Au treizième coup de minuit

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AU TREIZIÈME COUP DE MINUIt Anthologie du

surréalisme

en Angleterre

Édité, traduit et préfacé par Michel Remy



À Édouard Jaguer, le sonneur du treizième coup de minuit

À mes enfants, Nicolas et Lisa

F Desmond Morris, La peur des amusements rassis, dessin à l’encre de Chine, 2006


Desmond Morris, La dernière tribu, dessin à l’encre de Chine, 2006


INTRODUCTION Le Snark était un Boujeum, voyez-vous Prolégomènes Autant il est aisé de donner 1924 comme point de départ en France de l’activité surréaliste déclarée, délibérée et organisée, autant il est difficile d’assigner une date d’origine stricte au mouvement surréaliste en Angleterre. En effet, si c’est bien en 1936 que Londres fut secouée, littéralement, par l’Exposition internationale du surréalisme, il s’agit plutôt là, en fait, d’un moment où une activité surréaliste dispersée se trouva entérinée et, si l’on peut dire, commençait définitivement. André Breton, dans son discours d’ouverture à cette exposition, déclara solennellement : « Pour moi, l’objectivation et l’internationalisation des idées surréalistes, poursuivies d’une manière toujours plus active au cours de ces dernières années, touchaient ici à leur point critique… À la recherche où nous étions – où nous sommes plus que jamais – d’une conscience européenne, pour ne pas oser dire d’une conscience mondiale, c’est malgré tout vers l’Angleterre que nous, surréalistes, nous tournions . »

Malgré l’adversité critique des journalistes et le confort moral et terriblement isolationniste du monde de l’art qui rejetait sans ambages ces .  André Breton, repris dans « Limites non frontières du surréalisme », La Clé des champs, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1967, p. 26.


AU TREIZIÈME COUP DE MINUIT « étranges dieux venus de France » d’après l’expression de Frank Rutter, critique d’art influent et très écouté du Sunday Times, les traces du surréalisme purent s’imprimer, petit à petit, en Angleterre, dans les quelque cinq ou six années qui précédèrent l’exposition de 1936, comme par effraction progressive. La chape de plomb était lourde, que faisait peser sur les lettres et l’art anglais, à travers écrits théoriques et coteries journalistiques, ce qu’on pourrait appeler la « bande de Bloomsbury » (autour de Roger Fry, Virginia Woolf, son mari Leonard Woolf, de la Hogarth Press, Duncan et Vanessa Bell, Ben Nicholson) ainsi que d’autres thuriféraires d’un art abstrait ou constructiviste mais assagi et anglais, et quelques partisans d’un art très bonnardien, comme celui de Winifred Nicholson. Peu de galeries acceptaient de se risquer à s’ouvrir à Picasso… Certes, le terrain avait été préparé : les vorticistes, avec Wyndham Lewis, avaient été les premiers à s’attaquer de front au dogme de la représentation et à donner à leurs attaques un sens politique, mais il fallut attendre 1933 pour que le groupe Unit One – qui rassemblait des abstraits comme Barbara Hepworth et des présurréalistes comme John Armstrong, Henry Moore, Paul Nash et Selby Bigge – se déclare en dehors de toute tradition conservatrice. C’est pourquoi les traces vivantes de l’entrée du surréalisme en Angleterre ne peuvent que se repérer disséminées, accidentelles, éparpillées. Rappelons donc que, en avril 1933, la Mayor Gallery, pour célébrer sa réouverture, prit le risque d’exposer Picabia, Klee, Arp, Miró et Ernst à côté d’œuvres de Nash, Moore et Armstrong. Le lendemain, le Daily Mail ne put s’empêcher d’affirmer : « on ne peut prendre au sérieux les inanités dadaïstes de Miró et de Arp » et l’Observer : « les œuvres d’Ernst et de Klee ne peuvent être prises que comme des plaisanteries, ratées du point de vue artistique. » En juin 1933, la Mayor Gallery récidiva avec une exposition de Max Ernst, prolongé de deux semaines en raison de l’énorme fréquentation. Celle-ci reçut également son lot de critiques : « trouvailles infantiles » selon le Morning Post, « Max Ernst est un mauvais peintre » et l’exposition est « incompréhensible », selon le Blackfriars. En juillet, l’exposition de Miró, toujours à la Mayor Gallery, fut vue comme 10


INTRODUCTION « du Freud sentimental et mal assimilé » et comme l’œuvre d’un « petit esprit de troisième catégorie et d’intuition limitée qui s’arroge le titre de surréaliste » (Week End Review). Enfin, en mai et juin 1934, seul David Gascoyne salua l’exposition que la Zwemmer Gallery organisait d’œuvres de Salvador Dalí, tandis que le Star déclara que « s’il voulait peindre normalement, il en serait capable » et le Times que « le dessin n’a aucun charme, et qu’il vaut mieux oublier tout ça ». Ce qui ressort de ces commentaires, c’est bien l’impuissance des mots à rendre compte des œuvres exposées ou plutôt c’est, à travers les jugements qui, de toute évidence, dépendent de valeurs qui sont précisément refusées par les surréalistes, l’aveu de l’irréductibilité des œuvres à un langage constitué. À ces exemples de diffusion du surréalisme par le biais des expositions, ajoutons le rôle joué par la London Film Society, fondée en décembre 1925, qui n’hésita pas, souvent contre la décision de la censure – mais son statut de « ciné-club » l’y autorisait –, à projeter à ses adhérents des films surréalistes, comme Entr’acte (René Clair) en 1926, Emak Bakia (Man Ray) en 1927, La Coquille et le clergyman (Germaine Dulac), L’Étoile de mer (Man Ray) en 1929 et Le Mystère du château du dé (Man Ray) en 1930. L’importance de cette entrée des images surréalistes par la bande, pour ainsi dire, n’est pas à négliger, d’autant plus qu’elle fut appuyée par plusieurs articles publiés dans Close up et Film art, deux revues gagnées aux idées et formes nouvelles en matière de cinéma, qu’il s’agisse de cinéma d’avant-garde ou de cinéma soviétique. Dans le domaine des revues, il revint à transition d’Eugène Jolas dès 1927 et à This Quarter d’Edward B. Titus en 1932 de faire passer en Angleterre les premiers textes et poèmes surréalistes français traduits (par Samuel Beckett entre autres). Le relais fut pris en Angleterre en 1933 par New Verse, la revue d’avant-garde de Geoffrey Grigson, publia des textes de David Gascoyne. .  Edward B. Titus confia l’ensemble du numéro de septembre 1932 à André Breton à condition qu’aucun texte ne soit de nature politique.

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AU TREIZIÈME COUP DE MINUIT 1935 fut l’année du flamboiement inaugural, l’année de décision. Les futurs surréalistes, Eileen Agar, Roland Penrose, Julian Trevelyan, David Gascoyne, Humphrey Jennings, John Banting étaient revenus de France où la plupart d’entre eux avaient déjà séjourné auprès des surréalistes français ; Hugh Sykes Davies, poète et universitaire très « progressiste » de Cambridge, publia Petron, le premier « roman » surréaliste anglais ; Len Lye, cinéaste d’origine néo-zélandaise, réalisa Colour Box, le premier film d’animation sans caméra ; David Gascoyne, cette année-là, publia le « Premier manifeste anglais du surréalisme » en France (dans les Cahiers d’art), écrivit A Short Survey of Surrealism à Paris, hébergé par Salvador et Gala Dalí et traduisit le livre de Breton, Qu’est-ce que le surréalisme ? En février 1936, il rajouta à cette liste la publication d’un recueil de ses propres poèmes surréalistes, Man’s Life is This Meat.

Le coup d’éclat de 1936 En mai 1936, pour préparer l’exposition internationale du surréalisme à Londres, un comité d’organisation de l’exposition, au rythme d’une réunion par semaine, se mit en place autour de Roland Penrose avec Herbert Read, Paul Nash, Henry Moore, Hugh Sykes Davies, rejoints la semaine suivante par David Gascoyne, Humphrey Jennings et Rupert Lee. Les sujets habituels étaient discutés : la publicité, les affiches (Penrose avait demandé la collaboration de Max Ernst), les invitations, les films à projeter (Marcel Duchamp et Georges Hugnet surtout, Luis Buñuel étant en Espagne apparemment avec les copies de ses films), les articles de lancement, etc. Davies suggéra que tous appellent le grand magasin Selfridge’s et demandent ce qu’est le surréalisme. Les contacts étaient pris depuis quelque temps avec André Breton à Paris, E.L.T. Mesens à Bruxelles et Vilhelm Bjerke-Petersen au Danemark pour la sélection des tableaux. La veille de l’ouverture de l’exposition, Mesens fit décrocher tous les tableaux pour les réarranger plus « dynamiquement », alternant grands et petits formats afin d’impliquer davantage le visiteur, obligé de s’approcher puis de s’éloigner des cimaises. 12


INTRODUCTION Le 11 juin 1936, les New Burlington Galleries ouvrirent leurs portes sur quatre cent cinq tableaux et objets, dont le tiers environ était l’œuvre de vingt-trois surréalistes anglais. Ce jour-là, un fantôme surréaliste, Sheila Legge, affublée d’un masque de roses qui lui couvrait tout le visage, une côte de porc à la main, déambula dans tout le quartier jusque Trafalgar Square. « Piètres plaisanteries », « Reliques d’un romantisme dépassé », « Exposition de rêves et de cauchemars », « Un choc pour les critiques », « Une pipe qui n’existe pas ! » « Un art maladroit et sans aucun sens », « Tout simplement fracassant ! », « Les Marx Brothers de l’art : mélange de locomotives et d’artichauts ! » « Ils peignent ce qui leur vient à l’esprit », « Des œuvres qui veulent nous irriter », « L’Angleterre a-t-elle perdu tout espoir ? », « On perd la tête », ce sont là quelques-uns des titres des journaux londoniens, en ce 12 juin 1936 et les jours suivants, suscités par cette exposition – considérée comme la date officielle de l’inauguration du mouvement surréaliste en Angleterre. Rejet total d’œuvres déclarées sans intérêt ou gêne et confusion de raccourcis critiques, jugements à l’emporte-pièce ou tentatives d’explications avortées, il n’empêche que jusqu’au 4 juillet, 25 000 visiteurs s’y pressèrent en trois semaines, à raison d’une moyenne de 1 300 par jour. Un véritable saut de valeurs était en train de s’effectuer. Des conférences furent données par André Breton, tout de vert vêtu (le 16 juin : « Limites non frontières du surréalisme »), par Herbert Read, juché sur un matelas à ressorts et interrompu toutes les deux minutes par une sonnette stridente (le 19 juin : « L’Art et l’Inconscient ») et par Salvador Dalí, coincé un jour de chaleur torride à l’intérieur d’un scaphandre (« la plongée dans l’inconscient » selon Dalí). Il en fut libéré in extremis par Edward James, et put continuer à projeter des diapositives dans n’importe quel ordre et à l’envers, affectant à chacune d’elles le commentaire « Enfin, voici Greta Garbo ! » (« Fantômes paranoïaques authentiques »). Éluard arriva le 23 juin, donna une conférence, « La Poésie surréaliste », le lendemain et lut le soir du 26 juin des poèmes traduits par David Gascoyne, George Reavey et Hugh Sykes Davies qui y ajoutèrent des 13


AU TREIZIÈME COUP DE MINUIT poèmes surréalistes anglais. Le même jour, Davies prononça une conférence sur le surréalisme et la biologie. Lors du vernissage, Dylan Thomas circula parmi les invités, une tasse remplie de ficelle bouillie, demandant à chacun comment il voulait son thé, fort ou non. Enfin, William Walton, le compositeur de musique du terroir anglais, crut ironiquement subversif de fixer un hareng saur sur un tableau de Miró, sans se rendre compte qu’il participait ainsi, à son insu, à la critique surréaliste.

Formation/Affirmation De la même façon, l’exposition internationale non seulement scella la formation du groupe surréaliste en Angleterre mais déboucha aussi en septembre sur une nouvelle étape dans la consolidation du mouvement : la publication du quatrième Bulletin international du surréalisme (avec la composition du nouveau groupe surréaliste anglais, ainsi que des extraits de certaines conférences) après celui de Prague et de Ténérife. L’exposition donna aussi naissance, dans les années qui suivirent, à toute une série d’expositions en Angleterre et à l’étranger auxquelles le groupe anglais collabora souvent en force, affirmant ainsi son incontournable présence. En avril 1937, six mois après la signature, par le groupe, de la « Déclaration sur l’Espagne », protestation véhémente contre la politique de non-intervention du gouvernement vis-à-vis de la jeune république espagnole déchirée par la guerre civile – et première preuve d’unité du groupe –, la gigantesque exposition de l’Association internationale des artistes (A.I.A.), For Peace, for Democracy and for Cultural Progress, réserva une pièce entière aux œuvres surréalistes, où ne figurèrent pas moins de cent dix-huit œuvres réalisées par trente-cinq artistes, parmi lesquels on comptait quinze surréalistes avérés, les autres étant des compagnons de route éphémères, preuve, s’il en est, du processus de formation encore hésitant que le groupe traversait alors. En 1937, l’exposition internationale du surréalisme de Tokyo, organisée par Takiguchi, accueillit quinze surréalistes anglais et la même année, 14


INTRODUCTION la Gordon Fraser Gallery, sous les auspices de la Cambridge University Arts Society, invita le groupe en tant que tel. En mai 1938, celui-ci participa à Amsterdam à l’exposition internationale du surréalisme ; il intervint la même année à Gloucester lors d’une exposition qui opposait « réalistes » et « surréalistes », puis en août 1938 au Canada, à une exposition organisée par le Comité national d’organisation des expositions du Canada. Il n’y eut cependant, entre 1936 et 1938, aucun organe officiel d’expression du groupe surréaliste anglais, à l’exception de Contemporary Poetry and Prose, édité par le jeune poète surréaliste et farouche communiste Roger Roughton qui, dans un de ses numéros, publia plusieurs poèmes surréalistes anglais et français en traduction ainsi que la célèbre « Déclaration sur l’Espagne ». En 1937, E.L.T. Mesens s’installa à Londres et, aidé par Roland Penrose, il prit la direction de la London Gallery et lança le London Bulletin qui publia vingt numéros d’avril 1938 à juin 1940. Il faut reconnaître à Mesens à cette époque « héroïque » une singulière détermination à assurer au groupe anglais une organisation minimale, le plus souvent dans une certaine solitude et un certain dénuement. Mais la galerie s’attribua un fonds intéressant lorsque Penrose racheta toute la collection de Paul Éluard et aida Mesens à acheter tout l’atelier de Delvaux en 1938 . À la fin du mois de novembre 1937, la London Gallery mit sur pied une exposition d’objets surréalistes. Le catalogue s’ouvrait sur quelques poèmes, dont ceux de Mesens, Gascoyne, Read, Reuben Mednikoff et Grace Pailthorpe, et donnait la liste des cent trente-huit objets présentés par vingt-cinq artistes, dont seulement sept n’étaient, si l’on peut dire, que de passage. Comme quoi le surréalisme anglais, un peu plus d’un an après son lancement, continuait à se découvrir. Mesens allait veiller à limiter ces participations sauvages.

.  La collection était constituée d’une centaine de tableaux et d’une vingtaine d’objets, parmi lesquels il y avait six Chirico, dix Picasso, quarante Max Ernst, huit Miró, trois Tanguy, quatre Magritte, trois Man Ray, trois Dalí, trois Arp, un Klee, un Chagall et divers autres peintres. Le tout fut payé £ 1600. Mesens, de son côté, acquit quarante tableaux, six grandes toiles et une « masse » de dessins et aquarelles pour £165. Delvaux devait recevoir 10 % sur les ventes réalisées pendant deux ans et 5 % les deux années suivantes.

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AU TREIZIÈME COUP DE MINUIT

Engagement Le surréalisme anglais n’a pas vécu les tensions du groupe français au moment de l’affaire Aragon, mais il s’affirma en 1936 résolument du côté de la révolution marxiste et il s’allia fréquemment aux formations de gauche. Plusieurs des surréalistes firent un passage plus ou moins long dans les rangs du parti communiste (Gascoyne, Roughton, Banting entre autres), ou dans ceux de l’Independent Labour Party (comme Penrose) ou, tout au moins, adhérèrent à l’AIA. Cette Association internationale des artistes, d’obédience marxiste quoique officiellement indépendante du parti communiste, fondée en 1933 pour développer un art proche du prolétariat, plaça, à partir de 1935, ses activités sous l’égide de la lutte contre le fascisme, contre la guerre, pour le progrès culturel et la liberté d’expression. Julian Trevelyan, Roland Penrose, Henry Moore, John Banting, Reuben Mednikoff, Grace Pailthorpe, Samuel Haile et bien d’autres comme Emmy Bridgwater un peu plus tard, en firent partie ; les surréalistes étaient invités en tant que tels à l’exposition For Peace, for Democracy and for Cultural Progress (cf. plus haut). En 1936 et 1937, une polémique s’engagea et se poursuivit entre le groupe et la Left Review sur la place de l’art dans une société en révolution. Les positions marxistes dogmatiques de la revue ne pouvaient être acceptées par les surréalistes et, en 1938, le London Bulletin publia en français et en traduction le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant, élaboré par André Breton et Léon Trotski. En même temps, plusieurs expositions militantes furent organisées, comme, à la Whitechapel Gallery, celle de Guernica – que Picasso venait de terminer – accompagnée de sa soixantaine de dessins préparatoires, exposition ouverte par un pauvre chômeur qui passait dans la rue ; la rétrospective de Max Ernst à la London Gallery ou encore Living Art in England à la London Gallery en janvier 1939 (moment où Conroy Maddox rejoint le groupe), à laquelle les surréalistes anglais se donnèrent rendez-vous, accueillant des indépendants et des constructivistes (comme Gabo, Hepworth et Mondrian), sorte de front commun des artistes. Les recettes de ces manifestations furent versées à un fonds en faveur des femmes et enfants espagnols 16


Desmond Morris Tous les textes de Desmond Morris ont été publiés pour la première fois dans Michel Remy, L’Univers surréaliste de Desmond Morris (préface de José Pierre), Paris, Éditions Souffles, 1990.

Les Hommes en biais Les fleurs orange des hommes en biais se balancent aux cinquante créances des anciennes bouteilles qui appartenaient à la clairière prostrée par-delà les collines pliantes de l’autre côté de la barrière au bout du champ écarlate là où dans notre jeunesse nous déshabillions la lune

Les jambes et les orteils des vies non répertoriées saluent les végétaux ailés d’un instant ou d’un autre.

Sous l’épine dorsale des verres à pied les manteaux de fourrure sont déverrouillés.

Autour du soleil et de la lune une sphère grave son nom.

Les filles de tous les dehors entrent Sur des plumes d’ailes de crapauds. Aabbcc et la pluie est morte.

Bienvenue en même temps à vos deux sphères. F Desmond Morris, L’ennemi suprême, gouache, 2001

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1948


AU TREIZIÈME COUP DE MINUIT

Les Garçons à tête de bouilloire La balle bien placée déchire la poitrine arrachée aux plis les plus illustres du corps par des fœtus de mutants sevrés avec de la mousse frappée en forme de tubes et plante dans la gorge des nageoires orange jusqu’à ce que les charnières qui se ferment pincent la peur curviligne des égarements défraîchis qui maculent les sous-vêtements des chevelures stériles jusqu’à ce que l’on entende le cri d’innombrables histoires modèles.

Les membres scintillants gravissent les collines stériles de la tranquille solidité, observés par une oreille de saumâtre naguère sur le dos d’un autre, faisant signe aux diverses foules qui s’éparpillent de montrer les vêtements de la locomotive aux autels-casseroles tout proches dont l’unique bord révèle la symétrie savante du lendemain.

La chemise de velours se déroule révélant de malveillants téléphones dont les lignes s’éloignent pour voir la commode du petit-fils de laquelle un doux éternuement chante pour les toilettes américaines… … alors que tout autour marchent des escaliers où nulle main ne peut grimper pour voir le sonnet se débattre et s’élancer des portes ouvertes pour ces dix matelots qui, changeant de robes, crient et lient leurs poches à une boîte en fer toute brillante, par laquelle un portail hilare peut ouvrir tous vos yeux. 194


Desmond Morris, Le voyageur, dessin à l’encre de Chine, 2006


Desmond Morris, La race du sang, dessin à l’encre de Chine, 2006


Desmond Morris Les dents serrées du cerveau hantent les terrains du palais, ne cherchant nulle part les pensées exprimées dont ont besoin les petits mots, et la pente se remplit des bureaux jaunes dont les lobes retentissent de ces faibles cris adressés à un auditoire de garçons à tête de bouilloire dont les distractions sont inouïes. 1948

Têtes exotiques Les têtes exotiques et les heureuses licornes piétinent les cornes des soucoupes polaires dans la bibliothèque de l’époux. Le violon est assis sur le sol devant le feu sans remarquer les fleurs dans la cheminée et dehors l’air est rempli de rochers. Des places publiques de chevelures chantent en parallèle sans but particulier en vue et les suicidés au bord des interminables fauteuils s’ennuient. Circa 1949 197


Desmond Morris, dessin à l’encre de Chine, 2006


Desmond Morris, L’émissaire, dessin à l’encre de Chine, 2006



Desmond Morris

Un léger désespoir Trouvant une pierre écarlate au bord du tapis il n’y avait nulle part où aller. Il n’y avait rien à faire si ce n’est épousseter les décorations en pleurs, mais les larmes sont la propriété du verre fendu et ne devraient pas être séchées. Leur flot fertilise l’herbe qui peut être faite de métal coloré ou d’épées tordues. Ce n’est que de temps en temps que la clarté des tempéraments égarés peut brandir le marteau du forgeron, et à force de coups glaciaux résoudre cette immonde honnêteté. La maladie des jambes peut être guérie par une corde transparente magnifiquement réfléchissante, mais les cordons qui pendent aux arbres ne sont pas assez propres pour que l’on s’y balance attachés par la taille. Le sang qui va à la tête peut être détourné dans des bouteilles graduées et l’on peut calculer l’humidité pour révéler la hideuse beauté de la goutte de sueur qui est sur le point d’apparaître.

1950

F Desmond Morris, Les cavités de l’esprit, dessin à l’encre de Chine, 2006

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