution Interdépartementale des Wateringues, gestionnaire des eaux des watergangs, de leur entretien ainsi que des infrastructures de type écluses et pompes de relevage. Lagune : Étendue d’eau saumâtre sur un haut-fond, comprise entre la terre ferme et une flèche de sable ou un cordon littoral (le lido). (www.cnrtl.fr)
Lido : Cordon littoral isolant une lagune. (www.cnrtl.fr) Marnage : C’est la différence de hauteur d’eau entre une pleine mer et une basse mer successive. (http://marees.free.fr/marnage.html) Polder : Vaste étendue endiguée et asséchée, conquise sur la mer, sur les marais littoraux ou sur des lacs, située à une cote inférieure au niveau maximal du plan d’eau. (www.cnrtl.fr) Quaternaire : Quatrième ère géologique, la plus récente. Elle comprend l’apparition de l’Homme et l’ère glaciaire. (www.fr.wikipedia.org) Rétro-littoral : Désigne ce qui est relatif à l’arrière-côte (espace s’étendant en arrière du trait de côte). On parle aussi de l’ «hinterland» qui est synonyme. (http://www.aquaportail.com) Saumâtre : Qui est composé d’un mélange d’eau douce et d’eau de mer, et présente un degré de salinité intermédiaire. (www.cnrtl.fr) Sédiment : C’est une matière particulaire solide, minérale et organique, qui se dépose au fond de l’eau, par sédimentation, quand les conditions hydrologiques ne la maintiennent plus en suspension dans la couche d’eau. Les alluvions, les limons, etc, sont des sédiments. (http://www.aquaportail.com)
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Transgression : C’est un déplacement de la ligne de rivage vers l’intérieur des terres, due à un affaissement continental ou à une élévation du niveau de la mer ou à une conjonction de ces deux situations (par exemple en période de réchauffement climatique). En Flandre, l’eau des inlandsis a fondu et a entrainé une remontée du niveau de la mer (d’environ 100 m) : à cette époque la Manche, puis les Pays-Bas et les Flandres belge et française se sont trouvées envahies par la mer, d’où le nom de l’épisode Transgression flandrienne. (www. fr.wikipedia.org) Watergang : Dans les Flandres, canal de drainage, à vocation de dessèchement de bas-marais, de zones humides ou inondables situées en plaines maritimes sous le niveau des hautes mers. (www.cnrtl.fr et www.fr.wikipedia. org) Wateringue : Dans les Flandres, ensemble des travaux d’assèchement des terres situées au-dessous du niveau de la mer; réseau de canaux de drainage mis en place dans le cadre de ces travaux. (www.cnrtl.fr) Wateringue : Dans les Flandres, ensemble des travaux d’assèchement des terres situées au-dessous du niveau de la mer; réseau de canaux de drainage mis en place dans le cadre de ces travaux. (www.cnrtl.fr)
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ANNEXES
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94 > Article prospectif paru dans la Voix du Nord, le lunid 23 DĂŠcembre 2013, au sujet des submersions marines sur le territoire de la plaine maritime flamande
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BIBLIOGRAPHIE
> Sur les changements climatiques, les risques naturels liés aux inondations et la montée des eaux, la dépoldérisation • COLLECTIF, Habiter le littoral, enjeux écologiques et humains contemporains, 26èmes journées scientifiques de la SEH, Colloque International, Livret résumé, Marseille, 2014, 88p. • COLLECTIF, sous la direction de TERRIN, Jean-Jacques. Villes inondables Cities and Flooding, prévention, adaptation, résilience, ed. Parenthèses, coll. La ville en train de se faire, Marseille, 2014, 280p. • COLLECTIF, sous la direction de WELCOMME, Bernard. Des défis climatiques, ed. Actes Sud et ENSP, Les carnets du paysage, n°17, Automne-Hiver 20082009, 178p. • GOELDNER-GIANELLA Lydie, VERGER Fernand, Du « polder » à la « dépoldérisation » ? , L’Espace géographique 4/2009 (Vol. 38) , p. 376-377 URL : www.cairn.info/revue-espace-geographique-2009-4-page-376.htm. • HEQUETTE, Arnaud. Les risques naturels littoraux dans le Nord-Pas-De-Calais, France, article paru dans la revue VertigO, Hors-série 8, octobre 2010, mis en ligne le 1er octobre 2010, consulté le 20 janvier 2015, URL : http://vertigo.revues.org/10173 • LISON, Céline. Jusqu’où la mer va-t-elle monter ? , article paru dans la revue National Geographic, Volume 32.3, Numéro 186, Mars 2015, pp. 26 -71. • RICHER, Jean. sous la direction de GOMEL, Cyril. La prémonition d’Antioche, adaptation urbaine au changement climatique dans la partie nord de la Charente-Maritime, ed. Ecole de Chaillot, Cité de l’architecture et du Patrimoine, Ecole des Ponts ParisTech, Paris, 2014, 54p. • SCARWELL, Helga-Jane, LAGANIER, Richard. Risque d’inondation et aménagement durable des territoires, ed. Septentrion, Presses universitaires, coll. Environnement et Société, Villeneuve d’Ascq, 2004, 239p.
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• SCARWELL, Helga-Jane ; SCHMITT, Guillaume ; SALVADOR, Pierre-Gil. Urbanisme et inondations : outils de réconciliation et de valorisation, ed. Septentrion, Presses universitaires, coll. Environnement et Sociétés, Villeneuve d’Ascq, 2014, 366p.
> Sur le Nord Pas de Calais, le territoire du Delta de l’Aa, les communes de Watten et Eperlecques •
AGUR, Les Wateringues, hier, aujourd’hui et demain, Dunkerque, 2014, 66p.
• LE CORNEC, Erwan, PEETERS, Pierre. Détermination de l’aléa de submersion marine intégrant les conséquences du changement climatique en région Nord-Pas-de-Calais, DREAL Nord – Pas de Calais, Lille, 2009, 105p.
•
COLLECTIF, sous la direction de TERRIN, Jean-Jacques. Villes inondables Cities and Flooding, prévention, adaptation, résilience, ed. Parenthèses, coll. La ville en train de se faire, Marseille, 2014, 280p.
> Documents de planification • L’Atlas des Paysages du Nord-Pas de Calais (Mer du Nord, Plaine Maritime, Marais Audomarois) • SAGE du Delta de l’Aa • PLU (Watten, Eperlecques) • AEU de la commune de Watten
> Vidéos •
Extrait de l’émission «C’est dans l’air», débat autour de la conséquence de la montée des eaux marines et des eaux continentales sur le territoire de la plaine maritime flamande, consulté en avril 2015. http://www.dailymotion.com/video/x6v1gk_la-flandre-maritime-sous-les-eaux_tech
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La plaine maritime flamande est un territoire de polder situé en dessous du niveau de la mer. La présence de l’eau caractérise ce paysage depuis toujours, entre mer, fossés drainants : les wateringues et le delta de l’Aa. C’est cette maitrise de l’eau qui, depuis des siècles, a pu permettre aux Hommes d’exploiter ce socle d’environ 85000 hectares, composé de paysages et d’atmosphères variés. Aujourd’hui, ce territoire est confronté aux changements climatiques notamment avec la montée des eaux et l’augmentation du taux de pluviométrie influant sur les inondations continentales, et remettant en cause l’ingénieuse gestion de l’eau sur le delta. Les acteurs politiques, gestionnaires et aménageurs prennent conscience de la difficulté des problèmes liés à l’évacuation des eaux de l’arrière-pays vers la mer et mènent ainsi des actions opérationnelles sur le court terme. Alors comment anticiper et envisager le futur, sans connaître les réels mouvements du paysage à long terme ? Ce travail personnel s’engage sur une dimension prospective et dynamique en terme d’évolution du territoire, à différentes échelles et différentes temporalités, sur la transformation de ses paysages à l’horizon 2100.