COUP DE THÉÂTRE
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SOUS LA DIRECTION DE JACQUES POCHOY ECOLE SPECIALE D’ARCHITECTURE
COUP DE THÉÂTRE LA VILLE EST UN THÉÂTRE
DIPLÔME DE FIN D’ÉTUDES MÉMOIRE POUR L’OBTENTION DU DIPLÔME DE L’ESA GRADE 2
MARINE CHARLOT AUTOMNE 2014
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MEMBRES DU JURY Jacques POCHOY, architecte-urbaniste Philippe GUILLEMET, sculpteur Susanne STACHER, enseignante ENSA-V Henri LEROY, architecte Jean-Claude JALLAT, architecte Marie-Claude BEAUDEAU, présidente du
Comité La Défense Beaugrenelle
Directeur de diplôme Enseignant ESA Enseignant extérieur Architecte DESA -10ans Personnalité extérieure Personnalité extérieure
LES TROIS COUPS Accoudé à la fenêtre, la vie s’active sous vos yeux. Le soleil semble avoir frappé ses trois coups pour que la rue s’anime. Ces quelques minutes s’annoncent encore passionnantes aujourd’hui. Votre point de vue légèrement en hauteur vous permet de plonger dans la chambre du voisin, qui s’engueule avec sa fille en pleine crise d’adolescence. La négociation semble mal menée, elle n’est pas prête d’avoir son premier téléphone portable comme toutes ses copines. Les odeurs qui vous arrivent jusqu’aux narines vous font pivoter la tête quelques fenêtres plus loin. La voisine est en pleine effervescence dans sa cuisine. Elle doit recevoir du monde aujourd’hui pour s’y mettre si tôt. Il est temps d’y aller. Dans l’ascenseur, vous tombez sur le voisin du dessus. Vous vous souvenez que vous avez reçu l’autre jour une carte postale qui lui était destinée. Vous lui proposez de la lui remettre maintenant, il vous attend sur le palier. Sur le pas de la porte de l’immeuble, vous tenez la porte à la dame âgée qui hisse son caddie, et vous remercie en vous scrutant du coin de l’oeil. Rien ne lui échappe, elle connait toute la vie de l’immeuble. Dans la rue, une dame vêtue de couleurs criardes attire votre attention sur le trottoir d’en face. Vous dépassez un homme qui marche lentement en s’amusant intérieurement à suivre de près le mouvement de ses pieds qui longent la ligne de démarcation de la piste cyclable. Des éclats de rire provenant du banc sur votre droite vous font remarquer la jeune femme qui tente de charmer son compagnon à ses côtés. Une autre femme passe devant leurs yeux d’un pas décidé vers la boulangerie. Le pyjama qu’elle n’a pas voulu retirer vous fait sourire. La Seine que vous apercevez au bout de la rue se rapproche de plus en plus. C’est comme si vous y étiez déjà.
Arrêtez-vous un instant et regardez plus attentivement autour de vous. Vous vous apercevrez que votre quotidien est un spectacle. Vous êtes le témoin de cette vie qui se déroule sous vos yeux, des évènements qui s’orchestrent. Ils attirent votre regard, captent votre attention, éveillent en vous des sentiments, des souvenirs, des réactions. Vous êtes le spectateur de spectacle. La société vous donne des rôles, vous vous forgez un comportement en fonction des situations et des personnes avec qui vous êtes. Ainsi, vous êtes aussi acteurs de cette société, des héros du quotidien à votre échelle. Votre masque est cette attitude qui va vous permettre d’entrer dans ce rôle, de vous donner en spectacle. Ce masque est une manière de se mettre en scène dans la société, qui régit vos relations avec l’autre. Lorsque vous sortez de chez-vous, vous franchissez différents seuils qui vous amènent dans l’espace public. Ce franchissement correspond à votre entrée en scène dans la société. Descendre dans la rue, c’est monter sur scène. Ainsi, la rue est une scène où les acteurs vont pouvoir s’exprimer, entrer dans la société, s’y mettre en scène. Ce lieu bien en vue, sous le regard de tous, permet à la théâtralité de l’activité humaine de s’orchestrer. La rue reflète la société par la diversité de ses situations.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
Par le biais de cette fenêtre, on découvre que l’architecture est un décor. Elle sculpte le décor de chaque espace, conçu comme une scène de notre quotidien, en lui donnant une ambiance, une identité. Chacune d’elle doit permettre une multitude d’interactions selon les situations. Elle crée des scènes intimes où l’on va retirer le masque, des espaces pour se retrouver avec soi-même, de protection, mais aussi des scènes où l’on va pouvoir s’exposer dans la société. La façade devient une interface entre l’espace privé et l’espace public. Ainsi, la porte est un élément pivot entre l’extérieur de la rue et l’intérieur de notre chez-soi. Le seuil est cette transition pour se préparer à s’exposer dans la société, ou correspond à notre sortie de scène. La fenêtre, quant à elle, s’ouvre sur l’intimité de chacun, et son rideau cache ou laisse entrevoir. Chacun de ses éléments d’architecture devient donc porteur d’un sens précis, au service d’une mise en scène où l’homme en est l’acteur. Derrière ce décor en effet, il y a la personne, l’enjeu social, qui donne tout son sens à l’architecture. Encore quelques pas pour arriver au bout de la rue et vous débouchez sur la Seine. Son étendue s’offre à vous yeux. Face à vous, le Front de Seine se dresse. Ses hautes tours forment un nuage au-dessus de la ville. Au milieu, au niveau de la rue, le nouveau centre commercial Beaugrenelle se dessine comme une percée dans ce front pour rejoindre le 15ème arrondissement. Ce temple de la consommation sonne les trois coups d’une pièce tragique. Promesse d’un nouvel avenir pour le quartier en reconstruisant l’ancien centre commercial des années 60’ qui périclitait et désertait le quartier, il semble perpétuer un échec. Il dresse une façade trompeuse d’une centralité qui s’éloigne de la vie locale et tente de cacher les dysfonctionnements du Front de Seine qui l’encercle, dont la particularité est que l’espace public n’est plus une rue mais une dalle. Comment notre perception de la ville peut-elle nous donner les clefs pour faire fonctionner un espace public tel que la dalle du Front de Seine? Le théâtre est le lieu par excellence où la société se met en scène, où le spectacle n’est pas sur la scène mais dans la salle. Un théâtre au Front de Seine sera le prétexte pour créer une activité sur la dalle, et ainsi ces évènements viendront orchestrer la mise en scène de cet espace public. Ce théâtre lèvera le rideau sur un avenir pour le quartier en donnant un nouveau visage au Front de Seine. Avec cette intervention simple, et une visibilité stratégique, ce théâtre ne modifiera pas l’aspect du Front de Seine, mais en changera son sens, lui permettra de fonctionner. Le quotidien pourra se donner en spectacle et la dalle s’animera pour laisser place à la théâtralité de l’activité humaine.
LES TROIS COUPS
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LA RÈGLE DU JEU VOIR AU-TRAVERS DU MASQUE Le masque est un objet physique que l’homme fabrique pour l’aider à se glisser dans un nouveau rôle, à devenir quelqu’un d’autre. Cet objet peut nous aider à nous positionner dans une certaine attitude, pour sortir de notre réalité, et entrer dans un imaginaire où le champ des possibles devient plus vaste, pour aller plus loin dans nos capacités. Le masque n’est pas qu’un objet physique, mais l’attitude de l’objet en tant que tel. Derrière ce masque, il y a ce comportement que l’on se forge pour entrer dans notre rôle que nous donne la société. Le masque se revêt mentalement au quotidien. Le tableau Les Amants de Magritte illustre au-travers de ses deux amants ce masque du quotidien. Il nous permet de découvrir l’autre au fil de la relation, de se mettre à sa place pour mieux le comprendre et partager son vécu. Porter un masque, c’est se glisser dans le masque de l’autre. De plus, ils nous montrent qu’ils voient au-delà des masques qui forgent leurs rôles, ce qu’il y a derrière le masque de l’autre. Ils se voient différemment. Ainsi, on comprend que l’on a une autre vision de chacun derrière son masque et que retirer son masque permet d’avoir une vision différente des choses. Ce mémoire propose l’espace de quelques lignes d’ôter ce masque pour mieux le remettre. De marquer un temps d’arrêt dans notre quotidien afin de regarder différemment le monde qui nous entoure. Ce masque est le fil rouge conducteur du mémoire, les lunettes au-travers desquelles on va regarder la ville.
En regardant la ville comme un théâtre, notre compréhension de la ville et de son fonctionnement change. Notre perception de la ville est modifiée, et elle nous donne les clefs pour aborder une manière de la concevoir, de la mettre en scène. Ce mémoire tente de regrouper ces clefs, et le projet tentera de les mettre en pratique dans sa réalisation.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
Les Amants, Magritte, 1928
LA RÈGLE DU JEU: VOIR AU-TRAVERS D’UN MASQUE
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PROGRAMME
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LES TROIS COUPS
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LA RÈGLE DU JEU: VOIR AU-TRAVERS DU MASQUE
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PROGRAMME
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ACTE PREMIER L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR.
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Scène 1 - L’endroit du décor a. La façade b. Une utopie réalisée Scène 2 - Composition du décor a. Planter le décor b. Un décor figé Scène 3 - L’envers du décor a. Le sens de l’architecture b. Un premier plan qui en cache un autre c. Détournement de plans
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ACTE SECOND LA RUE EST UNE SCÈNE.
44 44 46 48 52 52 56 62 64 64 66 68 70
Scène 1 - Le théâtre est dans la rue a. Quand la rue est devenue théâtre b. Les couleurs de chaque tableau c. La signalétique comme point de fuite Scène 2 - Entrée en scène a. Le chez-soi : loge d’une préparation b. Les seuils : coulisses d’un changement d’attitude c. L’espace public : montée sur scène Scène 3 - Quand la rue devient dalle a. La dalle porteuse d’un nouveau mode de vie b. Le Front de Seine, un théâtre fantôme à réanimer c. Affiche d’un nouveau spectacle d. Une rue sur dalle
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ACTE TROISIEME LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE.
82 82 84 86 90 92 92 96 98 100 102 102 104 106 108
Scène 1 - Les rôles du quotidien a. Porter un masque: simulation et dissimulation b. Retirer le masque: dévoilement c. Les acteurs du quotidien d. Jeu de société Scène 2 - Mise en scène de la société a. « Le monde est un théâtre» b. Regarder la ville c. Voir et être vu d. Jeux scéniques urbains Scène 3 - Mise en abyme du théâtre a. Le théâtre, un instant hors du temps : hétérotopie? b. L’acteur devient spectateur de sa propre réalité c. Le prétexte du théâtre: théâtralisation esp. public d. Le Pari(s) de la dalle
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BIBLIOGRAPHIE
PROGRAMME
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ACTE PREMIER
L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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LA FAÇADE L’APPARENCE ARCHITECTURALE
L’architecture est le décor de nos villes. Cet ensemble de pleins et de vides s’ordonne pour laisser place à la vie qui s’y déroule. Par sa volumétrie, elle s’insère dans une organisation et un réseau de circulations. Ses façades tracent des limites entre un espace public et un espace privé. Lorsque l’on se promène, chaque façade ajoute sa pierre à la composition de ce décor qui évolue au cours de notre avancée. Un paysage se forme, il façonne notre perception de la ville. Chacune d’elles s’offre à notre regard comme entité dans ce paysage. Elle nous donne une première impression d’un bâtiment, comme lorsque l’on rencontre quelqu’un. C’est sa partie apparente, exposée à la ville. Derrière, nos chez-soi se laissent découvrir, s’entrevoir. Par leurs ouvertures, ils viennent créer un dialogue avec la ville qui les entoure. Ils animent ce décor de la ville, lui donne une profondeur. «La façade est la première chose que l’on voit, c’est la surface d’un bâtiment. Elle peut être imposante, superficielle, ou encore évoquer une certaine sécurité urbaine. J’ai toujours aimé parcourir la ville, errer au fil des rues, observer et imaginer ce qui se cache derrière les murs... une lueur derrière un volet entrouvert, un bruit à-travers une fenêtre, des rires et des larmes, anonymes, comme un numéro sur une porte. Tout peut paraître étranger, faire naître l’angoisse comme la curiosité; il s’agit là d’une errance dans une ville que l’on ne connaît pas, d’une première rencontre où tout est à construire. Que se passerait-il si nous restions sur cette première vision? Si du quotidien de l’ «autre» n’en ressortait qu’un décor? Une vision d’un monde inconnu qui ne serait qu’une image, sans espace intime, l’apparence pour seul refuge.» Zacharie Gaudrillot-Roy Ainsi, l’architecture crée un décor qui participe à la mise en scène de la société. Au-travers de ces façades qui s’exposent à la ville, nous nous exposons dans la société. Elles créent des ambiances, sculptent le décor de chaque lieu, qui devient ensuite une scène pour la société. Ainsi, fréquenter tel endroit, habiter dans tel quartier, etc fait référence à une scène particulière. Chaque lieu acquiert une identité aux yeux de la société. Au fil des siècles, les façades évoluent, et portent la vision des différents théories architecturales. Dans le Mouvement moderne, la façade est repensée. Elle n’est plus porteuse, et permet donc une plus grande liberté dans sa conception. Le Corbusier la qualifie de façade «libre». L’architecture étant à l’époque l’adéquation entre la forme et la fonction, la façade doit donc traduire cette fonction. C’est ainsi que le Mouvement moderne fait «tabula rasa» et se libère de tout ce qui a été réalisé durant les époques antérieures. Il en est de même pour l’ornementation, considérée comme un crime d’après Adolph Loos1. Elle n’a plus lieu d’être, étant considérée comme du superflu, de l’inutile, et donc du temps et de l’esprit gâché 2. L’essentiel est la matière de chaque matériau qui va 1 - 2 LOOS Adolph, Ornement et crime, Editions Payot et Rivages, 2003 3 - 4 AMY Sandrine, Les nouvelles façades de l’architecture, Appareil, n° spécial - 2008
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SCÈNE 1 L’ENDROIT DU DÉCOR
Zacharie Gaudrillot-Roy, FAçades
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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composer l’intérieur. Ainsi, ils ne l’ont jamais éradiquée, mais réduite au minimum 3. Loos concevait la façade comme «une enveloppe austère et froide qui dissimulait la vie privée. Rien ou presque ne devait filtrer derrière ce masque d’anonymité, de moralité et de respectabilité»4. Ainsi, la façade n’a plus un rôle d’exposition dans la ville, mais plutôt de dissimulation de tout ce qui se passe derrière cette façade. Le Front de Seine dans le 15ème arrondissement de Paris est un exemple de la concrétisation des théories de ce mouvement. Les tours en sont sa réalisation, où leur noyau de circulation est porteur de l’ensemble, leurs hauteurs sont similaires et les façades neutres et répétitives témoignent d’une volonté de supprimer toute hiérarchie et de garder un anonymat au-travers de l’apparence architecturale. Adolph Loos souligne là aussi un point essentiel: «Aujourd’hui, ce n’est pas seulement au moyen de la chaîne de montre en toc ou de l’installation intérieure tous en imitations, mas c’est aussi au moyen d’habitation, du bâtiment d’habitation que chacun veut se faire passer pour plus haut qu’il n’est»5. Loos explique en effet que ce rejet pour cette ornementation réside dans l’abus que l’on en fait, en voulant montrer à tous une certaine supériorité sociale. Il est présent autant sur la façade, que dans les intérieurs où l’ornement veut en jeter plein la vue. Ainsi, c’est cette hiérarchie de la société, qui transparaît notamment par l’architecture, qui est remise en cause. Cependant, derrière les propos de Loos, on comprend que la façade est surtout porteuse d’intégration sociale, malgré ses abus. Elle permet de donner à chacun une certaine dignité. Une neutralité de l’architecture me paraît conduire à une neutralité de décor, et ainsi à neutraliser la mise en scène de la société, où tout le monde serait l’égal de l’autre. Il n’y aurait plus de véritable jeu de société. L’architecture est donc un décor, un masque, que l’on orne pour contribuer à la mise en scène de la société. Ainsi, cette façade a donc un rôle important car elle véhicule un message aux yeux de la société, elle forge une apparence. C’est ce même masque que l’on retrouve au quotidien dans l’attitude de chacun. Cette apparence est importante, car elle est porteuse d’intégration sociale. Mais l’essentiel reste ce qu’il y a derrière le masque, et comment va-t-on donner de la profondeur à ce masque pour qu’il ne reste pas qu’une apparence.
5 LOOS Adolph, Ornement et crime, Editions Payot et Rivages, 2003, p.38
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SCÈNE 1
L’ENDROIT DU DÉCOR
Zacharie Gaudrillot-Roy, FAçades
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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UNE UTOPIE RÉALISÉE HISTORIQUE D’UNE OPPORTUNITÉ UNIQUE
Le Front de Seine du 15ème arrondissement de Paris est caractéristique du Mouvement Moderne, et plus précisément de l’urbanisation par dalle dans les années 60. Processus de fabrication de la ville moderne, il est porteur d’un rêve devenu réalité. Pour mieux comprendre l’ampleur de cette opération, il est intéressant de revenir sur l’histoire du quartier. À l’extérieur de l’enceinte des Fermiers Généraux, la plaine de Grenelle, à l’origine agricole, se lotit au début du XIX ème siècle avec le lotissement Violet. En parallèle de cette petite ville nouvelle qui se développe, les terrains inondables du bord de Seine accueillent les industries et deviennent un port fluvial en 1825. Le quartier devient populaire, attirant les ouvriers de ces industries. Après la Seconde Guerre Mondiale, une grande opération de rénovation est lancée à Paris dans les années 60-70. Pour faire face aux destructions de la guerre, et à une demande forte de logements, il faut construire très rapidement et avec peu de moyens. Les procédures administratives sont simplifiées, la standardisation des matériaux et l’industrialisation de la construction favorise et accélère les initiatives. Ainsi, les industries sont délocalisées, comme sa population ouvrière qui se déplace à l’extérieur de Paris. Ces grandes parcelles inoccupées deviennent une opportunité unique pour tout raser et construire une vaste opération porteuse de la vision du futur de Paris. Suite à des réflexions sur les secteurs de Paris à rénover, le Front de Seine est dans la ligne de mire du plan d’urbanisme directeur (PUD). La ville de Paris, au-travers de la SEMEA XV (Société d’Économie Mixte d’Équipement et d’Aménagement (public), auparavant Compagnie Foncière CFXV (privé)) commande une opération de rénovation publique. Elle est confiée à l’architecte Henry Pottier, associé avec l’architecte Raymond Lopez, dont Michel Holley remplacera après son décès et deviendra l’architecte en chef. Ils seront à l’origine de l’ensemble du projet, et des premiers bâtiments. Les autres seront réalisés par des architectes de la SEMEA XV, puis sur concours. Derrière le programme du projet et les logements sociaux, qui souhaite créer une mixité sociale, on commence à se questionner, quelques années après, sur l’impact de l’opération et à dénoncer le processus de gentrification qui s’opère.
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SCÈNE 1
L’ENDROIT DU DÉCOR
zone industrielle avant l’opération du front de seine
insertion du front de seine, rue urbanisme, 1963
de gaulle (centre), avec H. Pottier (gauche), et p.sudreau (droite) devant la maquette en 1959 ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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NOUVELLE CONCEPTION DE LA VILLE ET DE LA SOCIÉTÉ
Cette opération du Front de Seine concrétise un nouveau mode de vie, une nouvelle manière de penser la société et la ville. Elle est la concrétisation même du Mouvement Moderne. Il est avancé par le principe de l’autonomie qui voit le jour à la fin du XVIII ème siècle. Les éléments de la ville ne sont plus reliés, il n’y a plus de hiérarchie dans l’architecture. Cette théorie révolutionnaire à l’époque rejetait, au delà de l’architecture et de l’urbanisme, la société de l’époque. Puis ce Mouvement moderne se concrétise entre les deux guerres, avec la Charte d’Athènes en 1933, rédigée lors des CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne). Ses grands principes sont établis, qui ont été appliqués au Front de Seine. On y retrouve les différentes fonctions qui organisent la ville, à savoir habiter (les tours), circuler (la dalle et la sous-dalle), travailler (les immeubles bas), s’articulent ici verticalement, créant un zoning vertical. La ville est gérée sur plusieurs niveaux. «La première génération des architectes modernismes a conféré à la forme un pouvoir de transformation du monde, et a nourri l’espoir que le changement social accompagnerait une esthétique novatrice»1. Ainsi, ils dessinent leur nouvelle vision du monde, et concrétisent leurs utopies. «La fonction dicte la forme , il n’y a plus de symbole»2. Ce mouvement se détache du contexte existant pour se permettre plus de libertés dans l’architecture. Il a donc été nourri par de nombreuses utopies, porteuses d’une nouvelle manière de penser et construire la ville ainsi que le mode de vie des habitants en réponse à l’évolution de la société. Il est porteur d’idéaux égalitaires, qui se traduisent par l’architecture. Il se veut être en opposition avec la société hiérarchisée de l’époque, en supprimant toute hiérarchie dans l’architecture. Elle n’est plus la création pour une élite mais une production de masse pour le plus grand nombre. Les tours, étant toutes de même hauteur (98m pour 30 à 32 étages), montrent cette volonté d’égalité et de supprimer toute hiérarchie, notamment par leur uniformisation selon un gabarit de tour-type. Le Front de Seine est un des premiers projets de rénovation majeure à Paris où cette capitale devait être restructuré en majorité par des grands ensemble desservis par des voies express. Parmi les projets de la même ampleur, on peut citer Les Olympiades, la Défense et la dalle Montparnasse qui sont des témoins de cette époque. Ainsi, le Front de Seine se dresse comme un nuage au-dessus de la ville et porte, au-travers du Mouvement moderne, l’idée d’une nouvelle mise en scène de la société au-travers de sa manière de concevoir la ville.
1- 2 GUIBET LAFAYE Caroline, L’architecture de la Postmodernité: de la forme au symbole
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1
L’ENDROIT DU DÉCOR
charte d’athènes: habiter, travailler, circuler
COUVERTURE DE PARIS MATCH EN 1967 ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
Rive Gauche
Novotel (ex Nikko)
Reflets
Totem
Flatotel
Avant-Seine
Le Village
Hachette
Seine
Evasion 2000
Mars
Mercure
L’ENDROIT DU DÉCOR
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
1973 1971 1974 1970 1970 1975 1973 1977 1977 1976 1979 1975 1974 1973 1979 1990 1970 1975 1976 1972
Mirabeau
MM. POTTIER, PROUX, DAUFRESNES MM. POTTIER, PROUX MM. POTTIER, PROUX MM. POTTIER, PROUX MM. POTTIER, PROUX M. JC. BERNARD MM. JALLAT, PROUX MM. LAURENTI, PECOUD M. H. BERNARD MM. LE BAIL, PENVEN MM. ANDRAULT, PARAT MM. MAURY, PROUX MM. POTTIER, PROUX CHOQUE MM. POTTIER, PROUX M. PROUX MM. LE BAIL, PENVEN M. GREGOIRE MM. POTTIER, PROUX MM. DELAAGE, TSAROPOULOS MM. LE MARESQUIER, HECKLY
Espace 2000
8.056 m² bureaux 200 logements 200 logements 200 logements 9.625 m² bureaux 295 logements 180 logements 203 logements 256 logements 784 chambres 208 logements 200 logements 200 logements 180 logements 192 logements 31.109 m² bureaux 432 logements 234 logements 202 logements 39.670 m² bureaux
Perspective 2
Cristal
Beaugrenelle
Perspective 1
Panorama
Tour Mercure B1 Tour Evasion 2000 H2 Tour Mars H3 Tour de Seine H4 Immeuble Hachette B5 Tour Avant Seine H6 Immeuble Le Village H7 Tour Flatotel H8 Tour Reflets H9 Tour Novotel (ex Nikko) H10 Tour Totem H11 Tour Rive gauche H12 Tour Panorama H13 Tour Perspective 1 H14 Tour Beaugrenelle H15 Tour Cristal B16 Tour Keller H17 Tour Perspective 2 H18 Tour Espace 2000 H19 Immeuble Mirabeau B20
Keller
SCÈNE 1
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PLANTER LE DÉCOR La façade d’un bâtiment est son décor, sa face apparente. Il se dédouble en plusieurs épaisseurs qui lui donne sa profondeur, ce qui lui donne vie. Ainsi, on peut parler d’un décor composé de plusieurs plans, où la façade devient son premier plan, et ce qui se passe derrière, l’espace privé, serait l’arrière-plan. Ces deux plans sont en interaction l’un avec l’autre, mais dialoguent aussi avec ce qui se passe dans l’espace public, devant le décor. Le spectacle ne se déroule pas seulement devant le décor, il habite ce décor. La composition d’un décor est particulière. Il est déterminé par des éléments pleins et des éléments ouverts. Chaque élément va donc mettre en place un lien sensoriel avec la ville. Ce lien fait vivre ce décor, crée un dialogue entre l’espace public et l’espace privé. Ainsi, une ouverture dans ce décor comme une fenêtre crée un lien visuel, auditif, et/ou olfactif. Une porte crée un lien corporel. La circulation engendrée invite au franchissement d’un espace à un autre. Un plafond donne une hauteur à un espace, et donc une volumétrie différente. Un mur crée un lien aussi, que l’on pourrait qualifier de rupture. Il divise un espace en deux, les fait exister séparément. Il empêche une circulation, un lien visuel, etc. Chaque espace est pensé en tant que mise en scène précise. Chaque élément, comme les ouvertures, les fenêtres, les portes, les murs, le sol, la lumière, l’acoustique,... deviennent des outils, que l’on va utiliser pour mettre en scène chaque espace, mais aussi les uns par rapport aux autres. Ils sont au service d’une volonté. Cette composition donne une singularité à chaque décor, à l’espace vécu. L’espace offert est vécu, perçu par chacun à sa manière. Il impacte sur le ressenti de chacun qui se l’approprie différemment. Il en modifie indirectement l’usage. Ainsi, la composition d’un décor est la concrétisation de plusieurs volontés de mise en scène. Ces intentions dictent cette conception, lui donne un sens. L’architecte est le metteur en scène du quotidien.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2 COMPOSITION DU DÉCOR
LE LIVRE, Mallarmé, mise en scène de Jacques polieri, 1967 ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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UN DÉCOR FIGÉ LE COMPLEXE-DALLE
Ce décor du Front de Seine est la résultante de volontés liées à une nouvelle manière de concevoir la ville, ainsi qu’ à plusieurs contraintes liées au site. La dalle est la solution pour faire face à plusieurs contraintes techniques et fonctionnelles. Une vie sur dalle semble être la solution face aux problèmes de circulation en ville et d’améliorer le cadre de vie des habitants. Ce nouveau sol au-dessus de la rue est exclusivement réservé au piéton. En-dessous de la dalle, il est réservé à l’usage des transports dont la rapidité peut être augmentée. Ainsi, le cadre de vie de cet espace public est amélioré. Il est plus approprié au piéton, plus sécurisé et moins pollué. Il offre une meilleure facilité d’accès aux différents lieux de la ville; tout est à portée de main. Surélever le niveau de la ville par cette dalle permet aussi de faire face au caractère inondable de ce site, situé en bordure de la Seine. Les fondations sur pieux, ainsi que la répartition des volumes permettent de contrer les inondations possibles sur ce site. Ainsi, lors d’une inondation, le dernier niveau de parking, construit sur un radier d’un mètre d’épaisseur, est inondé volontairement pour faire contre-poids à la poussée verticale générée par la nappe phréatique. La dalle, qui correspond à un sol artificiel au niveau NGF +38m, est un système assez complexe du fait de sa surface importante (800 mètres linéaires sur 80 à 200m de largeur, soit 12 hectares) et de ses connexions avec les bâtiments. La hauteur des tours est fixée à 98 mètres, et elles possèdent en majorité une «taille de guêpe», c’est-à-dire qu’elles sont construites en porte-à-faux pour réduire leur emprise au sol (de 12m sur 30 à 40 mètres). Les plans de logements fonctionnent selon un dispositif quasiment identique, séparant les pièces de service des pièces à vivre. Le noyau central structurel regroupe l’ensemble des flux verticaux et les tours sont des structures indépendantes. Les bâtiments bas fonctionnent aussi de manière autonome, en reprenant un soubassement, un principe structurel fort, une géométrie simple et une hauteur modérée. L’épaisseur de la dalle de 1,50 mètres est composée de dalles en surface, soutenues par des plots. Les réseaux de câbles passent dans le vide, au-dessus de la couche d’étanchéité. Une structure en béton scandée de poteaux en pyramides renversées (technique des plots) quadrillée avec une trame de 9,45x 9,45 mètres a été retenue comme étant la plus rentable pour construire les parkings. Elle permet de venir s’adapter aux parcelles pour la construction des tours, autonomes structurellement. Ce quadrillage permet de déterminer les différentes phases de l’opération, la construction de la dalle pouvant ainsi se faire par fragments.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2 COMPOSITION DU DÉCOR
étages d’habitations
maison des jeunes crèche
local technique sous-sols
parkings
rue R. Keller
Coupe tour keller
Quai de Grenelle
Rue Emeriau parkings coupe sur la tour evasion 2000 (H2) et la tour de seine (H4)
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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UN PARCELLAIRE QUI CRISTALLISE
Cet ouvrage a nécessité la mise en place d’un statut juridique très particulier. La complexité de l’ouvrage avec ses imbrications et ses superpositions impliquent des statuts juridiques différents sur des niveaux superposés. L’ouvrage appartient en grande partie à une société d’économie mixte d’équipement et d’aménagement, la SemPariSeine, auparavant la SEMEA XV. Derrière cette société, la Ville de Paris est majoritairement propriétaire de l’ouvrage car elle détient une grande partie du capital social. Les droits immobiliers perpétuels ne peuvent pas être cédés aux constructeurs ou aux acquéreurs. Ils obtiennent par contre un droit de jouissance de longue durée et illimité dans le temps. Les baux à constructions sont de 30 ans pour les parkings, 60 et 65 ans pour les édifices de bureaux et de 70 ans pour l’hôtel Novotel. La réception du paiement anticipé des baux a financé l’opération du Front de Seine. Ainsi, sur le long terme, la Ville de Paris récupère l’ensemble des terrains et des constructions, qui démontre une politique de municipalisation des sols. La SemPariSeine est propriétaire de tous les terrains et immeubles n’appartenant pas à des personnes privées (les tours de logement). Elle a la propriété du sol artificiel qui compose la dalle, à usage public, entretenue en partie par les copropriétés. Elle détient aussi les équipements comme les parkings, les aires d’accès aux bâtiments, les espaces verts, les circulations piétonnes et verticales, et les espaces à usage particulier du sol naturel. Les bâtiments bas, délimités par leur emprise au sol naturel, font donc partie de cet ensemble de l’ouvrage-dalle détenu par la SemPariSeine. Les rues sous la dalle appartiennent au domaine public, dont l’emprise volumétrique s’arrête au niveau de la sous-face de la dalle. Ainsi, la Ville de Paris assure, à sa charge, son entretien et sa sécurité. Les tours, quant à elles, suite aux fortes demandes des acquéreurs et promoteurs pour mieux les commercialiser, ne sont pas soumises aux baux à construction. Elles appartiennent à des copropriétés privées. Leur parcelle correspond à l’emprise de leurs fondations, ou leur «taille de guêpe». Cette concession pour céder le partage des propriétés cristallise les tours dans la ville, et empêche une mutation de l’opération ultérieurement, qui a l’origine a été conçue pour une durée de 70 ans. Ainsi, au regard de ce décor cristallisé par les statuts juridiques, comment peut-on transformer ce décor en profondeur en lui donnant un nouveau sens qui lui ouvrira de nouvelles perspectives d’avenir?
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2 COMPOSITION DU DÉCOR
7 : Axonométrie du Front Seine. Annexe 2b: Coupes transversale et de longitudinale de la dalle de Maine-Montparnasse. Imbrication des stauts juridiques
TOURS TOURS bâtiments bâtimentsprivés privés
BATIMENTS BATIMENTS BAS BAS bailà àconstruction construction bail
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DALLE DALLE propriété privée de la SEMEA15 propriété privée de SEMEA 15 d’usage public à usage public
PARCELLAIRE TRAME VIARE
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domaine public de la Ville de Paris
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PARCELLAIRE domaine public de la Ville de Paris imbrication des statuts juridiques, etude réalisée par emmanuelle allaire
Domaine public
Domaine public Dalle Propriété privée
Dalle
Volume déclassé Voie
Voie Propriété privée
statuts juridiques, dans le front de seine, histoire prospective, p.48
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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LE SENS DE L’ARCHITECTURE Le Front de Seine est une utopie du Mouvement moderne réalisée. Derrière son architecture, une vision de la société et de la ville est concrétisée, bâtie. Face à des problématiques de l’époque, c’est une solution réelle qui est proposée ici. Il offre un nouvel espace public par la dalle face à la rue qui est jugée inappropriée pour des raisons d’hygiène et de sécurité. La manière d’habiter la ville est entièrement repensée. Tous les grands principes du Mouvement Moderne s’y retrouvent: l’autonomie (avec ses tours isolées dans un ensemble isolé), l’absence de toute hiérarchie (il n’y a pas de «dominante»: hauteur égale des tours), la séparation des fonctions (l’habitat et le travail), la séparation des circulations (le piéton et l’automobile), le sol dégagé (grâce aux «tailles de guêpes»), l’habitat en hauteur (grâce aux tours), les plans et les façades libres (grâce au maillage de l’opération)1. A mon avis, c’est le point à retenir du Front de Seine, qui rend ce projet remarquable. Il peut, bien-sûr, être critiqué, et aujourd’hui requestionné face à l’évolution de notre pratique de la ville, mais il garde ce mérite de porter des idéaux et sa vision de la ville au-travers d’une réalisation. Au-travers de ce projet, le sens de l’architecture se révèle à nous. En effet, chaque projet devient l’opportunité de concrétiser des idéaux qui font partie de notre vision de la ville. Et ceci face à des contraintes/ demandes à respecter de la part des autres intervenants dans la réalisation d’un projet (structure, rentabilité, contraintes financières, réglementation, etc). Le projet doit réussir à jongler entre ces contraintes pour résister. Il résiste lorsqu’il est porteur d’un sens. C’est l’objectif à ne pas perdre de vue. Un diplôme comme celui-ci permet justement un travail sur soi-même. Il s’agit de décrypter sa pensée, et de comprendre quel sens se cache derrière ce qu’on a conçu auparavant. Ce travail sur soi est une étape primordiale car elle permet une meilleure lisibilité de notre pensée, et ainsi trace un fil rouge conducteur pour le quotidien de notre future vie d’architecte. Il nous donne l’opportunité de trouver le sens de ce que l’on conçoit. Ainsi, chaque entité du projet doit être porteuse de ce sens. Chacune d’elle a un impact plus puissant que celui d’être utile ou fonctionnel pour ses usagers. Un projet va au delà, il porte une vision du monde, de la ville. Ainsi cette prise de conscience permet de mesurer l’impact qu’un projet peut avoir pour ouvrir une nouvelle perspective d’avenir pour un lieu, si petite soit elle. L’architecture est donc bien un décor. Au-travers d’une façade, elle nous livre une apparence architecturale, mais derrière, ce qui fait vivre ce décor est le sens qu’elle porte en elle. Ce projet de théâtre tentera donc d’être porteur d’une vision de la ville, et de la concrétiser au-travers de la conception de son architecture. Chaque élément du projet devra mettre en pratique cette vision. 1 SEMEA XV, Le Front de Seine Paris XVe, Editions Hervas, 1994 p.23
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 3 L’ENVERS DU DÉCOR
la cantatrice chauve, ionesco, mise en page de massin
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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UN PREMIER PLAN QUI EN CACHE UN AUTRE LES PAILETTES DU CENTRE COMMERCIAL
Beaugrenelle est le troisième plus grand centre commercial de Paris. Son ouverture en octobre 2013 a fait l’objet d’un gros coup de publicité dans la capitale. Le projet a consisté à réhabiliter le centre commercial existant, datant de 1978 qui périclitait au milieu des années 2000, puis complètement déserté. Tout le monde s’accordait pour cette réhabilitation qui répondait aux besoins du quartier et devait lui redonner une nouvelle image. Le nouveau Beaugrenelle est trois fois plus grand que l’ancien. S’étalant sur 50.000 mètres carrés, il regroupe cent dix boutiques, un pôle de restauration et un nouveau cinéma. Le projet est porté par les promoteurs Apsys et Gécina, soutenus par la SEMEA XV et la Mairie de Paris. Il s’inspire des grands magasins parisiens. Cependant, on s’aperçoit que le centre commercial dresse une façade trompeuse, où derrière les paillettes, de vrais problèmes sont en jeux. Le centre commercial a engendré des transformations importantes dans le quartier, étant trop grand par rapport à ses besoins. Son impact sur le quartier se retrouve en particulier sur les commerces aux alentours, où plus de 700 emplois ont déjà été détruits ou délocalisés par les promoteurs, que ce soit dans l’ancien centre Beaugrenelle ou dans les bureaux attenants 1 . De même, le centre médical, rare centre de santé conventionné, fréquenté par 30.000 assurés (30% bénéficient de la couverture médicale universelle) est chassé du quartier à cause d’une forte augmentation du loyer. Le centre commercial propose des services en désaccord avec le niveau de vie des habitants. La disparition de la cafétéria pour faire place aux restaurants panoramiques de Beaugrenelle illustre les transformations des lieux de vie du quartier. De même, le cinéma, qui a été agrandi, n’a à peine augmenté son nombre de salles, et les tarifs ont explosé (14 euros la place adulte), et ne suivent plus avec le niveau de vie du quartier. Au cours de l’élaboration de Beaugrenelle, face à son ampleur, les habitants avaient proposé de réduire la surface du centre commercial pour inclure, dans le bâtiment nord où se situe le cinéma, un pôle culturel pour le quartier, avec le cinéma, un théâtre, une école de musique,... Mais leur voix n’est pas toujours prises en compte face aux promoteurs qui n’y trouvent pas les même intérêts. Ainsi, on comprend que la clientèle visée n’est pas vraiment les habitants du quartier, mais ceux du sud-ouest parisien, notamment du XVI ème arrondissement qui se situe de l’autre côté de la Seine. En tirant profil des avantages géographiques du lieu, le projet du centre commercial a permis de profiter d’une situation où la nécessité de réhabilitation étaient une opportunité idéale pour en faire un lieu d’investissement. Cette nécessité a forgé un masque au centre commercial comme raison d’être, et les impacts sur la vie du quartier semblent bien secondaires comparés aux profils à réaliser. Derrière ce masque, c’est la «loi du fric» qui fait des ravages. L’avenir de Beaugrenelle semble en plus incertain, le concept adopté vise une clientèle intermédiaire entre luxueuse et populaire, qui ne semble pas très rentable. 1 - Blog La Défense Beaugrenelle http://defense-beaugrenelle.over-blog.net/
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 3 L’ENVERS DU DÉCOR
Arrière- plan FRONT DE SEINE
Premier plan CENTRE COMMERCIAL BEAUGRENELLE
centre commercial beaugrenelle, Valode & Pistre, 2013
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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UN CENTRE COMMERCIAL DE DOS
Son insertion a été entièrement privilégiée au niveau de la rue pour créer un lien avec le quartier. Il constitue une porte d’entrée sur le 15ème arrondissement. Sa visibilité de la Seine est donc primordiale, il fallait qu’il se remarque dans ce paysage de tours. Ainsi, les entrées principales du centre commercial sont tournées vers la rue, de même que certaines grandes enseignes par lesquelles leur accès se fait directement par la rue. Cette connexion avec la rue est intéressante pour s’intégrer dans le quartier. Cependant, c’est aussi une brèche dans le Front de Seine, qui constitue un véritable front que l’on perce pour ouvrir le quartier du 15ème arrondissement à la Seine. La partie de la dalle qui passait au-dessus de la rue de Linois a été supprimée pour construire le centre commercial. Derrière les promesses de redonner un nouveau visage à la dalle grâce à ce projet, on s’aperçoit qu’il en est tout autre. Lorsque l’on regarde de plus près l’articulation de ce centre commercial avec le Front de Seine, on comprend que ce projet n’a fait qu’une brèche dans la dalle, qui l’a divisée en deux. Le parti pris est de lui tourner le dos complètement. Ce centre commercial est un masque que l’on a bien décoré, qui architecturalement crée les murs de cette brèche au-travers de cette dalle. On la cache pour que ses problèmes ne viennent pas perturber la vie du centre commercial. Il est étonnant de voir à quel point Beaugrenelle tourne le dos à la dalle, et la cache complètement. Elle n’est à peine visible de la rue de Linois. Les tours ne forment qu’un vague paysage entourant le centre commercial. Le centre commercial a donc crée une brèche dans la dalle en la divisant en deux. Il aurait pu justement créer un lien entre la rue et la dalle, mais il en a été fait autrement. Une passerelle relie les deux parties du centre commercial en passant par-dessus la rue. Dans la partie où se trouve le cinéma et les restaurants, on peut accéder à la dalle par une entrée qui est presque de l’ordre d’une sortie de secours. De l’autre partie du centre commercial, on ne peut pas rejoindre la dalle, sauf en passant par des couloirs de service. Cette passerelle n’a donc qu’une utilité pour Beaugrenelle, elle ne fait aucunement transition entre les deux morceaux de la dalle. Le projet du centre commercial ne comprenait à l’origine qu’une seule passerelle, et ne prévoyait pas de connexion entre ces deux morceaux. Les habitants ont dû mener une lutte importante pour enfin obtenir la construction d’une seconde passerelle plus discrète, pour connecter les deux parties de la dalle. Ils ont pu obtenir une voix dans les modifications du quartier. Les arguments avancés ont été de faire appel aux critères d’urbanisme de l‘époque où il y avait cette volonté d’une continuité de la dalle pour aller d’un point à l’autre sans rencontrer de voiture. L’unité du projet était mise en péril, ce qui aurait conduit définitivement à un morcellement de la dalle et son isolement le plus total. Ce centre commercial cache donc la dalle et ses problèmes derrière. Il forme un cache-misère au lieu de traiter les problèmes. Il n’est ni un lien entre la rue et la dalle, ni seulement un point de vue sur le Front de Seine. Ainsi, Beaugrenelle forme un premier plan qui efface le Front de Seine en arrièreplan.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 3 L’ENVERS DU DÉCOR
1
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2ème passerelle : relier les 2 parties de la dalle
passerelle du centre commercial
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morceau de dalle apparent rue de linois
acces de la dalle vers le centre commercial
2 1
3
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schéma des circulations dalle/ centre commercial ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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DÉTOURNEMENT DE PLANS UN FRONT PERCÉ
À une échelle plus large, une autre perception du site se profile. Ce complexe-dalle, porteur du Mouvement moderne, a été pensé comme quartier autonome. Il s’est détaché du contexte pour se donner plus de libertés. Ainsi, les limites du Front de Seine sont fortes: la ville semble stoppée à ses pieds, due à une fracture dans sa morphologie architecturale. Ainsi, il porte bien son nom car il forme un véritable front entre le 15ème arrondissement et la Seine, et par extension avec le 16ème arrondissement de l’autre côté de la Seine. En effet, sa traversée implique de passer sous la dalle, ce qui est peu engageant, tout comme ses accès pour monter sur la dalle qui sont peu lisibles. Il est devenu une frontière physique, alors qu’à l’origine, il se voulait être un vrai balcon sur la Seine. Ainsi, il souffre d’un manque de lisibilité et de signalisation dans le quartier, malgré ses qualités qui lui permettraient de fonctionner. L’ouverture du centre Beaugrenelle a eu un impact important dans la transformation du quartier. Il a contribué à isoler encore plus le Front de Seine en le cachant et ne mettant pas en valeur une montée sur dalle. Il tend à devenir la nouvelle centralité du quartier, en prolongeant la vie de quartier qui s’organise autour de la place Charles Michels vers la rue de Linois. La rue Saint Charles, qui la prolonge en regroupant des commerces, fait l’objet d’une mutation avec la disparition de nombreux commerces de proximité. La Poste, qui était à l’origine située sur la dalle, a été déplacée sur la Place Charles Michels. Ainsi, on constate une mutation des lieux de vie. Il ne reste donc plus de raisons d’y monter, même pour poster une lettre. La dalle a perdu tout attrait qui pouvait l’intégrer aux lieux de vie du quartier, ce n’est plus qu’un jardin où personne ne va. Le quartier de Grenelle devient aujourd’hui le spectacle d’une centralité qui gravite autour du centre commercial. Cependant, même s’il a fragmenté la dalle et que la connexion entre les deux morceaux reste plus compliquée, il a eu le mérite de remettre à ciel ouvert la rue de Linois. Cette percée perpendiculaire au front a pu établir une connexion plus visible et fluide entre le 15ème et le 16ème arrondissement. Il a été conçu comme une porte d’entrée sur le 15ème. TIRER PARTI DE LA SITUATION ACTUELLE
Or, la vie d’un quartier se met en scène autour d’un centre, d’un point de gravité. Pour en faciliter l’accès, les commerces y sont regroupés. Parfois, les centres commerciaux les centralisent en un seul lieu, comme c’est le cas au Front de Seine. Ils tendent à devenir les nouvelles places, mais restent l’objet d’un but précis, on n’y flâne pas. Mon attitude va être de tirer parti de cette situation engendrée par Beaugrenelle pour ouvrir la dalle du Front de Seine au quartier et ainsi donner une nouvelle perspective de lieux de vie dans le quartier. Cette intervention va utiliser cette brèche de circulation (rue de Linois) pour implanter le point de gravité du théâtre, et ainsi lui donner une visibilité. Ce point stratégique sera un carrefour qui permettra de monter sur la dalle pour qu’elle devienne une scène à l’image de la rue. Ainsi, ce sera une percée dans ce premier plan de Beaugrenelle qui occulte le Front de Seine en arrière-plan, pour qu’on le découvre et qu’il s’anime.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
UN FRONT SCÈNE 3 L’ENVERS DUENTRE DÉCORSEINE ET QUARTIER 15ème arrondissement PARIS
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Superposition de plans: le Front de Seine était devenu un véritable front sur la Seine, entre le 15ème et le 16ème arrondissement.
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Changement de perception: avec la percée, le centre commercial devient le premier plan du décor qui cache le Front de Seine en arrière-plan.
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Point de gravité de l’intervention au niveau de cette ouverture crée par Beaugrenelle, et ainsi traverser le premier plan pour faire découvrir le Front de Seine et sa dalleront de Seine. On perce le décor en premier plan pour faire découvrir l’arrière-plan, et qu’il devienneDalle le dudedécor Front Seine de la scène sur dalle.
ACTE PREMIER : L’ARCHITECTURE EST UN DÉCOR
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Maison de la Radio
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
Tour Eiffel
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FRONT DE SEINE
Centre commercial Beaugrenelle
Monoprix
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POINT DE GRAVITÉ/ ENTRÉE SUR SCÈNE Superficie 1540 m² Existant Morceau de dalle visible de la rue de Linois (rue du centre commercial) qui signale discrètement la présence de la dalle Potentiel Position stratégique: circulation importante due au centre commercial Intervention envisagée Entrée principale du «théâtre». Escalier théâtral qui viendrait détourner la circulation existante pour ouvrir la dalle, créer un lien de la dalle à la rue.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
ACTE SECOND
LA RUE EST UNE SCÈNE
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QUAND LA RUE EST DEVENUE THEATRE DE L’AGORA À LA RUE
L’ espace public, lorsque l’on remonte à l’Antiquité, était déjà un lieu de rencontres. En Grèce, l’agora est la place principale de la ville, le lieu où l’on se rassemble et où l’on prend les décisions. Elle a d’abord été le lieu sacré des décisions avec le cercle sacré qui incluait le roi, puis celui de l’Ecclésia où l’Assemblé du peuple citoyen avait lieu. L’agora d’Athènes accueillait un théâtre en bois amovible que l’on utilisait, entre autre, pour les réunions de l’Ecclésia. Il a ensuite été déplacé sur les flans de l’Acropole pour pouvoir y creuser des gradins1. Puis, entre le XI ème et le XV ème siècle, le théâtre avait lieu à l’intérieur des églises. De la même manière que les vitraux racontaient les textes religieux par des illustrations, son rôle était de transmettre ces textes en le faisant vivre. Ce lieu sacré participait à créer le décor de ce théâtre pour mieux transmettre. Ensuite, il s’est déplacé progressivement à l’extérieur de l’église, sur le parvis. Le parvis, étant une esplanade en hauteur, permettait d’attirer un public plus large, et participait à la théâtralisation de la pièce, autant par la distance instaurée par la hauteur du parvis que par le décor imposant de l’église derrière. Le lieu où se jouait le théâtre était très important car il était le décor de la pièce et par sa théâtralisation, avait un rôle bien précis. Il devait avoir l’impact désiré. Le théâtre religieux est ensuite devenu profane, en se retrouvant dans la rue. La rue est le lieu par excellence de la vie en société et le lieu d’expression du quotidien. Il paraît donc logique qu’il s’y soit retrouvé. L’espace public, au-travers d’une rue, d’une place, est un lieu propice pour le théâtre car il permet de s’exprimer librement, et de toucher un public plus large interpellé au passage. Le théâtre de rue trouve sa forme populaire par le public qu’il touche. Le festival d’Avignon se joue dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, mais les lieux de représentations investissent de nombreux lieux dans la ville comme des écoles, gymnases, etc... Mais le spectacle de ce festival reste surtout dans la rue, où tous les festivaliers se retrouvent ainsi que les acteurs qui font la promotion de leurs pièces. En théâtralisant la rue, ce festival transforme la rue en scène de ce théâtre. Chaque scène devient donc une opportunité pour la société de pouvoir se mettre en scène. Ce sont les scènes de la vie quotidienne qui se jouent ainsi. La rue devient une scène. L’architecture qui délimite l’espace public est donc bien le décor qui entoure cette scène et lui permet de l’animer.
1 Wikipédia: Agora d’Athènes http://fr.wikipedia.org/wiki/Agora_d’Ath%C3%A8nes#cite_note-1
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1 SCÈNES DE VIE
FESTival d’avignon, france ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LES COULEURS DE CHAQUE TABLEAU « Pina Bausch était peintre et nous étions les couleurs de ses tableaux », explique un danseur dans le film Pina1 Dans la mise en scène de Pina Bausch, qui a travaillé sur la «danse-théâtre», le danseur/ acteur est au centre de ses compositions. Elle en parle comme des couleurs qui animent ses tableaux. Le mouvement prend une dimension encore plus importante dans ce lien entre la danse et le théâtre, car les acteurs s’expriment par leurs mouvements, et font vivre l’espace. « La réalité apparaît d’un bond sur la scène. Inutile d’essayer de vous cacher, Pina Bausch sait tout de vous. Tout ce que vous n’osez pas voir dans votre vie quotidienne ? Cela défile sous vos yeux, sous la plus simple expression» 2. Ainsi, cette dimension du mouvement est particulièrement importante. Il ne s’agit pas seulement de concevoir des espaces, mais des espaces où les couleurs sont en mouvement. Les couleurs habitent l’espace, et elles doivent être au centre de toute conception. Adolph Loos fait apparaître cette notion de théâtralité dans la conception d’un espace. «En architecture, le travail sur l’espace à trois dimensions ne manque pas d’engendrer une certaine théâtralité qu’on associera aux promesses du mouvement» 3 Ainsi, un espace doit faire l’objet d’une mise en scène pour qu’il devienne scène. Cette théâtralité doit se retrouver dans la conception de chaque espace, comme si l’on crée une pièce dont on n’en maîtriserait pas entièrement le déroulement. L’architecte sera le peintre de chaque tableau, de chaque scène. En concevant un espace, il propose une mise en scène où les acteurs vont venir se la réapproprier. Ils composent le tableau. Ce sont eux qui vont faire vivre cette mise en scène, lui donner ses couleurs. Cette scène ne peut exister sans ses couleurs qui la mettent en mouvement, la font vivre. Les acteurs détiennent la finalité de l’histoire par l’usage qu’ils en feront.
1 Pina, réalisé par Wim Wenders, 106 minutes, couleur. Date de sortie: 6 avril 2011 2 CALAFOL Ernst, « Kontakthof » de Pina Bausch : la réalité d’un bond sur la scène, retourdactu.fr, 14 juin 2013 3 LOOS Adolph, Ornement et crime, Editions Payot et Rivages, 2003, p.18
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1 SCÈNES DE VIE
Kontakthof, pina bausch, 1978
1980, pina bausch, 1980
cafe muller, pina bausch, 1978 ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LA SIGNALÉTIQUE COMME POINT DE FUITE Une rue trace une direction, donne une orientation à notre avancée. Ainsi, un premier plan apparaît, ce qui nous entoure, ainsi qu’une succession de plans qui nous amène vers l’arrière-plan. Il donne un point de fuite vers lequel le décor s’oriente et nous guide. Ainsi, notre avancée est ponctuée d’évènements. Le décor qui défile sous nos yeux participent à cette création d’un évènement. Ainsi, l’ombre et la lumière, la végétation, les pleins ou les vides qui se forment, un point de repère qui surgit, une situation qui a lieu, etc. sont tout autant d’éléments qui vont capter notre attention. Certains sont permanents et donnent un rythme de base; d’autres sont temporels, et viennent créer un spectacle qui se renouvèle en continu au fil de la journée. Ainsi, ils rythment le cheminement, captent l’attention du passant. Ces évènements marquent des scènes qui se forment à un instant t. La rue devient cette grande scène où des évènements ont lieu continuellement au fil des journées. Le travail de Gordon Cullen énoncé dans The Concise Townscape est intéressant car il pense la ville à vue d’oeil d’un piéton. Un plan prend son sens lorsqu’il n’offre pas que la vision d’une organisation globale vue du dessus, mais qu’il est en relation avec les différentes perspectives qui s’offrent à la vue d’un piéton dans ce même plan. Dans son plan, chaque flèche correspond à un évènement dessiné au-travers d’une perspective à côté. De cette manière, les évènements conçus en plan apparaissent et prennent tout leur sens. Le plan prend vie. Ainsi, on comprend que la rue possède sa signalétique. Elle est délimitée par les façades des bâtiments,, et l’axe tracé donne une direction à la déambulation. De plus, elle est ponctuée de points de repère d’après lesquels on peut se situer, comme le clocher d’une église, ou les places qui deviennent des points de rendez-vous. Sur la dalle, l’espace public est différent car il n’a pas de délimitation verticale continue. C’est un grand vide, comme une place qui n’est pas délimitée par les façades, mais par le contour de la dalle. Les tours deviennent les nouveaux points de repère qui oriente cet espace public. Cependant, la signalétique de la dalle est plus complexe, plus subtile. Une signalisation plus ou moins lisible se fait déjà le long d’un axe principal existant, établit par son usage, et souligné par un traitement de sol et lumineux. Mais notre regard n’est pas dirigé, il se perd entre toutes ses tours qui nous encerclent. Comment peut-on capter l’attention du passant, orienter son regard? Comment va-t-on inviter le passant à monter sur la dalle en captant sa curiosité et en lui donnant une direction, comme la rue qui nous guide vers un autre endroit? Quel point de fuite va-t-on créer sur la dalle? Quel fil conducteur? Quelle est la signalétique à adopter pour créer une invitation à découvrir la dalle? Un éclatement du projet face à cette dimenson de la dalle semble donc être une solution pour le rendre visible. Chaque entité devra interpeller le passant et le guider sur la dalle. Ce sont des scènes qui vont suivre le cheminement existant, mais avec une signalétique particulière en étant chacun un point de repère qui va capter l’attention de chacun et l’attirer en devenant le point de fuite de son avancée.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1 SCÈNES DE VIE
THE CONCISE TOWNSCAPE, GORDON CULLEN
Flonville, Wilkinson, Lausanne ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
LA PLACE DU POT D’étain, Élisabeth ballet
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Accès sur dalle
axe principal dalle : LA VILLE EST UN THÉÂTRE COUPde DEla THÉÂTRE
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LE CHEZ-SOI : LOGE D’UNE PRÉPARATION LE CHEZ-SOI
La maison est le lieu où l’on se retire du regard extérieur, et où l’on peut s’isoler du monde. C’est un univers connu, autant par le lieu que les personnes avec qui l’on vit. On se considère « cheznous » car c’est notre point de repère, que nous nous sommes forgés, il nous est familier. Le chez-soi est composé de plusieurs pièces qui ont chacune un degré d’intimité plus ou moins important. Nous avons besoin d’avoir des espaces plus intimes, où personne ne nous voit ou ne nous entend, et où l’on se retrouve face à soi-même. On peut retirer le masque que l’on porte à l’extérieur qui nous permet d’entrer dans un attitude en fonction des situations. Ce masque étant comme une carapace à l’extérieur, l’architecture doit prendre le relais de ce rôle protecteur. Ainsi, le masque se transpose en élément architectural. Cette carapace, autant mentale que physique, devient le chez-soi. Il doit s’accoutumer à la vie qui se déroule autour de lui. Une porte d’entrée entrouverte peut laisser entrevoir des scènes d’une habitation, les pas qui résonnent laissent imaginer le déplacement du voisin du dessus, une fenêtre de chambre donne un aperçu de ce qu’il s’y passe, ... Ainsi, ce sont tout un ensemble d’éléments qui s’orchestrent et nous laissent entrevoir la vie qui se déroule autour de nous, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Notre maison est un endroit très personnel. Elle laisse transparaître beaucoup d’informations sur nous, notre comportement, nos goûts, nos habitudes, notre vécu, nos souvenirs. Les photos, un tableau, la place de notre bureau, les couleurs de notre chambre, ce qu’il y a dans notre réfrigérateur,… sont des traces, des indices de notre personnalité, de notre mode de vie. Ainsi, notre maison est un arrangement de choses. La place des choses résulte de l’usage. Ainsi, nous rangeons les objets pour les avoir tous sous la main, mais en rendant l’espace vivable 1. L’agencement dans une maison est plus ou moins contrôlé. Certaines sont organisées telles des mises en scène utiles ou décoratives, d’autres relèvent de notre inconscient ou ne font l’objet d’aucune importance particulière à nos yeux. Cet arrangement de choses que l’on se constitue, qui nous entoure, est notre petit théâtre. Il crée le décor de notre univers. Ainsi, notre maison devient notre miroir en quelque sorte. Nous ne pouvons que difficilement contrôler cette image que nous donnons de nous quand quelqu’un vient chez nous. Notre maison fait en quelque sorte partie de nous, nous avons besoin de nous identifier à un lieu comme un point de repère. La maison devient donc une empreinte de soi, gravée derrière le masque. Cette empreinte est la plus réaliste d’un visage, même si elle reste toujours un peu différente du visage. L’empreinte est figée, contrairement au visage, où les expressions apparaissent, se dissimulent, disparaissent. Notre chez-soi est l’envers de notre masque. 1 Théorie des maisons, Benoit Goetz, Verdier, 2011, p. 109
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2 ENTRÉE EN SCÈNE
Souvenirs d’Enfance, Le Hall , Un Coin Chez Soi , Bretagne - France
Théâtre du moulin à café, théâtre à l’italienne, Saint-Omer, france
Les Estivants, Maxime Gorki, scénographie emmanuel-clolus, 2010
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LES TOURS D’HABITATION
Le Front de Seine du 15ème arrondissement de Paris est porteur d’une nouvelle manière d’habiter. La dalle conçue dans les années 60 est pensée comme prolongement du logement. Aller faire ses courses, travailler, se promener, ... peut se faire sans sortir du «chez-soi». Etant une entité autonome, elle voulait offrir aux habitants une facilité d’accès, qu’ils aient tout à portée de main. Ces tours ont fait l’objet d’études très précises pour définir une tour-type qui soit la plus rentable et la mieux conçue. Elle a été déterminée tout d’abord par sa parcelle d’occupation en s’implantant visà-vis de la trame de la dalle. Sa taille de guêpe permet de réduire son emprise foncière. Ce modèle est autonome structurellement. Un rapport a été établi entre le noyau des distributions verticales et la répartition des appartements. Le gabarit le plus rentable selon Michel Holley est de 100m de hauteur pour 30 niveaux, sur 20m d’épaisseur, pour faire face aux normes de sécurité, problème d’ensoleillement, des contreventements, etc. 1 Les tours regroupent donc un ensemble de chez-soi en modifiant les rapports entre eux. N’ayant plus vraiment de vis-à-vis, il est donc normal de pouvoir repenser les ouvertures différemment. C’est pourquoi l’on trouve ces larges baies-vitrées, qui seraient difficilement pensables dans la ville traditionnelle, car tout le monde plongerait dans les chez-soi des autres. Il y a donc ici un contraste intéressant. Les logements possèdent de très grandes ouvertures qui offrent des vues imprenables sur Paris, sans pour autant influer sur ce rapport de protection que le logement doit offrir. En effet, dans un immeuble, les ouvertures doivent être gérées de telle manière qu’elles n’entravent pas l’intimité de chacun des habitants. Elles doivent permettre un apport suffisant de lumière, tout en protégeant de la vue des autres pour que chacun s’y sente bien et puisse se créer sa carapace. Leur rapport à l’extérieur est donc modifié. Les grandes ouvertures en façade donnent un rapport à l’intimité différent. Les endroits intimes sont plutôt fermés. Or, ici les grandes ouvertures en façade des appartements permettent de faire pénétrer la lumière et le paysage à l’intérieur, sans vis-à-vis. Ainsi, un habitant ne se rend pas compte qu’il n’est pas sorti de chez lui. Il vit en parallèle du temps qui change et qui passe. Ses rapports avec le voisinage s’en trouvent modifiés. Le vis-à-vis disparaît. Les habitants sont donc assimilés à une tour, et non plus un quartier ou une rue. Ainsi, une vie de tour s’installe. Les tours proposent donc une nouvelle manière de concevoir le chez-soi. En modifiant le rapport à l’intimité, le vis-à-vis, la lumière, etc, elles influent sur la manière de vivre de chacun par son rapport à l’extérieur qui est modifié. Ainsi, le chez-soi, même s’il forme une carapace, garde toujours un étroit lien avec l’extérieur.
1 BRESLER Henri et GENYK Isabelle, Le Front de Seine, Histoire prospective, SEMEA 15, 2003, p.74
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
ENTRÉE EN SCÈNE
perspective du salon, tour perspective 1
plan de l’étage courant , Perspective 1
plan du niveau d’acces de la dalle, perspective 1
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LES SEUILS : COULISSES D’UN CHANGEMENT D’ATTITUDE LES SEUILS, TRANSITIONS
Par définition, le seuil est l’entrée de la maison, le commencement. Le seuil est un dispositif, mais aussi un parcours. Il est la transition entre l’espace public de la rue, et le chez-soi. Les espaces qui composent le seuil peuvent se décomposer, ils forment différentes étapes. Chaque logement décline différemment ses seuils qui constituent un véritable cheminement, une préparation mentale à cette transition du public au privé. Cette préparation mentale correspond à un changement d’attitude de l’homme. En effet, il passe d’un espace public, où il est exposé dans la société, confronté au regard des autres, des inconnus, interagit avec l’autre, pour se diriger petit à petit dans des espaces de plus en plus intimes, qui lui sont familiers, et où il va se retrouver avec des personnes proches, pour ensuite se retrouver avec lui-même. Le changement d’ambiance est particulièrement important, au niveau de la lumière, du bruit, il y a comme une coupure dans le temps. Ce changement d’ambiance influe sur l’état d’esprit. Cette transition s’effectue à l’inverse comme une préparation pour entrer sur scène, sous le regard de l’autre. Le seuil, en étant la limite entre « l’intérieur » du chez-soi et « l’extérieur » de l’espace public joue le rôle de protection. La maison étant un espace intime, où l’on se réfugie, il est normal d’avoir un espace qui crée une transition entre ces deux mondes. Cette notion de protection se retrouve dans de nombreuses traditions, comme au Burkina Fasso où l’on enterre des médicaments face à la maison pour la protéger, ou encore en Turquie avec l’œil, le nazar boncuk, placé sur le seuil des maisons, en signe de protection, à la fois des habitants de la maison, mais aussi des biens. Cette transition consiste donc à une transition mentale, dont l’architecture se doit d’accompagner. Si ces seuils se déclinent trop rapidement, ou sont trop complexes, ils peuvent entraîner des gênes ou un mal-être chez les usagers. Le seuil est donc le processus de transition pour se préparer à porter un masque ou à le faire tomber. Une manière de se protéger, une carapace pour cacher son intimité, et mieux se confronter à l’autre. Le seuil devient les coulisses de ce théâtre, avant d’entrer en scène, ou pour sortir de scène. On s’y prépare pour entrer sur scène, dans l’espace public. C’est un moment de concentration, un moment avec soi-même, où l’on va se préparer à porter un masque, qui correspond au rôle que nous donne la société. A l’inverse, à la fin du théâtre, on sort du regard du public, on redevient soi-même, on fait tomber le masque. On retourne vers sa loge, son chez-soi. Le seuil devient donc le lieu de tansition pour entrer sur scène.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
ENTRÉE EN SCÈNE
PROCESSUS DE TRANSITION CHEZ-SOI / ESPACE PUBLIC
chez-soi
Chez-soi
seuils
Seuils
espace public
Espace public
CHEZ-SOI Préparation
LOGES
SEUILS Transition
COULISSES
ESPACE PUBLIC Exposition
SCÈNE
ENTRÉE EN SCÈNE
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LES SEUILS DU FRONT DE SEINE
Cette transformation de la conception de la ville a des conséquences importantes sur le mode de vie de chacun. En effet, la rue, en perdant son organisation traditionnelle, modifie le rapport entre le chez-soi et l’espace public. L’ organisation de ce complexe-dalle amène à une conception des seuils bien particulière. Initialement, le projet prévoyait que les usagers des tours entrent par les entrées principales situées et repérables au niveau de la dalle par des halls aux proportions généreuses. Les accès au niveau de la rue sont peu engageants, ils sont conçus pour être des accès secondaires, et techniques. Cependant, on observe que les accès par la dalle sont peu fréquentés. Les habitants descendent directement dans la rue pour accéder au reste du quartier, ou vont directement rejoindre leurs voitures par les parkings. En effet, ils pourraient passer par la dalle pour se diriger vers un endroit du quartier, mais les escaliers qui assurent la liaison entre la dalle et les rues sous-dalle sont peu engageants. Ainsi, les usagers n’empruntent pas les accès définis par le projet initialement. Il avait dans l’optique que la ville se construirait au niveau de la dalle, et qu’elle deviendrait le nouvel espace public, mais le niveau de la rue est resté celui qui est pratiqué par les usagers pour assurer une transition entre la ville et le complexe-dalle. Les seuils se trouvent modifiés, et ils n’ont plus la même lisibilité. Ils forment un parcours très étendu et complexe. Lorsque l’on regarde de plus près ces transitions, on s’aperçoit qu’elles sont marquées par des changements d’ambiance. Les différences d’univers entre la dalle et la sous-dalle sont importants. En effet, la dalle est un espace très calme comparé au trafic de la rue, ce qui crée une coupure sonore. Elle forme un univers minéral de plus en plus végétalisé, et contraste avec la vie sous la dalle, ses parkings et ses accès où la brutalité des matériaux est très présente, ainsi que le bruit de fond constant, accentué par le trafic et le fait que les rues soient couvertes. De plus, la lumière engendre une coupure visuelle. Sous la dalle, la lumière orangé renforce cet univers glauque, où les trémies de la dalle apportent des respirations ponctuelles, un peu inquiétantes quand on aperçoit ce qu’il se trame au-dessus de nos têtes. A l’inverse, lorsque l’on arrive sur la dalle, l’univers est très blanc, et froid. Le rôle de la lumière est pourtant fondamental pour la perception d’un lieu forme les espaces, et l’ombre forme les espaces. De même, un changement d’échelle et de densité se crée. Lorsque l’on arrive sur la dalle, on est frappé à la fois par la hauteur des tours qui nous entoure, mais aussi par cette densité dispatchée qui crée des vides très forts, contrairement à la ville qui est beaucoup plus compacte. Ainsi, les seuils contribuent au bien-être de chaque habitation. Ils peuvent paraître négligeables, et ne font pas toujours l’objet d’une attention particulière, mais présentent une réelle importance sur la qualité de l’habitat. Au Front de Seine, on se rend compte que ces seuils ont été pensés dans la continuité où la dalle serait le nouvel espace public. Or, l’usage en a fait autrement, et du coup, ils ne sont pas adaptés pour entrer en scène dans la rue. Au lieu de descendre directement dans la rue, sur scène, les usagers se retrouvent sous la dalle, qui reste un espace de transition vers la rue. L’arrivée des acteurs sur scène n’a pas fonctionné.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
ENTRÉE EN SCÈNE
tours LES TRANSITIONS À GÉRER
LES TRANSITIONS À GÉRER
Dalle
DALLE SOUS-DALLE
QUARTIER RUE DALLE SOUS-DALLE
QUARTIER RUE
rue sous-dalle
Les t
Le Fron niveaux durée, sur le s
parking sous-dalle
Les tra mise e de la s à mobi la signa d’une g parking les lieu niveau
LE FRONT DELE SEINE FRONT À L’USAGE DE SEINE À L’USAGE CHEZ-SOI
CHEZ-SOI
CIRCULATION PRÉVUE : CIRCULATION PRÉVUE : CHEZ-SOI
CHEZ-SOI
DALLE
DALLE
(RUE )
(RUE ) DALLE
CHEZ-SOI
6 park Les tra premiè au 1er t dont le
DALLE RUE
RUE
RUE
RUE
CHEZ-SOI
CIRCULATION À L’USAGE CIRCULATION : À L’USAGE : CHEZ-SOI
CHEZ-SOI
SOUS-DALLE
SOUS-DALLE
RUE
RUE
SOUS- DALLE
SOUS- DALLE
le front de seine à l’usage ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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Tours
Dalle
local
sous
parkings
Voie publique
COUPE de principe DU FRONT DE SEINE
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
ENTRÉE EN SCÈNE
Equipement collectif
Bâtiments bas sur dalle Dalle Bâtiments bas sous dalle
piscine dalle
parkings
local sous dalle
local
sous dalle parkings
Voie publique
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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L’ESPACE PUBLIC : MONTÉE SUR SCÈNE L’ESPACE PUBLIC
Il s’oppose à l’espace privé. On est hors de la maison, à l’extérieur. C’est là que l’on va se confronter aux autres, être exposé dans la société. Bruno Giorgini, physicien de la ville, le souligne lorsqu’il dit que l’ «on devient des citoyens lorsque l’on sort de chez soi» 1. En effet, nous devenons un parmi d’autres, nous faisons partie d’une société, avec des droits et des devoirs. Dans la maison Kabyle, le monde extérieur est masculin. Il regroupe la vie publique et le travail agricole. L’homme se retrouve donc confronté aux autres, pour se valoriser, se mettre en valeur dans la société. Il avait un rôle très important car il représentait sa famille à l’extérieur 2. On comprend bien ici l’importance du rôle de représentation à l’extérieur, dans la société. Notre comportement change donc, nous ne sommes plus dans un lieu connu, personnel. Nous avons donc dans l’espace public une deuxième apparence, car nous ne sommes plus situés dans notre maison. Nous avons laissé derrière nous des traces de notre personnalité. On prend de la distance vis-à-vis de notre univers. Ainsi, nous pouvons jouer plus facilement sur notre apparence, la contrôler. Cela permet à chacun de pouvoir s’en détacher pour mieux se glisser dans ce rôle que nous donne la société. Ce travail sur soi-même permet d’adopter une attitude pour entrer dans notre rôle. Ainsi, on entre en scène dans l’espace public. Il se définit comme scène car on entre sous le regard des autres, on s’expose. Au-travers de ce rôle, on entre dans la société. L’ espace public, notamment la rue et la place, regroupe ces lieux qui deviennent nos scènes du quotidien. Et par extention, tout bâtiment public, ou les pièces de réception d’un habitat. Ce sont les scènes où l’on joue nos rôles en société, et au-travers desquelles on porte un masque en tant qu’attitude. L’ espace public est donc le théâtre de nos relations, et théâtralise la société dont nous sommes les acteurs. LA DALLE ET LA SOUS-DALLE
Le Front de Seine compose l’espace public de la ville sur deux niveaux: une dalle artificielle surélevée à 6m du sol naturel, et un réseau de rues sous la dalle au niveau naturel qui le relie au quartier. La rue principale, la rue Robert de Flers suit la dalle dans sa longueur, parallèle à la Seine. Elle est coupée perpendiculairement par des rues comme la rue du Théâtre, la rue de Linois (centre commercial). Des percées dans la dalle permettent d’apporter ponctuellement un peu de lumière dans ces rues couvertes. Elles abritent quelques commerces et services, comme des restaurants et un bowling, qui alternent entre les entrées de parking, et les entrées secondaires des tours. Ce complexe avait pensé la dalle comme une scène, qui serait le nouvel espace public, et sa sous-dalle une coulisse desservant la dalle. Cependant, la dalle n’a pas trouvé son entité de scène, la société ne s’y met pas en scène. La sous-dalle reste pratiquée comme une rue, ou plutôt comme une transition vers la rue. Cet espace sous-dalle ne peut être une scène. On la traverse, on ne s’y arrête pas. Cet espace public reste un seuil, une transition des accès secondaires des tours vers l’espace public de la rue -scène. 1 Conférence au séminaire Paradoxe du contemporain à l’ESA 2 BOURDIEU Pierre, Esquisse d’une théorie de la pratique, Points, 2000, p.66
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
ENTRÉE EN SCÈNE
une rue/ une place
une Rue et une place sur la dalle du front de seine ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LA DALLE PORTEUSE D’UN NOUVEAU MODE DE VIE L’URBANISME DE DALLE
Le Mouvement moderne a été nourri par des utopies qui apparaissent même au XV ème siècle avec la Città Ideale de Léonard de Vinci. Il avait déjà la volonté de séparer la ville par niveaux, pour des raisons d’hygiène, car la peste sévissait à l’époque. Les utopies nourrissent au fil des siècles cette évolution de la ville verticale. Le projet City of the future de Harley Wiley Corbett par exemple montre cette complexité de gérer la ville sur plusieurs niveaux. Puis la Charte d’Athènes, en 1933, théorise cette vision de la ville sur plusieurs niveaux, où la dalle devient le nouvel espace public. Cette séparation des fonctions de la ville a découlé d’une vision plus hygiénique et moins polluée de la ville. La dalle est aussi pensée comme prolongement du logement. Aller faire ses courses, travailler, se promener, ... peut se faire sans sortir du «chez-soi» . Voulue comme entité autonome, elle voulait offrir aux habitants une facilité d’accès, et avoir tout à portée de main. Le sol naturel de la ville, avec l’évolution des modes de circulation, ne semble plus être adapté à la ville. Elle est repensée pour les véhicules. Une vie sur dalle semblerait résoudre ce problème de circulation dans la ville en proposant un nouveau fonctionnement des espaces publics. Elle permettrait pour le piéton d’aller d’un point à l’autre sans croiser de voiture, et d’augmenter la rapidité des transports. Ainsi, le cadre de vie des usagers serait privilégié, l’espace public de la rue traditionnelle qui peut paraître dangereux et pollué, devient un espace vert, au calme. Ce nouveau sol artificiel deviendrait le nouveau sol fréquenté de la ville, plus approprié au piéton. Se déplacer dans la ville se ferait différemment. La voiture serait privilégiée pour les grandes distances, et la marche pour les distances proches, car il y aurait tout à portée de main. L’urbanisme de dalle a été portée par des opportunités de l’après-guerre sans lesquelles la dalle n’aurait pas vu le jour, notamment aux vastes zones dévastées par les bombardements de la guerre qui ont nécessité des remembrements en profondeur, la pénurie du foncier, et les progrès dans les techniques de construction pour réaliser les fondations de dalle à moindre prix1. En 1963, le Rapport Buchanan fixe les grands principes et idéologies de l’urbanisme de dalle, et explique que les problèmes de circulation et d’aménagement urbain sont inséparables. Elles sont le résultat d’une volonté de superposer les flux (et non un problème de densité pour mettre le plus de personnes à l’hectare), face à la crainte et la fascination de l’expansion des grandes métropoles. Le Front de Seine est donc la concrétisation d’utopies et de pensées. C’est le rêve de la ville à la verticale, où les circulations de véhicules sont un niveau de desserte. Or, il est difficile de prévoir l’évolution des modes de déplacement qui évoluent rapidement. Ce projet n’a pas été assez flexible dans le choix des modes de déplacement, les répercussions engendrées aujourd’hui sont assez lourdes. Les voies de circulation du sol naturel sont pensées pour l’automobile, alors qu’aujourd’hui ces rues accueillent les circulations piétonnes. La nature fainéante de l’homme le pousse souvent à aller au plus court. Il ne montera pas sur la dalle s’il n’en voit pas l’intérêt et qu’il ne s’y passe rien. Une activité sur la dalle semble être une solution pour attirer la curiosité des piétons, pour la révéler sous un nouveau jour, comme sa sous-dalle. 1 Ateliers d’Eté de Cergy, L’urbanisme de dalles, Continuités et ruptures, Presses de l’école nationale des Ponts et Chaussées, 1993
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 3 QUAND LA RUE DEVIENT DALLE
La Città Ideale, leonard de vinci, 1487-1490
La ville spatiale, Yona Friedman
City of the Future,Harvey Wiley Corbett,1913
RApport buchanan
plan voisin, le corbusier, 1925 ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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LE FRONT DE SEINE, UN THÉÂTRE FANTÔME À RÉANIMER A y regarder plus attentivement, ce spectacle figé qui prend ses marques sur la dalle du Front de Seine ne serait finalement qu’un théâtre fantôme. Les tours qui la surplombent sont les balcons qui donnent sur son spectacle, ainsi que sur tout Paris. Les habitants profitent d’un vue privilégiée en hauteur, où ce théâtre se met en scène sous leurs yeux. Ainsi, à leur niveau, ils peuvent voir les autres tours du Front de Seine, comme l’on peut observer les autres invités au théâtre, perchés dans leurs balcons. Ils sont entourés d’un panorama impressionnant sur tout Paris, comme le décor d’une salle de théâtre qui participe à la mise en scène des spectateurs. Plus bas, l’étendue de la dalle s’étend sous leurs yeux. Par sa restauration presque exclusivement paysagère, elle s’embellit pour devenir un jardin, mais un jardin figé où presque personne ne passe. C’est en effet les acteurs qui ne sont pas entrés après le retentissement des trois coups lançant la pièce. Ils ne sont pas montés sur cette scène de la dalle, où tout avaient pourtant été planifié. Ils ne sont pourtant pas loin. Ils sont encore en coulisses. Ils passent sous cette dalle, ils restent encore dans l’ombre. Ce Front de Seine n’est donc qu’un théâtre fantôme qu’il faut ranimer. Il faut que les acteurs puissent se mettre en scène sur cette dalle, comme ils se mettent en scène dans la société, dans la ville qui s’arrêtent au pied du Front de Seine. Un théâtre dans le Front de Seine prend donc son sens pour réanimer ce théâtre fantôme. En s’inspirant du Théâtre d’Orsay, installé au milieu de la Gare d’Orsay, il était le lieu d’un spectacle continu. Lorsque l’on attend, on se retrouve spectateur de la foule qui défile devant nos yeux. La gare est donc un théâtre, et ce théâtre d’Orsay n’est qu’une mise en abyme de celui-ci. A l’inverse, instaurer ici un théâtre dans le théâtre permettra que ce théâtre engendre l’animation du second théâtre. En effet, le théâtre est le lieu par excellence où les personnes y viennent pour se mettre en scène et deviennent spectateur de leurs propre mise en scène. Nous avons besoin de théâtraliser notre quotidien, de nous mettre en scène, de créer une sorte de jeu de société. Ainsi, il s’agit de retrouver le spectacle du quotidien dans le Front de Seine pour le réanimer. Le projet consiste donc à concevoir un petit théâtre dans ce grand théâtre du Front de Seine qui deviendrait le moteur pour réanimer ce grand théâtre en mettant en scène la vie sur dalle et ses acteurs.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
LE THÉÂTRE SCÈNE 3 FANTÔME QUAND LA RUE DEVIENT DALLE
BALCON
BALCON
SCÈNE COULISSES
un théâtreDANS fantôme LE THÉÂTRE LE THÉÂTRE
LE THÉÂTRE DANS LE THÉÂTRE
RUE EST UN THÉÂTRE LALA VILLE
un théâtre dans le théâtre
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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AFFICHE D’UN NOUVEAU SPECTACLE LA DALLE, UN SPECTACLE FIGÉ
Aujourd’hui, on constate une résidentialisation de la dalle. Elle est engendrée par le manque de lisibilité au niveau des accès, qu sont souvent cachés et peu engageants, comme des issues de secours. L’usager n’est pas invité à monter sur la dalle. Ainsi, seuls de rares flâneurs ou curieux vont venir s’y promener, la dalle restant fréquentée par ses habitants (enfin pour ceux qui vont promener leur chien). De plus, cette dalle fait actuellement l’objet d’une rénovation, répartie sur plusieurs phases par îlots. Cependant, cette opération, outre les quelques problèmes d’étanchéité à régler, reste principalement paysagère, comme on peut le constater sur ces images du projet. Ainsi, on embellit le paysage de la dalle, en croyant qu’elle va devenir plus agréable et attirer plus de monde s’il y a un peu plus de verdure. Cette opération ne s’attaque pas au fond du problème, qui n’est pas un problème d’apparence, mais un problème de fond. Ce n’est pas que les gens ne montent pas sur la dalle parce qu’elle n’a pas l’air accueillante (la dalle est très ventée, donc personne n’y va l’hiver car il y fait très froid). On ne va pas résoudre le problème en mettant des plantes, c’est juste qu’ils n’ont pas de raisons particulières pour monter. Il n’y a pas d’activités sur la dalle, il faut repenser son programme. Ainsi, la dalle n’est plus qu’un jardin impratiqué que l’on regarde des tours. Les perspectives de rénovation ne font qu’embellir ce jardin, ce qui en fait un spectacle figé. Il s’agirait ici de la transformer sans en changer son apparence, mais d’y intégrer un vrai programme. Et ainsi de rendre cet espace public à la ville. POTENTIALITÉS DES PLACES À METTRE EN VALEUR
La dalle a pour particularité, par sa densité, de créer des vides formés entre les tours sur la dalle qui deviennent de véritables places. Lorsqu’on les analyse, on remarque qu’elles ont chacune des caractéristiques, des ambiances qui leurs sont propres. Ainsi, la traversée de la dalle est de loin monotone car elle est rythmée par la découverte au fil de notre avancée de ces places et de ces ambiances. Pour cette intervention, quatre places ont été relevées (présentées p.76 à 79), possédant chacune des potentialités qui permettraient de les transformer en espaces scéniques occasionnellement (comme un grand mur blanc, une scène, une estrade, une bonne acoustique, ...). Ainsi, elles peuvent accueillir facilement des évènements comme une pièce de théâtre, une projection de films, un concert. Ils permettraient de faire découvrir la dalle sous un autre jour, avec des activités qui l’animerait, et qui auraient un caractère particulier dans ce site. En effet, outre ces qualités événementielles, la dalle doit se transformer en espace public à l’image de la rue. Ces places mises en valeur ont des potentialités pour devenir des scènes du quotidien où la société peut s’y mettre en scène. Ce travail sur cet espace public est essentiel, mais doit être porté par un vrai programme comme un théâtre, et ainsi fonctionneraient en corrélation l’un avec l’autre. Une réversibilité du programme se met en place. Un jeu est à trouver entre scène du quotidien et espace scénique.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 3
QUAND LA RUE DEVIENT DALLE
Avant Après
Avant
Après
Avant
Après esquisses de la rénovation et sécurisation de la dalle- îlot berenice ouest
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
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UNE RUE SUR DALLE SIGNALÉTIQUE BALISÉE EXISTANTE
A partir de ces places qui ont été déterminées, il s’agit de voir comment on va les connecter entre elles, quel lien peut-on créer pour les relier. Il s’agit de déterminer un fil conducteur qui guide le passant dans cet immense espace public qu’est la dalle. On a repéré précédemment un axe principal de la dalle, qui correspond au circuit emprunté pour traverser de part et d’autre la dalle. Il est le plus fréquenté, mais reste peu lisible à certains endroits. En effet, contrairement à une rue où sa densité crée une direction qui est toute tracée, la dalle offre un espace propice à la déambulation, où chacun peut se créer son itinéraire. La rénovation actuelle dont la dalle fait l’objet vise, entre autres, la mise en valeur de cet axe principal par un travail sur la signalétique. Ainsi, il est prévu, ou il a déjà été mis en place une signalisation au niveau du traitement du sol de la dalle. Sur le plan de projet d’aménagement du secteur Véga, le tracé avec des rayures linéaires délimite cet axe principal, guide subtilement le passant sur la dalle. Ainsi, toute une hiérarchie des espaces de la dalle est crée, avec des espaces secondaires avec un traitement plus uniforme, ainsi que des espaces végétalisés qui dessinent de véritables tableaux vue du ciel. Cette signalisation est renforcée par un traitement lumineux, qui permet de baliser l’axe principal avec des barrettes lumineuses la nuit, de souligner les différentes places de la dalle avce des projecteurs, ainsi que ses éléments architecturaux comme les tailles de guêpes qui sont mises en valeur. Ainsi, on comprend que tout un travail de rénovation est actuellement en cours. Même s’il est plus ou moins efficace, il offre un premier traitement pour relier les différentes places de la dalle qui seront mises en valeur par l’intervention. Malgré cela, ce traitement ne me paraît pas suffisant pour diriger les passants de place en place, la signalétique actuelle reste légère de jour face à l’immensité du site (alors que la nuit, elle est plus efficace). SIGNALÉTIQUE D’ATTRACTION À METTRE EN PLACE
Quelle signalétique peut-on mettre en place face à celle actuelle qui n’est pas suffisante? Comment rester assez subtil pour relier les différentes places de la dalle? On peut penser cet axe principal comme une rue que Gordon Cullen conçoit selon un enchainement de perspectives où des évènements vont de profiler au cours de l’avancée. Ainsi, ils créent des points d’attraction subtils qui vont rompre le rythme de l’avancée, créer un temps d’arrêt, capter l’attention, réveiller une pointe de curiosité , et ainsi donner un nouveau point de fuite à son avancée.
Ainsi, la signalétique de cet axe principal, de cette rue en quelque sorte, adoptée ne consitera pas à intervenir sur cette rue en elle-même, mais sur ses points de fuite, qui vont être des points de repère et d’attraction pour le passant pour le guider sur la dalle.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
QUAND LA RUE DEVIENT DALLE
35.30
Seuil: 38.03
sol:32.19
parking VEGA (niveau 0)
38.04
38.06
38.03
37.97
38.05
G: 37.93 R: 37.88
37.97
G: 37.94 R: 37.89
G: 37.95 R: 37.90
38.06
38.06
36.03 36.08
Echelle : 1/200
36.09
: 30 .19 lier
.16 38
38 38
.04
38.04
38.86
39.13 38.07
38.04
Thymus serpyllum
39.70
39.13
38.08 38.04
38.02
Iris germanica Heuchera brizoides ‘saturne‘
.06
Modif ié le : 30-08-2010 38.88
38.04
38.05
joint de dilatation
38.03
38.03
38.04
38.03
38.03
38.03
38.02 38.06
38.04
38.05 Seuil: 38.05
38.05
38.63
38.26
38.58
39.40
39.41
38.22
Lavandula angustifolia
38.48
38.70
37.94
38.04
38.10
38.03 37.93 G: 37.92 R: 37.87
38.08
38.07
Dianthus plumarius ‘Diamant‘
38.66
Penstemon barbatus 'Coccineus‘
38.70 38.00
39.42
Geranium macrorrhizum 'ingwersen's variety'
37.94
Seuil: 38.05
37.99
37.97
37.99
2
38.19
38.07
3
37.97
37.98
joint de dilatation
37.98
DEP: 37.95 G: 37.93 R: 37.88
37.97
37.97
37.9 8
37.97
37.95
37.98
37.97 37.96
38.00
38.01 DEP: 37.96
38.00
37.97
37.98
37.99
37.99 38.07
37.99
37.99
38.01
37.99
Se .0 : 38 uil
7
Seuil: 38.10
Se
.0 : 38 uil
7
37.94 37.91
37.99
Seuil: 38.02
37.99
38.01
38.00
38.01
33.04
32.15
32
32.22
entrée du parking VEGA (niveau 0)
38.05
38.04
Seuil: 38.01
940
38.06
32.07
32.12
c
38.00
32.69
32.80
38.06
joint de dilatation
Seine
38.04
37.99
38.00 38.02
37.96 37.97
32.12 32.21 32.12
32.20
37.92
38.04
37.92
2.0
.04
0
05 32.
32
.04
32.18
32.13 béton
32.05
32.11
960
32.08 32.08
19
d
32.05
32.07
32.21
31.86
31.95
bitume
32
31.85
.01
32.06
32.05
31.98
T:32.04 32.01
32.10
32.12
d
T:3
32.11
32.11
38.05
37.93
37.99
37.98
38.04 37.97
38.07
37.99
37.96 37.99
37.98
940
31.84
e
31.93
bitume
32.08 32.02
végétation
31.82
20
940
Surface en pierre claire
Seuil: 38.02
37.97 G: 37.88 R: 37.83
37.98
38.02
38.03
37.99
37.95
38.01
37.97
38.05
Surface en sol souple couleur A
38.47 37.90
Grenelle
Surface en sol souple couleur B
j.d.
38.04
37.83
Surface en asphalte coloré
38.75
38.76
j.d. 38.01
Surface en carelage chocolat
G: 37.98 R: 37.93
38.00
38.00
38.10
Surface en pierre brun foncé
38.02
38.05 joint de dilatation
38.01
jardinière
jardinière
Bande de reprise en asphalte coloré pour gestion d'attente
38.88
37.99 37.97 G: 37.94 R: 37.89 37.96
37.99
37.99
37.97
38.07
4
37.94
37.97
37.98
37.99 G: 37.96 R: 37.91
37.99
G: 37.96 R: 37.91
38.00
37.98 G: 37.95 R: 37.90
37.98
37.99
37.86
37.89
37.87
.9 : 37 uil
37.98
38.02
Seuil: 38.00
37.99
Surface en enrobé
Se
38.01
38.03 Seuil: 38.07
37.99
G: 37.95 R: 37.90
37.99
38.01
37.98
38.00
joint de dilatation
joint de dilatation
38.01
G: 37.96 R: 37.91
38.04
37.99
38.02 38.03
ascenseur
38.03
38.01
38.03
jardinière
G: 37.93 R: 37.88 38.02
32.24
G: 37.96 R: 37.91
38.02
38.00
Seuil: 38.09
Seuil: 38.10
37.98
37.98
31.61
38.03
38.03
38.02
37.92
38.92
G: 37.94 R: 37.89
21
38.00
38.00
31.34
38.03
38.04
Seuil: 38.06
Seuil: 38.05
G: 37.95 R: 37.90
38.01
38.04
c
33.00
4900
37.99
35.77
38.04
38.05
960
33.01
végétation
38.91 38.07 38.05
38.07 38.04
G: 37.89 R: 37.84
G: 37.91 R: 37.86
jardinière
33.55
38.07 joint de dilatation
38.05
37.98
37.99
38.83
jardinière
38.07
38.10
38.00 37.97
37.99
38.08
38.05
38.04
37.98
37.99
Mercure I
Accés Véga
G: 37.90 R: 37.85
38.04 37.99
38.07
37.99
32.07
31.91
32.11
T:32.70
38.07 37.94
37.98
38.01 38.00 joint de dilatation
37.97
38.22
38.08
37.95
37.99
31.88 eau
Espaces végétalisés [tableaux verts] 32.11
32.94
38.06
38.06
b
32.81
32.96
b
38.00
37.97
37.98
37.98
37.99
32.55
32.15
38.03
38.04
980
végétation
18
38.08
G: 37.92 R: 37.87
T:32.76
32.72
Aa
32.72
32.19
38.00
38.02
T:32.67 T:32.70
escalier Rouelle
38.04 38.10
32.08
32.61
32.21 32.15
960
38.08
38.08
32.19
32.24
32.20 carrelage
Aa
37.99
39.03
38.05
G: 37.95 R: 37.90
DEP: 37.97
G: 37.93 R: 37.88
joint de dilatation
G: 37.94 R: 37.89
37.95
37.95
32.20
38.09 joint de dilatation
38.07
38.01
Seuil: 38.06
37.97
32.21
41.58
38.07
38.11
de
37.96
32.21 accés à la dalle VEGA
32.16
(sur m uret :32.82)
38.5 8
39.51
altitude sous la vasque : 36.60
joint de dilatation
37.98
37.97
37.98
37.98
38.05
37.98
j.d.
37.99
jardinière
38.00
37.97
39.19
joint de dilatation
G: 37.97 R: 37.92
39.07
joint de dilatation
37.99 37.99
38.02
37.97
Seuil: 38.02
38.01
32.23
bitume 32.05
G:32.11 32.21
38.07
37.97
j.d.
38.05
37.93
32.01
32.16
32.21
32.21
Brazzaville
38.03
37.99
32.21
32.19
de
37.94
pavés auto-bloquants
38.69
place
37.94
Seuil: 37.94
31.72 32.16
32.22 32.20
38.70
38.93
32.22
39.07
37.94
38.10 38.07 38.09
37.98
37.96
38.79
G: 38.15
B
38.07 T: 38.07 R: 38.02
38.13
joint de dilatation 38.00
37.97
38.66
38.48
980
38.71
T: 38.07 R: 38.02
escalier Rouelle
38.04
Mars
37.99
DEP: 37.96
38.07
C
39.43 38.80
37.98
38.06
34.91 38.02
38.07
38.18
38.07
37.96
G: 37.95 R: 37.90
38.05
38.05
38.05
joint de dilatation
37.98
38.06
38.34
39.08
jardinière
j.d.
Seuil: 37.98
37.99
37.96
38.04
38.02
38.09 39.13
joint de dilatation
37.98 38.06
37.96 37.98
G: 37.93 R: 37.88
DEP: 37.96
37.97
Seuil: 38.02
39.09
37.98
Place de Brazzaville
G: 37.95 R: 37.90
31.78
37.98
37.99
31.95
DEP: 37.97
Seuil: 38.07
G: 37.98 R: 37.93
38.03
38.08
37.99
37.98
37.98
Seuil: 38.06
38.03
38.04
38.01 38.02
38.00
38.08
38.56 38.18
38.06
38.04
38.07
38.03
38.01
38.57
38.57
38.58
38.05
(sur m uret :32.76)
37.96
Seuil: 38.02
37.95
jardinière
38.58
38.10
joint de dilatation
38.03
4880
39.50
37.97
37.99
38.05
37.99
39.16
37.97
37.98
37.99
37.96
37.97
jardinière
38.00 joint de dilatation 37.97 37.99
37.96
37.94
37.94 38.03
37.95 G: 37.94 R: 37.89
38.03
38.07
37.98
37.98
DEP: 37.95
39.42
38.00
4900
37.95
38.07
38.09
37.99
37.98
38.10 37.95
38.10
joint de dilatation
G: 37.93 R: 37.88
G: 37.64 R: 38.59
Seuil: 38.58
joint de dilatation
37.97 37.97
37.96
Seuil: 38.58
Seuil: 38.08
joint de dilatation
37.97
37.96
37.99
DEP: 37.93
38.06
jardinière
37.98 37.98
37.96
G: 37.93 R: 37.88
Seuil: 38.57
Seuil: 38.08
joint de dilatation
Seuil: 38.06
37.98
Seuil: 38.07
37.98 joint de dilatation
PP - Parrotia persica PU - Pinus unicata (cépées) PS - Pinus sylvestris (“bonsaï“) SA - Sorbus alnifolia PY - Prunus x yedoensis 'somei yoshino‘ AC - Acer cappadocium 'rubrum' AR - Acer rubrum TM -planTilia mongolica topographique
38.01
37.98
DEP: 37.95
37.97
Seuil: 38.02
37.97
38.46 39.16
39.16
Seuil: 37.97
joint de dilatation
37.95
37.98 37.99
altitude sous la vasque : 36.80
G: 37.93 R: 37.88
38.00
38.03
Seuil: 38.02
37.97
38.06
37.95 37.97
38.04
ARBRES :
39.41
jardinière
G: 37.95 R: 37.90
Genista lydia
38.01
37.95
7
4
Viburum plicatum “Mariesii“
38.04
37.98
37.98 37.98
37.96
39.42
HACHETTE
38.03
.0 : 38 uil
37.97
37.98
G: 37.94 R: 37.89
Jasminium nudif lorum
37.97
G: 37.95 R: 37.90
38.03
37.97
Seuil: 37.96
Se
1
37.98
38.01
G: 37.93 R: 37.88
37.97
37.96 37.97
37.97 37.99
37.97
38.07
37.74
37.97 37.97
37.98
Aire de jeu
38.08
38.03
37.97 37.95
jardinière
37.96
37.98
38.02
Seuil: 38.09
37.98
38.02
Se
5
37.96
37.99
37.99
38.00
jardinière
37.96 37.98
37.98
.0 : 38 uil
Seuil: 38.02
jardinière
G: 37.91 R: 37.86
37.97 37.98 38.05 Seuil: 37.98
37.91
37.96
37.97
37.97
38.00
37.99
37.94
37.94
G: 37.95 R: 37.90 38.00
37.93 38.17
38.00 G: 37.96 R: 37.91
joint de dilatation
37.98
38.81
37.96 38.00
37.99
Seuil: 37.99
37.97
jardinière
37.93
G: 37.92 R: 37.87
Seuil: 38.14 37.99
38.00
38.01
jardinière
.99
37.96
38.01
37.98
37.98
37
38.18
Seuil: 38.00
38.00
38.02 37.96
37.50
Espaces secondaires [uniformes]
Implantés dans le Geranium macrorrhizum 'ingwersen's variety': fj - Fastia japonica (une unité) cc - Crambe cordifolia (par 5) rp -Rheum palmatum (par 5) ae - Aralia elata (une unité)
38.00
37.95
38.01
35.97
j.d.
35.66
37.96
G: 37.92 R: 37.87
37.95
38.04
38.06
38.05
38.05
Salvia lavandulifolia
37.94
37.93
38.06
37.99
Artemisia ludoviciana
39.40 39.40
G: 37.98 R: 37.93
G: 37.97 R: 37.92
G: 37.95 R: 37.90
39.11
38.02
38.05
38.05
jardinière
36.60
37.10
uil:
38.00
38.01
jardinière
Se
38.02
Cotoneaster dammeri ‘Eisholtz‘
G: 37.95 R: 37.90
38.03
38.03
Fougères
altitude sous la vasque : 36.67
Liriope spicata
38.05
38.03
Toupie verticale
3
41.25
jardinière
G: 37.97 R: 37.92
35.58
35.97
37.97
Viburnum davidii
38.84
T: 38.03 R: 37.98
38.08
38.02
38.04
38.01
Pachysandra terminalis (avec, lorsque 'nj' indiqué, implantation de Narcissus jonquilla)
39.09
38.06
38.06
38.00
38.01
Toupie inclinée
1
N°01 PLAN DU PROJET D'AMENAGEMENT 35.84
39.11
38.05
38.05
38.02
38.01
sol:32.19
accés au
38.05
38.03
joint de dilatation
T:32.19
T:32.20
37.90
Seuil: 38.03
Seuil: 38.03
38.0 0
4
Jeu à ressort “Elephant“ pour un enfant
38.05
38.03
38.06
38.04
G: 37.93 R: 37.88
Vinca minor 'Alba' avec implantation d'Allium spaerocephallum altitude sous la vasque : 36.67
Seuil: 38.03
37.65
37.98
Circulations principales [rayures]
Epimedium x youngianum ‘sulphureum‘
jardinière
joint de dilatation
Jeu à ressort “Snake“ pour 2 enfants
39.11
39.11
jardinière
Seuil: 38.04
Panneau de signalétique réglementation des jeux
2
39.11
37.70 37.80 37.56
Evasion 2000
joint de dilatation
hsp:34.84
hspo:34.18
fxp:35.96
fxp:36.13
sol:32.20 hsp:34.11
T:32.18
seuil: 30.21
37.86 37.79
Seuil: 35.27
39.10
38.04
38.03
38.03
hsp:34.83
es ca
jardinière
37.94
37.96
JEUX : PANNEAU
Implantés dans l'Euonymus fortunei Coloratus : cp - Campanula persicifolia (par 5) eh - Eremurus himalaiacus (par 5) pr - Phlomis russeliana (par 5) vb - Verbena bonariensis (par 5) kn - Kniphof ia “Litle maid“ (par 5) hc - Hemerocallis 'Citrina' (par 5) hf - Hemerocallis 'Fluvia' (par 5)
escalier 33.98 altitude sous la vasque : 35.33
joint de dilatation
36.45
palier: 38.02
joint de dilatation
sable
béton
34.02
35.40
38.02
sol:32.18
Euonymus fortunei Coloratus 37.78 37.79
35.24 36.46
Canisette
sol:32.10 hsp:36.33
35.24
ASC
Corbeille hsp:35.85
Gazon
30.22
34.00 32.10
Capotage jardinière tôle perforée
sol:32.18
sol:31.82
30.21
30.87
4860
32.13 32.13
Bacs acier pour arbres
sol:32.10 hspo:35.01
Rampe Saint-Charles
32.14
30.80
palier: 31.42
Assise de banc en bois leasuré et accoudoirs
hsp:35.62
hsp:35.34
hspo:34.14
30.94
30.88
Rehasse de bordure
4880
Bordure tube métallique et tôle pliée 10x30
4900
hsp:34.32 sol:31.82
hsp:34.32 sol:31.72
PHASE DCE
4920
hsp:34.07 sol:31.92
4940
4960
4980
5000
Bordure métal d'arrêt de l'asphalte
Dalle piétonne Front de Seine Secteur VEGA
38.1 Seu 6 il: 38.1 6
SCÈNE 3
37.97
38.00
37.99
35.98
37.96
G: 37.91 R: 37.86 37.97
37.97
37.83
37.23 34.91
37.14
Rampe
Rigole en pierre de largeur 30cm
36.50
Caniveau-grille de largeur 10 et 20cm
36.41
Joint de dilatation
37.76
Caniveau joint creux pour étanchéité Traverses en bois
4900
4920
4940
4960
4980
5000
5020
5040
plan projet d’aménagement secteur vega -phase dce
Esquisse
PLAN LUMIERE – Préconisations issues du Schéma Directeur Lumière (Novembre 2005)
Les trémies > Cadre lumineux sur leur pourtour
Les accès à la dalle > Colonnes lumineuses (8m) Perceptibles niveau Rue et niveau Dalle. Signal des entrées de la dalle
> Luminaires diffusants sur les parois > Guides luminescents dans balustrades
Le deck > Mâts aiguille (8m) avec couple de projecteurs orientables > Barrettes de diodes bleues encastrées
Les cheminements secondaires > Mâts à déflecteurs en disques (5m)
12
Les entrées des immeubles > 2 luminaires diffusants en applique murale Les tailles de guêpes > Projecteurs de révolution sur mâts (3m) > Barrettes lumière colorée bleue en sous face du porte-à-faux
Les jardins > Mâts à déflecteurs en disques (4m)
esquisse plan lumière - rénovation de l’ilôt bérénice ouest - SEMPARISEINE
ACTE SECOND : LA RUE EST UNE SCÈNE
71
plan programme de rénovation et securisation du front de seine lltr, P.Hilaire
72
COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
N
0
100
200
300 m
73
SCENE 2
SCENE 1 SCENE 3
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axe principal de la dalle
SCENES COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCENE 4
N
0
100
200
300 m
75
SCÈNE 1 / ESTRADE Superficie 1200 m² Existant Place paysagère, fermée par les bâtiments alentours Présence importante des tours qui l’encercle, balcons avec vue sur le jardin Potentiel Plateforme paysagère surélevée à 1m du sol Intervention envisagée Scène où il pourrait avoir lieu des conférences, pièces de théâtre, concerts. Typologie Aménagement urbain
76
N
0
50
100 m COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2 / SOUS LES PROJECTEURS Superficie 920 m² Existant Place en longueur qui se découvre soudainement en passant en-dessous du bâtiment Mercure III ou de l’autre côté en longeant le C.P.C.U Potentiel Mur blanc de 8 mètres de haut sur 60 mètres Intervention envisagée Scène avec une mise en lumière de l’espace, projections Typologie Aménagement urbain
N
0
50
100 m
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SCÈNE 3 / DÉCORS Superficie 2900 m² Existant Espace de la dalle où la végétation est très présente, traitée comme un jardin Ambiance paisible, intime, sauvage Potentiel Interface entre l’axe principal de circulation et un espace plus intime Intervention envisagée Scène plus intime Typologie Aménagement urbain
78
N
0
50
100 m COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 4 / ENTRACTE Superficie 2820 m² Existant Grande place passante, assez fermée. Potentiel Espace très grand, proximité avec la crèche Espace surélevé d’un côté Intervention envisagée Scène qui sera plutôt dédié aux habitants, notamment aux enfants: intervention ludique, rêve Exemple: cinéma en plein air Typologie Aménagement urbain
N
0
50
100 m
79
80
COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
ACTE TROISÈME
LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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PORTER UN MASQUE: SIMULATION ET DISSIMULATION UNE PROTECTION
Le masque est donc un objet mental dont on se revêtit pour se forger un comportement, entrer dans son rôle dans la société. Il est donc légitime de se demander pourquoi l’on porte un masque. Nos relations en seraient simplifiées, l’autre se dévoilerait tel quel. On ne serait pas trompé par son apparence. Cependant, ce masque permet une grande richesse dans nos relations, la découverte de l’autre se fait au fil du temps. Un masque est constitué d’un côté « extérieur », qui renvoie une image particulière. Il permet aussi de dissimuler ce qu’il y a derrière le masque, l’ « intérieur ». Lorsque l’on porte un masque, on cherche à dissimuler son visage. Il n’est jamais entièrement caché, on en distingue toujours le contour, les yeux. Ainsi, par ce masque, on cherche à dissimuler nos pensées, nos sentiments, en cachant nos expressions. Il dissimule l’être que nous sommes au plus profond de nous-même. Nous nous forgeons cette expression pour nous protéger du regard des autres qui cherche à nous connaître trop rapidement. Cela montre aussi qu’être sous le regard d’autrui est une véritable exposition par le fait que nous ne pouvons pas contrôler entièrement ce que nous donnons à voir de nous-même. Nos visages laissent transparaître des expressions. Il est souvent perturbant de rencontrer quelqu’un qui arrive à comprendre beaucoup de choses de nous. Ce n’est pas le fait que nous nous dévoilons qui est gênant, c’est le décalage entre ce que nous connaissons de l’autre et ce qu’il connaît de nous qui est gênant. Nous avons besoin de contrôler l’image que l’on renvoie, de donner une bonne impression face à cette exposition sous le regard de l’autre. UNE PROJECTION
Cette bonne impression que l’on donne de nous-même peut nous aider à changer notre posture. En travaillant notre apparence, nous réalisons un travail sur nous-même. Nous nous forgeons un masque, nous l’embellissons. Ce changement que nous opérons a des conséquences positives sur notre mental, pour ensuite avoir des répercussions sur nos actions. Ainsi, nous créons un rôle qui est une projection de nous-même. Mais nous transformons ce nouveau soi en un soi idéal vers lequel on tend. Cette projection nous permet de nous débarrasser de nos peurs, nos défauts, et de stimuler notre confiance en soi. Cette attitude permet de repousser les limites que l’on se serait fixées. Un nouveau champ de possibles s’ouvre à nous. Cette attitude est donc source de stimulation au quotidien. Elle permet de tendre vers une amélioration de soi, en se fixant de nouveaux objectifs. C’est une attitude que nous recherchons au fond de nous pour donner le meilleur de nous-même. Au-travers de ce masque, nous dépassons nos limites, nous nous glissons dans un meilleur de nous-même. En réalisant cette simulation de soi, on simule aux autres un moi idéal. Mais par ce jeu de simulation, nous voulons surtout nous glisser dans le masque de l’autre. L’idéal devient-il l’autre ? On a envie d’être comme l’autre, d’être comme ce masque qu’il laisse transparaître. On compose cet idéal à partir de l’autre. Porter un masque, c’est se projeter dans le masque d’un autre.
82
COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1 LES RÔLES DU QUOTIDIEN
ALLÉGORIE DE LA SIMULATION, LORENZO LIPPI
ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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RETIRER LE MASQUE: DEVOILEMENT Dans notre vie en société, nous portons tous un masque, et nous nous dévoilons petit à petit à l’autre au cours de l’évolution de nos relations avec l’autre. Ce dévoilement consiste à faire tomber le masque. Ainsi, on accepte que l’autre nous connaisse mieux, on lui dévoile des parties de nous qui vont lui permettre d’apprendre à nous connaître. L’INTIMITÉ
Derrière nos masques, nous cachons ce qui se trouve au plus profond de nous, notre nature, notre intimité. L’intimité se définit comme la « vie intérieure profonde, nature essentielle (de quelqu’un) ; ce qui reste généralement caché sous les apparences, impénétrable à l’analyse 1. Le masque n’est donc qu’une attitude pour cacher notre intimité, une mise en scène du moi. Lorsque tous les masques sont tombés, nous découvrons que l’intimité est ce qui nous constitue, la part de nous que nous ne simulons pas. Elle constitue notre nature propre, notre originalité. Ainsi, le masque protège l’intimité du regard des autres. Nous dévoilons notre intimité de deux manières. Il y a la part consciente, où l’on s’ouvre à l’autre, on le laisse entrer dans une certaine intimité. On lui révèle des choses que l’on considère comme intime. La part inconsciente nous dévoile à l’autre par des situations, des moments partagés. Ainsi, notre intimité se dissocierait par une partie insaisissable, qui est personnelle et reste secrète et une autre part que nous estimons partageable à l’autre, où la perception de chacun crée un léger décalage, mais qui reste représentative de notre vrai moi. Ainsi, on pourrait dire que ce décalage qui se fait avec le regard de l’autre correspond à un masque intime, très proche de notre vrai moi. Pourquoi protège-t-on notre intimité? Au-travers d’elle, il y a de l’authenticité, la vérité, et les émotions. Ainsi, on la protège, on la cache car il y a notre fragilité derrière. Car elle regroupe tout ce qu’il y a de beau, mais aussi de fragile en nous, qui nous rend vulnérable. La fragilité se définit comme « caractère précaire, vulnérable, faible et instable » 2 et comme « manque de stabilité ; facilité à être ébranlé, anéanti » 3. Elle regroupe nos doutes, notre manque de confiance en soi, que nous voulons cacher aux premiers abords. C’est la partie de notre nature qui est vulnérable. La fragilité de chacun se trouve donc derrière le masque, cette attitude à montrer le meilleur de soimême. Elle fait partie de notre intimité, c’est sa part instable.
1 - 3 Dictionnaire CNRTL 2 Dictionnaire Larousse
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1
LES RÔLES DU QUOTIDIEN
face of mae west, DALÍ, 1934
ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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LES ACTEURS DU QUOTIDIEN UN RÔLE
En sociologie, on définit un rôle par un « ensemble de normes et d’attentes qui régissent le comportement d’un individu, du fait de son statut social ou de sa fonction dans un groupe ». 1 Erwing Goffman définit le rôle par «le modèle d’action préétabli que l’on développe durant une représentation et que l’on peut présenter ou utiliser en d’autres occasions» 2. Ainsi, on comprend qu’il y a des rôles préétabli dans la société. En vivant avec les autres, notre rôle devient social. En appartenant à différents groupes (famille, travail, société, etc), nous avons à chaque fois un rôle précis à jouer. Nous faisons partie d’un ensemble, et cet ensemble se répartit les rôles, les tâches à accomplir au quotidien suivant les compétences et les qualités de chacun. Et c’est par ce rôle que nous pouvons nous créer notre place, notre importance. Ces rôles découlent de nos rêves, de nos envies, ou parfois d’obligations, et nous procurent des objectifs que nous nous fixons quotidiennement. L’ensemble de ces rôles nous permet de donner un sens à notre vie. L’effort qu’ils nous demandent nous permet de nous dépasser pour les atteindre. Porter un masque en tant qu’attitude peut permettre de modifier notre comportement, d’aller au-delà de nous-même. Par ce rôle, nous devenons tous des héros à notre manière. L’accomplissement de ces rôles nous fait devenir des héros du quotidien, qui change le monde à leur manière, même par de petites choses simples. Un héros se définit comme une « homme, femme qui incarne dans un certain système de valeurs un idéal de force d’âme et d’élévation morale »3. Nous pouvons discerner deux types de rôles, en fonction du rapport de proximité que l’on a avec les autres: le rôle dans la vie privée, et le rôle dans la société. RÔLE DANS LA SPHÈRE PRIVÉE
La notion de « sphère privée » a beaucoup évoluée et diffère encore selon les individus. Aujourd’hui, notre sphère privée correspondrait à ce qui nous est intime. Ainsi, elle écarte l’autrui, sauf ceux avec qui nous partageons une certaine intimité, une certaine affinité. Elle englobe les personnes qui appartiennent à la famille ou les amis ou le cercle de connaissances proches. Nous avons un rôle tout particulier dans notre sphère privée, qui relève de l’intime, et donc de quelque chose qui nous tient à cœur. Ce rôle n’est pas personnel, mais social, il se fait par rapport aux autres qui ont une importance particulière pour nous, qui appartiennent à notre sphère privée. D’un premier abord, notre rôle familial peut se définir par la place que nous avons dans notre famille (parent/ enfant), et par la relation de parenté liée aux membres de la famille qui nous donne un certain rôle (chef de famille, d’éducation). De plus, nous avons aussi un rôle dans notre cercle d’amis, qui sont aussi des personnes qui comptent pour nous. Ainsi, le rôle que nous avons dans cette sphère privée est celui d’être là pour l’autre. Nous devons être capable d’adopter différents comportements suivant les situations (soutien, éducation, autorité, etc...). Pour se mettre dans ce rôle, nous devons nous mettre à leur place, nous glisser dans leur masque. 1 Dictionnaire Larousse 2 GOFFMAN Erwing, La mise en scène de la vie quotidienne, 1. la présentation de soi, Les éditions de minuit, 1973, p. 23 3 Dictionnaire CNRTL
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1
LES RÔLES DU QUOTIDIEN
extra-ordinaire, rip hopkins, 2013
ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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Rip Hopkins est allé à la rencontre de commerçants et professionnels qui ont un pas-de-porte. Il les a envisagés comme des super-héros, menant une double vie : une vie publique dans laquelle ils répondent à une mission pour la société, et une vie intime, privée, domestique. Chaque personne est donc photographiée dans un lieu public puis chez elle. Un double portrait qui pourrait montrer deux facettes d’une vie relativement normale, si les sujets n’étaient pas photographiés en héros de cinéma. Qui n’a jamais rêvé que sa vie était un film? Le réel rejoint la fiction. Des vies ordinaires deviennent extra-ordinaires par le jeu de l’imagination en acte. Pauline de La Boulaye sur le travail de Rip Hopkins, Extra-ordinaire, 2013 RÔLE DANS LA SOCIÉTÉ
La société serait donc la sphère publique, qui correspondrait à s’exposer au regard d’autrui. La vie en société nous donne des rôles, vis-à-vis de nous-même et des autres. En dehors de nos devoirs de citoyen, nous avons tous une place particulière dans la société. Le travail est notamment une manière de s’y intégrer, et de faire fonctionner cette société. Ce travail nécessite de nous glisser dans un rôle, plus ou moins différent de nous-même. En effet, il requiert parfois certaines compétences dont nous devons faire un effort pour les obtenir. Ainsi, nous nous forgeons un masque de travail, vers lequel nous devons tendre. Le métier nous donne donc un rôle dans la société, et nous fait prendre des expressions théâtrales comme des acteurs. Par exemple, la serveuse a un rôle particulier: «l’accomplissement correct de leur tâche dépend souvent de leur aptitude à prendre et à garder l’initiative dans la relation de service; aptitude qui exige une subtile agressivité de la part de l’employé quand il est d’un statut socio-économique inférieur à celui de son client» 1 Ainsi, elle doit instaurer un certain rapport avec son client dès le début, une autorité, de manière polie et ferme, pour qu’elle puisse faire son travail correctement. Elle doit adopter une attitude propre à son travail au-travers de sn rôle. Ainsi, on se compose une façade pour jouer ces rôles. «On appellera désormais «façade» la partie de la représentation qui a pour fonction normale d’établir et de fixer la définition de la situation qui est proposée aux observateurs. La façade n’est autre que l’appareillage symbolique, utilisé habituellement par l’acteur»2 Ces rôle donnés par les métiers correspondent à un masque déjà pré-établi par la société. «Différents rôles peuvent ainsi utiliser la même façade; d’autre part on notera qu’une façade sociale donnée tend à s’institutionnaliser en fonction des attentes stéréotypées et abstraites qu’elle détermine»3 Ces masques déjà «prêt-à-porter» nous permettent de nous y glisser plus facilement car l’on sait déjà à quoi ils correspondent puisqu’on a déjà été à leur contact. En effet, nos expériences antérieures, notre vécu, nous a permis d’emmagasiner un bon nombre de comportements sur lesquels on va s’appuyer pour entrer dansnotre rôle.
1 GOFFMAN Erwing, La mise en scène de la vie quotidienne, 1. la présentation de soi, Les éditions de minuit, 1973, p. 19 2 Idem, p.29 3 Idem, p.33
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1
LES RÔLES DU QUOTIDIEN
extra-ordinaire, rip hopkins, 2013
ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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JEU DE SOCIÉTÉ L’INTERDIT / L’ANONYMAT
Porter un masque est une manière de franchir la limite d’un interdit. En effet, par ce masque que l’on revêt, on chercher à se glisser dans une position pour faire quelque chose qu’on ne s’autoriserait pas d’habitude. On entre dans un jeu où tout devient possible, les limites sociales que l’on s’était fixées ou qui nous semblent être fixées disparaissent. Par exemple, le bal masqué, grâce au masque que l’on porte pour l’événement, nous permet pendant un instant d’être un inconnu. Les invités ne sont plus identifiables, le jeu de la soirée consiste à lever l’anonymat, de lever le masque. Le masque, en créant l’anonymat, permet aux invités de se glisser dans un nouveau rôle et un nouveau champ de possible s’offre soudainement à eux. Les limites du possible sont repoussées. L’ambiance de mystère et de sensualité que les masques génèrent sont propices au changement de décor et à se glisser dans un nouveau rôle. LE JEU DE SOCIÉTÉ
Mais le bal est aussi une pratique sociale. Même si l’on se cache derrière l’anonymat, les masques tombent à la fin. Ainsi, le bal masqué reste un bal où l’on vient se montrer, et encore plus se mettre en scène. Et cette mise en scène se fait dans la transgression des limites, on s’affranchit des codes sociaux en place. On vient les défier et ainsi on se donne à voir. Les limites que l’on franchit sont des limites données par des codes de société. Ainsi, durant cet évènement, l’anonymat rend propice l’ambiance de libertinage. De même, les classes sociales semblent disparaître, on n’est plus reconnu en tant que telle personne qui a telle place dans la société. Le masque est donc considéré comme libératoire par l’anonymat qu’il procure. En effet, le temps où l’on va porter le masque devient une pause, une parenthèse temporelle. C’est un instant hors du temps où on nous donne une liberté. Il n’y a plus de morale ni de notion de bien ou de mal. Lorsque nous reprendrons le cours de notre vie normale, nous ne serons plus responsables de nos actions. Stanley Kubrick met en scène dans Eyes Wide Shut ce jeu de société où les masques en sont le pivot pour intégrer cette société. Elle permet d’entrer dans un nouveau rôle et de tenir une place particulière dans cette société qui est déjà hiérarchisée et codifiée. Les masques permettent un anonymat qui reste relatif car chacun est différent ce qui permet un contrôle de cette société. Ainsi, il forge, autravers de cet objet, une attitude et une identification vis-à-vis de la société. Ce jeu, bien qu’éloigné des exigences de la réalité, est en fin de compte aussi très proche de cette réalité. En effet, ce n’est qu’une caricature de la société, où tous les rôles que l’on y joue se retrouvent et sont amplifiés. L’intrigue est organisée, et l’on prend conscience de cette réalité par la théâtralité de ce jeu. Ce bal n’est que le miroir de notre société, un exemple caricaturé de ce qui se passe dans notre quotidien, de la théâtralisation de nos relations dans la société, et où chacun porte un masque en tant qu’attitude.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 1
LES RÔLES DU QUOTIDIEN
BAL MASQUE, EDOUARD MANET, 1873
Eyes Wide Shut, réalisé par stanley kubrick, 159 minutes, couleur, 1999
ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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« LE MONDE EST UN THÉÂTRE » MISE EN SCÈNE DIVINE
Sur le fronton de l’entrée du Globe Theater à Londres, on peut y lire cette inscription de Shakespeare qui invite chacun à réfléchir sur le monde en tant que théâtre dont nous serions les acteurs par les rôles que nous jouons. Cette vision du Theatrum mundi, analogie entre le théâtre et le monde, prend ses racines dès l’Antiquité. Dans l’allégorie de la caverne de Platon, il montre l’homme en tant que spectateur passif du monde, où sa vision du monde n’est qu’une illusion puisqu’il est enchaîné dans sa grotte. 1 Sa théorie de l’homme-marionnette explique que l’homme ne serait qu’une marionnette, manipulée par un pouvoir divin. 2 Il présente donc la vie humaine comme étant absurde, au service du divin, et que seule la raison permet de s’en détacher, de prendre conscience de cette situation. Ainsi, les Stoïciens présentent l’homme comme ayant un rôle à jouer qu’il a reçu d’un pouvoir divin. Ils utilisent cette vision pour penser la relation de l’homme au monde et montrent qu’il y a de bonnes ou de mauvaises manières de jouer. Le christianisme véhicule lui aussi cette vision du monde-théâtre, où Dieu est à la fois auteur, metteur en scène et spectateur par son jugement, où la mort signifie la fin d’un rôle et le jugement le dévoilement de son être réel à Dieu. 3 On retrouve toujours cette vision du monde-théâtre géré par Dieu qui a un pouvoir divin de mettre en scène le monde. Ainsi, on peut résumer une répartition des rôles de cette manière: l’Auteur (Dieu), l’Acteur (l’homme), et le Spectateur (Dieu, mais aussi les autres hommes aveugles de cette situation). Ainsi, le monde est vu du Ciel comme un théâtre, et le personnage d’Arlequin est l’intercesseur entre Dieu et les hommes, le chamane qui tire les ficelles de l’histoire. Son rôle se retrouve régulièrement dans les pièces de théâtre sous un autre nom. Pedro Calderón, dramaturge espagnol, fait apparaître le théâtre sous sa forme religieuse par ses métaphores entre la création d’un théâtre et la création du monde dans El Gran Teatro del Mundo en 1635. Ainsi, il souligne encore une fois la suprématie d’une hiérarchie du royaume de Dieu, et où chaque homme a un rôle qui lui est assigné. Corneille, quant à lui, présente dans l’Illusion Comique, une version profane de cette vision. L’Auteur c’est Alcandre, qui présente le spectacle de la vie humaine au Spectateur qui est Pridamant, par l’intermédiaire de la vie narrée de l’Acteur principal qui est Clindor. «Tandis que l’Acteur accède à la «vérité» par l’expérience de la mort, le Spectateur y parvient par la conscience de l’illusion dont il a été victime.» 4
1 - 2 - 3- INCONNU, Le theatrum mundi, une métaphore baroque, hilairedechardonnet.fr , (url: http://hilairedechardonnet.fr/IMG/pdf/theatrum_mundi_1_.pdf ) 4 - FORESTIER Georges, L’illusion comique et le theatrum mundi, letheatredelorient.fr, 1987 (url: http://www. letheatredelorient.fr/archives/documents/17913/lillusion-comique-et-theatrum-mundi-georges-forestier.html )
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2 MISE EN SCÈNE DE LA SOCIÉTÉ
« Le monde entier est un théâtre, Et tous les hommes et les femmes seulement des acteurs; Ils ont leurs entrées et leurs sorties, Et un homme dans le cours de sa vie joue différents rôles... » William Shakespeare, Comme il vous plaira Acte II, scène 7
ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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THEATRUM MUNDI : THÉORIE BAROQUE
Ainsi, la période baroque du 16ème/ 17ème siècle remet au goût du jour cette vision: le théâtre peut alors se prendre pour le monde, et le spectateur a pour rôle de discerner entre illusion et réalité. Cette citation de Shakespeare est bien le reflet de la société de l’époque baroque qui voyait la vie comme étant un théâtre. Le théâtre est donc présenté comme une école de vie qui permet d’avoir une meilleure compréhension sur l’existence humaine, quel est son but, et quelle est la nécessité d’assumer son rôle dans le fonctionnement de la société. Ainsi, le théâtre devient un mécanisme de prise de conscience de ce monde-théâtre, où l’on comprend notre place dans ce monde et le rôle que l’on doit y jouer. Par exemple, le grand escalier de l’Opéra Garnier est justement un mécanisme architectural au service de cette vision. Cette espace à la hauteur, volumétrie, lumière particulière se compose d’un escalier qui permet de donner accès aux différentes places de l’opéra. Des balcons surplombent cet escalier. Cet escalier est conçu comme un vrai théâtre. L’escalier est une scène où les acteurs, par leurs allées et venues dans l’escalier, crée un spectacle continu où l’on déambule pour être vu mais aussi pour voir les autres. Les balcons qui le surplombent permettent aussi de profiter de ce spectacle, et de se donner à voir, en hauteur (rôle symbolique d’un balcon qui surplombent tout le monde). Ainsi, il devient un lieu de représentation et de mondanités, où il était de bon ton de regarder le tout Paris monter, et de s’y admirer soi-même. L’architecture de cet escalier théâtre engendre donc toute une mise en scène par le quotidien qui y a lieu. Il y a ici un jeu subtil entre la salle de spectacle où à lieu la pièce jouée, et cet espace théâtral avant d’entrer dans la salle, qui en fin de compte est le théâtre principal de cet opéra. On vient au théâtre pour voir et être vu dans la salle, mais surtout dans la société, en dehors de la représentation. C’est là que le spectacle se joue, non pas dans la salle, mais en dehors de la représentation. L’architecture se met donc au service de cette vision, notre quotidien n’est qu’une analogie du théâtre, où l’on est acteur et on se met en scène dans la société. Elle peut contribuer à une prise de conscience de nos rôles dans ce théâtre du monde. Le théâtre est une machinerie qui nous met en scène. Ainsi, le monde vu comme une analogie du théâtre permet de mieux comprendre son fonctionnement et l’existence humaine. Comme le fait l’escalier de l’Opéra Garnier, ce théâtre du Front de Seine doit, au-travers de son architecture, concevoir un théâtre du quotidien.
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
MISE EN SCÈNE DE LA SOCIÉTÉ
balcons
balcons
scène
théâtre
théâtre
public
grand escalier de l’opéra garnier ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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REGARDER LA VILLE REGARDER : COMPOSITION D’UN TABLEAU
Le spectateur a aussi un rôle. C’est donc celui qui regarde. Regarder, c’est d’abord être attiré du regard, on pose notre regard sur quelque chose. Il est extérieur à l’action qui se passe, puisqu’il n’intervient pas, mais par le regard qu’il porte sur l’action, il fait partie de l’action. Notre regard se porte sur ce qui nous attire, nous en faisons une sélection. Lorsque l’on regarde, on se crée une fenêtre mentale pour cadrer notre attention, c’est un tableau mental. Le spectateur est donc celui qui est témoin du spectacle. Ce qui retient notre attention devient spectacle à partir de ce moment où on le remarque. Une interaction se crée entre ce qui se donne en spectacle et celui qui regarde. Un spectacle est un partage. Il y a transmission vers le spectateur, et réponse par les réactions provoquées. Un dialogue s’établit donc entre acteurs et spectateurs. Le spectateur est donc celui qui fait vivre le spectacle, sans quoi il n’aurait pas lieu. Il devient donc acteur de ce spectacle. REGARDER LA VILLE DIFFÉREMMENT
La ville est le spectacle de situations quotidiennes. Nous sommes à la fois acteur de la ville en créant ce spectacle du quotidien, mais aussi spectateur, car nous faisons vivre ce spectacle par le regard que l’on porte quotidiennement sur les situations quotidiennes. Par exemple, «dans l’île de Shetland, la femme d’un fermier, tout en servant des plats locaux à un visiteur venu d’Angleterre, écoutait le visiteur en souriant poliment tandis que courtoisement il déclarait aimer ce qu’il était en train de manger; elle notait la rapidité avec laquelle il portait sa fourchette ou sa cuiller à la bouche, son empressement à manger et elle utilisait ces signes de plaisir qu’il y prenait comme moyen de contrôler les sentiments affichés par le convive» 1. Cette situation montre que le spectateur devient acteur dans cette situation. Il s’instaure des jeux entre chacun, entre acteur et spectateur. Nous sommes les acteurs qui nous mettons en scène parmi les autres. La ville devient donc un théâtre urbain. Le projet du Théâtre Urbain sur la High line de Diller et Scofidio donne l’occasion de s’arrêter devant cette ville en mouvement. Conçu comme un théâtre, il dirige la vue vers le spectacle de la ville. Par cette vitre, on prend conscience de ce théâtre qui ne s’arrête jamais. Ce temps d’arrêt permet de regarder la ville différemment. On est en retrait de la ville, on la regarde de loin pour mieux la comprendre, loin de son agitation quotidienne. Ainsi, il me paraît important que ce projet de théâtre sur la dalle permette dans un premier temps d’offrir un temps d’arrêt devant la ville, pour la regarder différemment et avoir une prise de conscience face à ce monde qui est un théâtre. Et plus précisément que c’est la ville qui est un théâtre, car elle est le lieu où la société peut se mettre en scène par les rôles que nous jouons. Dans un second temps, il doit permettre que chacun porte un regard sur le Front de Seine, ce théâtre fantôme. Porter son regard pour débuter le spectacle, l’impliquer, créer un partage, et ainsi que le spectateur puisse devenir acteur de ce spectacle, lui donner envie de découvrir ce Front de Seine. 1 GOFFMAN Erwing, La mise en scène de la vie quotidienne, 1. la présentation de soi, Les éditions de minuit, 1973, p. 16
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COUP DE THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
SCÈNE 2
MISE EN SCÈNE DE LA SOCIÉTÉ
théâtre
public
théâtre urbain, high line, Diller Scofidio + Renfro, new york, 2009 ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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VOIR ET ÊTRE VU S’EXPOSER DANS LA SOCIÉTÉ
La rue étant une scène, chacun de nous en tant qu’acteur vient s’exposer dans la ville, sous le regard des autres spectateurs. La ville, pratiquée au quotidien, devient un jeu entre ses différents acteurs. Lorsque l’on sort de chez-soi, que l’on monte sur la scène de l’espace public, on devient anonyme. La ville nous donne l’anonymat. On s’insère dans un ensemble qui crée un spectacle, le spectacle continu de la ville. Anne Jarrigeon souligne que «Son fonctionnement au quotidien met en jeu de manière spécifique le corps, les apparences et la communication non-verbale » et questionne «Comment se construit la mise en visibilité réciproque des individus en situation d’anonymat ?»1. Derrière cet anonymat, on retrouve une possibilité de se dégager de la foule anonyme, d’attirer l’attention, d’exister en tant qu’acteur. Mais c’est aussi d’avoir la possibilité d’être anonyme, de ne plus être vu dans la société. Ainsi, un jeu quotidien se met en place dans l’espace public: voir et être vu. On s’expose dans la société, pour s’y construire notre place au cours des situations quotidiennes. L’école de Chicago célèbre cet extérieur, qui correspond à l’exposition des hommes les uns aux autres. Elle met en valeur la capacité de l’homme à s’adapter à chaque situation, chaque scène du quotidien par leurs «rôles segmentés»2. Cette exposition est vue comme stimulante au quotidien. Hannah Arendt, quant à elle, souligne la peur moderne d’être exposée dans les villes. Peut-être estce dû au fait que la société privilégie les images par rapport aux mots. L’oeil est devenu notre organe sociologique3. Cette exposition dans la ville se serait donc déplacée dans la «ville virtuelle»? Par exemple chaque utilisateur de Facebook possède un mur, où l’on vient exposer sa vie, ses photos, s’exprimer, partager des informations, etc. Finalement, la fenêtre par laquelle on regarde le quotidien des autres est devenu notre écran. Cette exposition dans la société est toujours aussi présente à l’heure actuelle, mais ne se fait plus de la même manière. Ainsi, on ne s’exposerait plus dans la ville mais sur les réseaux, dans un cercle que l’on peut plus ou moins contrôler, où les frontières entre la vie privée et la vie publique sont effacées et doivent être redéfinies. Or, cette exposition dans la ville est essentielle pour que l’on se mette en scène dans la société, que l’on se glisse dans notre rôle, que l’on existe parmi les autres. La rue est le révélateur des rencontres et des échanges. Comment retrouver le spectacle du quotidien dans la ville? Comment la ville peut-elle retrouver sa dimension de l’expérience humaine en retrouvant ce jeu dans la ville? Le projet TKT’s à Time’s Square à New York instaure ce jeu de voir et être vu dans la ville. En effet, il permet de marquer un temps d’arrêt sur cette grande place qui est un véritable spectacle avec la foule qui s’y empresse continuellement, et son décor constitué de tours qui supportent des affiches lumineuses de spectacles ou de publicités de tous les côtés. En plus de pouvoir s’y arrêter pour regarder autour de soi, il permet aussi à chacun de s’exposer dans la ville, en montant sur cet escalier ou gradin rouge, qui est au cœur de la place. Il donne à chacun une place particulière dans ce lieu. De même, cette intervention au Front de Seine devra pouvoir retrouver ce jeu urbain, en créant un double jeu entre spectateur et acteur: voir et être vu. 1 JARRIGEON Anne, Vers une poétique de l’anonymat urbain, Université de Paris IV (CELSA), GRIPIC & Laboratoire « Communication et politique » (CNRS) 2 - 3 SENNETT Richard, La ville à vue d’oeil, Plon, 1992, p.161
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SCÈNE 2
MISE EN SCÈNE DE LA SOCIÉTÉ
JEUNE FILLE DEBOUT A LA FENÊTRE, DALÍ, 1925 tkt’s, time’s square, new-york ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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JEUX SCÉNIQUES URBAINS DÉTOURNEMENT DU SPECTACLE
Il s’agit donc ici de penser chaque espace de ce projet comme un théâtre. Il a deux facettes, une réversibilité. ce théâtre doit pouvoir accueillir une représentation le temps d’un évènement, comme une pièce de théâtre, un concert, une projection de film, etc. Mais il doit aussi vivre en dehors des représentations, être le théâtre du spectacle continu du quotidien. Pour cela, nous avons vu que cet espace doit mettre en scène des jeux urbains de voir et être vu entre acteurs et spectateurs. Face à cette volonté de créer des jeux urbains dans ce théâtre du Front de Seine, il s’agit ici de comprendre comment peut-on instaurer cette théâtralité dans l’espace public. Comment un espace devient-il théâtral? Au-travers de l’exemple de l’escalier de l’Opéra Garnier, la méthode appliquée est celle d’un détournement. En effet, le théâtre n’est plus dans la salle, il devient à l’entrée, dans cet escalier où la société joue à s’y mettre en scène. De même, dans le projet de la Place des Célestins à Lyon de Michel Desvignes, le théâtre initial a été détourné. En effet, le théâtre des Célestins offre sa façade principale sur la place. Elle possède une particularité: un kaléidoscope se trouve en son centre, dans lequel on peut admirer une vue sur la rampe circulaire du parking situé en-dessous de la place. Un miroir légèrement incliné au fond permet d’accentuer cet effet crée par la rampe et lui donner une impression d’infini. Il est ici étonnant de voir qu’avec un mécanisme comme celui-ci, le théâtre devient urbain en donnant une véritable attraction à cette place. Ainsi, l’édifice du théâtre devient le décor de cette place, et cette place devient un véritable théâtre urbain. Le théâtre n’est plus dans la salle, il est à l’extérieur: le spectacle se passe sur la place, devant le théâtre des Célestins, concentré autour du kaléidoscope par l’événement qu’il engendre autour de lui. Kaléidoscope qui lui-même permet de se plonger dans le second spectacle qui a lieu en sous-sol..! Ainsi, la personne qui regarde au-travers du kaléidoscope est spectatrice de ce qui se passe sous ses pieds, mais aussi actrice en créant un évènement sur la place. Ainsi, chacune des scènes de ce théâtre sur dalle doit être un jeu scénique urbain pour que le spectacle du quotidien y ait lieu en continu afin d’animer l’espace public de la dalle. Elles doivent faire appel à des mécanismes simples, qui permettront de détourner le spectacle, que chacun soit à la fois impliqué dans ce spectacle en étant spectateur et acteur.
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SCÈNE 2
MISE EN SCÈNE DE LA SOCIÉTÉ
THEATRE
place des céléstins, lyon, paysagiste michel desvignes ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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LE THEATRE, UN INSTANT HORS DU TEMPS LA RUE AU FIL DES HEURES
La rue est le lieu qui évolue au fil des heures. Le théâtre qui s’y déroule est temporel, il est différent à chaque heure, et n’est jamais le même. En effet, les acteurs y vivent et s’y mettent en scène, et leurs interactions entre eux créent des scénarios différents. Les villes évoluent, et une mixité architecturale se crée, où l’on retrouve des styles d’époques différentes. Elles sont le témoin de leur propre évolution. UNE DALLE QUI SUBIT LE TEMPS
La dalle du Front de Seine, quant à elle, est ancrée dans un temps. En effet, son architecture est marquée par la période du Mouvement moderne du fait de son uniformité. Le Front de Seine a été construit comme un ensemble. Même si plusieurs architectes ont travaillé sur les bâtiments, il en résulte une certaine uniformité, voulue par le projet, et porteuse d’un renouveau architectural. Les années ont passé, et le temps y a laissé ses marques. Elle est ancrée dans ce style, et rien n’est venu ajouter de la variété architecturale. Ainsi, la dalle semble figée dans une époque, contrairement à la ville qui ne cesse de se renouveler. Elle subit le temps, comme cette mise en scène qui n’arrive pas à s’orchestrer. La dalle reste un espace public qui ne crée pas de la ville, elle reste un espace expérimental, de déambulation, une expérience corporelle dans un lieu figé dans le temps. Alors qu’à l’origine c’était un lieu voulu comme une contestation de la ville en recréant un univers qui lui est propre. Comment ce lieu peut-il se détacher de sa temporalité? LE THÉÂTRE, UNE PARENTHÈSE TEMPORELLE
Le théâtre a cette particularité, par l’évolution de sa mise en scène et de son spectacle, de créer une parenthèse temporelle, d’emporter le spectateur dans l’imaginaire. Le temps semble modifié, les repères se brouillent. Il transporte dans l’imaginaire, où la notion du temps n’est plus la même. Il crée l’illusion d’un temps que le spectateur vit en deux heures. Il crée un voyage dans une série de lieux, qui sont étrangers les uns aux autres, mais que se retrouvent sur la scène. Ainsi, le théâtre est le tremplin pour ouvrir cette parenthèse spatio-temporelle. Le théâtre est considérée comme une hétérotopie. D’après Michel Foucault, une hétérotopie est une « contestation de tous les autres espaces en recréant un univers et une temporalité propre, en plongeant dans l’illusion qui ne dure pas mais qui dissipe pour un temps la réalité ou bien en maintient l’illusion sur la durée ». Ainsi, il nous montre l’importance de ces lieux comme le théâtre, qui permettent de faire voyager chacun de nous, de changer de repère temporel. Ainsi, un théâtre dans le Front de Seine permettrait de proposer cette parenthèse spatio-temporelle pour que ce lieu se détache de sa fixation dans le temps. Ce nouvel usage de la dalle permettra, au-travers des spectacles qui y auront lieu, de créer des évènements qui vont ponctuer la vie de la dalle. Ce théâtre dans le Front de Seine proposera une échappée temporelle sur cette dalle lors des spectacles. Il permettra d’enmener le spectateur dans son imaginaire, et ainsi notre perception de la dalle qui en sera le décor changera.
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SCÈNE 3 MISE EN ABYME DU THÉÂTRE
La salle du Théâtre du Capitole, toulouse, Patrice Nin
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L’ACTEUR DEVIENT SPECTATEUR DE SA PROPRE RÉALITÉ LE JEU DE L’ACTEUR INSPIRÉ DE LA RÉALITÉ
Le jeu de l’acteur correspond à la manière dont l’acteur va interpréter un rôle, comment il va se glisser dans un masque pour lui donner vie. Le masque est donc le rôle à jouer. C’est un rôle figé tant qu’il n’est pas joué par quelqu’un. Son support est le texte. Mais c’est l’acteur qui en l’interprétant, va lui donner vie. Il va faire appel à ses souvenirs, sa manière de voir les choses, sa personnalité, pour faire vivre ce rôle et le porter plus loin. L’acteur puise dans la réalité, dans son quotidien, et son vécu pour s’inspirer et mieux entrer dans son rôle. Il va ensuite faire des choix de comportements, d’états et de pensées pour mieux tailler son rôle. Il prend donc une distance par son rôle, mais s’inspire de son quotidien. LE THÉÂTRE, REFLET DE LA RÉALITÉ
Par ce fait, le théâtre et la réalité s’entremêlent. Ils se confondent le temps de la représentation. En effet, une représentation s’appuye sur la réalité en faisant appel à certains éléments de la réalité quotidienne du spectateur pour l’emporter dans l’histoire. Ces éléments sont des tremplins pour entrer dans le monde de l’imaginaire, dans le théâtre. Mais cet imaginaire reste le reflet de notre réalité. On était acteur de cette mise en scène de la société en arrivant au théâtre, et on devient spectateur de cette mise en scène au cours de la représentation. Puis on redevient ensuite acteur par le dialogue qui est crée au cours de la représentation. Le théâtre nous fait passer par l’imaginaire pour prendre de la distance face à notre propre réalité, porter un regard neuf grâce à cette distance que l’on prend. La mise en scène de Macbeth à New York de Shakespeare explore encore plus les possibilités scéniques, en franchissant les limites entre acteurs et spectateurs. Ainsi, chaque spectateur entre masqué dans une maison. La pièce se déroule à tous les étages, dans chaque pièce. C’est lui qui décide quels personnages il souhaite suivre. Il les accompagne, il est sur scène avec eux. Il fait partie de l’action, il devient acteur car il y a une réelle interaction avec les acteurs de la pièce. Le masque porté lui permet de se glisser dans un rôle et d’entrer dans l’action de la pièce. Ainsi, le théâtre doit permettre une interpellation du spectateur, à la fois l’emporter dans un imaginaire en l’incluant dans le spectacle. Mais sa finalité reste ensuite que l’acteur prenne de la distance vis-àvis de ce qu’il a vécu au-travers de la pièce, qu’il prenne conscience que ce théâre n’est que le reflet de sa réalité. Réalité dont il est l’acteur principal de sa pièce du quotidien. RÉVERSIBILITÉ DU PROGRAMME
Et finalement, le théâtre met en abyme le théâtre quotidien de nos vies. Un jeu s’instaure sur les différentes scènes du théâtre de la dalle: entre la représentation théâtrale qui représente notre quotidien, et le théâtre urbain qui met en scène le quotidien. Ainsi, on comprend que la réversibilité des programmes (théâtre et théâtre urbain) est liée: ces deux théâtres fonctionnenent en parallèle, chacun existe grâce à l’autre.
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SCÈNE 3
MISE EN ABYME DU THÉÂTRE
sleep no more, Shakespeare, mise en scene macbeth, new york ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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LE PRÉTEXTE DU THÉÂTRE : THÉÂTRALISATION DE L’ESPACE PUBLIC Ainsi, pour résumer, ce théâtre du Front de Seine est réversible: il devient un théâtre qui est le lieu d’une représentation occasionnelle, mais se veut aussi comme étant un théâtre du quotidien. Ces deux théâtres sont complémentaires. Dans les exemples précédents, on a vu qu’il y avait à chaque fois un détournement du théâtre initial. Il n’est plus à l’intérieur de la salle de théâtre, il est à l’extérieur. On comprend que c’est un jeu de prétexte qui apparaît: la pièce de théâtre est un prétexte pour mettre en scène la société dans la salle, mais cette mise en scène ne s’arrête pas là, elle s’étend à tous les espaces périphériques du théâtre jusque dans la rue. Ainsi, le théâtre en tant qu’édifice est un prétexte pour théâtraliser les espaces périphériques au théâtre. Lorsque l’on applique ce raisonnement pour ce théâtre du Front de Seine, on comprend que le programme d’un théâtre comme évènement n’est qu’un prétexte pour créer une activité sur la dalle et ainsi la faire découvrir, la donner à voir à tous. Mais surtout que ce théâtre du Front de Seine n’est en fin de compte qu’un prétexte pour théâtraliser l’espace public de la dalle. Ses différentes interventions, qui ont chacune une position stratégique et des potentialités, permettront d’engendrer ces espaces scéniques. La finalité du projet étant que la société puisse se mettre en scène sur la dalle. Le théâtre n’est plus dans la salle : il est sur la dalle. Ainsi, on intervient sur ce front en concevant de la ville-théâtre, pour créer un lien avec la ville ancienne, et rendre cet espace public à la ville.
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SCÈNE 3
MISE EN ABYME DU THÉÂTRE
Les failles ordinaires Geraldine Lay, Paris, 2009
Madrid: scene de rue, de christel ehretsmann ACTE TROISIEME : LE QUOTIDIEN EST UN SPECTACLE
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LE PARI(S) DE LA DALLE Il faut regarder le Front de Seine à une échelle plus large pour comprendre son impact sur Paris et sa localisation stratégique entre ces deux arrondissements. Nous avons déjà vu que l’intervention du point de gravité du théâtre devra tirer partie de la percée qui a été crée sur la rue de Linois par le centre commercial de Beaugrenelle. La dalle étant un front actuellement, il s’agit d’accentuer ses entrées pour accéder à la dalle. Ainsi, ce projet propose deux autres interventions, en plus de la rue de Linois, qui seront traitées comme des entrées du théâtre. Le but est que le Front de Seine soit mis en valeur, gagne en visibilité pour ce qui est de sa dalle. Il doit capter l’attention, créer un signal. La seconde entrée se situera au niveau du square de Bela Bartok. Ce jardin peu fréquenté, coincé entre deux morceaux de la dalle, était à l’origine la rocade qui devait passer par là afin de relier le Front de Seine à Paris (avant l’apparition du périphérique). Le projet ayant été abandonné, cette zone du projet laissée vide a ainsi été transformée en jardin. Cette intervention profitera de cette percée dans la dalle pour renforcer la connexion au niveau de la rue vers les bords de Seine en transformant le jardin en une grande place plus lisible. Ainsi, elle permettra d’accentuer la visibilté du Front de seine qui apparaîtra comme une coupe latérale. Ces différents composants, c’est-à-dire la sous-dalle, la dalle et ses tours seront donc mis en valeur. Elle pourra en plus être un théâtre urbain en jouant avec les limites de la dalle et ses deux passerelles enjambant le jardin, qui forment de véritables balcons sur cette percée. La troisième entrée mettra en valeur un autre point stratégique de la dalle: l’extrémité de la dalle au niveau de l’Avenue Émile Zola. Elle permettra de créer une connexion avec Javel, et a pour but de mettre en valeur la présence de la dalle à cette endroit. En effet, elle reste peu visible à l’heure actuelle, se terminant par des paliers peu visibles. Il s’agit ici de capter l’attention des passants, créer une invitation à monter sur la dalle. Derrière ces deux nouvelles interventions se dessine l’impact voulu de ce projet. Il s’agit tout d’abord de percer ce front pour créer une connexion entre le 15ème et le 16ème arrondissement, où la dalle devient une interface théâtralisée, pour créer une continuité de la villethéâtre. Et son véritable pari est d’avoir un impact sur Paris, que ce Front de Seine devienne une porte de Paris, un point de repère, un signal fort de la Seine. C’est tout Paris qui est invité à monter sur cette dalle, pensée à l’origine du projet comme balcon sur la Seine.
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SCÈNE 3
MISE EN ABYME DU THÉÂTRE
vue aérienne du front de seine
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ENTRÉE 1 / AU BALCON Superficie 2070 m² Existant Rocade prévue initialement qui a été transformée finalement en jardin public au niveau rue, peu fréquenté Fracture de la dalle 2 passerelles qui assurent la connexion entre la dalle 1 bâtiment circulaire en mauvais état Potentiel Contour de la dalle qui forme des balcons sur ce jardin, prolongé par les passerelles Intervention envisagée Théâtre urbain et grande place publique au niveau rue pour créer une percée plus lisibe dans ce front vers la Seine
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ENTRÉE 2 / SORTIE DES ARTISTES Superficie 1300 m² Existant Morceau de dalle inutilisé au-dessus: végétation, jardin inaccessible. Abrite une station essence en-dessous. Proximité d’un ancien restaurant sur dalle inactif en mauvais état. Potentiel Morceau de dalle qui se détache, visibilité de l’avenue Emile Zola Intervention envisagée Créer une accroche, un signal de l’Avenue Zola ( Javel) Invitation sur dalle qui fait appel à la curiosité du passant
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vue aérienne du front de seine et de son impactCOUP dansDE paris THÉÂTRE : LA VILLE EST UN THÉÂTRE
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OCTOBRE 2014 Ce mémoire a été réalisé avec les polices: Adobe Caslon Pro Georgia
L’architecture est un décor, La rue est une scène et Le quotidien est un spectacle sont les trois coups joués de cette pièce pour changer notre perception de la ville. Le rideau se lève. La ville est un théâtre.
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