Jacques Baron, l’enfant perdu du surréalisme

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JACQUES BARON

L’ENFANT PERDU DU SURRÉALISME LA NOUVELLE REVUE NANTAISE / NUMÉRO 5 / 2009

LES AMIS DE LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE NANTES VILLE DE NANTES ÉDITIONS DILECTA


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LA NOUVELLE REVUE NANTAISE

Fondée en 1993 par Les Amis de la Bibliothèque municipale de Nantes, La Nouvelle Revue Nantaise a pour objectif de « donner à chacun les clés du trésor », faire connaître les richesses du fonds patrimonial de la Bibliothèque municipale de Nantes et témoigner de la densité du tissu culturel régional dans les domaines littéraires, artistiques et scientifiques, par l’édition de textes ou de documents rares ou inédits, éclairés par des analyses contemporaines. Chaque livraison de La Nouvelle Revue Nantaise traite d’un thème en rapport avec l’activité de la Bibliothèque : mise en valeur des collections, acquisitions et expositions. Édition préparée et établie par Patrice Allain Comité de Rédaction Patrice Allain, Rédacteur en chef, Maître de Conférences, Université de Nantes Jean-Louis Liters, Président des Amis de la Bibliothèque municipale de Nantes et fondateur de La Nouvelle Revue Nantaise Agnès Marcetteau-Paul, Conservateur général des bibliothèques, Directrice de la Bibliothèque municipale de Nantes Gabriel Parnet, Maître de Conférences (E.R.), Université de Nantes Yves Thomas, Associate professor, Trent University, Canada Ont également participé à l’élaboration de la cinquième livraison : Jean-Louis Bailly et Jacqueline Pivoin, membres des Amis de la Bibliothèque municipale de Nantes.


Avertissement au lecteur : Les informations entre crochets sont des indications d’auteurs. Les sigles BMN et BUO désignent respectivement les Archives et collections spéciales de la Bibliothèque municipale de Nantes et de la Bibliothèque universitaire d’Ottawa (Canada). Le sigle BLJD désigne les Archives de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.


JACQUES BARON L’ENFANT PERDU DU SURRÉALISME

Agnès Marcetteau-Paul, « Une assujettissante surveillance ».............................................. 7 Lucie Desjardins, « Les Archives de Jacques Baron au Canada » ...................................... 9 Jean-Marie Baron, « Je te salue mon Jacques, je te salue “Vieil Océan”» ....................... 13 « Je suis né… », Jacques Baron, repères biographiques .................................................... 15 Jean-Louis Liters, « Dans les pas de Jacques Vaché. Par hasard et fidélité » .................. 55 Correspondance : Charles François Baron et Jacques Baron ........................................... 75 Jacques Baron, « La Disparition du passeur » ..................................................................... 90 « Hommage à Jacques Vaché »................................................................... 97 Yves Thomas, « Dans les rues de Paris, une forêt vierge » ............................................. 103 Jacques Baron, « Premiers Écrits 1921-1927 »..................................................................120 « Trois Poèmes marins » ...........................................................................150 « Le Village marin » ...................................................................................153 « Pick-me-up et les femmes-poètes » ......................................................159 « Paris » .......................................................................................................166 « Écrit sur un ticket de métro »................................................................167 « Poème érotique » (écrit avec Michel Leiris) ........................................ 171 Patrice Allain et Gabriel Parnet, « La grande traversée. Itinéraire en revues d’un poète dans l’entre-deux guerres » ........................................... 173 Dominique Rabourdin, « Jacquot de Nantes » .................................................................211 Le Fonds Jacques Baron de la Bibliothèque municipale de Nantes .............................. 217 Le Fonds Jacques Baron de la Bibliothèque universitaire d’Ottawa.............................. 221 Bibliographie ..........................................................................................................................223 Index .......................................................................................................................................229 Remerciements ......................................................................................................................235


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Une assujettissante surveillance par 7]d i CWhY[jj[Wk#FWkb" directrice de la Bibliothèque municipale de Nantes Promu au rang de mythe, réinvesti de multiples interrogations et interprétations, le rôle joué par Nantes dans l’histoire du surréalisme tend souvent à perdre réalité et substance. Du « Rêve d’une ville » cependant, et de l’exposition présentée sous ce titre en 19941, est né un véritable travail de recherche. À ce titre la ville de Nantes a inscrit parmi les missions de la Bibliothèque municipale la collecte des documents qui permettent, non pas de ressasser, paraphraser ou commenter le mythe, mais d’éclairer et de comprendre les faits, en redonnant vie dans leur quotidienneté et leur intimité à tous les protagonistes de l’histoire, éclipsés par le flamboyant Jacques Vaché et l’impérieux André Breton. Le chemin ainsi tracé est long et sinueux, le but poursuivi incertain et difficile à atteindre. L’exploration ne remplit que peu à peu les blancs de la carte, et traverse bien des rades inconnues. Elle ne peut se concevoir sans les indispensables compagnons de voyage que sont les chercheurs, attachés à l’élucidation d’un monde devenu le leur, et les collectionneurs privés et publics qui partagent la même « assujettissante surveillance2 » des sédiments du passé que le temps transmet et disperse. La présente livraison de la Nouvelle Revue Nantaise en constitue une parfaite illustration. Publiée à l’initiative de l’association des Amis de la Bibliothèque municipale de Nantes, elle fait suite au travail effectué pour Hugues Rebell, Marcel Schwob et, en ce qui concerne le surréalisme, Jean Sarment. Les textes de Jacques Baron qui y sont proposés et étudiés proviennent des acquisitions effectuées lors de la vente Breton, largement complétées par les collections de la Bibliothèque de l’université d’Ottawa où est conservé le plus important fonds consacré au poète : on peut imaginer que celui qui fut si souvent « accoudé à la rambarde et regardait le large3 », a vu sans déplaisir ses archives prendre « le chemin des nouveaux continents » dans les circonstances relatées par Lucie Desjardins. Patrice Allain, Jean-Louis Liters, Gabriel Parnet et Yves Thomas ont, dans une commune passion, réuni et commenté les textes. Apportant son soutien au travail entrepris, Jean-Marie Baron fait revivre son oncle d’une plume sensible, tandis que Dominique Rabourdin évoque de même l’ami. Saluons enfin l’engagement de Grégoire Robinne, directeur des Éditions Dilecta, qui a bien voulu inscrire l’ouvrage à son catalogue comme il l’a récemment fait pour Les Solennels de Jacques Vaché4. Dans Jean Sarment. Correspondances à l’aube du surréalisme, la parole était donnée à « ceux qui eurent vingt ans entre 1914 et 1919 » : Eugène Hublet, mort au creux d’un fossé en emportant avec lui « ces rêves qui ne furent que des rêves, des élans sans lendemain, des hésitations, des incertitudes, et ce grand désir de conquête » ; Pierre Bisserié, qui n’en réchappa que pour se « coucher une fois de plus sans avoir élaboré le plan du Livre… tu sais, le Livre ?… », et disparaître peu à peu sans laisser d’adresse ; Jacques Vaché, passé à la postérité dès 1919 pour avoir su mettre en scène sa vie et sa mort ; Jean Sarment, qui s’empressa de coiffer « la couronne de carton » et traîna une vie désabusée d’auteur dramatique à succès – « Je n’ai travaillé que pour moi ; c’est une défaite » –, ne vivant véritablement que de ses souvenirs, ce « moment d’existence qui m’absout d’en avoir vécu d’autres5 ». La Première Guerre mondiale eut raison de « ce que les Sârs [avaient commencé à dire] »,

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mais tous firent que « Nantes a joué un rôle révélateur dans les rencontres surréalistes », ainsi que l’a écrit Jacques Baron en 1972. Avec Jacques Baron précisément s’écrit maintenant un autre chapitre. Il n’a que seize ans en 1921 quand il rencontre André Breton, aussitôt séduit par cette nouvelle coïncidence nantaise et sa capacité à faire « acte de surréalisme absolu ». Le jeune poète partage alors l’aventure surréaliste, ses flamboyances et ses recherches esthétiques, ses crises et ses ruptures aussi. Il n’en sortira pas indemne, mais gardera intacte son « Allure poétique ». Au Nantais évoqué par Jean-Louis Liters, à l’homme et au poète ressuscité par Patrice Allain, Jean-Marie Baron, Gabriel Parnet, Dominique Rabourdin et Yves Thomas, il était juste de rendre hommage. Nous sommes heureux d’y avoir contribué, comme cela avait été le cas pour ses aînés. À tous ceux qui, des deux côtés du « Vieil Océan » cher à Jacques Baron, ont porté ce projet, nous adressons nos remerciements les plus chaleureux.

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On se reportera en particulier aux contributions réunies à cette occasion par le Musée des BeauxArts et la Bibliothèque municipale de Nantes dans l’ouvrage Le Rêve d’une ville. Nantes et le surréalisme, Paris, Réunion des Musées nationaux, 1994. 2 Nous empruntons cette expression à Claude Cahun, qui l’emploie dans une lettre à André Breton du 27 novembre 1938 (BMN MS 3499 – Fonds André Breton).

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Pour toutes les citations de et concernant Jacques Baron, on se reportera aux textes du présent ouvrage. 4 Les Solennels, Paris, Éditions Dilecta, 2007. Recueil de textes édités par Patrice Allain à partir du Fonds Jean Sarment de la Bibliothèque municipale de Nantes. 5 Cf. Jean Sarment. Correspondances à l’aube du surréalisme. La Nouvelle Revue Nantaise no 4, Les Amis de la Bibliothèque municipale de Nantes, ville de Nantes, Éditions MeMo, 2004.


Les Archives de Jacques Baron voyagent jusqu’au Canada par BkY_[ :[i`WhZ_di archiviste aux Archives et collections spéciales, Bibliothèque de l’université d’Ottawa, Canada

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Jacques Baron (1905-1986) a laissé derrière lui un trésor encore peu connu de la communauté des chercheurs littéraires. De fait, une correspondance, des manuscrits et de nombreux autres documents ont pris le chemin des nouveaux continents en empruntant diverses avenues. Bien qu’une partie des archives de Baron soit en France, les Archives et collections spéciales de la Bibliothèque de l’université d’Ottawa sont fières de pouvoir dire qu’elles possèdent la plus vaste collection de documents de cet auteur au monde. À la fin des années 1960, l’université d’Ottawa traverse une période d’effervescence et d’abondance sans précédent. C’est une époque où des projets de toutes sortes foisonnent. L’un d’entre eux est mis en place par un professeur du Département de lettres françaises, monsieur Jean-Luc Mercié. Ce dernier propose d’exposer les manuscrits littéraires de sa collection personnelle dans le hall du nouvel édifice de la bibliothèque de l’université. Le projet, dont le but premier est de stimuler la recherche au niveau doctoral au sein du Département, prend une telle ampleur que le professeur Mercié emprunte également des manuscrits à des collectionneurs du vieux continent1.

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C’est donc dans ce contexte de prospérité que l’université d’Ottawa a acquis les archives de Jacques Baron, grâce à la générosité de deux donateurs. D’une part, le Département de lettres françaises achète des manuscrits et d’autres documents de grands auteurs français appartenant à divers courants littéraires des XIXe et XXe siècles. C’est dans le cadre de ce projet d’achat que le directeur du Département, monsieur Eugène Roberto, achète des manuscrits directement de Jacques Baron2. L’ensemble des documents achetés et regroupés sous le nom de Collection des manuscrits français est déposé aux Archives et collections spéciales en 1972 et officiellement légué à l’établissement en 2007. D’autre part, une jeune chercheuse, Catherine Ahearn, décide d’étudier Jacques Baron pour sa thèse de doctorat en lettres françaises à l’université d’Ottawa. Dès le début de ses recherches et tout au long des cinq années suivantes, madame Ahearn entretient une correspondance assidue avec Baron. Elle le rencontre aussi en personne à quelques reprises en France et à Ottawa. C’est alors qu’elle achète des manuscrits à l’auteur3. Madame Ahearn dépose sa thèse en 1978 et lègue ses archives sur Baron aux Archives et collections spéciales en 1982. Tous les documents légués par madame Ahearn sont regroupés dans le Fonds Catherine Ahearn. Les archives de Baron ont quelque peu sombré dans l’oubli. Fort heureusement, les nombreuses visites d’Yves Thomas et la venue à Ottawa de Patrice Allain et d’Agnès Marcetteau-Paul ont stimulé une nouvelle vague d’intérêt pour ces précieux documents. Nous profitons de la présente occasion pour souligner le soutien de l’ambassade de France, à Ottawa, à notre projet de diffusion des archives de Jacques Baron. Les documents rassemblés dans la Collection des manuscrits français et le Fonds Catherine Ahearn offrent aux chercheurs de véritables richesses couvrant la presque totalité de l’existence de l’auteur, de 1905 à 1979. En effet, il y a presque un mètre linéaire de documents textuels composés principalement des cahiers de Jacques Baron (journaux intimes et notes diverses), de sa correspondance avec de nombreux auteurs connus et notamment avec les surréalistes (Aragon, Breton, Desnos, Crevel, Leiris, Queneau…) et de plusieurs de ses œuvres littéraires, parfois inédites (poèmes, romans, pièces de théâtre, articles, etc.). À cela, il faut ajouter 170 documents iconographiques. Nous parlons ici, entre autres, de photographies nous permettant de retracer des étapes importantes de la vie de Baron. Il y a celles où il pose en compagnie de sa famille à Nantes (1906), de Breton (1922), sur un dromadaire à Damas arborant son uniforme militaire (1940) et même lors d’une réception chez Lipp pour le prix Guillaume Apollinaire (c. 1957). Nous retrouvons aussi dans ces archives des aquarelles et des dessins réalisés majoritairement par l’auteur et représentant, notamment, des lieux de prédilection comme Belle-Île. Il faudra attendre jusqu’en 2005, soit lors du 100e anniversaire de la naissance de Baron, pour que les instruments de recherche détaillés décrivant l’ensemble de la documentation soient mis en ligne sur le site web des Archives et collections spéciales. Ils sont depuis lors facilement accessibles à l’ensemble de la communauté des chercheurs. Leur consultation vous convaincra sans aucun doute de la nécessité d’un voyage au Canada pour voir de vos propres yeux ces merveilleux documents. Les archives de Jacques Baron, conservées aux Archives et collections spéciales, constituent une source documentaire encore peu exploitée. Les textes qui suivent permettront de mieux connaître l’auteur et son œuvre. Je vous invite donc à partir à leur découverte.

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Jean-Luc Mercié, Manuscrits d’écrivains français des XIXe et XXe siècles : documents réunis et présentés par Jean-Luc Mercié, Cahiers d’inédits no 3, Éditions de l’université d’Ottawa, Ottawa, 1972, pp. 7-12. 2 Catherine Ahearn, Cahiers de Jacques Baron : texte et commentaire, thèse de l’université d’Ottawa, Ottawa, 1978, p. 6. 1

Archives et collections spéciales, Bibliothèque de l’université d’Ottawa, Fonds Catherine Ahearn, Lettre de Jacques Baron à Catherine Ahearn, 1er juillet 1975.

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Je te salue mon Jacques, je te salue « Vieil Océan » par @[Wd#CWh_[ 8Whed Je te salue mon Jacques, je te salue « Vieil Océan ». Et comme on ne voit jamais si bien que les paupières closes : « Elle est debout sur mes paupières et ses cheveux sont dans mes mains », tu te souviens, nous en parlâmes – je les baisse et je pense à toi. Et la voix de mon père me revient qui raconte cette histoire : C’est toi, l’adolescent aux yeux de Lune, fragile et téméraire, disait-il, tout imprégné encore des embruns de la côte bretonne, qui, dans le train à vapeur qui le ramenait de Nantes à Paris, écrivis à la volée ces quelques mots magiques : « Maintenant visé D’une folie douce Tu tournes le pouce D’une autre pensée. » Lisant le papier froissé, timidement sorti de ta poche, Aragon s’enflamma : « Vous restez avec nous, jeune homme, vous êtes le Radiguet de la poésie française… » Et, plus tard, André Breton parlant de toi dira « l’étrange séduction » que tu exerces. Et, partant, « l’impossibilité de ne pas engager davantage le futur ». Tu n’avais pas vingt ans, dix-sept peut-être, tu te rêvais capitaine au long cours dans la marine marchande, quand ce n’était flibustier dans les îles de la Sonde, mais ta vie venait de basculer irrémédiablement dans l’aventure extrême, la grande aventure surréaliste. Hasard ou destin, à quoi ça tient une vie ? Toujours est-il que ce défi, si périlleux quand on y songe, celui de la poésie véritable, tu l’as relevé comme bien peu, jusqu’à ton dernier souffle. Tu as embrassé comme tu l’as écrit : « La vraie vie, sans barrières, sans parapets ni poste de péage… » Il n’est pas de poètes petits ou grands, comme l’a dit Michel Leiris le jour fameux de tes quatre-vingts ans, sous l’œil approbateur d’Hélion et des autres, mais des poètes tout court qui, comme toi, ont consacré leur vie à célébrer le « ah » des choses comme dit le Tao, l’amour et l’amitié, le mystère, les errances nocturnes et l’importance du merveilleux… Je me souviens, mon Jacques, de nos escapades sur le « Soyons Amis », ton bateau ventru qui ne filait pas « vingt nœuds sur l’océan Indien » mais qui affrontait la houle au large de Belle-Île. Entre Traou-Mad et Muscadet, tu tenais la barre et je bordais le foc et nous vécûmes des moments épiques. J’ai compris, grâce à toi ce jour-là, alors que nous évoquions « sainte Odette », la femme de ta vie, et tes autres amours… pourquoi tu avais écrit : « Les femmes ont cette supériorité divine de nous parler avec des mots que nous ne comprenons pas. » Et puis : « Des femmes qui ont des cheveux si doux qu’on les prend pour des larmes. »

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Et encore, ces mots comme un cri : « J’ai mal, comme une goutte de sang a mal sur une lance d’argent. » Mon vieux Jacques, je me souviens de ta pudeur et de ta modestie qui étaient grandes, de tes colères aussi contre les injustices du monde. De la bienveillance avec laquelle tu accueillais mes confidences et de tes encouragements à rester curieux de tout. De l’attention extrême que tu portais tout à coup à la fleur que tu dessinais ou à l’oiseau sur la branche… Du marché de la rue Lepic et de nos promenades sur les pavés de Montmartre et sur la lande bretonne… Je n’oublierai jamais la phrase de Breton que tu m’envoyas quand j’avais l’âge de tes premiers poèmes : « Aimer d’abord, il sera toujours temps de s’enquérir plus tard de la nature de ce que l’on aime… » Et des vers que tu me dédias : « À toi jeune homme à toi La qualité du ciel de demain Le temps d’amour est insulté Quand on dit que les heures sont brèves. »

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« Je suis né1… » Jacques Baron, repères biographiques par FWjh_Y[ 7bbW_d et =WXh_[b FWhd[j « Je suis né le vingt-et-un février dix-neuf cent cinq dans le deuxième arrondissement de Paris et je n’ai pu trouver la bonne rime en INQ. Je me demande ce que je fais ici. » J. B.

1905

Le 21 février dix-neuf cent cinq — Naissance à Paris de Jacques Émile Baron, fils de Charles François Théodore Baron (né le 29 janvier 1871 à Nantes) et de Marie Henriette Olivier (née le 29 juin 1869 à Paris). Son frère, Charles François Henri, est né le 15 septembre 1900. Sa sœur, Suzanne Émile Henriette, née le 30 octobre 1896, est décédée le 26 février 1903. Charles François Théodore Baron, propriétaire d’immeubles dans le quartier des Batignolles, « vend des bronzes d’éclairage puis s’occupe d’une entreprise de confiseries avant de devenir relieur ».

1909

La famille s’installe à Nantes ; Jacques Baron passe à partir de 1909 son enfance dans une propriété située sur les bords de l’Erdre, Le Port-Guichard.

1910

Il fréquente l’école paroissiale Saint-Donatien à Nantes. Dès son plus jeune âge, il passe ses étés en Bretagne à Saint-Pierre-Quiberon, chez son oncle Ludovic, en compagnie de ses cousins.

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1911

Décès de son grand-père, François Théodore Baron, né au Pallet (Loire-Atlantique) le 28 octobre 1842. Il fut boulanger avant de se reconvertir dans le commerce de ce « coquin de muscadet » pour lequel les frères Baron gardèrent un goût marqué.

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1914

Charles François Théodore Baron, lieutenant d’infanterie, est mobilisé à Rouen. Par la suite, il est fait prisonnier à Charleroi.

1916

Libéré pour raison de santé, le père de Jacques et François est expulsé en Suisse et placé en camp d’internement à Glion, près de Montreux. Jacques reprend sa scolarité au collège de Champittet à Lausanne.

1917

Jacques poursuit ses études au collège SaintJean à Fribourg.

1918

La famille Baron revient à Paris et Jacques prend le chemin du collège Sainte-Marie de Monceau.

1921

Jacques Baron habite chez ses parents au 54, rue de Sablonville, à Neuilly. Par l’intermé-

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diaire de son frère qui fait son service au 104e régiment de Latour-Maubourg, il fait la connaissance de Marcel Arland, de Roger Vitrac, de René Crevel, de Max Morise et de Georges Limbour. François communique à ses amis militaires les poèmes de Jacques. 14 avril — Après la manifestation Dada à l’église Saint-Julien-le-Pauvre, Vitrac présente Jacques à Louis Aragon. Juillet — Jacques réussit son baccalauréat ès lettres ; il commence à préparer son baccalauréat de philosophie. Novembre — Le premier numéro d’Aventure fondé par Arland, Vitrac, Crevel, Morise et Limbour paraît avec la collaboration de Jacques Baron. Il y publie ses premiers poèmes : « Fête » et « Bilboquet ». Décembre — À la galerie Six, Jacques découvre l’œuvre de Man Ray et rencontre Paul Éluard. Le premier numéro d’Aventure suscite une lettre d’André Breton ; celui-ci y exprime son désir de faire la connaissance de Jacques Baron. La rencontre a lieu durant ce mois.


1922

Jacques Baron se lie d’amitié avec Philippe Soupault. En pleine rébellion, le jeune homme se sauve du collège Sainte-Marie de Monceau. Il remet son sort entre les mains d’André Breton qui l’héberge quelques jours, mais ne peut garder à son domicile plus longtemps un mineur sans doute recherché par la police. En compagnie d’Aragon qui l’aide à vivre, il erre pendant huit jours. Le jeune poète fréquente des établissements comme la Rotonde, le Dôme et bien sûr Le Bœuf sur le toit dont il deviendra un familier. Mais ses virées avec Aragon et Drieu La Rochelle l’entraînent également au bordel : au Sphinx d’abord, mais aussi dans des lieux plus canailles rue des Moulins ou rue Blondel. Jacques loge alors dans un hôtel près de Barbès. Aragon parvient toutefois à négocier sa réconciliation avec son père qui accepte de ne pas le mettre en pension. 10 février — Jacques Baron contresigne le texte d’André Breton, Le Cas Tzara, rédigé au sujet du Congrès de Paris. Jacques est maintenant élève d’un cours privé. Mars — Il collabore à la revue Littérature, nouvelle série, dans laquelle il publiera une dizaine de textes. Il fréquente le café Certa et partage le quotidien des futurs surréalistes. Jacques abandonne ses études et débute la rédaction d’un roman à caractère autobiographique, Monsieur Bag. 10 mai — Lettre de Jacques Baron au couturier et mécène Jacques Doucet qui achète certains de ses manuscrits : « Je ne sais comment vous remercier de tout ce que vous faites pour moi. » 25 juin — Jacques Baron signe, avec Breton, Crevel, Desnos et Aragon, une « lettre collective » au Figaro contre le journaliste Paul Souday accusé de salir la mémoire de Baudelaire. Dans les colonnes de Littérature, un différend oppose Baron à Soupault à propos de son ouvrage Westwego : « Je ne voudrais pas dire de mal de ce livre. Je n’en dirai d’ailleurs pas, mais

je voudrais bien retrouver en Philippe Soupault le personnage de Chansons, l’espèce d’humour qu’il sut créer et qu’il abandonne trop pour un mirage ridicule. » Octobre — Jacques Baron bénéficie à nouveau de l’aide de Doucet qui acquiert le manuscrit des Voyageurs debout que son auteur présente comme « une pièce ni drôle ni tragique qui puisse plaire par une poésie en général plutôt que par la qualité de certaines images afin que le lecteur, ou peut-être le spectateur, puisse y trouver un plaisir exempt de toutes conceptions intellectuelles ». Jacques Baron apparaît parmi les protagonistes des Pénalités de l’Enfer ou Nouvelles Hébrides de Robert Desnos où le poète met en scène ses amis. Durant la période des « Sommeils », Baron qui se montre trop indifférent à cette activité est écarté momentanément. 17 novembre — Dans sa conférence de Barcelone, « Caractères de l’évolution moderne et ce qui en participe », Breton déclare : « Avec Jacques Baron, qui a dix-sept ans, (et dont les yeux recèlent une parcelle très précieuse de cette aube qu’un autre enfant a tenue dans ses bras), il est impossible de ne pas engager encore davantage le futur. »

1923

Au nom de Doucet, Breton demande à Tzara de rédiger un mémoire sur les événements littéraires auxquels il a participé et de faire le portrait de certains protagonistes, dont celui de Baron. Jacques Baron remet le manuscrit de L’Allure poétique à Aragon. Février — Jacques Baron séjourne en Allemagne, à Bonn, où il a noué une relation amoureuse. Pensant profiter du cours avantageux du mark, il propose à Péret de négocier l’achat de papier pour l’impression de l’un de ses manuscrits. La famille Baron sans nouvelles de Jacques s’inquiète, d’autant que celui-ci, d’après son frère, envisage à son retour d’Allemagne de se livrer au trafic de cocaïne.

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