Rotraut

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Pour Rotraut

Tu es toujours en proie à l’espère du signe Venu d’un grand espace qui résorbe le temps Et ta main haut levée sent fluer les fragrances D’un futur antérieur où se complaît ton art Et parfois tu demeures le témoin éjoui D’un miracle pareil à celui qui opère Sous les arches du pont d’un immense arc-en-ciel Sous lequel et quel jour tu rêves de passer Avec tous tes tableaux tes sculptures et tous ceux Qui tout en étant d’ici projettent vers l’ailleurs De leurs travaux en cours le plus vrai du meilleur

André Verdet Mai 2002, Saint-Paul de Vence



Hymn for Rotraut

Thou art ever at the forefront in hope of the sign Come from an infinite void that absorbs all of time And thine upraised hand senseth the perfumed breath Of a future already past where thine art is pleasured And where at times thou dwelleth the joyful witness Of a miracle like unto what comes into being Beneath the bridging arches of an immense rainbow Beneath which on that day thou dreameth to pass With all thy paintings thy sculptures and all those Who while here present cast toward the world beyond The truest of the best of their daily labors

AndrĂŠ Verdet May 2002, Saint-Paul de Vence


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Prelude

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There’s his incandescent blue in the transparent coffee table he invented. A few objects he re-imagined alongside some large monochromes where a forest of nails sketch shapes that shift in the play of shadow and light. And in the corner of one bookcase, there’s a colorful, joyous ballet of dancing forms by the lady of the house. These paintings, sculptures and watercolors all interact intelligently. Which is natural since they represent a sort of family reunion, a silent conversation between Rotraut and the artists in her life and heart. Yves Klein of course, but also her brother Günther Uecker, eight years her senior. I quickly realize that, around the core trio of Yves Klein, Günther Uecker and Rotraut, a galaxy of artists exists: Yves Amu Klein, Yves’ son; David, Georges and Loraine Moquay, the children she had with Daniel Moquay. Each exploring their path in different artistic fields: painting, sculpture, photography, multimedia. As if the language they share lay beyond the multiple languages — French, German, Spanish, English — they have encountered, inherited, chosen or picked up along the way. A language of signs, shapes, images, colors and materials approaching the Universal. It’s the same in painting and art as in literature. The artist hoes her own row, makes her own inner journey. She seeks and questions. She creates in order to understand the world and herself, to combine childhood memories with her yearning to create. To renew the connection. “I know myself through what I do,” states Rotraut. “I believe art is connected to my personal memory as well as ancient memory.” Rotraut’s work would certainly be different without her primitive, untamed relationship to nature, or without her tormented youth. Every story fits into a geography that’s often disrupted by History.


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Your whole life, you must keep looking at things through the eyes of a child.


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Il faut voir toute la vie comme lorsqu’on était enfant.


Ouverture

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J’ai rencontré Rotraut dans l’appartement de la rue CampagnePremière où elle vécut jadis avec Yves Klein. La présence de Klein n’y est pas obsédante mais elle y est réelle. Son bleu incandescent dans la transparence de la table basse en verre dont il est l’inventeur. Quelques objets repeints par son imaginaire voisinent avec de grands tableaux monochromes sur lesquels une forêt de clous dessine des formes qui varient au gré des jeux d’ombre et de lumière. Sur un coin de bibliothèque, un ballet coloré, joyeux de silhouettes dansantes signé de la maîtresse des lieux… Toutes ces peintures, sculptures, gouaches sur papier voisinent en bonne intelligence. Normal, puisqu’elles sont une sorte de réunion familiale, un conciliabule silencieux entre Rotraut et les artistes qui sont dans sa vie et dans son cœur. Yves Klein, bien sûr, mais aussi Günther Uecker son frère de huit ans son aîné… Je comprendrai très vite qu’autour du trio premier — Yves Klein, Günther Uecker et Rotraut — s’organise une galaxie d’artistes : Yves Amu Klein, fils d’Yves, David, Georges et Lorraine Moquay, nés de son mariage avec Daniel Moquay. Chacun explorant sa voie dans différentes disciplines artistiques, peinture, sculpture, photographie, multimédia. Comme si le langage commun se situait pour eux au-delà des langues multiples — français, allemand, espagnol, anglais — traversées, héritées, apprises sur le tas, choisies. Un langage de signes, de formes, d’images, de couleurs, de matières tendant vers l’universel. Il en est de la peinture, de l’art, comme de la littérature. L’artiste creuse son sillon intime, mène sa quête profonde. Il cherche et se cherche. Il crée pour comprendre le monde et pour se comprendre, pour faire cohabiter dans l’harmonie sa mémoire d’enfance et son désir de création. Pour renouer le lien. « à travers ce que je fais, je me connais », dit Rotraut. « Je pense que l’art est connecté à ma mémoire personnelle et aussi à la mémoire antique. » Sans doute l’œuvre de Rotraut aurait-elle été différente sans son rapport primitif et sauvage à la nature, sans sa jeunesse au cœur de la tourmente. Toute histoire s’inscrit dans une géographie que l’Histoire bouleverse souvent.


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Au commencement ĂŠtait la terre In the beginning was the earth


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Growing up in Germany Germany, 1938. Rotraut Uecker was born on November 27 in Rerik in the state of Mecklenberg-Vorpommern. The infant knew nothing yet of what was happening in Germany nor of the circumstances rocking the world, though her prenatal existence and that of her family must have been quite shaken by the events that year. In March, Austria was annexed by Germany. In July, the Nazis — Hitler had already been at the country’s helm for five years — forbade Jews from certain realms of business and from practicing medicine. In late October, 17,000 Polish Jews were deported. On the night of November 9-10, the sadly infamous “Crystal Night”, assault units used the assassination of a German diplomat in Paris by a Polish Jew as the pretext to burn down over two hundred synagogues, vandalize thousands of shops, kill dozens of Jews and send 35,000 to concentration camps. Rotraut says little about the torment of war. She sometimes mentions the V1 flying bombs the Germans used against the Allies from June ‘44 to March ‘45. Launched from the neighboring coast just north of Rerik, they would tear through the air above her 6-year-old head. She especially remembers the Grands-parents maternels, Schwansee, Allemagne, 1957 ca. Russians arriving when Maternal grandparents, Schwansee, Germany, 1957 ca. she was nine, chasing her family off their homeland. Her father had quit his job before the war to work the land, the only way to survive in those times of scarcity. When Rotraut is asked about the places she grew up — Rerik and, later in 1947, the nearby peninsula of Wustrow on the shores of the Baltic across from Denmark — she grows emotional about her ties to a land she often returns to, with her beloved brother. He and her sister Edita, four years her senior, were born in the castle near Wendorf, today a hotel.


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Une jeunesse allemande Allemagne année 1938. Rotraut Uecker naît le 27 novembre à Rerik dans le land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. De ce qui traverse l’Allemagne et déchire le monde, la petite fille qui voit le jour ne sait encore rien même si sa vie intra-utérine et celle de sa famille ont dû être passablement bouleversées par les événements de l’année. Depuis mars, l’Autriche est allemande. Depuis juillet, les nazis au pouvoir — Hitler dirige le pays depuis cinq ans déjà — interdisent aux juifs de faire commerce dans certains secteurs d’activité et de pratiquer la médecine. Fin octobre, dixsept mille juifs polonais sont expulsés du territoire. Dans la nuit du 9 au 10 novembre, la tristement célèbre « Nuit de cristal », les sections d’assaut prennent prétexte de l’assassinat d’un diplomate allemand commis à Paris par un juif polonais pour incendier plus de deux cents synagogues, saccager des milliers de magasins, tuer des dizaines de juifs et en déporter trente-cinq mille dans des camps de concentration. De la tourmente de la guerre, Rotraut dit peu de choses. Elle évoque parfois ces V1, bombes volantes que les Allemands lancèrent de juin 1944 à mars Rotraut vers 2 ans, Rerik, Allemagne, 1940 ca. 1945 contre les Alliés. Ils partaient de Rotraut at about age 2, Rerik, Germany, 1940 ca. la côte voisine, au nord de Rerik, et déchiraient le ciel au dessus de sa tête d’enfant de six ans. Elle se souvient surtout de ses neuf ans, lorsque les Russes sont venus s’installer, chassant ses parents, son frère, sa sœur et elle de leurs terres nourricières. Le père avait laissé son travail des années de paix pour cultiver la terre, seul moyen de manger en ces temps de disette. Lorsqu’on interroge Rotraut sur les lieux de son enfance, Rerik et, plus tard, en 1947, la presqu’île toute proche de Wustrow, au bord de la Baltique en face du Danemark, elle évoque avec émotion le lien qui la relie à cette terre où elle retourne encore souvent en compagnie de Günther, le frère bien-aimé. Lui et sa


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The house still exists and she claims to still be in love with it. The castle is legendary for her family. Before the war, her father worked there for the owner, looking after the machinery and electricity, which also supplied the village. His maternal aunt was a housekeeper, and got her mother a job. Her uncle was the gardener, which is how her father learned to work the land. When the Russians arrived in 1947, the Uecker family was forced to leave. They started over from scratch on the peninsula 7 kilometers to the west where her father had bought some land. Rotraut likes to mention her father’s gift for finding water with a divining rod, his way of living as close to the land as possible, as well as his talent for invention. For example, for his family and for commercial sale, he designed and crafted sandals out of pieces of wood articulated with strips of leather for increased walking flexibility. She remembers his hours of toilsome work to produce crops in the fertile ground. The soil was hard but for three years, her father and her brother tamed nature and worked wonders. The sea, coastal desert and the forest were her familiar landscapes. “Places always tell a story, she says. Rotraut et sa sœur Edita, Rerik, Allemagne, 1953 ca. Rotraut and her sister Edita, Rerik, Germany, 1953 ca. For me, the sea is like a birthplace. As a girl, I felt safe there, despite the troubled times.” The Ueckers scraped by in spite of their hardships. Rotraut’s close contact with nature enriched her emotions, sensations and relationship to the world. She showed the same concern and respect for plants and animals as her father did. There was no intermediary between her and nature, just a symbiosis which years later would emerge in her works. After three years of hard work and happiness, the Ueckers were forced to leave once more. The Russians requisitioned their house, well, orchard and land which they promised would never be used for military purposes. In exchange, they were offered an equal-sized plot of land wherever they chose.


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sœur Edita de quatre ans son aînée ont vu le jour au château proche de Wendorf, transformé aujourd’hui en hôtel. Une maison qui existe toujours et dont elle dit être encore amoureuse. Le château est pour la famille une figure mythique. Leur père, avant la guerre, y travaillait pour le châtelain. Il s’y occupait des machines, de l’électricité qui alimentait aussi le village. Sa tante maternelle y était gouvernante et y a fait engager sa mère. Son oncle y était jardinier. Et c’est là que son père a appris à cultiver la terre. En 1947 donc, les Russes Famille Uecker-Roeglin, Schwansee, Allemagne, 1930 ca. Uecker-Roeglin family, Schwansee, Germany, 1930 ca. sont arrivés et la famille Uecker doit quitter les lieux. Ils recommencent à zéro sur la presqu’île à 7 km à l’ouest où le père a acheté des terres. Rotraut aime évoquer les talents de sourcier de son géniteur, sa manière de vivre au plus près de la terre, ses dons d’inventeur — il a, par exemple, imaginé et réalisé pour les siens et pour la vente des sandales de bois coupées, articulées par des lamelles de cuir qui donnent une souplesse supérieure de marche. Elle se souvient des gros travaux qu’il avait entrepris pour faire fructifier ses cultures sur ce sol hospitalier. La terre est dure, mais son père et son frère trois ans durant domestiquent la nature et font des merveilles. Ses paysages familiers sont la mer, le désert côtier, la forêt. « Les lieux, dit-elle, vous racontent toujours votre histoire. Pour moi la mer est comme un lieu de naissance. La petite fille que j’étais s’y sentait hors de danger malgré les temps difficiles. » Les Uecker s’en Rotraut et sa sœur Edita, Rerik, Allemagne, 1943 ca. Rotraut and her sister Edita, Rerik, Germany, 1943 ca. sortent malgré les difficultés. De cette fréquentation intime de la nature, Rotraut enrichit ses émotions, ses sensations, son rapport au monde. Elle a pour les


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They decided on Schwansee, a fishing village northwest of Hamburg where her grandparents lived. After attending the College of Fine Arts in Berlin, Günther headed to Düsseldorf. A few years later, he brought his little sister over. She didn’t see her parents or her home back East again for ten years. Cut off from her birthland and daily contact with untamed nature and the elements, Rotraut had to create a world fueled by memory, absence and Rotraut et son chien Struppe, Rerik, Allemagne, 1953 ca. Rotraut and her dog Struppe, Rerik, Germany, 1953 ca. impulse. A world on the fringes of normal standards, schools and the constraints of reality. “Her” world. The unusual upbringing she had away from school surrounded by nature forged Rotraut’s character and sealed her fate. Her path did not lie among books or halls of learning. Rotraut was often punished for being lefthanded, which her teacher in Rerik, like all teachers back then, strove to “correct”. We imagine the nightmare of the teacher’s long rod striking her fingers… As a result, Rotraut withdrew into her own Rerik, Allemagne, 1953 ca. Rerik, Germany, 1953 ca. world where the violence of reality couldn’t reach her. But institutions don’t like daydreamers, and the teacher felt the little misfit would be better off at home. Things got even more complicated when the family moved the first time. The school there was over four miles away, and Rotraut had to go on foot through


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animaux et les plantes la sollicitude, le respect que leur témoignait son père. Entre elle et la nature, il n’y a pas de médiation, juste une sorte de symbiose qui, des années plus tard, s’incarnera dans ses œuvres. Au terme de ces trois années de dur labeur, de bonheur, il faudra à nouveau partir. Les Russes réquisitionnent la maison, le puits, le verger, le terrain qui, les avait-on assurés, ne serait jamais utilisés à des fins militaires. En échange, on leur donne une terre d’égale surface dans un lieu de leur choix. Ce sera Schwansee, un village de pêcheurs au nord-ouest de Hambourg, où résident déjà ses grands-parents. Après l’École des beaux-arts à Berlin, Günther le grand frère s’enfuit à Düsseldorf. Quelques années plus tard, il fera passer la frontière à sa petite sœur qui, pendant dix ans, ne pourra plus retourner à l’Est retrouver ses parents. Coupée du lieu de ses origines, du rapport quotidien à la terre, au ciel, à la mer, à la nature dans ce qu’elle a de simple et de sauvage, Rotraut va devoir Rotraut sur le chemin de l’école (au centre en robe sombre), Schwansee, Allemagne, 1954 ca. s’inventer un univers nourri de Rotraut (center in a dark dress) on her way to school, Schwansee, Germany, 1954 ca. ses souvenirs, de ses manques, de ses pulsions. Un monde en marge des normes, des écoles, des contraintes du réel. « Son » monde. Cette éducation particulière tout près de la nature et loin de l’école forge son caractère et scelle son destin. Elle ne cherchera pas sa voie du côté des livres ou des académies. Gauchère que l’institutrice de Rerik — comme tous les maîtres de l’époque — voulait contrarier, elle a été souvent punie. Vision cauchemardesque de la longue baguette flexible avec laquelle la maîtresse lui tapait sur les doigts… Résultat, elle s’est enfermée dans sa coquille, dans son rêve qui la rendait alors inaccessible aux violences du réel. L’institution n’aime guère les rêveurs. « Mieux vaut qu’elle reste chez elle », conseille l’enseignante qui ne peut intégrer cette marginale. Lors du premier déménagement, les choses se compliquent encore car l’établissement scolaire est à 7 km, distance qu’elle doit faire à travers bois, à pied dans la nuit,


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ROTRAUT


text by michèle gazier 14

Prelude 22

In the beginning was the earth Growing up in Germany The gates of freedom 64

From earth to sky The Klein years A whole world within Maintaining the connection 122

The paths of creation A second wind Blossoming joy Writing in space Blossoming pain Dreams of phœnix 194

About Rotraut


texte de michèle gazier 14

Ouverture 22

Au commencement était la terre Une jeunesse allemande Les portes de la liberté 64

De la terre au ciel Les années Klein Tout un monde en elle Maintenir le lien 122

Les chemins de sa création Un nouveau souffle Faire fleurir ses joies S’inscrire dans l’espace Faire fleurir ses peines Les rêves du phénix 194

À propos de Rotraut


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Ouverture Prelude


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Prelude

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text by michèle gazier It’s the kind of August day you dream of. The deep blue sky which gave the Côte d’Azur its name, a sea breeze tempering the heat and the road meandering through the back country above Cannes towards Saint-Paul de Vence perched high up in the hills. It’s all there, like on a postcard. To the right, a sign indicates the Fondation Maeght, and, for those who keep driving, the harmoniously winding road with its never-ending twists and turns. Then suddenly, like a colorful mirage appearing far above a curve, huge flamboyant sculptures emerge from the pines. This is what I’ve come here to discover. I’d seen pictures, but never imagined that their presence amid this sumptuous scenery could be so powerful. They are at home in the landscape, standing out against the sky like crisp calligraphy on an endless page. They catch me by surprise, enthrall me, speak to me. They are the work of Rotraut, a German-born artist now living in Phoenix, Arizona. I already knew a thing or two about Rotraut. First, that she was Yves Klein’s widow, and that they had a son who was born two months after his death. I’d seen a few of her works at the Yves Klein Archives, curated by Daniel Moquay, her husband and the father of her three other children. I’d pressed my nose up to the closed door of the Parisian gallery showing her work in May 2011, but managed to snap a few shots through the padlocked windows nevertheless. I recall a ballet of signs and vibrant, colorful dancing shapes that seemed to move of their own volition. It was frustrating to be kept at a voyeuristic distance, akin to what foodies must feel before the window of a bakery they’re not allowed to enter. Sometimes art makes your mouth water. Then suddenly, there they were: the generosity of forms, their opulence and lightness, the play of light along the vast curved surfaces erupting from the landscape with the potency of a spurt of paint or the power of a line traced with a Chinese paintbrush. I wanted to learn more about this artist and the work I’d glimpsed — a language of signs, a secret writing that’s nonetheless directly legible. I met Rotraut in the apartment on Rue Campagne-Première where she used to live with Yves Klein. Klein’s presence there is still real though not overwhelming.


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