La culture hard rock

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« Ce n’est pas avec ça qu’ils gagneront l’Eurovision ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 La fabrique du Hard Rock. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Du Hard Rock au Métal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 L’imaginaire Hard Rock. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 La tribu Hard Rock. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 L’âme noire du Hard Rock. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Business . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Le feu sous la glace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149


« Ce n’est pas avec ca ` qu’ils gagneront l’Eurovision » Le 20 mai 2006, le groupe de Hard Rock finlandais Lordi, dont les membres sont déguisés en monstres, remporte le concours de l’Eurovision, dans le stade olympique d’Athènes, avec son titre « Hard Rock Hallelujah ». La cérémonie, comme chaque année, est retransmise en direct sur la chaîne de télévision publique France 3. Les commentaires, assurés par l’ animateur Michel Drucker, ainsi que par Claudy Siar, prennent pour cible le quintette scandinave pendant ses deux prestations live. Morceaux choisis : « Je ferai écouter ce morceau à ma chienne, ça lui fera peur […] Le vote du public est désespérant […] Ils ont bu, c’est pour ça qu’ils votent finlandais […] Celui-ci a une figure à dormir dehors […] C’est insupportable […] Nous sommes dans notre cabine, un peu surpris… Désespérés […] Ils seront au zoo de Vincennes à la rentrée. » Ces propos, qui choquent une partie du public – amateur de Hard Rock ou pas –, sont révélateurs de la façon dont le phénomène musical est perçu en France. Souvent considéré comme violent, agressif, assourdissant voire dangereux, il ne semble pas, comme la techno ou le hip-hop, avoir profité de l’engouement et de l’investissement culturel initiés par


LA CULTURE HARD ROCK

l’arrivée de la gauche au pouvoir au début des années 80. Le Hard Rock est une musique toujours marginale, rejetée par certains médias généralistes, tolérée par les pouvoirs publics qui n’ont, pourtant, pas grand-chose à lui reprocher. Ni émeutes, ni drames lors des concerts. Pas de liens idéologiques avec la drogue. Cependant cette musique dérange et continue d’être exclue des principaux vecteurs de diffusion, radios, télévisions et presse généraliste qui, souvent, s’ils abordent le sujet, le font par la caricature. Le Hard Rock est apparu en Grande-Bretagne au début des années 70. Rapidement, il se diffuse à d’autres pays, notamment la France. En l’espace d’une trentaine d’années, les pratiques culturelles inhérentes à ce courant se définissent progressivement. Aujourd’hui, le Métal touche plusieurs millions de pratiquants, artistes comme fans, dans le monde entier. France, Grande-Bretagne, Allemagne et États-Unis hier, Scandinavie, Japon, Brésil, Canada, Grèce et Italie aujourd’hui. À part peut-être l’Afrique noire, rares sont les régions du globe à ne pas être exposées à ce courant musical qui, malgré un développement toujours croissant, reste méconnu, en tous les cas mal connu, par le grand public. Le Hard Rock est donc relativement jeune. Et pourtant, quelle (r)évolution en trente ans ! Aujourd’hui, la relève garde un lien avec les pères fondateurs britanniques du genre : Black Sabbath, Led Zeppelin, Deep Purple ou Iron Maiden. Cependant, les influences vont bien au-delà et, désormais, cet univers s’associe sans complexe aussi bien avec la musique classique qu’avec les musiques électroniques, la pop, le jazz et le hip-hop. 10


« Ce n’est pas avec ça qu’ils gagneront l’Eurovision »

La diversité est une autre caractéristique essentielle d’un genre qui commercialise plus de 30 000 disques chaque année de par le monde. Diversité des styles d’abord : « heavy metal », « thrash metal », « death metal », « black metal »… La liste est longue et nous avons choisi de simplifier les choses en définissant, dès le début de cet ouvrage, les principales sous-divisions. Diversité instrumentale ensuite, de chant (lyrique, mélodique, agressif ), de sons, de langues et diversité des messages diffusés. Les groupes de Hard Rock n’évoquent pas uniquement la mort, les guerres ou le satanisme. Au-delà du simple répertoire des images et thèmes transmis, l’imaginaire Hard Rock traduit une vision originale de la société, souvent pessimiste, que les artistes diffusent en s’appuyant sur des références historiques (Rome, Babylone, la Grèce et l’Égypte anciennes, le Moyen Âge) et culturelles (peinture, littérature, cinéma…) récurrentes. À l’origine, donc, fut le Hard Rock. D’un point de vue sémantique, ce terme, qui définissait un style musical au début des années 70, n’a plus la même signification aujourd’hui. Le hard rock (sans majuscule) est devenu une sous-division du Métal, terme générique utilisé à partir du milieu des années 80 pour regrouper l’ensemble des musiques dites extrêmes. Le terme « Hard Rock » est, d’une manière assez paradoxale, d’origine francophone, les anglophones lui préférant les expressions « metal » ou « heavy metal ». Quant aux origines du terme « heavy metal », elles sont aujourd’hui encore difficiles à définir. Geezer Butler, bassiste et membre fondateur de Black Sabbath, affirme que son groupe fut le premier à recevoir l’appellation au début des années 70. Un critique américain aurait en effet trouvé que la musique des Britanniques sonnait comme du « métal écrasé »… 11


LA CULTURE HARD ROCK

Lorsqu’on s’intéresse à la façon dont le Hard Rock est présenté par les médias généralistes, et à celle dont il est perçu par « l’opinion publique », on note qu’il n’attire pas vraiment la sympathie. Depuis ses débuts, cette expression musicale populaire est restée en dehors des vecteurs de communication classiques (télévision, radio, presse généraliste) tout en évoluant en tant que microcosme indépendant, mais non autarcique. Par obligation donc au début, par choix souvent par la suite, les acteurs du Hard Rock ont entretenu cette spécificité du refus de la mode, de l’indépendance artistique, de la défense d’un certain nombre de principes et de valeurs : une forme de bannière sous laquelle tous les amateurs se retrouvent. Cette situation de repli a sans doute contribué à opacifier l’image du Hard Rock dans la société. L’Université, elle, commence à s’intéresser aux pratiques culturelles dites « jeunes ». Des études ont été menées dans différentes disciplines de recherche comme la musicologie, la sociologie et l’histoire. L’histoire culturelle, justement, permet d’entrevoir le développement des sociétés sous un prisme original. D’où l’intérêt que les chercheurs portent à l’analyse de ce phénomène très contemporain. Culture de masse, tribu ou communauté, le Hard Rock se définit par un certain nombre de codes et par des rites que les artistes et le public perçoivent comme les symboles d’une revendication commune. Fruit d’une évolution historique, il s’affirme aujourd’hui comme l’un des événements musicaux majeurs des trente dernières années. L’objectif de ce livre est de dessiner les contours des pratiques culturelles liées au Hard Rock, de décrire quelle vision de la société transparaît à travers l’imaginaire diffusé par les 12


« Ce n’est pas avec ça qu’ils gagneront l’Eurovision »

artistes et de voir dans quelle mesure ce genre, en France, a bénéficié de l’élan donné par la « démocratie culturelle » insufflée par Jack Lang à partir de 1982.


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