Mémoire 2009

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Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 33607 PESSAC

LA NATURE à l’échelle des opérations d’urbanisme, ENTRE MATERIALITES ET IMMATERIALITES ENTRE REALITES ET IMAGINAIRES Etude de cas de la ZAC Sansonnet / Metz – 57

2009

CAPDEVILLE Marianne

Sous la direction de J.M BILLA

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme Master 2 « Stratégie et maîtrise 0 d’ouvrage de projets d’urbanisme »


A l’issue de ce travail, je tiens à remercier tous ceux qui ont, à un moment donné ou à un autre m’ont apporté des conseils, qui m’ont encouragé, « supporté » et donné les moyens de finaliser ce mémoire dans les meilleures conditions

« Les hommes ne se contentent pas de vivre en société, ils produisent de la société pour vivre ; au cours de leur existence, ils inventent de nouvelles manières de penser et d’agir sur eux-mêmes comme sur la nature qui les entoure » 1 1984 Maurice GODELIER, L’idéel et le matériel,


SOMMAIRE

PREAMBULE .............................................................................................................................. 4 GLOSSAIRE ................................................................................................................................. 8

1. LA NATURE DANS LA VILLE NOUVEAU MATERIAU DE PROJET ? EVOLUTIONS ET TENDANCES ...........................................................................................................12 1.1. Les évolutions majeures dans la ville contemporaine : pratiques, formes d’appropriation et demandes de nature en ville........................................................................14 1.1.1. 1.1.2. 1.1.3.

1.2. 1.2.1. 1.2.2. 1.2.3. 1.2.4.

Des pratiques écologiques pour une nature utile........................................................................................................ 14 Des formes d’appropriation qui se développent : la nature partagée pour mieux vivre ensemble :à travers l’agriculture urbaine ........................................................................................................................ 17 Une demande de nature en ville grandissante pour une qualité du cadre et des modes de vie ................ 19

La ZAC du Sansonnet, un « quartier jardin »....................................................................23 Contexte et philosophie du projet .................................................................................................................................... 23 Le jardin décliné dans tous ses états................................................................................................................................. 25 Le rapport espace public / espace privé structuré par les éléments du végétal................................................ 26 La démarche AEU (Approche Environnementale de l’Urbanisme) ........................................................................ 28

2. LA NATURE DANS LA VILLE REPRESENTATION ET SYMBOLE D’UN NOUVEAU RAPPORT DE L’HOMME A SON ENVIRONNEMENT .............................................33 2.1. 2.1.1. 2.1.2.

2.2. 2.2.1. 2.2.2. 2.2.3.

La part de l’imaginaire dans l’urbain : la conscience d’une ville immatérielle .............35 La ville comme paysage : l’importance de l’image ...................................................................................................... 35 La ville comme espace scénique : l’importance des effets induits ......................................................................... 37

La nature en ville représentée et idéalisée : des images aux symboles ........................39 Un nouveau rapport à l’espace-temps : des valeurs nouvelles à travers la dimension écologiste et patrimoniale ......................................................................................................................................................................... 39 Un nouveau rapport à la ville quand la nature fait oublier les nuisances : la nature comme nouvelle urbanité ?.................................................................................................................................................................. 41 Les attentes des habitants du quartier de la ZAC du Sansonnet ............................................................................ 44

2.3. La nature dans la ZAC du Sansonnet comme symbole de la philosophie du projet 46 2.3.1. 2.3.2.

Légitimer le projet : recherche des matériaux supports de projets ....................................................................... 46 Elaborer une stratégie : enjeux de résistance de la nature dans le projet............................................................ 47

2


3. LA NATURE DANS LAVILLE LES RISQUES D’UNE « DEMAGOGIE VERTE » DU DISCOURS ET DE L’IMAGE AUX ACTES.......................................................................................52 3.1. 3.1.1. 3.1.2. 3.1.3.

La banalisation des discours, de la commande aux projets ...........................................54 Une maîtrise d’ouvrage qui peut limiter les débats..................................................................................................... 54 Des figures conventionnelles et consensuelles pour réponse................................................................................. 56 Un discours marketing qui se développe........................................................................................................................ 58

3.2.

L’instrumentalisation des images, de la théorie à la réalisation ...................................61

3.3.

Vers la normalisation, un risque de nature contre nature ? ..........................................69

CONCLUSION[S]...................................................................................................................72 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................77 TABLE DES ILLUSTRATIONS ......................................................................................79 ANNEXES....................................................................................................................................81

3


PREAMBULE

Le débat sur «la nature en ville» ne cesse d’être convoqué depuis quelques années pour une conception de la ville non plus en contradiction avec les composants naturels mais au contraire hybride entre le bâti, le construit et le dit naturel. Des expressions nouvelles viennent qualifier des projets urbains ou territoriaux, à travers de nouvelles expressions telles que « Ville-nature » à Poitiers, La Rochelle, Coulaines, « Place à la nature » au Grand Lyon, « Au vert en ville » à Pau, la « Ville grandeur nature » et le « Bois habité » à Lille… La nature en ville prend ainsi des airs de slogans, qui, au-delà d’une ambiguïté sémantique certaine, traduisent une évolution de l’idée de présence de la nature en milieu urbain. On peut se demander si ces notions floues et contemporaines désignent plus une renaturation réelle au sens scientifique (notamment environnemental) de la ville, une esthétique s’appuyant sur le végétal ou encore un idéal de nature s’opposant à un matériau urbain rigide et fonctionnel ? Autrement dit, s’agit-il de faits matériels, d’image ou d’une construction d’une nature contemporaine réinterprétée ? Sommes-nous dans une ère nouvelle d’un nouveau modèle urbain basé sur le matériau de nature ?

Les tendances récentes montrent qu’une conscience des enjeux de qualité de vie et d’environnement liés à la présence de la nature en ville se développe tant dans les pratiques professionnelles que dans la sphère publique, associative et individuelle. Les démarches se multiplient à l’échelle des grands territoires à travers notamment des politiques régionales, départementales, intercommunautaires ou communales : les Agendas 21, les PADD des ScoT et PLU ouvrent un large volet à l’intégration de plus de nature en ville et développent trames végétales, couronnes boisés et réseaux vert et bleu. L’émergence, en France d’écoquartiers, marque également une rupture à dans la manière de concevoir des opérations d’aménagement et de construction.

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Qu’en

est-il

dans

« opérations

d’urbanisme ordinaires »

qui

ne

revendiquent

pas

nécessairement une ambition de réalisation des principes du développement durable à l’échelle d’un quartier ? Pour évaluer la résonance que peuvent avoir les débats contemporains concernant la nature sur les comportements, il convient de cerner comment ces débats sont transcrits dans la réalité des espaces habités.

La composante symbolique et immatérielle de la nature en ville est largement sous-estimée dans l’analyse scientifique, comme l’est aussi le point de vue de l’individu habitant dont la sensibilité à la nature peut être ignorée sous prétexte que le milieu urbain est technique et artificialisé. Pourtant, ces dimensions deviennent primordiales pour répondre à la nouvelle demande et devient un réel levier de projet. Aussi, l’hypothèse principale de ce travail de recherche et d’observation, est que le concept de « ville nature » reposerait autant sur de réelles innovations en matière de pratiques que sur des dimensions symboliques issues de représentations mentales. Le poids de l’imaginaire serait un facteur déterminant dans l’utilisation de la nature dans la production urbaine contemporaine. S’il induit de nouveaux leviers de projets, il entraîne également des dérives quant aux pratiques des professionnels de l’urbanisme. Quelle est la place des avancées de l’écologie scientifique dans la représentation ou les représentations de la nature ? Quelles interrelations alors entre la matière urbaine de la nature et les idéaux qui l’investissent ?

Considérant les multiples dimensions que prend le rapport ville-nature, comment le secteur professionnel s’est-il adapté à cette nouvelle donne ? N’y a-t-il pas des risques à ce que les acteurs de la ville trouvent une certaine accommodation de ces avancées conceptuelles et pratiques de renaturation de la ville ? Le consensus ne représente-t-il pas un danger dans le débat public ?

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Si les débats et recherches sur la nature en ville sont nombreux, soit ils se concentrent sur les représentations de la nature en ville négligeant ses dimensions matérielles soit, au contraire, ils ne prennent en considération que sa dimension objective oubliant que la nature en ville est aussi une représentation. Ce travail va tenter de croiser ces deux dimensions à travers l’observation d’un projet concret qui va, sans jamais l’afficher clairement, « jouer » sur les aspects matériels et immatériels de la nature.

Ainsi, trois niveaux de questionnement nous permettrons d’explorer cet enjeu de nature en ville sous ses différents aspects : -

dans quelle mesure l’utilisation de ce concept impacte et renouvelle les formes de nature produites et les pratiques urbanistiques dans les opérations d’aménagement (partie 1) ?

-

en quoi la nature devient-elle un nouveau levier de projet immatériel tout aussi déterminant que les formes et les pratiques (partie 2) ?

-

quels sont les impacts et les risques induits par le nouvel engouement de la nature en ville (partie 3) ?.

L’étude de cas de la ZAC du Sansonnet, projet d’extension urbaine en périphérie de Metz, sur laquelle nous reviendrons pendant tout le déroulement de ce travail, permettra d’illustrer et d’enrichir ce propos. En cours de finalisation, elle intervient dans un processus de projet engagé depuis 2002 et vise la définition pré-opérationnelle d’un futur quartier de 12 hectares inséré dans un tissu existant. Cette situation de projet est relativement récurrente dans un contexte où le développement urbain doit être maîtrisé, privilégiant la construction de la ville sur elle-même selon des démarches de renouvellement, ou de densification , notamment des espaces interstitiels. Cette dernière démarche représente l’essentiel des projets réalisés par le bureau d’étude – Citadia Conseil, dans lequel j’ai effectué mon stage. Encore dans une phase de définition stratégique, cette étude, sur laquelle portait une de mes missions de mon stage, permet de mettre en perspectives l’application du phénomène de renaturation de la ville en cours et d’en analyser la portée à travers :

6


-

d’une part les éléments du programme de l’opération basé sur la déclinaison de la nature sous toutes ses formes, et sur les pratiques contemporaines d’intégration et l’utilisation de la nature en milieu urbain,

-

d’autre part les choix du parti d’aménagement qui ont été largement guidés par les dimensions imaginaires et imagées attribuées à la nature sur ce site.

L’analyse du processus de projet illustrera quant à elle les limites d’un « urbanisme vert ».

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GLOSSAIRE

Des approches et des définitions multiples de la nature en ville

Le croisement de l’évolution des territoires au siècle dernier et les enjeux apparus dans un rapport changé avec l’environnement ont amené une redéfinition complète des notions de nature et des enjeux liés. Le rapport ville/nature ne peut plus être appréhendé comme une opposition de deux masses distinctes définissant des pratiques et des problématiques différentes. La nature est en ville ou plus exactement la ville a englobé les espaces de nature, il convient de la définir dans ce rapport et de dégagé en quoi et comment elle doit être considérée. Suivant la culture ou la pratique du territoire la nature ne renvoie pas aux mêmes définitions. Un écologue la voit comme un système évolutif composé d’éléments précis dans un système complexe d’interrelation physique, biologique… alors qu’un citadin y voit des masses renvoyant à un référentiel d’images répondant à des codes identitaire. Il convient ici de dégager les différentes visions auquel renvoie le mot aujourd’hui en prenant en compte les évolutions territoriales de ces dernières décennies :

Celle des professionnels de l’environnement : Approche : entité systémique composé d’un biotope (caractéristique physico-chimique d’un milieux) et d’une biomasse (éléments vivants dans le biotope). L’objet est caractérisé par des données renvoyant aux sciences naturelles au sens large (géologie, pédologie, écologie, hydrologie, climatologie) Rapport à la ville : la nature est une matrice que la ville, les constructions humaines en général, impacte. Deux métabolismes se superposent s’impactant l’un et l’autre. Le rapport est alors analysé comme une notion d‘impact : imperméabilisation des sols/inondation ou non renouvellement de la nappe ; industrie/pollution de l’air, de l’eau et des sols ; système de transport/émission de gaz à effet de serre ; consommation d’espace/diminution du biotope et de la biomasse, diminution de la biodiversité…).

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Citadin : Approche : entité ressentie et pensée comme opposée à la ville. Lieux de repos et de ressource lié à une vision de pureté et de tranquillité ; renvoie à des valeurs fruit d’une construction social collective (donc évolutive). Rapport à la ville : cette opposition amène un rapport plus ou moins intégré à la ville. La campagne et la nature sont différenciées bien que l’utilisation de ces espaces soit in fine pour les mêmes raisons. La nature est associé à ce qui est « vert » et calme. Elle peut être ressentie en vile dans des parcs urbains où à la périphérie dans les poches de verdure. Le récent intérêt porté pour les questions environnementales amène les citadins à une exigence importante dans la production d’élément ou d’espace de nature. La dimension « verte » est aujourd’hui prégnante à la plus part des projets d’urbanisme.

Ruraux : Approche : élément identitaire fort renvoyant à la caractéristique du lieu de vie. Rapport à la ville : la nature doit être préservé contre la pression de l’urbain et on parle en réalité d’une préservation identitaire plus qu’une préservation purement physique. La nature est considérée plus globalement en intégrant une connaissance plus naturaliste et une pratique traditionnelle (chasse, pêche…)

Usagers exploitant (agriculture, forestier, chasseurs…) : Approche : des similitudes aux professionnels de l’environnement dans leur rapport systémique à la nature Dimension de ressource de substrat. Rapport à la ville : l’utilisation et la pratique de la nature passe par la terre et la ressource foncière. La ville est donc perçue comme une menace et un opposant foncier. Ensuite le rapport identitaire s’approche de celui des ruraux.

Le parti pris dans cette analyse

De ce fait, compte tenu de la notion de nature convoquée ici et des glissements sémantiques courants dans sa définition et son utilisation, nous allons nous appuyer sur un certain nombre de vocables précis qui renverront à des objets, concepts ou notions particuliers :

ESPACE VERT : (selon la Circulaire du 8 février 1973 relative à la politique des espaces verts) Les

espaces verts englobent :

9


-

toutes les réalisations vertes urbaines telles que bois, parcs, jardins, squares et même les plantations d’alignement et d’accompagnement,

-

toutes les superficies vertes périurbaines et rurales, et en particulier les massifs forestiers, les forêts, les zones d’activités agricoles, les espaces naturels

L’ensemble de ces courants, modes, modèles, réalisations ont donné lieu à un panel varié d’espaces verts urbains différenciés selon leur degré d’aménagement, leur statut, leur localisation… Cependant, on peut les identifier selon leur vocation à différentes échelles1 : -

celle de l’unité d’habitation : les jardins privés et collectifs (aires de jeux, de repos),

-

celle de l’unité de voisinage : les squares, places et jardins publics (+terrains de sports scolaires , plaines de jeux, parcs de voisinage, terrains pour l’aventure…),

-

celle du quartier : parc de quartier, promenades, terrains de sport,

-

celle de la ville : parcs urbains, d’attraction, jardins botaniques, zoologiques, équipements sportifs,

-

celle de l’agglomération : bases de loisirs, forêts promenades, terrains de campagne, parcs d’attractions.

Ces infrastructures vertes, comme l’a théorisé Jean-Claude Nicolas Forestier, s’organisent à travers un système de parcs et jardins hiérarchisés, qu’il établi scientifiquement en 1911 pour répondre aux besoins vitaux des habitants.

ESPACE DE NATURE : Les espaces de nature englobent : -

les espaces verts (Cf définition précédente)

-

les éléments végétaux « sauvages » (poussant de manière non contrôlée dans des espaces interstitiels tels que les abords de voies ferrées ou des espaces libres)

-

les éléments végétaux privatifs

L’analyse de la nature en ville ne peut se réduire aux espaces produits et maîtrisés par les acteurs publics de la ville (les collectivités et leurs services) qui ont en charge les espaces verts. Pour une approche globale des éléments de nature dans l’espace urbains, la couverture végétale concerne tous les espaces englobant les éléments naturels.

1

CHOAY Françoise et MERLIN Pierre, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, PUF, 2005, 963 pages

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Illustration 1 : Le Parc de Belleville

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1. LA NATURE DANS LA VILLE

NOUVEAU MATERIAU DE PROJET ? EVOLUTIONS ET TENDANCES

Le thème récurrent de ville verte qui se développe depuis une vingtaine d’années semble traduire une révolution conceptuelle dans la manière d’aborder et de produire la ville. Sommes nous réellement dans une phase de rupture avec les modèles urbains découlant des courants successifs qui ont produit ou tenté de produire la ville2 ?

Dans quelle mesure l’utilisation de ce concept impacte et renouvelle les formes de nature produites dans les opérations d’aménagement ? Quelles sont les tendances majeures qui laissent à penser que nous sommes dans une ère nouvelle du rapport à la nature dans la ville ?

Les jardins sont présents dans la ville depuis l’époque médiévale3. La campagne pénétrant largement l’espace bâti, de petits jardins à la trame régulière sont aménagés à des fins utilitaires. Au XVIIèmes siècle, ils apparaissent, sous forme de grands jardins composés symétriquement traduisant un asservissement de la nature par l’homme et les avancées de la science et de la technique (pour exemple Versailles, réalisé par le Nôtre). Si ces jardins s’affirment comme de nouveaux lieux de vie sociale, ils sont alors réservés aux couches aisées de la population, à la bourgeoisie. Au XIXème siècle, impulsé par le Baron Haussmann, le jardin devient réellement une clef de l’aménagement de la ville. Sa réalisation, associée à l’aménagement d’avenues promenade, devient le moyen de structurer un quartier mais surtout d’embellir et d’aérer la ville, dans une conception très hygiéniste et esthétique. La ville du XIXe siècle peut se lire comme un maillage

2

Le parti pris dans cette analyse est de centrer le propos sur le cas français de l’interprétation de la nature en ville, différents selon les histoires et les cultures des pays, continents ou régions 3 Cf Annexe 1, « Rappel historique de la production de nature en ville »

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de jardins publics, de formes et de dimensions variées selon les sites. Ils sont reliés entre eux par des avenues plantées, et relayés par des squares. En plus de formes nouvelles d’espaces verts, la pensée hygiéniste introduit une nouvelle dimension à ces espace : ouverts à tous, ils sont considérés comme un réel équipement public, ce qui se traduit par l’avènement et le développement du mobilier urbain mais aussi par l’apparition de services publics à l’instar du Service des Promenades et de Plantations instaurés par Haussmann à la ville de Paris. Ils deviennent ainsi une composante essentielle de la ville qui se déclinera par la suite selon différents modèles plaçant toujours la nature au cœur d’une logique de bien-être social.

Dès la fin du XIXème siècle, la critique de la ville devient radicale. Il ne s’agit plus seulement d’embellir et d’assainir les quartiers centraux et bourgeois mais de repenser la cité dans sa globalité, de la réconcilier avec la nature, tout en réconciliant l’homme avec le travail. Cette conception s’adressant notamment aux couches populaires ouvrières et immigrées, depuis les jardins ouvriers jusqu’aux cités. En dehors des jardins ouvriers, depuis le XIXème, deux pôles théoriques ont marqué la question des espaces verts jusqu’à une époque récente : le modèle de la « cité jardin » et le modèle du « mouvement moderne ». Les réalisations de ces modèles ont été hétéroclites. Le mouvement moderne a influencé particulièrement la reconstruction de l’après-guerre, prônant un urbanisme vertical et laissant une large place aux étendues de verdure, répondant à une conception libre et à des fonctions profondément hygiénistes de loisirs et de détente. L’échec de ces espaces libres se traduit aujourd’hui par des démarches de résidentialisation, visant la restructuration de grands ensemble s désorganisés.

Aujourd’hui, on retrouve ces différentes formes d’espaces verts

dans toutes les

agglomérations. Ce qui nous importe ici est de voir les formes induites par ces espaces qui constituent un véritable réseau hiérarchisé dans la ville, plus ou moins développé suivant les politiques mises en place par les collectivités en termes d’espaces verts. Dans une ère « d’un urbanisme vert », sommes nous réellement en rupture avec cette typologie ? Sinon, en quoi sommes nous dans une période d’innovation ? Et si ces innovations sont relatives, que traduit cette mouvance ?

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1.1. Les évolutions majeures dans la ville contemporaine : pratiques, formes d’appropriation et demandes de nature en ville

D’ores et déjà, une des rupture en urbanisme s’est faite dans le refus des modèles : une démarche pragmatique de la construction de la ville est aujourd’hui véhiculée dans les milieux intellectuels comme dans les pratiques professionnelles. L’ensemble des courants antérieurs qui ont produit la ville jusqu’aux années 80 ont donné lieu, la plupart du temps (et en particulier avec le mouvement moderne) à une conception de la nature en ville sous formes d’îlots dont le but étaient tout justement de créer des espaces déconnectés de l’urbain et de ses nuisances.

La nature en ville prend aujourd’hui une dimension éminemment stratégique en dépassant des conceptions idéologiques segmentées (hygiénismes / culturalisme / modernisme) et des gestes urbanistes formatés sur des modèles pour revisiter les projets urbains et architecturaux : il ne s’agit plus de produire de la nature (ou des ersatz de nature) en ville, mais de faire la ville avec la nature. La démarche actuelle tendrait à développer de nouvelles formes d’alliance ou de contrat avec la nature et ses processus dans des logiques plus responsables tant au niveau écologique que social. Il s’agirait plus d’une évolution dans les pratiques liées aux formes de nature en ville que d’une réelle réinvention de modèle d’espaces verts ou paysagers.

Ainsi, trois évolutions majeures marquent ce nouveau rapport de la ville à la nature : de nouvelles pratiques, de nouvelles formes d’appropriations et des exigences nouvelles du citadins…

1.1.1.

Des pratiques écologiques pour une nature utile

La gestion différenciée, pour une approche consciente de la question de l’entretien

Une des évolutions majeures à l’œuvre en France depuis les années 90, mais plus tôt dans les villes du Nord de l’Europe, concerne les démarches de mise en œuvre des espaces verts dits plus naturels, qualifiée de « gestion différenciée » de la nature en ville induisant une diversité d’offre et de types d’entretiens allant des espaces artificialisés aux espaces de nature champêtre voire sauvage qui se développent. 14


En rupture avec l’horticulture traditionnelle pratiquée depuis vingt ans, cette sensibilité à l’écologie est affirmée depuis 1995 et a été relayée à l’échelle planétaire par le paradigme de ville durable, issu du Sommet de Rio de 1992, par les milieux scientifiques, politiques, paysagistes, philosophiques et les intervenants dans les services des villes. Vulgarisée spontanément dans les pratiques de l’aménagement, cette conception des espaces verts représente également une réponse économique aux contraintes budgétaires, facteur déterminant de la production urbaine.

Une nouvelle typologie de formes des espaces de nature en ville contemporains4 résultent des pratiques nouvelles des services territoriaux fondées simultanément sur des notions autrefois opposées : parc urbain, jardin public et campagne, forêt, bocage… Inscription dans une ambition environnementale

Les parcs écologiques Correspondant depuis toujours à l’ensemble des espaces naturels protégés (Natura 2000, Espaces Naturels Sensibles, Parcs Naturels Régionaux…), ils concernent aussi aujourd’hui la nature urbaine banale5 inspirée par les « Nature Park » des pays anglo-saxons ou scandinaves. Ils intègrent des vocations de découverte, de médiation pédagogique et de scénographie.

Les espaces de nature-loisirs Localisés majoritairement hors la ville ou dans les espaces interstitiels des territoires périurbains, les espaces de nature-loisirs se développent dans des parcs urbains. Ils permettent à la fois l’existence de corridors écologiques à l’échelle de la ville et une réponse à une demande sociale en termes d’équipements sportifs et de loisirs. L’implantation de tels équipements va dans le sens de renaturation de l’urbain.

Les parcs-mise en scène nature.lle Ces parcs correspondent à un équipement public jouant sur l’imaginaire de la nature sauvage « transplantée » en milieu urbain. Reproduisant la garrigue (Parc El Bosc à Barcelone – Ricardo BOFILL), la friche jardinée (Parc Citroën à Paris – Gilles CLEMENT), des espaces bocagers (Parc du Sausset en Seine-Saint-Denis – Michel CORJAOUD) ou forestiers (Bibliothèque Nationale de France à Paris – Dominique PERRAULT), ils peuvent intégrer une réelle réserve de biodiversité en ville.

4

AGGERI Isabelle Gaëlle, « La nature sauvage et champêtre dans les villes, enjeu de projets territoriaux dans la ville », Les Annales de la Recherche Urbaine, n°74 5 Exemples : le « Jardin Sauvage » créé par la Ville de Paris près du cimetière du Père Lachaise, la ripysylve du Lez ouverte au public par la ville de Montpellier

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La nature comme support de mesures favorables à la gestion de l’environnement

La présence des espaces verts permet de mettre en place un écosystème urbain durablement viable. Dans un premier temps, ils facilitent la gestion de l’eau : ils favorisent la rétention d’eau et participent ainsi à la recharge des nappes phréatiques tout en limitant les risques d’inondation et d’érosion des sols. La présence du végétal, notamment des arbres, permet également de réguler le climat des villes en assurant un une meilleure humidification de l’air et en réduisant les effet « d’îlot de chaleur urbain »6. Selon les chiffres avancés par Emmanuel BOUTTEFEU lors de son colloque, l’introduction massive de végétation s’avère la meilleure solution pour rafraîchir l’air : « L’aménagement d’un square arboré de 100 m2 bordé par des immeubles de 15 mètres de hauteur, permet d’atténuer la température de 1°C dans les rues « canyons » adjacentes. Ce gain de fraîcheur se prolonge sur une distance de 100 mètres»7. Par ailleurs, les plantes assainissent également l’air en recyclant le dioxyde de carbone en oxygène mais aussi en agissant comme régulateur des nuisances olfactives. Enfin, les espaces verts dans les opérations d’aménagement peuvent permettre de sauvegarder les biotopes à travers la mise en place de corridors ou de couloirs écologiques permettant la mise en réseau de continuités naturelles et ainsi le déplacement et le maintien des espèces.

En dehors de ces qualités écologiques intrinsèques aux espèces verts et aux végétaux, ils présentent également la capacité à devenir des supports d’aménagements permettant la création de systèmes intégrés de gestion et de régulation de l’environnement8.

6

Martine ALLAMAN, « Pour une ville qui respire », in Diagonal n°179, juin 2009, p. 52-54 Idem 8 Cf point 1.2.4, p27. 7

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1.1.2. Des formes d’appropriation qui se développent : la nature partagée pour mieux vivre ensemble : l’agriculture urbaine

Il ne s’agit pas seulement, dans l’acte urbanistique de réintroduire de la nature en ville en favorisant l’interpénétration de ces deux éléments pour former un espace hybride, car l’urbain est également fait d’espaces interstitiels, anciennement forêts, prés, champs cultivés qui s’est retrouvé englobé dans l’urbanisation. Friches longtemps laissées à l’abandon ou espaces de résistance de rares exploitants, ces morceaux de ville sont aujourd’hui valorisés au profit d’usages nouveaux ou retrouvés, dans tous les cas, reconnus dans leur fonction urbaine à travers diverses pratiques agricoles. Ce qu'on appelle aujourd'hui l'agriculture urbaine et périurbaine est une réalité universellement répandue. L'agriculture urbaine et périurbaine revêt des significations très différentes selon qu'on se place dans les pays du Tiers-monde ou dans les pays développés. Dans les premiers prime son rôle économique et alimentaire.

Une nouvelle approche du vivre ensemble et du rapport à la terre

Dans les pays développés, l’urgence alimentaire est moins prégnante, mais l’introduction ou la préservation

de

l’agriculture

en

ville,

répond

à

des

enjeux

multiples,

notamment

environnementaux (les terres agricoles permettent d'occuper et d'entretenir des espaces soumis à des risques naturels, de participer à la formation ou au maintien de corridors écologiques, et à la gestion de l’environnement9), de revêtir des enjeux économiques (supplément d’alimentation pour les plus démunis, support de développement local, source d’emploi), paysagers (valorisation d’un cadre de vie préservé) et sociaux (mise en place de nouvelles relations et solidarités). Les jardins partagés sont inspirés des jardins ouvriers de la ville industrielle du XIXème siècle, ils renouvèlent leurs ancêtres ne s’adressant pas seulement aux catégories sociales ouvrières mais convoquant toujours les bénéfices sociaux qu’ils produisent : facteur de socialisation, ils permettent de créer des temps forts de sociabilité à travers l’apprentissage et l’échange (de savoirs faire, coups de main, évènements) et d’enrichir la qualité et le cadre de vie (lieux de promenades et de paysage, sources d’une meilleure alimentation).

9

Cf paragraphe 1.1.1

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L’espace collectif devient appropriable pour chacun dans une démarche active et constructive, l’individu devient acteur de son propre environnement mais aussi de l’environnement de ses voisins et des autres usagers.

Ainsi, si d’un point de vue individuel (personne, famille, foyer), ces formes de nature permettent un enrichissement personnel certains, elles consolident également la sphère collective à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. De nouvelles valeurs collectives sont véhiculées à travers ces formes : celles de solidarité, de convivialité, de respect de l’environnement qui regagne du terrain dans une ville où la proximité est de plus en plus revendiquée en opposition à un système économique et urbain trop fonctionnalistes.

Des formes plurielles

Ils se déclinent dans une typologie variée allant des jardins familiaux aux domaines agricoles publics (dont les agriculteurs sont les prestataires de service) aux espaces agricoles privés mais « ouverts » au public pour la découverte. Si la préservation de grands espaces agricoles est permise par les instruments de planification, l’agriculture urbaine prend généralement la forme de jardins familiaux, ou partagés10 , qui ne nécessitent pas systématiquement de grandes surfaces et ne dépendent pas d’obligations de rentabilité. Ainsi, une des formes d’agriculture urbaine qui s’est le plus développée dans l’urbain ces dix dernières années, notamment dans les opérations d’aménagement est celle des jardins familiaux ou partagés. Issus d’initiatives spontanées accompagnées voire relayées par les structures associatives ou publiques. Ces jardins se multiplient dans divers lieux de la ville, dans des espaces interstitiels en friches ou les nouveaux quartiers. Les formes que prennent ces jardins sont variées dans leur surface et leur typologie : jardins collectifs, pédagogiques, communautaires, d’insertion…

Par ailleurs, la possibilité d’intégrer d’autres formes d’agriculture dans des opérations d’urbanisme n’est pas exclue et peut être pertinent sur certains territoires, notamment périphériques, dans lequel des AMAP11 peuvent être considérés comme de réels équipements d’agglomération, qui, au-delà de l’échelle du quartier, sont vecteurs d’attractivité et renouvelle les rapports du citadin à la production.

10

Cf point 1.2.2, p.24 les AMAP (Associations pour le Maintiens d’une Agriculture Paysanne) ont été créés en 2001, inspirées des Teikei japonais (années 60) et des Communities Supported Agriculture américaines (années 80), http://reseauamap.org/historique.php 11

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En effet, de nombreuses initiatives récentes ont enfin donné lieu à l’instauration de nouveaux échanges plus directs entre producteurs et consommateur : en France, depuis leur création tardive12, les AMAP se multiplie et entraîne des projets de développement de l’agriculture urbaine.

Ces pratiques trouvent un écho vis-à-vis de la population et correspondent à un besoin grandissant de la nature en ville.

1.1.3. Une demande de nature en ville grandissante pour une qualité du cadre et des modes de vie

En effet, Une des évolutions sociétales des plus spectaculaires des trois dernières décennies concerne l’émergence d’une passion des français pour la nature. Se matérialisant d’abord par des migrations résidentielles s’éloignant toujours plus de la ville pour gagner la « campagne » dans une marée pavillonnaire sans précédent, elle se traduit aujourd’hui par un engouement pour le jardinage d’une part, mais surtout d’une demande exponentielle en espaces extérieurs végétalisés (ou pouvant l’être), qu’il s’agissent des espaces privatifs (terrasses, balcons, jardins) ou publics (squares, jardins et parcs publics…).

Différentes enquêtes d’opinion ont démontré cette nouvelle tendance à travers l’expression du besoin de nature proche, notamment en ville.

La proximité des espaces verts, un critère déterminant dans le choix résidentiel

Avoir un logement plus accessible

12

Pouvoir devenir propriétaire

16

Pouvoir facilement sortir au cinéma, au restaurant, faire du sport

16

Habiter en dehors de la ville

16

Pouvoir habiter près de votre lieu de travail Avoir des transports en communs pratiques dans l'agglomération Avoir des commerces de proximité

17 24 30

12

38 les AMAP (Associations pourverts le Maintiens Avoir des espaces de proximité d’une Agriculture Paysanne) ont été créés en 2001, inspirées des Teikei japonais (années 60) et des Communities Supported Agriculture américaines (années 80), http://reseau0 5 10 15 20 25 30 35 40 amap.org/historique.php La proximité des espaces verts, critère prioritaire des français (Source : CSA, opinion 1999, en % des personnes interrogées)

19


Quatre français sur cinq vivent dans une aire urbaine et le cadre et la qualité de vie recherchés semblent dépendre pour beaucoup à la présence d’espace vert à proximité du logement : selon une enquête réalisée en 2008 par L’union Nationale des Entrepreneurs de Paysage, 72% des personnes interrogées auraient accordé une importance particulière dans ce critère13 (ce qui va dans le sens des résultats de l’étude CSA ci-dessus). La proximité serait évaluée par un temps de trajet à pied du domicile-espace vert inférieur à 10 minutes – soit 500 mètres (au-delà, le recours à des moyens de transports motorisés sont privilégiés)14.

Pour une ville de plus en plus verte, mais sous quelles conditions15 ?

Quels types d’espaces verts ? Quelles que soient les enquêtes d’opinion effectuées, la présence d’un jardin demeure le premier équipement public spontanément cité par les personnes interrogées pour améliorer la qualité de vie en ville. Par ailleurs, la pratique des espaces verts est différente selon les modes de vie. De fait, la demande est fluctuante selon le type d’habitat des personnes interrogées et il semblerait que plus la ville est dense, plus les modalités d’appropriation des espaces verts est forte et polyvalente16 : les habitant des collectifs sont les utilisateurs les plus polyvalents et les plus fréquents de l’ensemble des espaces verts17 (+3% par rapport à l’ensemble) mais surtout des squares (+6%), alors que les habitants des maisons individuelles groupés préfère les parcs (+4%) et ceux des maisons individuelles isolées des utilisateurs plus assidus des espaces naturels et ruraux. En ressort une demande dominante de parcs, mais fluctuante suivant le type de logement.

L’âge, les caractéristiques socio-économiques des ménages et les parcours résidentiels sont également déterminants dans le rapport aux espaces verts18. Pour exemple, - car le propos n’est pas de détailler le résultat de l’ensemble des enquêtes mais d’en dégager les conclusions les plus marquantes de la demande sociale de nature en ville, la demande de square est de plus en plus forte que l’on progresse dans les âges. 13

cité par ALLAMAN Martine, « Droit de cité pour la nature », in Diagonal, n°179, juin 2009, p.28 BOUTEFFEU Emmanuel, La demande sociale de nature en ville. Enquête auprès des habitants de l’agglomération lyonnaise, Collection Recherche n°154, Puce-Certu, 2005, 85 pages. (NB : enquête réalisée en 2002 sur un échantillon de 305 personnes) 15 Idem 16 Idem 17 ici, les espaces verts sont regroupés en 3 catégories : les squares, les parcs et les espaces naturels et ruraux 18 GEYMARD Sandrine, Le rôle des espaces verts dans les arbitrages résidentiels des ménages, DEA L’urbanisme et ses territoires, dir. Guillaume FABUREL, Institut d’Urbanisme de Paris, Université Paris XII Val-de-Marne, 2004, 110 pages. (NB : entretiens réalisés auprès de 49 personnes dans 3 communes de la petite couronne de Paris) 14

20


La connaissance de ces pratiques devrait influencer largement les politiques de développement des espaces verts dans une adéquation entre le type d’espace proposé et le tissu d’habitat qui l’entoure.

Quels usages ? La promenade et la détente représentent les usages privilégiés dans l’ensemble des espaces verts (à hauteur de 40% des personnes interrogées). Si le square fait l’unanimité et est largement plébiscité dans l’étude (plus de la moitié des personnes interrogées le fréquentent quasi-quotidiennement), c’est parce qu’il est avant tout un équipement multifonctionnel et multigénérationnel, lieu d’usages diversifiés et de rencontre. De même le succès du parc urbain réside en grande partie dans l’offre d’installations de loisirs (toboggans, animaux, plaines de jeux…) et sportives (terrains de sport, skate-parc, pistes cyclables…) qui attire en particulier les familles et les adolescents. L’identification de la marche comme usage prédominant des espaces verts ouvre de nouvelles perspectives quant au développement de formes de nature alternatives au square et au jardin, tel que le développement d’avenues-promenades, de cheminements verts, etc… qui trouve une adéquation dans la tendance à introduire la nature en ville à travers des réseaux et de continuités d’infrastructures vertes aux visées écologiques.

Quelles qualités ? Avant tout, l’espace vert doit avant tout être … vert ! Bien que ce constat apparaisse comme un pléonasme, il n’en ai pas moins révélateur d’une demande fondée sur la représentation de la nature comme végétale. Si les parcs peuvent offrir des aménagements naturels (traitements poreux, matériaux du mobilier naturels tels que le bois…), c’est avant tout la surface végétale qui est importante.

Parmi les qualités requises d’un espace vert, un certain nombre de critères, plus liés aux usages, apparaissent également déterminants : -

la sécurité : l’espace vert doit être dépourvu de tensions sociales et permettre de diminuer la vigilance,

-

le calme : l’espace vert doit permettre de se mettre à l’écart du bruit et de l’agitation de la ville,

-

la propreté : l’espace vert doit être préservé.

Les espaces verts prennent ici une dimension symbolique liée à la nature.

21


Ces trois tendances ont marqué très fortement le paysage des acteurs de l’aménagement et de l’urbanisme : -

multiplication des services dédiés aux espaces verts, à l’environnement, au paysage dans les collectivités locales,

-

renforcement et diversification du tissu associatif et des initiatives en faveur de la promotion de la nature en ville sous toutes ses formes,

-

augmentation exponentielle de la place et du nombre de paysagistes dans les équipes de projets urbains.

Comment marquent-elle le paysage urbains ? Quelles nouvelles formes de projets ont-elles entraînés ? En quoi ces évolutions ont-elles donné lieu à de nouveaux leviers d’action ?

A travers le projet de la ZAC du Sansonnet, nous allons voir que la nature dans l’urbain peut devenir dans ses dimensions écologiques, sociales, paysagères et économiques un matériau majeur de projet donnant lieu à de nouvelles formes de quartiers, hybrides entre ville et campagne.

22


1.2.

La ZAC du Sansonnet, un « quartier jardin »

L’exemple de la ZAC du Sansonnet à Metz va nous permettre de mettre en exergue les choix urbanistiques déterminant les formes de présence du végétal à travers l’identification : -

des espaces verts traditionnels intégrés aux projets

-

des formes contemporaines de nature en ville

1.2.1.

Contexte et philosophie du projet

La ZAC du Sansonnet est une opération d’extension urbaine localisée en première couronne au NordOuest de Metz, dans le quartier Devant-les-Ponts. Le projet d’aménagement du Sansonnet s’inscrit dans le cadre général de redynamisation des quartiers Nord de Metz, à l’articulation des quartiers et communes de rive gauche de la Moselle et le centre de Metz.

CONTEXTE : -

De grandes ruptures urbaines à

travers les grandes infrastructures de transport (Moselle canalisée, A31, voie de chemin de fer) -

Une zone de structurée autour de

3

pénétrantes

qui

irriguent

les

communes périphériques, le quartier et convergent vers le centre-ville (route de Woippy- RD50, route de Lorry- RD7, route de Plappeville (RD4). -

Une diversité urbaine où les

activités économiques côtoient les équipements et le tissu d’habitat et où les formes urbaines sont diversifiées (21% individuels, 78% collectifs et Illustration 2 : Localisation de la ZAC dans la commune de Metz

intermédiaires) 23


Le site de projet, d’une emprise de 12 hectares est vierge de toute urbanisation. Issu de la tradition maraîchère du quartier de Devant-les-Ponts, il se compose aujourd’hui de jardins familiaux, de surfaces maraîchères, de friches et terrains vagues. Inséré dans le tissu urbain, présentant un important potentiel foncier (propriété de la Ville de Metz), son aménagement fait l’objet d’une réflexion engagée depuis 2002. En 2009, le bureau d’étude Citadia Conseil (en partenariat notamment de Even, spécialiste en environnement) a été mandaté afin de mener les « études d’urbanisme et d’aménagement » de la ZAC du Sansonnet, à la suite de l’élaboration du dossier de création et préalablement à celle du dossier de réalisation.

En matière de programmation et de conception des espaces verts, l’équipe n’a été que peu contrainte par les premières orientations issues du dossier de création19 et visent à protéger l’environnement et l’identité paysagère du site à travers : - la conservation des jardins en zones inondable - la mise en place d’une réelle trame verte - la mise en valeur du caractère végétal (une minéralisation à minimiser)

Pour répondre à ces orientations, la nature a été intégrée au projet sous différentes formes : le jardin a été décliné sous toutes ses formes et le végétal structure le rapport entre espaces publics et espaces privés.

Compte tenu de l’omniprésence des éléments de nature dans la composition originelle du site, 3 orientations fortes ont guidé le parti d’aménagement : -

l’ambiance végétale faisant apparaître les éléments de nature au premier plan des éléments bâtis, perceptibles depuis l’espace public et les logements,

-

une composition en mosaïque qui s’appuiera non seulement sur la diversité de la typologie du bâti (caractéristique du quartier) mais aussi sur la ponctuation des espaces verts dans le quartier,

-

les usages entre intimes et partagés, inspirés des usages déjà présents sur le site, ils s’appuieront sur une diversité de lieux, notamment de nature qui permet une appropriation multiple des espaces.

La définition (nature, vocation, localisation) de ces espaces de nature a été le premier élément structurant dans la méthodologie de projet.

19

Cf annexe 1

24


1.2.2.

Le jardin décliné dans tous ses états

Le parc et le square, espaces charnières du maillage vert du site

La définition de la conception d’un parc a été une priorité dans la programmation du fait de son inscription dans le cahier des charges mais surtout de la présence sur le site d’une zone classée inconstructible car inondable. Son périmètre fut ainsi déterminé par les limites de la zone classée au PPRI. Sa position, au Sud du projet, fait bénéficier au parc d’une centralité entre les espaces urbanisés du quartier la faisant apparaître comme un cœur (ou)vert au sein de l’espace construit. Le parc serait un espace de promenade et de détente aménagé de manière sobre (pelouses, arbres, prairie fleurie), avec un mobilier restreint et ne se destine pas à une vocation d’agrément. Les usages ne seront que peu encadrés par des équipements conséquents et de ce fait, dépendront du degré d’appropriation de ce lieu. Le parc sera le support du bassin de rétention, qui, valorisé paysagèrement, sera intégré au par cet à ses usages. La programmation du square a fait l’objet de plus de débat au sein de l’équipe de conception. Le site choisi pour accueillir cet équipement présentait un réel potentiel fonctionnel et paysager : un talus, seul relief du site, s e localise devant l’école et à l’Est est programmé un EHPAD et se compose des quelques seuls arbres remarquables présentant un bon état physiologique. Sa situation entre deux équipements et en promontoire a été tout d’abord déterminante pour imaginer un espace de sociabilité multigénérationnel. La définition d’un square paysager à vocation de jeux permet de créer un espace central au sein du futur quartier. La desserte directe par les cheminements existants qui seront conservés garantissent leur accessibilité. La convergence des différents parcours en font des espaces charnière des flux et des usages du site. Ces deux espaces verts jouent sur la complémentarité.

Les jardins familiaux

Actuellement présents sur le site, ils sont réinjectés dans le projet dans une volonté de la part de la municipalité de poursuivre cette « tradition » messine qui se développe aujourd’hui dans l’ensemble de la ville de Metz. L’objectif de l’opération est de maintenir le nombre existant de jardins (soit 40) afin de garantir aux locataires actuels de pouvoir bénéficier de nouveau de leurs emplacements.

25


L’emplacement et l’organisation des jardins familiaux ont été entièrement revus afin de permettre l’urbanisation du site. Comme le parc, ils ont été naturellement localisés à la zone inondable (afin de dégager le maximum de foncier rentable…) et structurés par « poches » autour du parc. La conception des jardins familiaux garanti ainsi une continuité dans les usages et le maintien des usagers actuels du site. Les liens sociaux déjà entretenus par les locataires actuels participera à pourront être pérennisés et faciliteront l’émergence de liens sociaux à l’intérieur du futur quartier.

Le jardin pédagogique ou éducatif

(Cet équipement a été proposé à la maîtrise d’ouvrage mais n’est encore pas validé dans le programme de l’opération) Le jardin pédagogique ou éducatif, pouvant être réalisé à proximité du square entre l’école et l’EHPAD pourrait être un lieu de rencontre et d’échange entre les deux générations présentes sur le site : les personnes âgées et les enfants.

1.2.3. Le rapport espace public / espace privé structuré par les éléments du végétal

L’accompagnement paysager de l’espace public

L’ensemble des voies publiques seront accompagnées de végétal qui seront de véritables infrastructures vertes permettant de créer une véritable trame verte structurant le site et mettant en relation les différents espaces verts. Dans un même temps, elles seront le support d’une gestion de l’eu à ciel ouvert.

Les jardins privatifs

Dans le projet, l’aménagement végétal des parcelles privées participera tout autant à l’agrémentation du quartier que l’espace public : les carrés

Illustration 3 : Références des espaces publics utilisées pour la ZAC du Sansonnet

26


de verdure privés jouent un rôle de transition entre les logements intimes et l’espace public de la rue établissant une frontière avec l’espace public indispensable pour sécuriser l’espace du logement et procurer du confort à la rue. L’imbrication des deux espaces se fait par débordement, tout en garantissant une limite physique mais en s’en affranchissant visuellement. Pour ce faire, les espaces extérieurs privatifs feront l’objet de prescriptions paysagères importantes (le travail est en cours par la paysagiste) qui favoriseront la visibilité du végétal depuis l’espace public.

Vues privilégiées sur la « nature »

Jardins privatifs

Square et Jardin pédagogique

Jardins familiaux

Infrastructures vertes d’accompagnement

Parc

Illustration 4 : Schéma de principe du parti d’aménagement de la ZAC du Sansonnet

27


Cette démarche de production d’espaces de nature peut faire écho à la démarche de compromis qui a été à Breda sous la métaphore du « Rouge pour vert, rouge avec vert »20 qui donne pour principe à tout projet urbain de compenser l’urbanisation (le « rouge ») par le développement des espaces de nature/agriculture ( Cf encadré ci-dessous).

Breda, le rouge et le vert La compensation s’effectue par l’intensification de l’activité agricole, la restructuration des lisières entre la ville et la nature mais surtout (et c’est ici que l’opération du Sansonnet peut trouver une résonance) par le renforcement de la structure écologique du territoire d’opérations « rouge pour vert » où il est possible d’urbaniser à conditions : -

De créer un espace naturel au sein de l’opération (d’une surface proportionnelle à la taille du projet tel que 5 à 7,5 hectares d’espaces naturels pour une opération de 10 à 15 hectares)

-

D’améliorer la qualité de l’environnement ou de contribuer à un fond public finançant les espaces naturels (à l’échelle de la Province ou da la ville).

1.2.4. La démarche AEU (Approche Environnementale de l’Urbanisme)

Dans le cadre de l’élaboration du projet urbain, une démarche de développement durable a été lancée à travers la désignation d’un bureau d’étude spécialisé dans l’environnement et habilité par l’ADEME21 à mener une Approche Environnementale de l’urbanisme. Cette démarche vise à accompagner la collectivité dans la définition des mesures prises en matière d’environnement et d’énergie dans leur opération d’urbanisme à travers une méthodologie relativement systématique mais adaptée au contexte local : il s’agit d’assister la collectivité pour déterminer ses objectifs (en matière de gestion de des déplacements, de l’énergie, de l’eau, des déchets, de pollution… ) et d’évaluer les potentialités et les contraintes des différentes mesures éventuelles.

20 21

MASBOUNGUI Ariella, Breda. Faire la ville durable, Editions du Moniteur, Collection Projet Urbain, 2008, p.56 Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie

28


L’intégration de différentes mesures serait permise par le développement des espaces de nature dans l’opération notamment vis-à-vis de la gestion de l’eau et du bruit.

La gestion de l’eau

Différentes propositions ont été faite pour une gestion de l’eau minimisant les impacts sur l’environnement : -

la création de toit végétalisés associés à des puits d’infiltration favorisant la collecte et le traitement des eaux pluviales et l’alimentation directe de la nappe souterraine

-

la création d’un système de noues permettant de collecter les eaux de pluie et de ruissellement en ralentissant leur écoulement vers un exutoire qui serait totalement intégré aux aménagements, notamment en accompagnement des voies (apportant également une qualité paysagère au site)

-

la constitution d’un bassin de rétention paysager intégré au parc destiné à contenir le surplus d’eaux de pluie et de ruissellement généré par l’urbanisation du site en fonction d’un débit d’évacuation régulé vers un exutoire, ce dernier pouvant être le réseau public, un cours d’eau ou un système d’infiltration.

Illustration 5 : Référence de bassins d’un bassin de rétention paysager

29


La palette végétale

La constitution de la palette végétale du site de la ZAC du Sansonnet vise le recensement des différentes espèces d’arbres et d’arbustes présentes sur le périmètre d’étude , ou en proximité immédiate. Guide de projet, elle permet de connaître les essences naturellement adaptées à l’environnement immédiat au site pouvant être réintroduite dans les aménagements futurs. Ce guide s’adresse tout autant à la maîtrise d’ouvrage qu’aux constructeurs privés qui participent à la végétalisation du site. Ces essences ne nécessiteront que très peu d’entretiens et faciliteront la mise en place d’une gestion différenciée des espaces verts.

Illustration 6 : La palette végétale de la ZAC du Sansonnet

La gestion du bruit

Le renforcement de la présence végétale aux abords des voies bruyantes est préconiser afin qu’elle forme un tampon entre les nuisances sonores et les habitations. Ce sera particulièrement le cas le long des axes principaux Nord-Sud et Est-Ouest. Aucune prescription technique approfondie n’a été faite à ce sujet.

30


CONCLUSION De la ville contre la nature, induisant une protection vis-à-vis de celle-ci, au cours des siècles passés, nous sommes passés, au cours de la seconde partie du 19ème siècle, à un aménagement très maîtrisé de la nature en ville, dans un but d’agrément (jardins publics) voire de pacification (jardins ouvriers) ou encore d’hygiénisation. Il n’y a pas eu de réelle révolution verte dans si l’on observe les formes produites de nature en ville qui reposent toujours sur des systèmes hiérarchisés d’implantation de la nature en ville qui correspond encore aux squares, jardins, parcs, … définis dès le début du 20ème siècle par LE FORESTIER. L’évolution majeure concerne plutôt les pratiques de l’urbanisme qui élargissent les dimensions de la nature en ville aux domaines de l’écologie urbaine. Le développement du verdissement et des jardins partagés s’inscrit en continuité d’une démarche hygiéniste instaurée depuis le 19ème siècle. Aujourd’hui, les espaces de nature en ville ne répondent plus à des préoccupations segmentées des politiques urbaines, mais au contraire, cristallisent la transversalité des problématiques de développement en revêtant des fonctions : -

économique de production (agriculture, forêts),

-

sociale (lieux de sociabilité, de loisirs, de repos…),

-

paysagère de structuration dans la forme urbaine,

-

écologique de préservation des ressources naturelles et de régulation (eau, faune, flore).

Cette évolution entraîne un changement profond dans la production de la ville signant la fin d’une politique de dé-dénsification matérialisée par la Charte d’Athènes de 1933. Différents textes ont permis, notamment à l’échelle européenne d’affirmer les enjeux de la nature en ville et de favoriser des pratiques visant la durabilité des aménagements à venir. Nous en retiendront 322 : -

la Charte d’Aalborg (1994), issue de la Conférence européenne des villes européennes, tenue au Danemark,

-

la Convention Européenne du Paysage (2000), issue des membres du Conseil de l’Europe,

-

le Grenelle de l’Environnement (2009), traduit en France par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

22

LEMONIER Marc, « L’émergence d’une nouvelle culture urbanistique », in Diagonal, n°178, novembre 2008, p.39-40.

31


CHARTE D’AALBORG, CONVENTION CHARTE D’ATHENES EUROPEENNE DU PAYSAGE ET GRENELLE DE DANS LE LOGIQUE DE L’HYGIENISME

L’ENVIRONNEMENT

Politique de dé-densification

Politique de densification

Objectif : aérer et embellir la ville

Objectif : endiguer l’étalement urbain et la surconsommation des ressources

Planification et règlementation

Stratégie et participation

Logique paysagère et sanitaire

Logique environnementale de préservation du métabolisme urbain

La nature comme agrément

La nature comme utilitaire

Principes de table rase

Attitude patrimoniale et de partir de l'existant

Interventions prioritaires :

Interventions prioritaires :

Assèchement de la ville

Réhabilitation de l’humide

Endiguement des rivières

Réaménagement des berges

Abandon des ports

Réhabilitation des ports fluviaux

Enterrement des cycles de l’eau

Gestion des eaux pluviales à ciel ouvert

Imperméabilisation des sols (macadamisation) Perméabilisation des sols urbains Politique d’extension des espaces verts

Recomposition des espaces naturels

L’utilité de la nature comme régulateur / médiateur en milieu urbain semble être devenue évidente, et partout, elle devient levier de projet pour requalifier des grands ensembles, reconquérir les berges des fleuves, pour créer des extensions urbaines… Suffirait-il d’intervenir sur les espaces libres, les délaissés fonciers, les reliquats de la nature en ville pour y introduire plus de nature « authentique » dans le tissu urbain, afin de mieux prendre en compte les exigences transversales de la ville et les aspirations du citadins ?

32


2.

Illustration 7 : Une ruelle des Villas de l’Hermitage 33 – PARIS 20


2.LA NATURE DANS LA VILLE REPRESENTATION ET SYMBOLE D’UN NOUVEAU RAPPORT DE L’HOMME A SON ENVIRONNEMENT

En dehors des formes et des usages, un des glissements majeurs du rapport à la nature s’effectue dans une nouvelle sensibilité qui se traduit dans une demande de plus en plus forte de la présence et de la proximité de nature.

Il s’agit d’interroger ici la question de la

représentation qui induit une nouvelle manière de voir et d’user des éléments de nature dans un projet jusqu’à le placer comme élément stratégique non plus dans sa matérialité même, mais dans les images qu’elle renvoie. Cette nouvelle dimension du milieu urbain, qui s’appuie sur « l’imagibilité » et la capacité à générer des symboles serait indépendante des dimensions matérielles vues précédemment de formes de nature support d’usage. Une seconde dimension ferait apparaître la nature dans son immatérialité. L’échec des espaces verts purement fonctionnalistes (comme ceux des grands ensembles) laisse imaginer qu’ils peuvent répondre, au-delà à des besoins purement matériels à des aspirations conscientes et inconsciente, plus subtiles, qui feraient entrer en ligne de compte la symbolique, l’imaginaire et la sensibilité esthétique qui aboutirait à une multidimensionnelle des espaces de nature.

La nature serait ainsi convoquée pour sa capacité à générer des représentations plus que pour développer une réelle stratégie écologique ou sociale ? Quels en sont les risques ?

34


2.1. La part de l’imaginaire dans l’urbain : la conscience d’une ville immatérielle

La ville ne se résume pas à ce qui est de l’ordre du physique et du matériel. Cette vision simplificatrice ne peut rendre compte de toutes les dimensions de l’espace-temps sociétal en particulier des relations sémiotiques (relatives à la théorie générale des signes et à la signification sous toutes ses formes) en jeu dans l’urbain. Derrières les attentes formulées sur des données brutes de la présence et des formes de nature en ville se cache des dimensions liées à la représentation même de l’idée de nature. La part de sensible dans l’urbain, théorisé, entre autre, par Kévin Lynch23 puis Gordon Cullen24 et Philippe Panerai25, fait apparaître de nouvelles potentialités à la ville, liées autant à la matérialité qu’à sa perception et à la représentation générée.

2.1.1.

La ville comme paysage : l’importance de l’image

Le concept ambigu de paysage tant conceptuellement que physiquement permettrait de dépasser ce caractère simplificateur26 de l’opposition entre ville et nature et de traduire le rapport entre la matérialité et l’immatérialité de l’urbain.

L’évolution de ses définitions et de sa prise en compte dans l’aménagement du territoire montre comment la nature a été intégrée dans l’urbain dans sa représentation et comment ces deux composants ont donné lieu à un espace hybride. D’un paysage naturel comme décor découlant d’une vision artistique, d’un paysage sublime et pittoresque consacrée à l’époque romantique, le concept de paysage a évolué pour toucher l’ordinaire et l’urbain : « le paysage, de nature culturelle, est une construction relevant du sensible […]. Il repose sur l’agrément sensoriel, sans être nécessairement naturel » comme le qualifie Bernard LASSUS27.

23

LYNCH Kévin, L’image de la cité, Dunod, Paris, 1969 JATON Virginie et PHAM Nicolas, Vers une approche typo-morphologique de l’espace public, 2005 25 PANERAI Philippe, DEPAULE J.C. et DEMRGON M., Analyse Urbaine, Editions Parathèses, Paris, 1999 26 PANERAI Philippe, DEPAULE JC et DEMERGON M, Analyse urbaine, Editions Parenthèses, Paris, 1999 27 HENRY Michel (dir.), Paysage et aménagement urbain, Ministère de l’Equipement du Logement et des Transports, Centre de documentation de l’urbanisme, Paris, 2001 24

35


Si le concept de paysage permet de dépasser l’ambivalence de la ville et de la nature c’est parce qu’il se réfère à la dimension de la perception et s’intéresse à mettre en relation tous les éléments qui composent l’espace. Le développement du concept et de la discipline du paysage démontre l’introduction la notion essentielle du sensible, et l’importance de la subjectivité des images dans la construction de l’urbain. Il ne met plus en contradiction et les rends complémentaires

Aussi, l’analyse paysagère relève le défi d’analyser un espace dans sa complexité et son abstraction en l’observant selon ses critères physionomiques, fonctionnels et sensoriels

28.

Dans cette méthode

d’analyse de l’espace, les concepts de dynamisme et d’ambiance sont novateurs et démontrent une manière neuve d’aborder l’environnement : -

les dynamiques du paysage découlent de sa réalité changeante, dans le temps et dans l’espace et sont autant de marqueurs des interactions entre la société et son environnement ; ils tiennent à la fois de l’objectif (puisque quantifiés) que du subjectif (certains phénomènes vont prendre plus d’importance que d’autres, suivant leur impact sur l’environnement par exemple) ;

-

de tous les éléments du paysage (unités, structure, composants, motifs, …) se dégage une ambiance, certainement la plus difficile à cerner car subjective qui repose sur des critères d’observation tels que l’ouverture ou la fermeture d’un paysage, la stabilité ou l’instabilité, son degré d’entretien ou d’abandon, son caractère naturel ou anthropisé…

En développant un vocabulaire spécifique et une nouvelle manière d’appréhender l’espace, l’approche paysagère a largement contribué à enrichir la lecture et l’analyse des espaces urbains. Les réflexions sur le traitement et le rôle des formes urbaines et des espaces publics en ont été particulièrement influencés, leurs échelles et leurs dimensions se confondant avec celles du paysage. Cet engouement pour la notion de paysage est également à associer avec un besoin de représenter la nature de plus en plus fort depuis les années 70. Ainsi, l’identité d’un lieu dépendrait de ses qualités internes mais aussi de sa capacité à être perçu et ressenti. Elle tiendrait également de la singularité des espaces à interagir entre eux.

28

BERINGUIER Philippe, DERIOZ Pierre et LAQUES Anne-Elisabeth, Les paysages français, Armand Colin (coll. Synthèse), Paris, 1999

36


2.1.2. La ville comme espace scénique : l’importance des effets induits

S’intéresser à l’image de la ville, aux effets que celle-ci produit, aux perceptions des individus qui y entrent en interaction, nécessite de dégager les éléments d’analyse propres de l’urbain associant sensibilité et matérialité, soit les liens qui existent entre comportements individuels et cadre urbain. Parmi les nombreux travaux effectués sur cette question, ceux Kévin LYNCH, Gordon CULLEN et Philippe PANERAI représentent les plus novateurs29.

Kévin LYNCH a été le premier à utiliser l’expérience du parcours, en 1960, pour mettre l’accent sur la dimension visuelle des structures urbaines30. A travers la question de l’orientation dans la ville, il a cherché à comprendre la relation entre l’image et la forme en montrant le lien entre comportements et aspects formels de la ville et a développé le concept « d’image mentale ». Pour lui, toute analyse de la qualité d’un environnement commence par la compréhension d’un paysage donné (son histoire, ses habitants, leur culture et leur économie politique). Il s’agit d’élaborer un langage approprié à ce type d’analyse mais aussi de préciser le niveau d’intervention (local ou régional) à partir duquel une politique qualitative doit être menée. La capacité des espaces à acquérir une valeur étant, selon ses termes dépendante de « l’imagibilité », de sa capacité à produire une image collective. Complétant cette vision, Gordon CULLEN va, un an plus tard, conceptualiser l’idée de vision sérielle en traitant l’espace urbain comme une série d’espaces mis en relation31. Son analyse picturale lui a permit d’introduire la notion de paysage urbain. S’appuyant sur la perception cinétique des piétons, il montre que les sols, les façades, les volumes, les couleurs se modifient au fur et à mesure des déplacements pour former un enchaînement d’espaces créant des effets.

L’expérience immédiate de l’espace devient fondamentale.

29

CANDON Nathalie, « Composition Urbaine », Direction de l’Architecture et de l’Urbanisme, 1996 LYNCH Kévin, L’image de la cité, Dunod, Paris, 1969 31 JATON Virginie et PHAM Nicolas, Vers une approche typo morphologique de l’espace public, 2005 30

37


Ces différentes analyses de l’espace nous montrent comment les éléments du paysage urbain induisent des images dans lesquelles l’imaginaire a une importance primordiale : la représentation d’un espace physique particulier est aujourd’hui envisagée comme un processus complexe procédant tout autant de la perception immédiate que de celle médiatisée du monde physique et produisant des images faisant appel non seulement au monde de la vision mais aussi à l’ensemble des sensations, interactions entre l’individu et son environnement et de la représentation.

Dans cette logique, la nature en ville ne ferait-elle pas plus références à des images mentales qu’à une réelle présence au sens épistémologique du terme ? A quelles représentations renvoient les évolutions nouvelles de la demande et de la production de nature en ville ? Quelle part d’idéal à travers la nouvelle conscience verte ?

38


2.2. La nature en ville représentée et idéalisée : des images aux symboles

2.2.1. Un nouveau rapport à l’espace-temps : des valeurs nouvelles à travers la dimension écologiste et patrimoniale

Dans un contexte d’action sur la ville qui a bien du mal à se définir, tant les contraintes de toutes sortes sont pesantes, l’imaginaire de la nature offre une occasion inespérée de renouvellement, que nous pouvons qualifier de symbolique : une idée du monde, et notamment du rapport de la nature et de la ville qui se forme dans un « moment écologique » qui succèderait au « mouvement social », comme le définit André Micoud (sociologue)32, en écho à une rupture idéologique vis-à-vis des courants hygiéniste et moderne. Car si l’hygiénisme est encore présent à travers la volonté de restaurer le lien entre l’homme et la nature pour guérir les maux engendrés par la civilisation urbaine, le vrai changement correspond à la mode de l’écologie urbaine en s’ajoutant l’idée de restaurer la nature en ville pour qu’elle-même devienne réparatrice.

Ainsi, le mouvement écologiste s’est largement traduit en urbanisme dans une nouvelle conception de la ville considérée comme « écosystème peu autonome, à métabolisme imparfait et fortement entropiques »33. Développée par l’écologie urbaine, la pensée de la ville qui la définit comme un système vivant complexe qui s’alimente de flux externes, transforme les ressources et rejette ses déchets et nuisances sur les territoires périphériques la fait apparaître comme une prédatrice vis-à-vis du monde du vivant des ressources et productrice de nuisances et de déchets. Cette conception de la ville fait apparaître la renaturation de la ville comme une solution (qui ne suffit pas à elle-même pour autant) permettant de mieux gérer la « machine urbaine » en marche. Cette vision renvoie une vision de la ville redéfinie dans son espace et dans son temps.

32

DECLLE Sandra, PANASSIER Catherine et PINCHART Anne, La nature en ville, édité par le Centre des Ressoures du Grand Lyon (coll. Millénaire, Lyon, 2007, 23p. 33 DA CUNHA Antonio, KNOEPFEL Peter, LERESCHE Jean-Philippe, NAHRATH Stéphane, Enjeux du développement durable, Transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, Presses Polytechniques et universitaires Romandes, Lausanne, 2005

39


La nature devient peu à peu le symbole de cette prise de conscience et d’une volonté nouvelle de développer une nouvelle relation entre l’homme et son environnement, une relation plus proche du monde vivant : « La nature a aujourd’hui une couleur, le vert » constatait Jean VIARD, il y a quelques années, ce qui est encore vrai aujourd’hui34 : les différents courants de pensées urbanistiques ont fait de cette couleur une métaphore de la nature régénératrice, un puissant vecteur idéologique35.

Or, si l’avènement du discours écologiste se concrétise aujourd’hui et trouve un écho dans le paysage des acteurs de la ville, n’est-ce pas parce qu’il se construit en réaction à la crise sociale, économique et politique qui se cristallise dans l’espace urbain ? Cette question induit un décalage entre la capacité du discours à mobiliser les acteurs et l’effective réalisation de ce discours. Si des évolutions majeures marquent la manière de produire de la nature en ville, la manière d’envisager le rapport de la nature à la ville à travers des représentations nouvelles serait encore plus mobilisatrice. Le discours environnemental vis-à-vis de la nature viserait à redéfinir des valeurs pouvant fédérer un mouvement collectif dépassant les intérêts individuels.

En effet, la nature serait le symbole de nouvelles valeurs, l’image dominante d’une idée de ville plus consciente des nécessités de durabilité et d’équité sociale.

La notion de durabilité induit un glissement du rapport au temps que la nature en ville matérialise. La nature répond à ses propres logiques temporelles qui sont contraires à l’immédiateté : la nature rythme les saisons en ville, elle est un repère temporel pour le citadin et, en cela le lien avec le monde du vivant. Le temps de la nature renvoie toujours à cette question du long terme puisque la croissance des végétaux repose sur un temps long de germination, de pousse et de maturation. Pouvant être transmise aux générations futures, elle représente un héritage sur lequel reposent les différentes politiques de protection et qui justifie les différentes démarches de développement de la nature en ville. Dans cette logique, le volet patrimonial de la pensée écologiste de la nature tient une grande place.

Ainsi, le thème de « la nature dans la ville » signe l’émergence d’un nouveau rapport symbolique à la durée et à l’espace : au-delà d’un discours purement naturalisant de la ville se basant sur la nécessité d’aborder et de construire la ville comme un écosystème, le discours patrimonial greffe de nouvelles valeurs à la nature induisant des récits plus familiers. Aussi les politiques environnementales incluent 34

QUERIEN Anne et LASSALE Pierre (resp.), « Natures en ville », Annales de la Recherche Urbaine, n°74, 1997 LIZET Bernadette, DUBOST Françoise, « La nature dans la cité. De l’hygiénisme au développement durable », in Communications, Volume 74, n°1, 2003, p. 5-18

35

40


largement un volet patrimonial, historisant la nature, lui donnant un sens dans l’histoire passée et à venir (par exemple à travers les démarches d’inventaires de ZNIEFF36 ou les classements de sites NATURA 2000), et inversement, les politiques patrimoniales intègrent de plus en plus la dimension environnementales (exemple à travers les volets paysagers des ZPPAUP37).

Ainsi, le patrimoine naturel, hérité ou à construire ouvre dans la crise d’identité urbaine de nouvelles perspectives, un nouveau sens à l’espace dans le monde urbain et de nouvelles priorités.

2.2.2. Un nouveau rapport à la ville quand la nature fait oublier les nuisances : la nature comme nouvelle urbanité38 ?

Bien que cette logique tend à s’estomper, le mariage des

L’urbanité ?

termes de la nature et de la ville renvoie encore aujourd’hui à l’ambivalence : rural / urbain, végétal / minéral, vide / plein, silence / bruit, vivant / inerte… faisant apparaître la nature dans une dimension positive et compensatoire des nuisances

La question de la nature renvoie inéluctablement à des symboles et des références liées à la campagne, à l’espace rural. Aussi, les représentations liées aux rapports aux autres, en termes physique et social trouveraient dans la présence des espaces de nature en ville un regard nouveau permettant de les

effets

la relation existant entre un espace et ceux qui y vivent.

liées à l’espace urbain.

relativiser

L’urbanité qualifie le caractère positif de

d’anonymat,

de

promiscuité,

Pour y parvenir, il s’agit, selon François Ascher de mettre en adéquation

les

relations sociales d’une société urbaines et les espaces collectifs et publics par lesquels et au sein desquelsces relations se nouent et s’inventent.

d’entassement et d’enfermement liés à la ville.

Agnès BERLAND-BERTHON

La nature en ville, pour de nouvelles sociabilités

Les espaces verts en ville sont l’objet d’une contradiction dans les attentes liées aux rapports induits par ces espaces : on y recherche le calme en même temps qu’une animation39. Cette contradiction est 36

Zone Naturelle d’Interêt Ecologique Faunistique et Floristique Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager 38 BERLAND-BERTHON Agnès, « Faire la ville », in Urbanité, n°1, Aquitanis, avril 2009, p. 4 37

41


finalement le reflet de la dualité de l’homme qui veut faire société en même temps qu’il se défend individu. L’espace urbain, support d’interactions sociales marquées par les phénomènes d’anonymat et de promiscuité lié à la foule, trouverait dans l’espaces public vert un lieu qui permettrait de compenser les nuisances induites : celui-ci permettrait de répondre à des démarches mouvantes : -

d’associativité et de rencontre : il permet, par sa vocation, de multiplier les interactions sociales du fait qu’il concentre la présence de différents publics qui, en outre, sont dans ces lieux pour des motifs relativement similaires (usages),

-

d’individualité et d’isolement : il permet, par sa forme, de se couper des autres individus

L’espace vert induit ainsi un inversement des phénomènes d’anonymat et de promiscuité, non parce qu’il les fait disparaître, mais parce qu’il en fait des processus qui ne sont pas subis mais choisis (par opposition à la rue) : la liberté d’usage inhérente à cet espace public garantit une appropriation propre à chacun selon ses aspirations.

Ce caractère induit une image positive de l’espace vert qui est associée à des visions de bien être individuel tout autant qu’à des visions des rapports de voisinage reposant sur la convivialité. A ce titre, les références à la campagne et le transfert symbolique de ses qualités aux espaces verts sont éminemment responsable de cette représentation, autant que les réalités d’usages induites.

De même, la présence du végétal « hors les murs » des espaces verts (verdissement, végétal débordant de l’espace privé), renvoie très vite à des images nostalgiques et idéalistes du monde rural dans sa convivialité, sa spontanéité et son authenticité… images reportées aux relations sociales induites. C’est le cas de l’Impasse de l’Ermitage à Paris40 où le promeneur projette cette représentation tout autant que l’habitant tente de l’entretenir41. Des termes comme « esprit village » ou « morceau de campagne » viennent ainsi qualifier ce type de lieux pourtant très urbanisés et denses… Notion de paradis perdu d’une France rurale.

Au-delà du rapport aux autres, c’est aussi le rapport à la densité qui change.

39

BOUTEFFEU Emmanuel, La demande sociale de nature en ville. Enquête auprès des habitants de l’agglomération lyonnaise, Collection Recherche n°154, Puce-Certu, 2005, 85 pages. (NB : enquête réalisée en 2002 sur un échantillon de 305 personnes) 40 Cf photo page Xxx 41 Programme Ecologie Urbaine « Ville, densité, nature », Atelier de l’Environnement Thalès, 1999, 145 pages

42


La nature en ville, pour une nouvelle densité Ces représentations ont été à l’origine d’un phénomène bouleversant les rapports de la ville et de la campagne : la périurbanisation, synonyme d’étalement urbain et traduction directe d’une fuite de la ville par les citadins, s’éloignant toujours plus des agglomérations pour acheter un « coin de verdure » afin d’y implanter son pavillon… Si le phénomène tend à ralentir aujourd’hui, il n’est pour autant révolu, malgré les outils de maîtrise de l’urbanisation des collectivités. La nature dans la ville permettrait justement de faire accepter la ville et ses contraintes de promiscuité induits par la densité bâtie, « intensité perçue des nuisances de toutes origines et natures qui organisent l’habitat »42. Ainsi, le rétrécissement de l’espace est compensé par la proximité d’un parc ou la présence de la nature dans le paysage perçu. Par ailleurs, la présence de nature dans la ville améliore la qualité des espaces publics, les rends plus attractifs, permettant de remédier à la faiblesse des espaces extérieurs privatifs. Proposer des parcelles de maisons individuelles groupées ou accoler de 150 mètres carrés, des logements collectifs est possible si les espaces publics ou collectifs proposent des aménités semblables à celles attendus de jardins privés : calme, ombre, usages de détente et de loisirs.

La nature en ville permettrait d’inventer un compromis entre ville et campagne.

Les attentes des habitants du quartier de la ZAC du Sansonnet traduisent cette triple logique de la capacité de la nature à renvoyer à un imaginaire construit de la nature en ville.

42

Idem

43


2.2.3. Les attentes des habitants du quartier de la ZAC du Sansonnet

Dans une logique de concertation avec les habitants, une rencontre publique entre la Ville de Metz, maître d’ouvrage, le bureau d’étude en charge des études pré-opérationnelles (Citadia Conseil) et les habitants a été organisée en trois temps : -

une « promenade urbaine », sur le site de projet où l’équipe a pu commenté ses premiers éléments de diagnostic et faire remonté les premières réactions des habitants ;

-

une présentation des grandes orientations du projet (en phase de stratégie) suivie d’un débat

-

des ateliers thématiques organisés en tables rondes associant élus, techniciens, habitants et membre du bureau d’étude en charge du projet.

Les premières réactions de terrain des habitants qui « redécouvraient » ou connaissaient par cœur le site furent axées, dès les premiers propos sur le traitement paysager du projet. "Quel sera l’ambiance du nouveau quartier ?" " Ce secteur doit rester public, c’est un lieu ouvert à tous, un lieu de promenade" "Il faut conserver les arbres" "Cet esprit « poumon vert » sera-t-il conservé ? " "Il faut préserver les vues sur le Mont St Quentin"

L’idée forte ressortie par la suite de l’atelier a été la même : « il faut conserver l’âme verte du site ». La terminologie des mots utilisés par les habitants, relevant du registre des images (le vert, les arbres, …) à des registres plus sensibles (ambiance, esprit, âme) montrent bien comment la nature est pour eux l’identité du lieu sur laquelle le projet doit se baser. Bien que les notions de patrimoine ou de mémoire n’ont jamais été évoquées, la reconnaissance des qualités « vertes » du site suffit à donner à la nature présente sur le site une valeur identitaire. Paradoxalement, les murs présents sur le site, témoignage de la tradition maraîchère du site, n’ont pas été l’objet d’une telle reconnaissance. Leur disparition dans le projet ne représentait pas une atteinte au lieu selon les habitants.

Dans le même atelier où était abordée la question de l’environnement, les revendications écologiques ont été quasi nulles. Ce qui importe sur ce projet, aux yeux des habitants est la seule présence de la nature « verte », comme si cette seule présence suffirait à garantir des pratiques saines et écologiques de gestion du site.

44


Quant au débat sur les usages relatifs aux parcs et espaces verts, il a mis en exergue la volonté d’appropriation du site à travers l’ouverture des espaces verts et le maintien de parcours.

Il ressort bien ici que le maintien du caractère vert du site représente un facteur majeur de l’acception d’un projet d’urbanisation par les habitants du quartier. Plus qu’à de réelles préoccupations sociales ou écologiques, cette volonté découle directement d’une construction mentale associant ce site au végétal, à la mémoire d’un vécu passé qui peut, certes, être prolongé et réinventé mais sous conditions : l’aménagement du site doit s’inscrire en continuité de la « nature » présente, dans ses formes et son omniprésence.

Le projet de Citadia Conseil va s’inscrire totalement dans cette logique.

45


2.3. La nature dans la ZAC du Sansonnet comme symbole de la philosophie du projet

Les différentes étapes de projet de la ZAC du Sansonnet ont été le témoignage de cet état de fait : la nature est intégrée dans la stratégie d’aménagement du site dans sa dimension matérielle (création d’espaces verts publics et privés) mais aussi dans une démarche appartenant au registre sensible de l’urbain.

Le premier défi de cette opération a été, en effet, de concilier l’urbanisation du site tout en respectant son image verte dans le quartier. Un certain nombre de valeurs ont été convoquées afin de générer une représentation positive du projet basée sur une appréhension encore dualiste d’opposition entre la ville et la nature.

2.3.1. Légitimer le projet : recherche des matériaux supports de projets

Dès les premières visites de terrain, l’omniprésence du végétal a évidemment été partagée à l’intérieur de l’équipe du bureau d’étude. Mais ses formes se sont révélées être difficilement des supports de projets : -

les jardins familiaux et la parcelle maraîchère présents sur le site doivent disparaître dans le projet au profit de l’espace urbanisé,

-

peu d’arbres remarquables composent le site compte tenu de la rareté de cette strate végétale et de l’état sanitaires des quelques arbres présents (seulement quelques individus ont été répertoriés),

-

les friches nombreuses faites de ronces et arbustes peuvent difficilement être conservées en l’état.

Ainsi, paradoxalement, la nature est saisie comme un matériau déjà présent sur le site alors que sa matérialité s’avère quasi inexploitable… ce sont ses représentations qui seront convoquées :

46


-

l’identité maraîchère qui repose sur la présence de murs matérialisant un parcellaire linéaire et large caractéristique,

-

les ambiances multiples : entre intime et partagé (jardins, maraîchage / cheminements), , entre cultivé et sauvage (jardins et maraîchage / friches) , entre ouverture et fermeture (écrans des friches et des murs, perspectives sur parcelles linéaires)

-

la structure : lignes Ouest / Est et Nord-Sud, courbes et rondeurs, le parcellaire

A travers ces éléments de diagnostics, ce n’est pas la nature réellement présente sur le site qui devient support de projet mais le paysage qu’ont générés les usages successifs du site et sur les représentations construites autour des différents composants. Nous voyons ici que cette interprétation, bien que reposant sur un regard analytique paysagiste, est subjective. Pour autant elle doit permettre d’assurer la pertinence et la légitimation de l’intervention urbanistique.

2.3.2. Elaborer une stratégie : enjeux de résistance de la nature dans le projet

La stratégie élaborée par le bureau d’étude vis-à-vis de la présence de la nature sur le site est, nous l’avons vu, n’est pas axée sur la conservation des éléments présents. Elle vise la réinterprétation de l’image du site en s’inspirant des ambiances et de la structure du site.

L’objectif sur cette opération a été de contrecarrer l’image négative de l’urbanisation pouvant dénaturer le site. Deux logiques ont guidé l’introduction de la nature comme support de projet afin de répondre à un double objectif : valoriser la mémoire du lieu et structurer un lieu habité.

Valoriser la mémoire du site Æ construction métaphorique (en raisonnance, en écho, en référence) De nombreux choix urbanistiques, architecturaux et paysagers ont été fait en référence aux images produites par le site : -

la composition globale du site reprend la structuration rationnelle des jardins familiaux : les

47

Illustration 8 : Le site actuel de la ZAC du Sansonnet : une identité maraîchère prégnante


îlots sont déterminés selon un parcellaire basé sur une trame rectangulaire et sériée, -

l’organisation de chaque îlot repose au contraire sur l’aléatoire proposant des formes bâtis variées et des motifs végétaux ponctuels, en écho aux jardins familiaux qui se composent d’éléments naturels (strates et espèces végétales) et construits (cabanons) variés selon des agencements propres à chaque parcelle,

-

les aménagements des espaces publics répondront à un principe de simplicité : leur forme sera épurée et leur traitement reprendront les matériaux et végétaux déjà présents sur le site (bois, pierre, métal et palette végétale de plantes vernaculaires et endogènes, notamment d’arbres fruitiers)

-

les cheminements piétons, sinueux, se réfèrent aux chemins et sentiers de campagne, en opposition à la linéarité et à la rigidité des voies urbaines.

Les différentes ambiances pressenties sur les ite sont réintroduites dans les principes d’aménagements : -

les espaces sont définis selon des degrés d’intmité ou de partage recherchés : les espaces extérieurs se déclineront en espaces publics multigénérationnels et multiusages (parc, square), en espaces au public spécifique (espaces de jeux ou de détente), en espaces collectifs au public restreint à l’intérieur des îlots et en espaces privatifs attenant au logement (terrasse, jardin, balcon) ;

-

les jeux d’ouverture et de fermeture seront répétés à travers la conservation des murs, la végétation, les agencements du bâti,

-

les espaces de natures seront variées (selon le principe de gestion différencié), cultivés (jardins familiaux et privatifs, aménagements ) ou plus champêtre (dans l’accompagnement paysager des voies) voire les deux (aménagement du parc, du square et des espaces de jeux.

L’ensemble de ces éléments de composition urbaine repose sur une conception métaphorique des jardins et des friches aujourd’hui présentent sur le site. Ils s’inscrivent dans la continuité historique de cet espace permettant de renvoyer à une poésie du lieu renvoyant à un vécu et poursuivant des images.

48


PARCELLAIRE RECTANGULAIRE ET SERIE MURS MAINTENUS

ALIGNEMENT D’ARBRES FRUITIERS

CHEMINEMENTS SINUEUX JARDINS FAMILIAUX RECOMPSES

N 0

200 m

SQUARE MOTIFS PAYSAGERS PONCTUELS / ESPACES DE JEUX OU DE DETENTE

BASSIN DE RETENTION PAYSAGER

PARC PAYSAGER Illustration 9 : Le parti d’aménagement des espaces verts de la ZAC du Sansonnet

49


Fondre le bâti dans la végétation et structurer le site Æ construction picturale et sérielle (en apparence, en succession, …) Pour répondre à ces objectifs, le parti pris a été d’axer le parti d’aménagement sur une omniprésence du végétal décliné dans l’espace public et l’espace privé. Le site est traité comme une série d’espaces mis en relations.

La présence de la nature dans chaque espaces, sous diverses formes (arbres en alignement le long des voies principales, bosquets ou Xxx en entrée d’îlot, haie arbustive le long des cheminements …) permet à la fois de séquencer les parcours et de qualifier les espaces pour en délimiter les différentes entités mais aussi de créer un effet d’ensemble en gérant les continuités végétales et les transitions avec le bâti. S’appuyant sur la vision cinétique induite par les parcours sur l’espace public, l’enchaînement des espaces verts, publics ou privés garanti une vision d’ensemble et permet de créer une image globale du futur quartier.

En créant une unité de quartier fondée sur la prédominance de la nature, le bâti devient secondaire dans la perception du paysage perçu permettant une marge de manœuvre plus grande en terme de densité. En effet, de nombreuses recherches43 ont déjà démontré combien la densité perçue n’est pas synonyme de densité effective. La promiscuité peut être atténuée par une gestion des vis-à-vis à travers des écrans naturels, la hauteur du bâti par la présence en premier plan de végétaux renvoyant à une échelle plus humaine, l’espace extérieur privatif réduit au profit d’un espace public pouvant quasiment offrir les mêmes aménités (calme, ombre, intimité…).

Le site de projet se trouve entièrement maillé d’espaces verts publics et privés, le square et le parc étant des espaces charnières des différents cheminements, comme pourrait l’être une place urbaine. Les continuités vertes sont établies le long des voies et des cheminements et structurent ainsi le site.

43

TELLER Jacques, « Paysages et projets urbains », Actes de la 4ème Rencontre de la Conférence Permanente du Développement Territorial de la région Wallone, Territoires, urbanisation et paysage tenue à Liège, le 19 novembre 2004 MASBOUNGUI Ariella (dir.), Penser la ville par le paysage, Editions de la Villette , collection Projet Urbain, Paris, 2002, 96 pages FAGART Laurent (dir.), « Densité et formes urbaines dans l’agglomération bordelaise. « La ville habitée » », i n Complex’cité, Les cahiers techniques de l’agence d’urbanisme Bordeaux Métropole Aquitaine, A’URBA, 2002, 151 pages

50


CONCLUSION A travers cette analyse du rapport immédiat de l’homme à la nature mais aussi la relation symbolique qu’il a construit de manière collective à travers l’histoire de l’urbain, nous voyons que les espaces de nature révèlent plus que jamais leur polymorphisme44 : ils disposent de la triple capacité à revêtir le rôle de support de projet, de mise en scène du projet urbain et de symbolique du projet à travers ses multiples dimensions et effets sur la sphère matérielle comme immatérielle des projets.

MATERIALITE LA NATURE OBJET

Définition

Construction scientifique et naturaliste / rationalité

- composants végétaux - essences, espèces végétales Eléments - biotope (humidité, strate d’analyses végétale…) - statut / fonction (utilisé ou délaissé) Æ physique, systémique, Approche historique Agglomération et Echelles écosystèmes (corridors biologiques) Æ concurrence (agriculture, pollution, poumons verts), Problématiques Æ intérêts de la nature en / Enjeux ville (climat, eau, …), Æ gestion de l’environnement Æ espaces vides - écologie, Domaines - climatologie, géologie, théoriques pédologie, hydrologie - géographie - réseau de noues et bassin de rétention Illustration ZAC paysager du Sansonnet : - plantation massive et principes perméabilisation des sols d’aménagement Æ conception quantitative de la surface végétale

44

IMMATERIALITE LA NATURE SCENE

Construction mentale / perception - volumes et silhouettes - perspectives - composition et dynamiques - effets paysagers - fonctionnalité

LA NATURE SYMBOLE

Construction culturelle et sociale / représentation

- référence symbolique - ambiances - valeur patrimoniale

Æ immédiate, perception, Æ construite, , imaginaire, visuel, sensorielle, usage symbolique, historique Paysage immédiat, site et espace public et privé Æ complémentarité entre les espaces construits et ouverts Æ maîtrise des évolutions et des formes urbaines Æ réinvention de l’urbain (densification, image…) Æ qualité de vie / usages - paysage, - géographie - sociologie - prédominance de la verdure dans le paysage - qualification des usages - prescriptions urbaines Æ conception fonctionnelle / picturale et sérielle

Paysage immédiat, site et espace public et privé

Æ paix sociale (bien-être) Æ réinvention de l’urbain (densification, iamge…) Æ qualité de vie / identité

- paysage - géographie - histoire - sociologie - vocabulaire paysager champêtre - maintien d’éléments patrimoniaux - composition urbaine en écho à l’histoire du site Æ conception métaphorique

Propriété qu'ont certains corps d'affecter des formes très différentes sans changer de nature

51


3.

52

Illustration 10 : Un « parc habité » à Nîmes


3.LA NATURE DANS LAVILLE LES RISQUES D’UNE « DEMAGOGIE VERTE » DU DISCOURS ET DE L’IMAGE AUX ACTES

A cette réalité, de prise de conscience et nouvelles pratiques de production de nature en ville s’ajoutent toute une part d’imaginaire plaçant la nature non plus dans un débat ouvert et engagé au service de ses enjeux environnementaux et sociaux mais dans une approche esthétisante, basée sur des représentations idéalisées des bienfaits de la nature, et se crée une demande sociale de plus en forte. Si ces évolutions du rapport de l’homme à la nature urbaine permettent la création de nouveaux leviers de projets qui reposent sur le compromis de la nature en ville, elles représentent aussi des risques dans les pratiques de projet urbain.

En effet, des écueils majeurs sont induits dans ce processus reposant à la fois sur la matérialité et l’immatérialité de la nature dans l’urbain : l’instrumentalisation et la banalisation, voire la normalisation. Sa présence serait devenue un acquis et une garantie de la pertinence et de la légitimation du projet. Du fait que le travail de l’urbaniste concerne tout autant les vecteurs techniques que politiques, il doit comprendre et prendre en compte les dimensions symboliques des actions qui vont donner sens au projet et lui permettre de porter un message vis-à-vis des élus qui portent le projet, de la population qui doit l’accepter et se l’approprier.

Dans des pratiques professionnelles dans lesquelles la communication est au centre des préoccupations, quelles sont les limites d’une réelle mise en place d’un urbanisme avec plus de nature ? Des discours aux images, la nature communiquée ne risque-t-elle pas de devenir une norme infondée dans les projets urbains ?

53


3.1. La banalisation des discours, de la commande aux projets

Les mots sont les composants essentiels de la pratique de l’urbaniste, traduisant la pensée, ils doivent exprimer les enjeux du territoire, les concepts de projet, les actions, les formes produites… Comme pour de nombreuses thématiques de projet, nous assistons à une tendance à l’appauvrissement des débats et du vocabulaire, dès qu’il s’agit de ne plus seulement communiquer le projets entre « professionnels » : les choses seraient-elles vite simplifiées afin de produire un langage commun ? Ou est-ce le terme même de « nature », qui, lorsqu’il est employé en urbanisme, renferme trop d’ambigüité pour être réellement décliné dans toutes ses dimensions sémantiques ? Enfin, n’estce pas devenu une convention que d’intégrer ce composant aux projets urbains ?

3.1.1.

Une maîtrise d’ouvrage qui peut limiter les débats

L’intégration de la nature dans le projet devient très vite, sous prétexte du développement durable un parti convenu qui ne laisse plus de place au débat sur les réelles problématiques de projet. La création de parcs, squares, avenues plantées, ou autre composant urbain basés sur la nature sont d’ores et déjà intégrés aux commandes publiques comme un état de fait, mais dès que sont abordées les multiples dimensions de la nature, les objectifs deviennent flous : les questions de fond, sur la pertinence de l’intégration du végétal dans les aménagements, sur le traitement attendu de la part de la maîtrise d’ouvrage, sur les attentes en termes d’usages et d’interactions entre les usagers, si elles ne sont pas soulevées par la maîtrise d’ouvrage, risque de n’être jamais abordées par les bureaux d’études en recherche d’efficacité et de productivité. Tant d’autres problématiques sont à traiter que ce qui fait consensus entre les différents acteurs n’a que très peu de chance d’être au cœur des débats.

Sur la ZAC du Sansonnet, dès la première étape de projet que constitue la commande politique émanant de la maîtrise d’ouvrage qui s’exprime à travers le cahiers des charges de la mission, un certain nombre d’orientations étaient déjà fixées quant aux principes de composition urbaine du futur quartier, notamment en lien avec les éléments de nature.

54


A plusieurs niveaux, on y retrouve cette question du rapport ville-nature45 : -

dans les grands enjeux de l’urbanisation : « protéger l'environnement en prenant en compte les contraintes liées au risque d'inondation, et conserver l'identité paysagère du site et du quartier »,

-

dans les éléments programmatiques : « un espace vert ouvert aménagé en lieu de loisirs et de détente faisant cohabiter des jardins familiaux déplacés en raison du projet »,

-

dans le parti d’aménagement : localisation («les espaces verts et les espaces paysagers ouverts au public seront situés au droit de la zone inondable inconstructible au sud de l'opération d'habitat »), taille (« 3 hectares ») du parc, capacité à intégrer des infrastructures de gestion de l’eau, maintien des cheminements piétons (appelés « balades nature »)…

Nous voyons ici que le ton de l’opération est donné et que la maîtrise d’ouvrage affirme sa volonté de créer des espaces verts, à la fois supports de paysages, de vie sociale et de gestion environnementale. Il reste une certaine marge de manœuvre à l’équipe de conception pour enrichir la question du rapport entre le bâti et les espaces verts, entre les différents usagers et les espaces verts, entre la gestion privée et publique de ces espaces. Si ces questions ont été abordées au sein même du bureau d’étude, elles ont difficilement trouvé un écho dans les premiers débats avec la maîtrise d’ouvrage qui s’est contenté de la satisfaction de voir apparaître dans le projet une omniprésence de la nature et une diversité d’espaces verts. Cette attitude peut s’expliquer en partie par une dimension éminemment politique sous-jacente à la question des espaces verts sur ce secteur : en effet, le maire actuel de Metz, ancien conseiller général du canton dans lequel se situe le secteur du Sansonnet, a en grande partie basé sa campagne sur son opposition vis-à-vis de la vision du projet de son concurrent. La création d’un parc ouvert et fédérateur pour le quartier était ainsi l’un de ses arguments de campagne fondamental. La réalisation d’un « quartier jardin » allait alors au-delà de ses ambitions et a fait l’unanimité.

Une seconde raison de cette relégation au second plan réside dans l’absence, aux premières réunions techniques, des différents services de la commune, notamment ceux des espaces verts et de la politique de la ville particulièrement concernés par les questions d’entretiens et de traitement, pour les premiers, et par les questions de stratégie vis-à-vis des espaces verts (localisation, typologies, etc…), pour les seconds. De même, les structures pouvant être associées au projet (école présente sur le site, CCAS en relation avec le futur EHPAD et association de quartier) ainsi que les services de l’Etat n’ont pas été conviés aux premiers comités de pilotage.

45

Cf annexe 3

55


Cela pose un certain nombre de questions en termes de gestion de projet et de concertation. Finalement, le point de vue politique est ici plus que déterminant par rapport au point de vue des techniciens et professionnels.

Si la légitimité de l’élu à assumer les choix de projet ne peut être mise en cause, la capacité d’avoir un débat approfondi et objectif sur l’ensemble des dimensions de la nature dans une opération d’aménagement en comité restreint (élus / équipe de projet) est obligatoirement limitée ne pouvant faire émerger des divergences d’intérêts entre une maîtrise d’ouvrage et un bureau d’étude soucieux de faire avancer le projet et de trouver des consensus et non d’entrer en conflits. Ainsi, l’arrivée des différents services municipaux et de l’Etat aux réunions suivantes (sur demande et insistance du bureau d’étude) a fait beaucoup avancer les débats : pour exemple, l’adhésion à la création d’un jardin partagé, qui, au départ, été écarté par les services des espaces verts pour cause de difficultés d’entretiens, et plébiscité par les services de la politique de la ville pour les apports sociaux que représentent ce type d’espaces. La confrontation directe de ces deux services a abouti à un accord sur sa mise en place comme champ d’expérimentation.

Par ailleurs cette configuration de projet a posé des problèmes méthodologiques certains compte tenu du dialogue limité avec les services techniques, notamment pour élaborer une stratégie de composition des espaces verts répondant aux contraintes des techniciens en charge de leur entretien, ou encore pour déterminer la taille du parc par rapport aux autres parcs de la ville. En effet, l’équipe de projet s’est vu entendre des discours contradictoires entre les différents services qui été relativement cloisonnés au sein même du fonctionnement municipal, ce qui entraîne des difficultés quant à la mobilisation des acteurs et à leur investissement ou simplement leur coopération avec le bureau d’étude.

3.1.2. Des figures conventionnelles et consensuelles pour réponse

La simplification des discours qui vise, en premier lieu à la vulgarisation des concepts et processus liés notamment au fonctionnement des systèmes écologiques, ou aux attentes en terme d’usages et de rapports sociaux est parfois nécessaires face à des acteurs non initiés au domaine de l’urbanisme. Malgré une prise de conscience collective des enjeux environnementaux, sociaux, paysagers, économiques en ville, les collectivités sont les premiers acteurs qui ne disposent pas de manière

56


systématique de compétences aiguës dans ces domaines pour avoir et construire une réelle vision de projet intégrant dans sa transversalité la nature dans les projets d’aménagement. Dans cette même logique, ils ne peuvent être de « bons juges » des projets qui leur sont proposés s’ils ne mesurent pas ou mal la capacité des espaces de nature à faire environnement, vie sociale, développement local. Les réflexions sur ces dimensions peuvent être parfois reléguées au second rang, par manque de compréhension, comme cela a été le cas lors de l’élaboration du projet de ZAC de Sansonnet.

En effet, malgré une forte volonté de la ville de Metz d’intégrer une démarche environnementale dans leur projet, ont finalement très vite abandonné la démarche AEU suite au rendu du diagnostic. Cette phase de rendu consistait simplement, pour les experts en environnement à analyser les potentialités et contraintes du site à mettre en place des mesures de gestion de l’environnement en phase avec le programme projeté. L’ensemble des mesures envisageables étaient ensuite analysé sous forme d’avantages et inconvénients et proposé à la maîtrise d’ouvrage disposant alors de tous les éléments de réflexions pour définir ses propres priorités.

Cette démarche a été abandonnée pour deux facteurs contradictoires : -

le premier étant qu’elle n’a pas permis à la maîtrise d’ouvrage de contextualiser suffisamment les problématiques à travers le projet, les mesures étant envisagées « en théorie » et non directement sur le programme à travers des exemples concrets46,

-

le deuxième étant qu’elle a emprunté un langage trop expert ne permettant pas l’appropriation du discours par la maîtrise d’ouvrage.

Or, si la démarche avait rendu concrètes les mesures envisagées à travers des scénarii du projet, elle aurait encore complexifiée l’analyse, chaque mesure faisant objet de ses propres avantages et inconvénients. Par ailleurs, la simplification des processus explicatifs des différentes mesures n’aurait permis de saisir l’ensemble des aspects techniques nécessaires à leur mise en place. La difficulté ici est donc d’associer une démarche pédagogique sur l’environnement à la prise de décision stratégique reposant sur la définition des principes forts du projet. Peut-être aurait-elle dû être élaborée avant la définition du parti d’aménagement, ce qui aurait mobilisé l’attention et les débats sur les thèmes qui lui sont propres.

La méthodologie de projet mise en place dans le cas de la ZAC du Sansonnet traduit également la difficulté de tenir une réflexion transversale sur la nature dans l’opération d’aménagement : la traduction du parti d’aménagement emprunte très vite la rhétorique paysagère au détriment d’une

46

Cf point 1.1.3, page 18

57


pensée globale d’un système mettant en œuvre des principes de maillages écologiques, de corridors de biodiversité, de parcours, d’usages des espaces verts…

Ainsi le parti d’aménagement tend très vite à être défini et communiqué par rapport aux objets qui le composent et non par rapport aux fonctionnalités qu’on lui confère. La mise en parallèle entre le maillage des espaces verts et continuités vertes (associant espaces publics et espaces privés) peut manquer de qualification laissant des flous dans le projet quant aux attentes en matières de relations entre nature, environnement et vie sociale.

Cela traduit une assimilation rapide entre nature et végétation. L’ambition de créer un projet urbain en osmose avec la nature, qui traduit des objectifs écologiques et sociaux, se résume vite à des figures conventionnelles de maillage vert, d’espaces plantés, de cheminements piétonniers, de mails plantés, de jardins… De plus en plus de projets reposent sur une « trame d’espaces verts », sur une « charpente paysagère », ou sur une « ossature verte » qui se composent de différents espaces verts, plus ou moins naturels ou artificiels, de voies plantées ou accompagnées de noues… Ces figures entrent dans un langage banalisé et participent à des discours « langue de bois » qui reposent sur un vocabulaire qui peut tout et rien dire à la fois, mais qui séduisent et renvoient à un imaginaire éminemment positif, comme nous l’avons vu précédemment.

3.1.3.

Un discours marketing qui se développe

Les concepts invoqués pour qualifier les opérations mêmes laissent des interrogations quant à leur pertinence et leur réalité : résultent-ils d’une réelle problématique durable ou d’une technique de vente? L’un des termes du mariage annoncés de « ville nature » ne peut-il pas être assujetti à l’autre dès lors que l’échelle de la coexistence se réduit à une présence de petites surfaces ? N’y a-t-il pas des abus de langage ?

Dans certains cas, la végétation, malgré sa présence, ne perd-t-elle pas son identité dès lors qu’elle est transformée pour ne servir finalement qu’à la valorisation du bâti, comme dans le « Bois habité » de Lille, dans le quartier de l’Union où 210 logements verront le jour dans un espace qui ne peut proposer un arbre par logement47 ? 47

LEFEVRE Pierre et SABARD Michel, Les Ecoquartiers, Editions Apogée, 2009, p.53

58


Illustration 11 : Le « Bois habité » à Lille

Assistons nous à une nouvelle mode du marketing urbain ? « Le marketing est une discipline qui cherche à déterminer les offres de biens et services en fonction des attitudes des consommateurs et à favoriser leurcommercialisation. Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse. Le marketing est aussi un ensemble des méthodes et des moyens dont dispose une organisation pour promouvoir, dans les publics auxquels elle s’intéresse, des comportements favorables à la réalisation de ses propres objectifs. Le marketing crée de la valeur économique pour l’entreprise en créant, révélant ou promouvant de la valeur pour leurs clients»48 Avec la première acception, on peut dire que le renouveau de la nature en ville constitue une démarche marketing, les pouvoirs publics cherchant à s’adapter à la demande de plus en plus grande de retour à la nature des citadins, mais surtout à séduire un électorat exigeant . Avec la deuxième, la démarche de création de nouveaux espaces verts tels que le est aussi une démarche marketing mais vue sous un angle différent : il s’agit d’améliorer l’image du territoire en formalisant l’ensemble des actions sous un même patronyme. En améliorant l’image de l’Est Lyonnais

48

Définition issue du dictionnaire Larousse

59


auprès du grand public, on crée l’envie d’y habiter ou d’y travailler. La notion de marketing urbain apparaît : il s’agit d’une approche utilisant les techniques du marketing à la promotion et la valorisation des villes. Dans l'espace mondialisé, avec l'importance croissante du phénomène de métropolisation, l'enjeu pour les villes consiste à attirer les hommes et les capitaux pour conforter leur croissance. Dans ce contexte, la compétition entre les villes se développe et les techniques utilisées dans le monde économique, dont le marketing, tendent à imprégner la sphère des décideurs urbains. La notion de cadre de vie et de protection de l’environnement devenant des problématiques majeurs dans le monde d’aujourd’hui.

Finalement, la convocation de la nature dans un projet urbain peut être pris en compte comme un alibi. Il va cette fois servir de fond d'argumentaire pour faire passer un projet sans qualité. Ceci rejoint largement le débat sur le fond et la forme évoquée dans le paragraphe précédent.

60


3.2. L’instrumentalisation des images, de la théorie à la réalisation « Serait-ce que l’homme urbain rencontre si rarement la nature, ou la nature à ce point dégradée, qu’il doive se satisfaire de ces ersatz et de ces mirages ? » François Ost49

Les outils de représentation interviennent dans de nombreuses étapes d’un projet. Autant outils de réflexion que de communication, leur rôle est primordial dans la démonstration de la faisabilité, la compréhension et l’acception d’un projet par les différents acteurs. A destination des techniciens, de la maîtrise d’ouvrage et du public, les images sont évidemment des outils importants pour vendre un projet, ce qui induit un certain nombre d’interrogation quant à l’adéquation entre ce qui est montré et la réalité future.

L’imagerie dans les domaines de l’urbanisme, du paysage et de l’architecture s’enrichie de jour en jour suivant les progrès technologiques : au dessin et à la carte en 2D, aux maquettes s’ajoutent aujourd’hui les représentations 3D et les visites virtuelles… Elles sont de plus en plus convoquées dans les projets urbains du fait de la décentralisation induisant une montée de la démocratie fondée sur la communication (et ce, renforcé encore par la démocratie participative). Par ailleurs, la concurrence entre les villes augmente encore une courses aux images de la ville, dans une logique de marketing urbain.

La représentation, sous toutes ses formes, des projets ne cesse de prendre une part importante dans le métiers de la ville, notamment des urbanistes et architectes qui doivent non seulement se faire comprendre, convaincre et faire rêver…

49

François Ost, La nature hors la loi : l’écologie à l’épreuve du droit, Editions La Découverte, Paris, 1995

61


La banalisation du vert, pour une ville chlorophyllisée ?

Comme le montrent ces différentes images, montrant en vue oblique des projets

urbains,

la

tendance

aujourd’hui, dans la vague écologique et dans le contexte d’une demande de nature grandissante, est dans la dominance de la représentation du végétal.

Car il s’agit bien ici du

végétal : un espace minéral, non imperméabilisé est pourtant tout aussi naturel, favorise tout autant une gestion intégrée des eaux pluviales et peut-être tout autant un support d’animation sociale. Finalement, alors que chaque projet revendique

ses

particularités

en

termes de rapport bâti / végétal, voire, son

caractère

novateur

dans

la

démarche, nous voyons ici que la surreprésentation des éléments verts tend à banaliser ces opérations et leur message.

Cette

tendance

répond

malheureusement à la nécessité de séduire

les

maîtrises

d’ouvrage

soucieuses du cadre de vie de leurs habitants. Si une conscience en faveur d’un urbanisme plus « durable » se développe dans les communes, les logiques électorales et financières ne

restent pas moins prégnantes.

Illustration 12 : Différents plans de projets urbains

62


Elle interroge également la diversité des outils de communication qui sont à disposition des urbanistes : si le vert est devenu une norme (à la fois logique et trompeuse) dans la simulation de la présence de nature dans l’urbain, les degrés d’abstraction et de réalisme dans sa représentation sont également sujets à de réelles interrogations quant à la traduction graphique de la pensée.

De l’abstraction à l’hyper-réalisme

Les expériences et les connaissances vis-à-vis du rapport de la nature à la ville diffèrent selon les publics visés, ce qui induit également une multitude de sensibilités à toucher et à convaincre.

La profusion d’images que nous connaissons aujourd’hui est totalement liée à cette problématique et accentuée par l’élargissement du cercles des personnes associées au projet du fait de la concertation : les attentes vis-à-vis des projets ne sont pas du tout les mêmes qu’il s’agisse d’habitants qui vivent et projettent leurs quotidiens dans la mise en place d’un square ou d’une allée plantée ou d’ingénieurs des services des espaces verts qui vont accorder la primauté aux questions d’entretiens… Bien que les modes et les échelles de représentation sont sensés aller de pair avec les étapes de projets, allant de la stratégie - faisant appel à des traductions graphiques simplifiées des concepts et principes utilisés sous forme de schémas, cartes simplifiées ou logo50- au projet opérationnel – nécessitant une représentation exhaustive et précise des aménagements, support de la réalisation, des prescriptions et des chantiers, ils répondent parfois à des dimensions beaucoup plus irrationnelles. Il s’agit simplement de faire passer un message et de convaincre de sa pertinence.

Or, si un discours n’est parfois accessible qu’à des personnes averties, faute d’un vocabulaire trop complexe ou trop technique , l’image est un bon moyen de rendre compréhensible la pensée dans son contexte. Les schémas semblent être un bon outil pour interroger des concepts, des notions, des objectifs ou des dynamiques d’un projet. Mais ils peuvent apparaître trop abstraits, pour des non initiés. Ainsi, lors du projet de la ZAC de Metz, le bureau d’étude a hésité longtemps puis refusé de soumettre à la maîtrise d’ouvrage un schéma stratégique visant à interroger les relations entre la nature, les interactions sociales, les déplacements, la structure paysagère, les ambiances attendues… Ils ont le mérite d’interroger le fond plus que la forme des aménagements et de ne pas figer des

50

CREISSEL Corinne, « Enjeux de la représentation et pratiques des professionnels », in Urbanisme, n°357, novembre-décembre 2007, p.51-52

63


images de projets en laissant une marge de manœuvre dans les détails architecturaux et paysagers qui prennent formes dans les étapes finales de projet.

De fait, pour répondre à cet enjeu de communication visuelle du projet, les images se multiplient sous forme de références, de photomontages, de perspectives 3D, parfois au détriment de leur réalité vis-àvis de la pensée, voire de leur réalisation, représentant des aménagements, des végétaux, des arbres qui peut-être ne verront jamais la lumière du jour.

L’exemple le plus flagrant se produit lors des concours. Avant même la validation des grands principes d’aménagement, le traitement des espaces verts, le choix de la palette végétale, du paysage construit est tout aussi déterminant que l’architecture et l’ambiance. Aux schémas de principes s’ajoutent ainsi nombre de perspectives et images hyper réalistes s’appuyant sur les avancées de l’image, des perspectives en 2D aux simulations 3D. Comme dans le monde du mannequinât, la nature devient le corps que l’on sculpte et retouche afin de correspondre aux canons de beauté d’une utopie sans cesse renouvelée… celle de l’harmonie de l’homme, de son habitat et de la nature… qui dans le filtre des logiciels performants prennent une nouvelle dimension, simulée, certes, mais séduisante.

La difficulté est alors de trouver un équilibre entre les modes de représentations : bien que la pensée soit pensée soit pertinente, un projet peut ne pas trouver une adhésion si les images qui s’y réfèrent ne sont pas attractives, à l’inverse, si une stratégie urbaine n’est pas cohérente, inadaptée au contexte et aux problématiques locales et que les images associées sont désirables, un projet peut très vite trouver ses défenseurs, séduits et trompés… La représentation de projet urbain est finalement un subtil mélange de pédagogie, de technicité et de séduction…

64


Illustration 15 : La ZAC du Raquet, à Douai

Illustration 14 : Les Berges du Lac à Bordeaux

Illustration 13 : La ZAC Croix des Monges à Toulouse

65


Des dynamiques oubliées ?

L’ensemble de ces représentations que nous venons de parcourir sont des images figées et prospectives des projets : leur objectif premier est de montrer ce que peut devenir le projet à terme, et dans le meilleur des cas… Les arbres y sont en très bon état, sont arrivés à maturation, la pelouse verdoyante ne souffre pas, les espaces privés sont plantés avec soins, l’espace public est approprié… Mais quelles sont les conditions de cet aboutissement ? Cette maturation du projet s’opère-t-elle naturellement ?

N’y a-t-il pas des temps de transition à prendre en compte qui sont tout aussi important dans la réalisation d’un quartier que son image finie ? En effet, les images de communication des projets urbains ne soulèvent que très peu souvent la question de l’évolution du projet. Pourtant, notamment dans les opérations de grande ampleur telles que les ZAC, la réalisation du projet ne peut se faire en une seule fois et nécessite un phasage qui peut s’étaler sur plusieurs années. Alors les espaces verts, et la présence de nature, présentés comme l’essence du projet, comme le garant d’une intégration sociospatiale du futur quartier ou protoquartier ne sont-ils pas déterminant dans la définition du phasage de l’opération en étant automatiquement prioritaires dans les aménagements ?

En effet, de plus en plus de projets prennent en compte cette dimension

temporelle et anticipent la réalisation d’espaces verts en amont de celle des espaces bâtis., afin d’accueillir les futurs habitants dans un cadre déjà existant. Cette démarche évite d’engager l’occupation du quartier alors que celui continue d’être en chantier pendant des années. Cela permet aussi de garantir, avant même l’arrivée des nouveaux habitants, la présence d’usages sur le site et ainsi la construction progressive d’une animation sociale.

Une telle démarche a par exemple été mise en place pour la requalification du secteur des Batignolles à Paris qui fait l’objet d’une opération de démollitionreconstruction et repose sa réussite sur la réalisation d’un parc central, élément fédérateur du projet urbain, et espace de convergence entre les quartiers existants et les futures réalisations.

La 1re tranche

du parc concerne un peu plus de 4 hectares d’un Illustration 16 :la première phase de la ZAC des Batignolles à Clichy

66


parc qui en comptera 10. Celle-ci est aujourd’hui réalisée en totalité alors que des démolitions ont encore lieu et que la ZAC sera totalement achevé en 2015. Alors que le quartier, initialement composé de friches ferroviaires était peu fréquenté, il attire désormais de nombreux usagers de l’ensemble de la capitale et a déjà changé d’image… au bénéfice aussi des opérations immobilières à venir… Mais cette logique opérationnelle n’est pas systématique. La ZAC du Sansonnet se réalisera suivant ce phasage :

PHASE 1 • • • • • •

Implantation de l'EHPAD prioritaire Renforcement de la centralité EHPAD / école matérialisé par le square Améangement d’un axe majeur Création de 114 logements (permettant d’équilibrer cette première phase opérationnelle) Préparation du déménagement des jardins familiaux Création d’une mixité fonctionnelle

PHASE 2 • • • •

Création de 79 logements permettant un bilan positif de cette phase (en amont de la réalisation des espaces publics majeurs) Création d’une mixité fonctionnelle Fonctionnement autonome du secteur possible, greffe aux réseaux existants, Préservation de la pépinière

PHASE 3 • Aménagement du parc et des jardins familiaux • Création de 103 logements en lien avec le parc • Passage de l'axe Metz Nord (axe majeur rélaisé en fin d’opération pour légitimer sa présence)

PHASE 4 • Finalisation de l'opération (44 logements) • Création des espaces publics de liaisons (square, cheminements...) • Déplacement de la pépinière actuellement sur ce secteur (dernière action afin que les plantations actuelles soient arrivées à maturation Illustration 17 : Le phasage de la ZAC du Sansonnet

67


Pour la ZAC du Sansonnet, la définition des critères de premier ordre ont été guidé par des contraintes de réalisations : -

temporels : l’urgence dans l’opération est de réaliser l’EHPAD a déterminé le programme de la première phase

-

financiers : considérant le coût des espaces publics dont la surface est relativement importante dans la ZAC, la réalisation dans un premier temps d’îlots bâtis permet d’équilibrer la trésorerie des premières phases et de répartir les dépenses de la collectivité dans le temps,

-

juridiques : la nécessité d’effectuer des expropriations sur les terrains de l’espace central (correspondant à l’emprise du futur parc) a repoussé sa réalisation.

Par ailleurs, une des dynamiques majeures liées à la nature en ville tient dans celui de la croissance des végétaux : l’essentiel des projets communiquent sur des images montrant des arbres et espèces végétales arrivés à maturation. Pourtant, des dizaines d’années sont nécessaires avant d’aboutir à cette réalité. Il arrive même qu’il existe un réel décalage entre les images projetées et la réalité, notamment concernant les arbres en ville : leur plantation dans des sols minéralisés (tels que les arbres d’alignements) restreignent profondément leur déploiement racinaire… Un équilibre est alors nécessaire entre les représentations des projets et les réalités de la nature, ce qui induit une connaissance approfondie du domaine de l’horticulture. Or, c’est une compétence non systématique non seulement dans les équipes de projets mais également des paysagistes.

Enfin, un temps, peut-être celui qui est le plus important, est celui du temps du projet. Si cela ne touche pas que la réalisation des espaces de nature, mais aussi celle des espaces construits et de toute infrastructure, il faut toutefois noter un possible décalage entre l’idée du projet et la qualité des aménagements. Compte tenu de la diversité des acteurs intervenant dans le processus de projet, une certaine évolutivité peut apparaître entre l’image initiale, dessinée par les concepteurs et l’aspect final qui nécessite une continuité forte entre les prescriptions de départ, celles relayées par la maîtrise d’ouvrage, celles mises en places par la maîtrise d’œuvre et les réalisations du chantier, puis l’entretien même de ces aménagements. Car le temps est source de fragilité : face aux changements successifs d’interlocuteurs politiques et parfois techniques, face à des convictions insuffisamment partagées, il est parfois difficile de garantir la permanence et la cohérence d’un projet. L’abandon d’une des composantes structurantes de l’aménagement peut compromettre la pertinence et la légitimité de toute intervention urbaine.

68


3.3. Vers la normalisation, un risque de nature contre nature ?

Il semble que la nature, sous les diverses formes d’imaginaire qu’elle suscite, joue le rôle un tant soit peu paradoxal … La « ville verte » est-elle réellement en accord avec le développement durable d’un point de vue social ? Le sociologue Christian Calenge, dans un article publié dans les annales de la recherche urbaine « De la nature de la ville »51 essaye de nous montrer le danger qu’il y a à vouloir donner à la nature en ville une part trop grande dans nos projets de villes. Seule la ville compacte permet la vie en société, source de sociabilité. « Le risque est grand de voir alors se diluer l’espace urbain jusqu’au point où, privé de toute densité, il n’autoriserait plus l’urbanité. Ajoutons qu’elle perdrait probablement toute civilité : ce serait une des formes de « l’outre-ville », pour reprendre une belle expression de Roland Galli52, pour désigner ces lieux de la ville où l’urbanité s’estompe.

Ces dangers ne peuvent être aujourd’hui vraiment vérifiés faute de recul sur les différentes opérations récentes mettant en place des concepts de « quartiers nature »,

mais ils représentent des

interrogations qui sont à prendre en compte dans la conception des aménagements vis-à-vis de la cohérence de la ville. Le caractère vert est-il pertinent pour tout espace urbain ? D’autre part, le fait que les parcs sont des « hétérotopies »53, des espaces dans l’espace : les relier fonctionnement quotidien de la ville peut alors poser problème puisque les citadins recherchent des espaces de rupture avec un quotidien urbain jugé angoissant. Faut-il alors que la nature soit partout ?

D’un point de vue formel, les écologistes reconnaissent eux-mêmes par ailleurs qu’une ville très étalée, une ville-parc, aurait toutes les chances d’être plus « polluante » malgré les apparences qu’une cité plus dense et plus minérale. En effet, la conception d’une ville plus verte risque de reposer sur une contradiction à plus ou moins long terme : d’un point de vue environnemental,la quête de nature (sous forme de paysage) y entraîne une

destruction de la nature (sous forme de biosphère), lorsque concepteurs ou/et maîtrises

d’ouvrages qui ne font pas de l’environnement une priorité mais qui ont conscience du pouvoir marketing d’une telle conception.

51

CALENGE Christian, « De la nature de la ville », Annales de la Recherche Urbaine, n°74, 1997, 93 p. Cité par CALENGE Christian, Idem 53 BLANC Nathalie, Compte rendu de la Conférence nationale de lancement du programme Nature en Ville, Lundi 29 juin 2009, Cité internationale universitaire de Paris 52

69


Or, ce n’est pas l’impression de nature, qui, dans un quartier, détermine son empreinte écologique comme le montre le tableau comparatif ci-dessous, analysant le taux de minéralisation de trois ensembles urbains54 :

C.O.S brut

Paris (Montholon, Grands ensembles 9ème arrondissement) (Ris Orangis, Essonne) 3,2 0,63

Surface de voirie et de stationnement (m2 par habitant) Taux de motorisation par ménage (données 1995)

Pavillonaire (Parc de Sénart, Essonne) 0,23

2,54

10,64

20,86

0,52

0,83

0,10

La mesure de la qualité environnementale questionne nombreuses autres problématiques, parfois bien plus déterminantes : -

celle de la compacité de la ville qui sous-entend la question de la perméabilisation au-delà de la surface végétale,

-

celle des modes vie qui privilégient les modes de déplacements alternatifs à la voiture et qui interroge directement l’organisation urbaine (localisation des activités, des équipements et de l’habitat,

-

celle du territoire qui induit une approche par les réseaux (hydrographie, transport, trame verte) et ainsi les formes de gouvernance et les moyens de planification, en amont de l’opération d’aménagement.

Par ailleurs, la question des échelles est également déterminante dans l’effective mise en place d’une trame verte « écologique ». Dans des opérations d’aménagement, telle que celle de la ZAC du Sansonnet, les mesures mises en place se restreignent au périmètre de l’opération, du fait d’un schéma directeur, en l’occurrence d’un ScoT, ne mettant pas en relation les secteurs de projet avec des continuités vertes plus larges. Lorsque est interrogée l’impact écologique d’une opération, une vision large est indispensable, à l’échelle de la ville voire de l’agglomération. Le concept de renaturation va, de manière générale, assez mal avec l’urbanisme municipal à la française. Les grandes cohérences géographiques (forêts, rivières…) transcendent effectivement les limites administratives.

L’enjeu est de passer d’une petite à une grande échelle avec, en même temps, une mise en œuvre très territorialisée, contextualisée et locale dans des logiques : il faut disposer des guides pour structurer 54

BERQUE Augustin, BONNIN Philippe, GHORRA-GOBIN Cynthia, La ville insoutenable, Editions Belin, Paris, 2006, p.139

70


de l’espace tout en se situant dans une logique opérationnelle, au plus près du terrain. Les processus ne sont pas linéaires et obligent à faire des zooms, en passant de la planification à l’action opérationnelle et à l’intégration des dimensions de gestion.

71


CONCLUSION[S]

LA NATURE EN VILLE, UNE ENTREE COMME MODE DE REGARD RENOUVELE DE LA VILLE D’AUJOURD’HUI

La nature en ville convoque, nous l’avons vu, les dimensions matérielles et immatérielles de l’espace en faisant entrer en dynamique la société et son environnement dans les faits, les perceptions et les représentations. Elle permet d’outre-passer des visions segmentées pour mieux saisir la complexité de l’urbain et de ce qui le compose. Elle permet surtout de donner un sens à la matière urbaine, et de fait, donner du sens à ce qui pourrait être demain. Comme le souligne Nathalie Blanc : « Elle tend à définir la manière dont nous justifions que les objets qui nous entourent sont irremplaçables : le terme de patrimoine, de paysage, les modes d’affirmation de l’identité des lieux que véhiculent les récits sont des façons de rendre compte de l’irréductibilité naturelle et singulière des lieux55 ».

La nature se retrouve au croisement de l’espace / de la société / de la politique. Elle devient un objet omniprésent de projet urbain mais fait l’objet de discours et de définitions multiples qui nécessitent de l’aborder selon des points de vue variés faisant transparaître la complexité de l’urbain. La source essentielle de la ville verte reste fondamentalement idéologique, attachée aux valeurs d’une nature bienfaisante au triple regard de l’écologie, de l’éthique et de l’esthétique.

LA NATURE EN VILLE, UNE ESTHETIQUE COMME MODE DE PENSEE POSITIVANTE DE LA VILLE DE DEMAIN

L’esthétique dans le débat de nature en ville n’est plus une fin en soi56 mais devient la représentation d’un cadre de référence des aspirations actuelles basées sur l’éthique et la durabilité.

55

BLANC Nathalie, "Éthique et esthétique de l’environnement.", in EspacesTemps.net, Textuel, 31.01.2008 , http://espacestemps.net/document4102.html. 56 Cf tableau comparatif p. 31

72


Elle permet, en effet, de positiver les interventions urbaines qui prennent le plus souvent pour point de départ la nécessité d’inverser des difficultés et de changer de paradigme au risque du chaos (catastrophe climatique, paupérisation, isolement, …). Le pouvoir esthétisant de la nature permet justement de dépasser ces conditions de contraintes pour objectiver un nouveau récit dans les territoires et d’inventer de nouvelles projections du vivre ensemble à travers des actions et des perceptions collectives. Elle est peut-être le matériau le plus mobilisateur du projet urbain et invite chacun à s’interroger, par un glissement symbolique, sur les questions de durabilité et d’éthique et sur les conditions de leur mise en place. Les autres points de vue du développement durable auraient finalement une capacité moindre à rassembler et ouvrir sur d’autres dimensions : le point de vue d’éthique pourrait faire abstraction d’une connaissance des processus spatiaux, le point de vue de la durabilité pourrait aussi faire abstraction des questions de représentations collectives. L’esthétique, au contraire, fait appel à ces deux dimensions, se basant sur les dimensions matérielles et immatérielles de la nature.

Cette capacité à la fois à positiver le projet urbain et de faire coïncider les intérêts écologiques et sociaux présente, nous l’avons, une opportunité d’action collective autant qu’un risque. Mais l’esthétique liée à une ville plus nature reste, au travers des images, des expériences sensorielles, de la construction historique à laquelle elle renvoient, une source de valeurs et d’idéaux essentielle dans la construction de projet et plus largement dans un avenir commun.

LA NATURE EN VILLE, UN SUJET COMME MODE DE NEGOCIATION DE PROJET

Or, le changement de paradigme auquel nous assistons, qui se résume par le développement durable, consiste très justement au dépassement d’une vision segmentée. Sans inventer de modèle, ce changement fait appel plus que jamais à la transversalité des actions, à l’action commune et locale… à l’intelligence du territoire (finalement au bon sens). Cette intelligence invite, nous l’avons vu à Breda57, à une démarche pragmatique consistant « à faire ensemble le mieux que l’on peut » et non « à faire le mieux de manière segmenté », car c’est un projet commun qu’il faut mettre en place et pérenniser.

57

application d’un projet de ville durable (où la nature structure le dynamisme de son développement urbain global, la nature au service de tous les projets pour ce territoire urbain), projet exemplaire et pionnier nous venant de l’Europe du Nord 73


La nature en ville serait ainsi, de par sa multidimensionnalité, un nouveau mode de négociation de projet, allant dans le sens du développement durable : elle représente, en effet, un compromis entre les trois champs d’acteurs que représentent les experts (recherchant la durabilité), les politiques (recherchant la valorisation et l’attractivité de leur territoire) et les habitants (recherchant le bien être dans la société). Cette qualité de transversalité de la nature explique ainsi sa convocation grandissante dans les projets territoriaux et opérationnels. Pour autant, cette qualité ne peut être garantie si elle devient stigmatisée au travers, par exemple du végétal. La nature en ville ne prend toute la matérialité du développement durable que si elle n’est abordée dans toute sa complexité.

LA NATURE EN VILLE, UN SUPPORT COMME MODE D’ACTIONS DE LA VILLE DURABLE

A la croisée des objectifs économiques, sociaux et environnementaux, qui nous renvoient de manière évidente à la manifestation du développement durable, la nature devient un élément projet à part entière qui détermine aussi un renouvellement des pratiques, des usages s’ajoutant aux fonctions ancestrales de la nature en ville (paysagère et hygiénistes d’amélioration du cadre de vie et du bien être) : - des pratiques du « faire avec la nature en ville» plus conscientes et responsables : elles génèrent une renaissance de l’agriculture urbaine et périurbaine et de nouvelles manières de gérer l’environnement suivant des logiques économiques axées sur le local et sur la recherche de durabilité ; - des usages qui réinventent le « faire dans une ville » : ils se traduisent par un renforcement des liens sociaux à travers les espaces verts ou les concepts de jardins qui sont des lieux de partage et de rencontre jusqu’à devenir des lieux de solidarités et par le développement d’une appropriation plus intime de l’espace devenu propice aux déplacements doux et aux logiques de proximité.

La mise en avant de la nature dans les champs de l’urbanisme traduit en fait un processus long de prise de conscience des composants de l’urbain et des composants de projets. Le débat pluridisciplinaire lié à ce sujet met en exergue les contradictions et paradoxes qui résident dans la ville qui trouvent un écho dans les discours rationnels ou

irrationnels, objectifs ou

passionnés de la nature en ville. Il ressort aussi que la ville nature n’est pas une fin en soi, même si elle renvoie de manière systématique à l’amalgame à une ville verte.

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Elle symboliserait : -

un changement de regard sur la ville d’aujourd’hui, faite de composants palpables et d’éléments immatériels ;

-

un changement de pensée positivant la ville de demain dans une visée esthétique servant les enjeux éthiques et durables,

-

un changement de mode de négociation à travers des démarches pragmatiques et des logiques de compromis entre des intérêts d’apparence contradictoires,

-

enfin, un changement dans les modes d’actions plus ascendants qui reposent sur les usages et pratiques du territoire.

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L’ensemble de ces glissements ont été analysés sous l’angle de l’urbanisme français (et métropolitain), renvoyant sans cesse à un filtre historique et culturel. Qu’en est-il dans les autres pays ? L’intégration de la nature dans le processus de production urbaine apparaît-elle aussi comme une « révolution » ? A l’heure du développement durable où les objectifs d’aménagement s’avèrent de plus en plus objectivés, la part des représentations collectives et symboliques est-elle partout déterminante dans le processus de projet commun ?

Par ailleurs, ces analyses ont été effectuées à un moment T de l’urbanisme français… L’engouement et, de fait, la capacité mobilisatrice de la nature en ville, connaît-elle un effet de mode (qui peut renvoyer à de multiples facteurs telle qu’une incapacité de la politique, de la ville, de la société même à ne trouver une issue commune qu’à travers un rêve du mieux vivre ensemble dans notre environnement naturel) ? L’urbain n’est-il pas voué, dans la tendance à la métropolisation, à devenir notre propre nature ? Ne sommes nous pas, à travers ces débats en train de prolonger l’opposition villenature ?

Enfin, la focalisation sur le terme de « nature » ne fausse-t-elle pas les réelles problématiques liées à une nouvelle manière de voir, penser, négocier et agir sur la ville ? Le débat sémantique se poursuit58, dans le monde de la recherche, peut-être pour laisser la porte ouverte à toutes les idées d’une ville meilleure…

58

Prochaine conférence sur ce thème : « La durabilité sera urbaine ou ne sera pas », Les 5 à 7 du Club Ville et Aménagement, le 16 novembre 2009

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BIBLIOGRAPHIE

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TABLE DES ILLUSTRATIONS59

Illustration page de couverture Source : http://www.tnplus.fr/blog/?page_id=2

Illustration 18 : Le Parc de Belleville photographie personnelle

p.10

Illustration 19 : Localisation de la ZAC dans la commune de Metz réalisation personnelle

p.22

Illustration 20 : Références des espaces publics utilisées pour la ZAC du Sansonnet source : Citadia Conseil

p.25

Illustration 21 : Schéma de principe du parti d’aménagement de la ZAC du Sansonnet réalisation personnelle

p.26

Illustration 22 : Référence de bassins d’un bassin de rétention paysager source : Even Conseil

p.28

Illustration 23 : La palette végétale de la ZAC du Sansonnet p.29 source : Even Conseil Illustration 24 : Une ruelle des Villas de l’Hermitage – PARIS 20 p.32 source : http://media.photobucket.com/image/villa%20de%20l%252527ermitage%20paris/grdd/Prs/Hermitag e.jpg Illustration 25 : Le site actuel de la ZAC du Sansonnet : une identité maraîchère photographie personnelle

p.46

Illustration 26 : Le parti d’aménagement des espaces verts de la ZAC du Sansonnet source : Citadia Conseil

p.48

Illustration 27 : Un «parc habité » à Nîmes source : Agence Garcia Diaz Illustration 28 : Le « Bois habité » à Lille source : http://www.agenceter.com/

p.51 p.58

59

L’ensemble des illustrations de projet de la ZAC du Sansonnet sont propriétés intellectuelles de Citadia Conseil.Par ailleurs, elles ne reflètent pas obligatoirement l’aspect définitif du projet, celui étant encore en cours d’élaboration.

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Illustration 29 : Différents plans de projets urbains p.61 sources : - les Portes d’Arras de Lille : http://www.tvk.fr/Porte-d-Arras-Lille.html - le quartier de la XIIe escadre d’aviation,à Reims : http://www.anma.fr/FR/projet/coquartierde1000logementsvirguleQuartierdela2eescadredavi ation - la ZAC du Grand Large à Dunkerque : http://www.anma.fr/FR/projet/LogementsZACduGrand Illustration 30 : La ZAC du Raquet, à Douai source : http://ledouaisis.free.fr/raquet.php?page=60

p.64

Illustration 31 : Les Berges du Lac à Bordeaux p.64 source : http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-03-05/alain-juppe-esquisse-le-bordeaux-de2030/920/0/322832 Illustration 32 : La ZAC Croix des Monges à Toulouse source : http://www.paysages.net/assets/images/mng_pers3.jpg

p.64

Illustration 33 :la première phase de la ZAC des Batignolles à Clichy p.65 sources : Mairie de Paris http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?page_id=7604&document_type_id=8&document_id=31 120&portlet_id=17581 Illustration 34 : Le phasage de la ZAC du Sansonnet source : Citadia Conseil

p. 66

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ANNEXES

ANNEXE 1 : Rappel historique de la production de nature en ville ANNEXE 2 : Fiche projet de la ZAC du Sansonnet ANNEXE 3 : Extraits du cahier des charges de la ZAC du Sansonnet

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ANNEXE 1 : Rappel historique : une présence ancestrale de la nature en ville selon des vocations mouvantes

Sources : CHOAY Françoise et MERLIN Pierre, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement BERINGUIER Philippe, DERIOZ Pierre et LAQUES Anne-Elisabeth, Les paysages français BOUTEFEU Emmanuel, Composer avec la nature en ville REYGROBELLET Bernard, La nature dans la ville, biodiversité et urbanisme

• La production de nature en ville jusqu’au XIXème siècle : de l’utile à l’agréable (Conceptions hygiéniste et esthétique du XIXème : aérer et embellir la ville)

Les jardins sont présents dans la ville depuis l’époque médiévale. La campagne pénétrant largement l’espace bâti, de petits jardins à la trame régulière sont aménagés à des fins utilitaires. Au XVIIèmes siècle apparaissent, sous l’influence italienne de grands jardins composés symétriquement prolongés vers l’infini60. Leur conception reflète la pensée de ce siècle où l'homme considère qu'il

peut maîtriser la Nature c'est-à-dire l'asservir, la dominer, l'organiser et la hiérarchiser, tel que l’a démontré Le Nôtre dans les prouesses techniques utilisées dans la réalisation du jardin de Versailles. Si ces jardins s’affirment comme de nouveaux lieux de vie sociale, ils sont alors réservés aux couches aisées de la population, à la bourgeoisie. Au XIXème siècle, le jardin devient réellement une clef de l’aménagement de la ville. Les perspectives des boulevards s’y croisent, les lieux les plus en vue le bordent et les immeubles bourgeois s’installent sur son pourtour. Sa construction devient le moyen de structurer un quartier mais surtout d’embellir et d’aérer la ville, dans une conception très hygiéniste et esthétique. Ils sont associés à l’aménagement d’avenues promenades. Les grandes percées parisiennes sont les réalisations les plus avérées de cette nouvelle idée de faire pénétrer la lumière dans les nouveaux immeubles mais répond également des préoccupations de sécurité intérieure, pour prévenir les insurrections populaires et limiter la pose de barricades…

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En Italie, la conception de jardins initiée au XVIème siècle imposait une fermeture aux extrémités

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La ville du XIXe siècle peut se lire comme un maillage de jardins publics, de formes et de dimensions variées selon les sites. Ils sont reliés entre eux par des avenues plantées, et relayés par des squares. Les squares, jardins miniatures enclos et paysagés, occupent une case dans la trame des immeubles. Ces squares de quartier, gagnés sur d'anciennes surfaces construites, sont bordés de rues et de constructions. Tous ces jardins et squares sont des lieux de rencontres, de divertissement et de sociabilité ou il s’agit de voir et d’être vu. La question d’une répartition équilibrée des infrastructures vertes est également déterminante comme l’a théorisé Jean-Claude Nicolas Forestier à travers l’organisation d’un système de parcs et jardins hiérarchisés, établi scientifiquement pour répondre aux besoins vitaux des habitants. Paris révèle amplement ce véritable maillage de la cité : les parcs de Monceau, de Montsouris, les Buttes-Chaumont, les jardins du Champ-de-Mars, les bois de Boulogne et de Vincennes, s’inspirent des modèles de jardins et des styles paysagers des espaces verts londoniens, avec des allées propices à la promenade et des lignes courbes pour accroître les échappées visuelles et se raccrochent à la trame des tracés haussmanniens plantés. En plus de formes nouvelles d’espaces vert, la pensée hygiéniste introduit une nouvelle dimension à ces espace : ouverts à tous, ils sont considérés comme un réel équipement public, ce qui se traduit par l’avènement et le développement du mobilier urbain mais aussi par l’apparition de services publics à l’instar du Service des Promenades et de Plantations instaurés par Haussmann à la ville de Paris. Ils deviennent ainsi une composante essentielle de la ville qui se déclineront par la suite selon différents modèles plaçant toujours la nature au cœur d’une logique de bien-être social.

• Le début du XXème siècle, la recherche de cités-jardins : culturalistes VS progressistes Dès la fin du XIXème siècle, la critique de la ville devient plus radicale. Il ne s’agit plus seulement d’embellir et d’assainir les quartiers centraux et bourgeois mais de repenser la cité dans sa globalité, de la réconcilier avec la nature, tout en réconciliant l’homme avec le travail. Cette conception s’adressant notamment aux couches populaires ouvrières et immigrés, depuis les jardins ouvriers jusqu’aux cités. En dehors des jardins ouvriers, depuis le XIXème, deux pôles théoriques ont marqué la question des espaces verts jusqu’à une époque récente : le modèle de la « cité jardin » et le modèle du « mouvement moderne ».

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Le jardin ouvrier Depuis le début du siècle, l’image du « jardin ouvrier » s’était répandue, relayée, après la guerre, par celle des « jardins familiaux ». Cet équipement qui a marqué la physionomie des banlieues avait lui aussi, dès le départ une vocation sociale. Il s’agissait alors d’un outil de lutte contre la pauvreté. Il offrait aux classes défavorisées de la société industrielle, à la fois un complément de ressources et un accès à la « nature », voire un substitut à la résidence secondaire pour les classes moyennes. L’essor démographique des villes, généré par la Révolution Industrielle au XIXème siècle, est en partie le résultat de l’exode rural. La plupart des ouvriers sont des migrants d’origine rurale, qui espèrent parfois retrouver un bout de terrain pour mettre en oeuvre un jardin potager. Le jardin est un retour aux sources. Les compagnies minières ont été parmi les premières à percevoir l’intérêt social du jardin potager afin de fixer la main-d’oeuvre, en offrant aux mineurs une maison avec un jardin, et de lutter contre la pauvreté à travers un complément de ressources.. En 1896, l’abbé Lemire fonde la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer, dont le but est de multiplier les jardins ouvriers, perçus aussi comme un moyen privilégié de lutter contre l’alcoolisme et la paresse, source de tous les vices. L’ouvrier attaché à la terre est un conservateur, comme son cousin le paysan. L’entretien du potager suppose propreté et prévoyance. Le jardin devient un modèle social et urbain.

La cité-jardins horizontale, le modèle culturaliste La cité-jardins est issu du mouvement intellectuel et utopiste culturaliste fondé sur des principes idéologiques forts où la totalité l’emporte sur l’individu et le concept culturel de la cité l’emporte sur la matérialité de la ville. Cette pensée est conceptualisé par deux auteurs : Camillo Sitte (qui privilégie l’approche esthétique) et Ebenezer Howard (qui privilégie l’approche sociale). Howard publie, en 1898, Tomorrow : a peaceful path to real reform, qui devient, en 1902, Garden cities of tomorrow, la bible d’une nouvelle conception de ville idéale : une ville de dimension limité, construite dans un cadre rural et alternative aux grandes villes et banlieues industrielles. La cité-jardin repose, selon Howard sur un certain nombre de principes en terme de taille (30 000 habitants), et de fonctionnement, qui se veut autarcique (d’où une théorisation des besoins en équipements, commerces et centralités) .et en lien avec le monde agricole. Ce lien se traduit par une végétation prépondérante, intégrée à toutes les composantes de la ville, qui devient un élément structurant de premier ordre par l’articulation des jardins privés ou communautaires, des voies fortement plantées, des parcs centraux et de la ceinture verte réservée à l’accueil de l’agriculture. la végétation y est intégrée à toutes les composantes de la ville et devient un

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élément structurant de premier ordre par l’articulation des jardins privés ou communautaires, des voies fortement plantées et des parcs centraux

La cité-jardin a donné lieu à de nombreuses interprétations . À Vienne, en Autriche, la municipalité social-démocrate a favorisé les immeubles et les équipements collectifs. : au Karl-Marx Hof, les machines à laver sont installées en sous-sol, les espaces verts sont centraux et communs. Vienne la Rouge est donc plus « collectiviste » que Suresnes ou Le Plessis-Robinson. En Angleterre, les citésjardins privilégient la culture de la communauté. En France, le développement des cités-jardins date des lendemains de la Première Guerre mondiale. Certes, quelques exemples existent au début du siècle, mais le mouvement prend son véritable essor avec la reconstruction. La plupart des cités-jardins, alors construites, sont plus des quartiers de ville que des réalisations complètes. Les expériences les plus abouties de cités-jardins ont été menées dans le département de la Seine, par Henri Sellier, maire de Suresnes, président du conseil général et, à ce titre, administrateur de l’office départemental de HBM. La cité-jardins rejoint l’utopie d’une ville nature, où seraient réconciliés l’hygiène et le travail, le loisir et la dignité.

La cité-jardin verticale Le courant progressiste va l’emporter sur celui des cités-jardins, notamment à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, accompagnant la reconstruction de l’après guerre et guidant la réalisation des grands ensembles. A partir de ce courant de pensée, symbolisé par Le Corbusier et définit dans la Charte d’Athènes (élaborée en 1933), s’est développé un urbanisme standardisé et formel, considérant la ville comme un objet et basé sur un modèle spatial lié à la croyance en le progrès, au rationalisme et à la conception de l’individu humain comme type universel, identique en tous temps et en tous lieux.

Le Corbusier (1887-1965) fustige avec force l’idée de développer des cités-jardins qui ne sauraient être une réponse adaptée à la pénurie de logements d’avant guerre. Il reproche aux cités-jardins de disperser les habitants, ce qui entraîne un étalement urbain inconsidéré, et conduit à l’isolement social. Il leur préfère des villes fonctionnelles, construites en hauteur, plus densément peuplées, qui rassemblent davantage les habitants, ce qui réduit leur emprise au sol. Les surfaces vertes doivent servir à des objectifs nettement définis : être placés à proximité des logements, contenir les jardins d’enfants, les écoles, les centres de jeunesse, les bâtiments d’usage communautaire. Ainsi, les unités d’habitation doivent être implantées sur un tapis vert, paysage support des activités et des loisirs des

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habitants, garant de leur bien être. Cette conception évoque une vision hygiéniste reconsidérée dans les formes produites. La Cité Radieuse de Firminy constitue une application de sa théorie développée dans la Charte d’Athènes publiée en 1933 pour le Congrès international d’architecture moderne (CIAM). Dans un contexte de hausse de la demande en logements, liée au retour des rapatriés d’Afrique du Nord et à l’explosion démographique d’après guerre (baby boom), les propositions de Le Corbusier séduisent le ministre de la reconstruction, Claudius Eugène Petit, maire de Firminy, avec lequel il met en œuvre le projet « Firminy vert ». La ZUP de Grigny la Grande Borne, conçue par Émile Aillaud, avec le soutien de Charles de Gaulle, reprend les orientations paysagères de la cité-jardin, mais sous une forme verticale.

La fin du XXème siècle, du paysage à l’environnement

Cet urbanisme autoritaire et fonctionnel va être remis en cause suivi de toute une série d’évènements des années 60 et des années 70 qui vont faire émerger de nouveaux questionnements et de nouvelles préoccupations environnementales et sociales.

La notion de patrimoine commun, largement véhiculée par la Conférence de Xxx en est très vite convoqué en urbanisme donnant lieu à une série de mesures destinées : -

soit à protéger les espaces naturels (notamment en ville) : institution des Espaces Boisés Classés, des zones zones non aedificandi (inconstructibles),

-

soit à encourager leur création :

obligation de créer des espaces verts lors de la

construction d’immeubles, obligation dans les ZAC d’aménager au moins 10% d’espaces verts en 1973, possibilité de subordonner l’attribution du permis de construire à la réalisation d’espaces verts(ART. R11-7), -

soit à permettre leur gestion : instauration de « la taxe départementale des EV » en 1976.

Dès 1960, le Plan d’aménagement et d’organisation générale de la Région Parisienne traduit la volonté de mettre en valeur, d’aménager et de développer les espaces de nature, présents à l’extérieur et à l’intérieur des grandes agglomérations et dont la nécessité s’impose pour répondre aux multiples besoins des citadins (loisirs, détente, rencontre…) et pour assurer la structure du paysage du monde rural menacé par le développement de l’urbanisation.

Ces démarches induisent un rapport aux espaces verts qui se réduit à une dimension patrimoniale et paysagère convoqués pour offrir un meilleur cadre de vie.

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ANNEXE 2 : Fiche projet de la ZAC du Sansonnet (synthèse des premières orientations de projet issues du dossier de création)

ORIENTATIONS Orientation 1 : PROTEGER L’ENVIRONNEMENT et CONSERVER L’IDENTITE PAYSAGERE DE DEVANT-LES-PONTS Orientation 2 : UN AMENAGEMENT INTEGRE A LA VIE DU QUARTIER Orientation 3 : RENOUVELER ET ASSURER LA DIVERSITE DE L’HABITAT

> Conserver les jardins en zones inondables et mettre en place une réelle trame verte > Les programmes devront conserver le caractère végétal du site sans trop le minéraliser > Préserver la qualité du maillage de voirie du quartier > Contribuer à la meilleure intégration de ce nouveau secteur à la vie du quartier par la conservation et la création de cheminements piétons > conserver la diversité de l’habitat par l’implantation dze petits ensembles collectifs et de maisons individuelles > maintenir la diversité du statut d’occupation entre propriétaires et locataires

PROGRAMME Logements

- 350 logements - 2/3 logements collectifs et intermédiaires - 1/3 logements en bande et individuels sur des parcelles de 200 à 400 m2

Equipements

- 1 maison d’accueil pour personnes âgées dépendantes (70 chambres)

Espaces verts

- un espace ouvert aménagé de loisirs et détente, - des jardins familiaux déplacés

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ANNEXE 3 : Extraits du cahier des charges de la ZAC du Sansonnet

Quelques extraits qui démontre la volonté de la maîtrise d’ouvrage de composer le quartier en « osmose » avec la nature :

La reconquête foncière du site (constitué essentiellement d'anciens vergers, de terrains maraîchers désaffectés et de jardins familiaux) doit aussi contribuer à la requalification de l'image du quartier et la restauration d'un environnement de qualité.

Les grands enjeux de l'urbanisation sont à travers ce nouveau quartier : - promouvoir une nouvelle offre de logements conforme aux objectifs en matière de programme local de l'habitat et garante du maintien de la mixité sociale, - renforcer le maillage des dessertes tout en favorisant au travers de la densité du programme de logements le développement des transports en commun et les modes doux de déplacements (cycles, piétons), et en contribuant à l'ouverture du quartier, - proposer une urbanisation prenant en compte une approche environnementale globale de la phase de programmation (études d'urbanisme) à la phase opérationnelle et permettant de tendre vers la réalisation d'un quartier durable pouvant s'apparenter à un "écoquartier", - protéger l'environnement en prenant en compte les contraintes liées au risque d'inondation, et conserver l'identité paysagère du site et du quartier, - assurer l'intégration de l'équipement d'accueil de personnes âgées dépendantes, - réaliser des espaces publics de grande qualité et de grand confort d'usage, - préserver une utilisation de jardins familiaux dans une composition de qualité et de rationalité des espaces.

Le programme de réalisation de la ZAC s’articule autour de trois axes : - un programme de construction d’environ 350 logements correspondant aux besoins du quartier, destiné à rééquilibrer la démographie du quartier par l’accueil d’une population plus jeune. Ce programme prolonge la mixité urbaine du quartier de Devant-les-Ponts en proposant des logements individuels et collectifs, en accession ou en location, comprenant 20% de logements sociaux. ;

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- un petit programme (70 chambres) de maison d’accueil pour personnes âgées dépendantes pour répondre au besoin d’un quartier dépourvu de ce type d’équipement ; - un espace vert ouvert aménagé en lieu de loisirs et de détente faisant cohabiter des jardins familiaux déplacés en raison du projet.

Les espaces verts et les espaces paysagers ouverts au public seront situés au droit de la zone inondable inconstructible au sud de l'opération d'habitat, suivant les dispositions de principe figurant au plan général des travaux joint en annexe.

Les conditions définies pour la mise en oeuvre de ce programme nécessitent de porter une grande attention au raccordement avec le tissu urbain environnant. Le projet organise la zone au voisinage d'un espace végétalisé aménagé en parc public occupant une surface importante (3ha. environ) à l'échelle du quartier, au droit de la zone inconstructible suivant le PPRI. Ce parc sera situé en frange de la zone d'habitation, conformément aux orientations de la concertation préalable et au projet déclaré d'utilité publique. Cette localisation impose une grande qualité de traitement du site où la gestion de l'eau sera utilement mise à profit. Les espaces verts pourront jouer en partie un rôle de rétention, de circulation, d'infiltration ou de stockage de l'eau. Si des ouvrages de retenue sont nécessaires, ils seront intégrés dans l'aménagement du parc. Les bassins de rétention, fossés ou noues seront ainsi soignés dans le paysagement et les mesures de leur entretien facilitées. Le réseau de cheminements piétonniers du quartier qui permet une desserte satisfaisante des équipements (ex : groupe scolaire) participera à cette mise en valeur et à la découverte des lieux. Les chemins des circuits des "balades nature" seront soit préservés soit maintenus dans des circuits proches. Le projet d'aménagement réservera dans le secteur inondable un espace d'une quarantaine de jardins familiaux. Les accès et les limites de ces jardins seront conçus en lien avec les aménagements paysagers de la zone. Le mobilier urbain (incluant les jeux d'enfants) qui équipera les espaces verts ouverts au public sera adapté à la fréquentation et au caractère inondable.

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