Mémoire Master 2

Page 1

Université Internationale de l’Ouest Paris, Nanterre Mémoire de Master 2 : Science de l’Information et de la Communication

flickr et YouTube, les plate-formes visuelles et le phénomène de célébrité : les nouvelles conditions du vedettariat sur le web

Fatima AZIZ Sous la direction de M. Jean MOUCHON

2008


Université Internationale de l’Ouest Paris, Nanterre Mémoire de Master 2 : Science de l’Information et de la Communication

&

, les plate-formes visuelles et

le phénomène de célébrité : les nouvelles conditions du vedettariat sur le web

Fatima AZIZ Sous la direction de M. Jean MOUCHON

2008


ÂŤ Les mondes futurs f Âť 1936, H.G Wells


Remerciements

Les mots n’exprimeront jamais l’immense reconnaissance que je dois à mes parents, mon pays et mes professeurs en France. Pour le soutien, la patience, l’encouragement et les informations utiles qu’ils m’ont apportés pour développer ma réflexion sur ce sujet, je tiens à remercier mon directeur de recherche Monsieur Jean Mouchon et également Monsieur André Gunthert. Ma reconnaissance va tout autant à Gaëtane Rodrigue, Gabriela David, Nora Mathys, Hughes Leglise-Bataille et Didier Roubinet. Je remercie également mes amis et mes contacts sur Facebook pour les échanges d’information et de contenus essentiels à ma compréhension des nouveaux modes de communication. J’aimerais également remercier chaleureusement mon instructeur de la photographie, pour son soutien amical professionnel et matériel, qui m’a aidé à découvrir la valeur de l’image.

1


Sommaire Première Partie I. Le nouveau paysage web de création et de diffusion visuelle : l’émergence des plate-formes visuelles 1. Le Volet Technique 1.1. Le Volet Social 1.2. Techniques d’enregistrement : les facteurs contributifs à l’émergence des plate-formes visuelles 2. Les plate-formes visuelles : flickr et YouTube 2.1. flickr : la plate-forme des photographies 2.2. YouTube : la plate-forme des vidéo-clips 2.3. La reprise du contenu visuel dans la blogosphère : les facteurs techniques 3. flickr et YouTube : les usagers et les usages 3.1. flickr : les usagers et les usages 3.2. YouTube : les usagers et les usages 3.3. Le détournement des usages et l’émergence de l’image parasitaire

Deuxième Partie II. Les célébrités des plate-formes : l’étude de cas sur flickr et YouTube 1. Les célébrités de flickr : l’artiste et le photoreporter 1.1. Rebekka Guðleifsdóttir / _rebekka 1.2. Hughes Leglise - Bataille/ Hugo* 2. Les célébrités de YouTube : la musique amateur et la danse de motivation 2.1. Lasse Gjertsen / lassegg 2.2. Judson Laipply/ judsonlaipply 3. Le succès : l’effet du vedettariat et le mélange du ludique et de l’information 3.1. Les effets du succès pour les usagers devenus célèbres 3.2. Les effets du succès pour les plate-formes visuelles 2


Introduction

A l’heure de la mondialisation, l’usage des réseaux numériques augmente rapidement la diffusion et le partage de l’information. Au vue des avancées techniques, il est envisageable d’installer des circuits internet qui assurent la circulation de l’information tout en réduisant les distances géographiques. Ce système de communication nécessite la mise en place de nouvelles infrastructures dépendantes d’une technologie innovatrice. C’est dans cette période de changement qu’émergent de nouvelles conditions de production, marquées par une forte dématérialisation du contenu, et la convergence d’outils qui influent sur les pratiques existantes. Dans ce contexte des mutations sociotechniques, c’est l’ubiquité de l’image partagée à travers le réseau numérique, qui mérite une analyse suite à son nouvel état de mobilité dans sa forme fixe et animée. Le début du XXIe siècle est marqué par un développement rapide des sites web proposant des échanges d’information sous formes de commentaires dans un cadre commercial. Mais le nouveau paysage web, par rapport aux images, commence à changer suite à l’articulation de deux facteurs importants : l’accessibilité du réseau internet haut débit et l’explosion du marché des appareils d’enregistrement. La réduction du coût concernant la production des images numériques, réalisables sans support traditionnel de pellicule ou de film, a en conséquence mené, à leur surabondance. Il s’agit des photographies de vacances et des vidéos amateurs, dont le stockage est possible sur les supports amovibles comme les compacts disques ou mieux encore sur la mémoire de l’ordinateur. L’étape suivante franchie dans le domaine du logiciel informatique amène à l’apparition des sites proposant non seulement le stockage en ligne des images numériques mais aussi le transfert gratuit de ces fichiers lourds. La mise en place de tels systèmes de publication et d’hébergement des contenus visuels mérite une analyse, non seulement des activités qu’ils proposent mais aussi des détournements qui découlent de leur usage. Ainsi, pour comprendre l’actualité de cette image numérique, il s’avère important de prendre en compte sa présence sous ses deux formes : fixe pour les photographies et animée pour les vidéo-clips. Avant de préciser notre corpus de recherche et la méthode employée, précisions d’abord la terminologie et les outils utilisés pour réaliser notre étude de cas. 3


La substitution des sites par les plate-formes visuelles Le nouveau paysage web est marqué par la possibilité de publication en ligne sur des sites personnels : les blogs qui peuvent se faire en dehors du cadre professionnel. A cela s’ajoutent d’autres sites qui proposent plutôt des activités, dites participatives, uniquement autour des images numériques. Ainsi, pour désigner la présence de ces systèmes de publication des images en ligne nous proposons le terme de plate-forme visuelle au lieu de sites de partage de photographies et de vidéo-clips. Cette distinction se base sur les fonctions sociotechniques assurées par les outils d’une plate-forme visuelle qui sont absents d’un site quelconque proposant le partage des images. C’est en appui sur ce critère que se justifie notre choix de la plate-forme flickr1 pour la photographie et la vidéo et celle de YouTube et pour les images animées. Le choix de ces deux plate-formes repose sur le fait qu’elles soient les premières de leur genre, mais aussi parce que leur genèse est représentative d’un développement progressif des outils participatifs. C’est à l’aide de cet outillage que le déplacement de la valeur de l’image numérique, dans le contexte de sa production par des usagers, devient possible. De plus, malgré l’apparition récente de ces deux plate-formes, flickr en février 2004 et YouTube en février 2005, elles ont révolutionné le mode de gestion et de diffusion des images numériques en ligne. A cet égard le rôle des outils proposé est double : technique et social. L’aspect technique se manifeste dans les fonctions permettant le stockage des contenus sous forme d’un répertoire ou d’une galerie d’images personnelles, le système de tag pour étiqueter le contenu publié ou bien le chercher par le biais d’un moteur de recherche interne à la plateforme. L’organisation du contenu visuel sur ces plate-formes est aussi très utile, par exemple la mise en place en classeurs ou en albums sur flickr, et en catégories de classement par genre pour les vidéo-clips sur YouTube. Quant à l’aspect social et participatif il y a la possibilité de créer des groupes, des listes de contacts, d’échanger des mails, des commentaires écrits ou encore visuels, d’apprécier et de noter le contenu ainsi partagé. En plus de la convergence de ces outils sociotechniques, c’est aussi l’objectif ludique de ces plate-formes visuelles qui les rendent plus connues auprès des internautes aussi divers et hétérogènes que les contenus qu’ils partagent.

1

Au moment de la finalisation de notre projet de recherche sur l’émergence de plate-formes visuelles, flickr proposait uniquement les outils de partage et de diffusion pour les photographies. Le service de vidéo-clip a été lancé au courant de cette année, le 8 mai 2008.

4


Certes, la diversité des abonnés de ces plate-formes enrichie les œuvres publiées mais elle permet également d’observer des usages différents. C’est dans ce contexte que nous nous intéressons aux usages, ou plutôt aux détournements des objectifs prévus, à partir desquels certains usagers de flickr et de YouTube deviennent célèbres. Notre axe de recherche s’alimente donc des questions suivantes : Comment les facteurs sociotechniques de ces plate-formes peuvent-ils contribuer au phénomène du succès ? Comment mesure-t-on le succès de ces usagers ? Ce succès, se limite-t-il aux plate-formes où bien est-il renforcé par des éléments extérieurs comme les médias traditionnels ? Comme tous les contenus hébergés sont datés, tagés signés et accessibles (selon les paramètres de sécurité et de visibilité choisis par les abonnés) ces plate-formes visuelles peut être considérées comme des archives ouvertes. Ainsi, les images numériques apportent plus d’informations non seulement sur leurs auteurs mais aussi sur l’intérêt et les effets qu’elles peuvent susciter auprès des internautes qui les visionnent. A cet égard comme chaque œuvre est dotée d’un compteur de vues, un système de chiffrage d’audience qui transforme chaque clic de consultation en nombre de vue, il devient alors facile d’observer l’intensité d’intérêt qu’une photographie ou un vidéo-clip peut susciter. Cette mesure d’audience avec les autres outils comme les commentaires, aident davantage à distinguer les spectateurs d’un public. Il s’agit des usagers qui se servent des outils sociaux et participent à construire la popularité d’un autre usager de la plate-forme. Mais qui sont les usagers de ces plate-formes visuelles et comment deviennent-ils célèbres ? Quels sont les contenus visuels qui peuvent susciter un grand intérêt chez les autres usagers ? En vue de la diversité des images publiées sur flickr et YouTube, nous limiterons notre corpus aux contenus visuels auto-crée2 (User-generated content) de quatre usagers indépendants, deux sur flickr et deux sur YouTube. Le choix de ces usagers devenus célèbres repose sur la créativité de leur pratique du dispositif et l’originalité de leurs œuvres. De plus, la différence d’âge, de nationalité et de culture de ces usagers choisis, renforce la diversité et apporte une richesse d’information concernant les usages des plate-formes visuelles.

2

Vickery Graham et Vincent-Wunsch Sacha, « Participative Web : User -Created Content », Working party on the Information Economy. Committee for Information, Computer and Communication policy. Directorate for Science, Technology and Industry of the OECD. Préparé en décembre 2006 et mis enligne en mars 2007. Rapport en pdf disponible sur le site de l’OECD : Disponible sur http://www.oecd.org/data/oecd/57/14/3

5


Concernant la méthode de recherche, toutes les informations sur les usagers, leurs usages et leurs œuvres ont été consultées en ligne dans les archives de flickr et de YouTube. Afin d’apporter un éclairage le plus pertinent possible sur le détournement des usages concernant l’appariation de l’image parasitaire, nous avons suivi Hughes Leglise-Bataille, un des usagers choisi sur flickr, lors de ces sessions du photojournalisme à Paris. Les détails de ce travail sont disponibles sur un blog personnel : www.iphotocom.blogspot.com/ dont l’usage nous a permis de comprendre la nature numérique des œuvres visuelles partagées et d’analyser d’autres phénomènes annexes concernant la publication de ces contenus en ligne. Compte tenu du caractère numérique et donc instable concernant la durée de nos ressources visuelles, notre méthode a du s’adapter et changer au regard des mutations conséquentes. Pour notre corpus d’image, nous avons effectué des captures d’écrans seulement des œuvres, des photographies et des vidéo-clips représentatives de la construction de popularité des usagers de notre étude de cas. Les autres œuvres peuvent être consultées en ligne sur la chaîne ou la galerie personnelle de ces usagers. Il faut rappeler que ces œuvres visuelles sont numériques et crées donc pour être affichées sur l’écran et non pas pour être imprimées, ce qui risque d’influer considérablement sur leur qualité d’impression. En réponse à ce problème nous signalons la résolution et le nombre de pixels pour les séquences choisi sur YouTube. Pour des raisons de droits d’auteurs et de libre accessibilité à ces œuvres en ligne sur ces plate-forme, nous n’avons effectué que des copies pour des consultations dans le cadre de notre analyse préalable. A l’aide de ces ressources numériques et d’ outils sociotechniques de flickr et de YouTube, nous proposons dans un premier temps d’observer les conditions responsables de l’émergence de ces deux plate-formes visuelles dans le contexte du nouveau paysage web. Nous considérons important, une meilleure contextualisation des usages et des détournements de ces deux dispositifs, afin de bien comprendre leur aspect participatif. Dans la deuxième partie nous présentons notre étude de cas effectué par rapport au phénomène de la célébrité et du succès rencontré par les usagers choisis sur ces deux plate-formes visuelles. Notre démarche s’inspire essentiellement d’un esprit de découverte de ces dispositifs et du rôle que les images numériques peuvent jouer dans l’ère numérique de leur démultiplication.

6


Première Partie

L’émergence des plate-formes visuelles

7


I. Le nouveau paysage web de création et de diffusion visuelle : l’émergence des plate-formes visuelles

La pluralité des termes actuels désignant le Web du XXIe siècle comme l’hypernet, le web social, le web actif/ dynamique ou vivant3 pointe essentiellement une transformation du Web en tant que réseau et en tant que contenu. En vue de ces néologismes du Web, relativement récents, une seule définition de l’état actuel de ce médium et de ses nouveautés devient trop simpliste voire presque inadéquate. Ainsi, avant même d’étayer les innovations du nouveau web, qui encouragent la création et la diffusion du contenu, un regard sur son parcours technique s’avère important afin de saisir sa transition à sa nouvelle forme où émergent les plate-formes visuelles.

1. Volet Technique Le World Wide Web, inventé en 1990 par Tim Berners-Lee, est un des protocoles d’Internet. En tant qu’élément constitutif d’Internet, il utilise le protocole TCP/IP4 qui lui permet la connexion aux machines du réseau. Les autres protocoles au sein de ce réseau sont le transfert de données comme le SMTP5 pour le courrier électronique, PTP6 et le FTP7 pour les transferts de fichiers ; qui assurent conjointement le fonctionnement d’un échange d’information sur un mode de communication « client/ serveur »8 Le protocole spécifique du serveur web est le HTTP9. Dans ce sens, un serveur web est un programme qui transmet des fichiers à l’ordinateur client qui en fait la demande via le protocole HTTP. Le transfert d’information via le protocole http se fait à travers le programme appelé Navigateur ou Browser10. Ce dernier est un programme client qui permet à son utilisateur d’avoir accès au contenu du Web. 3

Tapscott, Don / William. D, Anthony : Wikinomics : Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie. Paris, Pearson Education, France, 2007 p.22 4 Protocole de Commande de Transmission/ Protocole Internet 5 Simple Mail Transfer Protocol 6 Picture Transfer Protocol 7 File Transfer Protocol 8 Une machine cliente peut demander un service à une machine « hôte » 9 HyperText Transfer Protocol 10 Web Browser en anglais mais ce terme est courant en français également

8


Deux autres protocoles d’Internet: le système universel d’adresses l’URL11 (une syntaxe qui contient des informations sur l’accès à une ressource et le nom du chemin d’accès au fichier) et le HTML12 (langage de balisage et format de représentation d’un document qui permet d’écrire et de visualiser les fichiers sous forme de pages) permet au Navigateur via le protocole http d’accéder à l’information recherchée. Le fonctionnement du Web reposant sur ces trois éléments de base : le Navigateur, l’URL et l’HTML, le qualifie dans sa forme première comme une vaste banque de données navigables grâce aux liens hypertextes13. Néanmoins, dans cette forme le Web reste un média de consommation passive. Cette forme passive permet au propriétaire d’un site ou d’une page web de les héberger sur un serveur web. Une fois en ligne, ce contenu web est accessible et consultable pour un internaute mais reste statique, c’est-à-dire que l’internaute ne peut pas modifier le contenu web pendant sa consultation. Pourtant, un regard rétrospectif sur l’idée originale de Berners-Lee concernant le fonctionnement du Web démontre la dimension active et participative pour ses utilisateurs. La première version du navigateur conçu par Lee était sous forme d’un éditeur graphique qui supposait déjà un aspect de partage et d’interactivité. Cependant, cette version créée en mars 1991, était instable et ne marchait que sur le système d’exploitation de NeXTStep.14 En l’absence d’une technologie logicielle avancée de l’époque pour réaliser l’idée originale de Lee, le projet d’interactivité à l’origine du Web a été abandonné en faveur des navigateurs plus stables comme le Mosaic.15 Le développement d’autres navigateurs plus stables et accessibles globalement comme le Netscape Navigator (1994) et Internet Explorer (1995) ont favorisé une période d’essor des sites web.

11

Uniform Resource Locator 12 Hypertext Markup Language 13 Texte, bouton, zone d’un document dont la sélection permet d’accéder par le réseau Internet à d’autres pages d’informations relatives au contenu de cette zone 14 Disponible sur http://info.cern.ch/NextBrowser.html 15 Mosaic développé au NCSA en 1993 par Andreessen qui (après son départ du NCSA) a crée également le premier navigateur global « Netscape » en 1994

9


Navigateurs Année 1995 1997 2000 2005

Nombre de sites web

Internet Explorer0.1 et 2, Netscape2.0 Internet Explorer 4.0, Netscape Navigator 4.0, Opera K‐Meleon.2, Konqueror, Netscape6, Opera4 Safri2.0, Netscape Browser 8.0, Opera8, Amaya9.0, Epiphay 1.8, AOLE1.0, Shiira1.0, Maxthon1.0

19 000 1 000 000 10 000 000 74 000 000

Nombre d’Internautes* 16 million 70 million 361 million 1018 million

Suite au développement du système de protocole sécurisé de HTTPS16 les premiers grands sites web étaient plutôt de nature commerciale. A l’opposé d’autres sites web, les sites d’e-commerce comme Amazon.com (1994) et eBay (1995) offraient un plus en terme d’interactivité. L’architecture logicielle de ces sites sous forme d’une alliance d’http et d’html permettait à ses clients de gérer leurs informations en ligne. Ainsi, au lieu de remplir de simples formulaires d’inscription destinés aux bases de données de ces sites, les internautes avaient également la possibilité d’apporter des modifications ponctuelles à cette base de données. Néanmoins, cette interactivité limitée en ligne s’inscrivait uniquement dans le cadre commercial proposé par ces sites à ses clients. Selon Lee, qui a envisagé le Web comme un médium interactif, il devait être ainsi pour tout un chacun, indépendamment d’un cadre commercial « Chacun devrait être en mesure d’intervenir directement sur les pages web, indépendamment du courrier électronique. Nous devrions tous êtres capables non seulement de consulter, mais de créer sans difficulté n’importe quel type de document sur le Web. Le fait que nous n’ayons pas encore trouvé la solution limite beaucoup la puissance d’innovation sociale et politique du Web »17 Cependant, les logiciels proposant des applications plus interactives étaient déjà en œuvre, bien avant que

Lee n’exprime son désir d’un Web plus participatif. Les projets concernant le

développement du logiciel libre comme le projet GNU de Stallman en 1983, suivi de Linux en

16

Protocole http sécurisant vérifiant l’identité du site visité, grâce à un certificat d’authentification, et en chiffrant les échanges entre l’utilisateur et ce site 17 Tim Berners-Lee, « Risques et limites du Web » (propos recueillis par Olivier Postel-Vinay), La Recherche, n°328, février 2000, p.62 Disponible sur http://en.wikipedia.org/wiki/Comparison_of_web_browsers

10


1991, du serveur web Apache en 1995, du serveur de base de données MySQL en 1995 et les langages de script PHP en 1997, fonctionnaient

déjà mais indépendamment. Tous ces

programmes créés en source libre étaient gratuits et leur souplesse d’interopérabilité favorisait leur avancement technique. C’est ainsi que la combinaison et la présence de ces logiciels dans la plupart des distributions Linux ont contribué à l’émergence d’une plate-forme aussi puissante et concurrente comme : LAMP18 . D’après Michael Kunze (premier à avoir utilisé cet acronyme), le pouvoir d’ensemble de ces logiciels libres ne posait pas seulement le défi de la concurrence aux logiciels commerciaux19 mais offrait pour la première fois aux usagers (non commerciaux) un grand nombre d’outils web. Avec ces nouveaux outils il était désormais possible pour les internautes d’interagir directement avec le contenu web en ligne. Un des premiers signaux qui marque la transition du Web statique vers un espace interactif, apparaît avec la mise au point de deux systèmes différents en 1999 : la publication directe en ligne avec Blogger et le système P2P de partage gratuit de fichier musique, Napster20. Lancé en 1999, dans sa version beta par Pyra Labs (racheté par Google en 2003) Blogger est une application web qui permet à ses utilisateurs de créer et gérer leur propre base de données (rédiger, corriger et publier du contenu écrit en temps réel) sous forme d’un blog en ligne à partir de n’importe quel navigateur. Cependant, il ne faut pas ignorer le fait que cette nouvelle condition de production en ligne dépend fortement d’un réseau numérique fiable et puissant qui peut assurer un échange rapide de signaux numériques. C’est ainsi que la mise en place des réseaux haut débit, favorisant une connexion et un échange de signaux numériques rapides est essentielle au bon fonctionnement d’un web dynamique. Car suite aux procédures de digitalisation, toute information numérique devient une représentation discrète. L’architecture non-hiérarchique du Web permet un stockage de données

18

Acronyme inventé par Michael Kunze, utilisé la première fois en 1998 dans le magazine allemand c’t, désigne un ensemble de logiciels libres permettant de construire des serveurs de sites Web. 19 Kunze, Michael Let there be light article publié en ligne sur c’t 20 Réseau P2P d’échange de fichier mp3, crée par Shaw Fanning au début ce réseau marchait sur un système centralisé. La fermeture de ce site suite à un procès judicaire en 2001 a donné pourtant l’idée de créer un serveur décentralisé de P2P qui est plus difficile à contrôler

11


linéaires et hyper liées21. L’existence de ces données sous leur forme numérique, qui constituent par exemple une page de blog est virtuelle et existe en tant qu’éléments indépendants qui se rassemblent pour permettre la visualisation d’une page Web ou de blog seulement au moment de leur consultation. Ainsi, une telle visualisation du contenu en ligne en temps réel nécessite un échange de données numériques rapides assuré par un réseau haut débit. En vue d’une telle exigence de réseau il n’est pas étonnant de constater que le système de Pair-àPair de Napster ait été lancé d’abord avec le réseau d’internet universitaire. Ce système centralisé montre à la fois la facilité de démultiplication d’un média numérique, comme dans le cas de la musique sous forme de fichier mp3. Il est possible de créer un système efficace de partage et d’échange gratuit de ces fichiers à travers un réseau numérique fiable. Cependant, le projet de l’encyclopédie collaborative22 : Wikipédia lancé en 2001, fait preuve d’une dimension plus globale et collaborative du Web. Avec ce projet de Jimmy Wales, l’idée maîtresse est de mettre en ligne une encyclopédie gratuite dans plusieurs langues. De plus, l’architecture logicielle de ce site wiki23 non hiérarchisée permet pour la première fois aux multiples utilisateurs de créer et de corriger la même page web. C’est avec cette encyclopédie par les internautes et pour les internautes que le Web se transforme en un véritable grand outil d’édition. Une fois la preuve d’une collaboration universelle possible, testée par l’efficacité de l’architecture logicielle du wiki et l’avancement technique dans les systèmes de gestion de contenu (CMS)24, d’autres projets de vocation communautaire ne se tardent pas à faire avancer la transformation du Web. En 2003, del.icio.us,

le site sur le partage de marque-pages Internet est lancé par Joshua

Schachter (racheté par Yahoo ! en 2005). L’usage du site est gratuit et d’autant plus facilité par son interface en simple Html. La syndication du contenu Web par RSS25 et le système de tag 21

Manovich, Lev The Language of New Media, 2001 Disponible sur http://www.manovich.net/LNM/Manovich.pdf 22 Nupédia, le précurseur de Wikipédia, crée en 1998, était basé sur le même principe collaboratif, mais ce système fonctionnait sur une hiérarchie centralisée car les contributions d’articles provenait seulement des universitaires et des spécialistes. 23 Le mot pour rapide en langue hawaïenne, dans le domaine des outils du web ce terme désigne un outil de rédaction coopératif qui autorise des utilisateurs multiples à accéder à un contenu et à le modifier. 24 CMS content managing system 25 RSS Really Simple Syndication

12


permettent aux utilisateurs de créer et de gérer leur propre base de données. En fait, la technologie du Tag redimensionne la gestion et le partage du contenu en ligne car le mot clé (tag) est choisi par l’utilisateur lui-même en fonction du contenu parcouru sur le Web. En plus, ce système folksomnique permet à tous les utilisateurs d’accéder à la banque de données tagées à partir du site del.icio.us et de partager ces marques-pages sur d’autres sites. Dans le domaine de la gestion et du partage à travers le système de tag, l’étape suivante est franchie par un autre site : flickr. Ce site Web est souvent cité à titre illustratif de nouvelles fonctionnalités du web dynamique. Lancé en 2004 par Ludicorp, ce site de partage photo a été racheté par Yahoo ! en 2005. A part le tag, l’interface Ajax26 du site fourni aux utilisateurs des outils de publication, d’indexation (tag), de modification et d’organisation qui permettent une interactivité en temps réel (grâce à l’interface d’API27). C’est dire, qu’un utilisateur peut apporter des changements vis-à-vis des photos en ligne (sans sortir du protocole http) et à partir de n’importe quel navigateur. En vue de l’existence de ces outils web interactifs cités ci-dessus, déjà présents au tournant du millénaire, et qui permettent aux utilisateurs d’interagir et d’influencer davantage avec le contenu web, il semble juste de prendre conscience du nouvel état du Web. Ainsi, en août 2004, au cours d’un brainstorming, Dale Dougherty de la société O’Reilly travaillant MediaLive, propose pour la première fois le terme du « web2.0 »

avec Craig Cline de

28

L’auteur du « web2.0 mythe et réalité » Eric Van der Vlist, qualifie cette nouvelle version comme « une transition importante du World Wide Web passant d’une collection de sites web à une plateforme informatique à part entière, fournissant des applications web aux utilisateurs29 » Cependant, si ce nouveau paysage du web actif est issu de révolutions techniques, Vlist insiste sur le fait qu’il s’agit toutefois « plus d’une révolution dans l’utilisation des technologies et non une révolution des technologies elles-mêmes »30.

26

Asynchronous JavaScript+XML. Techniques de développement Web qui utilisent des outils et cadres d’applications à code source libre pour créer des applications en ligne interactives, prédominantes dans les sites et portails du web2.0 27 Application programming Interface 28 En octobre 2004, la société O’Reilly organise la première conférence intitulée « web2.0 » 29 30

Vlist van der Eric, “web2.0 mythe et réalité” Disponible sur http://xmlfr.org/actualites/decid/051201-0001 02/12/2005 Ibid.

13


Puisque cette nouvelle version du Web est considérée plus dynamique et active, il est important d’en décrire son aspect social afin de mieux comprendre les usages de ses nouveaux outils qui à la fois ont contribué à la transition du Web et ont modifié les échanges communicationnels qui s’effectuent à travers ce médium rénové. 1.1. Volet Social Le nouveau paysage du web encourage-t-il davantage son utilisation en tant qu’espace de création ? Yochai Benkler dans « The Wealth of Networks » postule que les moyens pour une production sociale dans le cadre d’une « networked information economy » sont accessibles pour la majorité des populations des économies avancées. Benkler avance que l’émergence de la production sociale (de l’information, du savoir et des biens culturels) est due à trois éléments : I. La distribution et l’accessibilité universelles des outils capables de générer et de diffuser de l’information comme les ordinateurs et la connexion web en réseau haut débit. II. A l’ opposé d’une économie industrielle, le contenu en terme de matière primaire dans une économie d’information du réseau existe déjà (l’information existante, le savoir et les biens culturels) comme un bien public, malgré le contrôle des lois de la propriété intellectuelle qui peuvent entraver sa reprise. III. L’architecture logicielle, les modèles organisationnels et le dynamisme social de la production de l’information, sa distribution et son échange sur Internet (Web) contribuent à développer des solutions pour la production sociale. De plus, l’articulation de ces trois éléments souligne le fait qu’une production créative est tributaire d’un nouvel environnement du Web qui rend une telle collaboration et production possible31. De plus, pour Benkler la nature d’une telle production est

prioritairement non

32

commerciale et non propriétaire.

Paul Graham renforce l’aspect collaboratif de la nouvelle condition du Web et avance « Le web2.0 c’est utiliser le web comme il a été conçu pour être utilisé. Les tendances que nous distinguons sont simplement la nature inhérente du web qui émerge des mauvaises pratiques qui 31

Benkler, Yochai « The Wealth of Networks » ch.4 32 Ibid.

14


lui ont été imposées pendant la bulle [Internet] »33. En s’appuyant sur deux exemples de projets collaboratifs de voie communautaire comme Napster et Wikipédia, les nouvelles conditions de la production sociale au sein de ce médium et les motivations pour une telle entreprise deviennent plus tangibles. Napster : la musique gratuite « P2P » modèle de piratage ou de collaboration ? Du point de vue de la propriété intellectuelle le modèle Pair-à-Pair de Napster, se présente comme un réseau de partage qui enfreint les lois du copyright. Cependant, l’analyse de ce phénomène de partage de fichier musique, avec une optique plutôt de diagnostic de cette situation de production sociale non commerciale, peut mieux renseigner sur le but d’un tel système et la motivation dont il est originaire. Selon Benkler, l’idée de Shawn Fanning de mettre en place une immense archive numérique de musique à la disposition des utilisateurs de cette version (centralisée) de P2P aurait été inimaginable de point de vue financière, à la fin du XXe siècle. Sur la base de connexion Internet fournit par les universités et en se servant de la capacité de stockage des ordinateurs, de la nature modulaire des fichiers numériques et des FTP pour l’échange de ces fichiers, les jeunes utilisateurs de ce P2P ont participé à la création d’un réseau gigantesque hors pair. Une fois la possibilité créée d’avoir de la musique gratuite en ligne à travers le P2P, d’autres logiciels P2P, plus stables et décentralisées n’ont pas tardé à émerger comme Gnutella, KaZaa, Morpheus, Overnet, eDonkey, Lime Wire et BitTorent. La motivation soujacente à une telle collaboration peut être tributaire de la passion pour la musique et sa gratuité ou bien le désir de sur-mesure de la génération Internet34 Cependant, pour Benkler ce phénomène de collaboration à voie non commerciale, issu du Web, affirme le fait qu’un usage intelligent des ressources en ligne suite à une collaboration par une petite communauté peut donner un effet boule de neige de collaboration et remettre en cause les systèmes commerciaux bien établis de distribution dont l’arme fatale constitue les lois du copyright.

33

Graham, Paul « Le web vu par Paul Graham » Disponible sur http://www.paulgraham.com/web20 34 Tapscott, Williams Wikinomics : Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie, 2007

15


Wikipédia :la production et la collaboration en ligne style « wiki » Au bout de sept ans, Wikipédia avec plus de 4 million d’articles en plus de 200 langues, est devenu un modèle exemplaire du pouvoir collaboratif du Web. Depuis sa création en 2001 par Wales, le chiffre de contributeurs actifs est en croissance exponentielle.

La collaboration

informelle des bénévoles sur ce site peut être attribuée aux trois composants fondamentaux de ce logiciel wiki : I. L’architecture logicielle de cette plateforme wiki est un outil collaboratif d’édition qui permet à tout un chacun de se servir de cette plateforme. Toutes les versions des articles et des vagues successives de changements apportés par des wikipédiens sont sauvegardés sur sa base de données et ainsi sont visibles par tout le monde sur simple consultation. La transparence de cette plateforme permet également de consulter toutes les versions précédentes d’un article et rétablir une version préférée. Le caractère d’ouverture de ce site encourage à rectifier les erreurs possibles plus rapidement que sur d’autres encyclopédies en ligne.35 De plus cette structure favorise une action plus efficace contre les vandalismes. D’après une étude menée par IBM, la rapidité des corrections amenées par les wikipédiens dépasse le nombre de vandalismes, qui ne sont finalement même plus perceptibles36. II. L’universalisme de ce site n’est pas tributaire de l’objectivité de point de vue des articles, mais la représentation de tous les points de vue sur une seule plate-forme d’édition et de publication (soit comme version article, soit comme modifications archivées). L’objectif principal du site étant la neutralité et pas l’objectivité, son fondateur Wales, avance « il vaut mieux construire un environnement sain et positif pour encourager tout un chacun à y contribuer dans un esprit constructif »37 III. Le contenu de Wikipédia est sous la licence libre de GPL38 Donc, toute information est libre de droit d’auteur et peut être repris et reproduit surtout dans la blogosphère. L’information devient un bien commun créé, édité et géré par les wikipédiens dans un but non commercial et de manière non hiérarchisée. 35

Ibid. Selon une étude de MIT une obscénité est nettoyée au bout de 1,7 minute en moyenne 36 IBM Collaborative User experience Research Group, History Flows: Results 2003. Disponible sur http://www.research.ibm.com/history/results.htm 37 Ibid. 38 Benkler, Yochai, “The Wealth of Networks”. ch. 4

16


Contributeurs de

01

01

01

01

07

06

Wikipédia entre 01,

2001

2002

2003

2004

2004

2005

Contributeurs*

10

472

2 ,188

9,653

25,011

48,721

Contributeurs Actifs**

9

212

846

3,228

8,442

16,945

Contributeurs très actifs***

1,637

3,016

320,000

630,000

39

2001 et 06, 2005

0 Nombre d’articles en anglais

31

190

692

25

16,000

101,000

190,000

Nombre d’articles dans

toutes les langues de

Wikipédia

25

19,000

138 ,000

409,000

862,000

1, 600,000

* 10 x **5x par mois ***100x par mois

Le projet collaboratif et social de Wikipédia souligne deux facteurs importants. Tout d’abord c’est un espace où la communauté bénévole des wikipédiens s’auto-organise et s’autogère indépendamment d’une autorité, au sein de cette structure en ligne. Ensuite, Wikipédia est un cas exceptionnel d’une communauté hétéroclite et éparpillée physiquement. Pourtant, au sein de cette plate-forme, cette communauté universelle contribue à la co-création de l’information sous forme d’une immense base de données créée, corrigée, éditée et mise à jour régulièrement par des internautes ; une situation impossible à imaginer avant la création de ce « wiki » hébergé sur ce site Web. A l’opposé des médias traditionnels comme la télévision, la radio et la presse imprimée, le wiki se sert du Web à la fois comme un réseau d’échange et comme un médium de publication et d’édition. Wikipédia transforme l’espace Web dans un site interactif qui dessert un échange informel d’information universelle. Suite à ces échanges, l’information est co-créée sous forme d’articles édités par les wikipédiens. De plus, cette plate-forme archive et diffuse non seulement de l’information en termes de bien public, mais aussi un modèle de médiation, d’arbitrage40 et d’auto gestion de ce bien public en ligne.

39

Ibid. 40 Le contenu de certains articles traitant de thèmes controversés comme l’avortement risque d’être supprimé. Le cas de vandalismes où certains internautes suppriment des pages entières d’articles peut se produire aussi. Cependant, la communauté wikipédienne se résoud ces problèmes sans interventions extérieures et se remet au travail à sa propre initiative.

17


Qu’est-ce qui motivent les wikipédiens à se consacrer à ce genre de bénévolat en ligne ? Selon Wales celui-ci s’inscrit dans le cadre d’une activité sociale. Il avance que : « Nous nous rassemblons pour construire une ressource gratuitement et universellement disponible. Voilà un objectif qui peut motiver pas mal de monde »41 Les motivations pour cette encyclopédie gratuite en ligne universelle, peuvent être aussi variées que son public, mais la donne pointe plus sur l’émergence d’un nouveau système de partage et de collaboration pour créer un contenu à travers le web et pour le web. Le contenu de Wikipédia se base sur l’information, le savoir et les biens culturels existants, pourtant, la nouveauté de ce wiki est de présenter un espace participatif aux internautes pour créer du contenu en collaboration, en plus de le consommer. Suite à ces exemples qui témoignent du nouvel état du web technique et social, où les barrières à la publication des textes en ligne sont considérablement réduites, l’émergence de sites multifonctionnels : les plateformes visuelles proposants des services autour des images numériques (fixes et/ ou animées) est indicatif du déplacement de l’écrit vers le visuel. Ainsi, fleurissent dans le nouvel environnement numérique des plate-formes avec des services autour des images électroniques, comme flickr pour les photographies et YouTube pour les vidéoclips.

1.2. Techniques d’enregistrement :les facteurs contributifs à l’émergence des plate-formes visuelles La diversité des activités proposées concernant les images électroniques et leur développement rapide sur flickr et YouTube, font que le mot de « site », ne convient guère à les décrire. Puisqu’il s’agit d’une pluralité de possibilités concernant les images numériques (fixes et animées) en ligne sur flickr et YouTube, nous privilégierions le terme de « plate-formes visuelles ». Ce terme couramment employé en français42 suite à l’émergence de flickr et YouTube, fait référence à la

41

Tapscott, Williams Wikinomics : Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie, p.85, 2007 42 Ce terme est employé surtout dans la blogosphère française. Blogs scientifiques et informatiques de références : http://lhivic.org/ ; http://internetactu.org ;

18


fois aux spécificités techniques et aux usages sociaux des contenus visuels en ligne sur ces plateformes. Cependant, avant d’aborder les spécificités qui qualifient ces plate-formes visuelles, l’émergence et le développement des services concernant les images numériques sur flickr et YouTube, nécessitent

une explication des facteurs liés plutôt au développement des techniques

d’enregistrement des images numériques. C’est en se référant à ces facteurs corroboratifs que le développement et le fonctionnement de flickr et de YouTube, deviennent plus clairs et compréhensifs. L’essor des appareils photographiques numériques (APN): l’enregistrement de l’image fixe et animée sur un support numérique Le développement dans les techniques d’enregistrement des images fixes ou animées est fortement interlié surtout dans le contexte numérique. Dans les deux cas d’enregistrement, l’avancement technologique de l’appareil photographique numérique (APN) présente un facteur commun : la transition de la pellicule au capteur photosensible : le capteur CCD 43(Charge -Coupled Device). C’est dans cette perspective que chemine le progrès technique concernant le développement des appareils à la fois plus performants et plus abordables qui vise à s’emparer du plus grand marché, celui des amateurs de la photographie et de la vidéographie. En 1969, le laboratoire de Bell (AT&T) aux Etats-Unis, introduit pour la première fois une nouvelle manière d’enregistrer les images, c’est la technologie du CCD, un composant chargé de l’acquisition des images qui permet de capturer les images comme des signaux électroniques. Cependant, en termes de qualité d’image en pixel, les débuts de cette technologie sont très limités et la capacité en pixel du premier capteur est seulement de 100×100 pixels, ce qui donne une qualité d’image qui laisse beaucoup désirer. En 1981, le fabriquant japonais des produits électroménagers, Sony lance le premier appareil photographique numérique couleur commercialisé : Mavica, un mot-valise de Magnetic Video Camera. Il s’agit d’un appareil électronique doté d’un capteur CCD qui permet des captures vidéo sur les mini-disquettes amovibles. Le premier modèle de Mavica n’a qu’une capacité de 50 photos 43

Capteur photographique est un composant électronique servant à convertir un rayonnement électronique en un signal électronique analogique. Ce signal est ensuite numérisé par un convertisseur analogique-numérique ADC

19


toutes stockées analogiquement et consultables sur un téléviseur, à l’aide d’un lecteur. C’est avec les avancements technologiques qui augmentent progressivement le pouvoir en pixel du capteur CCD de 500×500 pixels en 1978 à 1024×1024 pixel en 1982 et la technologie de Convertisseur analogique-numérique, l’ADC (Analog to Digital Convertor) que l’avenir de la photo numérique commence à s’établir. Néanmoins, la fabrication coûteuse des appareils équipés de cette technologie limite son emploi aux photographes professionnels. La rapidité de capture d’image assurée par le protocole d’enregistrement du CCD et la quasi absence du développement de l’image digitale, à l’opposé de l’image argentique, renforcent son utilisation dans les situations de photojournalisme. A cette époque la rapidité de l’image digitale photographique l’emporte sur la qualité visuelle inférieure de l’image argentique. Suite à d’autres avancements technologiques concernant la puissance de capteur CCD et la capacité interne de l’appareil pour stocker les images, plusieurs modèles d’APN et caméras apparaissent sur le marché commercial. Mais le coût élevé et la difficulté de manipulation technique de cet appareillage d’enregistrement visuel, empêche son usage grand public. Ce n’est qu’en 1990, que le premier APN (entièrement numérique) noir et blanc, le Dycam de Logitech, permet aux usagers de transférer les photographies numériques (stockées sur la mémoire interne) directement de l’appareil, via un câble, à l’ordinateur. Ainsi, les images électroniques, une fois numérisées et transférées sur un ordinateur pouvaient être visionnées et stockées sous le format de fichier compressé JPEG (Joint Photographic Experts Group)44 L’étape suivante dans le domaine de l’APN grand public est franchie en 1994 par Apple et Olympus. Apple, la multinationale pionnière de la micro-informatique, lance le premier APN couleur « Quick Take 100 ». Il s’agit du premier APN grand public, doté d’une mémoire interne. La même année, le fabriquant d’appareils photographiques, Olympus lance aussi un APN couleur. La nouveauté de ce modèle, le Deltis VC-1100, est qu’il permet le transfert des photographies à

44

Groupe de travail du comité technique de l’ISO (organisation international de normalisation) qui a pour but d’organiser des normes internationales dans les domaines industriels et commerciaux de la CEI Commission Electronique Internationale, chargé du développement de normes internationales pour la compression, la décompression, le traitement et le décodage des images fixes ou bien animés.

20


travers un modem assuré par un réseau téléphonique entre deux APN et entre un APN et un ordinateur. En 1995, apparaît chez Casio, le premier APN doté d’un dos LCD à destination grand public. Dans le domaine des images animées, Ricoh RDC1,

le premier APN avec la possibilité

d’enregistrer des vidéo-clips de 10 secondes, se commercialise. L’année suivante les premiers caméscopes numériques débarquent sur le marché grand public. Dans ces appareils électroniques d’enregistrement se combinent les fonctions d’une caméra et d’un magnétoscope, permettant d’enregistrer l’image et le son, grâce à un support d’enregistrement interne. C’est à partir de 1997-99, que le marché des appareils numériques, appareils photographiques et caméras, explose avec la démultiplication des modèles et la généralisation des capteurs de plus d’un méga pixel. Dans ce climat de concurrence technologique cet appareillage d’enregistrement s’évolue

à une vitesse indomptable. Néanmoins, les aspects économiques, ergonomiques et

techniques de ces premiers modèles empêchent leur appropriation par le grand public (ces premiers modèles sont toujours chers au-delà de 6000 dollars américains, les fonctions techniques sont plurielles, donc difficiles à manipuler par les amateurs et l’effort technique d’intégrer toutes les fonctions dans un seul support rend ces appareils moins portatifs) Au début du XXIe, les efforts techniques et économiques convergent et entrainent une baisse considérable dans le prix des APN. En 2003, Canon lance le premier réflex numérique doté de 6 méga pixels, à un prix en dessous de 1000 dollars américain. La concurrence tendue entre les fabricants des appareils photo et vidéo et les avancements technologiques dans le domaine des capteurs font ainsi, qu’en 2004 même les téléphones portables commencent à s’équiper de capteurs numériques de 1.3 millions de pixels ou plus. L’explosion du marché grand public atteint son sommet avec les APN compacts. La prolifération des modèles différents, les prix plus abordables, les appareils de plus en plus légers et faciles à manier, tous ces facteurs s’articulent de manière que l’enregistrement digital de l’image fixe et animée se popularise, comme une activité loisir. Cependant, l’enregistrement visuel facilité par des appareils plus maniables a pour conséquence une démultiplication rapide et abondante des images digitales. Ainsi, se pose la question de stockage de ces données numériques. Les accessoires du stockage, en plus de la mémoire interne 21


des appareils, comme les Compact Disques et les cartes mémoires offrent cette possibilité mais ce stockage sous le format d’un fichier compressé entraîne une perte de qualité de l’image digitale. Revenant sur la technologie du capteur CCD pour mieux comprendre ce phénomène. La démultiplication des appareils d’enregistrement dotés de ce capteur avec un nombre élevé de pixels (12 millions de pixels en 2007 contre 1 million de pixel en 2000)45 n’augmente pas forcément la qualité de l’image digitale. Certes, l’augmentation du nombre de pixel influe sur la définition de l’image capturée, mais si la taille du capteur CCD est petite par rapport au nombre élevé de pixels cela influe inversement sur la qualité de l’image digitale et contribue plutôt au bruit numérique. De plus, le stockage de ces images digitales sur l’ordinateur pose aussi des problèmes. Tout d’abord les formats de fichier de compression et de décompression JPEG et MPEG (Moving Pictures Experts Group) pour les images fixes et animées respectivement, entrainent une perte d’information pendant leur stockage sur l’ordinateur. D’autre part, ces fichiers images sont relativement plus lourds compte tenu de leur modularité et du nombre élevé d’éléments discrets dont ils se composent. Pour résoudre le premier problème de qualité de l’image digitale, des logiciels professionnels de retouche sont déjà en usage par les professionnels depuis les années 1980 comme la palette Quantel.46 Pourtant, c’est en 1990, que la première version d’Adobe Photoshop0.1, un logiciel pour manipuler (corriger/ retoucher) l’image digitale sur un ordinateur, est commercialisé sur le système d’exploitation de Macintosh. D’autres logiciels de traitement de graphiques et d’images se développent et chacun de ces logiciels proposent des outils de correction et de manipulation des images, mais ces logiciels n’offrent pas de possibilités de stockage ni de transfert par internet. Néanmoins, d’après les chiffres ci-dessous, la prolifération de ces logiciels surtout en 2004, coïncide avec la croissance du marché des appareils d’enregistrement grand public qui se produit à partir de 2002.

45

Disponible sur http://en.wikipedia.org/wiki/Digital_camera 46 Quantel met au point en 1975 un système pour convertir les signaux électroniques aux signaux digitaux pour les émissions de télévision. En 1981, la palette Quantel est lancée. Il s’agit d’un système puissant de graphiques qui permet d’augmenter la qualité d’image animée mais ce qui n’est utilisé que par les professionnels.

22


47

Tableau récapitulatif des logiciels commercialisés Année 1984

Logiciel 1. Mac Paint 2. PC Paint Brush

1985

Microsoft Paint

1990

Adobe Photoshop

1995

1. Photo Finish 2. Photogeneics 3. Photo line

1996

1. Irfan View 2. GIMP

2002

1. iphoto 2. Tux Paint 3. Cine Paint

2004

1. Kolour Paint 2. Paint. Net 3. Alias sketch Book 4. Art rage

Type d'éditeur

image image image image image image & animation image & graphique image + organisation image animée image & graphique image graphique

5. Brush strokes image editor 6. mt paint

image

En source libre

oui oui oui oui oui oui

Une fois la possibilité de corriger l’image digitale réalisable sur un ordinateur, l’échange des ces images digitales devient possible grâce aux formats de fichiers images (JPEG et MPEG) par le réseau de connexion Internet. Cependant, l’envoi de ces fichiers en pièces jointes, avec le système de courrier électronique, nécessite un réseau de connexion haut débit. Avec le développement et l’accessibilité du réseau haut débit qui commencent en 2001, surtout dans les pays avancés, l’accès à l’internet rapide se répand. D’après un rapport publié en 2006 par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCED), le nombre d’abonnements au réseau haut débit48 dans les 30 pays membres de l’OCED augmente de 2.9 % en 2001 à 16.9% en 2006.

47

Disponible sur http://en.wikipedia.org/Comparaison_of_raster_graphics/ 48 Souscriptions au réseau haut débit par 100 personnes

23


Abonnements au réseau haut débit par pays membres de l’OCED en pourcentage : 2001200649 Pays Australie

2001

2002

2003

2004

2005

2006

0.9

1.8

3.5

7.7

13.8

19.2

Allemagne

2.3

4.1

5.6

8.4

13.0

17.1

Angleterre

0.6

2.3

5.4

10.5

16.4

21.6

Belgique

4.4

8.7

11.7

15.5

18.2

22.5

Canada

8.9

12.1

15.1

17.6

21.0

23.8

17.2

21.8

24.2

24.8

25.2

29.1

1.3

5.5

9.5

14.9

22.4

27.2

Corée Finlande France

1.0

2.8

5.9

10.5

15.1

20.3

Etats-Unis

4.5

6.9

9.7

12.9

16.3

19.6

Espagne

1.2

3.0

5.4

8.1

11.5

15.3

Islande

3.7

8.4

14.3

18.2

26.4

29.7

Irlande

0

0.3

0.8

3.3

6.7

12.5

Japon

2.2

6.1

10.7

15.0

17.6

20.2

Mexique

0.1

0.3

0.4

0.9

2.2

3.5

Danemark

4.4

8.2

13.0

19.0

24.9

31.9

De cette observation, il est clair qu’avec une démocratisation de connexion internet haut débit, dont la bande passante permet un transfert rapide même des fichiers lourds, les premières activités grand public liées à internet commencent à être envisageables. C’est donc, dans ce contexte sociotechnique de convergence des outils informatiques et les appareils d’enregistrement des images fixes et animées, que la genèse des plate-formes visuelles se produit. Cette perspective nous fait voir que malgré l’existence de ces outils depuis la deuxième moitié du XXe siècle, l’émergence de flickr et de YouTube n’est qu’un phénomène récent, qui s’est précipité au début de XXIe siècle. Ce phénomène est de plus accéléré par l’accès au réseau internet haut débit qui a en conséquence, encouragé de nouveaux usages d’un web dynamique. L’articulation de ces éléments nécessaires pour la mise en œuvre des plate-formes visuelles permet de s’interroger sur le fonctionnement et les activités qu’elles proposent digitales.

49

Disponible sur : http://www.oecd.org/sti/ict/braodband

24

autour des images


2. Plate-formes Visuelles : flickr et YouTube Le choix de flickr et de YouTube comme plate-formes visuelles d’ images digitales fixes et animées, respectivement, repose sur des facteurs communs. A travers le parcours et

le

développement technique de ces deux plateformes visuelles, non seulement la transition des technologies (informatique et visuel) devient apparente mais aussi leurs usages qui témoignent d’un nouveau paysage du web et de ses possibilités sociotechniques. Qu’offrent-elles ces plate-formes en termes d’outils techniques ? Quel est l’intérêt principal d’analyser le fonctionnement de flickr et YouTube ? Le succès des ces plate-formes, dépende-t-il de ces outils techniques ou plutôt de ces usages ? Tels sont les propos abordés dans l’observation de flickr et de YouTube.

2.1. flickr : la plate-forme des photographies En 2004, l’entreprise canadienne Ludicorp décide de lancer un projet de partage de photographies en ligne, baptisé flickr. Dans sa toute première version il s’agit d’un site qui permet aux usagers de collectionner les photographies partagées par ses usagers ou encore celles qui sont déjà en ligne et d’animer une conversation dans le style du chat. Un regard rétrospectif du projet et de sa première version relève le fait qu’en 2002 Ludicorp s’est intéressé à développer des outils pour mettre en ligne un jeu vidéo « Game Neverending » sur le modèle de Massively Multiplayer Online Game (MMOG en anglais) le jeu en ligne massivement multijoueur50. Ce nouveau genre de jeu vidéo qui fonctionne sur le principe de faire participer plusieurs joueurs simultanément n’est possible que par le biais d’un réseau internet.

Avec

l’explosion et la saturation du marché des MMOG en 2004, Ludicorp préfère lancer un site de photographies qui est pourtant issu du concept d’un MMOG et tente la convergence des échanges en ligne autour des images. Avec de nouvelles idées autour des images digitales, flickr ne s’attarde pas à attirer l’attention de Yahoo ! qui l’achète en 2005, justes un an après son lancement. Alors commence la phase de 50

Disponible sur http://fr.wikipédia.org/wiki/Jeu_en_ligne_massivement_multijoueur/

25


modernisation technique de flickr. Suite à l’ajout progressif d’ outils et de services qu’offre Yahoo ! aux usagers de flickr, cette plate-forme connait une forte croissance dans le trafic de ces usagers qui augmente de 448% en décembre 2004 pour arriver à 3.4 millions d’usagers en décembre 200551. L’hébergement de flickr sur Yahoo ! le permet d’augmenter la taille des comptes flickr. En 2006, la limite maximum mensuelle pour stocker et diffuser les photographies sur flickr augmente de 20MB à 100MB. Grâce à la bande passante plus fiable de Yahoo ! flickr commence à accueillir un trafic plus régulier. C’est ainsi qu’en janvier 2007 Yahoo ! oblige les usagers de flickr à ouvrir également un compte Yahoo ! pour pouvoir accéder à la plate-forme. D’autres limites se fixent afin de définir le nombre de contacts d’un usager à 3000 et l’usage de tags pour indexer une photographie à 75. Malgré ces premières restrictions, flickr continu à attirer de plus en plus d’usagers pour qui les possibilités de publier leurs photographies s’élargissent.

Les outils sur flickr : de nouvelles techniques L’architecture logicielle de flickr est basée sur une articulation de programmes dont la plupart sont issus du développement en source libre comme le PHP, le Perl, le serveur Apache, MySQL et d’autres logiciels commerciaux comme Adobe Flash.52 En plus, l’interface en AJAX de flickr rend le système plus rapide et facile à manipuler, c’est dire que les requêtes et les changements qui y sont apportés par ses utilisateurs se font en temps réel, sans sortir du protocole http. La présentation d’outils contribuant à l’ usage dynamique de flickr, s’avère important pour mieux asseoir les usages différents qui en découlent. L’intérêt de cette démarche est de prendre en compte les outils comme les tags, l’organizr et l’algorithme d’Interestingness. C’est l’articulation de ces outils qui proposent une façon différente de non seulement partager les photographies mais d’en faire aussi.

51

Graham, Jefferson. « flickr of idea on a gaming project led to a photo website », USA Today, 2006-02-27 52 Henderson, Carl. 2005 Disponible sur http://www.niallkennedy.com/blog/uploads/flickr_php.pdf

26


Tags flickr L’emploi de ce système d’indexation de l’information en ligne est déjà mise en œuvre par le site de partage de signet del.icio.us avant qu’ il soit utilisé par flickr. Cependant, flickr permet aussi aux usagers d’associer des tags (mot-clé) implicitement et indépendamment53 d’une classification officielle

des

contenus visuels. Ce système de tag

propose aux usagers d’indexer les

photographies de leur propre compte ou des photographies d’autres usagers qui permettent le tagging communal. La limite de ces mots-clés associés à une photographie est de 75 mots. (pas en termes de caractère). Au sein de ce système, flickr rassemble les mots-clés identiques les plus contribués et utilisés par les usagers sous la catégorie de tags populaires. De ce fait, le système de tag ne rassemble pas forcément les photographies similaires. Il s’agit plutôt d’une démarche qui rassemble les mots-clés similaires dans un groupe de tags ou bien un nuage de tags. La popularité d’un tag est tributaire d’une redondance de son emploi par les usagers, c’est dire que le système reconnait un tag populaire à partir de l’activité accrue qui se produit autour d’un tag particulier. Ainsi, le tag flickr a une double fonction, l’association d’ étiquettes aux photographies et le repérage de ces contenus visuels flickr par le bais d’une recherche tag (tag search de l’anglais). Cette recherche peut être effectuée à partir d’un browser interne de flickr ou simplement en cliquant sur un mot-clé proposé dans les deux catégories de nuages de tags : les tags les plus populaires qui se présentent dans l’ordre alphabétique majoritairement en anglais et les tags du moment qui rassemblent les tags populaires utilisés au cours d’une semaine passée et au cours d’une journée passé. Ces derniers se présentent dans des langues différentes et ne suivent pas l’ordre alphabétique. Depuis 2007, flickr est disponible dans sept langues différentes : le portugais, le français, l’espagnol, le chinois, le coréen, l’italien et l’allemand mais, le nuage de tags les plus populaires reste majoritairement en anglais.

53

Doctorow, Cory et Weinberg, David “Metacrap and Flickr tags: An Interview with Cory Doctorow” 2007-05-01 Disponible sur http://blog.wired.com/business/2007/05/metacrap_and_fl.html

27


Capture d’écran d de T Tags flickrr54

La recherrche avec lles tags flicckr ne se liimite pas seeulement auux contenuus visuels mais m permett égalemennt la rechercche de grouupes ou bienn d’autres utilisateurs u flickr, f nous détailleronss cet aspectt dans la paartie consaccrée aux usaages de cet outil. o L’Organ nizr Grâce à cet c outil multifonctionnnel les usageers ayant unn compte fliickr peuvennt organiser leur galeriee de photoggraphies à leur gré. L’oobjectif prinncipal d’Orgganizr est dee faciliter laa tâche pourr agencer lee contenu visuel. v De plus, p son intterface en AJAX A préseente des posssibilités dee retravaillerr, de rangerr et de claasser les photographie p es par le biais b de foonctions sim mples qui ne requièrrent qu’unee connaissaance de basee de l’inform matique ; ceelle de glissser-déplacerr et du doubble clic. Avec ces deux foncttions il est possible p de créer et d’oorganiser dees albums ouu des classeeurs55, suitee matiquementt à une naavigation daans la galerrie personnelle. Puisquue, toute phhotographiee est autom 54

Disponiblle sur http://ww ww.flickr.com/ttags/

28


datée lors de son transfert sur flickr, son rangement peut se faire soit à partir de dates, où de tags. Ainsi, le rangement des photographies se fait à partir d’un simple glissement et déplacement, alors que le double clic permet de retravailler toute information concernant l’image comme le titre, la date et les tags affectés. La présentation de toutes les fonctions d’Organizr rassemblées sur une même page web sous forme d’une barre d’outils, d’une bande de navigation, d’un browser et des onglets spécifiques ; font de cette technologie une véritable boîte à outils pour les photographies en ligne. De plus, l’articulation de ces éléments renforce l’économie du temps pour cette tâche qui ,en absence d’une telle interface, nécessiterait beaucoup plus de temps et d’espace. Grâce à cette interface de programmation dynamique, l’Organizr propose une autre manière de tagger et de classer les photographies à partir des géotags. Il s’agit d’un mash-up photo entre les Yahoo ! Cartes et les photographies de comptes flickr, qui permet aux usagers de localiser géographiquement leurs photographies sur les cartes satellites ou hybrides. Ce processus, facilité par les mêmes fonctions de rangement que pour les albums et les classeurs, ajoute un autre aspect dynamique à l’organisation des photographies personnelles en ligne. En termes de sécurité de publication, les options, privé et public, sont toujours utilisables par les usagers.

L’algorithme d’Interestingness Une des fonctions du service Explorer de flickr, qui sélectionne automatiquement les photographies les plus attirantes est basée sur un algorithme de calcul. Il s’agit d’un programme qui résume la somme des effets d’autres activités autour d’une photographie. Les critères

pour qualifier une image ‘attirante’ (interesting de l’anglais) sont tributaires

d’activités comme le nombre de vue, le nombre de favoris, le nombre et l’origine de commentaires reçus par une image, sa visibilité dans les groupes flickr et l’intensité de ces derniers au cours d’une période déterminée. Avec le taux élevé d’images ajoutées quotidiennement sur flickr, la 55

Cette fonctionnalité est uniquement disponible avec un compte Pro, qui est un service payant

http://www.flickr.com/help/collections#237

29


nouvelle version de l’algorithme effectue ses calculs à partir de 500 photographies sélectionnées à travers ses paramètres. Comme, l’algorithme ne prend pas en considération directement la qualité d’image et se base plutôt uniquement sur une combinaison des paramètres fixés par des activités, il s’avère être un système transparent de sélection de quelques photographies phares sur flickr. Cependant, les photographies sélectionnées ainsi par cet algorithme de calcul ne sont pas forcément les meilleures sur flickr. Le but de cette sélection (hebdomadaire et mensuelle) est de montrer un aperçu aux usagers que la mesure de leurs activités affectées à travers les outils sociaux, tient une valeur essentielle au fonctionnement de cet algorithme. Les pratiques sociales qui découlent des outils et des activités proposés par flickr seront détaillées plus spécifiquement dans le troisième volet de notre première partie.

2.2. YouTube : la plate-forme des vidéo-clips Le projet de mettre en place un site de partage de vidéo-clip commence en 2005, avec l’idée de trois jeunes employés de PayPal56, Chad Hurley, Steve Chen et Jawed Karim. L’idée première de cette équipe est de développer un système qui permet de mettre en ligne gratuitement des vidéoclips créés et enregistrés par ses usagers. Mais le but principal du site est de fournir aux usagers qui publient du contenu visuel, le choix et la possibilité de partager ces contenus en ligne par le biais de YouTube. L’accessibilité au réseau haut débit influe sur l’émergence des sites web qui commencent à afficher plus de contenu visuel animé sur leur portail. Cependant, au début de ce phénomène il s’agit plus de sites professionnels qui disposent de moyens financiers pour payer le trafic sur leur bande passante. Ce n’est qu’en 2003-04, suite à l’explosion des appareils d’enregistrement visuel grand public, que les sites comme Metacafe, Outloud.tv, Veoh et surtout MySpace offrent aux amateurs la possibilité d’héberger leurs vidéo-clips en ligne. Avec des sites de partage vidéo et le système de partage de fichier P2P déjà en ligne, la jeune équipe de YouTube devait introduire sur le marché en 2005, un site concurrent et attirant.

56

Entreprise qui assure les transactions commerciales sur Internet

30


Ce n’est qu’à l’été 2005 que YouTube commence à connaitre un trafic régulier des usagers indirectement à travers MySpace. L’affichage des vidéo-clips de YouTube est possible car ils possèdent un code en langage Html qui permet aux usagers de partager le fichier sur d’autres sites web par la simple fonction de copier-coller. En vue de succès des clips YouTube, MySpace interdit ce service fin 2005, début 2006, cette interdiction fait enrager les usagers et rapporte plus de publicité à YouTube57 Parmi le contenu visuel affiché sur YouTube, beaucoup d’extraits d’émissions télévisées comme NBC et CBS commencent à être postées sur la plate-forme, contrairement à ses règles. La première réaction de ces grands médias est la demande de retrait de ses contenus. Cette demande de la part de puissants médias a pour conséquence plus de publicité pour la plate-forme.. Une fois un trafic régulier établi, le service de partage de vidéo-clips YouTube devient incontournable et en été 2006 cette plateforme affichent des chiffres incroyables. Suite à cette montée en popularité rapide et répandue le NBC et le CBS entrent en partenariat stratégique58 avec YouTube en 2006. L’entreprise de Warner Music Group, Sony BMG Music Entertainment et EMI signent également un contrat avec la plate-forme qui permet la diffusion de leurs clips et leur reprise par les usagers de YouTube. Tableau récapitulatif de chiffres YouTube en 200659 juin

Vidéo‐clips visionnés*

2.5 milliards

juillet

Vidéo‐clips ajouté* sur YouTube

65, 000

août

Comptes d’usagers

500,000

*quotidiennement En vue de ce développement exponentiel de YouTube, le géant de moteur de recherche Google

l’achète pour 1.65 milliards dollars américain, en octobre 2006. Cependant, même après son acquisition par Google, YouTube garde son propre identité, son logo et son filigrane. L’intégration

57

Longino, Carlo. « So That’s Why MySpace Blocked YouTube » 2006-01-10 Disponible sur

http://www.techdirt.com/articles/20060110/0735214.shtml 58 59

Le partage de revenue reçu par la publicité Disponible sur http://en.wikipedia.org/wiki/Youtube

31


des vidéo-clips YouTube dans la recherche de Google vidéo (service Google lancé également en 2005) et le lancement dans 12 langues (janvier 2007), l’apportent un trafic mondial. Les outils sur YouTube : le renouveau du partage des vidéo-clips Le streaming des vidéo-clips sur YouTube se fait à travers la technologie Flash, développé par Adobe. Comme tout contenu visuel animé en ligne, la nature digitale de contenu requiert un système rapide et efficace pour son visionnage. De plus, puis qu’il s’agit d’un streaming en ligne cela requiert une bande passante forte et fiable pour assurer à la fois le transfert des données et le trafic en même temps. C’est une des raisons pour laquelle YouTube a pu répandre son service à l’échelle mondiale en 2007 suite à son acquisition par Google. L’usage des technologies comme le tag, le code en langage Html, les options de vidéo-clips similaires et les réponses vidéo entre autres, méritent d’être abordées afin de comprendre comment cette plateforme visuelle a pu concourir en présence d’autres sites de partage vidéo établis. Tags vidéo-clips Le système de tag pour les vidéo-clips sur YouTube fonctionne sur le même principe que sur flickr. C’est dire que les mots-clés associés au clip sont choisis par les responsables pour de la mise en ligne du vidéo-clip. Le nombre de tags est fixé à 81 caractères. Ces tags aident les usagers à repérer un contenu vidéo sur la plate-forme. Le système de navigation à partir de tags sur le browser de YouTube est de plus facilité par le classement des clips en 13 catégories :. Ce classement est valable pour une recherche dans les onglets de vidéo ou de groupe. En cas de faute d’orthographe, le système propose une recherche alternative. Dans le cas d’une recherche avancée, les paramètres proposés donnent plus d’éléments pour affiner la recherche du clip par mots (catégories, langue, durée), par pertinence (date d’ajout, nombre de vues, notes) ou bien par date d’envoi (à tout moment, ce mois-ci, cette semaine, aujourd’hui). En plus du moteur de recherche interne, la page d’accueil affichent aussi des vignettes de clips sous trois rubriques : les clips visionnés en ce moment, les vidéos choisies et la sélection. Les tags aident aussi à répertorié les vidéo-clips similaires.

32


Le code en langage html YouTube accepte tous les formats de fichiers clips envoyés par ses usagers, mais la diffusion de ces contenus sur la plate-forme se fait uniquement en format Flash. Ainsi, le système impose le format flash à tous le contenu hébergé sur la plateforme. En plus de ce changement de format du fichier clip nécessaire pour son streaming, YouTube attribue un code en langage html à tous les vidéo-clips et à leurs tags associés. Comme il s’agit d’un code en langage html, il est l’équivalent d’une sous adresse web trouvable à partir de n’importe quel browser (équipé du système flash, pour ouvrir le fichier) par le biais de l’adresse web de YouTube. C’est grâce à ce code que les vidéo-clips de YouTube peuvent être partagés par la simple fonction de copier-coller de ce code sur les autres sites web. La simplicité de cette fonction et la souplesse de son interopérabilité avec d’autres sites web augmentent en conséquence la visibilité de ces contenus visuels. Les vidéo-clips similaires et les commentaires vidéo L’organisation des vidéo-clips similaires, partageant un nombre considérable de tags communs permet une consultation rapide de toute une série de clips sur la même page web. Un autre avantage de cette liste de vignettes insérée à droite de la page d’une manière discrète, réside dans sa facilité à la fois technique et informationnelle. Il s’agit d’une

bande verticale de clips

navigable et dont le contenu, est accessible avec un simple clic. En cela, cette fonction ressemble bien aux caractères d’une archive ouverte, consultable par tout usager. La possibilité de répondre à un clip par un commentaire visuel aussi fait partie d’une des fonctions novatrices de YouTube. La page de consultation d’un clip affiche donc toute une information riche en images, répertoriant non seulement les clips du titulaire d’un compte mais aussi les réponses vidéo. Ces derniers apportent l’aspect d’un blog visuel à la page de consultation, où les commentateurs ont la possibilité de poser des questions ou bien de publier des parodies sous forme d’un clip qui s’ajoutent à la vidéo principale.

33


2.3. La reprise du contenu visuel dans la Blogosphère - facteurs techniques Le nouvel environnement web est marqué par la genèse et le développement exponentiel des blogs de toutes catégories possibles. De plus, les moteurs de recherche de blogs comme technorati et wikio entre autre, facilitent leur repérage. La prolifération des blogs pédagogiques ou bien d’entreprise a aussi entrainé leur classement thématique.60 La facilité technique concernant le lancement des blogs et la gratuité ou le faible coût de publication proposés par les hébergeurs en ligne comme Blogger sur Google et WordPress, semblent être les raisons premières pour l’essor de la blogosphère. Néanmoins, pour l’auteur du livre « La Grande Conversion Numérique » Milad Doueihi, d’autre facteurs comme l’inclusion des données multimédia partagées en accès public, ( majoritairement des photographies et des vidéo-clips) encouragent d’autant plus ce phénomène. Il avance « Le blog est devenu une nouvelle version évolutive du bureau réparti, à partir duquel l’utilisateur peut créer et publier des textes, des images, des fichiers audio et vidéo, et partager des liens et des références »61 Si, les ressources audiovisuels en ligne aident à illustrer les propos des auteurs de la blogosphère, leur usage accru dans ce contexte numérique met en avant, non seulement la valeur de ces contenus visuels mais également leur accessibilité. Le caractère amovible de ces contenus visuels qui permet leur importation de la plate-forme pour leur diffusion sur des blogs divers, relève des facteurs importants de ces images, comme la démultiplication numérique sans perte de qualité visuelle, le stockage en archives ouvertes avec possibilité d’hyperlien et la facilité technique de copier coller le code source de ces contenus visuels. L’articulation de ces éléments a réanimé le paysage web où l’usage des images fixes et animées par des bloggeurs, alimente de plus en plus d’activités autour des images en ligne accessibles sur les plate-formes visuelles. En vue de ce potentiel d’images ainsi transférables à d’autres environnements numériques, il est évident que cette possibilité augmente leur visibilité à la fois sur les plateformes visuelles et dans

60

Wikio propose des rubriques spécifiques et un système de ‘Top Ten Blogs’ alors que technorati propose une recherche par le biais de ‘tag’ Disponible sur http://www.wikio.fr/ ; http://www.technorati.com/ 61 Doueihi Milad « La Grande Conversion Numérique » Seuil 2008

34


la blogosphère. Pour cause, les moteurs de recherche des blogs comme technorati proposent également une recherche pour les vidéo-clips les plus vus sur des plate-formes différentes. Suite à cette présentation générale des spécificités techniques de flickr et de YouTube, une observation des usages et des activités possibles avec ces outils s’avère importante. Dans ce cadre, les outils autour d’un contenu visuel (fixe/ animé) et leur usage dans différentes situations seront l’objet de la prochaine partie . 3. flickr et YouTube : les usages et les usagers L’insertion d’une innovation technologique dans un cadre social ne révèle pas seulement son degré d’adaptation ou sa réussite au près des usagers mais aussi son fonctionnement dans un contexte social. L’imbrication de la logique technique et de la logique sociale est donc importante pour comprendre le rapport qui s’établit entre la technique et les usagers. Dans un contexte communicationnel, Josiane Jouët renforce l’approche qui prend en compte ces deux aspects. Elle avance l’idée d’une double médiation et explique que, « les pratiques de communication s’élaborent….autour d’une double médiation. Cette dernière est à la fois technique car l’outil utilisé structure la pratique, mais la médiation est aussi sociale car les mobiles, les formes d’usages et le sens accordé à la pratique se ressourcent dans le corps social62 ». Si le cadre dit de la sociotechnique permet à étudier la relation : technique/ usagers, c’est parce qu’elle a comme objectif de comprendre « ce que les gens font des TIC et non pas seulement ce que les TIC font aux gens 63 » Un autre avantage de cette démarche plus élaborée chez Patrice Flichy dans son ouvrage « L’innovation technique » réside dans la dichotomie qu’elle présente sous l’angle du fonctionnement et de l’usage. Ainsi, le cadre fonctionnel définit un ensemble de savoir et savoirfaire dont découle la différentiation entre les profanes et les praticiens/usagers avertis ; et le

62

Rieffel Rémy, « Sociologie des Médias » ellipses, 2005 p.189 : Josiane Jouët, « Pratiques de la communication et figures de la médiation. Des médias de médias de masse aux technologies de l’information et de la communication » in Paul Beaud, Patrice Flichy, et alii Sociologie de la communication, 63 Reiffel Rémy. Ibid.

35


cadre d’usage qui étaye « la manière dont on se sert dans la réalité sociale de l’objet technique lui-même. 64 » Pour Rémy Rieffel, cette démarche simpliste devient réductrice dans des contextes plus variés. Il ajoute à cette démarche une dimension plus pratique en soulignant l’importance d’un équilibre original entre le fonctionnement et l’usage. Il élargit alors le champs d’influence et insiste que le cadre sociotechnique comprend également « le rapport TIC/usagers qui s’établit sur les bases d’un ensemble de savoir, de savoir-faire et de représentations qui structurent les interactions que chacun d’entre nous développe avec les objets techniques et avec d’autres personnes65 » En perspective de cette élaboration, le cadre sociotechnique s’avère comme un point de départ important pour notre recherche car elle affirme la notion d’interaction possible sur deux niveaux, le premier entre les objets techniques et les usagers et le second entre les usagers. De plus, il s’agit d’une démarche souple à accepter l’influence d’autres éléments.

3.1. flickr : les usagers et les usages flickr accueille deux types d’internautes, ceux qui détiennent un compte flickr et Yahoo ! et d’autres qui en absence d’un abonnement flickr et/ou Yahoo ! ne peuvent que visiter et visionner le contenu visuel. Au sein de la première catégorie des usagers abonnés deux possibilités de compte flickr existent. La première est d’un compte flickr gratuit, avec des limites mensuelles en fonction de la taille de la bande passante (100Mo), le nombre d’albums fixe, l’affichage dans la galerie de 200 images récentes, la publication seulement dans 10 pools de groupes et le redimensionnement de la taille originale en plus petite de la photographie66. Pour la seconde, il s’agit d’un compte pro (professionnel) sur flickr avec toutes les possibilités de transfert, de stockage, de statistiques concernant les visionnements de la photo et de sa diffusion en illimité. Ce service est payant (24,95 USD par an) et depuis le lancement de la vidéo sur flickr, il permet aux usagers d’importer et de publier des vidéo-clips aussi sans payer plus.

64

Ibid. 65 Ibid. 66 Disponible sur http://www.flickr.com/help/limits/#65 2008-05-05

36


A tout moment un usager d’un compte gratuit peut passer au service payant. Cependant, dans les deux cas les usagers flickr abonnés ont accès à tous les outils sociaux de base qui se trouvent au tour d’une image sur une page flickr. Avant d’étayer ces outils sociaux, il semble important de traiter le deuxième lot d’internautes qui fréquentent flickr sans aucun abonnement à la plateforme. Il s’agit des internautes qui peuvent visionner les photographies sur flickr à partir du moteur de recherche interne. Cette recherche peut s’effectuer avec des tags ou du texte, dans trois catégories : les photos, les groupes ou bien les personnes. Les paramètres proposés pour ces catégories dépendent du type de recherche. Pour une recherche d’une photographie par texte, le moteur affiche trois propositions : ‘les plus pertinentes’, ‘les plus récentes’ et ‘les plus intéressantes’, alors que la recherche par tag n’affiche que les deux dernières. Lors de cette recherche, deux possibilités de visionnage se présentent, le visiteur peut accéder directement à la page où s’affiche la photographie choisie, ou bien il peut également cliquer sur l’avatar du titulaire du compte flickr. Dans le deuxième cas, le visiteur gagne accès directement à la galerie et peut visionner tous ses contenus (publics) en ligne. Cependant, le visiteur sans abonnement ne peut pas participer dans les activités proposées comme celle de favoriser, de commenter ou bien d’ajouter des tags à la photographie. La seule trace ou preuve de la consultation d’un contenu visuel par un visiteur non abonné, est capturée, sauvegardée et chiffrée par le système de nombre de vue qui a pour fonction d’enregistrer le nombre de consultation d’une photographie depuis sa mise en ligne dans une galerie. En revanche, les titulaires de comptes flickr peuvent facilement participer aux activités sociales dont celle de faire des commentaires, est la plus commune. Le degré des activités sociales possibles est régi par un équilibre qui s’installe entre le fonctionnement technique des outils sociaux et le choix de l’état du contenu visuel lors de sa publication en ligne sur flickr. Comme un titulaire d’un compte flickr n’est pas toujours l’auteur des images publiées, il est néanmoins celui qui détermine l’état du contenu avant sa publication. Ainsi, au sujet de la mise en ligne d’un contenu visuel, la publication sur flickr se fait sous un système de licences crée par l’organisation de Creative Commons (C.C) qui propose une

37


alternative au copyright complet67pour les publications en ligne Conditions de publication d’un contenu visuel sur flickr : les licences de Creative Commons (C.C) Les paramètres de publication en ligne sur flickr permettent aux abonnés de choisir le degré de visibilité de leur contenu publié. Au moment de l’importation d’une photographie le système de paramètres de confidentialité affiche plusieurs possibilités de publication, ainsi permettant au titulaire d’un compte de définir les conditions de visionnement, de commentaires et d’ajout de notes ou de tags. En plus de ces paramètres, le système de Creative Commons sur flickr offre aussi des paramètres d’utilisation sous forme d’une combinaison de licences possible à six niveaux qui peuvent être affectées à une œuvre visuelle. Les quatre licences de I).paternité, II).pas d’utilisation commerciale III).pas de modification et IV).partage selon les conditions initiales forment la base du système C.C et facilitent les conditions de publication et de reprise des contenus visuels de flickr. Avec cet échafaudage les créateurs des œuvres visuelles ou bien les titulaires de comptes flickr peuvent choisir les conditions de reprise de leur travail. Comme tout autre système de sécurité le C.C n’assure pas de verrouillage virtuel parfait des photographies sur flickr. Néanmoins, en cas d’abus de ces licences, les titulaires du compte flickr peuvent recourir à ce système, juridiquement fiable et efficace pour signaler l’abus de leur travail protégé sous ces licences. L’objectif principal de Creative Commons (organisation à but non lucratif) est de mettre en place de bases juridiques concrètes qui rassurent et établissent une culture libre d’autorisations et de limites non-négociables. D’après un de co-fondateurs de C.C et auteur de l’ouvrage « Free Culture » Lawrence Lessig, cette culture libre s’inspire notamment du succès du développement du logiciel en source libre. Lessig affirme que le cadre juridique concernant la publication en ligne pour des internautes, doit faciliter la production culturelle tout en respectant les droits et les œuvres de ces auteurs. L’essentiel pour lui est de présenter au public en ligne, des opportunités équitables pour un développement culturel qui respecte les principes de partage et du construit social. Au fait, Lessig définit cette ‘culture libre’ comme le contraire d’une culture de permission, mise en avant par de 67

Disponible sur http://www.flickr.com/creativecommons/

38


grandes industries de média et de production culturelle au cours du XXe siècle comme l’Hollywood et les grandes labels de musique aux Etats-Unis68 Ainsi, ces licences du C.C établissent un système transparent concernant la publication des œuvres par leurs auteurs dans un environnement web et leur reprise soit dans la blogosphère, soit par d’autres médias comme des magazines, la presse ou bien la Télévision. Les Groupes flickr Un autre système de partage interne à la plate-forme est la possibilité d’avoir une liste de contacts et des groupes. Les groupes crées par les usagers flickr permettent de partager les photographies sans le risque de copie. Chaque groupe met en place ses propres règles de participation, d’adhésion et le nombre de photographies autorisées. Dans ce contexte les groupes deviennent un terrain de partage entre ‘many -to -many’

69

où les discussions se poursuivent au tour des

photographies ou bien indépendamment du contenu visuel, sur le forum du groupe. La gestion des groupes flickr montrent aussi un modèle d’auto-organisation où les membres entretiennent des relations et prennent des décisions ensembles. La souplesse et la facilité que le système offre pour cet objectif fait de sorte que plusieurs groupes avec des modalités diverses de gestion et de participation, fleurissent sur la plate-forme. L’étude récente70 sur flickr menée par l’équipe française montre que parmi les usagers actifs seulement 8% (49% des titulaires du compte pro) font parti des groupes de la plateforme. La spécificité d’un groupe flickr est du à deux aspects importants, ce qui sont de rassembler les photographies autour d’un thématique et en plus, les usagers (dans ce cas souvent les auteurs des images) qui dynamisent et gèrent les activités concernant les contenus partagés au sein du groupe. Cette observation amène donc, à classer en général, les groupes dans deux catégories71 : les groupes thématiques avec des conditions de partage du contenu visuel très tranchées comme le groupe The Moon [*current* photos only]72 qui n’admet que les photographies de la nouvelle lune entre autre ; et les groupes sociaux qui proposent même des possibilités de rencontres 68

Lessig Lawrence « Free Culture- How Big Media uses Technology and the Law to lock down Culture and creativity » 2004 http://en.wikipedia.org/wiki/Free_Culture_%28book%29 69 Prieur Christophe, Cardon Dominique et alii ‘The Strength of Weak Cooperation- A case study on flickr’ Autograph Collaboration(s) 2008-02-16 http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00256649/fr/ 70 Ibid. 71 Ibid. 72 Disponible sur http://www.flickr.com/groups/53462677@N00/

39


extérieur de l’environnement web. L’exemple du groupe flickr@paris73 qui organise des rencontres sur Paris et conseille à ses membres de consulter régulièrement le calendrier des événements. A cela s’ajoutent également les outils plus particulièrement associés aux contenus visuels sur la page personnelle d’un usager flickr qui favorisent d’avantage les possibilités de rendre une image plus visible. Dans ce contexte, l’usage des options : faire un commentaire, ajouter aux favoris, demander au titulaire de partager son œuvre avec un groupe ou bien reprendre et citer un contenu dans un billet de la blogosphère ; l’articulation de tous ces éléments accélèrent la visibilité non seulement d’une photographie mais aussi du titulaire de la galerie. C’est dans ce contexte social que flickr s’avère comme une véritable plateforme visuelle, un environnement numérique qui ne montre pas seulement des photographies de quelque chose mais un contenu visuel appartenant à quelqu’un74, un concept qui justifie sa cause de socialisation à partir des photographies partagées.

3.2. YouTube : les usagers et les usages Le visionnage des clips sur YouTube est possible par tout visiteur. La page d’accueil du portail affiche plusieurs moyens d’accès aux clips hébergés et repérables par le biais du moteur de recherche interne. A la fin d’une consultation d’un vidéo-clip deux options s’affichent sur l’écran proposant de le revoir ou de le partager. Dans le deuxième cas, le spectateur dispose de plusieurs outils de partage présents sur la même page. Pour les non abonnés à YouTube, il y a deux manières de partager la vidéo : par sa publication sur des sites de réseautage sociaux comme MySpace, del.icio.us, Facebook, Live Space, Reddit, Digg, Mixx et Stumble Upon75, ou par le copier-coller de son code dans un mail ou un message instantané. Quant aux abonnés de la plate-forme, peuvent -ils en plus de ces options, ajouter le clip à leur liste de favoris, laisser des commentaires ou même créer et poster une réponse vidéo. C’est dans

73

Disponible sur http://www.flickr.com/groups/felickraparis/ 74 Je traduis de [..] with the idea that people don’t only want to see photos of something but also someone’s photos Lemans K., Jones L. A., Social Browsing on Flickr, ICWSM’2007, Boulder, Colorado, 2007 cité dans ‘The strength of weak cooperation -A case study on Flickr’ 2008 75 Dans ce cas spécifique le spectateur doit disposer d’un compte sur ces sites de réseautage sociaux

40


ce contexte que le rôle des métadonnées sur un clip s’avère important pour comprendre les usages sociaux possibles. Les métadonnées - un public visible La page de consultation d’un vidéo-clip affiche plusieurs indications sur le clip comme le nombre de vue, les notes, les avis, les favoris, les vidéos similaires ou bien les réponses vidéo. Toute cette information se construit au fur et à mesure des consultations. L’objectif principal de la plateforme en tant qu’ hébergeur, est de fournir le plus d’information possible sur toutes les activités concernant un clip. Ainsi, la mise en place d’un dispositif qui montre la transparence ces activités peut encourager une fréquentation plus régulière. Il faut rappeler que les consultations effectuées par les usagers sont chiffrées sous le nombre de vue. Cette visibilité du trafic a tout de même, un double objectif, celui de la médiamétrie et l’intérêt des annonceurs publicitaires. D’une part la mesure d’audience permet à la plate-forme de séduire les annonceurs de publicité, d’autre part la gratuité des comptes offerts aux usagers dépend aussi de la présence des publicitaires. Ainsi, conscient de la valeur d’un public visible, YouTube lance le 26 mars 200876 de nouveaux outils d’analyse pour les clips. Il s’agit de nouvelles rubriques de statistiques et de données comme: ‘Distinctions pour la vidéo’ qui permet de voir le classement du clip dans des sites externes, ‘5 premiers sites proposant un lien vers la vidéo’ en fonction des résultats média métriques ‘Enregistrement de la date et du lieu’ il s’agit de l’indiquer la provenance du clip permettant de le situer sur la carte Google. La communauté et les chaînes- le public et les usagers La communauté de YouTube consiste de deux catégories celles de concours et de groupes. Les entreprises commerciales et les annonceurs de publicité organisent des concours de vidéo-clips et invitent les usagers de participer à la promotion de produits comme les clip promotionnels pour des films ou bien des produits comme les ‘post it’. En ce qui concerne les groupes, ils suivent le même classement de 13 catégories proposées pour les vidéo-clips. Les membres d’un groupe postent des vidéos selon les critères et la catégorie. Ils peuvent aussi animer des discussions et échanger des mails au sein d’un groupe. 76

Disponible sur http://www.youtube.com/blog?month=3&year=2008

41


La participation aux activités sur les vidéo-clips nécessite une ouverture d’un compte qui est désigné aussi comme une chaîne. Lors d’une inscription on peut choisir entre 5 type de chaînes parmi: à but non lucratif, comique, musicien, expert et réalisateur. Il y existe aussi 2 autres type de chaînes : sponsor et homme politique, qui comme leur nom l’indique, sont réservés à un public spécifique. Tout usager qui n’effectue pas un choix particulier de compte devient titulaire d’une chaîne normale par défaut. Dans le cas des autres chaînes, elles s’adressent aux usagers spécifiques récapitulés dans le tableau suivant. Chaînes

Type d’Usager

Le comique

Les artistes, ceux qui font du stand‐up, des parodies, des sketches ou de la satire

L’expert

Les spécialistes qui savent comment cuisiner, devenir un excellent barman ou créer des vidéo‐clips de qualité Les groupes, les chanteurs, les auteurs/ compositeurs, les maisons de disques ou toute création musicale Les créateurs de spectacles et les personnalités dont la principale activité consiste à divertir et à informer Les organisations en partenariat non commercial

Le musicien Le réalisateur A but non lucratif

Tout de même, l’accessibilité à ces chaînes ne se fait pas sur la base d’une distinction entre les créateurs de contenu professionnel ou amateur. Par exemple les outils de une chaîne de musicien sont pareils pour un chanteur amateur ou professionnel. Cependant, la plate-forme insiste fortement sur la publication de clips originaux respectant les droits d’auteur. Dans le cas contraire, les titulaires sont avertis d’une suppression automatique de leur compte. Chaque titulaire d’une chaîne bénéficie de paramètres d’affichage de son information concernant son profil, ses clips favoris et sa playlist (la liste de ses propres clips). Mais selon le type de chaîne, la plate-forme y répertorie également d’autres informations supplémentaires comme les abonnés à la chaîne, ses amis, ses groupes, la mesure de l’audience et le nombre de vue reçu par ses clips. Toutes ces informations sont d’une importance capitale non seulement pour les titulaires de chaînes mais aussi pour la plate-forme. Pour cause, en mai 2007, YouTube décide d’entrer en partenariat avec les usagers, dont les chaînes attiraient un trafic régulier. D’après le blog officiel, ‘YouTube elevates most popular users to paterners’77, la plate-forme reconnaît le succès de ses usagers devenus célèbres et les encourage à alimenter leur chaîne afin de profiter d’un partage de 77

Disponible sur http://youtube.com/blog?entry=4b3PkL8HQcw

42


rémunération provenant de la publicité. Parmi les exemples de célébrités en partenariat, figurent smosh (vidéos en ligne 48, abonnés 364,590),

lonelygirl15 (vidéos en lignes 315, abonnés

111,285) et HappySlip (vidéos en ligne 47, abonnés155, 988). Cette observation amène à souligner donc, l’importance accordée à générer non seulement des phénomènes de célébrités mais plutôt un public régulier. Si le succès d’une chaîne ne se mesure que par le nombre de public qu’elle accueille, dans ce cas là, le public n’est réduit qu’au rôle quantitatif, celui d’une audience78. Cependant, il s’agit des usagers qui participent à travers des commentaires, des avis et des votes, c’est à partir de leurs choix qu’ils déterminent le rôle qualitatif du public, en plus de sa signification quantitative. Au regard de cette observation, peut - on traiter ce public comme un presque-public79 ? Rieffel le définit comme un public fragile, physiquement invisible et une entité imparfaite80. Au contraire, le public des plate-formes visuelles, bien qu’il soit numériquement visible, affiche une présence importante. Alors, il s’agit d’un public actif dont les données, les échanges et les traces s’avèrent comme une mine d’or d’information, hébergées de manière organisée. Cette organisation du contenu visuel et ses usages facilitent de surcroît l’intérêt d’une étude sur les conditions qui aident les usagers à devenir célèbres. Valeur sociale de l’image échangée Le poids social des plate-formes visuelles n’est pas dissociable de la valeur accordée aux images dans la quotidienneté de leur production. C’est avec la démocratisation des outils d’enregistrement grand public, comme en 1888, le premier appareil à pellicule photographique de Georges Eastman, que la culture visuelle populaire à pu être capturée, développée et archivée impartialement, à travers les yeux des gens ordinaires81. Or, il ne faut pas ignorer que cette activité soit facilité par la technique, comme le résume le slogan publicitaire de Kodak : « Appuyez sur le bouton et nous ferons le reste ! »82

78

Rieffel Rémy, « Sociologie des médias « , 2005 p.150 79 Dayan Daniel, « Télévision, le presque-public », Réseaux, n°100, 2000, p.453 80 Reiffel Rémy, « Sociologie des médias », 2005, p.185 81 Je traduis de Coe Brian: ‘For the first time in history there exists an authentic visual record of the appearance and activities of the common man made without [literary] interpretation or bias’ « The Birth of Photography » 1977. P.53 82 Je traduis de “You press the button and we will do the rest” slogan publicitaire de Kodak 1888

43


La fin du XIXe siècle est une époque charnière par rapport à la valeur de l’image reproduite. La massification des villes accompagnées d’une forte industrialisation attribuent une nouvelle valeur socio-symbolique aux images reproduites à l’aide des appareils. En conséquence, la démultiplication des œuvres d’art entraîne un désir de leur appropriation et accumulation par les masses. Pour W. Benjamin ce désir est «(…) de posséder l’objet d’aussi près que possible, dans l’image ou, plutôt, dans son reflet, de sa reproduction ».83 C’est ainsi que, l’image photographique, une reproduction issue d’un procédé technique, se fait progressivement une place dans les foyers sous la forme des autels familiaux, des albums ou bien des boîtes à chaussures remplies de photographies. Avec ces pratiques sociales on n’aurait pas tort d’observer que l’image fixe commence à se doter de la valeur d’exposition.84 Quant à la valeur sociale de l’image animée, il faut prendre en compte le rôle de l’écran. En fait, depuis les projections des séances de la pantomime aux tous premiers films burlesques, les projections en public accordent un nouvel aspect à l’image, celui du rire collectif. L’étape suivante est franchie par les avancées techniques dans le domaine de la transmission hertziennes de l’audiovisuel qui créent une nouvelle audience. Si les premiers usages de l’image projetée ou transmise à distance, soulignent sa valeur ludique, il n’est pas étonnant de voir la reprise de cette valeur par les échanges visuels à travers l’internet. D’autant plus que l’objectif principal de flickr et de YouTube est le divertissement à travers l’image échangée. Néanmoins, il est intéressant de noter qu’en moins de quatre ans l’activité visuelle sur flickr et YouTube, s’est diversifiée jusqu’ au détournement des usages prévus et l’émergence de l’image parasitaire.

83

Benjamin Walter, ‘Œuvres III, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique’ (première version 1935) IV Destruction de l’aura’ p.75 84 Benjamin Walter, ‘Œuvres III, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique’ (première version 1935) VI Destruction de l’aura’ p.79

44


3.3. Le détournement des usages et l’émergence de l’image parasitaire Sur le plan sociotechnique le phénomène de détournement d’un dispositif se produit, « (…) lorsqu’un utilisateur (usager) s’en sert à un dessein qui n’a rien à voir avec les usages prévus par le concepteur85 » Comme exemple Akrich précise le cas du système de Télétel/ Minitel dont l’usage prévu comme un système d’accès aux informations ordinaires et de messageries est détourné pour devenir un système de ‘messagerie rose’. A l’opposé d’autres formes d’interventions directes entre usagers et dispositif, comme le déplacement, l’adaptation et l’extension86, le détournement souligne un potentiel du dispositif qui ne peut être visible que dans des circonstances particulières. De même, pour les plate-formes visuelles, le détournement de leurs usages premiers n’est détectable qu’avec l’apparition d’ images qui en principe, ne devaient pas y circuler. Il s’agit bien de l’image parasitaire, qui est publiée en ligne par des témoins d’un événement d’actualité. La valeur d’une telle image sur les plate-formes comme flickr, YouTube ou bien Daily motion (site de partage vidéo français lancé en 200), est autre que celle du divertissement. Les raisons pour un tel parasitage sont imputables à trois facteurs. Les agences de presse collaboratives en ligne comme OhmyNews, Indymedia et Agoravox sont bien des exemples de sites qui renforcent l’idée du journalisme citoyen ou participatif. A cela s’ajoutent également les avancements techniques qui facilitent la participation des citoyens à produire de l’information en tant que témoins à une actualité. C’est surtout dans les circonstances d’urgences et de situations paroxystiques que le témoignage (oral, écrit ou visuel) de citoyen prend valeur. D’après André Gunthert, auteur de l’ « Image Parasitaire : Après le Photojournalisme Citoyen » 87ce sont les « circonstances » et « un regard second » qui transforment les images en support d’information. Pour lui, il ne s’agit pas de journalisme au sens propre, car la publication spontanée des témoignages visuels par ces usagers, nécessite une validation extérieure. Dans ce 85

Akrich Madeleine, ‘Les utilisateurs, acteurs de l’innovation’, Education permanente, n° 134, Paris, 1998, p. 79-89 86 Ibid. 87 Gunther André « L’Image Parasitaire : Après le photojournalisme citoyen », 2007-06-15 Actualité de la Recherche en Histoire Visuelle, Disponible sur http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/06/15/432-l-image-parasite

45


cas, c’est la reprise et l’utilisation de l’image parasitaire comme source d’information première par les grands médias ou bien les blogs qui lui accordent une valeur d’information parallèle. L’avènement de l’image parasitaire sur flickr commence juste un an après son lancement en 2005 avec les attentats de Londres. Le 7 juillet 2005, un nombre signifiant de photographies montrant le désastre et ses conséquences a été envoyé sur flickr par les témoins de l’attentat. De plus, l’émergence des groupes flickr faisant appel à un partage des photographies du sinistre, comme le groupe ‘London Bomb Blast Community - We are not afraid’88 ont transformé la plateforme dans une mine de témoignages visuels, qui l’ont parasitée pendant cet événement. La reprise de ces photographies par les médias anglais comme BBC News qui a même lancé un appel « We want your pictures » renforce ainsi le potentiel de flickr comme un canal alternatif de l’information. Le contenu de ce groupe en particulier, a même été repris le lendemain par la presse électronique.89Cette reprise par les grands média, en absence d’autre moyen d’information source, indique la manière virale de circulation de ce genre de témoignage visuel générée par sa forte demande. Le groupe flickr crée le soir de l’attentat de Londres

88

Disponible sur http://www.flickr.com/groups/bomb/pool 89 Louise Story, « Witness Photos on Web Captured London Drama », The New York Times, 8 juillet

46


Un autre exemple du détournement du dispositif par les usagers s’est produit en France. Au mois de mars 2006, une nouvelle proposition gouvernementale, le CPE (Contrat d’Embauche Premier) provoque de fortes mobilisations de la part des jeunes et des manifestations anti-CPE touchent tout le pays. A ce moment la presse française, notamment les journaux Libération et Le Monde, lance un appel aux jeunes lecteurs de partager leurs témoignages visuels. Mais les règles et les conditions de publication imposées pour ces photographies d’amateurs semblent contraignantes en présence de flickr. Comme le remarque G.Klein, « Les jeunes’ ne semblent pas avoir envie d’envoyer leurs photos à des journaux qu’ils ne lisent peut-être pas. Ils les partagent plutôt sur flickr - tapez le mot ‘CPE’ et ce matin vous avez près de 1.400 photos.90 » En effet, pour cet événement flickr possède un corpus d’image plus riche. Recherche par le tag CPE

90

Klein Gilles, « CPE : photos « amateurs » sur Libération.fr et leMonde.fr », Le Phare, 19 mars 2006, Disponible sur http://gkliein.blog.lemonde.fr/gklein/2006/03/photos_dactus_p.html

47


C’est ainsi que S. Butterfield (co-fondateur de flickr) souligne le nouveau potentiel de la plateforme. Il affirme dans son blog,91 en l’illustrant avec des photographies flickr de C. Gonzales et Hughes Leglise-Bataille, qu’il a pu découvrir ces photos (déjà cité dans un blog français) suite à une recherche à partir du tag « CPE ». Dans ce contexte, la démarche des usagers flickr en refusant de se soumettre à une éditorialisation par les grand médias explique l’importance de la plate-forme comme un espace gratuit avec un potentiel d’un média alternatif. Quant au domaine de l’audiovisuel, l’image parasitaire se manifeste avec l’émergence de la vidéo virale qui attire une fréquentation inattendue sur les plate-formes vidéos. En avril, 2007 la diffusion sur le site de CNN i- report92, d’un clip filmé pendant la deuxième fusillade des tueries de Virginia Tech, renforce le témoignage citoyen. Il s’agit d’un clip d’amateur, copié et diffusé sur plusieurs sites de partage vidéo et dont la version originale a été consulté plus de 900.000 fois en moins de cinq heures sur CNN. Ce sont bien les circonstances paroxystiques qui provoquent la démultiplication et la circulation de manière virale des contenus visuels. Dans le cadre politique, la période de la course à l’Elysée marque bien le début de la diffusion virale des clips militants par les partisans de droite et de gauche. L’explosion de ces clips sur YouTube et surtout sur Daily motion comme Le vrai Sarkozy et Ségolène Royal vidéo[ ] montrent la montée en puissance de ces plate-formes en termes de vecteurs d’information politicoludique. . Néanmoins, c’est avec l’usage de l’Internet en France, par les candidats présidentiels en 2007, que le déplacement du militantisme vers le politique remixé devient observable sur les plate-formes. Quant aux élections présidentielles américaines de 2008, le choix de YouTube par les candidats à l’investiture pour dialoguer et discuter avec le public, souligne l’importance de cette plate-forme. De plus, « You Choose’08 » issu d’un partenariat entre CNN et YouTube, signale le potentiel communicatif de la plate-forme en permettant d’atteindre un public très élargi. Comme la durée de l’image parasitaire dépend de l’ampleur des circonstances, elle risque d’évoluer très vite. L’exemple d’une telle mutation est observable dans la diffusion virale du clip

91

Butterfield Stewart, ‘Eyes of the World’, Flickr Blog, 2006 -03 -24 Disponible sur

http://blog.flickr.com/flickrblog/2006/03/eyes_of_the_wor.html 92 Disponible sur http://www.cnn.com/exchange/

48


traitant laa visite du Président P Frrançais, au Salon S de l’aagriculture le 23 février, 2008. Il s’agit d’un n enregistreement des mots « Caasse-toi pau uvre con ! » prononcés par Nicolas Sarkozy y lors d’un n échange au salon à Paris. Film mé avec un ne caméra cachée c par S.Puccini, cette séqueence de 45 5 m de l’in ncident, sur le site inteernet du jouurnal ‘Le Paarisien’. En n secondes est publiéee, le soir même plication virrale de ce cllip et ses paarodies parassitent les plate-formess moins de 24 heures, la démultip urtout Dailym motion et YouTube. Y S le site leeParisien.fr le clip origginal génèree plus d’un Sur n vidéo, su million de vues en m moins de 48h heures93. Prem miers pas mouvementé m és de Sarkoozy au salon n de l’agricu ulture

20 Photogramme P es de la séquennce du clip dissponible sur lee site leParisieen.fr94

Les chaîn nes de télévvision TF1 et e France 2 diffusent également lee clip originnal, le lendeemain, danss le Journaal Télévisé de d 13h et de d 20h ce qu ui facilite laa reprise du d clip sans le logo du u journal Lee 93

Guntherrt André, ‘Le ggouvernementt du lapsus. Leeçon sur le styyle (2)’ comm mentaire n° 100, 2008-02-244. Actualitéss de la Recherrche en Histoirre Visuelle Disponible sur http://www w.arhv.lhivic.orgg/index.php/20008/02/24/647-lee-gouvernementt-du-lapsus-lecoon-sur-le-style--2 94 Disponibble sur http://vvideos.leparisienn.fr/video/iLyR ROoaftL1D.htm ml

49


Parisien. Dans ce co ontexte, la diffusion virale v du cliip, en dehorrs de son coontenu, estt davantagee mène de reemixer. C’est la phraase de N. Sarkozy « C Casse-toi paauvre con » imputablee au phénom qui génèrre toute unee série de parodies p et de d remixes musicaux955, comme ddans le cas du d candidatt démocratte américainn Barack Ob bama. Lorss du discourrs de victoirre dans less primaires américains,, c’est le fameux f sloggan d’Obam ma « Yes We W Can96 » qui déclen nche aussi sa reprise remixée en n février 20 008 .La démultipliccation du clip c sur Daillymotion lee 23 février, 2008

Caapture d’écrann de Dailymottion galerie fliickr97

95

Guntherrt André, « Le Parisien décoouvre la viralitté » Le Flip bbook 2008-022-25. http://flipbbook.20minutees-

blogs.fr/tag//sarkozy 96 Aziz Maria Fatima, ‘R Remixer le Pollitique’ 2008--02-11. Actuaalité de la Reccherche en Hisstoire Visuellee Disponible www.arhv.lhivicc.org/index.php/2008/02/11/62 28-remixer-le-politique sur http:,//w 97 Disponiblle sur http://w www.flickr.com//photos/guntherrt/2286261735//in/set-721576003980745766/

50


Si le détournement des usages prévus des plate-formes, renforce l’émergence de l’image parasitaire virale, il n’est pas sans effet pour les hébergeurs, les usagers et l’information remixée. Certes, ce sont les usagers qui sont responsables pour la mise en ligne et la forte consultation de ces contenus visuels, mais c’est aussi la reprise par les grands médias qui accélère la diffusion virale. Dans ce contexte le mélange de l’information visuelle avec du divertissement, accorde un poids social considérable à flickr et à YouTube. Compte tenu de la diversité du contenu visuel et le potentiel social de ce dispositif, l’usage intelligent par certains acteurs/créateurs d’œuvres, génère une nouvelle situation, celle du « vedettariat ». Qui sont les bénéficiaires de ce vedettariat et comment se construit-il, ce phénomène ? Tels sont les questions abordées dans le deuxième volet de cette recherche.

51


Deuxième Partie Le phénomène de célébrité

52


II. Les célébrités des plate-formes visuelles : l’étude de cas sur flickr et YouTube flickr et YouTube offrent un corpus gigantesque d’images fixes/ animées et, bien que leurs outils techniques soient les mêmes, les usages peuvent être influencés par plusieurs facteurs98. Cependant, dans le cadre spécifique des nouvelles conditions du vedettariat, cette recherche s’appui sur le contenu auto-crée99 (User - Created Content) partagé sur les plate-formes visuelles. D’après le rapport100 de l’OECD, le contenu auto-crée est défini selon trois critères : I.

Il s’agit de la publication du contenu en ligne et de son accessibilité dans le domaine public, à travers l’Internet.

II.

Le contenu doit faire preuve d’un effort de créativité.

III.

La création d’un contenu qui se produit en dehors des paramètres de la production commerciale ou professionnelle.101

Ces critères renseignent également sur l’acteur responsable de la création d’un tel contenu, c’est dire qu’il s’agit d’un usager averti mais non professionnel. Cette référence du contenu auto-crée dans le contexte de flickr et de YouTube, explique notre choix d’acteurs devenus célèbres suite à leur usage particulier et à la publication de leurs œuvres sur ces plate-formes visuelles. De plus, les photographies et les vidéo-clips enrichissent l’aspect visuel des créations partagées dans un mélange de ludique avec d’informationnel. Puisqu’il s’agit des usagers connectés au réseau international qu’est Internet, il est important de noter que les possibilités de devenir célèbre s’ouvrent à des acteurs mondiaux. En fonction de ces facteurs, nos études de cas sur flickr et YouTube mettent en avant l’effacement des barrières géographiques et linguistiques sur ces plate-formes de l’environnement numérique qui ont également des conséquences dans le monde réel. 98

Voir p 35. 99 Vickery Graham et Vincent-Wunsch Sacha, « Participative Web : User -Created Content », Working party on the Information Economy. Committee for Information, Computer and Communication policy. Directorate for Science, Technology and Industry of the OECD. Préparé en décembre 2006 et mis enligne en mars 2007. Rapport en pdf disponible sur le site de l’OECD : Disponible sur http://www.oecd.org/data/oecd/57/14/3 100 Ibid. 101 Ibid. p.8 Je traduis : 1). Publication requirement, 2). Creative effort, 3).Creation outside of professional routine and practices.

53


1. Les célébrités de flickr : l’artiste et le photoreporter Les deux études de cas choisies sur flickr, ont pour but d’éclairer les conditions qui, à travers l’usage du dispositif, aident certains usagers à atteindre un degré de succès considérable. Le fait que ce succès d’auteurs du contenu auto-crée se transforme en vedettariat sur la plate-forme s’articule sur deux niveaux. D’une part, cela renseigne mieux sur l’émergence du phénomène de célébrité sur la plate-forme et d’autre part il explique ses conséquences pour l’acteur et le dispositif. Donc, pour l’analyse de ce phénomène, nous nous intéressons aux comptes flickr pro d’une islandaise Rebekka Guðleifsdóttir (_rebekka) et d’un français Hughes Leglise-Bataille (Hugo*). Pour ces deux, l’information concernant les métadonnées102 de leurs photographies et la couverture médiatique proviennent majoritairement des témoignages de leur compte flickr.

1.1. Rebekka Guðleifsdóttir / _rebekka Le compte flickr de Rebekka est aussi identifiable par son pseudonyme de « _rebekka ».Cette identité numérique est accompagnée d’une fiche de profil détaillé, sur sa nationalité, son état civil, son parcours professionnel. Cette fiche fournit aussi des informations variées sur elle. Tout titulaire d’un compte flickr possède le choix d’afficher son vrai nom aussi. Dans ce cas, comme l’identité réelle de Rebekka n’est pas cachée, il serait plus approprié de la désigner par son propre nom. En termes de contenu visuel la galerie de photos de Rebekka affiche 798103 éléments, et 24 albums. Notre choix de cette galerie en particulier repose sur le fait qu’elle permet de suivre l’évolution de Rebekka d’un artiste graphiste qui bascule vers la pratique de la photographie104. La période de cette transition est d’autant plus visible à travers les premières publications. Comme les tous premiers usages répertoriés dans les archives du compte l’indiquent, Rebekka publie les photographies de ses dessins ou encore des tirages argentiques. Ce n’est qu’à partir

102

Voir p.27 103 Le nombre d’éléments dans la galerie est variable, et nécessite une vérification régulière. Vérifié le 30 mai, 2008 104 Gunthert André, séminaire « Nouvelles pratiques de l’image » cours « comment construire un corpus d’images à partir des œuvres visuelles sur flickr et YouTube » 2007-12-20, Actualité de la Recherche en Histoire Visuelle. CETHA, Paris.

54


d’un usag ge pédagoggique du disspositif

105

que Rebek kka découvrre et dévelooppe sa praatique de laa

photo. D’ailleurs ceette phase de d transition n à peine d’un d mois comme c l’inndique la co omparaison n entre sa première p pu ublication d’un d autoporrtrait dessin né et de sa première p phhoto avec son appareill numériqu ue. C Changemen nt d’usage : du dessin à la découvverte de la photograph p hie numériq que

Caapture d’écran de galerie dee photo _rebekkka106

105

Cf. Gunnthert André « Flickr, l’une des choses less plus importaantes qui soit arrivé a à la phootographie » InternetActu I 2006-06-088, Disponible sur : http://ww ww.internetactu.net/2006/06/088/flickr-lune-dess-choses-les-pluus-importantes--qui-soitarrive-a-la-pphotographie/ consulté le 200 07-11-15 106 Sidewayys Disponible sur :http://ww ww.flickr.com/phhotos/rebba/pagge46/ Whats out there t Disponibble sur :http://www.flickr.com m/photos/rebbaa/20529841/in/ddateposted/

55


En fait, la démarchee entreprise par Rebek kka montre qu’elle ne se limite paas seulemen nt à publierr quelques photographhies en lign ne sur son compte, c maiis qu’elle développe d uune pratique régulière.. Elle apprrend à affecter de brèvees légendess et des tagss simples à ses photoggraphies qu’’elle envoiee dans plusieurs grou upes. En co onséquencee, sa liste dde contactss s’étouffe et ses pho otographiess commenccent à receevoir des commentairres. De pllus, commee

Rebekkka s’engagee dans dess

discussions et des commentair c res sur ses œuvres, les consultatiions augmeentent et génèrent g un n public pllus régulier.. L’étape suivante s estt franchie avec a la phasse d’expérim mentation. Rebekka innvestit danss un nouvell appareil numérique (Canon EOS, E Digitaal Rebel XT). X Elle documente ses s expérieences et saa découverrte

de la photograp phie de manière m à ce c qu’elles provoquennt des com mmentairess

personnells107. Phase d’’expérimentation : Phootographie pour s’enggager avec lle public108

Caapture d’écrann de galerie dee photo _rebekkka109

107

Cf. Hefffeman Virginiia “ Sepia No more” The New York Timee Magazine, 2008-04-27. D Disponible surr

http://www.nnytimes.com/20008/04/27/magazine/27wwln-m mediumt.html?pagew wanted=2&ei=55124&en=bc29 94d91273f4201&ex=13668624400&partner=permalink&exprrod=permalink

Consulté lee 2008-04-27 108 Notes personnelles p G Gunthert Andrré, séminaire « Nouvelles prratiques de l’iimage » cours « comment construire c un corpus d’im mages à partir des œuvres visuelles v sur flickr et YouTuube » 2007-122-20, Actualitéés de la Recheerche en Histoire Viisuelle CETHA A, Paris. 109 Disponible sur http://w www.flickr.com m/photos/rebba//24067757/

56


Ces essaais de déco ouverte et d’expérimeentation du dispositif n’échappennt pas à l’algorithmee d’interesttingness110 de flickr qui q capte l’intensité l d d’activité a autour de son s comptee. Ainsi, laa première photo dee Rebekkaa repérée par l’algoorithme esst affichée dans le calendrierr 2 Il fau ut aussi noteer que cettee photo a éété envoyéee au groupee d’interesttingness le 29 juillet 2005. flickr « Delete D Me ! » dont lees membress votent po our qu’un contenu ennvoyé soit accepté ou u suppriméé. Encourag gée par cettee reconnaisssance sur laa plate-form me, l’artiste-pphotographe débutantee se lance dans d des proojets plus éllaborés et co ommence à découvrir des d logiciels de retouch he photo. Prem mier succèss et affichagge dans le calendrier c d d’interestin ngness

Caapture d’écrann de galerie dee photo _rebek kka111

Cependan nt, lors de lla phase ex xpérimentale, une autree œuvre dee Rebekka llui apporte un énormee succès, to out en prov voquant unee polémiquee. Il s’agit dd’un autopo ortrait intituulé « eve » dans d lequell Rebekka se photograaphie avec une u pommee suspenduee en pleine air. Cette phhotographiee suscite un n orié dans less commentaaires)112 où parmi les féélicitations figurent égaalement, en n débat animé( réperto a critiques, les justifiications du photograph p he. Le don de d ce portraiit lors de laa collecte dee réponse aux fonds po our le sinistre du cyclone Katrin na, et son achat

parr l’entrepreeneur amériicain Stevee

Voir p.2 29 111 Disponible sur http://w www.flickr.com m/photos/rebbaa/29476811/ 112 Disponible sur http://w www.flickr.com m/photos/rebba//32296282/pagee2/ 110

57


Jurvetson, mettent Rebekka sur le devant de la scène de flickr. Malgré les critiques, elle continue avec des projets qui l’amènent encore à un autre succès inattendu.

Séries d’expériments avec des fruits

Photo polémique

Capture d’écran de galerie de photo _rebekka

A la découverte de la photographie numérique, Rebekka fascinée par les résultats de la longue pose, continue à documenter ses expériences à travers ses œuvres. Elle commence également le post traitement de ces photographies à l’aide de logiciels mais c’est plutôt la combinaison de ces 58


deux pratiques qui évoluent dans son nouveau style de « double113 (me) ». Il s’agit des photographies retouchées affichant un (multi)clonage de la personne photographiée. Cependant, Rebekka n’est pas la seule à avoir initiée ce style. Miss.Aneila114, une autre célébrité/ usager de flickr, est aussi connue pour des photographies de ce style popularisées sous le nom de « multiplicity »(cf. annexe 1.A p. 102) Les œuvres affichant ce genre de clonage photographique ont déclenché une reprise considérable de ce style sur flickr. La recherche sur le browser flickr affiche 4683 photographies portant le tag de multiplicity115 et 165 groupes dédiés à publier ce genre de contenu visuel. Découverte du style « double/ multiplicity »

Capture d’écran de galerie de photo _rebekka

En mois d’un an d’usage et d’apprentissage sur flickr, le succès de Rebekka est aussi reconnu par la presse régionale d’Islande qui publie, le 11 février 2006, son interview accompagné de ses photographies. (cf. annexe 1.B p.102)

Avec un nombre croissant de contacts 1,239*,

les

photographies de Rebekka continuent à s’afficher dans le calendrier d’interestingness et incitent à une visite fréquente de sa galerie.

113

Tags populaire de _rebekka .Disponible sur http://www.flickr.com/photos/rebba/tags/ 114 Page personnelle de Miss.Aneila affichant son album intitulé ‘Multiplicity’ .Disponible sur http://www.flickr.com/photos/ndybisz/sets/72157594181883529/ 115

Recherche sur flickr. Disponible sur http://www.flickr.com/search/?z=t&w=all&q=multiplicity&m=tags

59


Ainsi, à l’été 2006, une nouvelle opportunité se présente pour l’artiste-photographe. C’est l’entreprise japonaise Toyota qui, intéressée par le style « multiplicity » de Rebekka, la sollicite pour travailler sur une publicité. Il s’agit d’un projet pour lancer la nouvelle voiture hybride Toyota Prius. Inspiré par le principe de multiplicity, c’est la double présence de Rebekka qui est cherchée pour promouvoir et souligner le multi-fonctionnement du véhicule.116 Projet publicitaire pour Toyota Prius octobre 2006

Capture d’écran de galerie de photo _rebekka117

C’est ainsi que ses photographies commencent à s’afficher en octobre 2006, sur les panneaux publicitaires de Reykjavik ( cf. annexe 1.C p.103 ) et ses alentours.118 A cette occasion charnière, Rebekka se lance de nouveau dans d’autres projets. Elle ouvre son blog et lance également son propre site officiel

qui, pour la vente en ligne, affiche un catalogue de ses photographies

signées.119En janvier 2008, pour la première fois Rebekka expose en public, à Reykjavik ses 116

Cf. Guðleifsdóttir Rebekka compte flickr Disponible sur http://www.flickr.com/photos/rebba/272533083/in/dateposted/ 117 Disponible sur http://www.flickr.com/photos/rebba/272533083/in/dateposted/ 118 Cf. Guðleifsdóttir Rebekka Blog http://rebekkagudleifs.com/blog/2006/10/ 119 Site personnel de Rebekka http://rebekka.myshopify.com/

60


œuvres déjà publiées sur flickr. (cf. annexe 1.D. p103 ) En dépit de ses nouvelles préoccupations suite à son succès comme photographe, elle continue régulièrement ses activités sur flickr, où ses publications, moins nombreuse qu’en 2005 (527 éléments par rapport à 55 éléments en 2007), ne cessent d’augmenter en valeur visuelle et d’attirer un public en constante augmentation. Tableau récapitulatif pour la fréquence de publications annuelles pour le compte de Rebekka sur flickr Année d’entrée Nombre d’éléments publiés 2005 527 2006 197 2007 55 Source : archives du compte _rebekka Mais, comment expliquer la baisse du nombre de photographies en 2007 ? Malgré le système sécuritaire et les droits de publication Creative Commons120 , les œuvres de Rebekka sont copiées de son compte flickr, et vendues en ligne sans son autorisation à deux reprises. ( cf. annexe 1.E/ F p.103 ) Le 14 mai 2007, Rebekka poste un billet sur son compte flickr, relevant la faiblesse de la plateforme. Il s’agit de 8 œuvres, copiées du compte flickr de Rebekka et publiées sans son accord, pour la vente en ligne par une agence anglaise ‘Only-Dreemin’121.

En conséquences la

communauté d’usagers flickr et le fidèle public de commentateurs du compte _rebekka, s’enflamment et animent un débat qui se transforme vite en scandale. Suite à cette polémique, l’équipe flickr supprime ce poste et ses 450 commentaires122ce qui enrage davantage la communauté flickr. Néanmoins, vu l’ampleur de la polémique et la mobilisation de la communauté, le co-fondateur de flickr Stewart Butterfield, s’excuse pour la suppression des commentaires et des photographies, non seulement à Rebekka mais aussi à la communauté de la plate-forme123. C’est dans ce contexte que, pour la première fois, la communauté des usagers 120

Voir p.38 121 Cf. Hawk Thomas, “Only-Dreemin, Fine Art thieves”, Thomas Hawk’s Digital Connections, 2007-05-14 http://thomashawk.com/2007_05_01_archive.html. Consulté le 2008-05-15 122 Cf. Guðleifsdóttir Rebekka “Freedom of expression?? Telling the truth??”Blog Rebekka Guðleifsdóttir 2007-05-15 http://rebekkagudleifs.com/blog/2007/05/15/freedom-of-expression-telling-the-truth/ Consulté le 2008-05-30 123 Cf. Le forum d’aide « flickr is censoring our photos and comments » Disponible sur http://www.flickr.com/help/forum/40074/page3/#reply213196 5-14

61


flickr se mobilise pour soutenir Rebekka, la star dont le succès est aussi connu repris dans les blogs124 et aussi par le média anglais B.B.C.125 Le vol en ligne des œuvres de Rebekka se répète l’année suivante en février 2008. Elle découvre 25 de ses photographies déjà publiées sur flickr et sur son propre site, mises en vente sans son accord sur le site d’iStockphoto126. Encore, une fois elle avertit son public de ces arnaques en ligne et poste le résumé de l’affaire sur son compte flickr. Cette fois-ci le débat se résume en 504 commentaires avec les usagers de la plate-forme, sans aucun scandale, sauf pour l’agence iStockphoto, une branche de l’agence photo internationale, Getty Images. Deuxième cas de vol en ligne

Capture d’écran de galerie de photo _rebekka127

124

Cf. Hawk Thomas, “flickr=censorship” Thomas Hawk 2007-05-15, http://thomashawk.com/2007_05_01_archive.html 125 Voir le site du B.B.C. “Yahoo censored flickr comments” B.B.C News and Technology 2007-05-18 http://news.bbc.co.uk/1/hi/technology/6665723.stm 126

Cf. Hawk Thomas, “iStockphoto’s user vulcanacar=thief” 2008-02-05 Disponible sur

http://thomashawk.com/2008_02_01_archive.html 127 Disponible sur http://www.flickr.com/photos/rebba/2243426607/

62


Ces expériences détestables n’empêchent pas Rebekka de continuer à se servir de flickr. Dans son cas, la plate-forme de partage est devenue essentielle pour son identité de star. Si elle alimente plus régulièrement son compte flickr que son blog personnel, c’est parce que son public, sa galerie et surtout sa découverte de la photographie, tous ces éléments qui la qualifient comme une photographe autodidacte, sont répertoriés sur la plate-forme. Mais comment évaluer le succès d’un artiste ? Pour un artiste, est-ce le compteur de vues qui chiffre l’audience, comme preuve de sa réussite, où bien la participation d’un public engagé ? Dans le cas du succès de Rebekka, il faut noter que malgré la publicité qu’elle reçoit de grands médias comme la presse islandaise ou anglo-saxonne, cela reste toujours par rapport à son identité construite sur flickr. Certes, la couverture médiatique amplifie la renommée de Rebekka, mais elle ne joue qu’un rôle secondaire par rapport à la construction de l’artiste-photographe. 1.2. Hughes Leglise-Bataille / Hugo* Dans l’esprit de l’innovation des usages et le détournement du dispositif flickr, la galerie photo d’Hughes Leglise-Bataille présente un exemple intéressant. Connu sur flickr par son pseudonyme Hugo*, les premiers usages de la plate-forme de ce français s’accordent bien à son fonctionnement prévu, celui de partage des photographies de vacances128. Mais après 3 ans d’usage régulier, le compte flickr de Hughes, affichant 3,131 photographies*, répertorie non seulement son parcours de photographe autodidacte, mais aussi une diversification de ses thèmes et l’émergence de l’image parasitaire.129 Alors, comment expliquer le penchant d’un banquier professionnel pour le photojournalisme ?130 A la recherche d’un moyen de partage en ligne de photos de vacance, Hughes découvre en mars 2005, flickr un site de partage gratuit et facile à utiliser.131 Ses premières publications, des photographies prises dans différents pays, sont stockées de manière pêle-mêle. Ce n’est qu’après 6 mois qu’Hughes découvre flickr sous un autre aspect. A partir de septembre 2005, il commence à alimenter son compte flickr régulièrement. Aux photographies de vacances commencent à Cf. Bataille-Leglise Hughes, profil sur flickr http://www.flickr.com/people/hughes_leglise/ 129 Voir p. 45 130 Cf. entretien avec Hughes Leglise-Bataille, 2008-03-30 131 Cf. Bataille-Leglise Hughes, intervention dans le cadre d’un témoignage pour « Enjeux de la photographie à l’heure d’internet » colloque 2007 Gens d’Images, 2007-12-07, Maison Européenne de la Photographie. 128

63


s’ajouter d’autres images prises à Paris. C’est pendant cette phase de découverte de la valeur de tags et de groupes flickr qu’Hughes commence à apprendre l’usage du dispositif. Il retouche ses images, les envoie dans des groupes flickr afin de solliciter des critiques et des conseils.132Cette phase d’expérimentation, lui révèle l’aspect communautaire de la plate-forme. L’apparition des commentaires, la fréquentation du compte augmente et les échanges se transforment en conseils.(cf. annexe 2.A p.104 ) Les photos de vacances ajoutées au compte en mars 2005

Première photo affichée dans le calendrier de l’interestingness du 9 novembre 2005133

Capture d’écran de galerie de photo Hugo*

132

Cf. Ibid. 133 Disponible sur http://www.flickr.com/explore/interesting/2005/11/09/page2/

64


Comme Hughes associe la photographie avec les promenades134, il publie des images de la ville parisienne, des rues, des immeubles et des riverains, tous commencent à faire partie de ses projets, qu’il tague et légende soigneusement même avec des traductions en anglais. Il se lance aussi dans le post traitement de ses images, surtout le cadrage. Phase d’expérimentation et cadrage

Photo affichée dans le calendrier d’interestingness du 17 novembre 2005

135

Capture d’écran de galerie de photo Hugo*

134

Cf. Cf. Bataille-Leglise Hughes, profil sur flickr Disponible sur http://www.flickr.com/people/hughes_leglise/ 135 Disponible sur http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/page166/

65


Ainsi en novembre, avec deux de ses photographies repérées par l’algorithme d’interestingness en moins de deux semaines, Hughes, encouragé surtout par des commentaires de ses contacts investit dans un nouvel appareil photo. A force de publier régulièrement des photographies sur son compte, il acquiert un public fidèle. De plus, le genre des images commence à se transformer et à diversifier le contenu de sa galerie. (cf. annexe 2.B p.104) En février 2006, des manifestations contre le CPE136 se déroulent à Paris. Hughes, ayant déjà pratiqué régulièrement la photographie de rue à Paris, photographie également ces manifestations. Il s’agit de la première apparition de l’image parasitaire137 qui s’inscrit dans sa galerie de photo flickr sans paraître choquante. De même, avec un public régulier de commentateurs francophone et anglophone, la consultation intense de ces images de la manifestation parisienne, n’échappe pas à l’algorithme de la plate-forme. (cf. annexe 2.C p.105) Photo affichée dans le calendrier d’interestingness du 8 février 2006

Capture d’écran de galerie de photo Hugo*138

136

Voir p. 45 137 Voir p. 45 138 Disponible sur http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/97247058/

66


Avec la reprise des manifestations

anti-CPE en mars 2006 à Paris, Hughes profite de son

expérience de la rue et de celle acquise sur la plate-forme. Pendant toute la période des manifestations, il publie sur son compte flickr toute une série d’images documentées, légendées et tagées. Parmi les 142 images publiées sur flickr, plusieurs de ces photographies atteignent un nombre de vues considérable et sont affichées régulièrement par le calendrier d’interestingness. En plus du succès sur flickr, ce témoignage visuel d’Hughes, équivalent du photojournalisme amateur139, est repris non seulement par des bloggeurs anglais, français parmi lesquels figure même le co-fondateur de flickr, S. Butterfield,140 mais aussi par le site de LCI.fr. Pourtant, cette circulation virale de ces images ne se limite pas seulement à la blogosphère.

Affichage des photographies CPE dans le calendrier d’interestingness du mars 2006

Capture d’écran de galerie de photo Hugo*

139

Cf. Abric Christohpe, « CPE - CPE : Quand les amateurs couvrent les événements » 2006-03-30 disponible sur le site LCI.fr Disponible sur : http://tf1.lci.fr/infos/high-tech/0,,3292956,00-cpe-quand-amateurs-couvrentevenements-.html 140 Voir p. 48

67


Le mois suivant, s l’éddition allem mande de MAX M magaziine, publie une photoggraphie de laa série CPE E d’Hughess. Il effectuue égalemennt sa premiière vente en e ligne de cette série sur un sitee américainn Salon.com m.141 Premièère publicatiion de la ph hoto CPE dans d MAX magazine, m aavril 2006

C Capture d’écran n de galerie de d photo Hugoo*142

Suite à ce c succès, H Hughes connnu désormaais « photojjournaliste amateur » ccontinue à couvrir dess événemennts à Paris comme : lee marathon en avril, laa coupe du monde de football et le tour dee France, laa montée des d Champss Elysées (ccf. annexe 2.D 2 p 105). Avec les aattentats de Londres enn juillet 2006, les grannds médias renforcent la valeur du d journalism me citoyen comme CN NN et BBC C qui ouvreent des grooupes spéciaaux sur leu urs sites maais aussi surr flickr pouur solliciterr les photoss diffusées sur la plaate-forme. Ainsi A en novembre n 22006,

les photographhies d’Hughhes sur less

manifestaations des pompiers p soont diffuséess sur le site web de CN NN Exhangee i Report.1443

141

Cf. Bataaille-Leglise H Hughes, intervvention dans lee cadre d’un téémoignage poour « Enjeux dde la photograaphie à l’heure d’innternet » collooque 2007 Genns d’Images, 2007-12-07, 2 M Maison Europpéenne de la Phhotographie. 142 Disponibble sur : http:///www.flickr.ccom/photos/huughes_leglise//116848269/inn/set-720575994084915155// 143 Capturee d’écran galeerie de photo d’Hughes d Dispponible sur :http://w www.flickr.coom/photos/hugghes_leglise/3309682459/

68


Suite à cette diffusion sur le site de CNN, l’album d’Hughes intitulé « Au feu, les pompiers » est consulté plus de 5 milles fois. Il faut noter que toutes les images sont légendées en anglais, un facteur qui contribue aussi au nombre de consultations élevées. Cependant, en mars 2007, un an après son premier reportage photo, Hughes reçoit le premier prix pour sa série du CPE de la National Press Photographers Association dans la catégorie « photo blogs amateur » (cf. annexe 2.E p. 106). Motivé par son succès, Hughes continue à documenter régulièrement les événements parisiens sur flickr. Ainsi, lors des émeutes à la Gare du Nord, ses photographies diffusées la nuit même sur flickr sont repérées et rediffusées par les sites de grande presse française : le Figaro et le Monde. Qualifié comme « le lauréat de la meilleure photo blog »144 ou bien « photographe amateur »145 cette reprise web, apporte plus de publicité à Hughes, de sorte que son album (tagé en anglais et français) affiche un nombre de vues considérable (20.000) en moins de quelques jours. Le photojournalisme citoyen: tout le monde filme tout le monde146

.

144

Suply Laurent « L’œil du web scrute la Gare du nord » lefigaro.fr 2007-11-20 Disponible sur :http://www.lefigaro.fr/presidentielle-web/20070329.WWW000000429_sur_le_web_un_autre_regard_sur_la_gare 145 Girard Laurence « les photoreporters confrontés de plus en plus aux images d’amateurs » lemonde.fr 2007-04-07 Disponible sur : http://www.lemonde.fr/cgibin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=983586&clef=ARC-TRK-D_01 146

Je traduis de l’anglais « everybody is filming each other » Leglise - Bataille Hughes Disponible sur :http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/437926551/in/set-72157600031510292/

69


Comme photoreporter, Hughes tente sa chance pendant la campagne présidentielle française et plusieurs de ses photographies flickr apparaissent encore dans le site web LeMonde.fr sous la rubrique « vos photos de la campagne présidentielle ».147 Dans l’esprit du témoignage visuel, Hughes et ses amis ouvrent un groupe « Photoreporters »148 sur flickr afin de partager des informations utiles. (cf. annexe 2.F p.107) Photographies de la campagne présidentielle affichées dans lemonde.fr

Capture d’écran des photographies du lemonde.fr

Même après les présidentielles françaises Hughes continue avec le photoreportage sur son compte flickr. En juin il décide de couvrir des événements à l’étranger et part en Allemagne pour photographier le G8. En dépit de son succès sur la plate-forme et dans la presse électronique française, Hughes choisi de diffuser ses reportages sur son compte flickr. Dans ce contexte, ce dernier s’avère plutôt comme un blog visuel, qui répertorie de l’information mais aussi des échanges. Mais il faut noter que si le compte d’Hughes est fréquenté par un public régulier, c’est aussi qu’il s’agit d’une galerie entretenue et mise à jour sans relâche.

147

Disponible sur : http://www.lemonde.fr/web/panorama/0,11-0@2-823448,32-895405@51-894775@1-6879,0.html 148 Disponible sur : http://www.flickr.com/groups/photoreporters/members/

70


Tableau récapitulatif pour la fréquence de publications annuelles flickr du compte d’Hughes Année d’entrée 2005 2006 2007

Nombre d’éléments publiés 343 1127 1214

Ainsi en 2008, Hughes part à ses propres frais, pour son deuxième reportage à l’étranger. Il part au Pakistan pour couvrir les élections présidentielles du pays. Il interview l’ancien Premier Ministre pakistanais, Nawaz Sharif et photographie le déroulement du vote des citoyens surtout à Rawalpindi (la ville de l’assassinat de la candidate socialiste Benazir Bhutto)

Capture d’écran de galerie de photo Hugo*149

149

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/2183337272/in/set-72157603613750245/

71


Pour Hughes l’expérience flickr reste un moyen intéressant d’avoir découvert la photographie, mais ce n’est pas une fin. Enthousiasmé par ses exploits il décide à étudier la photographie. Il couvre régulièrement des manifestations à Paris, récemment pour les causes des mal-logés, des sans papiers des handicapés. Certes, connu comme un photographe flickr, c’est-à- dire un photographe autodidacte la question se pose pour la pérennité d’une telle pratique. D’une part si flickr offre la possibilité à ses usagers de devenir visible auprès d’un public mondial et de certains médias, de s’engager dans des activités communautaires, d’autre part la plate-forme ne garantit pas une rémunération. De plus, même après la reconnaissance acquise sur la plate-forme, le succès d’un photographe flickr exige, comme le précise Hughes, « de se prêter au jeu des commentaires et de s’investir dans la promotion interne via les différents groupes, forums »150 afin de ne pas être oublié dans la masse des photographies publiées. Comme Hughes s’est bien entraîné au jeu d’entretenir sa galerie, grâce à une pratique régulière de la photographie et de leur publication, il n’est pas soucieux de la critique des professionnels. Au contraire, il s’entend aussi bien avec les photoreporters professionnels qu’avec les membres de son groupe de photoreporters sur flickr151. Par ailleurs, le regard porté aux contenus visuels sur flickr par les grands médias et les agences publicitaires n’est pas très rassurant pour les photographes amateurs. A plusieurs reprises, les photographies d’Hughes ont été reprises sans son autorisation et sans sa référence par d’autres sites d’information. Dans ce contexte il devient difficile de réclamer une indemnité auprès des journaux électroniques qui exploitent l’aspect numérique de ces images facilement accessibles sur la plate-forme. A partir de ces deux études de cas il est évident que le phénomène de célébrité lié à la photographie est possible dans le nouvel environnement web, même pour les gens qui ne l’exerce pas comme une profession. Dans le cas de Rebekka et d’Hughes, devenus célèbres sur flickr, l’usage régulier de la plate-forme et la production de contenu visuel auto-crée sont des éléments importants. Mais, il faut prendre en compte aussi l’aspect communautaire du dispositif qui leur a permis de participer à des discussions avec leurs contacts, d’échanger des commentaires, des conseils et même de se mobiliser comme dans le cas du soutien apporté à Rebekka. L’articulation de ces éléments, accompagné de la vive participation de Rebekka et d’Hughes, souligne d’autant 150

Bataille-Leglise Hughes, intervention dans le cadre d’un témoignage pour « Enjeux de la photographie à l’heure d’internet » colloque 2007 Gens d’Images, 2007-12-07, Maison Européenne de la Photographie. 151 Cf. Bataille-Leglise Hughes entretien 2008-03-30

72


plus l’importance d’un public participatif, dont la présence même numérique ne se réduit pas seulement à une audience capturée par le compteur de vues. Certes, les chiffres comptent pour mesurer la fréquentation de la galerie, pour son repérage par l’algorithme d’interestingness ou bien pour séduire les investissements commerciaux, mais ces chiffres seuls ne peuvent ni remplacer les interactions, ni le facteur participatif qu’offre la plateforme. Car le rôle du public est aussi important que le partage régulier du contenu auto-crée. Toutefois, le niveau d’interaction d’un public varie selon la modalité de la plate-forme en question et surtout dans le cadre du partage des images animées.

73


2. Les célébrités de YouTube : la musique amateur et la danse de motivation Les deux études de cas choisis sur YouTube se basent aussi sur l’objectif de découvrir comment les conditions de partage du contenu auto-crée, des images animées dans ces cas permettent à certains usagers de devenir célèbres. Comme les plate-formes visuelles touchent un public mondial et hétérogène, les paramètres de notre choix sur YouTube prennent en compte les critères mise en place par l’OCED152 pour le contenu auto-crée, mais également l’aspect multiculturel de ces usagers. Donc, pour l’analyse de ce phénomène, nous nous intéresserons aux chaînes YouTube d’un jeune norvégien Lasse Gjertsen (lassegg) et d’un américain Judson Laipply (judsonlaipply). 2.1. Lasse Gjertsen/ lassegg Gjertsen, un jeune norvégien, réalise son premier vidéo-clip pendant ses études à Kent Institute of Art & Design. En 2003, fasciné par ses études d’art et d’animation, il prépare pour son projet universitaire « Hyperactive » une compilation de vidéo-clips, montés avec la technique d’arrêt de caméra, dans lequel

il produit des sons rythmiques (Beat Boxing) sans aucun support

d’instruments musicaux. Mais ce clip est vite rejeté par son professeur à Kent.153 Déçu par le rejet académique en Angleterre et en Norvège, mais pas du tout découragé, Gjertsen n’abandonne pas son projet d’animation. Ainsi le 8 mai 2006, il ouvre un compte YouTube sous le pseudonyme de lassegg (une chaîne simple) où il publie son premier clip intitulé « Hyperactive - Lasse Gjertsen » dans la catégorie Film&Animation. Mais Gjertsen n’est pas le seul à publier son clip, le jour précédent de sa mise en ligne, son clip est déjà publié dans la catégorie Divertissement sur une autre chaîne de YouTube par champaR, qui pourtant précise que le véritable auteur est Gjertsen et donne un lien vers la chaîne de l’artiste.154 Gjertsen commence à alimenter régulièrement sa propre chaîne en publiant tous ses autres clips d’animation. Mais c’est son premier clip « Hyperactive -Lasse Gjertsen » qui suscite le plus d’intérêt auprès du public de la plate-forme. Quelle est la spécialité de ce clip ? Il s’agit d’une séquence de 2 :06 minutes qui est une compilation d’enregistrements échantillonnés. Gjertsen ne

152

Voir p. 53 153 Cf. Rutkoff Aaron « An Unrefined Musician uses Stop6Motion Video to Play a Catchy Tune” Amateur Night,, TIME WASTER 2006-12-12, The Wall Street Journal Disponible sur: http://online.wsj.com/public/article/SB116581381680846327-u6NlXOnRBxZ6qCKc4WoFeWQ_wgo_20071212.html 154

Cette mise en ligne du clip de Gjertsen par un autre usager YouTube un jour avant ne peut être vérifié que d’après les dates de publication qui figurent sur la plate-forme.

74


pratique pas d’instrument de musique et surtout pas la batterie, mais avec sa bouche il produit les sons d’une batterie qu’il mélange avec d’autres sons ou bruits. Le clip commence sans aucune introduction et s’ouvre sur un plan d’ensemble : un mur avec quelques autocollants, un décor statique tout au long du clip. Gjertsen entre dans le champ par la droite et s’assied devant le caméscope fixe. Suite à son entrée, le titre du clip « Hyperactive » apparaît en fondu enchaîné sur un plan de demi-ensemble. Gjertsen montre son malaise et son incertitude en se raclant la gorge et en toussant avant de commencer sa performance de boîte en rythme « Beat Box » qui se déroule en plans successifs. Il s’agit d’un montage cut rassemblant un mélange d’échantillons enregistrés en gros plan et en plan rapproché. Avec cet agencement répétitif des plans et des bruits, Gjertsen réussit à monter un clip dans lequel ses bizarres expressions de visage

accompagnées des bruits s’articulent parfaitement pour produire une

séquence rythmée. Pour donner l’impression d’une performance en continue, Gjertsen feint de bâiller au bout de 47 secondes, avant de reprendre avec intensité, sa performance montée.

Capture d’écran du clip original « Hyperactive » chaîne de lassegg155

155

Gjertsen Lasse « Hyperactive » 2006. Disponible sur : http://fr.youtube.com/watch?v=o9698TqtY4A

75


D’ailleurs, il explique dans les informations supplémentaires qu’il s’agit d’un Beat Boxing monté, car ses objectifs principaux en réalisant ce clip sont le montage et l’animation. Le clip se termine avec le nom de l’auteur et précise que tout a été réalisé par Gjertsen. De plus, le sigle KIAD (Kent Institution of Art & Design) 2005, confirme le fait qu’il s’agit bien d’un travail demandé par l’institution. Depuis sa mise en ligne en 2006, ce clip a été visionné plus de 11 millions de fois sur la chaîne de champaR et plus de 4 millions de fois sur la chaîne de lassegg. En plus de ce nombre de vues considérable sur la plate-forme, ce clip a également généré des parodies par d’autres usagers YouTube. (cf. annexe 3. A p.108) Il s’agit de clips qui reprennent le même décor en caricaturant les expressions et les bruits de Gjertsen. Il est intéressant de noter que la plupart des parodies reprennent les principes d’un décor statique et d’absence de langage ou de commentaire oral. A partir de ce constat, il est possible d’imputer le succès du clip à son caractère de film muet, sans parole donc compréhensible même auprès d’un public mondialisé comme celui des plate-formes visuelles.156 Ce sont les images animées accompagnées d’une illustration musicale, bien que dans le cas d’Hyperactive il s’agisse plutôt du rythme issu d’un montage, qui font le spectacle. Sur le plan technique et visuel il existe une forte similitude entre le clip de Gjertsen et celui d’une autre célébrité de YouTube Noah Kalina. Le clip « Everyday » de Kalina, un photographe professionnel, est aussi basé sur le principe du montage. Il s’agit d’une séquence courte de 5’45 minutes, compilée de 2356 images, toutes des auto- portraits du photographe. Ces photographies de Kalina, prises tous les jours entre janvier 2000 et juillet 2006, affichent un contraste hallucinant entre l’absence d’expression de son visage dans un environnement en mouvement perpétuel, accompagné d’une illustration musicale originale.157 (cf. annexe 3.B p109) Si, pour Kalina, c’est la fixité de son regard dans un arrière plan chaotique qui crée un effet puissant en se substituant à la parole, au contraire, pour Gjertsen, ce sont ses grimaces et ses bruits dans un décor fixe et calme qui font ressortir l’effet expressif de son montage.

156

Cf. Gunthert André « Images sans Parole : les nouvelles œuvres du web » Actualités de la Recherche en Histoire Visuelle, 2007-11-25. Disponible sur : http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/11/25/564-les-nouvelles-oeuvresdu-web 157 Ibid.

76


Séquence « Hyperactive -Lasse Gjertsen »

36 Photogrammes issus du clip « Hyperactive- Lasse Gjertsen » Voir annexe 3 C p.

77


A part les parodies générées sur la plate-forme, la musique issue du montage d’Hyperactive est reprise par la chaîne américaine de dessins animés Cartoon Network. En août 2006, juste 2 mois après la mise en ligne de ce clip sur YouTube, Cartoon Network reprend la séquence musicale et les mimiques de Gjertsen, sans son autorisation, pour le spot d’un dessin animé « Foster’s Home for Imaginery Friends » C’est un autre usager de YouTube qui met en ligne, sur sa chaîne, un extrait du clip adapté au dessin animé.158 (cf. annexe 3.C p.110) Néanmoins, lors du « YouTube Video Awards 2006 », le talent de Gjertsen est reconnu officiellement et « Hyperactive » est nommé en troisième position pour la catégorie Film et Animation. Durant sept mois Gjertsen publie 16 vidéo-clips sur sa chaîne, parmi lesquels « Hva faen, Spiel ?Lasse Gjertsen » est affiché dans la sélection de clips choisis pour la page d’accueil de la plateforme. Mais c’est son dernier clip intitulé « Amateur - Lasse Gjertsen », publié le 7 novembre 2006 qui l’a rendu plus célèbre. Ce clip « Amateur » est une séquence montée de 3 :13 minutes qui commence sans aucune introduction et s’ouvre sur le décor d’un sous- sol où se trouve une batterie. Gjertsen entre dans le champ par la droite, il est habillé en costume de maestro, prêt pour diriger un orchestre. Suite à son entrée, le titre du clip « Amateur » apparait en fondu enchaîné. Gjertsen, en plan de profil, s’assied, prend les baguettes en main, et commence à

jouer

maladroitement de la batterie. Le positionnement de son corps montre son malaise devant l’instrument qu’il frappe sans cesse. Après sa performance en solo à la batterie, qui ne dure que 1 :25 minutes, il apparaît brusquement au premier plan et frappe un triangle pour obtenir une sonnerie d’horloge comme pour annoncer un intervalle. A ce moment, l’écran se divise en deux, il s’agit de la technique polyptyque « Split Screen » dans le domaine de l’audiovisuel pour créer l’élément de la simultanéité. C’est le double de Gjertsen qui apparaît sur le deuxième cadre. Ce clone, habillé en short rose, s’approche d’un piano, s’assied et commence à fouiller les touches du piano alors que le joueur de batterie reprend son jeu. Ce duo de batterie et de piano continu jusqu’à la fin, sauf quand à un moment donné le joueur de batterie s’arrête pour une pause cigarette, alors que le clone continue à jouer du piano. A la fin les deux joueurs s’arrêtent en même temps, se lèvent et sortent par la droite du champ. Encore une fois le clip se termine avec le

158

Cf. « Bloo Box Beat » Disponible sur la chaîne YouTube de BRKNZELECTRIBUGALUSR 2006-06-30 Disponible sur : http://fr.youtube.com/watch?v=pUx4cWZXFJo

78


nom de Gjertsen et un démenti précisant le fait qu’il s’agit d’un montage chronologique comme Gjertsen est incapable de jouer du piano ou de la batterie.

Capture d’écran du clip original « Amateur » chaîne de lassegg159

En plus de cette explication insérée dans le clip, Gjertsen décrit dans les informations supplémentaires, qu’il s’agit d’instruments prêtés par ses amis. Il défend l’originalité de son travail de montage contre les accusations d’avoir copié la technique de Michel Gondry et son clip « Drum and Drumber »160 (cf. annexe 3.D p.111) Le montage de cet enregistrement échantillonné de 40 samples de batterie et de 130 de piano a été fait en boucle par Gjertsen. D’ailleurs, il affirme que ce travail de montage en boucle et son enregistrement lui a pris seulement 2 jours.161 Depuis la mise en ligne d’ « Amateur » dans la catégorie Film et Animation sur YouTube, ce clip est vu plus de 8 millions de fois tout en générant une reprise de parodies sur la plate-forme.(cf. annexe 3.E

159

Gjertsen Lasse « Amateur » 2006. Disponible sur : http://youtube.com/watch?v=JzqumbhfxRo 160 Gondry Michel 2006-11-26. Disponible sur : http://fr.youtube.com/watch?v=VaB_Do8HV2c 161 Op.cit Rutkoff Aaron

79


p.112) Comme le premier succès d’animation de Gjertsen, ce clip recourt aux même principes d’animation d’arrêt de caméra et à l’absence de commentaire oraux. Séquence « Amateur - Lasse Gjertsen »

42 Photogrammes issu du clip « Amateur - Lasse Gjertsen »

80


Suite à ce clip, Gjertsen, désormais reconnu pour son don du montage, produit son propre album de musique électronique monté. La même année il commence à collaborer avec d’autres artistes et réalise en 2007 une série de vidéo clip pour le violoncelliste italien Giovanni Sollima.162 En 2007, il travaille également avec le rappeur suédois Timbuktu pour son vidéo clip « Get Fizzy » qui sera diffusé sur MTV. Suite à la publication de son entretien dans le Wall Street Journal en décembre 2006, Gjertsen apparaît dans la liste de « List of YouTube Celebrities », un article publié sur Wikipédia qui signale tous les usagers de YouTube devenus célèbres sur la plate-forme. Gjertsen impute son succès et sa reconnaissance auprès des professionnels au clip « Amateur »163 Mais qu’est-ce qui fait que la chaîne de lassegg devient la 73ème chaîne d’abonnés de la plate-forme ? « Amateur » et « Hyperactive » restent les œuvres les plus vues, les plus discutées et les plus parodiées de Gjertsen parmi le mélange de 22 clips (animations et dessins animés) aussi amusants

que

controversés comme « Det Ultimate Selvmord »164 publiés sur son compte. Dans le cadre de la production du contenu auto-crée les clips de ce jeune vidéaste s’avèrent très originaux, mais ses techniques de montage et d’arrêt de caméra mélangées avec une illustration musicale ne sont guère des techniques nouvelles. Si le succès des clips de Gjertsen relève des techniques d’animation et de montage du contenu visuel, renforcé par l’absence de la parole, dans ce contexte son travail ne s’éloigne pas des premiers trucages cinématographiques. Certes l’usage des logiciels de montage accélère la réalisation de clips numériques, mais l’idée maitresse de ces montages qui cherchent à créer une réalité invraisemblable par le biais des apparences, ne se modifie pas. Gjertsen n’est pas musicien, mais avec ses techniques de montage et ses trucages numériques il réussit parfaitement à faire croire le contraire, de sorte que ses expertises dans le domaine de vidéo montage et animation sont sollicitées par des musiciens professionnels.

162

Ibid. 163 Ibid. 164 « La Suicide Ultime » , il s’agit d’un clip issu d’un montage, publié le 24 janvier, 2008. Suite à cette publication le profil de Gjertsen a été temporairement supprimé sur YouTube.

81


2.2. Judson Laipply / judsonlaipply Le succès dans le domaine du sketch humoristique n’est pas inconnu de Judson Laipply, un jeune comédien américain, conférencier spécialiste de la motivation. Mais dans le contexte de célébrité d’internet et de YouTube, Laipply est connu plus pour sa danse que pour son discours stimulant. Le 6 avril 2006, Laipply met en ligne un vidéo-clip de sa performance enregistrée à la fin d’une de ses conférences qu’il clôt toujours par un sketch dans l’esprit d’ « Inspirational Comedy ». Laipply qui n’envisageait pas la publication de son clip en ligne finit par le mettre sur YouTube, suite à la demande de deux jeunes étudiants qui le contactent sur MySpace et veulent partager la danse de l’artiste avec leurs amis en ligne.165 Au cours d’un mois, le clip de Laipply intitulé « Evolution of Dance » produit un phénomène tout à fait inattendu. Avec plus de 20 millions de vues sur YouTube, la consultation virale de ce clip projette Laipply sur le devant de la scène médiatique. Ainsi, le 5 juin 2006, la chaîne de télévision abc Good Morning America est la première à parler de Laipply en référence à son clip sur la plateforme visuelle. Le lendemain matin NBC Today invite Laipply pour un entretien durant lequel il présente en public une séquence de sa fameuse danse déjà consultée en ligne. Le même mois le magazine Rolling Stones publie un article sur la réussite du comédien et de sa danse dans leur édition du 29 juin. En plus de cette couverture médiatique « Evolution of Dance » continue à générer une consultation virale en ligne, affichant 60 millions de vues en novembre 2007 pour atteindre plus de 87 millions en juin 2008 sur YouTube. Comment expliquer le succès viral de ce contenu visuel qui ne cesse de stimuler l’intérêt des usagers de la plate-forme ? Il s’agit d’une séquence de 6 minutes enregistrée en continu à la fin d’une de ses conférences où il cherche toujours des moyens différents pour engager son auditoire à réfléchir sur leur propre vie. Dans le contexte de « Evolution of Dance », il parvient à son but en résumant son discours sur le changement dans la vie par une danse sur un « medley » de chansons célèbres. Le clip s’ouvre sur l’humoriste, debout au centre de la scène, sous les projecteurs. En surimpression apparaissent son nom et le titre de la danse. Une voix -off annonce le titre du clip et le spectacle commence. Il s’agit d’un « medley » préparé avec 30 extraits de 28 tubes américains qui commence par la chanson « Hound Dog » d’Elvis Presley (1950) et se termine par la chanson 165

Cf. Laipply Judson, entretien diffusé sur le site MSNBC.com Video Entertainment Section TODAY’S SHOW, 2006-06-06

82


« Bye, Bye » du groupe Sync (2002). (cf. annexe 4.A p. 113 ) La transition chronologique d’une chanson à l’autre permet à Laipply d’interpréter des mouvements de danse qui évoluent avec chaque tube. L’aspect ludique de cette interprétation caricaturale est renforcé par les cris de joie des spectateurs. Ainsi, il illustre sa théorie sur les changements qui se produisent dans une vie à travers l’évolution des mouvements de danse d’un demi-siècle. A la fin de sa performance, le comédien sort du champ par la gauche sous par les applaudissements.

Capture d’écran du clip original « Evolution of Dance » de judsonlaipply166

Le principe du spectacle de Laipply est simple : absence de parole et choix de tubes américains connus mondialement, accompagnés d’une drôle de danse qui se déroule dans un décor simple.

166

Laipply Judson « Evolution of Dance » 2006. Disponible sur http://fr.youtube.com/watch?v=dMH0bHeiRNg

83


Séquence « Evolution of Dance »

56 Photogrammes du clip « Evolution of Dance »

84


D’après les critères de l’OCED167 concernant le contenu auto-crée, ce sketch repose plus sur l’aspect créatif de Laipply et sur l’originalité du remix des chansons déjà connues au niveau mondial. A partir de ce constat, la créativité de l’artiste inspiré par l’emprunt du contenu culturel existant peut être comparée au génie de Walt Disney.168 En 1928, la réunion du son avec des images animées par Disney, dans son premier dessin animé parlant « Steamboat Willie » repose sur la combinaison de la musique inspirée du film classique de Buster Keaton « Steamboat Bill, Jr. » avec ses dessins animés de Mickey Mouse.169 (cf. annexe 4. B p.113) Selon Lawrence Lessig, si la culture de permission, ce qu’il nomme le système de copyright complet, ne s’adapte pas aux nouvelles conditions de publications numériques en ligne, les conséquences d’un règlement rigide seront graves pour la production créative de culture. Il est important de noter que les chaînes de télévision américaines abc et surtout NBC font référence au succès de Laipply sur YouTube suite à leur partenariat officialisé avec la plate-forme au mois de juin 2006.170 Suite à la popularité de « Evolution of Dance » sur YouTube, Laipply ouvre un site officiel « Life is Change »171 sur lequel s’affichent des informations sur le comédien, la liste des chansons du « medley », sa couverture médiatique et la vente en ligne de T-shirts. Mais c’est sur la plateforme que les reprises et les parodies du clip original commencent à être publiées. Une fois de plus, la diversité des reprises et des parodies, interprétées en scène, en solo, en groupe, à la fin d’un ballet, chantée pour des spectacles ou bien devant une webcam, soulignent à la fois la simplicité du clip original et son adaptabilité aux différentes situations. Est-ce c’est le « medley » ou la danse de Laipply qui génèrent ces reprises ? Certains analysent le clip comme un film muet avec une bande son célèbre172 mais, comme l’indiquent les reprises et les parodies en animation ou en live, c’est aussi la facilité de pouvoir partager ces reprises sur la plate-forme qui initie un cycle d’emprunt et d’appropriation témoignant du succès de Laipply. 167

Voir p. 53 168 Cf. Lessig Lawrence « Free Culture- How Big Media uses Technology and the Law to lock down Culture and creativity » 2004 p.23 Disponible sur: http://en.wikipedia.org/wiki/Free_Culture_%28book%29 169 Ibid. 170 Disponible sur http://fr.youtube.com/press_room_entry?entry=c0g5-NsDdJQ 171 Le site official de Judson Laipply Disponible sur : http://lifeischange.com/ 172 Cf. Heffernan Virginia, « The Breakthrough of That Dance Video, the Future of YouTube and the Wisdom of Google » 2006-10-17 Disponible sur: http://themedium.blogs.nytimes.com/2006/10/17/the-breakthrough-of-thatdance-video-the-future-of-youtube-and-the-wisdom-of-google/

85


Le 6 novembre 2007, Oprah Winfery173 animatrice de son propre talk-show « The Oprah Winfery Show » dédie une émission entière à YouTube, ses fondateurs et ses célébrités. Judson Laipply fait partie des invités. Il faut noter que c’est lors de cette émission que toutes les célébrités de YouTube sont rassemblées pour la première fois à la télévision. Laipply est la seule vedette sollicitée pour présenter son numéro sur le plateau. Laipply est le titulaire du clip le plus vu et le plus commenté (réponses écrites et vidéos) sur YouTube. Il est donc étonnant qu’un tel succès avec 27.773 abonnés et 1. 263.383 de vues, soit obtenu avec seulement 2 vidéo-clips. Son deuxième clip intitulé « Evolution of Dance 2 is coming » mis en ligne le 7 février 2008, est en fait un pré-clip, une préquelle dans lequel Laipply annonce la réalisation en cours d’une deuxième danse. Il dévoile aussi quelques chansons de son prochain « medley » tout en soulignant les bienfaits d’un nouveau système de musique Sonos. Ce deuxième clip, une séquence de 3 :25 minutes, ouvre sur Laipply dans sa maison. Il s’introduit comme le créateur et danseur d’Evolution of Dance et annonce le lancement de son prochain clip dans peu de temps. Il précise brièvement le problème des droits d’auteur pour les chansons. (Laipply peut danser sur son medley, mais il n’a pas le droit de vendre l’enregistrement de sa performance) Ensuite, il vante l’usage facile de Sonos, qui lui permet de s’entraîner dans n’importe quelle pièce de sa maison. Après cette publicité, Laipply montre quelques mouvements de danse sur 4 extraits de différents tubes américains. Le clip se termine avec un rappel du que de Sonos dont le site web apparaît sur l’écran au-dessus du propre site de l’artiste. Laipply termine en rappelant que tout le monde peut danser. Il existe déjà plusieurs vidéo-clips sur YouTube qui reprennent le titre « Evolution of Dance 2 ». C’est un signe positif pour l’artiste et une confirmation de l’attente du public pour sa prochaine performance. Néanmoins, il faut rappeler qu’il existe sur la plate-forme, d’autres clips de la fameuse danse de Laipply enregistrée lors de ses conférences, mais les reprises et les remixes ne caricaturent que son premier clip. (cf. annexe 4.C p.114)

173

Le 1 novembre 2006 Oprah lance sa propre chaîne de directeur sur YouTube.

86


Capture d’écran du deuxième clip de Judson Laipply174

Dans le cas de ces deux célébrités choisies sur YouTube, la construction de leur succès implique peu l’usage régulier du dispositif contrairement aux deux photographes que nous avons étudié sur flickr. Pourtant, il s’agit d’un apprentissage rigoureux particulier à la réalisation de clips, comme le montage, la scénographie et l’animation dans le cas de Gjertsen et l’entraînement physique et les compétences humoristiques dans le cas de Laipply. Comme pour tout artiste c’est à l’aune de sa performance que les spectateurs évaluent et participent à la construction de sa popularité, de la même manière sur YouTube, le nombre de vues n’influent qu’indirectement sur le succès du contenu visuel auto-crée. La participation active des usagers est nécessaire et dans le cas des vidéo-clips, comme la plate-forme offre la possibilité de répondre par des commentaires vidéo, ce sont les reprises des œuvres et leurs parodies qui apportent la renommée en plus d’une audience temporaire.

174

2008-02-07. Disponible sur : http://fr.youtube.com/watch?v=61heClTFc5w

87


3. Le succès : l’effet du vedettariat et le mélange du ludique et de l’information L’outillage technique et les usages sociaux des plate-formes visuelles montrent la possibilité de la création, de la publication et de la diffusion du contenu auto-crée par les usagers. Le développement du phénomène de succès rencontré par certains créateurs/ usagers sur les deux dispositifs flickr et YouTube, signale aussi la différence dans la production de ce phénomène. Dans le contexte de flickr et de YouTube la création du contenu ludique et sa diffusion en parallèle de spots publicitaires n’amènent-ils pas à la plasticité de leurs services ? La cohabitation du ludique et de l’information de à l’émergence de l’image parasitaire, diversifie les options d’usage du dispositif, mais ce mélange ne risque-t- il pas de brouiller les objectifs premiers de ces plate-formes ? Les pratiques d’amateurs vis-à-vis de la production du contenu visuel auto-crée n’ont-elles pas déjà déstabilisé le système traditionnel de la production culturelle ?175 Bref, la culture d’amateur avec ses célébrités et leur public ne va-t-elle pas embrouiller le statut d’un artiste professionnel par rapport aux amateurs devenus célèbres sur internet?176 Ces questions et ces incertitudes obligent à revoir la modalité du phénomène de succès et son évaluation. La popularité des usagers célèbres de flickr et de YouTube, comme notre étude de cas l’indique, ne s’est pas construite du jour au lendemain, ni sans la participation d’autres usagers de la plateforme. Ainsi, dans ce contexte l’effet de rumeur ou de buzz177 comme le précise Froissart est issue et « possible à l’aide de la participation des internaute/ usagers venus regarder le produit initial » Certes, les plate-formes visuelles ont mis en place un dispositif afin de pérenniser et d’encourager les bouffées d’audience comme le compteur de vues, les commentaires, l’algorithme d’interestingness sur flickr, le système d’avis sur YouTube, mais à tout cet arsenal d’outils s’ajoute également l’aspect participatif dont le résultat, bien qu’il soit initié à travers des échanges numériques, s’est concrétisé dans un effet de reprise tangible non seulement pour ces créateurs mais aussi pour le dispositif. De plus, il ne faut pas oublier que suite au succès de ces usagers sur les plate-formes visuelles, les grands médias comme la Télévision et la Presse (surtout électronique) n’ont pas tardés à faire écho à leur réussite.

175

Voir p. 15- 16 Napster/ Wikipédia 176 Cf. Keen Andrew « The Cult of the Amateur » How Today’s Internet is Killing our Culture and Assaulting Our Economy » 2007, Nicholas Brealey Publishing 177 Froissart Pascal « Buzz, bouffées d’audience et rumeur sur Internet » dossier p.86 MédiaMorphoses n° 21 2007

88


La remise en question du rôle des plate-formes seules, vues comme des industries du buzz, sans s’interroger sur la participation et la reprise de ce buzz issu du web par les grands médias ne se justifie pas. Avant d’aborder l’effacement des distinctions entre un professionnel ou un créateur amateur dans le domaine de la création et de l’enregistrement des images fixes et animées, ne fautt-il pas aussi prendre en compte que les conditions de production et de la circulation du contenu visuel ne sont plus les mêmes dans le nouveau paysage web.178 Si le mélange du contenu auto-crée en dehors d’un cadre professionnel ou commercial, se fait implicitement

(dans le cas d’anonymat) ou bien explicitement avec le contenu publicitaire,

comme sur YouTube179, il ne faut pas croire que ce mélange soit consommé passivement. La possibilité de vérifications à travers les commentaires, les métadonnées qui signalent la provenance du contenu et d’autres moyens de contre-vérification sont à la disposition des internautes. C’est justement l’usage de ces outils en ligne que les internautes peuvent utiliser pour passer d’un statut passif d’audience à un véritable public engagé qui possède les moyens participatifs d’interagir aux débats en ligne. En plus, comme le signale Benkler, c’est la production amateur de l’information, du savoir et des biens culturels qui sensibilise les usagers à un effort conscient de vérification afin d’avoir un jugement provisoire sur ce qu’ils reçoivent comme information. Dans le contexte du contenu auto-crée, comme nos cas l’indiquent, le phénomène de popularité n’est pas dépourvu de la motivation. Les phases de découverte et d’expérimentation du dispositif accompagnées d’une pratique régulière sur la plate-forme, sauf dans le cas de Laipply, valident l’esprit de découverte des usagers devenus célèbres mais seulement suite à leur effort créatif. Si ce parcours d’auto-apprentissage est sans valeur vis-à-vis des formations professionnelles, alors comment expliquer l’intérêt que cette popularité déclenche chez les grands médias? Dans le monde professionnel le succès d’un artiste peut se mesurer par le nombre de zéros sur le chèque mais la popularité d’un artiste ou de ses œuvres sur les plate-formes visuelles se mesure plutôt par son public, leurs commentaires et la reprise de leur réussite par les grands médias. Ce succès peut-il modifier l’artiste et la plate-forme ? 178

Voir p. 8 179 Cf. Keen Andrew « Authors @ Google » dans le cadre du lancement de son livre « The Cult of the Amateur » 2007-06-05. Disponible sur : http://fr.youtube.com/watch?v=lN_n7I0PM3w

89


3.1. Les Effets du succès pour les usagers devenus célèbres Les usagers de notre étude de cas sur flickr Rebekka Guðleifsdóttir et Hughes Leglise-Bataille poursuivent leur usage de la plate-forme. Malgré leur succès, ces deux photographes autodidactes continuent à développer leur pratique photographique. A force de mettre régulièrement leurs œuvres, ils commencent à améliorer leur style qui attire un nombre signifiant de commentateurs. Ainsi, leur public s’agrandit180 se renouvèle, les commentaires ne s’arrêtent pas et les échanges continuent. Mais il faut noter qu’il s’agit aussi de la reprise de popularité de ces deux par les médias traditionnels, d’abord par les médias anglo-saxons et après par leurs médias locaux. Un autre facteur qui contribue à leur popularité est le fait que Rebekka et Hughes depuis le début taggent et légendent leur photographies en anglais et le font toujours. De plus les reportages d’Hughes se font aussi en français. Dans le cas de YouTube, les créateurs de contenu sont également les acteurs. Gjertsen et Laipply font des « one man shows » donc l’œuvre visuelle est aussi une auto représentation, et comme il s’agit du spectacle enregistré, monté ou en continu, le rôle du corps et la personnalisation deviennent très important. Pour Gjertsen, le succès dans l’animation lui apporte de nouvelles opportunités de travail, il continue avec ses travaux d’animation et de scénographie pour des musiciens professionnels. Cette popularité ne l’empêche pas de publier ce travail sur sa chaîne de YouTube. De plus, il précise dans son profil qu’il ne souhaiterait pas travailler pour la publicité.181 Au contraire, depuis la mise en ligne de sa danse Laipply, un show man entraîné, découvre non seulement un plus grand public mais aussi des admirateurs qui parodient et interprètent sa performance non seulement pour la partager sur la plate-forme mais aussi sur scène, dans des situations réelles comme les spectacles d’école ou des mariages. Il est surprenant que les admirateurs de la danse de Laipply se l’approprient et l’interprètent à plusieurs occasions avant de la partager sur la plate-forme.

180

Contacts de _rebekka 1.240 et témoignages flickr : 55 vérifié 2008-06-10 Disponible sur :http://www.flickr.com/people/rebba/ Contacts de Hugo* 545 et témoignages flickr : 10 vérifié 2008-06-10. Disponible sur :http://www.flickr.com/people/hughes_leglise/ 181 Page d’accueil de la chaîne de lassegg. Disponible sur : http://fr.youtube.com/user/lassegg

90


Néanmoins, le mélange de la publicité avec le travail de ces artistes comme dans le cas de Rebekka et Laipply pour des entreprises bien établies et connues mondialement : Toyota et Sonos relève un aspect intéressant de leur succès. A partir de ce constat l’effacement de la distinction entre un professionnel et un artiste amateur n’est plus valable, car ce nivèlement est imposé par un système commercial mais tout de même après leur popularité sur la plate-forme.

3.2. Les Effets du succès pour les plate-formes Dans le web ou en dehors de son environnement les artistes de flickr et de YouTube, suite à leur nouvelle identité de vedette, sont toujours référencés comme les stars de la plate-forme. L’audience, en plus du public que les œuvres visuelles de ces stars génèrent, augmentent également la visibilité des diffuseurs/hébergeurs de ce contenu. L’outillage technique qui soutient les activités sociales, les échanges et les commentaires, ont pour but de séduire les annonceurs de publicité. Sur YouTube la différence entre le contenu publicitaire et le contenu auto-crée se distingue à partir des concours organisés ou du type de chaîne d’un usager. Mais quand les célébrités indépendantes intègrent la promotion des produits dans leurs œuvres, comme dans le cas de Laipply et de Rebekka, ils augment leur possibilité de devenir plus visibles auprès du trafic de ces plate-formes. Dans le contexte du contenu auto-crée si les plate-formes offrent une visibilité du talent des amateurs à un faible coût ou gratuitement, il ne faut pas ignorer le fait qu’avec cette visibilité des artistes, les plate-formes se projettent également. Un vidéo-clip de YouTube affiche toujours son logo en filigrane et chaque photographie de flickr citée dans un blog renvoie automatiquement à la galerie du titulaire d’un compte. De plus, le mélange de l’information et du ludique, comme dans le cas de l’image parasitaire, peut nuancer les objectifs de ces plate-formes. Ce mélange dont les usagers seuls sont responsables, risque de reproduire l’effet d’« infotainement »182 qui malgré sa courte temporalité, est répertorié dans les archives du système 182

Terme anglais dont la définition « Media products, especially television, that mix information and entertainment. Various methods are used from dramatic reconstructions of historical events using actors to employing a great deal of visual illustration(docudrama).The term is often used slightingly by people who believe that the mixture of fact and fiction risks confusing viewers, misrepresenting matters of fact and lowering standards of factual journalism. The

91


accessible par le moteur de recherche de la plate-forme. Dans ce contexte une des hypothèses de Keen concernant les amateurs se confirme, car ils subissent une exploitation de la part des nouveaux médias, exploitation dont ils ne sont pas conscients, faute de posséder des compétences analytiques dans ce domaine. Mais peut-on devenir compétent dans l’analyse des nouveaux médias, en pleine mutation, sans les pratiquer ? Comme l’indique Benkler, les ressources pour la création et la diffusion des biens culturels, originaux ou remixés, sont déjà à la portée d’une population mondiale. Certes, la distribution inégale de ces ressources, entre les pays à économie avancée et les pays en voie de développement, sous les régimes totalitaires ou sans alimentation électrique stable, influencent le degré et l’intensité de la participation des amateurs au niveau mondial. Mais il faut se rappeler aussi que ces plate-formes visuelles, comptant de plus en plus d’abonnés, et donc une quantité énorme de contenu crée, offrent également à leurs usagers la possibilité d’évaluer, de contre vérifier et de discuter les œuvres en ligne de manière à les consommer tout en pouvant les évaluer. Cependant, le nombre croissant des usagers risque de présenter un véritable défi pour les célébrités. Bien que la popularité des ces usagers célèbres soit reconnue elle ne s’éternise pas avec la mise en ligne de seulement quelques contenus spectaculaires. C’est pourquoi un usage régulier du dispositif est nécessaire pour maintenir le contact avec le public, Laipply faisant exception à la règle. Les interactions sociales assurées par les plate-formes peuvent donner lieu à une culture de la convergence qui se base sur la notion d’intelligence collective.183 Le partage de l’information produite par différents usagers sur des sujets divers se fait majoritairement dans le but de divertir. Mais on peut espérer que ce partage non-éditorialisé du contenu auto-crée puisse entraîner des usagers/amateurs à modifier leurs usages de ces plate-formes afin de les transformer en véritables sources alternatives d’information contre le seul pouvoir des médias traditionnels.

opposite point of view is that an entertaining method of presenting factual material helps the audience to grasp what is being said. Abercrombie Nicholas, Longhurst Brian “Dictionary of Media Studies”, 2007 183 Cf. Jenkins Henry « La Culture de la convergence » Extrait de l’Introduction « Un nouveau paradigme pour mieux comprendre l’évolution des média » p.35 Média Morphoses dossier n°21. 2007. Le terme de ‘Intelligence Collective’ proposé par le cyber théoricien français Pierre Lévy.

92


Conclusion L’analyse de flickr et de YouTube, dans le contexte de nos études de cas concernant les producteurs de contenu auto-crée sur ces deux plate-formes visuelles, permet de comprendre l’actualité de l’image numérique fixe et animée. Le développement et les avancées techniques dans les domaines du réseau d’internet, des appareils d’enregistrement audiovisuel et l’émergence des plate-formes d’abonnement gratuit, ont réduit considérablement les barrières à la production et diffusion en ligne de ces œuvres. La mise en place d’un outillage multifonction et socio-technique comme le tag, l’organizr, le code en html, les commentaires écrits et vidéo, facilite davantage l’emploi de ces plate-formes tout en soulignant leur aspect participatif. A partir de ces éléments, les divers usages du dispositif et leur détournement révèlent aussi les nouvelles conditions permettant de devenir célèbre pour certains usagers qui acquièrent une forte visibilité. Ce phénomène de célébrité qui se construit en plusieurs étapes sur la plate-forme dépend des pratiques des usagers et varie d’un dispositif à l’autre. Comme notre étude de cas sur flickr concernant les photographes autodidactes Rebekka et Hughes l’indique, c’est la pratique régulière de la photographie et de sa mise en ligne accompagnée de jeu de commentaires qui s’avèrent importants pour la construction d’une certaine visibilité auprès du dispositif (le système d’interestingness) et de ses usagers. Or, il faut noter que l’usage pédagogique de ces plate-formes est un moyen pour devenir visible et non pas une finalité. Dans le cas de Gjertsen et de Laipply l’échange de commentaires ne détermine par leur succès sur YouTube. Celui-ci bénéficie plutôt des parodies et des vidéo-clips similaires qui s’ajoutent à leur œuvre originale et valorisent leur renommée. L’absence de l’aspect vernaculaire de ces œuvres visuelles sans parole permet leur visionnement par un public hétérogène et international. L’étape suivante pour la construction de leur popularité s’accélère avec la reprise de leur œuvres par les grands médias. Le rachat de flickr et de YouTube par Yahoo ! et Google augmente le poids médiatique de ces plate-formes en leur conférant un rôle économique et cela au plan mondial. Donc, le rôle de ces hébergeurs de contenu visuel est double : mettre en place un système de publication et de diffusion facilement accessible par tous les internautes et en même temps générer un trafic signifiant pour séduire les annonceurs de publicité. 93


Les nouvelles conditions pour devenir célèbre sur les plate-formes visuelles nous ont permis d’observer l’importance accordée à l’image numérique. La démultiplication des œuvres visuelles sous formes de copies ou de parodies souligne à la fois la réutilisabilité de ces images et la tendance croissante des usagers à se mettre en valeur à travers leur présence numérique. Ce désir de se valoriser, en copiant les célébrités des plate-formes, peut être considéré comme un narcissisme numérique.184 Pourtant, une comparaison entre le nombre de vues reçues par une œuvre populaire sur flickr ou YouTube, et le nombre de parodies ou copies qu’elle génère révèle un fort déséquilibre entre les spectateurs et le public qui parodie. A partir de ce constat, on peut s’intéresser à ce que les spectateurs font de ces images. Certes, flickr et YouTube soutiennent des activités participatives autour des contenus visuels, mais il faut rappeler que les images publiées sur ces plate-formes sont amovibles et donc peuvent circuler en dehors de la blogosphère. Si les grands médias font échos seulement des célébrités de ces plate-formes, ce sont les sites de réseaux sociaux qui permettent d’échanger et de relier ces créations. La convergence des photographies et des vidéo-clips sur un réseau social comme le « Facebook » met en évidence l’aspect participatif de l’image numérique et son partage au sein d’un groupe de contacts. Encore une fois c’est la circulation des images fixes et animés, sur ces sites de réseautage sociaux, qui met en avant non seulement leur valeur de réutilisabilité ou de divertissement, mais aussi leur succès dans la fonction d’entretenir des relations sociales numériques.

184

Cf. Keen Andrew « The Cult of the Amateur » How Today’s Internet is Killing our Culture and Assaulting Our Economy » 2007, Nicholas Brealey Publishing

94


Bibliographie Ouvrages en Français et en Anglais BENJAMIN Walter, Œuvres III - L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique (première version, 1935) Traduit de l’allemand par GANDILLAC de Maurice, RUSCH Pierre et alli, Paris, Gallimard, 2000. BENJAMIN Walter,

Petite Histoire de la Photographie 1931,Traduit de l’allemand par

GUNTHERT André, Etudes Photographiques, n°1 revue semestrielle, Paris, 1996. BRETON Philippe, PROULX Serge, L’Explosion de la Communication - Introduction aux théories et aux pratiques de la communication, Paris, La Découverte, 2006. BLONDEAU Olivier, ALLARD Laurence, Devenir Média - L’Activisme sur Internet, Entre déception et Expérimentation, Paris, Editions Amsterdam, 2007. CHAFLEN Richard, Snapshot Versions of Life, Ohio, Bowling Green State University Press, 1987. DELACROIX Jérôme,

Les Wikis - Espaces de l’intelligence collective, créer, travailler,

découvrir ensemble sur Internet, Marsat, M2 Editions, 2005. DOUEIHI Milad, La Grande Convergence Numérique, Traduit de l’anglais par CHEMLA Paul, Paris, Editions du Seuil, 2008. FRIEDBERG Anne, The Virtual Window - From Alberti to Microsoft, Cambridge Massachusetts, The MIT Press, 2006. JENKINS Henry, Convergence Culture - Where Old and New Media Collide, New York, New York University Press, 2006. JOST François, Comprendre la Télévision, Paris, Armand Colin, 2005. KEEN Andrew, The Cult of the Amateur - How Today’s Internet is Killing Our Culture, London, Nicholas Brealey Publishing, 2007.

95


MANOVICH Lev, The Language of New Media, Cambridge Massachusetts, The MIT Press, 2001. RIEFFEL Rémy, Sociologie des Médias, Paris, Ellipses, 2005. TAPSCOTT Don, WILLIAMS D. Anthony, Wikinomics - Wikipédia, Linux, YouTube… Comment l’intelligence collaborative bouleverse l’économie, Traduit de l’anglais par VADE Brigitte, Paris, Pearson Education, 2007.

Ouvrages consultés en ligne BENKLER Yochai, The Wealth of Networks: How social Production Transforms Markets and Freedom, disponible sur: http://www.benkler.org/ 2006. LESSIG Lawrence, Free Culture - How Big Media uses Technology and Law to Lock down Culture and Control Creativity, disponible sur: http://creativecommons.org/licenses/by-nc/1.0 2004.

Dictionnaires ABERCROMBIE Nicholas, LONGHURST Brian, Dictionary of Media Studies, London, Penguin Reference Library, 2007 ASTIEN E, BENSOUSSAN A et alii, Dictionnaire des Technologies de l’Information et de la Communication, Paris, Foucher, 2001. BALLE Francis, TANGUI Laurent-Cohen, Dictionnaire du Web, Paris, Dalloz, 2001. BENENSON James, JUANALS Brigitte, Dictionnaire Bilingue Internet et Multimédia, Paris, Pocket, 2000. GOLIOT-LETE Anne, JOLY Martine et alii, Dictionnaire de l’Image, Paris, Vuibert, 2006. GUALINO Jacques, Dictionnaire pratique Informatique, Internet et nouvelles technologies de l’Information et de la Communication, Paris, Gualino, 2005.

96


Revues Scientifiques AKRICH Madeleine, Les utilisateurs, acteurs de l’innovation, Education permanente, n° 134, Paris, 1998. ALLARD Laurence, BLONDEAU Olivier, 2.0 ? Culture numérique, cultures expressives, MédiaMorphoses n° 21, 2007. DAYAN Daniel, Télévision, le presque-public, Réseaux, n°100, 2000.

Rapports consulté en ligne PRIEUR Christophe, CARDON Dominique et alii, The Strength of Weak Cooperation- A case study on flickr, Autograph Collaboration(s), disponible sur: http://hal.archives-ouvertes.fr/hal00256649/fr/, 2008.

VICKERY Graham, VINCENT-Wunsch Sacha, « Participative Web : User -Created Content », Working party on the Information Economy.

Committee for Information, Computer and

Communication policy.

Directorate for Science, Technology and Industry of the OECD.

Document

disponible

en

pdf

sur

le

site

de

l’OECD :

Disponible

sur

http://www.oecd.org/data/oecd/57/14/3 Préparé en décembre 2006 et mis enligne en mars 2007.

OECD

Broad

Band

Stastistics

to

December

2006,

disponible

http://www.oecd.org/document/7/0,3343,en_2649_34223_38446855_1_1_1_1,00.html

Webographie Blogs et sites scientifiques Convergence Culture http://www.convergenceculture.org/weblog/ InternetActu http://www.internetactu.net/ 97

sur :


Actualité de la Recherche en Histoire Visuelle http://www.arhv.lhivic.org/ TechCrunch http://fr.techcrunch.com/ Wired http://www.wired.com/

Blogs des plate-formes visuelles YouTube http://fr.youtube.com/blog http://www.youtube.com/blog flickr http://blog.flickr.net/fr http://blog.flickr.net/en Dailymotion http://blog.dailymotion.com/fr/ http://blog.dailymotion.com/

Blogs et Sites personnels Rebekka Guðleifsdóttir http://www.rebekkagudleifs.com/blog/ http://www.rebekkagudleifs.com/

Judson Laipply http://www.theevolutionofdance.com/ 98


Articles consultés en ligne Abric Christohpe, « CPE - CPE : Quand les amateurs couvrent les événements » 2006-03-30 disponible sur le site LCI.fr Disponible sur : http://tf1.lci.fr/infos/high-tech/0,,3292956,00-cpequand-amateurs-couvrent-evenements-.html Aziz Maria Fatima, « Remixer le Politique » 2008-02-11. Actualité de la Recherche en Histoire Visuelle Disponible sur http:,//www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/02/11/628-remixer-lepolitique Butterfield Stewart, ‘Eyes of the World’, Flickr Blog, 2006 -03 -24 Disponible sur: http://blog.flickr.com/flickrblog/2006/03/eyes_of_the_wor.html Doctorow, Cory et Weinberg, David “Metacrap and Flickr tags: An Interview with Cory Doctorow” 2007-05-01 Disponible sur: http://blog.wired.com/business/2007/05/metacrap_and_fl.html Girard Laurence « les photoreporters confrontés de plus en plus aux images d’amateurs » lemonde.fr 2007-04-07 Disponible sur : http://www.lemonde.fr/cgibin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=983586&c lef=ARC-TRK-D_01 Graham, Paul « Le web vu par Paul Graham » Disponible sur :http://www.paulgraham.com/web20 Gunther André « L’Image Parasitaire : Après le photojournalisme citoyen », 2007-06-15 Actualité de la Recherche en Histoire Visuelle, Disponible sur http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/06/15/432-l-image-parasite Gunthert André, « Le Parisien découvre la viralité » Le Flip book 2008-02-25. http://flipbook.20minutes-blogs.fr/tag/sarkozy Gunthert André « Flickr, l’une des choses les plus importantes qui soit arrivé à la photographie » InternetActu 2006-06-08, Disponible sur : http://www.internetactu.net/2006/06/08/flickr-lune-deschoses-les-plus-importantes-qui-soit-arrive-a-la-photographie/ Gunthert André « Images sans Parole : les nouvelles œuvres du web » Actualités de la Recherche en Histoire Visuelle, 2007-11-25. Disponible sur : http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/11/25/564-les-nouvelles-oeuvres-du-web Guðleifsdóttir Rebekka « Freedom of expression?? Telling the truth??” Blog Rebekka Guðleifsdóttir 2007-05-15 http://rebekkagudleifs.com/blog/2007/05/15/freedom-of-expression-telling-the-truth/

99


Hawk Thomas, “Only-Dreemin, Fine Art thieves”, Thomas Hawk’s Digital Connections, 200705-14 http://thomashawk.com/2007_05_01_archive.html. Consulté le 2008-05-15 Hawk Thomas, “flickr=censorship” Thomas Hawk 2007-05-15, http://thomashawk.com/2007_05_01_archive.html Hawk Thomas, “iStockphoto’s user vulcanacar=thief” 2008-02-05 Disponible sur http://thomashawk.com/2008_02_01_archive.html Heffeman Virginia “Sepia No more” The New York Time Magazine, 2008-04-27. Disponible sur http://www.nytimes.com/2008/04/27/magazine/27wwln-mediumt.html?pagewanted=2&ei=5124&en=bc294d91273f4201&ex=1366862400&partner=permalink&e xprod=permalink Heffernan Virginia, “ The Breakthrough of That Dance Video, the Future of YouTube and the Wisdom of Google” 2006-10-17 Disponible sur: http://themedium.blogs.nytimes.com/2006/10/17/the-breakthrough-of-that-dance-video-the-futureof-youtube-and-the-wisdom-of-google/ Klein Gilles, « CPE : photos « amateurs » sur Libération.fr et leMonde.fr », Le Phare, 19 mars 2006, Disponible sur http://gkliein.blog.lemonde.fr/gklein/2006/03/photos_dactus_p.html Longino, Carlo. « So That’s Why MySpace Blocked YouTube » 2006-01-10 Disponible sur http://www.techdirt.com/articles/20060110/0735214.shtml Rutkoff Aaron “ An Unrefined Musician uses Stop6Motion Video to Play a Catchy Tune” Amateur Night,, TIME WASTER 2006-12-12, The Wall Street Journal Disponible sur: http://online.wsj.com/public/article/SB116581381680846327u6NlXOnRBxZ6qCKc4WoFeWQ_wgo_20071212.html Suply Laurent « L’œil du web scrute la Gare du nord » lefigaro.fr 2007-11-20 Disponible sur :http://www.lefigaro.fr/presidentielleweb/20070329.WWW000000429_sur_le_web_un_autre_regard_sur_la_gare Tim Berners-Lee, « Risques et limites du Web » (propos recueillis par Olivier Postel-Vinay), La Recherche, n°328, février 2000, p.62 Disponible sur http://en.wikipedia.org/wiki/Comparison_of_web_browsers Vlist van der Eric, “web2.0 mythe et réalité” Disponible sur http://xmlfr.org/actualites/decid/051201-0001 02/12/2005

100


Annexes Annexe 1: Rebekka Guðleifsdóttir Annexe 2 : Hughes Leglise - Bataille Annexe 3 : Lasse Gjertsen Annexe 4 : Judson Laipply

101


Annexe 1- Rebekka Guðleifsdóttir A. Miss. Aniela pseudonyme du compte flickr. Il s’agit d’un usager devenu célèbre sur flickr à partir de son style photographique de « Multiplicity » Capture d’écran de page d’album du compte de Miss. Aniela.

Disponible sur :http://www.flickr.com/photos/ndybisz/sets/72157594181883529/?page=2

B. L’interview de Rebekka reconnue pour ses publications sur flickr. Capture d’écran du compte _rebekka

Disponible sur :http://www.flickr.com/photos/rebba/98897111/in/dateposted/ 102


C. Les photographies du projet Toyota Prius affichées à Reykjavik. Capture d’écran du compte flickr _rebekka

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/rebba/272975820/in/dateposted/

D. Guðleifsdóttir Rebekka, “Pictures at an exhibition”, archive du blog Rebekka Guðleifsdóttir 2008-01-19. http://www.flickr.com/photos/rebba/272975820/in/dateposted/ E. Guðleifsdóttir Rebekka, « Freedom of expression?? telling the truth??”, archive du blog Rebekka Guðleifsdóttir 2007-05-15. http://rebekkagudleifs.com/blog/2007/05/ F. Ibid. Les huit photographies copiées du compte flickr _rebekka et mise en ligne pour vente

Disponible sur :http://rebekkagudleifs.com/blog/2007/05/ 103


Annexe 2 - Hughes Leglise - Bataille / Hugo* A. Commentaires montrant un échange des conseils, suite à l’affichage de la photographie dans le calendrier du 17 novembre 2005. Capture d’écran du compte Hugo*

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/64353421/

B. L’un des albums consacré à la photographie de la rue. Capture d’écran

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/sets/1449377/

104


C. Album intitulé « Demonstrations against the CPE » reçoit 63 commentaire et 32.310 fois depuis sa mise en ligne sur le compte flickr d’Hughes. Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/sets/72057594084915155/

D. Hughes couvre le marathon à Paris le 9 avril 2006

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/sets/72057594102620537/

La coupe du monde de football en juillet 2006

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/sets/72157594174724931/

105


Le Tour de France

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/sets/72157594209777614/

E. Premier Prix accordé par la National Press Photographers Association en 2007

Disponible sur : http://www.flickr.com/photos/hughes_leglise/437869529/in/set-1007097/

106


F. Le groupe flickr « Photoreporter »

107


Annexee 3- Lasse Gjertsen n A. Les paarodies du clip c « Hyperractive - Lasse Gjertsenn » sous la rubrique r de « vidéos siimilaires »

Capture d’éécran de viggnettes sélectionnées. Disponible D surr : http://fr.youutube.com/ressults?search=rrelated&search_query=lassee%20gjertsenn%20hyperactiive%20original%20beat% 20music%220funny%20ccrazy%20norw wegian%20norrway%20hum man%20beatboox%20lol%200ass%20and%20titties&v= o9698TqtY Y4A

108


B. La séqquence du clip « Everyyday » de Noah N Kalinaa mis en lignne sur YouT Tube le 27 août 2006

56 Photoogrammes du d clip « Eveeryday » suur YouTube Disponiblee sur : http://frr.youtube.com m/watch?v=6B B26asyGKDo

109


C. Reprisse de la muusique et de la gestualitté de Gjertssen dans le clip « Hyperactive » par p Cartoonn Network.. La séquencce du clip de d « Bloo Beeat Box », m mis en lignee par un usaager de You uTube.

36 Photogramm mes du clip « Bloo Beatt Box » Disponiblee sur : http://frr.youtube.com m/watch?v=pU Ux4cWZXFJo

110


D. Séquence de Michhel Gondry y

20 Pho otogrammes du clip « Drum D and Drumber D » Disponiblee sur : http://frr.youtube.com m/watch?v=VaaB_Do8HV2c

111


E. Quelqques paroddies du clipp « Amateuur - Lassee Gjertsen » sous la rubrique de d « vidéoss similairess » sur YouT Tube

Capture d’éécran des vignnettes sélectionnées. Disponnible sur : http://fr.youutube.com/ressults?search=rrelated&search_query=amaateur%20lassee%20gjertsen% %20drumkit% %20drums%2 0piano%200music%20norsk%20norweegian%20lasseegg%20hyperractive%20ediiting%20ass% %20and%20tittties&v=Jzqu mbhfxRo

112


Annexee 4- Judsoon Laipplyy A. La listte de toutes les chansonns utilisée pour p prépareer le medleyy, est disponnible sur less ite officiell p://www.theeevolutionoffdance.com m/songs.htmll de Laipplly Disponible sur : http B. Compparaison de cadre et less titres entree le film de Buster Keaaton « Steam mboat Billy,, Jr » 1928 et le desssin animé de d Walt Disney avec Mickey M Mouuse « Steambboat Willy » Première projection le 188 novembree 1928.

Capture d’éécran effectuéée sur YouTubbe. Disponiblee sur : http://frr.youtube.com m/watch?v=1p8gQv2uRY&feature=rrelated

Capture d’éécran effectuéée sur YouTubbe. Disponiblee sur : http://frr.youtube.com m/watch?v=nM Ma14AxhiQ8

113


Captures d’écran effectuéees sur YouTubbe

e les parod dies des clips de Laipply sur YouT Tube à la reccherche de « Evolutionn C. Quelquues copies et of Dance » 2008-06--12

114


Capture d’écran. d Dispponible sur : http://youtuube.com/resullts?search=relaated&search__query=%20D Dancing%20coomedy&v=dM MH0bHeiRNg

115


Table des Matières Introduction……………………………………………………………….………………….....… 3 I. Le nouveau paysage web de création et de diffusion visuelle : l’émergence des plate-formes visuelles……………………………………………………….……………………………………8 1. Le Volet Technique………………………………………………………………………………8 1.1. Le Volet Social………………………………………………………………………..14 1.2. Techniques d’enregistrement : les facteurs contributifs à l’émergence des plate-formes visuelles……………………………………………………………………………………18 2. Les plate-formes visuelles : flickr et YouTube…………………………………………………25 2.1. flickr : la plate-forme des photographies……………………………………………..25 2.2. YouTube : la plate-forme des vidéo-clips…………………………………………….30 2.3. La reprise du contenu visuel dans la blogosphère : les facteurs techniques…………..34 3. flickr et YouTube : les usagers et les usages……………………………………………………35 3.1. flickr : les usagers et les usages……………………………………………………….36 3.2. YouTube : les usagers et les usages…………………………………………………..40 3.3. Le détournement des usages et l’émergence de l’image parasitaire………………….45

II. Les célébrités des plate-formes : l’étude de cas sur flickr et YouTube…………………..53 1. Les célébrités de flickr : l’artiste et le photoreporter…………………………………………...54 1.1. Rebekka Guðleifsdóttir / _rebekka…………………………………………………..54 1.2. Hughes Leglise - Bataille/ Hugo*……………………………………………………63 2. Les célébrités de YouTube : la musique amateur et la danse de motivation…………………..74 2.1. Lasse Gjertsen / lassegg………………………………………………………………74 2.2. Judson Laipply/ judsonlaipply……………………………………………………….82 3. Le succès : l’effet du vedettariat et le mélange du ludique et de l’information………………..88 3.1. Les effets du succès pour les usagers devenus célèbres………………………………90 3.2. Les effets du succès pour les plate-formes visuelles………………………………….91

116


Conclusion………………………………………………………………………………………93 Bibliographie……………………………………………………………………………………95 Webographie…………………………………………………………………………………….97 Annexes………………………………………………………………………………………….101 Annexe 1. Rebekka Guðleifsdóttir……………………………………………………………….102 Annexe 2. Hughes Leglise - Bataille……………………………………………………………..104 Annexe 3. Lasse Gjertsen………………………………………………………………………...108 Annexe 4. Judson Laipply………………………………………………………………………..113

117


flickr et YouTube, les plate-formes visuelles et le phénomène de célébrité : les nouvelles conditions du vedettariat sur le web

Français La montée en puissance de l’image numérique sous sa forme fixe et animée sur les plate-formes visuelles comme flickr et YouTube, a changé le système communicationnel sur le web. Ces plate-formes visuelles présentent un nouveau modèle économique fiable qui renforce leur emprise sur l’environnement web. De plus, l’articulation des éléments sociotechniques comme l’accessibilité du réseau haut débit d’économies avancées, accompagnée d’une explosion du marché des appareils d’enregistrement font de sorte que les plate-formes visuelles se développent très rapidement. La variété du contenu visuel affiché sur flickr et YouTube témoigne d’un usage non conventionnel de ce média par les internautes. Cette richesse de l’image numérique, ainsi partagée montre que la première fonction de ces plate-formes est de divertir. Cependant, depuis leur genèse considérablement récente flickr 2004 et YouTube 2005, un déplacement dans les usages s’est produit rapidement et l’image ludique s’est vue remplacée momentanément par l’image recherchée comme source d’information. Il s’agit de l’irruption de l’image parasitaire qui par moments ponctuels s’est démultipliée sur ces plate-formes visuelles. Avec la présence de l’image ludique, militante et/ou informationnelle qui circulent de manière virale sur flickr et YouTube, certains créateurs des contenus ont connu un immense succès à travers leur usage de ce dispositif.

Anglais Visual platforms such as flickr and YouTube enjoy phenomenal audience ratings in the new web environment. Along with a long term entertainment seeking audience, these platforms have over the past 3 years, attracted “breaking news” and “militant” visual user generated content makers and seekers. In this diverse visual content soliciting and production scenario, it is interesting to observe how individual visual content makers have acquired fame through self appropriation practices and open content sharing. Is the fame of these internet celebrities limited to flickr or YouTube alone or does it have an outreach beyond the virtual realms?


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.