La petite fille de Noël
E
n cette froide nuit de Noël,
une petite fille marche dans la ville. Autour d’elle, les gens sont
pressés de rentrer chez eux.
C’est à peine s’ils voient Koschka, avec son manteau rouge et ses galoches* usées.
Pourtant Koschka crie de sa petite voix: – Achetez mes nougats ! Un sou le nougat !
Depuis que Koschka s’est enfuie de l’orphelinat, elle erre, seule dans la ville.
Parfois, un passant lui donne
une pièce. Et c’est le pâtissier
de la grande rue qui lui a fait cadeau de son gros paquet de nougats.
Bientôt, la neige se met à tomber. Les flocons volent tout autour de Koschka…
*Les galoches sont des sabots en cuir et en bois. 23
– Oh Maman, regarde, un bonhomme
en lui demandant :
en montrant Koschka.
commandé au Père Noël ?
bonhomme de neige, c’est une
Elle pense à la belle poupée qu’elle
– Achetez mes nougats, un sou
magasin de jouets.
de neige ! s’exclame un petit garçon – Mon chéri, ce n’est pas un petite fille !
le nougat ! crie toujours Koschka en secouant la neige qui couvre
son manteau.
– Je peux en avoir un ? demande le petit garçon.
Sa maman sort de son sac une pièce qu’elle tend à Koschka
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– Et toi, qu’est-ce que tu as Koschka ne répond pas.
a vue dans la vitrine du grand
– Moi, poursuit le petit garçon, je voudrais un cheval de bois, une épée et une armure de chevalier.
Le garçonnet sourit à Koschka.
Et ce sourire est comme une petite flamme qui la réchauffe.
Et puis un chien apparaît dans la nuit. Ses yeux sont jaunes comme ceux
des loups. Mais Koschka n’a pas peur des loups. Koschka n’a plus peur de rien. Sa peur est frigorifiée, comme ses pieds et le bout de son nez. – Tu veux un nougat, Chien ? Tiens, je te l’offre…
Le chien engloutit le nougat et lèche
la main de Koschka. Ses yeux jaunes sont doux. D’une certaine manière, il réchauffe aussi la petite fille…
Plus tard, une vieille dame s’approche : – Ma pauvre petite, tu dois avoir froid !
Ne reste pas là, viens avec moi.
– Et le chien ? demande Koschka. – Le chien ? Ah oui, le chien…
Eh bien, s’il n’a pas de puces,
il peut venir aussi ! Koschka rit :
– Les puces ? Pour sûr qu’il n’en a pas,
elles sont toutes mortes de froid ! La main de la vieille dame est chaude.
– Je m’appelle Babouchka. Et toi ? – Koschka.
Et Babouchka pousse la porte
de sa maison…
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À l’intérieur, ça sent le pain d’épice
Les flammes réchauffent son nez
il y a un grand sapin éclairé d’une
bon ! Après avoir mangé la dinde
et la dinde rôtie. Devant la cheminée, multitude de petites bougies.
et le pain d’épice, Babouchka et
ce soir, dit la vieille dame, mais ils
a, pour la première fois de sa vie,
– Mes petits-enfants devaient venir sont retenus par la neige. Ils ne
peuvent pas se déplacer jusqu’ici, alors toi et moi, nous allons festoyer !
Koschka met ses mains devant le feu.
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et ses pieds frigorifiés. Que c’est
Koschka vont se coucher. Koschka une chambre à elle toute seule.
Le chien aux yeux jaunes se couche à ses pieds et ils s’endorment paisiblement.
Le lendemain matin, Babouchka est réveillée par des tambourinements à la porte.
– Piotr, Lana ! Mes petits-enfants !
Vous avez donc réussi à braver toute cette neige pour venir me voir ? – Un Noël sans toi, Babouchka,
ça n’aurait pas été un vrai Noël !
répondent joyeusement un garçon souriant et une fillette mutine.
Et, sans attendre, ils courent au pied du grand sapin entouré de cadeaux. – Ne soyez pas si impatients, mes
petits ! gronde tendrement Babouchka. – Celui-là, il est pour qui ? demande Piotr. Il y a écrit « Koschka »…
– Et celui-là ? C’est drôle, il y a marqué « Chien » dessus ! interroge Lana.
À cet instant, Koschka apparaît tout
en haut de l’escalier, suivie de son petit chien.
– Mes enfants, je vous présente Koschka et Chien, ce sont mes deux invités de Noël ! annonce
Babouchka avec un grand sourire. 27
Piotr et Lana embrassent Koschka
Les larmes coulent sur les joues
puis retournent vers le sapin.
poupée dans ses bras.
avec chaleur. Ils caressent le chien Koschka, elle, n’en croit pas ses
yeux : il y a bien un paquet à son
nom au pied de l’arbre ! Elle l’ouvre, et découvre… une superbe poupée. – C’est pour toi ! dit Babouchka.
Comme le Père Noël n’avait pas
ton adresse, je t’offre la poupée que ma mère m’avait tricotée
Texte : Agnès de Lestrade – Illustrations : Marion Puech.
quand j’étais petite.
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de Koschka. Elle serre fort la
– Et il y a aussi un cadeau pour
Chien, ajoute Babouchka en riant,
je lui ai trouvé de l’huile de lavande. Ça fait fuir les puces !
Koschka éclate de rire. Puis elle sort de sa poche ses nougats :
– Ça, c’est pour vous ! dit-elle en
l’offrant à Piotr et Lana, dont les
yeux brillent déjà de gourmandise.
Babouchka prend Koschka dans ses bras et lui murmure :
– J’aimerais bien que vous puissiez rester un peu, toi et Chien. D’ailleurs, ajoute-t-elle pensive, comment pourrait-on le nommer, ce drôle d’animal ?
Koschka se serre contre Babouchka et chuchote à son tour :
– Noël. Il s’appellera Noël…
fin