Le rôle formateur des chantiers expérimentaux sur friches urbaines

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LE RÔLE FORMATEUR DES CHANTIERS EXPÉRIMENTAUX SUR FRICHES URBAINES MARIE-LOU PERRET

MASTER 1 : ARCHITECTURE ET CULTURES CONSTRUCTIVES ANNÉE 2015-2016 | ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE GRENOBLE DIRECTEUR DE MÉMOIRE : STEPHANE SADOUX


Image de couverture : PoÊtique d’un site en friche | source : www.lima.arc.ulaval.ca


LE RÔLE FORMATEUR DES CHANTIERS EXPÉRIMENTAUX SUR FRICHES URBAINES Vers une nouvelle pratique de l’architecture MARIE-LOU PERRET

MASTER 1 : ARCHITECTURE ET CULTURES CONSTRUCTIVES ANNÉE 2015-2016 | ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE GRENOBLE DIRECTEUR DE MÉMOIRE : STEPHANE SADOUX


Je tiens à remercier les différentes personnes qui m’ont aidée dans mes recherches et à rédiger ce mémoire : Pascal Rollet, Sebastien Fabiani et Mehtab Sheick Badordine qui m’ont reçue et ont répondu à mes questions, ainsi que Florent Chiappero du Collectif Etc et Miguel Georgieff du Collectif COLOCO pour leurs explications lors de nos échanges téléphoniques.


SOMMAIRE

INTRODUCTION

p.1

I // Cadre de travail et définitions

p.4

- Chantiers expérimentaux - Friches urbaines II // Collectifs d’architectes : opinions et perspectives

p.4 p.6

- Les précurseurs - Collectifs influencés III // Chantiers expérimentaux sur friches urbaines : approche et stratégies

p.17 p.22

- Critères de sélection des projets - Présentation de la grille d’analyse - Étude de la méthode de travail IV // Philosophie et actions : évaluation comparative

p.28 p.32 p.33

CONCLUSION

p.57

p.16

p.28

p.50



Introduction

«Nous devons reconquérir la liberté d’expérimenter sur la ville.» 1 Reconquérir ces possibles, qui ne nous sont que trop peu dévoilés. À notre époque, il est devenu indispensable d’être en perpétuelle recherche de nouvelles manières de faire. Il semble que les collectifs d’architectes, regroupant d’autres profils professionnels, sont les plus aptes à mener ces actions et les plus démonstratifs de ce point de vue. L’expérimentation est pour eux une excuse pour détourner certaines contraintes et ils sont en constante recherche de défis et de nouvelles manières de faire. Ce mémoire se base sur le travail de chantiers expérimentaux de collectifs d’architectes. À la vue des conditions de renouvellement urbains actuel et de la nécessité de construire une ville

dense et durable, les friches urbaines sont apparues comme étant des lieux intéressants et les espaces de jeux privilégiés pour les collectifs. À travers tout ce mémoire nous nous intéresserons donc à la manière dont les collectifs d’architectes travaillent sur les friches urbaines, en collaboration avec les différents acteurs locaux (élus, associations, habitants).

1/ P. degeorges , A. Nochy, philosophes dans BOUCHAIN, P., Construire autrement: comment faire?, Arles, Actes Sud, 2006, p 174

Partant d’une hypothèse de base affirmant que la pratique du projet des collectifs d’architectes était modifiée par leur travail de chantiers expérimentaux sur friches urbaines, des difficultés ont été assez rapidement rencontrées quant aux modalités d’analyse des différents projets. Suite à un travail de recherche plus poussé, il s’est avéré que les collectifs d’architectes étaient déjà bien au fait de vouloir développer une pratique du projet d’architecture différente de la pratique traditionnelle. De ce fait le questionnement a évolué vers une nouvelle hypothèse affirmant 1


2/ ANDRES L., La ville mutable. Mutabilité et référentiels urbains : les cas de Bouchayet Viallet, de la belle de Mai et du Flon. Université Pierre Mendes France, 2008, 498p.

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qu’à travers les chantiers expérimentaux sur friches urbaines, les collectifs d’architectes mettent à l’épreuve leur vision du métier d’architecte, en expérimentant de nouvelles manières de gérer le chantier, mais aussi d’autres voies pour la conception et la réalisation du projet sur la friche. En d’autres termes, les chantiers expérimentaux sur friches urbaines sont un moyen pour les collectifs d’architecte de tester leur façon de voir la pratique du projet d’architecture. De plus, le cadre précis de la recherche permet de développer d’autres hypothèses telles que : la méthode de travail des architectes est modifiée lorsqu’elle est en liens avec les acteurs de proximité du site. Mais aussi que les échanges avec les différents acteurs présents lors des chantiers expérimentaux sur friches urbaines, permettent aux architectes de développer des compétences et des organisations de travail spécifiques. Et enfin que les friches urbaines apportent de nouvelles occasions de travail aux architectes en termes d’expérimentation, mais aussi des contraintes.

La finalité de ce mémoire étant d’essayer de comprendre quel rôle les collectifs d’architectes jouent dans leur pratique de chantiers expérimentaux sur friches urbaines. Pour répondre à toutes ces hypothèses, la méthode adoptée a été d’analyser dans un premier temps les idéologies de différents collectifs d’architectes, de manière à déterminer leur vision du métier et de voir en quoi celle-ci diverge de la pratique traditionnelle. Suite à cela, l’étude du corpus est basée sur l’analyse de projets réalisés par des collectifs d’architectes sur friches urbaines. Cette analyse est croisée avec les différents temps de friches et typologies de friches développées par Lauren Andres dans sa thèse 2, ce qui permettra de comprendre comment leurs spécificités influencent la méthode du projet d’architecture des collectifs. Une grille d’analyse a été réalisée de manière à structurer cette étude, dans laquelle le temps sert de base et contextualise les différentes questions posées aux projets. De ce fait dans un premier temps la grille se divise en deux, reprenant les temps de réalisation du projet, c’est-à-dire la conception et la construction.


Chacune de ces phases est ensuite divisée à nouveau en quatre, permettant d’étudier l’influence du site, l’implication de personnes extérieures et l’expérimentation. Grâce à cette étude, prenant en compte la manière dont ils ont travaillé en lien à la fois avec le site et les usagers et comment ils ont géré la question d’expérimentation, nous pouvons définir le rôle de l’architecte lors de la phase de conception dans un premier temps et de la phase de construction dans un deuxième temps. Pour finir, une ligne générale ferme le tableau et définie le rôle de l’architecte sur la globalité du projet. Pour remplir cette grille, le travail de recherche s’est basé sur la rencontre d’un des collectifs, et des entretiens téléphoniques pour les deux autres. À cela s’ajoute des interviews trouvées sur Internet et dans le livre Le détour de France du collectif Etc.3

pour essayer de comprendre leur vision du métier d’architecte et en quoi elle diffère de la vision traditionnelle. Ensuite, à travers un corpus de trois projets des collectifs étudiés dans la partie précédente, nous analyserons leur méthode de travail et essayerons de déterminer le rôle qu’ils ont tenu durant toute la réalisation du projet grâce à la grille d’analyse. Finalement, nous comparerons leurs volontés écrites et leurs applications sur le terrain, de manière à confirmer ou infirmer l’hypothèse générale : la pratique du projet d’architecture ,non conventionnelle, des collectifs d’architectes, est appliquée à travers leurs réalisations de chantiers expérimentaux sur friches urbaines.

3/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, Marseille, Hyperville, 2015, 195p.

De ce fait le mémoire se structurera en quatre parties. La première donnera le cadre de travail (les chantiers expérimentaux et les friches urbaines), les raisons qui ont motivé ce choix et les enjeux qu’elles soulèvent. Dans la deuxième partie nous étudierons les paroles et écrits de divers collectifs 3


4/ Collectif,

Le petit Larousse grand format, Paris, Larousse, 1996, p. 419 5/ Rollet P., Interview, 23.03.2016

I // Cadre de travail et définitions

Dans cette première partie nous allons définir les termes de friches urbaines et chantiers expérimentaux, de manière à comprendre dans quel cadre se déploie le mémoire. Par ailleurs cette première partie nous montrera les enjeux présents sur ces sites et les intérêts que peuvent y voir les architectes. Chantiers expérimentaux L’expérimentation est une des principales méthodes pédagogiques du Master Architecture et Cultures Constructives de l’ENSAG. Nous l’utilisons par exemple cette année dans le cadre du Proto Terra Nostra, en la réalisation d’un prototype d’habitat. Mais pour mieux comprendre de quoi il s’agit voici quelques définitions d’expérimentation. D’après la définition du dictionnaire général Larousse l’expérimentation est basée sur une expérience : « Méthode scientifique reposant sur l’expérience et

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l’observation contrôlée pour vérifier des hypothèses »4. Ce qui consiste à tester quelque chose en se basant sur une hypothèse première, et qui est, ou non, vérifiée suite à l’expérience. « Expérimenter c’est corroborer une hypothèse, une idée, un concept, dans le domaine de l’architecture, avec une expérience réelle. Le propre de l’architecture est d’être à cheval sur deux mondes, l’idéal (par la pensée) et puis le réel, dans lequel on met en œuvre la matière de l’espace. Le projet d’architecture c’est passer de l’un à l’autre par une projection. Il est la projection dans le réel de ce qui vient de l’idéal. De ce fait l’éxpérimentation est un outil d’aide à la conception : il donne la possibilité de tester des dispositifs dans le réel, de faire des démonstrations et tester des pistes qui ne sont pas traditionnelles et habituelles. Il y a derrière l’idée d’expérimentation, l’idée d’innovation »5. L’expérimentation est la réalisation de quelque chose de concret, réel et tangible. De plus, P. Rollet apporte la


notion d’innovation. C’est grâce à cette notion qu’est possible le progrès et qu’on se rend compte de la viabilité de nos hypothèses. Comme le dit P. Bouchain : « à ne vouloir prendre aucun risque on ne produit rien »6. Expérimenter c’est aussi prendre le risque que l’hypothèse ne soit pas vérifiée, que la réalisation ne fonctionne pas comme prévu. Mais sans être passé par l’étape de l’expérimentation nous n’aurions jamais pu en avoir conscience, et comprendre pourquoi cela ne fonctionnait pas. Expérimenter est un moyen d’avancer et de tester de nouvelles manières de travailler, concevoir, construire... car le résultat s’impose à nous et nous renvoi des informations que nous n’aurions pas pu obtenir d’une autre façon. Ensuite, nous pouvons donner comme définition du chantier : « Terrain, endroit, où l’on procède à des travaux de réparation ou de construction »7. Cette définition de la notion de chantier met en évidence le type d’action menée (travaux) et l’espace sur lequel elles se réalisent. Le chantier est donc toujours rapporté à un site, un lieu qui lui est dédié. Dans ce mémoire de manière à cibler et préciser la recherche nous nous baseront sur les friches urbaines.

« Les chantiers dans les villes sont des événements en soi. Les rues sont bloquées, le bruit est permanent. Ils sont perçus comme des nuisances au quotidien.» 8 Bruyant et entravant les habitudes des usagers, ici le collectif Etc pointe un autre aspect du chantier qui lui donne souvent une mauvaise image auprès de la population. Dans le cadre des chantiers expérimentaux qui seront étudiés dans ce mémoire, nous verrons quelles sont les stratégies mises en œuvre par les architectes pour réduire cet aspect de nuisance provoqué par le chantier. En regroupant ces diverses informations, nous pouvons en déduire que les chantiers expérimentaux sont des lieux de travaux sur lesquels on teste des manières de faire, de construire. Néanmoins, dans les chantiers de manière générale : « Rien n’est jamais prévu pour accueillir l’inattendu » 9. Dans la définition de chantiers expérimentaux qui est donnée dans ce mémoire, est introduite la notion de place laissée à l’incertitude, à l’improvisation.

6/ BOUCHAIN, P., Construire autrement: comment faire?, op.cit. p.81 7/ Collectif, Le petit Larousse grand format, op.cit. p. 207 8/ Collectif ETC, place au changement chantier ouvert, www. collectifetc. com, consulté le 30.03.2016 9/ BOUCHAIN P., EXYZT, Construire en habitant, Alres, Actes Sud, 2011, p.34

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10/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.185 11/ Collectif, IN VIVO lieux d’expérimentations du spectacle vivant, Vénissieux, La passe du vent, 2013, p.35 12/ ANDRES L., La ville mutable. op. cit. p.100 13/ Ibid. p.95

« Pour nous le chantier n’est qu’une étape de l’évolution du lieu. Loin d’être la fin de quelque chose, la matérialisation d’une idée préconçue, il est le lieu par essence de l’inattendu . » 10 De ce fait, nous définissons ici les chantiers expérimentaux comme des lieux de réalisation d’un projet architectural, dans lesquels l’on teste de nouvelles manières de construire , de travailler, et où l’inattendu et le non-programmé ont leur place. Ce qui est intéressant dans cette notion de chantiers expérimentaux, ce sont les moyens mis en œuvre par les architectes et le processus qui y est développé. « Processus, aléatoire et performance l’emportent sur l’œuvre achevée »11 Au cours de ce mémoire, nous verrons quels aspects de la pratique du métier d’architecte peuvent être expérimentés, autres que ceux des matériaux et des systèmes constructifs. Nous espérons rencontrer de nouveaux champs d’expérimentation, montrer que le métier d’architecte est aussi un métier à envergure sociale, où l’expérimentation des relations humaines est tout aussi importante que celle du champ de la construction.

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Friches urbaines « Le fait que la friche soit englobée dans de nouveaux modèles plus transversaux comme ceux du «renouvellement urbain» et du «développement durable» confirme cette dédramatisation de la friche. » 12 Comme l’explique de manière très claire et précise Lauren Andres dans sa thèse, les friches urbaines font partie d’une réflexion globale sur une urbanisation durable de densification. Le manque de place en ville dont nous sommes témoin, nous oblige à la penser différemment et à utiliser de nouveau ces espaces en zone urbaine, délaissés, mais disponibles. Éviter l’étalement urbain en se mettant dans une logique de réemploi d’espaces pour un nouveau rapport à la ville est une thématique correspondant à celles du Master Architecture et Cultures Constructives : comment faire la ville de demain de manière durable, soutenable et raisonnable ? «Le nécessaire repli de l’urbanisation vers l’intérieur est affirmé comme un des credo de la ville durable.»13 Ainsi, les friches urbaines sont apparues comme un sujet riche et complexe de


réflexion pour penser le développement de la ville future. De plus, effectuer la recherche de mémoire sur les friches a permis de cibler plus facilement la recherche pour définir un cadre d’analyse très précis. Dans un premier temps nous allons définir le terme de friche de manière générale. Ensuite, nous exposerons la définition de friche donnée par des architectes, pour commencer à préciser les intérêts de travail qu’ils y trouvent. Nous ferons aussi un rapide retour sur les raisons d’apparition de ces friches. Puis, nous nous baserons fortement sur la thèse de Lauren Andres pour définir les spécificités des friches, en s’appuyant sur son analyse sur les temps de friche et leurs différentes typologies. Nous croiserons son analyse avec celle réalisée par le collectif d’architectes Robins des Villes de manière à avoir un point de comparaison. Nous finirons avec l’exposition des opportunités que donnent ces friches pour comprendre les raisons qui poussent les collectifs d’architecte à investir ces lieux délaissés.

Définitions De manière globale, les friches sont des «terrain[s] dépourvu[s] de culture et abandonné[s]»14. Nous pouvons donner comme synonyme des terrains en jachère, des sites désaffectés, délaissés, à l’abandon. Dans ce mémoire nous ciblons cette définition sur des espaces en ville dans lesquels aucun usage officiel n’a été répertorié depuis plusieurs années.

14/ Collectif, Le petit Larousse grand format, op.cit. p. 459 15/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.158

De nombreux architectes se sont penchés sur les questionnements posés par les friches et ont donné leur définition de ces espaces. Le collectif Etc par exemple nous parle de : « terrains vides, usines en friche, églises désacralisées, rues oubliées, places désertées, trottoirs superflus, places de parking inoccupées, toitures inutilisées, locaux vacants... [qui] sont autant d’espaces délaissés par les pouvoir publics, l’autorité en charge de ceux-ci, propriétaires évanouis, ou marché de l’immobilier déprimé»15. Ils se servent de la morphologie de la friche et de son ancienne activité pour la définir.

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16/ BOUCHAIN P., Histoire de construire, Arles, Actes sud, 2012, p.76 17/ CLEMENT G., Manifeste du tiers paysage, Paris, Sens&tonka, 2004, p. 3 18/ Ibid. p. 4 19/ ROBIN DES VILLES, Les friches industrielles : cartographies et modes d’occupation, Lyon, CERTU, 2008, p.18

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Patrick Bouchain lui nous explique que : « La ville se transforme en permanence sur elle-même et produit des «délaissés», ces lieux temporairement laissés pour compte, sans affectation et sans valeur»16. Il donne cette définition en se basant sur les raisons de leur apparition et y introduit une notion de temps. Pour finir, le paysagiste Gilles Clément déclare que : « Le délaissé procède de l’abandon d’un terrain anciennement exploité. Son origine est multiple : agricole, industrielle, urbaine, touristique, etc. Délaissé et friche sont synonymes »17. La première partie de sa définition reprend les mêmes grandes lignes que celle de Patrick Bouchain. Mais ensuite il y apporte sa propre touche en y introduisant la notion de biodiversité accueillie par ces espaces abandonnés : «Entre ces fragments de paysage aucune similitude de forme. Un seul point commun : tous constituent un territoire de refuge à la diversité. Partout ailleurs celle–ci est chassée. Cela justifie de les rassembler sous un terme unique. Je propose Tiers paysage, troisième terme d’une analyse ayant rangé les données principales apparentes, sous l’ombre d’un côté, la lumière de l’autre.»18 Temps, action passée, refuge de

biodiversité, morphologie, chacun donne une définition de la friche suivant les caractéristiques qui l’intéresse et qui lui servent à la réalisation d’un projet. Cependant toutes ses définitions s’accordent à dire que les friches sont des espaces dont les propriétaires ne s’occupent plus. De plus, elle résulte toujours du délaissement d’une action passée sur un site précisément dédié à cet usage et fait écho à la forme de son ancienne architecture. Apparition Ces espaces délaissés sont apparus dans notre environnement urbain à cause de raisons économiques principalement, dépendantes de l’histoire de l’industrialisation française. « Du fait de la désindustrialisation, d’une part, et de la délocalisation, d’autre part, les communes industrielles se retrouvent avec d’importants terrains laissés à l’abandon.»19 Comme l’explique le collectif Robins des villes suite à son analyse des délaissés de la ville de Lyon, les années 70 ont largement modifié la relation entre aménagement urbain et économie.


Cette nouvelle crise urbaine a amené à l’apparition de friches à caractère industriel de grandes dimensions. Ils précisent de plus que les répercussions ne sont pas du tout similaires suivant les villes touchées. Par exemple les conséquences de cette crise ont été beaucoup plus visibles à St Etienne, grande ville industrielle du 19éme siècle, qu’à Lyon. Spécificités des friches En ce qui concerne les deux prochains points que nous allons évoquer, nous nous sommes principalement basés sur la thèse de Lauren Andres La ville mutable. Mutabilité et référentiels urbains : les cas de Bouchayet Viallet, de la belle de Mai et du Flon. Cette thèse dans une première partie a été consacrée à définir de manière très précises les différents temps spécifiques à la friche et les différents types de friche. La récupération et la compréhension de ces éléments est une opportunité pour ce mémoire. Grâce aux informations fournies par cette thèse, l’objectif est de pouvoir analyser les sites des différents projets du corpus sur une

base commune, précise et complète, sur des critères qui ont été définis au préalable grâce à un travail de recherche spécifique. -Temps

20/ ANDRES L., La ville mutable. op. cit. p.107 21/ Ibid, p.107

Premièrement, dans cette thèse, trois stades distincts de mutation des friches ont été identifiés et définis : l’avant friche, la friche, et l’après friche. On nous explique que le temps de l’avant friche est un stade « marqué par un délaissement progressif du site qui commence à se vider, préfigurant l’abandon final»20. Dans ce stade de l’avant friche, une activité est toujours en cours, néanmoins on remarque une baisse de productivité sur cette période par rapport à ses capacités habituelles, de ce fait on devine un déclin et un abandon proche de cet espace. Le temps d’avant friche laisse place au temps de friche qui correspond à « un temps d’attente où le terrain en question est abandonné, délabré, sa fonction initiale ayant cessé»21. Ce temps d’attente peut être de deux sortes. La première est un temps où aucune action n’est répertoriée sur la friche, on remarque simplement un abandon et un délabrement certain du 9


22/ Ibid, p.107

site, avec une reconquête du végétal. La deuxième est le « temps de veille »22.

23/ Ibid, p.107

« Derrière temps de veille, il faut entendre surveillance, guet, en d’autres termes, stratégie explicites ou implicites de la part des différents acteurs gravitant autour de la friche»23.

24/ Ibid, p.108 25/ ROBIN DES VILLES, Les friches industrielles : cartographies et modes d’occupation, op. cit. p.24 26/ Ibid p.24 27/ Ibid p.26

C’est-à-dire que le temps de veille de la friche est un temps où diverses actions non officielles se mettent en place ou s’organisent, en vue d’un réinvestissement de la friche. Elle suscite un intérêt nouveau, pour lequel seront mises en place des actions totalement différentes de celles qui la caractérisaient avant son abandon. Ensuite, apparaît le temps de l’aprèsfriche. C’est à partir de cette phase-là de la mutation de la friche que de nouveaux projets se développent de manière plus officielle. Suite à cette analyse des différents temps de friches et leurs caractéristiques, Lauren Andres souligne qu’«au sein de ces temps, celui de la veille se distingue des autres. C’est lui qui attribue sa singularité à l’espace en friche par rapport à tout autre tènement sur lesquels se reconstruit la ville»24. En effet seules les friches durant leur

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temps de veille permettent de développer un imaginaire particulier, initié par l’incertitude du devenir de la friche. Des architectes se sont eux-aussi attelés à la définition des différents temps de friche. Le collectif des Robins des Villes par exemple parle lui de « friche en sommeil, friche en projet et friche en vie »25. Ces différents statuts de friches apparaissent durant sa période de latence, lorsque l’espace est déserté. La friche en sommeil est un espace où « aucune occupation n’y est concrètement viable »26. Le site est totalement abandonné, pour des raisons de situation urbaine peu propice à sa reprise ou de pollution des sols. La friche en projet est un site qui est en « voie d’exploitation»27 ou qui fait déjà l’objet d’une réaffectation, car sa situation urbaine était plutôt favorable. Pour finir la friche en vie est comparable à la friche en veille définie par Lauren Andres. Elle est caractérisée par « sa réutilisation, hors du cadre institutionnel […], par des petits groupes qui aménagent […], des lieux où ils pratiquent des activités plus ou moins parallèles aux circuits traditionnels, plus


ou moins reconnues »28. Sur ces friches, de nouveaux modes de vie s’inventent et se développent. Elles sont utilisées de manière éphémère, et les Robins des Villes appellent cette utilisation «occupation »29. Les projets que nous allons étudier dans le corpus ne se situent pas tous sur le même temps de friche. Nous développerons ces spécificités et les raisons de leur classement dans chaque catégorie au début de leur l’analyse dans la troisième partie. Les friches peuvent être qualifiées de différentes manières. Premièrement, la morphologie de la friche est un point important dans sa caractérisation. Dans un deuxième temps nous verrons comment il est possible de les classer suivant la typologie de Lauren Andres grâce à leurs dynamiques de valorisation et d’investissement. La friche n’est pas uniquement définissable sur des critères physiques, elle l’est aussi sur des critères désignant les possibilités d’actions que nous avons sur cellesci. Lors de l’analyse du corpus, nous étudierons chaque projet au prisme de ces différents points nous permettant de comprendre comment les spécificités

de ces sites ont influencé le travail des architectes. -Morphologie Les friches sont souvent décrites comme étant les « interstices », « plis » et « brèches »30 du tissu urbain. Cette caractérisation renvoi à l’imaginaire que nous pouvons nous en faire. Cependant, elles peuvent avoir des morphologies tout à fait différentes. Dans un premier temps nous pouvons classer les friches dans deux grandes catégories : vides ou pleines. Une friche vide est une friche qui ne possède pas de cadre bâti, tel un terrain vague ou une dent creuse. Une friche pleine, elle, a gardé les traces de son ancienne activité grâce à la présence de son architecture, comme une friche industrielle ou militaire. Pour qualifier et nommer ces friches on utilise couramment la dénomination de leur ancienne activité. Ces activités passées ont donné une nature toute particulière au site qu’elles occupaient. On remarque par exemple des différences reconnaissables entre friches agricoles, militaires, religieuses, industrielles, portuaires, ferroviaires, etc… Elles sont aussi souvent caractérisées par leur âge

28/ Ibid p.30 29/ Ibid p.30 30/ HATZFELD H., Quand la marge est créatrice : les interstices urbains, initiateurs d’emploi, La tour-d’aigues, ed. De l’aube, 1998, p.14

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31/ ANDRES L., La ville mutable. op. cit. p.125 32/ Ibid, p.125 33/ Ibid, p.126

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(durée du temps de friche) et par leur taille.

Ces dynamiques sont classées dans un tableau à double entrée avec les valeurs positives ou négatives et les investissements positifs ou négatifs. - Dynamiques Grâce à ce tableau Lauren Andres fait émerger quatre grandes catégories de Comme évoqué précédemment, friches urbaines : la friche-vision, la classer les friches sur des caractéristiques friche-outils, la friche-tare et la fricheseulement physiques n’est pas assez passoire32. À chacune de ces typologies complet. De manière à préciser les se rattache des spécificités. différentes typologies de friches, Lauren Andres s’est attelée à décrire et La friche-tare est la friche «dont le classer chacune d’elles en fonction de rapport à la valeur et à l’investissement leurs dynamiques de (re)valorisation/ sont négatifs »33, elle dégage une image dévalorisation et de (ré)investissement/ très négative et n’éveille aucun intérêt désinvestissement31. d’investissement ou d’appropriation. Investissement -

Investissement +

Non dotation Non possession Non implication

Placement Implantation Implication

FRICHE-OUTIL

Valeur +

FRICHE-VISION

Utilité Faire valoir Considération

- Friche spéculative - Friche-mémoire - Friche durabiliste

- Friche-alternative - Friche-laboratoire - Friche-vitrine - Friche-pari

Valeur -

FRICHE-TARE

FRICHE-PASSOIRE

Inutilité Modicité Déconsidération

- Friche dent-creuse - Friche-stigmate

- Friche-dérive - Friche-calvaire

Fig.1 Source : Andres L., Thèse, 2008


Elle reste donc le plus souvent dans un état d’abandon avancé. La friche-passoire est : «une friche qui tout en faisant l’objet de différentes formes d’investissement humaine, économique, et/ou politique, n’acquière néanmoins pas une utilité réelle lui permettant de bénéficier d’un fairevaloir économique ou symbolique amenant une prise de considération positive de l’espace»34. Malgré tous les efforts d’investissement mis en place sur cette friche, celle-ci se comporte telle une passoire qui laisse tout passer, investir dedans est comparé à un gouffre. La friche-vision35 est quelque peu l’inverse de la friche passoire. C’està-dire qu’elle peut être valorisée, car elle pourrait avoir une certaine utilité, mais aucune forme d’investissement n’y apparaît, cette friche reste donc dans un réinvestissement idéal et imaginaire sans jamais qu’une action concrète n’y soit menée. Le dernier type de friche est celui qui est le plus attirant, car c’est celui qui possède des « formes de valorisation et d’investissement positives.»36 En effet la friche-outil est un espace « appréhendé

de manière favorable par les différents acteurs »36. Elle devient donc un terrain « occupé avec différentes formes d’appropriation »36. La friche outil se développe en plusieurs catégories telles que la frichelaboratoire, la friche-alternative et la friche-vitrine. Ce sont ces trois types de friches que nous retrouverons pour l’analyse du corpus. La friche-laboratoire, premièrement, est un espace qui permet beaucoup de choses durant son temps de veille, ce qui fait d’elle un espace intéressant. Elle est souvent investie par des acteurs transitoires. C’est-à-dire qu’elle est occupée sur un temps court de manière précaire, pendant son temps de veille, avant sa réutilisation pour un autre projet. Elle a aussi la « capacité à mobiliser des imaginaires artistiques»37 et est souvent assimilée à des usines abandonnées.

34/ Ibid, p.126 35/ Ibid, p.127 36/ Ibid, p.129 37/ Ibid, p.129 38/ Ibid, p.130

La friche-alternative est « une friche temporaire en attente d’une mutation future plus encadrée et planifiée, dans un contexte urbain, économique et immobilier meilleur»38. Elle est réinvestie, elle aussi, par des acteurs transitoires, souvent des artistes, qui s’occupent de maintenir en état le site 13


39/ Ibid, p.130 40/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.158 41/ www. adopteunefriche.com

en échange du droit de s’y installer. De ce fait elle est déjà dans un processus de revalorisation. Néanmoins, les projets qui s’y installent ne sont que temporaires. Pour finir la friche-vitrine est une «friche emblème d’un processus de mutation réussi, amorcé dans une friche laboratoire et une friche alternative»39. La friche vitrine est la preuve du bon fonctionnement de la réappropriation de l’espace. Elle a une « utilité communicationnelle »39 car elle permet de prouver que les projets réalisés sur ces sites peuvent être des réussites en termes d’investissement et d’appropriation.

Vers un nouvel intérêt

Grâce à ces derniers types de friches montrant qu’une appréhension beaucoup plus favorable est possible, un nouvel engouement pour ces espaces délaissés voit le jour depuis quelques années déjà grâce à leur capacité d’adaptation et d’appropriation.

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« Dans la période de rupture que nous traversons, les lieux abandonnés de l’aménagement pourraient justement devenir les laboratoires expérimentaux de l’intérêt commun, en termes de valeur affective, d’usage, de sens.»40 Par exemple cette année a été créé le site « Adopte une friche»41, sur le même principe qu’un site de rencontre, le site propose de mettre en relation des personnes ou collectivités possédant des espaces délaissés avec des personnes souhaitant réaliser un projet de toute sorte (éphémère ou sur le long terme, architectural, artistique, événementiel...). Le site s’occupe simplement de mettre en lien les envies compatibles. Ces nouvelles démarches de communication sur le sujet prouvent qu’une nouvelle ferveur est présente et que les friches sont des lieux de projet attrayant malgré leur état d’abandon. Certains trouvent un côté poétique à la réappropriation de ces friches. Le collectif Ici-même (Grenoble) en a donné une définition sous forme de poème42. Il décrit bien leur considération vis-àvis de ces espaces, les actions qu’ils permettent et les effets et sentiment qu’ils leur provoquent. Réinvestir ces lieux empreint d’un


cachet dû à leur état d’abandon donne un cadre d’action aux porteurs de projet. Anciens sites industriels, terrains vagues sur lesquels la nature se développe librement, interstices, dents creuses, anciens parkings, ont chacun leurs histoires et spécificités dont les architectes peuvent se saisir. Ce travail de réinvestissement en lien avec la mémoire des actions passées donne des points de départs potentiels au projet. Nous verrons d’ailleurs par la suite que le réemploi de matériaux est une des possibilités de prolongation de l’histoire de la friche et d’économie de matériaux. « La meilleur façon de conserver le patrimoine c’est de s’en servir, de le réemployer, de le transformer et de l’emmener avec soit dans une nouvelle vie.» 43

« Friche_Lieu Espace de possibles au milieu d’une ville. Lieu composé d’amas de choses abandonnées en cours de route et d’espaces verts non entretenus. Zone de non-droit, donc assez libre. Zone urbaine à explorer, où l’on peut piocher dans les choses abandonnées pour en faire ce que l’on veut et, aussitôt après, les abandonner à nouveau. Espace souvent interdit au public, espace à saisir pour construire des cabanes, faire pipi dehors, peindre, récupérer, jeter, casser des murs, faire des photos, ouvrir un bar clandestin… A moins d’être rasée par des buildings, la friche reste une friche : tout ce qui s’y fait s’y défait sans arrêt, s’y refait autrement, se transforme, s’abandonne. La friche ne va nulle part, ne produit que de l’éphémère et de l’inutile. Zone d’essais, brouillon permanent. La friche a la propriété singulière de transformer l’état d’esprit de ceux qui la traversent, qui éventuellement décident de l’habiter. La friche met en friche. La friche est contagieuse. » 42

42/ Collectif Ici-Même, Les paysages étaient extraordinaires, Grenoble, Tous Travaux d’Art, 2004, dans ROBIN DES VILLES, Les friches industrielles : cartographies et modes d’occupation, op. cit. p.31 43/ BOUCHAIN P., EXYZT, Construire en habitant, op.cit. p.81

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44/ Collectif, Le petit Larousse grand format, op.cit. p.85 45/ DIDAT� TICA, Henninger N., Construire quoi, comment ? L’architecte, l’artiste et la démocratie, actes des rencontres nationales des pratiques socioculturelles de l’architecture, Paris, Association didattica, 2015, p.319

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II // Collectifs d’architectes : opinions et perspectives

Les architectes ou collectifs d’architectes que nous allons étudier tout au long de cette partie ont eu diverses influences qui ont motivé leur façon de penser que nous qualifions de non traditionnelle. Dans ce mémoire, lorsque nous évoquons les pratiques du métier d’architectes «traditionnelles», «classiques» ou «conventionnelles», nous exprimons ici l’idée d’une pratique très structurée par les réglementations, où l’architecte se veut chef de sa réalisation. Architecte provient du grec arkhitektôn qui signifie maître constructeur. 44 Dans ce cadre, il répond à une commande standard de concours ou d’appel à projet. Il mène la conception grâce au programme et au site qui lui est fourni sans prêter grandement attention au reste de son environnement, passe une fois par semaine sur le chantier pour voir l’avancée des travaux. Une fois le projet livré, il s’en va sur une autre commande si elle n’est pas déjà en cours.

Les collectifs d’architectes étant en opposition avec cette méthode de fonctionnement, ils ont cherché d’autres modèles correspondant plus à leurs aspirations. Le mouvement situationniste en est un exemple. Ce courant révolutionnaire a été initié par des artistes dans les années 1960-1970. Ceux-ci étaient en désaccord avec le mode de fonctionnement de l’état et l’ordre qui était établi. Ils revendiquaient la volonté d’expérimenter de nouvelles formes d’existence et de vie en communauté, en rejetant totalement le modèle existant. Comme l’explique Nicolas Henninger, membre du collectif Exzyt : « on se reconnaît dans le fait d’approcher les situations et de faire émerger un projet d’une situation urbaines, sociale ou géographique»45. Au sein du mouvement situationniste, les collectifs se reconnaissent dans la volonté de tirer la matière de leurs projets du site, des gens, simplement de la situation dans laquelle ils s’inscrivent. Puis, dans les années 1990, suite à la réforme des études d’architectures, des architectes en désaccord avec ce


nouveau système de fonctionnement se sont rassemblés en collectifs, ce qui était pour eux une manière de contrer les règles établies et se laisser plus de libertés dans leur volonté d’expérimenter la pratique du métier d’architecte à plusieurs. Dès lors, le nombre de collectifs d’architecte en France a fortement augmenté : on comptait 46 collectifs en 2012, dont 16 qui ont été créés dans les années 90, et près du double se sont développés entre 2000 et 201046. - Les précurseurs C’est donc au cours des années 1990 que les premiers collectifs d’architectes se sont formés. Parmi eux on retrouve Bruit du Frigo, Exyzt, Robins des villes, Arpenteurs et bien d’autres. Dans cette première sous-partie nous étudierons la pratique de l’architecte Patrick Bouchain. Si il ne se considère pas comme faisant partie d’un collectif d’architecte, son agence a un fonctionnement qui n’est pas conventionnel et il a toujours revendiqué le fait de vouloir pratiquer autrement. Nous expliquerons comment sa pratique recroise les thèmes abordés dans ce mémoire et en quoi sa manière de penser est assez inhabituelle et innovante pour influen-

cer toute une génération de jeunes architectes. Pour revenir aux collectifs d’architectes, nous étudierons la façon de penser et la méthode de travail du collectif Coloco. Nous essayerons de comprendre pourquoi et comment le collectif s’est formé, quelles sont ses motivations de travail, et quelle est pour lui l’importance du chantier, de l’implication d’autrui dans la réalisation du projet, mais aussi de l’expérimentation. Patrick Bouchain

46/ DIDAT� TICA, Henninger N., Construire quoi, comment ? op.cit. p. 44 47/ BLIN P., Patrick Bouchain l’électron libre, D’architecture, septembre 2001, n°113, p.19

Né en 1945 Patrick Bouchain est architecte et scénographe. Il a enseigné dans plusieurs écoles de 1974 à 1983 et a officiellement créé son atelier avec Loïc Julienne, lui aussi architecte en 2003. Cet architecte est connu pour sa volonté de pratiquer le métier d’architecte différemment, en se jouant des cadres et méthodes préconçues : il « abandonne très vite l’idée d’afficher un statut d’architecte libéral conventionnel et d’appartenir à un corps qui juge, tout du moins en avance, bien trop rétréci pour préférer jouer un rôle d’«accompagnateur» »47. Nous l’évoquons dans ce mémoire, pour son travail sur de nombreuses friches industrielles telles que le Magasin à 17


48/ BOUCHAIN P., Construire autrement, op. cit. p.108 49/ Ibid, p.65 50/ BOU� CHAIN P., Pour un chantier lieu d’expérimentation, Urbanisme, septembreoctobre 2004, n°338, p.20 51/ Ibid, p.20

Grenoble, mais aussi Le lieu Unique à Nantes. Patrick Bouchain dans Construire autrement décrit son envie de travailler toujours différemment, en suivant le mouvement des lieux, des usagers, des temporalités qui le guident sur chacun des projets. Pour lui «s’il ne faut jamais faire pareil, ce n’est pas pour tromper son monde en étant polymorphe, mais parce que rien n’est pareil : le temps, le lieu, l’équipe ou le groupe qui constituent l’endroit dans lequel on va construire ne sont pas les mêmes »48. Prendre en compte les différences de chaque situation et ne pas appliquer un modèle unique, telle est la méthode de travail de Patrick Bouchain. Il développe aussi l’idée que construire de l’architecture correspond à la création d’une attitude. Il introduit dans cette situation l’idée d’imprévu que nous avons évoquée précédemment concernant la notion de chantiers expérimentaux. Pour lui le provisoire et la mobilité sont des axes de travail, tout aussi important ,et même plus intéressant que la réalisation de structure pérenne et finies. « Tout mon travail est d’introduire l’interprétation, le non-voulu et l’inattendu dans la réalisation d’un projet, et cela

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au moment du chantier, car l’architecture n’existe que quand elle est matérialisée par sa construction. Avant, elle est image. Il faut permettre à ceux qui construisent de laisser la trace de leur sentiment et c’est cette charge émotionnelle qui va redonner de l’enchantement à l’architecture qui sera alors chargée de la substance de ceux qui l’ont réalisée.»49 Justement le chantier est une des grandes préoccupations de Patrick Bouchain. Pour lui tous les enjeux et intérêt de l’architecture sont exploitables durant cette phase de réalisation du projet, pour lui : « construire est indéniablement un acte positif. »50 Le chantier est d’«une richesse infinie»51 car il est le temps et le lieu où tous les acteurs du projet peuvent se regrouper pour échanger des savoirs et des manières de faire. Parmi ces acteurs Patrick Bouchain prend tout autant en considération les ouvriers, les ingénieurs que les usagers et les habitants. Le temps du chantier est le moment durant lequel tous ces protagonistes peuvent communiquer, échanger et où chacun peut amener son savoir-faire propre. Il parle beaucoup d’expérimentation,


comme étant essentiel dans la construction d’un habitat en constant changement et tendant plutôt non pas vers des formes fixes, mais évolutives. L’expérimentation a pour lui un rapport avec la temporalité et la durée de vie du projet. Il associe aussi l’expérimentation avec le non-voulu, l’inattendu et la création de nouvelles situations. Il explique qu’il faut « mettre toute son énergie dans l’expérimentation de la situation et non dans l’application forcée du modèle.»52. Expérimenter c’est innover sur la manière de faire autant que sur le faire en lui-même. Pour cela il expérimente diverses façons de transmettre son travail dans le but que les usagers s’approprient totalement le projet suite au travail qu’il a effectué. Il explique qu’«il est très difficile de laisser venir le non-voulu dans un projet. Cela peut néanmoins arriver si les documents indiquent le sens et non la forme de la construction»53. Expérimenter des manières de faire comprendre le sens du projet pour permettre son évolution et son partage. Mais aussi expérimenter des façons d’impliquer les acteurs futurs du projet : « Il faut […] entraîner le plus grand nombre d’individualités, les révéler pour ce qu’elles sont, expérimenter ces différences et créer de nouveaux rapports communs »54. Dans la création de

ses situations Patrick Bouchain n’est pas seul, mais s’appuie sur les individus présents, leurs envies, pour lui la construction est un acte qui se fait en commun.

52/ BOUCHAIN P., Construire autrement, op. cit. p.41

Patrick Bouchain ayant souvent travaillé sur des friches, il explique que «pour empêcher leur occupation sauvage, ces endroits sont interdis d’accès et volontairement laissés en mauvais état. Ils pourraient pourtant s’ouvrir à des activités éphémères et ainsi accueillir l’inattendu. En classant et programmant systématiquement l’espace on empêche l’avènement de situations imprévues qui génèrent la ville.»55 Pour lui, travailler sur les friches est une opportunité d’innovation et de génération de la ville, de manière plus libre et spontanée.

53/ Ibid, p.57 54/ Ibid, p.48 55/ BOUCHAIN P., Histoire de construire, op.cit. p.78

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56/ LHEUREUX C., Coloco - œuvrer ensemble, www.aplus.be, 16.11.2015, consulté le 13.04.2016 57/ Coloco, Manifeste, www.coloco. org, consulté le 18.03.2016

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Dans les années 90 de nombreux architectes se sont regroupés sous forme de collectifs de manière à expérimenter davantage cette nouvelle manière de penser le projet et le rôle de l’architecte tout au long du processus de réalisation. Le collectif est une base moins rigide et conventionnelle, leur permettant d’aller vers de nouvelles méthodologies de travail, plus ouvertes à l’expérimentation. Coloco Le collectif Coloco a été créé en 1999 par deux architectes Nicolas Bonnenfant et Pablo Georgieff, et le paysagiste Miguel Georgieff. Depuis 2006 le collectif est devenu une SARL de manière à pouvoir toucher des marchés publics d’aménagement de grande ampleur plus facilement. Il mélange des profils très variés tels que des architectes, des urbanistes, des botanistes, des paysagistes ou encore des artistes ou jardinier. Cette variété offre un cadre d’action multidisciplinaire, lui permettant de répondre de façon très complète à différentes commandes. Les premiers travaux du collectif ont été des réponses à des concours, des recherches artistiques ou encore des explorations menées dans les friches et les délaissés. 56

Leur méthode de travail sur un projet se base sur cinq actions : « exploration, stratégie, activation, construction, transmission ». Ce sont les cinq étapes essentielles qui leur permettent de réaliser le projet, toujours en lien étroit avec le lieu et ses futurs usagers, leur engagement étant de « créer des lieux dont la qualité se mesure à leur capacité à accueillir la formidable diversité de la vie»57. Dans leur logique de travail on retrouve donc toujours une étude du lieu, permettant de définir ses potentiels et réaliser un projet en accord avec la biodiversité déjà présente. Les membres du collectif ont développé un process de travail qu’ils ont appelé « l’invitation à l’œuvre ». Elle consiste en la sollicitation de tous (habitants, techniciens, élus) à participer physiquement à la modification d’un lieu. C’est-à-dire à s’engager sur le chantier. À travers elle, le collectif fait des propositions de projet qui émanent des spécificités et potentiels du site. Dans ce cadre, la méthode de travail dépasse la maîtrise d’œuvre, ce qui permet la création d’une œuvre collective comme projet. L’invitation à l’œuvre est pour le collectif le moyen de partager et de communiquer avec tout le monde. Elle leur permet de transmettre des savoirs


et l’histoire commune qu’ils créent tous ensemble. « Ne pas construire à tout prix, optimiser l’existant et les ressources localement disponibles, utiliser le temps pour produire de l’urbanisme sont quelquesuns des riches territoires d’investigation de Coloco.» 58 Coloco accorde beaucoup d’importance à la transmission de leur vision du métier, de leurs projets, leurs savoirs faire, leurs échecs et les raisons de ces disfonctionnements. Pour cela ils organisent régulièrement des conférences, des workshops permettant d’échanger directement sur des questions concrètes, ou rédigent des publications à visée pédagogique, de manière à diffuser leur façon de faire. Le collectif défend l’idée de « fabriquer ensemble et tous responsables »59. Pour ce faire ils sont souvent en lien avec les services des villes qui s’occupent de la gestion des projets de manière à bien expliquer les ambitions des installations mises en place. Aujourd’hui leur application de « l’invitation à l’œuvre» n’est plus dans une phase expérimentale comme elle avait pu l’être il y a quelques années sur le

projet du Jardin DeMain à Montpellier par exemple. C’est une technique qui a fait ses preuves et qui fonctionne. Les membres de Coloco essayent de se débarrasser de l’image du collectif d’architectes qui bricole dans son coin. Les projets qu’ils réalisent sont d’une certaine envergure et ont de fortes répercussions sur notre environnement urbain. Ce sont de vraies constructions, avec un budget conséquent, qui s’insèrent dans une stratégie territoriale. Ils proviennent d’une commande réalisée par les villes ou autres collectivités qui mettent toute leur confiance dans leurs propositions.

58/ GROUEFF S., Des squelettes au vivant - la ville selon Coloco, Ecologik, Octobre-Novembre 2008, n°5, p50 59/GEORGIEFF M., Interview, 18.04.2016 60/ Coloco, Manifeste, op. cit.

On remarque, dans la démarche du collectif, une volonté d’implication extérieure très marquée. La construction collective est pour eux un moyen de fédérer les gens autour d’un projet, d’échanger et de comprendre leurs attentes. Pour finalement leur permettre de devenir les propres auteurs de la réalisation. «A l’origine de chaque projet de Coloco, il y a des rencontres.» 60 Concernant le thème des friches urbaines, le collectif Coloco a participé en 2009, avec le paysagiste Gilles Clément, 21


61/ COLOCO, CLÉMENT G. Élaboration d’une Stratégie de gestion des délaissés, Montpellier, septembre, 2010 62/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. 63/ Ibid. p.69

à une étude sur les délaissés de la ville de Montpellier. Cette étude a été réalisée jusqu’en 2012 et a permis d’établir un repérage, puis une typologie des délaissés. La ville de Montpellier a commandité cette étude dans le but de donner une entrée plus paysagère et écologique à son futur développement, en recréant une trame verte à travers les délaissés générés par son urbanisation croissante. Le but étant de valoriser ces espaces pour qu’ils donnent une image plus positive à la ville. De plus, la volonté était de recréer du lien entre chacun d’eux ce qui permet une connexion d’ordre écologique et un enrichissement de la biodiversité de la ville. 61

- Ceux qui ont été influencés

Depuis les années 2000, on remarque une évolution grandissante du nombre de collectifs. Ces nouveaux collectifs déclarent eux-mêmes avoir été influencés par des initiateurs tels que Bruit du frigo, Robins des villes ou encore Exyzt. De la même manière que pour les précurseurs nous allons développer dans cette partie leurs idéologies et processus de travail.

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Collectif Etc Le collectif Etc a été créé en novembre 2009 par des étudiants architectes de l’ENSA de Strasbourg. L’équipe compte aujourd’hui un nombre de membres qui n’est jamais fixe (de neuf architectes salariés, plus une vingtaine de collaborateurs réguliers) et souhaite «promouvoir une fabrique de la ville par les citoyens»62. Influencé par les travaux du collectif Exyzt, et Coloco, le collectif Etc travail d’abord sur de petites performances artistiques telles que des vidéos ou encore du street art. C’est en installant un atelier de fabrication mobilier dans la rue en 2009 et en remarquant que les gens s’arrêtaient et s’y intéressaient que le collectif a été convaincu que tout un champ des possibles sur les espaces urbains s‘ouvrait à eux. Le collectif s’est formé suite au constat que le format de travail proposé à l’école ou plus tard en agence ne leur convenait pas. Pour eux le système de travail en collectif est « un regroupement de personnes qui choisissent de travailler ensemble en mutualisant des compétences, des outils, des moyens »63. Ils sont une organisation interne «horizontale» où chaque membre du collectif est l’égal de l’autre.


Le détour de France qu’ils ont réalisé à vélo durant l’année 2012 a été pour eux l’occasion d’asseoir leurs positions et d’aller à la rencontre d’autres collectifs. La prise de contact avec ces autres regroupements, ayant plus ou moins la même vision du métier d’architecte, leur a permis de comprendre leur façon de travailler et leurs motivations. Ils ont par exemple travaillé avec Coloco, Exyzt ou encore Bruit du frigo. Suite à ce périple, le collectif Etc a tenté de rassembler tous ces collectifs le temps d’un week-end pour échanger sur leurs pratiques personnelles et voir si une mobilisation commune serait possible. Cependant, le point fort du travail en collectif soulevé par ceux-ci, est que leur autonomie leur est donnée par leur côté non conventionnel et informel. Regrouper les choses ferait perdre cet aspect indépendant et libre que revendiquent les collectifs. La motivation première du collectif provient d’une question partagée par tous : « L’architecte ne peut-il pas être autre chose que celui qui répond à une commande, produit un dessin et le fait « exécuter» par des entreprises spécialisées ?»64. Leur volonté de s’impliquer au maximum dans chaque projet, à toutes les étapes de réalisation, provient de ce

questionnement global. Il propose d’améliorer l’usage quotidien des différents lieux qu’ils investissent avec le moins de moyens possibles et avec surtout la recherche d’un maximum de dialogue. Il déclare qu’« il faut multiplier les moments de convivialité autour d’usages instantanés du lieu» 65. Pour ce faire il croit à l’efficacité de petites actions qui ont le pouvoir d’améliorer le quotidien. Ses membres ont aussi la volonté de faire cohabiter différentes échelles de projet dans leur pratique, de la petite à la grande intervention. « Alors le chantier nous paraît être un instant privilégié pour construire un commun. Car un lieu passant d’un état à un autre devient un moment fragile, parfois instable, propice au basculement.»66 Ils désignent leur structure d’intervention comme étant «support d’expérimentation»67, leur mode de fonctionnement en étant une en elle-même. Lors de leurs interventions, le collectif expérimente différentes méthodes d’implication de personnes extérieures : « Jusqu’où un projet se prépare-t-il ? Comment parvenir à exprimer les désirs de chacun dans une réalisation collective ?»68. Ils se servent de l’expérimentation

64/ Ibid. p27 65/ Ibid. p63 66/ COLLECTIF ETC, Le chantier ouvert, vers un partage du pouvoir, www. collectifetc. com, consulté le 30.03.2016 67/ www. collectifetc. com 68/COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit.

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69/ CHIAPPERO F., Collectif Etc, Interview, 13.04.2016 70/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.51 71/ Ibid, p35 72/ CHIAPPERO F., Collectif Etc, Interview, 13.04.2016

qu’ils décrivent comme étant «quelque chose de plutôt intuitif que calculé »69, pour mettre en place de nouvelles démarches et de nouvelles techniques. Néanmoins ils expliquent que « cette pratique mériterait cependant d’être plus théorisée et analysée par la suite pour en retirer des enseignements plus précis. L’expérimentation évolue en fonction de nos différentes expériences sur le terrain.»69

Leur but est de fédérer les usagers autour du projet, le collectif espère qu’en quittant chacune de leurs interventions « certaines histoires survivent [leurs] installations éphémères, et que les situations proposées donneront envie de continuer à faire vivre ces lieux, voire d’en initier d’autres.»71. Chaque projet est créé avec l’autre, pour l’autre, dans l’optique qu’il perdure pour créer à son tour de nouvelles situations.

Le Collectif Etc est très attaché et accorde une grande importance au processus qu’il déclenche à travers ses interventions, bien plus qu’au résultat obtenu. Il est lui-même considéré comme une expérimentation.

Ces dernières années le collectif a pu travailler sur des friches urbaines assez régulièrement, comme à St Etienne ou encore à Madrid, nous leur avons donc demandé en quoi cela changeait leur manière de penser le projet.

Il met toujours un point d’honneur à faire participer un maximum de personnes lors de ses interventions. Ses membres font eux-mêmes la promotion des projets en allant faire du port à porte dans les quartiers, les associations, les conseils d’habitants, les centres sociaux etc. et utilisent énormément la communication via les réseaux sociaux pour informer des actions menées et à venir.

« On ne trouve pas que travailler sur des friches change réellement notre façon de travailler un projet. Une friche est un site comme un autre avec ses spécificités et contraintes. Nous voyons plutôt les friches comme des espaces de possibles, sur lesquels il n’y a pas de grands enjeux pressants. Pour nous travailler sur des friches est une opportunité qui nous permet de susciter des commandes sur des lieux vacants de manière informelle.» 72

« La part de l’intervention laissée à l’autre nous anime. » 70 24

Le collectif considère ce type de site


comme étant des espaces d’expérimentation, la notion de temporaire qui découle du temps de veille de la friche est pour eux un facteur permissif à ces pratiques. De plus, ces espaces étant en transition, le collectif considère qu’ils «pourrai[en]t permettre à des groupes d’individus de s’emparer de questions communes sur le devenir des quartiers.» 73 Glaneurs de possible[s] Le collectif des Glaneurs de possible[s] s’est créé vers 2010 et est composé de quatre architectes grenoblois Mehtab Sheick, Thibaut Ceccaldi, Sébastien Fabiani et Déborah Pelletier. Le collectif est en lien étroit avec l’agence NA architecture, tenue par Mehtab Sheick et Sebastien Fabiani. Comme les collectifs vus précédemment ils souhaitent « proposer une alternative aux pratiques actuelles de l’acte de bâtir»74. Leur travail se base principalement sur le réemploi, à différentes échelles. Créé dès la sortie de l’école d’architecture de chacun de ses membres, le collectif leur a fourni le cadre leur permettant de tester des choses, sans s’enfermer directement dans l’environ-

nement trop strict, restreint, du travail dans une agence classique. Ce collectif a donc été pour eux un support d’expérimentation sur différents points : la manière de travailler en groupe, de gérer le collectif, de faire des projets alternatifs etc. Deux des membres du collectifs ont monté leur agence Na architecture de manière à pouvoir faire de la maîtrise d’œuvre classique qu’ils ne trouvent pas inintéressante, mais toujours en le faisant « à [leur] sauce ».75 L’intérêt du collectif se porte sur des projets proposant de nouvelles approches, qui sortent du cadre conventionnel. Les projets qui les intéressent sont ceux qui demandent une forte implication de la maîtrise d’ouvrage. Car celle-ci fait la commande d’un projet qui n’est pas classique, qui demande des solutions mutualisables. Ces projets sont des défis pour le collectif. La spécificité de la commande leur demande de mettre en place une nouvelle approche et des démarches singulières spécifiques aux attentes de la maîtrise d’ouvrage.

73/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.29 74/ Glaneurs de possibles, démarches et champs d’action, glaneursdepossible. over-blog.fr, consulté le 15.03.2016

Pour réaliser ce genre de projet correspondant à ses futurs usagers, le collectif a besoin de les impliquer un maximum. Il souhaite développer une «organi25


75/ FABIANI S., Sheick M., Interview, 01.04.2016 76-77-78-7980-81/ Ibid,

sation de projets communs, où tout le monde met la main à la patte» 76 le but étant de « créer une synergie commune et que tout le monde puisse se rencontrer» 77. Le collectif porte une attention toute particulière à l’ « importante de la pédagogie et de la transmission de savoirs. » 78. Cette envie a naturellement et logiquement poussé le collectif à mettre en place, régulièrement, des démarches participatives. Pour les Glaneurs de possible[s] l’expérimentation est le moyen de tester des processus de projet à petite échelle, de manière à les imbriquer, ensuite, dans des projets de plus grande envergure. L’expérimentation regroupe pour eux tout un tas de questionnements tels que « Comment fédérer des gens autour du projet ? Comment les faire travailler ? Comment réaliser ? Comment imaginer?» 79 Comme le montre ces diverses questions, le collectif s’empare de l’expérimentation dans la phase de construction avec la réalisation de prototypes, mais aussi dans la conception.

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Lors de l’interview du collectif nous avons évoqué les friches urbaines comme espace de projets pour l’expérimentation. Pour eux ces lieux sont utilisés car « ce sont de grands espaces, ce qui fait qu’ils sont faciles à investir, et ils ont une réversibilité qui est vraiment intéressante, c’est pour ça que ces lieuxlà sont investis par des usagers bien singuliers » 80. Eux travaillent sur les friches sur le thème du réemploi. En effet ces bâtiments vacants en font partie. Ils en décrivent trois échelles : « la micro qui est la matière, la mezzo qui est à l’échelle du bâtiment et la macro qui correspond au territoire en friche» 81. Tous ces éléments sont des délaissés, et les Glaneurs de Possible[s] s’interrogent sur la manière de travailler avec ce qui est là. La spécificité connue par le collectif de ces friches étant le temps d’utilisation temporaire, il tente de développer des projets légers et réversibles dans ces espaces singuliers, de manière à pouvoir le rendre en son état initial avant la prochaine intervention.


Cette partie fait état de la pensée de quelques collectifs d’architectes. Nous aurions pu explorer les intentions d’autres collectifs tels que Bruit du Frigo ou Exyzt pour les précurseurs, ou encore les Saprophytes, Ici-Même ou Didattica pour les plus récents. Nous remarquons, cependant, que tous ces collectifs d’architectes ont les mêmes ambitions d’implication et d’expérimentation de nouvelles manières de pratiquer le métier d’architecte. De ce fait ces collectifs se sont croisés à diverses occasions et ont même travaillé ensemble quelques fois (ex : Glaneurs et Etc à Grenoble pour la piscine). De manière à comprendre comment les collectifs d’architectes appliquent cette vision non traditionnelle du métier d’architecte que nous venons de présenter, nous allons étudier quelques-uns de leurs projets. Cette analyse de leur méthode de travail nous permettra de voir s’ils exercent vraiment de façon singulière, et s’ils appliquent leurs idéologies de manière claire et précise.

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III // Chantiers expérimentaux sur friches urbaines : approche et stratégies

Critères de sélection de ces projets Les projets que nous avons sélectionnés pour cette étude de corpus sont tous des projets prenant place sur friches urbaines, réalisés par des collectifs d’architectes dont nous avons exposé la vision du métier précédemment. Dans chacun de ces projets les collectifs ont développé la volonté d’aider à la réappropriation de ces espaces délaissés, grâce à la mise en place de chantier expérimentaux, collectifs et ouverts. Pour mieux situer chaque projet et en comprendre rapidement les caractéristiques voici une fiche récapitulative de chacun d’entre eux.

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Fiche projet n°1 Place du Géant Collectif ETC St Etienne 2011-2013 Origine : Bombardement Morphologie : Vide / Terrain vague Type : Friche-alternative Superficie : 725m²

Fig.2 Photographie place du Géant

Site : Friche urbaine due à un bombardement de 1944, délaissée depuis maintenant une dizaine d’année. Cette friche est un terrain vague qui sert de zone de stockage pour les différents chantiers alentours. Commande : concours organisé par l’EPASE

pour lancer une intervention artistique sur cette friche, sur 3 ans avant réinvestissement de l’espace pour une nouvelle construction.

Projet : Réalisation d’une place publique appropriable par les habitants du quartier

Fig.3 Axonométrie place du Géant

300m Fig.4 Situation place du Géant

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Fiche projet n°2 Grrrnd Zéro, Bohlen Glaneurs de possible[s] Vaulx en Velin 2015 Origine : Anciennes papeteries Morphologie : Plein / Friche industrielle Type : Friche-laboratoire Superficie : 1885 m²

Fig.5 Photographie Grrrd Zéro

Site : Anciennes papeteries Alibaux de Vaulx en Velin construites entre 1970-1973. Site loué par le Grand Lyon à l’association Grrrnd Zéro. Commande : Appel de l’association pour aider à la reconversion de la friche Site loué pour environ 5ans. Projet

: Création d’espaces extérieurs appropriables et utilisables pour l’organisation d’événements.

Fig.6 Photographie Grrrd Zéro

300m

30 2

Fig.7 Situation Grrrd Zéro


Fiche projet n°3 Jardin DeMain, Collectif COLOCO Montpellier 2010 Origine : Ancien parking Morphologie : Vide / terrain vague Type : Friche-Vitrine Superficie : 1200m²

Fig.8 Photographie Jardin DeMain

Site : Ancien parking en pied d’immeuble abandonné au coeur de la cité Lemasson.

Commande : Étude stratégique urbaine et paysagère de gestion des délaissés de Montpellier réalisée par le collectif Coloco de 2009 à 2012 . Ville de Montpellier qui avait l’envie de finaliser cette étude par une réalisation collective.

Projet : Réalisation éclaire d’un jardin participatif.

Fig.9 Photographie Jardin DeMain

300m Fig.10 Situation Jardin DeMain

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Présentation de la grille

Chacun de ses projets a été étudié suivant une grille d’analyse se basant sur le temps du projet. En effet la méthode de travail des collectifs d’architecte est étudiée en fonction des deux phases chronologiques de la réalisation : la conception et la construction. Puis dans chacune de ces phases nous allons étudier l’influence du site sur la méthode de travail des collectifs d’architectes dans un premier temps. C’està-dire comment la friche modifie, de par ses enjeux spécifiques, l’approche du site par l’architecte. Ensuite, nous verrons comment les collectifs d’architectes impliquent des personnes extérieures à leur équipe pour comprendre les enjeux d’usages du site et les besoins des usagers ; et enfin quelles sont les méthodes/techniques que ces projets leur permettent d’expérimenter. Suite à cela, nous regarderons quels rôles ont joué les collectifs d’architectes lors des différentes phases de conception et de construction du projet, pour définir ensuite quelle a été leur position et rôle global dans la réalisation. Cette analyse nous permettra de confronter les volontés décrites par les collectifs d’architecte dans la partie pré32

cédente et leurs mises en pratique. Et enfin de comprendre de quelle manière ils envisagent le métier d’architecte et comment ils se positionnent par rapport à cela.


Analyse des projets

1) Projet de la place du Géant, Collectif ETC, St Étienne Le projet de la place du Géant réalisé par le collectif Etc en 2011 est initié par l’EPASE (établissement public d’aménagement) de St Etienne. En effet celle-ci souhaitait qu’une intervention artistique vienne égailler l’entrée de ville EST donnant sur un mur aveugle. Pour cela elle lança le concours «défrichez-là» en février 2011. Le projet prend place sur un terrain vague. À l’origine cette partie de l’ilot était bâtie, jusqu’au bombardement de

1944. Le bâtiment n’a jamais été reconstruit et une station-service s’y était installée. Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’année que la station-service n’est plus et que cet espace au croisement de deux rues passantes, marquant l’entrée de ville en direction de Lyon, est délaissé. D’après la typologie établie par L. Andres dans sa thèse, cette friche est une friche alternative. C’est-à-dire : «une friche temporaire en attente d’une mutation future plus encadrée et planifiée, dans un contexte urbain, économique et immobilier meilleur ». En effet les futurs projets de l’EPASE indiquent que cette friche sera réemployée par la suite dans la dynamique de mutation qui s’opère sur tout le quartier Châteaucreux depuis déjà quelques années. De

Fig.11 Plan place du Géant

Voir ref n°38

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ce fait le projet réalisé par le collectif Etc est un projet temporaire. CONCEPTION

Influence du site

Le site a été proposé par l’EPASE pour une durée de 3ans, avant l’implantation d’un nouveau projet de bureaux. Le collectif a proposé un projet léger basé sur la mise en valeur de cet espace en imaginant une place publique appropriable par les usagers. Grâce à la création de mobilier urbain reprenant le plan et la coupe du futur bâtiment, le collectif voulait permettre aux habitants du quartier de se figurer sa mutation prochaine. Le caractère alternatif de cette friche a influencé le collectif dans leur proposition de projet. De ce fait, une solution facile à mettre en place et n’ayant pas un énorme impact sur la nature de l’espace a été retenue. Dessiner le plan du futur bâtiment

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entre bien dans la logique de ce type de friche, qui est en attente d’un investissement plus important pour une réappropriation future dans un cadre plus favorable (ici la volonté de l’EPASE de construire un bâtiment de bureau dans le cadre de la mutation de tout le quartier de Châteaucreux). Les architectes ont su prendre en compte le devenir de la friche et ont dessiné le plan comme prémices de son évolution future.

Implication extérieure

La plus grande partie de la conception s’est déroulée pendant le concours «défrichez-là ». Seul le collectif y a participé. Mais la conception ne s’est pas arrêtée au concours, elle s’est poursuivie tout au long de la réalisation du projet. Nous verrons comment le collectif a pu prendre en compte les suggestions de modifications par apportées des personnes extérieures au collectif durant la construction.

Fig.12 Axonométrie de toute l’intervention de place du Géant


Expérimentation

Le collectif a dû concevoir le projet en n’oubliant jamais que d’autres personnes non initiées allaient participer à la construction. Ils ont essayé de mettre en place un système de communication simple et lisible par tout le monde, lors de la table ronde de présentation aux différents acteurs. Ils ont beaucoup utilisé l’axonométrie pour faciliter la lecture des différents éléments constituant le projet et leur disposition dans l’espace de la friche. L’expérimentation ici c’est donc plus portée sur les manières de

communiquer le projet de façon à ce qu’il soit compréhensible par tous, plutôt que sur une méthode de travail particulière pour aider à la conception.

Rôle de l’architecte

Durant cette première phase le collectif d’architecte a pris le rôle de concepteur, de la même manière que lors du montage d’un projet traditionnel, tout en gardant à l’esprit que des modifications pourraient être effectuées durant le temps de la construction pour répondre à certaines envies des usagers.

Fig.13 Photographie du chantier

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CONSTRUCTION

La construction s’est déroulée lors d’un chantier participatif de deux semaines, pendant le mois de juillet 2011.

Influence du site

La friche étant bordée de rues sur toutes ses limites, sauf une qui est un mur aveugle, le collectif a mis en place des barrières de chantier portant une signalétique indiquant aux passants et autres usagers que le chantier est ouvert à toute personne intéressée, souhaitant y participer. Ici c’est plutôt la morphologie de la friche qui permet la grande visibilité du chantier.

Implication extérieure

Pour mobiliser un maximum de personnes, le collectif s’est lui-même déplacé pour aller à la rencontre des asso-

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ciations de quartier, des centres sociaux, des conseils de quartier etc. Ainsi, des habitants du quartier, des collectifs d’artistes et des enfants sont venus mettre la main à la patte pendant les deux semaines de chantier. Très peu de professionnels ont participé à la réalisation, ou alors de manière individuelle. De plus l’échange mis en place grâce à la diversité de profils présents sur le chantier a permis, tant aux architectes du collectif qu’aux personnes extérieures, d’apprendre des techniques de travail de certains matériaux ou de peintures et de développer de nouvelles compétences. Le projet a été modifié au fur et à mesure de la construction en fonction des propositions de tous de manière à ce que ce projet devienne aussi le leur.

Expérimentation

Durant le chantier, il y a eu l’expérimentation de systèmes constructifs simples, pour permettre à tout le monde de participer à la construction. Le collectif a testé la mise en place d’ateliers, pour structurer le chantier et trouver une organisation efficace. Ce chantier a été une expérimentation en lui-même, car le collectif laissait la liberté aux usagers de s’exprimer et d’apporter des modifications au projet de base. Une place était laissée à l’inatten-

Fig.14 Photographie de la préparation des repas durant le chantier


RÔLE DE L’ARCHITECTE

Fig.15 Photographie de la place du Géant

du et à l’imprévu. Tout comme à l’innovation, avec la création d’une nouvelle vision du chantier qui est un événement en lui-même et qui crée d’autres événements. Chaque semaine des repas, spectacles, projections étaient organisés, de manière à changer l’image de nuisance qui est souvent assimilée à celle du chantier. En cela aussi, le collectif a expérimenté une nouvelle façon de voir et de vivre le chantier, de manière collective.

Rôle de l’architecte

Durant cette phase de construction, les membres du collectif Etc ont eu un rôle de coordinateur et d’organisateur, tout en prenant part aussi à la construction. Ils ont instauré le dialogue entre les différents acteurs et fédéré le groupe autour du projet.

Le collectif a eu un rôle de moteur. En effet, les architectes du collectif n’ont cessé de toquer aux portes pour sortir les gens de chez eux et faire la promotion de leurs actions. Malheureusement, depuis que les architectes ont quitté le site, celui-ci est à nouveau abandonné, pour aller vers ce à quoi il ressemblait avant leur intervention. Trop peu de moyens réels ont été mis à disposition des habitants pour la gestion du site après la réalisation. L’espace redevient friche petit à petit. De plus, l’intervention prévue trois ans après le début du projet du collectif n’a toujours pas été mise en place, la friche retrouve son statut de friche alternative, en veille, en attente d’un nouveau projet. Leur volonté a été de créer des situations, des moments de partage autour d’un projet commun, mais aux vues de la manière dont s’est comporté le site après leur départ, malgré un retour en 2013 pour une deuxième intervention, le collectif se pose la question de la limite de ce genre de projet. Néanmoins, ils expérimentent encore aujourd’hui d’autres manières et formes d’implications pour pouvoir pérenniser les projets de vies instaurés sur ces espaces après leur passage. 37


Voir ref n°37

2) Projet de la place de Grrrnd Zéro, Glaneurs de possible[s], Vaulx en Velin L’association Grrrnd Zéro a fait appel à l’agence Na architecture pour les aider à la reconversion des anciennes papeteries Alibaux de Vaulx-en-velin en un lieu associatif et culturel. Avant d’occuper ce lieu, l’association squattait divers endroits dans la ville, jusqu’à ce que le Grand Lyon décide de leur louer cette friche, à titre gracieux, pour une durée de sept ans. Si l’on croise la typologie réalisée par L. Andres dans sa thèse, avec la friche de Grrrnd Zéro, nous pouvons la comparer à une friche dite laboratoire. Comme l’explique L. Andres, une friche laboratoire est « un espace qui puise son utilité, sa considération et ses formes d’investissement dans la permissivité de son temps de veille.». Ces espaces sont souvent des «usines abandonnées faisant l’objet de conventions précaires d’utilisation», ici les anciennes papeteries Alibaux louées pendant quelques années. Ces friches laboratoires ont une «capacité à mobiliser des imaginaires artistiques mais aussi à constituer des lieux de travail et des espaces de stockage», à Grrrnd Zéro la friche sera le lieu de travail de l’association, mais aussi le lieu d’organisation d’événements artistiques.

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La reconversion de la friche s’étend sur les deux bâtiments présents et les espaces extérieures, pour lesquels l’agence NA architecture est la maîtrise d’œuvre et aide l’association à la mise en place du projet et à son auto-construction. Néanmoins dans ce corpus nous n’étudions que l’aménagement qui a été fait sur les espaces extérieurs de cette friche. Pour cette étape du projet, Na Architecture a mis sa casquette de collectif «Glaneurs de possible[s]» (voir partie2) et avec l’aide du collectif Pourquoi Pas, a organisé un workshop.

CONCEPTION

La conception s’est faite durant deux week-ends, pendant le mois de mai 2015.

Influence du site

Les spécificités de la friche laboratoire ont poussé le collectif Glaneurs de Possible[s] à organiser le workshop seulement sur ses espaces extérieurs. En effet les espaces intérieurs ayant été choisi pour être les espaces de travail et d’exposition de l’association Grrrnd Zéro, ceux extérieurs ont été désignés


pour accueillir des espaces de rassemblement pour organiser des concerts. C’est la grande permissivité de ces vastes espaces de la friche qui permet à l’association de s’y projeter assez facilement. Une analyse du site et de ses enjeux a dégagé plusieurs pistes de travail de manière à coller avec les usages appliqués par l’association Grrrnd Zéro et les spécificités de la friche.

divisée en petits groupes de travail, mélangeant les profils de manière à créer un réel échange et une discussion autour de différents thèmes (ensoleillement/ambiance sonore…) ou espaces du site (entrée, espaces végétalisés, espace central etc…).

Implication extérieure

Pour mobiliser du monde sur le projet, les collectifs Pourquoi Pas et Glaneurs de Possible[s] ont fait la promotion du workshop via les réseaux sociaux et au sein des différentes écoles d’architectures dans lesquelles ils avaient étudié. De ce fait, de nombreux étudiants des écoles d’architecture de Lyon et Grenoble se sont impliqués, mais aussi des étudiants de l’école d’urbanisme de Lyon, ainsi que les membres de l’association Grrrnd Zéro, certains de leurs proches et les membres du collectif Pourquoi Pas. Les glaneurs de possible n’ont pas souhaité participer à la conception, du moins, ils n’ont pas voulu proposer de piste de travail et de solution d’aménagement pour ne pas influencer les participants. Cette équipe multidisciplinaire a été

Fig.16 Photographie des équipes durant le travail de conception

Expérimentation

L’expérimentation dans cette phase du projet d’aménagement global est réalisé par différents groupes ne traitant pas les mêmes espaces. Le collectif des Glaneurs de Possible[s] a dû vérifier la cohérence globale du projet en faisant des synthèses avec les différents participants. 39


La conception de l’espace a été faite par les différentes équipes sans avoir connaissance de la nature et la forme exacte des différents matériaux qu’elles auront à leur disposition pour la construction. En effet une des lignes directrices du projet d’aménagement de l’espace extérieur est d’utiliser uniquement des matériaux de réemploi, tirés de la friche ou de ses alentours proches. L’expérimentation à ce moment-là, a été la gestion du passage entre conception et construction avec ces matériaux de réemploi. Les plans de conception devaient de ce fait être assez souples et donner le sens du projet plus que la forme de manière à ce que l’intention soit toujours présente malgré les modifications apportées par la nature des matériaux.

Rôle de l’architecte

Les Glaneurs de Possible[s] ont eu un rôle de guide durant cette première phase de conception, accompagnant les différents groupes et rappelant les principaux impératifs du projet. Comme dit précédemment ils n’ont en aucun cas participé à la conception et aux propositions d’idées pour l’aménagement de l’espace de la place, ils sont restés en retrait et encadraient simplement les différentes équipes. Tous les choix d’aménagement ont été pris par les participants au workshop.

CONSTRUCTION

La construction s’est déroulée sur une semaine de chantier pendant le mois de mai 2015 à la suite des deux week-ends de conception. Influence du site Les spécificités de la friche laboratoire lui permettent d’être une ressource riche en matériaux de construction. Ces friches étant souvent d’anciennes usines, de nombreux matériaux peuvent y être récupérés pour être utilisés dans d’autres situations sous d’autres formes.

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Fig.17 Photographie de la récupération des matériaux de réemploi


Ainsi la friche de Grrrnd Zéro s’est révélée être remplie de nombreux branchages et autres matériaux végétaux, ainsi que des gravats qui ont été triés, et la démolition d’un ancien bâtiment a permis de récupérer des moellons. D’autres matériaux ont été trouvés à proximité du site (comme des pneus dans le terrain voisin qui est un ancien garage automobile etc.) Les différents éléments mis à disposition par la friche ont donc directement influencé le chantier de l’aménagement.

(étudiants architectes de Lyon et Grenoble, étudiants urbanistes de Lyon, membres et proches de l’association Grrrnd Zéro, collectif Pourquoi Pas et Glaneurs de possible[s]) soit environ quarante personnes. Le travail s’est encore une fois effectué en petits groupes sur différents espaces, en mélangeant les profils toujours pour organiser un échange de savoir-faire. Les membres de Glaneurs de possible[s] ont eux aussi mis la main à la pâte pour la réalisation.

Implication extérieure

En ce qui concerne la phase de chantier, nous retrouvons les mêmes profils de participants que lors de la conception

Expérimentation

L’expérimentation pour cette phase de réalisation du projet s’est principalement concentrée sur les tests de dif-

Fig.18 Photographies du chantier

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férents systèmes constructifs avec les matériaux de réemplois. Divers ateliers ont été mis en place pour voir comment pouvaient être réutilisés les planches de bois, les tasseaux, les pneus, etc. L’enjeu de cette expérimentation était aussi de monter et faire tourner un chantier dans lequel aucun des participants n’était professionnel de la construction. Mais les Glaneurs de Possible[s] ont surtout essayé de faire de ce chantier un moment de partage, tant du point de vue du projet que de l’échange entre participants. Pour cela ils ont mis en place des activités chaque soir du chantier, comme des projections ou des concerts grâce à l’association GZ, mais aussi le partage des repas regroupant tout le monde et permettant de fédérer le groupe.

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Rôle de l’architecte

Durant la phase de construction le collectif des Glaneurs de Possible[s] a pris le rôle d’organisateur. Il gérait les différentes phases du chantier, guidait les participants et donnait les objectifs à atteindre chaque jour. Le travail que ses membres ont effectué est très semblable à celui d’OPC (ordonnancement, pilotage et coordination de chantier) que l’on retrouve sur des chantiers traditionnels.

RÔLE DE L’ARCHITECTE

Sur la globalité du projet d’aménagement des espaces extérieurs de la friche Grrrnd Zéro le collectif des Glaneurs de Possible[s] a tenu un rôle de coordination et de pilotage des différentes étapes de réalisation, de la conception à la construction. Dans un premier temps il était en retrait, tout en tenant le projet en vérifiant que les propositions des différents groupes allaient bien dans le sens du projet global réalisé sur toute la friche. Dans un deuxième temps les membres du collectif se sont mis au même niveau que les participants sur les phases d’expérimentation, en essayant de comprendre eux-aussi quelles logiques il était possible d’instaurer avec les matériaux de réemploi. Néanmoins ils gardaient tout de même leur statut de conducteur de travaux pour guider et faire avancer le chantier.

Fig.19 Photographies du projet réalisé


3) Projet du Jardin DeMain, Collectif COLOCO, Montpellier Le projet Jardin DeMain a été initié par le collectif Coloco en 2010, à la suite de l’étude sur les délaissés de l’agglomération de Montpellier qu’ils entreprenaient avec Gilles Clément depuis 2009. Ce projet venait clore l’étude, grâce à la réalisation d’un jardin collectif. Le site sur lequel le projet prend place est un ancien parking abandonné ayant lui-même fait partie de l’étude des délaissés. Cette friche a une morphologie vide, tel un terrain vague laissé à l’abandon, se situant en pied d’immeuble.

CONCEPTION

La conception s’est opérée de mars à septembres 2010, suite à l’étude des délaissés réalisée par le collectif Coloco et Gilles Clément. Cette étude initiée par la ville de Montpellier avait pour but de faire un repérage des espaces disponibles de la ville et d’en déterminer une typologie.

Influence du site

L’étude des délaissés a conduit le collectif à identifier six types d’espaces

délaissés. Des espaces disposant d’une biodiversité importante qu’il faut aider à se développer ou contenir grâce à un entretien spécifique, et des espaces non-fertiles, dans lesquels la ville souhaite réintégrer des espèces vivantes. Le cas du parking abandonné de la cité Lemasson fait partie du type qu’ils appellent « désaménagement », dans lequel aucune espèce ne peut se développer en absence de sol fertile. Le site étant en plein cœur de la cité et en pied d’immeuble, la réalisation d’un jardin participatif semblait être une solution adéquate pour son réaménagement. Ce projet permet la réinsertion d’un potentiel biologique dans le quartier tout en mobilisant différents acteurs autour de sa gestion future ce qui ramène une certaine vitalité qui était totalement absente sur cet espace. Le site, en pied d’immeuble cerné de trois de ses côtés par des appartements, a amené le collectif à réfléchir au dessin du jardin en prenant en compte la proximité et le vis-à-vis, de son environnement proche.

Voir étude des délaissés ref 61

Implication extérieure

Durant la conception, le collectif Coloco, les habitants, les services de la ville et le conseil consultatif du quartier se sont 43


rassemblés dans les locaux associatifs du quartier pour échanger sur le projet. Le travail a été porté sur une grande partie par les habitants, guidés par le conseil consultatif de quartier et le collectif Coloco. Pour permettre cette construction collective, les différents acteurs se sont rassemblés pendant huit mois avant le chantier pour se concerter, définir les besoins et envies des habitants et dessiner le projet ensemble. Durant les derniers mois de la conception le collectif a présenté des esquisses et visuels du projet en fonction des demandes faites par les habitants, et ceux-ci réagissaient en donnant leurs avis, leurs peurs etc... Le collectif Coloco met un point d’honneur à expliquer que le projet s’est construit « ensemble » et que les habitants ont été les auteurs du projet.

Expérimentation

Lors de cette étape le collectif a, pour une des premières fois, expérimenté la conception en lien direct avec les habitants du quartier. Pendant les premiers temps, une association du quartier allait faire du porte-à-porte et regroupaient une petite partie des habitants pour connaître leurs envies concernant le projet. Néanmoins le collectif trouvait que cette technique n’était pas forcé44

ment constante dans les résultats et pas non plus très représentative de l’avis de tous. De ce fait ils ont organisé des rencontres dans les locaux de l’association du quartier, permettant de réunir beaucoup plus de monde. Ces rencontres ont permis de créer le projet grâce à eux et avec eux, plutôt que d’utiliser une technique qui aurait consisté à simplement leur soumettre un panel de projets finis.

Rôle de l’architecte

Durant cette première phase de conception, l’influence du site, liée à l’implication du conseil citoyen du quartier et des habitants, on peut dire que le collectif Coloco a eu un rôle de médiateur. Dans la phase de conception du Jardin Demain, le collectif devait faire le lien entre les obligations dues au site et les envies et peurs des habitants. La médiation s’est effectuée dans le sens où le collectif a fait un vas-et-vient constant entre toutes ces contraintes de manière à proposer le projet qui convienne le mieux et qui aille dans l’intérêt de chacun.


CONSTRUCTION

La phase de construction s’est effectuée les 8 et 9 octobre 2010 sur le site de l’ancien parking. Avant l’intervention des habitants, le sol du parking a été démonté et les principaux arbres plantés fin septembres 2010.

Influence du site

Le site étant en plein cœur du quartier et très proche des habitations, le collectif a choisi de réaliser une intervention

éclair de manière à déranger le moins possible les habitants durant le chantier. Pour cela ils ont mis en place et réalisé chaque élément du nouveau jardin en 48h.

Implication extérieure

De la même manière que lors de la conception les habitants ont pris part à la construction. Ils ont été une cinquantaine à participer à cette phase de réalisation du projet. Le collectif a organisé des petits groupes, permettant à chacun

Fig.20 Photographie du chantier Jardin DeMain

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de trouver sa place sur le chantier et de se sentir utile. Les différents membres ont eux-mêmes été dispatchés dans chacun de ses groupes. De plus, le collectif Coloco a été aidé par les paysagistes d’ESKIS pendant la construction pour aider les habitants à utiliser les outils et leur expliquer comment planter les différentes sortes de végétaux. Les services de la ville ont eux aussi été présents sur le chantier.

Expérimentation

Lors de ce chantier le collectif a expérimenté le fait de réaliser la construction du projet en un temps-record : 48h ! De plus, durant cette phase, le collectif a proposé la création de l’association qui gère aujourd’hui le jardin. C’était aussi la première fois qu’il mettait en phase, durant un chantier, les services de la ville, 50 habitants, 30 membres du collectif et des membres

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Fig.21 Photographie des participants au chantier

des associations du quartier. Ils ont aussi traité une expérimentation plus technique avec la manière dont ont été réalisés les bancs, les bacs, etc., en mettant en œuvre des systèmes techniques qui n’étaient pas ceux utilisés par la ville.

Rôle de l’architecte

Durant cette phase de construction du jardin, le collectif Coloco a eu le rôle de coordinateur et de liant. Ils ont réussi à mobiliser divers usagers autour de ce chantier express et ont réalisé une construction collective, matérialisant les désirs des habitants du quartier tout en répondant aux contraintes données par le site et les jardiniers de la ville.

RÔLE DE L’ARCHITECTE

De manière globale dans ce projet nous pouvons dire que les membres du collectif Coloco ont eu un rôle d’activateur et de catalyseur. Ils n’ont pas été auteurs du projet et ont préféré laisser ce statut aux habitants de la cité Lemasson. Ils étaient là pour mettre en relation les envies des habitants et les contraintes données par les jardiniers de la ville. Ils ont eu, de plus, un rôle d’activateur dans la suite de la gestion du projet.


Le fait d’avoir impliqué les habitants et personnes qui allaient avoir à vivre et s’occuper du jardin dès le début de la conception et lors de la construction a permis de valoriser leur travail et leur donner un sentiment de fierté lorsqu’ils s’occupent et entretiennent cet espace qu’ils ont eux-mêmes créé. On peut parler de ce projet comme prenant place sur une friche vitrine du fait que celui-ci est le résultat d’une mutation réussie de la friche. L’appropriation du jardin par les habitants est probante et l’association en charge de sa gestion

est très active et organise des ateliers régulièrement pour dynamiser la vie du quartier. On peut donc dire que le site qui accueille le jardin a été une friche alternative durant la conception, qui grâce à sa permissivité et ses grandes dimensions a su éveiller l’imagination des habitants. Puis est devenue une friche laboratoire durant la construction, où le collectif a pu expérimenter diverses techniques de coordination des équipes et de construction. Le résultat du jardin DeMain prend place sur une friche vitrine, qui porte largement la réussite de sa mutation.

Fig.22 Photographie du chantier Jardin DeMain

voir ref n°39

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L’analyse de ces différents projets nous montre bien que les caractéristiques spécifiques des friches influencent la manière de travailler des architectes, que ce soit à cause de leur morphologie ou de leur typologie. Nous remarquons de plus, qu’ils n’impliquent pas tous les acteurs extérieurs au même moment dans le projet, ni de la même manière. Le collectif Etc les fait participer à la conception en parallèle du chantier. Les Glaneurs de Possible[s] leur laissent la totale liberté d’aménagement des espaces extérieurs de Grrrnd Zéro tant durant la conception que pendant la construction. Et le collectif Coloco intègre les usagers lors de rencontres pour la conception, il dessinent un projet qu’ils leur soumettent en fonction des indications et envies qu’ils ont formulées auparavant, puis leur proposent de participer à la réalisation éclair du jardin. En ce qui concerne l’expérimentation ,chaque collectif teste des techniques de réalisation et des procédés de gestion du chantier et de la phase de conception. Par exemple le collectif Etc teste tant des systèmes constructifs simples sur les matériaux que des manières de rendre le projet adaptable, réceptif aux modifications proposées par 48

les habitants. Le collectif des Glaneurs de possible[s] lui expérimente les assemblages des différents matériaux de réemploi et cherche le meilleur moyen pour gérer une équipe composée exclusivement de non professionnels sur son chantier. En ce qui concerne le collectif Coloco, ses expérimentations se basent sur la manière de concevoir le projet conciliant le mieux les impératifs du site et les désirs des habitants de la cité.


Influence du site

Place du Géant Collectif ETC

Grrrnd Zéro Bolhen Glaneurs de possible[s]

Jardin DeMain Collectif COLOCO

Prise en compte du devenir de la friche

Vastes espaces

Étude des délaissés Site non fertile

C O Première partie réalisée pen- Étudiants, membres de Habitants, services de la N Implication extérieure dant le concours, 2ème sur l’association Grrrnd Zéro, ville et conseil consultatif du C chantier collectif Pourquoi Pas quartier E P Communication au grand Gestion du passage entre Liaison directe avec les T Expérimentation public conception et construction habitants I O N Rôle architecte Concepteur Accompagnateur Médiateur C Influence du site Visibilité du chantier O N S Chantier «ouvert» T Implication extérieure Habitants, usagers, passants R U C Expérimentation Chantier vivant, réalisé par des non professionels T I O Rôle architecte Coordinateur et organisateur N Rôle architecte

Moteur

Présence de matériaux de Proximité avec les logements, réemploi site en pied d’immeuble Habitants, paysagistes Eskis, Étudiants, membres de jardiniers de la ville, membres l’association Grrrnd Zéro, de la mairie et du conseil de collectif Pourquoi Pas quartier, associations Gestion d’un chantier de non Temps du chantier : 48h professionnels, assemblage Liaison entre habitants, des matériaux de réemploi collectif et services de la ville Organisateur et pilotage

Coordinateur, liant

Coordinateur

Activateur et catalyseur

Fig.23 Grille récapitulative de l’analyse, M. Perret, 2016

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IV //Philosophie et actions : évaluation comparative

Avant de commencer la rédaction de cette partie, il est nécessaire de rappeler que la comparaison entre les méthodes et idéologies de travail se base sur l’analyse d’un seul projet par collectif d’architecte. De ce fait le résultat obtenu sera non exhaustif, mais donnera une première idée des moyens mis en place par les collectifs pour tester leur vision du métier d’architecte à travers ces chantiers expérimentaux. Pour ce faire, il a été réalisé un tableau récapitulatif, regroupant la philosophie des trois collectifs d’architectes, (de manière générale et sur le thème de l’implication extérieure), et les moyens de mise en œuvre de ces convictions sur le chantier expérimental. De cette manière nous pourrons vérifier l’hypothèse de ce mémoire qui nous le rappelons est : à travers les chantiers expérimentaux sur friches urbaines, les collectifs d’architectes mettent à l’épreuve leur vision du métier d’architecte, en expérimentant de nouvelles manières de gérer le 50

chantier, mais aussi d’autres voies pour la conception et la réalisation du projet sur la friche. Ensuite, nous verrons quels résultats et enseignements les collectifs retirent de ces projets. Pour finir nous conclurons avec le rôle que prend l’architecte dans ce type de projet et vers quelle pratique de l’architecture cela mène.


Philosophie défendue par les collectifs

général

«L’architecte ne peut-il pas être autre chose que celui qui répond à Exécution du chantier par une commande, produit un dessin le collectif lui-même et les et le fait « exécuter » par des entre- habitants du quartier prises spécialisées ? » 82

implication

« Il faut multiplier les moments de Organisation d'activités convivialité autour d’usages instan- et d’événement durant le tanés du lieu. » 83 temps du chantier

général

Implication très forte de la maîtrise d'ouvrage durant « Proposer une alternative aux prales phases de conception et tiques actuelles de l’acte de bâtir. »84 construction et utilisation de matériaux de réemploi

Etc

Glaneurs de possible[s]

Mise en pratique dans les projets

« Importance de la pédagogie et de

implication la transmission de savoirs. ». 85

Regroupement de profils très différents pour échanger un maximum

général

« L’invitation à l’oeuvre est au coeur de notre méthodologie de travail: S'engager physiquement dans la transformation du monde que nous habitons – même sur une petite parcelle – est essentiel pour nous. Cette invitation est ouverte à tous, habitants, techniciens, élus, associations, personnalités singulières»86

Le collectif a pousser les habitants à participer physiquement au montage du jardin en leur donnant la possibilité de trouver une place sur le chantier à travers divers ateliers, accessibles à tous.

implication

«Le partage de la création intellectuelle et matérielle génère des liens de fraternités, du respect mutuel et une histoire commune qui favorise le rapprochement des êtres.»87

À travers ce projet le collectif a essayer de fédérer au maximum les habitants du quartier pour permettre la création de l'association qui gére actuellment le jardin

Coloco

Fig.24 Grille de comparaison, M. Perret, 2016

82/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.27 83/ Ibid, p.63 84/ glaneursdepossible. over-blog.fr op. cit. 85/ FABIANI S., Sheick M., Interview, 01.04.2016 op. cit. 86/ COLOCO, Manifeste, www.coloco. org, op. cit. 87/ COLOCO, Action, Jardin DeMain, www.coloco. org, consulté le 12.03.2016

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Grâce à cette comparaison, on remarque que les collectifs d’architectes mettent bien en place leurs idéologies générales dans leur travail de chantier expérimental sur friches urbaines. La nature des travaux et du site leur permet de tester des techniques de réalisation/ construction et d’essayer de nouvelles manières de fonctionner et d’organiser leurs équipes. Par exemple, le collectif Etc met en pratique sa volonté de changer le rôle de l’architecte « classique » en se mettant lui-même au travail sur le chantier et en dialoguant avec d’autres intermédiaires que dans le contexte conventionnel.

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C’est-à-dire en faisant participer les habitants à la conception et à la construction et en leur permettant de faire avancer eux-mêmes le chantier. Les Glaneurs de Possible[s] eux, en souhaitant trouver une autre manière de gérer la construction d’un projet, se mettent totalement à la disposition et à l’écoute de la maîtrise d’ouvrage, c’està-dire l’association Grrrnd Zéro en les impliquant réellement dans chacune des étapes de la réalisation du projet. Ou encore Coloco qui applique sa doctrine de «l’invitation à l’œuvre», en aidant les habitants à se rendre compte

Fig.25 Photographie de la place du Géant avant la deuxième intervention en 2013


de l’impact qu’ils peuvent avoir sur leur environnement, en les faisant participer à la construction éclair du jardin DeMain. De manière générale on retrouve bien l’envie des collectifs de fonctionner et mettre en place leurs réalisations d’une façon différente, dans les projets étudiés précédemment. Suite à ces expérimentations les différents collectifs prennent un peu de recul sur leur réalisation. Ils font le point, en regardant si les méthodes ou actions qu’ils ont mises en place ont atteint les objectifs qu’ils avaient fixés. On remarque d’abord que l’on rencontre des difficultés à pérenniser les implications sociales dans les cas de création d’un espace public, dans lesquels la ville ne participe que très peu à son entretien. Par exemple dans le cas de la place du Géant à St Etienne, malgré la remise des clés du cabanon de jardin à un habitant pour continuer à entretenir les diverses plantations, la place a été à nouveau délaissée petit à petit. Aujourd’hui la friche devrait être réinvestie par un projet de bureaux, hors ce n’est toujours pas le cas. Les installations qui avaient été prévues pour n’être que temporaire

se délabrent au fur et à mesure, faute d’entretien. Pour comprendre comment se porte le Jardin DeMain du collectif Coloco à Montpellier, nous avons appelé l’«Association du Soleil» de la cité Lemasson. Cette association s’occupe des habitants, du jardin et oriente les personnes en difficultés dans ce quartier prioritaire. Nathalie Molina, gérante de l’association nous explique que le jardin se divise en deux parties, un jardin public et une zone de bacs dans lesquels l’association fait des plantations et cultive. Le jardin dans sa globalité est totalement ouvert. Elle exprime le sentiment que les architectes avaient eu déjà beaucoup de mal à mobiliser les habitants du quartier au moment de la conception du jardin et du chantier, malgré l’enthousiasme général déclenché par le lancement des travaux. Elle souligne de plus que l’association peine encore à fédérer les habitants autour de l’association et donc du jardin. Néanmoins l’événement monté autour du chantier de la réalisation reste un très bon souvenir pour tous, ayant regroupé beaucoup de monde, associations, membres de la mairie, architectes, habitants, dans une ambiance festive. Suite à ces nouvelles informations et à 53


Fig.26 Photographie du Jardin DeMain

l’observation du devenir de ces projets, on se rend compte que l’implication habitante sur du long terme est assez difficile. Les collectifs reconnaissent ces difficultés de gestion qui sont persistantes, mais sont convaincus que l’implication lors des différentes phases de réalisation d’un projet des futurs usagers aide tout de même à la facilitation de son entretien et du respect de son utilisation par la suite. Cette constatation en appelle une autre. 54

Si l’implication habitante n’est pas très concluante quelque temps après l’intervention, elle est cependant importante lors des phases de construction des projets. Les collectifs provoquent l’investissement en faisant en sorte que le chantier devienne un événement qu’il ne faut pas manquer. Pour ce faire, il se déroule généralement sur un temps court, 48h pour le jardin DeMain, une semaine pour Grrrnd Zéro et deux semaines pour La place du Géant. Ils mettent en place des événements en parallèle du chantier


pour stimuler et motiver les participants et regrouper encore plus de monde. Des ateliers de massage ont été mis en place pour le Jardin DeMain, des concerts et des repas pour La place du Géant et Grrrnd Zéro. La mobilisation sur ces temps courts de réalisation et de partage collectif amène à sa forte fréquentation. Suite à ces expériences, les collectifs développent d’autres besoins et envies d’exploration du champ de l’architecture. Le collectif Etc a par exemple souhaité rassembler tous les collectifs qu’ils avaient rencontrés lors de leur détour de France de 2012 pour échanger sur leurs pratiques. Ce contact a été pour eux l’occasion de proposer un regroupement des collectifs, ce qui a finalement été refusé de la part de tous les participants. Chaque collectif souhaitant garder son indépendance, étant l’une de leurs principales caractéristiques et revendication à tous. Cependant, cela ne les empêche pas de travailler ensemble sur certains projets, comme par exemple sur le projet Grrnd Zéro avec les collectifs Glaneurs de Possible[s] et Pourquoi pas, ou encore sur le projet de La Piscine à Grenoble avec les collectifs Etc et Glaneurs de Possible[s] encore une fois.

Si ce n’est pas pour travailler, ils se retrouvent souvent lors de conférences ou événements tels que les rencontres coorganisées par les associations Pixel[13] et Didattica, à la friche de la Belle de Mai à Marseille, du 16 au 18 octobre 2007, ayant rassemblés divers collectifs comme Bruit du Frigo, Robins des Villes, Aaa ou encore Exzyt. Ils expriment l’envie de travailler avec toujours plus de profils différents pour expérimenter et échanger sur des pratiques multiples. Ces collectifs qui ont été créés, pour la plupart, par des architectes, se diversifient et collaborent de plus en plus avec des graphistes, designers, urbanistes, artistes, paysagistes etc. (cf partie 2). Ils n’hésitent d’ailleurs pas à les inviter sur leurs projets pour varier les points de vue. Par exemple lors de la 2ème phase d’aménagement de la place du Géant à St Etienne, le collectif Etc avait convié des collectifs de paysagistes, designers et graphistes. De même à Montpellier lors de la réalisation du Jardin DeMain, le collectif Coloco a été aidé par le collectif de paysagistes ESKIS. Suite aux analyses des méthodes de travail des collectifs d’architectes nous pouvons dire que ceux-ci ne jouent pas 55


un rôle d’architecte-concepteur-savant qui impose ses idées, mais plutôt des rôles de coordinateurs, accompagnateurs, ou encore d’activateurs de projet. Ceux-ci tendant plutôt vers un métier valorisant une architecture sociale basée sur la rencontre de l’autre, l’échange et le transfert de savoirs. Cette nouvelle manière de voir le métier d’architecte comme accompagnateur des usagers vers l’appropriation du projet, suppose un changement du processus de réalisation. La démarche classique trop rigide et fermée se doit de migrer vers un fonctionnement où conception et construction sont extrêmement liées, adaptables et parfois menées en simultané.

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Vers une nouvelle pratique de l’architecture

Nous assistons à un changement dans nos modes de vie. La population souhaite de plus en plus s’investir dans son environnement en s’impliquant dans l’aménagement de son espace. De jeunes architectes conscients de cette mutation, se sont réunis sous la forme de collectifs pour pouvoir expérimenter de nouvelles manières de partager avec les usagers et les aider dans l’appropriation de leurs projets. À travers la comparaison de l’étude de la pensée et de l’analyse des méthodes de travail de ces différents collectifs, nous pouvons confirmer l’hypothèse qu’ils soumettent à des tests leur manière de penser la pratique du projet d’architecture lors de chantiers expérimentaux sur friches urbaines. Les caractéristiques des projets qu’ils instaurent sur ces sites leur permettent de mener de front conception et construction, de façon innovante.

Comme nous avons pu le voir, les friches sont des espaces de travail privilégiés des collectifs, leur permettant de tester, expérimenter, rechercher des nouveaux procédés de construction, de conduite de leurs chantiers ou encore de gestion de leurs équipes. La grande permissivité de leur temps de veille comme nous avons pu l’expliquer, facilite l’expérimentation et l’installation des projets des collectifs. Les chantiers expérimentaux sont surtout pour eux l’occasion de rassembler autour d’un projet commun des personnes d’horizons différents. L’implication d’habitants ou de la maîtrise d’ouvrage étant pour eux un axe de travail primordial pour l’aide à l’appropriation de leurs espaces. Pour revenir sur la problématique de ce mémoire, on se rend compte que les collectifs d’architectes ne prennent pas tous le même rôle lors de la réalisation de ces projets de chantiers expérimentaux sur friches urbaines. Ceux-ci doivent s’adapter aux différentes situa57


88/ DIDATTI� CA, MACAIRE E., Construire quoi, comment ? op. cit. p.146

tions et prendre un positionnement approprié, en fonction des interlocuteurs et des spécificités du site sur lequel ils s’implantent. De ce fait les collectifs sont tantôt coordinateurs, activateurs ou médiateurs. Prenant le rôle qui convient le mieux à la situation, suivant la maîtrise d’ouvrage à laquelle ils sont confrontés. Ce travail de mémoire m’a surtout permis de voir que le métier d’architecte pouvait être pratiqué d’une autre manière, en prenant en compte des questions sociales et de droit à la parole qui sont pour moi importantes et pourtant trop peu souvent mises en avant. L’architecture est un métier de terrain, qui se vit durant les différentes étapes propres à chaque projet. C’est un métier qui demande une implication particulière, de la part de tous, du fait qu’un modèle ne peut y être appliqué. Je pense cependant qu’il est possible de considérer de nouvelles références en matière de gestion des projets pour que l’implication habitante soit un élément principal guidant le travail de l’architecte. «Mais nos pratiques sont peut-être là pour réinventer d’autres formes d’institutionnalisation et d’institution […] c’est-à-dire d’autres formes d’organisation collectives » 88

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Le temps où l’architecte régnait en maître sur un projet en ne prenant pas en considération les usages qui y seront appliqué est révolu. Ces projets ont d’ailleurs montré que cette technique ne fonctionnait pas, et menait à une détérioration ou un désintérêt de ces réalisations. L’architecte n’est pas non plus uniquement gérant d’une entreprise qui finit par se perdre dans les réglementations. À travers les collectifs d’architecte j’ai trouvé une réponse à l’organisation d’un métier plus libre et à la considération d’une architecture comme construction commune. Ces chantiers expérimentaux sur friches urbaines réalisés par des collectifs d’architectes posent diverses questions. Premièrement du point de vue de la pérennité des projets et de l’implication habitante dans ceux-ci, nous avons pu remarquer que, suite au départ du collectif, les espaces étaient petit à petit de nouveau délaissés par ses usagers. Malgré leur forte implication durant le chantier ou la conception, le collectif n’a pas su leur transmettre l’énergie nécessaire pour prolonger l’histoire qui avait commencé à être raconté. Se pose alors la question de comment faire en sorte que le projet continue de fonctionner suite au départ du collectif, lorsque l’élé-


ment moteur se retire ? La transmission est une des pistes de réflexion mise en avant par les collectifs. Cette baisse d’implication des usagers peut être expliquée par le manque de poids que peuvent avoir les collectifs vis-à-vis des services de la ville. Comme nous avons pu le remarquer, ceux-ci ne mettent pas forcément en place les moyens nécessaires à l’entretien des réalisations suite au départ des collectifs. Alors, se pose ici la question de l’officialisation leur cadre d’action. Comment donner une image ayant plus d’impact vis-à-vis des institutions sans pour autant tomber dans une pratique traditionnelle du métier ? Comment gagner leur confiance de manière à pouvoir réaliser des projets plus conséquents qui auront une pérennité plus importante ? « Le cadre des procédures obligatoires limite, dans certains cas de figure, l’esprit de la démarche.» 89 Mais comme l’indique Gabi Farage, ancien membre du collectif Bruit du Frigo, comment institutionnaliser leur pratique sans se sentir contraint ? Comment ne pas oublier l’essence du collectif et les raisons qui l’ont poussé à se former ? Les collectifs d’architectes se situent dans un entre-deux, difficile à gérer.

« Rester un mouvement informel semble ainsi l’idée qui se dégage de façon dominante. La structuration d’un réseau pose problème, toute organisation étant perçue comme pouvant conduire à une hiérarchisation du groupe et à la prise de pouvoir de certains.» 90 Mais au-delà, se posent aussi les questions de précarités liées au statut particulier de ses membres. Ceux-ci disparaissant derrière le nom global du collectif, qu’en est-il de la responsabilité de chacun ? Quelle place est donnée à l’individu ? Quelle est la part de bénévolat qu’ils mettent dans chacun des projets ? Les membres revendiquent surtout de faire ce travail par passion, mais comment ne pas se noyer et passer tout son temps sur des projets sur lesquels les retours sont incertains ?

89/ DIDAT� TICA, FARAGE G., Construire quoi, comment ? op. cit. p.101 90/ Ibid, MACAIRE E., p.399

Pour recontextualiser, ce sujet de recherche pose aussi des questions en rapport avec les sites sur lesquels s’implantent les collectifs. L’analyse des différents projets du corpus nous a prouvé qu’ils prenaient place durant le temps de veille de la friche. Néanmoins, le projet du Jardin DeMain du collectif Coloco pose la question du passage du temps de veille au temps de l’après-friche. Quelles sont les limites de ses projets 59


91/ COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, op. cit. p.27 p.186

sur friches ? Sur la ville, peu de choses sont pérennes, tout est en perpétuel mouvement. Comment trouver le juste milieu entre investissement et temps d’usage temporaire de ces lieux ? La temporalité de la construction sur la ville serait-elle en train d’évoluer sur des temps plus courts permettant plus d’adaptabilité ? Au moment de faire le bilan, j’aurais aimé pouvoir développer la pensée d’un plus grand nombre de collectifs pour pouvoir effectuer une comparaison plus variée et complète, tout comme j’aurai apprécié pouvoir participer à un chantier expérimental organisé sur friche urbaine dans la région. Néanmoins le manque de temps ne me l’a pas permis. De plus, peu de collectifs ayant théorisé leur pensée j’ai parfois eu un peu de mal à trouver les informations qu’il me fallait. Cependant, le travail effectué m’a permis d’être convaincue que les friches sont des espaces offrants divers possibles pour la reconquête de nos espaces urbains et la prise de pouvoir des usagers, tout en étant de véritables lieux d’expérimentation pour les architectes dans le but de développer et renforcer leur vision de la pratique du métier. S’inscrire dans un cadre plus social de

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l’architecture est pour moi essentiel, l’architecture devant répondre à des besoins précis, commandé par des usagers aux caractéristiques distinctes sur des espaces ayant leurs propres spécificités. De plus le fonctionnement des collectifs, que nous avons décrit comme étant construit sur une base égalitaire, est pour moi le gage d’un respect de l’avis de chacun. . Nous arrêterons la rédaction de ce mémoire sur une citation du Collectif Etc qui résume assez bien ma vision de la pratique du métier d’architecte, et qui laisse à l’imaginaire de chacun, le choix de la limite du questionnement : « Construire n’a peut-être pas de fin. » 91


Bibliographie Ouvrages BOUCHAIN P., Construire autrement: comment faire?, Arles, Actes Sud, 2006, 190p. BOUCHAIN P., EXYZT, Construire en habitant, Alres, Actes Sud, 2011, 112p. BOUCHAIN P., Histoire de construire, Arles, Actes sud, 2012, 418p. COLLECTIF ETC, Le détour de France, une école buissonnière, Marseille, Hyperville, 2015, 195p. Collectif, IN VIVO lieux d’expérimentations du spectacle vivant, Vénissieux, La passe du vent, 2013, 144p. CLEMENT G., Manifeste du tiers paysage, Paris, Sens&tonka, 2004, 73p. DIDATTICA, Construire quoi, comment ? L’architecte, l’artiste et la démocratie, actes des rencontres nationales des pratiques socioculturelles de l’architecture, Paris, Association didattica, 2015, 456p. HATZFELD H., Quand la marge est créa-

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Thèse / mémoire

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Vidéo KEBADIAN J., Rase pas mon quartier : construire ensemble. Paris, JK, Nono X, AAA, 2014, DVD vidéo monoface, 1h05


Rencontres

Références des illustrations

Pascal Rollet le 23.03.2016

Fig. 1 | ANDRES L., La ville mutable. op. cit. p.125

Glaneurs de Possible[s] : Sebastien Fabiani et Mehtab Sheick Badordine le 01.04.2016

Fig. 2 et 3 | URL : collectifetc.com/realisation/

Entretiens téléphoniques Collectif Etc : Florent Chiappero le 13.04.2016 Collectif Coloco : Miguel georgieff le 18.04.2016

place-au-changement-chantier-ouvert

Fig. 4, 7 et 10 | Dessin M. Perret 2016 Fig. 5 et 6 | URL : glaneursdepossible.over-blog.fr Fig. 8 et 9 | URL : coloco.org/300522/3836322/ action/jardin-demain Fig. 11 et 12 | URL : a2.images.divisare.com Fig. 13, 14 et 15 | URL : collectifetc.com/rea-

Sites

lisation/place-au-changement-chantier-ouvert

www.adopteunefriche.com (cf ref 41) consulté de 18.03.2016

Fig. 16, 17, 18 et 19 | URL : glaneursdepossible.over-blog.fr/workshop-grrrnd-zero-bohlen.html Fig. 20, 21 et 22 | URL : coloco. org/300522/3836322/action/jardin-demain

Fig. 23 et 24 | Dessin M. Perret 2016 Fig. 25 | URL : collectifetc.com/realisation/ place-au-changement-opus-2/ Fig. 26 | URL : eskis.org/?portfolio_ page=jardin-demain

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