Le réemploi, relation entre villes, matières et architectes _ Marine Raguenes

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Le réemploi

Relation entre villes, matières et architectes

Marine RAGUENES

Sous la direction de Sabine THUILIER Alexandre CUBIZOLLES ENSACF 2018


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« Le luxe est dans la qualité de l’espace. Quand on réduit l’incidence de la matière au produit. Plus on arrive à être efficace sur le minimum de matière, plus on peut créer de luxe, d’espace. » Jean-Philippe Vassal « L’architecture consiste à créer de la capacité, quelle que soit la situation. C’est ce que nous entendons par le terme “luxe”. » Anne Lacaton

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SOMMAIRE

Préambule

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Introduction

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1 Les villes en mutations - Changement du métabolisme urbain

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2 De nouveaux rapports a la matiere

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- Les politiques urbaines et l’économie circulaire - Les gisements urbain: déconstruire pour mieux reconstruire

-Des perspectives vernaculaires -La liberté artistique et créatrice du réemploi -Réemploi à deux vitesses

3 Les possibilites de l’architecte

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-Accès au matériaux de réemploi -Les étudiants au coeur de la mutation du métier d’architecte -Changement du métier dans sa fonction sociale

Conclusion

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Bibliographie

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Annexe

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Fig 1: Couverture du magazine Metropolis Octobre 2003

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PREAMBULE Les thématiques environnementales sont aujourd’hui au cœur des discussions et des débats de nos modes d’habitations. En 2017 la population mondiale est estimée à 7,5 milliards d’habitants dont plus de la moitié vit en milieu urbain. D’après un rapport de l’ONU1 nous serons un peu moins de 10 milliards dans le monde à l’horizon de 2050. Cette évolution grandissante de la population entraîne une production et une transformation de la matière importante qui provoque de lourdes répercussions environnementales. Dans le monde, en 1990, vingt-deux millions de tonnes de CO2 sont déversées dans l’atmosphère contre trente six millions en 20142. Toutes ces données introduisent le contexte environnemental dans lequel nous vivons et accentuent l’intérêt de faire évoluer nos modes de consommation, nos modes de productions et nos modes de constructions. Selon l’organisation non gouvernementale américaine, Global Foot Print, le 2 Aout 2017 était la date de l’earth Overshoot Day3. Il s’agit de la date théorique à laquelle nous avons épuisé toutes les ressources renouvelables pour l’année en cours. J’ai donc souhaité développer mon rapport d’étude sur des thématiques environnementales et architecturales liés à l’économie de matière avec comme axe majeur l’architecture du réemploi. Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’épuisement annoncé des ressources, le domaine de la construction est le premier touché par ces changements, l’architecte est bien sur directement lié. Il me semble pertinent de questionner les mutations du métier d’architecte et de l’étudiant en architecture dans ces nouveaux modes de conceptions liés aux matériaux remployés.

Mais que signifie réemploi et comment se distingue t’il du recyclage? Afin de proposer une définition la plus détaillée possible je m’appuierai sur le manuscrit de Jean Marc Huygens « la poubelle et l’architecture ». Tout d’abord la différence entre ces termes est liée au statut et à l’usage de l’objet. Pour le réemploi c’est l’action d’employer de nouveau, de réutiliser un bien qui a déjà servit auparavant. Cela signifie que l’on garde la matière et la forme pour un nouvel usage. La trace historique de la matière est conservée mais aussi celle de l’usage antérieur qu’il avait. Cet action permet aussi d’empêcher le statut programmé du bien en déchet et de proposer une réutilisation. L’action du recyclage détermine un nouveau cycle de vie de la matière par un traitement particulier car on donne une nouvelle forme à la matière et un nouvelle usage. Contrairement au réemploi, la trace de l’ancien n’est donc pas conservée puisque le bien est remodelé dans le but d’en créer un nouveau. Enfin il est intéressant de mettre en relation ces termes la avec celui de la réhabilitation, davantage porté sur l’édifice que sur la matière, il se distingue aussi par son processus. L’acte de la réhabilitation permet de rendre à nouveau apte un édifice. Contrairement au réemploi et au recyclage, la réhabilitation n’opère pas de changement d’usage.

1 ONU info, « la population mondiale devrait atteindre 9,8 milliard en 2050 et 11,2 milliards en 2100, selon l’ONU », 21 Juin 2017, à découvrir: https://news.un.org/fr/story/2017/06/359662-la-population-mondialedevrait-atteindre-98-milliards-en-2050-et-112-milliards#.WUzcouvyi71 2 Centre d’analyse des informations relatives au dioxyde de carbone, Oak Ridge National Laboratory, ÉtatsUnis, 2014. 3 Global Foot Print, Earth overshoot day, « progression du jour du dépassement mondial au fil des années », 2017, à découvrir: https://www.overshootday.org/newsroom/dates-jour-depassement-mondial/

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INTRODUCTION Au delà de cette définition introductrice au terme, le réemploi c’est aussi un nouveau regard sur la conception architectural. Il peut y avoir une remise en question du projet par la matière et c’est ce que je souhaite démontrer au travers de mes recherches. Je me suis tout d’abord interrogée sur la capacité et la possibilité d’un architecte à mettre en oeuvre un projet avec des matériaux réemployés. Ma première approche fut l’étude de cette pratique comme axe de réflexion majeur au projet architectural et si aujourd’hui nous pouvions penser le projet architectural par le biais de matériaux réemployés. Cette première approche engendrait des réponses qui dépendaient de nombreux facteurs difficilement chiffrables. Suite à des lectures sur les thématiques du réemploi je me suis aperçue de la richesse de cette pratique qui était en lien avec bien d’autre thématique tel que la déconstruction, les déchets et la réhabilitation. J’ai étudié deux ouvrages qui ont profondément influencés mes recherches. Tout d’abord « déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction »1 du collectif Belge Rotor écrit par Michaël Ghyoot, Lionel Devlieger, Lionel Biliet et André Warnier en 2018. Puis « la poubelle et l’architecture, vers le réemploi des matériaux »2 écrit par Jean Marc Huygens en 2008.

Ainsi ces écrits m’ont permis d’élargir ma problématique et de montrer la relation entre villes, matières et architectes. L’architecte participe au dessin de la ville composée de matières et à terme la matière doit pouvoir être réinjecté dans la ville grâce à l’architecte, c’est le principe de l’économie circulaire. L’usage des matériaux réemployés ne s’arrête pas à la conception architecturale et opère des mutations à plus grande échelle. Je souhaite tout d’abord expliquer l’intérêt grandissant pour les matériaux de réemploi dans le secteur du bâtiment. Dans un contexte politique où le développement durable prend de l’ampleur, l’architecte doit être un des acteurs de ce renouveau. Le terrain de jeux des architectes, la ville, doit évoluer avec les demandes et les besoins de ses usagers. Nous nous interrogerons donc sur le rôle de l’architecte dans ces nouvelles conceptions et constructions urbaines à base de matériaux réemployés. De ce fait comment les architectes sont ils amenés à repenser leurs modes de conception et de construction dans la ville? En quoi les matériaux de réemploi sont une des solutions aux mutations urbaines architecturales? Et finalement quels sont les processus actuels qui engagent doucement la mutation? Ces trois questionnements majeurs viendront dessiner mes trois axes d’études. Dans un premier temps nous nous intéresserons aux mutations des villes liées aux changements écologiques et économiques, principalement en France. Nous ferons état des métabolismes urbains avec la place des déchets dans nos villes et de leurs changements avec des politiques urbaines liées à l’économie circulaire et enfin le potentiel matériel qu’offrent nos villes, dit les gisements urbain.

1  GHYOOT Michaël, DEVLIEGER Lionel, BILIET Lionel, WARNIER André pour Rotor, Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les élements de construction, Edition Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018. 2  HUYGENS Jean-Marc, La poubelle et l’architecture, vers le rémploi des matériaux, Edition Acte sud, serie l’impensé, 2008.

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Dans un second temps nous verrons les nouveaux rapports à la matière que permet le remploi, tout d’abord avec des perspectives vernaculaires afin d’introduire les rapports primaires à la matière et étudier l’architecture vernaculaire dite contemporaine. Puis la liberté artistique et créative qu’offre les matériaux de réemploi avec des exemples de collectifs architecturaux tel que Rural Studio, Encore Heureux, Superuse, Parping et l’architecte Patrick Bouchain. Dans un dernier temps nous conclurons sur le rôle de l’architecte et ces possibilités d’action architecturale avec les matériaux de réemplois. La mutation des études d’architecture sont aussi des questionnements que je souhaite soulever. Ensuite nous verrons les accès à ces matériaux par le biais des plateformes de réemploi et l’avenir d’une potentielle industrialisation du réemploi. Pour conclure nous nous intéressons aux mutations du métier d’architecte dans sa fonction sociale et le développement d’une architecture de rencontres, vers de nouvelles mentalité sur les chantiers de construction en partie avec l’étude des chantiers participatifs

Fig 2: schéma explicatif de Marine Raguenes

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LES VILLES EN MUTATIONS La ville est le lieu de vie pour 51% de la population mondiale, à l’horizon 2050, moins de 70% de la population mondiale sera urbaine, selon le rapport des Nations Unies1. Cette évolution grandissante de la population urbaine nous entraine à repenser des modes de consommation et de construction. Les villes sont composées d’activités économiques, politiques et de services sociaux, sportifs ou encore culturels. Elles sont en retour productrices de nuisances et de déchets importants. Cette première partie à pour but d’introduire et d’expliquer les changements écologiques et économiques qui ouvrent à de nombreuses mutations dans la ville liés à ces thématiques. Il s’agit de comprendre la composition de la ville, principalement ses déchets et leurs place dans nos modes d’habiter la ville. Nous nous intéresserons à l’importance des flux dédiés aux déchets ménagers et issue du BTP, aussi appelé métabolisme urbain. La mutation des villes est aussi économique, nous nous intéresseront au développement d’un nouveau modèle en faveur du réemploi de matériaux dit économie circulaire. Ces évolutions sont en corrélation avec les politiques urbaines qui permettent une meilleur gestion et régulation des déchets. Dans cette optique de revalorisation des déchets nous interrogerons le potentiel matériel des villes appelé gisements urbains. Nous nous pencherons sur plusieurs études de cas, principalement en Europe mais aussi en Amérique du Nord et à des périodes historique différente afin de comprendre la pluralité des pratiques urbaines. La mutation des villes, dans un cadre écologique et économique nous offres de nouveaux regards sur celle-ci et ses « déchets » peuvent nous donner matières à penser.

1  « World Urbanization Prospects . The 2009 revision » , United Nations, Etats-Unies, Mars 2010.

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Changement du métabolisme urbain Afin de comprendre une partie des mutations urbaines il est intéressant d’étudier les flux des matières, produits, déchets entrants et sortants des villes selon leurs besoins et comment peut-on les limiter afin de diminuer notre impact écologique. Le métabolisme urbain désigne l’ensemble des processus par lesquels les villes mobiLisent, consomment et transforment ces ressources naturelles1. C’est le contrôle des flux entrants et sortants de la ville. Cette notion constitue un ensemble de transformations, de flux de matières et d’énergies intervenant dans le cycle de vie d’une zone urbaine. C’est produits sont régulés et se distinguent en plusieurs catégories. Il y’a d’abord les produits entrants qui correspondent en partie aux matières premières, aux produits semi-finis, aux produits alimentaire, etc. Puis les transformations interne à la ville avec ces mêmes matières premières, les produits semi-finis. Et enfin ces sorties, les produits manufacturés, les déchets gazeux, liquides et solides, etc2. Toutes ces données sont particulières pour chaque ville selon sa forme, sa localisation, ses structures socio-économiques, politiques, les modes de vie des citadins et non seulement urbaines mais aussi à l’échelle territoriale. En France en 2014, les entreprises du bâtiments et des travaux publics (BTP) produisent 227,5 millions de tonnes de déchets, soit environs 80% des déchets en France. Parmi ce pourcentage 42,2 millions de tonnes proviennent du secteur du bâtiment (gros et second œuvre) contre 185,3 des travaux publics3. (voir tableau quantité (en millions de tonnes) de déchets du BTP gérés, selon le secteur et l’effectif salarié de l’établissement). Dans la même année 61% des déchets inertes du BTP sont réutilisés sur un autre chantier, dirigés vers des installations de recyclage ou des carrières dès lors sortie de chantier. Ces efforts de traitement de déchets sont importants, par exemple en 2008 il ne représentait que 50% des déchets. Néanmoins ce ne sont pas les meilleurs solutions environnementales. Comme préciser dans l’introduction, le recyclage transforme la matière et engendre des pollutions. Préalablement au recyclage il est intéressant de réemployer, cette pratique conserve la forme de la matière et évite un traitement supplémentaire à cette dernière. Il est interessant de rapprocher la notion de métabolisme urbain à celle du réemploi. En effet celle-ci permet de limiter les flux entrant et sortant de la ville, principalement sortant dans le but de réutiliser les matériaux à une échelle locale et d’éviter la création de nouveaux déchets.

Fig 3: Quantité (en millions de tonnes) de déchets du BTP gérés, selonle secteur et l’effectif salariés de l’établissement.

1  BARLES, Sabine, « Comprendre et maîtriser le métabolisme urbain et l’empreinte environnementale des villes », Responsabilités et environnement N°52, Octobre 2008. 2  « Le métabolisme urbain », urbanews.fr, Bruno Morelo, le 24 Novembre 2010. 3  « entreprises du BTP » , Data las, Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, Mars 2017 à découvrir http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Produits_editoriaux/Publications/Datalab_essentiel/2017/datalab-essentiel-96-btp-mars2017-b.pdf

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Fig 4: illustration de Bonnefrite, dans l’exposition Matière Grise

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Durant le mois du réemploi qui a eu lieu à Rennes en 20171, le collectif « Matières sociales » étudie le cas de la ville de Nantes afin de comprendre les métabolismes urbains de la ville en lien avec les déchets. Elle pèse près de 44 millions de tonnes, équivalant à 8 pyramides de Khéops. Cette matière a du être extraite, transporté, transformé de nouveau transporté puis assembler, ce processus est aussi appelé énergie grise. Sachant qu’il faut en moyenne 300kg de nature pour produire 10kg de matière (fig.4). Cela représente l’extraction de 240 pyramides de Khéops pour seulement 8 pyramides qui constituent la ville. Le flux entrant et sortant est estimé à 1,5 millions de tonnes de déchets par an de matériaux renouvelés avec un camion sur trois qui transporte des déchets. Ainsi les flux des déchets sont omniprésents dans les villes mais pourtant très discret. Nous nous pencherons sur la définition de l’énergie grise pour mieux comprendre les processus de création de la matière et ces impacts. L’Energie Grise correspond à la dépense énergétique totale pour l’élaboration d’un matériau, tout au long de son cycle de vie, de son extraction à son recyclage en passant par sa transformation, une énergie évaluée en kWh/tonne2. C’est un peu la face cachée de la matière, tous les processus confondus qui engendrent de la pollution, des rejets, des déchets.

Mais alors qu’est ce qu’un déchet? Nous sommes aujourd’hui plongés dans une société de consommation avec la tendance d’abandonner les objets qui ont « déjà suffisamment servi ». Ce sont des termes employés par le collectif Encore Heureux dans l’exposition matière grise en 2014. Ils se questionnent sur la place du déchet, quels est donc le temps d’usage idéal d’un matériau? qu’est ce qui définit la durée de vie d’une matière agencée dans un projet? Selon la loi du 15 juillet 1975, est considéré comme déchet; tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que le détenteur destine à l’abandon. C’est au fabriquant de réfléchir à l’avenir de son bien créer, dès la fabrication en limitant les déchets et les chutes. C’est aussi aux consommateurs de limiter leurs actions systématique de jeter ce qui ne leurs semblent plus utile. Il est alors intéressant de re-questionner l’usage de chaque matière dite « déchet » où la frontière est très mince entre ces deux termes. Le déchet n’existe pas selon Jean Marc H. , le déchet devient de la matière publique, libre à tous de s’en approprier l’usage et d’effacer le terme de déchet associé trop rapidement à un certain état de la matière. Cette esquisse explicative sur les métabolismes urbains et les processus rattachés à ce terme à permis d’introduire l’importance des flux dédiés à nos déchets et la justification de s’intéresser aux matériaux réemployés, une des solutions pour limiter notre impact environnementale.

1  « Bilan du mois du réemploi », espaces possibles, 6 Juillet 2017 à découvrir https://www.youtube.com/ watch?v=IROKn7dp3e0&index=7&list=LL21UJu36pmRBHoJgGE9y6iQ 2  « Energie grise », Dictionnaire environnement.

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Les politiques urbaines et l’économie circulaire Les villes, laboratoire de la société moderne, sont des entités sociales, culturelles et économiques dynamiques. Nous nous intéresserons dans cette partie au lien économique et politique en faveur de la préservation de l’environnement. Le centre national d’information pour la politique urbaine nous propose une définition interessante de la politique urbaine. « Les politiques urbaines se fondent sur plusieurs domaines stratégiques de politiques: le marché du travail, l’aménagement du territoire, le logement, la durabilité environnementale, la sécurité, la mobilité, l’économie, la culture et l’inclusion sociale. La vie et les différentes fonctions sont au cœur des politiques urbaines. La participation croissante de la société civile et des citoyens ainsi que le développement des coopérations entre autorités locales et entre municipalités, sont des composantes indispensables des politiques urbaines. L’enjeu majeur est de créer des villes, intégratives, attractives, sécurisées, riches en opportunités pour tous. » Cette définition aborde plusieurs thématiques de la ville, nous nous intéresserons particulièrement aux enjeux environnementaux offrant de nombreuses mutations urbaines. En 2014, c’est une décision à l’échelle Européenne qui est décidée, le parlement Européen à fait le choix de la réforme des directives sur les déchets: atteindre 70% de déchets recyclés ou préparés en vue du réemploi d’ici 2030. La même année l’Europe est au alentour de 45% et souhaite atteindre 50% en 20201. Ces démarches en faveur du recyclage deviennent nombreuses et sont d’envergure internationale. Les citoyens sont amenés à prendre conscience de l’acte de jeter et de comprendre l’importance de trier ces déchets pouvant entrainer des répercutions positives à plus grande échelle. De nombreux changements écologiques sont notables dans certaines villes dans le monde, l’exemple de la ville de San Francisco l’illustre bien grace une étude de cas réalisé par Le monde en 2014 sur laquel nous nous appuierons. Le principe du « zéro déchet » vise à réduire nos quantités de déchets, majoritairement produits par l’industrie. L’objectif premier de cette stratégie est d’entièrement éliminer le stockage en décharge ou la combustion partielle en incinérateur, et donc de la production de déchets ultimes et de substances toxiques. Dans un second temps elle s’appuie sur une modification des processus de production en valorisant une nouvelle conception des cycles de vies de nos produits, en limitant la création de déchets dès l’origine du produit. La ville de San Francisco, en Californie, fait le pari de l’objectif zéro déchet non recyclés ou compostés d’ici 2020. C’est en 2002 que la ville vote ce changement, en lien avec l’objectif de la Californie de 50% de recyclage d’ici à 2010. Afin de répondre à cet objectif ambitieux encore jamais atteint par une aussi grande ville, San Francisco fait preuve de volontarisme politique et multiplie les initiatives législatives. Elle fixe un premier point d’étape avec 75% de déchets recyclés en 2010 qu’elle atteint avec 77% le dépassant même en 2014 en atteigneant les 80%2.

1  « Déchet: il faut encourager le recyclage et réduire la mise en décharge et le gaspillage alimentaire, selon les députés » actualité Parlement européen, Baptiste Chatain, communiqué de presse, 24-01-2017. 2  POUCHARD, Alexandre , « comment San Francisco s’approche du zéro déchet », Le Monde, le 28/05/2014, disponible sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/28/comment-san-francisco-s-approche-du-zero-dechet_4421676_3244.html

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fig(s) 5: Processus de tries des déchets jusqu’au composte à San Francisco1

De nouvelles règles sont mises en place pour inciter à un comportement plus responsable auprès des habitants. Les sacs plastiques sont tout d’abord bannis des supermarchés, avec obligation d’utiliser des sacs en papier ou en plastique compostable. Les vrais sacs platsques deviennent payants. En 2009, le recyclage et le compostage sont rendus obligatoires pour tous les habitants, cette décision affecte énormément la population à l’époque qui dénonce même une « police environnementale ». Cet objectif requiert donc plusieurs étapes et un temps d’adaptation à la population. Aujourd’hui les déchets organiques des citoyens sont enmenés à une heure au nord de San Francisco où ils sont stockés et ressortent sous la forme d’un riche compost aussi fin que du sable après un mois. Ces 600 tonnes de déchets hebdomadaire sont triées et recouvertes par un bio-filtre constitué de morceaux de bois qui agit comme une « couverture » et empêche les gaz toxiques de s’échapper. Le compost est convoité par les agriculteurs de la région et incorporé dans une partie des terres agricoles de la région, telles que les vignobles. L’objectif est donc possible à atteindre selon les politiciens de la ville, une étude menée à l’époque de la décision stipulait que 90% de déchets finissant dans les décharges pouvaient être recyclés. Bien que le résultat ne soit pas garantit pour 2020, les efforts auront été courronnés de résultats pour la ville de San Francisco.

1  Le Monde info, photos réalisé par Alexandre POUCHARD

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Prenons l’exemple du Royaume-Unie où le manque de politiques publiques à mit le domaine du recyclage dans une position de force face au réemploi (voir la comparaison entre les deux termes dans l’introduction). Le Royaume Unie a vu son chiffre d’affaire du secteur du réemploi passer de 220 000€ en 1998 à 150 000€ en 20061. Ces chiffres s’expliquent par les cadres réglementaires et les décisions politiques durant cette période, du moins c’est plutôt leur absence qui a engendré cette importante baisse. En effet sur les dix dernières années le domaine du recyclage a pris un poids beaucoup plus significatif, principalement lié aux aides économiques allouées par l’Etat britannique à hauteur de plusieurs millions de livres sterling par an contre zéro pour le domaine du réemploi. C’est bien le recyclage qui l’emporte sur le réemploi. D’après les auteurs du livre Déconstruction et réemploi, le réemploi n’a pas vocation de substituer le recyclage puisque c’est une filière qui repose plutôt sur une logique de remise en circulation d’éléments à haute valeur ( la plus intéressante environnementalement parlant ).Ainsi la pratique du réemploi s’adapte parfaitement au nouveau modèle de l’économie circulaire dans le but de réinjecter la matière dans le circuit économique en minimisant sa transformation.

fig 6: Dessin de Rotor pour l’ouvrage déconstruction et réemploi

Ces mutations sont étroitement liées au développement d’un nouveau modèle économique qui prend de l’ampleur depuis quelque années en France et en Europe, c’est l’économie circulaire. Ce système vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits. Le modèle primaire des pays développés, dite économie linéaire, consiste à extraire, produire, consommer et jeter.

1  HYOOT Michaël, DEVLIEGER Lionel, BILIET Lionel, WARNIER André pour Rotor, Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les élements de construction, Edition Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018, p184.

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Selon l’ADEME1, l’économie circulaire peut se définir comme un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être des individus. Ce modèle se dessine sous trois axes: la production et l’offre de biens et services (implication de l’architecte), la consommation au travers de la demande et du comportement du consommateur et la gestion des déchets. Ces trois axes sont très liés, comme on peut le voir sur le schéma explicatif du principe de l’économie circulaire. L’architecte est lié au premier axe avec la notion d’éco conception, l’écologie industrielle et territoriale et l’économie de fonctionnalité. Ces nouveaux modes de conceptions dessinés par des problématiques environnementales viennent directement impacter le travail de l’architecte. Il est amené à modifier ses modes de conceptions architecturaux car la demande et les comportements évoluent. Nous reviendrons sur la notion d’éco-conception dans le second chapitre qui porte sur la liberté artistique avec les matériaux de réemploi. Le principe d’économie circulaire met en lien ces trois axes ils interagissent entre eux, l’axe « gestion des déchets » est donc en lien avec l’axe de production. Ainsi les métiers de production, construction, conception doivent plus facilement être en lien avec ces derniers, qui sont en partie les matériaux de réemploi. Ce processus évite, ou ralentit, le statut programmé des objets en déchet pour leur offrir de nouveaux usages avec pour seule limite l’imagination

OFFRE DES ACTEURS ECONOMIQUE

OFFRE DES ACTEURS ECONOMIQUE

DEMANDES ET COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS fig 6: Schéma principe de l’économie circulaire, extrait de terra-preta

1  Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’énergie

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Les gisements urbains: déconstruire pour mieux reconstruire La ville contemporaine est très hétérogène, il est donc plus difficile de comprendre comment et de quoi elle est composée. Aujourd’hui nos villes sont très diverses avec des matériaux de toutes origines et de toutes époques. Nos villes sont des gisements de resources énergétiques et matérielles valorisables, aussi appelé gisements urbains. Nous nous pencherons sur l’étude de Sabine Barles qui questionnent le potentiel des ressources urbaines1. « À titre d’exemple, l’agglomération parisienne consomme en 2010, toutes matières confondues (mais eau exceptée) et pour l’ensemble de ses activités, 11 t/ hab/an (Paris et petite couronne) et elle rejette 6 t/hab/an de déchets solides, liquides et gazeux soit plus de la moitié ». Parmi tous ces rejets de déchet il serait pertinent d’identifier leurs qualités d’usage et de les voir comme de la matière qui puisse être réinjectée dans la ville afin de limiter les flux sortants, mais aussi les flux entrants de nouvelles matières. Ainsi ce que nous appelons déchets est omniprésent dans nos villes, mais pour la plupart ce sont des matières, des ressources inexploitées que l’ont abandonne sous prétexte qu’elles ne sont plus adaptées à la demande actuelle. Le principe de l’économie circulaire, comme développé précédemment est de faire circuler les éléments donc de réutiliser ces derniers et de manière locale. En milieu urbain il y’a les bâtiments en déconstruction ou les bâtiments à l’abandon qui sont porteurs de matières réutilisables. Ce sont principalement les matériaux de déconstruction qui sont visés. Ainsi ces gisements urbains sont extraient différemment que pour des gisements naturels (mines, carrières, forêts). Les méthodes d’extraction se rapprochent donc plus de méthodes artisanales. Le démantèlement, donc le processus de déconstruction est lent et rigoureux, il demande des savoirs faire spécifique. De plus ces méthodes limites les nuisances sonores et visuels pour le voisinage, elle s’adapte à son milieu urbain.

fig 7: Illustration Bonnefrite, dans l’exposition Matière Grise

1  BARLES Sabine « les villes peuvent-elles devenir un pivot de l’autosuffisance ?», Les villes parasites ou gisement de ressources, 25-05-2010.

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Pour restituer ces processus et méthodes dans un contexte historique nous nous intéresserons à la mise en valeur des matériaux de construction réemployée au dix-neuvième siècle à Paris, puis à son déclin à l’échelle mondiale suite à l’essor de l’industrialisation. Cet exemple est inspiré de l’étude rédigé par Rotor dans « déconstruction et réemploi »1. Ces siècles derniers furent une belle illustration du réemploi de matériaux dans le secteur du bâtiment. Les transports étaient pourtant plus difficiles car, majoritairement animales ou humains mais la mains d’œuvre était abondante et bon marché. L’exemple Parisien, de réemploi à grande échelle montre l’essor de l’activité du réemploi au 19ème en Europe. Ce phénomène est évidement lié en France aux projets d’aménagements urbains entrepris sous Napoléon III, coordonnés par le baron Haussman jusqu’en 1870 et qui provoquèrent de nombreuses déconstructions. Ainsi 27 500 maisons furent démolies, 350 000 personnes délogées puis relogées et près de 14 000 travailleurs participèrent aux chantiers. L’économie de la ville fut à son plus haut niveau et 20% de la population active concerné par ce projet. Mais quel était la place du réemploi des ces nouveaux aménagements? C’est le baron Haussman qui insista pour vendre aux enchères les matériaux récupérés. Ces matériaux déconstruits abondèrent alors dans la ville de Paris en entraînant l’apparition d’un nouveau métier, à la croisée de l’entrepreneur en démolition, du revendeur de matériaux et de l’antiquaire. Ainsi de nombreux entrepreneurs apparurent mais c’est Achille Picart qui fit preuve d’un bel exemple de réussite dans cette nouvelle pratique. Il devint progressivement responsable de bon nombre de chantiers de démolition sous l’ère Haussmanienne. Son plus gros chantier restera le Palais des Tuileries, il fut incendié sous la Commune en 1871 et ses restes ne furent démolis que dix ans plus tard. L’état organisa une vente aux enchères et les décombres devaient être dégagés en six mois, délais très court pour l’époque. Achille Picart la remporta, il possédait l’une des rares entreprises à pouvoir coordonner un tel chantier de démantèlement. Le réemploi de matériaux de construction était à cet époque très prospère et pas seulement lié aux démolitions pour le nouveaux paysage urbains Parisiens. La mains d’œuvre était abondante et pas chère, le goût pour les objets et matériaux patinés attirait la bourgeoisie. Jusqu’à la fin du 19ème siècles les autorités publiques ont encouragé des pratiques de réemploi, majoritairement par le biais de ventes aux enchères. Au 20ème siècle l’industrialisation se développe et de nouvelles machines de démolition apparaissent, diminuant le nombre d’employés dans le secteur. Les coûts salariaux augmentent également entraînant une baisse du taux de rentabilité des opérations de déconstruction. A New York, en 1929 l’hôtel prestigieux Majestic est démoli massivement car le coût de la déconstruction ne rentabilisait plus la potentielle revente de matériaux. Au milieu du 20ème siècle, le secteur de la déconstruction est en déclin et n’offre plus les mêmes perspectives de rentabilité qu’au milieu du 19ème. Pour conclure, la mécanisation de l’industrie, les progrès technologiques et la hausse des salaires ont poussé la pratique du réemploi de matériaux de construction à la marge des activités du secteur de la construction.

1  GHYOOT Michaël, DEVLIEGER Lionel, BILIET Lionel, WARNIER André pour Rotor, Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les élements de construction, Edition Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018.

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Depuis 2005 c’est le collectif Belge Rotor qui s’intéresse au potentiel du réemploi principalement en Belgique avec pour intérêt majeur la compréhension des flux de matériaux dans l’industrie, la construction, le design et l’architecture. Ils s’intéressent aussi bien à des projets de conception architecturale qu’à un travail de recherche et de théorisation de celle-ci. En 2012 ils créent le site internet Opalis, c’est une plateforme pour regrouper les revendeurs Belges de matériaux de réemplois mais c’est aussi un guide sur le réemploi des matériaux de construction. En 2014 le collectif décide de former Rotor déconstruction, uniquement dédié au déshabillage d’édifice dans le cadres de la récupération. Ils sont propriétaires d’un entrepôt avec showroom où ils stockent les matériaux issus du démantèlement d’un patrimoine récent. Le collectif s’investit sur tous les fronts du réemploi de matériaux et poursuit ses recherches pour faire évoluer les lois concernant le réemploi de matériaux afin de développer au maximum cette pratique.

Les flux liés à nos déchets sont de plus en plus conséquents, il est important de prendre conscience de ces quantités de déchets en les revalorisant et en les réutilisant au maximum. « Cela revient aussi à considérer la matière présente non plus comme un déchet à évacuer le plus loin possible, mais comme un capital à valoriser et à préserver.1 » Ce processus permet de réinjecter les matières dites urbaines dans la ville. En requalifiant nos déchets et plus précisément nos matériaux de déconstruction on valorise les matières, les biens de la ville tout en gardant une trace historique.

fig 8:(page de droite) photo de chantier de déconstruction, équipe Rotor déconstruction

1  « Matières Grise » , expositions au pavillon de l’Arsenal, Encore Heureux, 26-09-2014 _ 04-01-2015.

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DE NOUVEAUX RAPPORTS A LA MATIERE Suite à une première partie introductrice au contexte actuel de nos villes et leurs capacités matérielles, il est intéressant de porter un regard à l’échelle de la matière. La limite est fine entre un déchet et de la matière, il suffirait de se l’approprier et de lui trouver un usage pour offrir une seconde vie à ce « déchet ». Dans cette partie nous questionnerons les matériaux dans leurs usages, leurs formes et leurs rôles. Il faudrait peut être retrouver un rapport primaire à la matière avec « ce qui est là ». Une mise en lien avec l’architecture vernaculaire semble pertinente afin de comprendre les rapports primaire à la matière et son environnement. «Si un mauvais livre ne se lit pas, si une mauvaise musique ne s’écoute pas, une mauvaise architecture est inévitable. Aussi, il ne faut pas commettre d’erreur. Il faut accepter le temps. Il faut des années non seulement pour construire mais aussi pour concevoir, vérifier, discuter, même avoir des opposants… qui nous obligent à réfléchir.»1 Quelques architectes développent leurs conceptions architecturales grâce aux matériaux. Ce dernier devient le point de départ de la réflexion, sa mise en œuvre, sa forme, sa couleur, son rapport à la lumière, à l’eau va dessiner l’édifice. Nous verrons donc les infinis possibilités créatrices qu’offrent les matériaux de réemplois et les nombreux collectifs qui encouragent cette pratique dans le monde entier.

1

Citation de Renzo Piano, sur France Culture, le 10-11-2017.

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Des perspectives vernaculaires Un bien ou produit dit vernaculaire est propre à un pays, à son territoire, son environnement et ses habitants. L’architecture vernaculaire c’est une architecture conçue en harmonie avec son environnement, en rapport avec l’aire géographique qui lui est propre, son terroir, ses habitants et ses ressources locales. Sa conception prend en compte des contraintes et des avantages à l’échelle locale suivant des savoirs spécifiques, propre aux habitants. Les rapports sociaux entre les acteurs de l’architecture vernaculaire sont renforcés, il y a en effet un lien identitaire entre les citoyens et leurs territoires. Les thématiques de l’architecture vernaculaire sont en lien avec les nouveaux usages de la matière que nous pouvons adopter. Comme expliqué dans la première partie nos villes sont comparables à des gisements urbains, pleines de ressources inexploitées qui n’attendent que notre imagination pour exister. Ainsi ces ressources sont locales et peuvent être conçues en harmonie avec leur milieu urbain, il s’agit d’appliquer les principes vernaculaires à une architecture contemporaine, on parle alors de vernaculaire contemporain. Dans cette partie nous étudierons deux références ancrées dans ces principes. Tout d’abord l’architecte Peter Zumthor pour sa sensibilité appliquée à la matière et au contexte de ces architectures. Puis un exemple très récent et d’actualité, la ZAD de Notre-Dames-desLandes qui a explorée ces vingt dernières années de nouvelles manières d’habiter avec des resources locales. Ces deux études de cas sont des architectures implantées dans des contextes ruraux, néanmoins il s’agit de comprendre leur mode de conceptions afin de les appliquer à une échelle plus urbaine.

fig 9: assemblage bois du pavillon suisse à l’exposition universelle de Hanover

fig 10: intérieur béton banché de la chapelle bruder klaus

fig 11: façade bois de la chapelle Saint-Benedict

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L’architecte Peter Zumthor fait figure de bon exemple pour témoigner d’architectures vernaculaires. Nombreuse de ses architectures sont édifiées dans son pays natal en Suisse où il connait le territoire et accorde beaucoup d’importance au contexte, il construit la poésie du lieu. L’architecture de Zumthor pourrait s’inscrire dans la lignée du courant appelé Régionalisme critique, qui utilise la force du contexte. Il en est de même pour son rapport à la matière particulièrement en lien avec les savoirs faire locaux qu’il a su adapter aux besoins modernes. L’architecte fait preuve d’une grande maîtrise dans la mise en œuvre des matériaux, avec des univers constructifs très marqués. «When I start, my first idea for a building is with the material. I believe architecture is about that. It’s not about paper, it’s not about forms. It’s about space and material.»1 Il a la capacité de s’adapter et de comprendre les enjeux territoriaux afin de créer un architecture adaptée à son milieu. Son ingéniosité envers la mise en œuvre des matériaux offrent une très belle diversité architecturale et rend son architecture unique.

Outre les nombreuses tensions politiques présentent dans la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes depuis 2002, les occupants ont su développer une « forme d’organisation collectives »2. De nouveaux modes d’habiter ont émergés de cette zone liés à une harmonie territoriale et une forte interaction entre paysans, voisins, squatteurs, animaux sauvages, étudiants, militants etc. La ZAD de Notre-Dame-des-Landes à développée des nouvelles manières d’habiter et de bâtir principalement par la biais de grands chantiers collectifs. En effet des corps de ferme sont rénovés, de nouveaux hangars aux charpentes impressionnantes apparaissent. C’est aussi la présence d’habitats légers ou nomades, camions, caravanes, yourtes qui complètent ce paysage habité.3 Ce phénomène d’architecture sans architecte démontre la liberté créatrice de chacun à construire son habitat avec des matériaux locaux et disponibles. Pour la plupart c’est avec des matériaux de réemplois, faisant apparaitre des curiosités architecturales ingénieuses. Ou encore répondant à des enjeux écologiques et énergétiques avec de la terre, du bois, de la paille et autres matériaux biosourcés. L’article de Mediapart publié en Avril 2018 nous offre un beau résumé des capacités et de l’avenir de la ZAD. « Ce qui s’y joue, c’est l’invention d’un vernaculaire contemporain fait d’enjeux mondiaux et de matériaux locaux. Ce qui s’y joue, c’est aussi la défense d’un patrimoine vivant issu d’une lutte solidaire qui ouvre nos imaginaires. » Finalement ces architectures en milieux ruraux utilisent des matières locales, bois d’une forêt locale, taule d’un vieux hangar, tuiles en bois etc. Il est donc interessant d’appliquer ces concepts architecturaux, avec cette sensibilité à la matière, à une échelle urbaine. Il nous faut comprendre de quoi sont composées nos villes, quelles matières sont à notre dispositions afin de dessiner une architecture locale qui diminue les flux entrant de matières premières dans la ville. Vers une utilisation de matériaux de déconstruction à notre disposition.

1  Citation de Peter Zumthor 2  « À Notre-Dame-des-Landes, architectes et urbanistes défendent les modes d’habiter de la ZAD », lumières de la ville.net, 13 Avril 2018 3  « Comme à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, défendons d’autres manières d’habiter », Mediapart, 06-04-2018.

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fig 12

fig 13

fig 14 fig 12, 13 & 14: Constructions architecturales Ă la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

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Les libertés artistiques et créatrices du réemploi Nos villes regorgent de matières en attente d’usage et de réemploi, c’est à notre imaginaire d’utiliser et de réemployer ces matières. Les matières disponibles dans nos villes peuvent devenir un point de départ à la conception du projet architectural. Avec ces ressources à notre disponibilité l’architecte peut réfléchir aux innombrables possibilités constructives avec une palette de matériaux souvent très diverses. Dans leur exposition « Matière Grise » en 2014, le collectif Encore Heureux souhaite interroger le citoyen sur l’usage actuel et futur de la matière. Faire prendre conscience au grand public de revaloriser la matière qui est près de nous, dans nos villes, dans nos maisons, telle un gisement urbain. Cette réflexion invite aussi l’architecte à repenser ses modes de conception et de construction. Réunir pour mieux réfléchir. Pour comprendre le cycle de la matière ils ont fait appel à de nombreuses disciplines, des penseurs, démolisseurs, avocats, historiens, philosophes ou encore géographes afin de mettre en lien les points de vue, les idées, les constats et trouver des solutions. Leur principale préoccupation est de réduire l’énergie grise. C’est l’énergie nécessaire à extraire, transformer, transporter et mettre en œuvre la matière. Pour réduire l’énergie grise le collectif prônent la réflexion, c’est la matière grise. Il s’agit de ce questionner davantage sur ce qui nous entoure, c’est plus de conscience, de lucidité et faire preuve d’invention et de créativité. Les ressources intellectuelles semblent infinies alors utilisons les.

L’éco-conception est une nouvelle pratique qui incite à de nouveaux modes de conceptions, elle fait partie du processus de l’économie circulaire, comme expliqué précédemment. Ce processus consiste à intégrer l’environnement dès la conception d’un produit ou service, et lors de toutes les étapes de son cycle de vie, c’est une vision multi-étapes. Elles prend en compte toutes les étapes du cycle de vie de produits, depuis l’extraction des matières premières, jusqu’au traitement en fin de vie, en passant par la fabrication, le transport et l’utilisation. Ainsi, elle intègre les réflexions environnementales au même titre que la faisabilité technique, la maîtrise des coûts et des délais, la commercialisation, ainsi que la performance d’usage, etc. L’architecte est donc concerné par ce nouveau modèle économique afin de mettre en lien les thématiques environnementales à la construction et la conception architectural.

La pratique du réemploi développe de nouvelles techniques de mise en œuvre et de nouveaux canons esthétiques. En effet d’après Jean Marc Huygens dans son livre « la poubelle et l’architecte » les matériaux de réemplois constituent une cinquième famille à part entière. Ce qu’il appelle le « réemployeur », ne visant pas seulement les architectes, opère avec de nouvelles techniques générant aux matériaux une particularité et une mise en valeur. L’architecte réemployeur est tout de même guidé par les matériaux de déconstructions (abandonés ou non) qui s’offrent à lui, comme tout matériaux ils sont en quantité limité, mais c’est leur disponibilité immédiate qui va guider l’architecte dans sa futur conception architecturale. « L’architecte est d’abord un glaneur » il va ramasser, récolter, récupérer ce que la société de consommation considère comme des déchets.

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fig 15: Sos children’s village de studio gang depuis studiogang.com

fig 16: Test des bétons reutilisés et croquis pour la façade de l’edifice

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fig 17: Villa Welpeloo, depuis vivredemain.fr

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Il est intéressant de rapprocher ce processus de l’architecte réemployeur au travail de l’agence néerlandaise basée à Rotterdam Superuse studio. Elle est fondé en 1997 par Césare Peeren et Jan Jongert, l’équipe de renommé nationale et internationale a su ce faire connaitre par leurs approches flexibles s’appliquant à plusieurs échelles. Ils deviennent des pionniers dans le domaine de la conception durable. Ils proposent une reconnexion de notre société à plusieurs niveaux, ils prônent une utilisation plus efficace et plus réfléchit des ressources, des énergies et de la main d’œuvre. Ils analysent le métabolisme du territoire afin d’en comprendre les dysfonctionnements dans le but de revaloriser les flux superflus et limiter les déchets de ressources et d’énergies. Le projet de la villa Welpeloo offre une belle preuve d’application de l’architecte réemployeur. Cette villa commandée par un couple de collectionneur en 2009 est constituée à 60% par des matériaux de réemplois. Selon les possibilités et les disponibilités des matières aux alentours du site l’édifice a pu voir le jour. La conception du projet était en perpétuelle changement puisqu’elle était majoritairement basée sur les matériaux récoltés au fur et à mesure. Ainsi de nouvelles formes et modes de constructions novatrices se sont développées petit à petit. Le studio a utilisé son propre réseau d’approvisionnement en lien avec google Earth afin de récupérer des matériaux dans un rayon de 15km. Les façades principales sont faites de lattes de bois d’anciennes bobines, qui emballaient les câbles électriques, ici elles sont démontées et permettent de créer un motif répétitif pour dessiner la façade. La structure principale de l’édifice est en acier et provient d’ancienne machine à tisser, trace de la culture régionale. Ce projet est une très belle preuve qu’il est possible de développer une conception architecturale autour de matériaux de réemploi, impliquant tout de même une perpétuelle réflexion et des idées innovatrices porteuses de créations architecturales uniques. «Architects apply these materials in their designs. It requires special attention and new skills, but the resulting images can have quite unexpected qualities.»1

1

JONGERT Jan, HINTE Ed, PEEREN Césare, Superuse, extrait du livre proposé par treehugger.com

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Réemploi à deux vitesses Le réemploi œuvre dans une démarche de durabilité où les matériaux de déconstruction utilisés sont réinjectés dans la ville. L’hypothèse du réemploi à deux vitesses est de penser aujourd’hui avec des matériaux réemployés mais surtout d’anticiper le futur réemploi des matériaux dès la conception du projet. Dans cette optique les matières en vue d’être réemployées ne deviennent jamais des déchets puisqu’elles sont programmées à être réutilisées. Dans un principe un peu utopique c’est comme si les matériaux pouvaient être infiniment réutilisés.

La démontabilité est la suite logique de la déconstruction et du réemploi, ce sont des enjeux qui deviendront d’ici peu essentiels. « Le démontage, opposé à la démolition destructrice, permet de désolidariser chaque composant pour les réemployer dans une nouvelle construction. »1 Il serait donc interessant de penser le réemploi anticipé comme concept, en prenant en compte dès la conception architecturale du projet la possibilité de démonter l’ouvrage. Ce déroulement offrirait des projets plus modulables et un démantèlement opérationnel dans le cadre du réemploi des matériaux. Pour faciliter cette opération laborieuse et couteuse qu’est le démantèlement l’architecte doit pouvoir réfléchir en amont à des assemblages (structurels ou non) réversibles évitant de figer et d’abimer les matériaux. Mais aussi sur le type de fondation et le poids du bâtiment afin d’anticiper le calcul du démantèlement, d’une approche économique et énergétique. Il faudrait éviter toutes les actions qui ont un impact, irréversible, sur l’architecture. En plus de réduire notre consommation de matières il faudrait aussi anticiper au mieux sa pérennité. En vue de ce nouveau mode de conception architecturale il est nécessaire que l’architecte soit correctement formé à la connaissance de la matière. Néanmoins aujourd’hui les études d’architecture ne forment pas les étudiants dans cette optique, nous reviendrons sur ce sujet dans la dernière partie. « Le réemploi est considéré comme une stratégie particulière au sein des principes généraux portant sur l’adaptabilité des bâtiments. Ceux-ci se déclinent par ailleurs à plusieurs niveaux, depuis l’échelle de ses éléments constitutifs (les éléments de construction et leurs sous-composants).»2 La citation est tirée de l’ouvrage de Rotor3 où est analysé le principe du pace layering illustrée par les « sixS » de Stewart Brand, comme le montre le schéma. L’épaisseur du trait de chaque layer est proportionné à leur durer de vie moyenne. « Cette conception repose sur une hiérarchie établie entre les différentes couches en fonction de leur niveau de fonctionnalité et de leur usage. »4

1  HOYET, Nadia. Matériaux et Architecture durable, Fabrication et transformations propriétés physiques et architecturales, approche environnementale . Paris : Dunod, 2013, p.69 2  ROTOR, Déconstruction et réemploi, anticiper le réemploi des éléments de construction, p.120. 3 idem 4 idem

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STUFF (=choses) SPACE PLAN SERVICES SKIN(=enveloppe) STRUCTURE SITE fig 18: pace layering les « sixS » de Stewart Brand

Le principe est alors de permettre des connexions réversibles pour faciliter le démontage et la récupération des éléments de constructions. Il ne s’applique pas forcément en fin de vie du bâtiment car l’idée est de séparer et de garder une distinction entre ces couches afin de faciliter le remplacement d’une épaisseur sans entrainer la mise au rebut de couches plus pérennes. Ce concept est une proposition d’anticipation au réemploi de matériaux et à une plus grande modularité du bâtiment. La conception étudiée par Steward Brand des différentes couches du bâtiment peut émaner d’un processus de préfabrication intelligemment dessiné. Une partie des architectes portent encore un mauvais regard sur la préfabrication des éléments de construction. Ces derniers ce sont principalement développés dans la période d’après guerre où le modèle devait reloger le maximum de personnes au plus vite. De piètre qualité et ne proposant aucune connexion entre les habitants dans sa mise en application, l’usage du préfabriqué à cette période donne une mauvaise image du procédé. Pourtant la préfabrication regroupe énormément d’avantage et peut-être adaptée aux enjeux du développement durable afin de permettre une sauvegarde des ressources. « Pour cela la préfabrication devrait permettre une flexibilité d’aménagement, des systèmes d’assemblages facilement démontables par les locataires pour pouvoir adapter ses cloisonnements à leurs besoins, voire aux évolutions de cellules familiales. »1

1  BERTIN Ingrid, Réemploi et Préfabrication, en quoi la préfabrication engendre-t-elle un potentiel et une source de réemploi en architecture?, mémoire étudiante, 2015-2016, p.101.

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Cette hypothèse de réemploi à deux vitesses comporte peu d’exemple concret car déjà la pratique du réemploi se re-développe depuis une dizaine d’années. Mais cela n’empêche en rien la construction d’hypothèses sur de nouveaux modes de conceptions, comme il a été expliqué précédemment dans ce rapport les changements économiques et environnementaux tendent à modifier nos modes de réflexions. Dans l’ouvrage de Rotor, « Déconstruction et réemploi » il est intéressant de souligner une théorie évoquée, celle de la « consigne ». Il s’agirait d’appliquer aux éléments de construction un système de consigne. Si le produit rejoint une filière de réemploi, le client est alors remboursé de son acompte effectué lors de l’achat. La matière permet la forme architectural, l’abri, la maison elle est donc nécesaire lors de la conception architecturale. Le réemploi répond à une économie de matière mais il n’existe pas de limite à la créativité architectural. L’architecte rémployeur est ingénieu et renoue avec son environnement en réutilisant les matières d’origines urbaines et rurales.

fig 19: mur en tuile de toiture, Nave 8B de Arturo Franco, depuis plataformaarquitectura

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LES POSSIBILITES DE L’ARCHITECTE Comme expliqué précédemment nos villes sont en pleines mutations, écologiques, économiques et politiques, l’architecte se doit d’analyser ces changements dans le but de faire évoluer les modes de conceptions architecturaux. Le métier d’architecte est un domaine pluridisciplinaire et même interdisciplinaire car il tend à intégrer dans son processus de réflexion d’autre corps de métier tels que des artistes, des ingénieurs, des biologistes ou encore les futurs utilisateurs, les voisins et la planète. Jean Marc Huygens parle de mouvement d’architectes indisciplinaires « par leurs prises de positions politiques (sociales et écologiques), par leurs conceptions du rôle de l’architecture dans la société, et surtout par leur manière de traiter la matière. »1 Doit-on alors considérer l’architecte-réemployeur comme indiscipliné sachant que la pratique du réemploi garde un statut marginal pour beaucoup. L’architecte indiscipliné à pleine conscience et a fait le choix de s’écarter de la discipline architecturale communément admise. Mais c’est peut-être à la discipline architecturale de prendre position vers de nouvelles pensées et de faire évoluer la statut de l’architecte. La société de consommation liée aux publicitaires et aux divers lobbys a emprisonné le métier d’architecte en lui imposant des limites, des cahiers des charges strictes, des matériaux bien précis empruntés à des catalogues, poussant l’architecte à utiliser constamment des produits neufs. Nous verrons que ce système arbitraire de catalogues de produits se décline aujourd’hui pour les matériaux de réemplois sous forme de plateformes numériques. Si le métier d’architecte est voué à évoluer, il semble évident d’opérer ces changements à la source, dans les écoles d’architecture. Enfin les mutations du métier peuvent aussi se faire à des fins sociales, l’architecte tend à renouer des liens sociaux sur les chantiers autant avec les ouvriers qu’avec les futurs usagers.

1  HUYGENS Jean-Marc, La poubelle et l’architecture, vers le rémploi des matériaux, Edition Acte sud, serie l’impensé, 2008, p.65.

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Accès aux matériaux de réemploi Nos villes sont pleines de ressources, comparables à des gisements et depuis quelques années apparaissent des plateformes de réemplois dans le but de faciliter l’accès aux matériaux de déconstruction. La mise en œuvre de ces plateformes a été appuyée par l’ordonnance de 2010 relative à la directive Européenne « déchets » de 2008. « Les consultations sur la feuille de route de l’économie circulaire du gouvernement prévue pour fin mars 2018 suggèrent vivement (par la voie de la Plateforme RSE) de promouvoir et favoriser le développement d’initiatives portant la création de nouvelles filières de recyclage. »1 Ces évolutions sont en lien avec des volontés Européennes, comme celles d’atteindre 70% de recyclage des déchets de construction et de déconstruction à l’horizon 2020.

fig 20 : extrait du site cycle-up

fig 21 : extrait du site opalis

En Ile de France il existe de nombreuses plateformes proposant différents services, Batidon propose une évacuation des surplus de déchets et des dons aux associations, Cycle-up met en relation et accompagne les différents acteurs du chantier etc. En Belgique il y a la plateforme Opalis créée par le collectif Rotor, elle opère sur les mêmes principes et référence les matériaux de déconstruction disponibles. Le site Leboncoin reste aujourd’hui encore une valeur sur pour rencontrer des matériaux de déconstruction. Force est de constater que le réemploi s’institutionnalise. Emmanuelle Baboulin, en charge du Pôle Foncière Tertiaire d’Icade est fière de ce développement et compte bien l’étendre, «Nous avons les moyens d’agir et de monter des actions de lobbying »2. La plateforme cycle-up se développe doucement, l’intérêt financier est encore faible. La main d’œuvre de déconstruction est très coûteuse, elle demande du temps, de la patience et des connaissances spécifiques. En effet, à chantier d’égale importance la déconstruction implique à peu près 7 fois plus de main-d’œuvre que la démolition3. Les matériaux gérés par cette plateforme seront revendus 10 à 50% moins chers que des produits neufs. Cet important développement de réseaux sur les matériaux de déconstruction pourrait inquiéter l’industrie car cette pratique tend à s’industrialiser et à devenir un marché concurrentiel. « L’industrie est d’ores et déjà en train d’étudier le sujet en se préoccupant de la pérennité de sa production. Nous serrons aussi obligés de travailler avec elle notamment pour le reconditionnement ».4 1  D’Dline 2020 vecteur du bâtiment durable, « Matériaux de construction: le boom des plateformes de réemploi », ROLLIN Florence, le 12-03-2018. 2  AA’ n°422, « vers une industrie du réemploi », HUGRON Jean-Philippe, Décembre 3  HYOOT Michaël, DEVLIEGER Lionel, BILIET Lionel, WARNIER André pour Rotor, Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les élements de construction, Edition Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018. 4

article AA’ idem

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L’outil de cartographie met en lumière les entreprises liées aux domaines du réemploi grâce à une carte interactive1 (voir figure 20) imaginée et dessinée par Morgan Moinet et Frantz Daniaud en partenariat avec les membres du groupe facebook sur le réemploi. Les icônes en vert désignent les ressources de matériaux, en rouge ce sont les constructions et réalisations mettant en œuvre des matériaux de réemploi et en bleu les concepteurs/ constructeurs. Les différents outils pour œuvrer au réemploi, en particulier les plateformes de réemplois, proposent de nombreuses aides et guides aux entreprises pour développer ce type d’architecture, de plus elles participent à la dynamique de l’économie circulaire du bâtiment. Ainsi on constate de nombreux changements dans la filière du BTP avec de nouveaux acteurs et de nouvelles filiales du recyclage.

fig 19: carte interactive des espaces d’échanges et de constructions sur le réemploi

L’architecte a donc la possibilité de s’approvisionner en matériaux de réemplois. Bien que la pratique soit en pleine évolution, certains éléments sont encore des freins au réemploi et aux futurs architecte-réemployeurs. L’ADME2 a identifié plusieurs points, il y a la responsabilité en cas de défaillance technique, les problèmes sanitaires ou environnementaux et qui endossera la responsabilité entre le maître d’ouvrage, l’entreprise de démolition ou la plateforme de mise à disposition en cas de problème. De plus en raison de la garantie décennale et dommage ouvrage, les entreprises sont réticentes car elles engagent leur responsabilité, il faudrait pouvoir proposer des contrats de garantie spécifiques. Le secteur du réemploi a néanmoins des beaux jours devant lui. En 2016 la France a traitée 100 millions de tonnes de déchets pour un chiffre d’affaires national de 1,7 milliards d’euros. 1  Matériaux et réemploi.com « réemploi des matériaux de construction », MOINET Morgan, DANIAUD Frantz, 29-01-2018. 2  Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie

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Les étudiants au cœur de la mutation du métier d’architecte Nous avons pu constater les différents changements, à la fois économiques, politiques et écologiques, qui tendent à modifier le métier d’architecte. Qu’en est t’-il de la formation d’architecte? Les étudiants en école d’architecture sont les futurs architectes, c’est à eux de comprendre les diverses problématiques qui nous entourent et dessinent le nouveau visage du métier d’architecte. Aujourd’hui en école d’architecture on ne nous apprend pas à être architecte mais à construire une réflexion architecturale. L’accent est mit sur les capacités intellectuelles et conceptuelles plutôt que techniques. Pourtant certains architectes prônent la réflexion architecturale par le biais de la matière, tel Peter Zumthor, comme expliqué dans le chapitre précédent. «La connaissance de la fabrication des matériaux renseigne sur la nature et la quantité de matières premières et d’énergie nécessaire ainsi que sur les rejets induits par la production. Cette information, d’ordre environnemental, est utile pour comprendre l’impact de la mise en œuvre des matériaux aussi bien au niveau local que global.»1 Une remise en question de l’enseignement dans les ENSA en France peut être posée.

En France c’est ENSA ECO, un réseau de l’enseignement pour la transition écologique dans les ENSA qui cherche à apporter des solutions pour faire évoluer l’enseignement architectural. Il a été fondé en novembre 2016, mais l’idée s’est développée entre 2006 et 2009. Ce réseau a pour objectif « d’initier et de poursuivre une réflexion autour de l’enseignement de la thématique de la transition écologique dans les écoles d’architecture; tout en fédérant les enseignants intéressés par cette thématique ».2 L’appel de Lyon lancé par ce réseau est, une pétition pour développer l’enseignement de la transition écologique au travers de la rédaction de sept points précis dans le cadre de l’enseignement et des modes de vie étudiants. « L’enjeu est de valoriser les cultures constructives dans leur diversité, de contribuer au développement des territoires, d’améliorer la culture architecturale des décideurs et de retisser des liens de confiance entre les architectes et les citoyens. Les écoles doivent aussi porter, au-delà de leurs murs, un message éthique et technique sur l’écologie du projet, afin de préparer les futurs citoyens à devenir acteurs de la transition écologique. »3 Il ya déjà 756 signatures à ce jour (le 12-05-2018). Ce réseau est une belle preuve d’évolution et de mutation dans l’enseignement architecturale.

1  HOYET, Nadia. Matériaux et Architecture durable, Fabrication et transformations propriétés physiques et architecturales, approche environnementale . Paris : Dunod, 2013, p.16 2  ENSAECO depuis le site internet 3 idem

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Au Etats-Unis l’université de Auburn en Alabama participe à l’enseignement technique en école d’architecture. Rural Studio est un programme d’architecture au sein de l’université, le studio a été fondé en 1993 par l’architecte Samuel Mockbee et D. K. Ruth, il vise à enseigner aux étudiants les responsabilités sociales de la profession d’architecte. Ce programme aspire à des constructions inspirantes et bien construites pour les communautés pauvres dans l’Alabama rural. Depuis 2005 l’équipe de Rural Studio à développé et expérimenté une nouvelle maison rurale connue sous le nom de $20K House. Ils souhaite créer une maison belle, petite et efficace pour des populations en difficulté qui ne peuvent pas faire de crédits dans le but d’acheter leur maison. Le but est donc de construire une maison pour 20 000$ américains dont 12 000$ serrais alloués aux matériaux et 8 000$ à la main d’œuvre. Cependant le coût du travail est difficilement chiffrable et peut varier selon la municipalité locale, la communauté et le voisinage. Ce concept a d’abord vu le jour comme maison témoin afin de vendre ces maisons en accord avec le « 502 Direct Loan » fourni par le service du logement rural d’Alabama. Le projet c’est étendu à 16 maisons soutenu par des étudiants en architecture ou en design. Le projet tend à s’étendre pour multiplier les interventions au delà de la zone actuelle proposée. Ce programme apprend aux étudiants de l’université d’Auburn à devenir « des architectes citoyens » pour offrir à tous un logement décent.

fig 20: 20K House, depuis Ruralstudio.com

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Changement du métier dans sa fonction sociale En plus des mutations sur le rapport à la matière et celles dans l’enseignement architectural, le métier d’architecte subit un début de mutation au niveau des rapports sociaux. La société de consommation pousse les architectes à produire des bâtiments avec des matériaux neufs et rapidement au risque de perdre la relation avec les principaux intéressés que sont les habitants. Depuis quelque années se développent des chantiers participatifs aussi appelés chantiers solidaires ou encore chantiers collaboratifs. Ce sont des événements durant lesquels les citoyens se retrouvent pour partager, échanger et travailler ensemble de manière bénévole et dans la convivialité. Qu’il porte le nom de chantier participatif, chantier solidaire, chantier collaboratif, etc. c’est un évènement durant lequel des gens se retrouvent pour travailler ensemble, bénévolement et dans la convivialité. Bien que ces événements n’intègrent pas forcement un architecte ils sont une belle preuve de partages et d’échanges entre les acteurs. La notion d’échange et de restructuration des liens sociaux a été mise en œuvre de manière très poétique par l’architecte Patrick Bouchain et son équipe dans le quartier chemin vert à Boulogne-sur-Mer. L’architecte souhaite montrer du doigt le gâchis engendré par la démolition de certains logements sociaux. Bien qu’ils soient déclassés d’un point de vue énergétique, technique mais aussi pour les usagers eux-mêmes, il souhaite réahabiliter 60 logements voués en principe à la démolition. Patrick Bouchain dit en parlant des logements sociaux: « C’est le seul bâtiment dans l’histoire de l’architecture qui interdit à l’usager de le transformer, puisqu’il doit être rendu dans l’état d’origine. C’est un négationnisme en architecture. Tout ce qui est la vie, l’apport des cultures à la vie courante, n’est pas pris en compte. »1 C’est en 2011 que Sophie Ricard une des architectes de l’équipe de Patrick Bouchain s’est installée rue Auguste Delacroix au cœur du site de projet afin de « construire ensemble le grand ensemble » à Boulogne-sur-mer. L’idée développée par l’architecte est de régler le problème à la source afin d’éviter une déstructuration sociale pour les habitants du quartier, pour la plupart âgées et ayant de faibles revenues. Ses méthodes sont bien inhabituelles, à la manière de l’architecte « indiscipliné » comme évoqué par J.M. Huygens précédemment. En effet la permanence architecturale tenue par Sophie Ricard à permis de renouer des liens entre l’architecte et les habitants par le biais de l’observation et du dialogue. Les demandes de chacun on été écoutées, délibérées et misent en application pour le plaisir de tous. « Je travaille à créer, en architecture, une situation dans laquelle la construction pourra se réaliser d’une autre façon et produire de l’inattendu, donc de l’enchantement. »2

1

Interview de Patrick Bouchain par Edith Hallauer, strabic.fr, 28-07-2011

2

idem

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Renouer des liens sociaux peut aussi se faire par le dessin de nouvelles architectures plus adaptées et reflechies pour les besoins de chaque population. Le travail d’Alejandro Aravena, architecte Chilien, œuvre entre génie architectural et vocation sociale grâce à des pratiques collaboratrices qui prennent en compte un des enjeux du 21e siècle qui consiste à apporter un habitat décent à tous. En 2010, suite à un important tremblement de terre à Constitucíon au Chili détruisant 80% des constructions, l’agence de A. Aravena, Elemental, propose une manière inédite et innovante de redessiner des habitations pour les populations à faibles revenues. Ce sont 484 maisons incrémentales appelées les « half a house », pour la simple raison que ce sont des demies maisons qui ont été programmées. L’équipe d’architecte devait répondre à une demande de relogement rapide avec un budget très faible, ils ont donc préféré dessiner des moitiés de maison bien plutôt que de petites maisons terminées. La première partie de la maison construite représente 57m2 et peut s’étendre jusqu’a 85m2. Le principe est de permettre aux habitants de construire eux même la seconde partie et l’agence prévoit des aides et des propositions d’aménagements pour accompagner les habitants Ces révolutions sociales chez les architectes se multiplient et de nombreuses agences s’interrogent sur les innovations sociales qu’elles peuvent apporter par l’architecture. Lors de mon dernier stage à Buenos Aires au sein de l’agence Irarquitectura j’ai été en charge du projet « plug-in » répondant à des thématiques similaires. L’agence avait mis au point des douches à partir de matériaux réemployés qui venaient se greffer aux habitations précaires déjà existantes. Ainsi l’architecte de demain doit être plus à l’écoute des problématiques sociales qui nous entourent afin de retisser des liens et proposer des architectures humaines.

Les possibilités de l’architecte sont infinies, pourtant certaines évolutions du métier restent encore des pratiques marginales. Les architectes jouent un rôle important dans la société, il sont aussi guidés par celle-ci mais peuvent également aider à son bon développement. Les exemples vus dans cette partie montrent quelques architectes dit « indisciplinaires » qui encouragent à de nouvelles conceptions architecturales en vue de mutations profondes dans le métier d’architecte et de son enseignement.

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fig 21: illustration bonnefrite, depuis exposition matière grise

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CONCLUSION Dans ce rapport, nous nous sommes intéressés à des thématiques plus larges que la seule pratique du réemploi afin de comprendre son intérêt et ses qualités environnementales. En effet nous avons dans un premier temps étudié les mutations urbaines actuelles liées aux problématiques politiques, environnementales et économiques c’est à dire au contexte sociétal actuel. Par ces changements divers, le métier d’architecte est amené à évoluer en corrélation avec celles-ci. Suite à l’analyse brève des flux de matériaux entrants et sortants d’une ville, nous avons constaté d’importants flux dédiés aux déchets (ménagers et de construction). Ces métabolismes urbains sont négatifs et entraînent de nombreuses répercussions sur la société. Aujourd’hui le développement de l’économie circulaire favorise la circulation et le renouvellement des éléments de constructions. En limitant la démolition et en favorisant la déconstruction de bâtiments, la pratique du réemploi répond davantage aux principes de circuits courts en réutilisant les matériaux qui composent les milieux urbains. En fonction de cela, l’architecte doit être capable de faire évoluer ses pratiques vers des modes de conceptions et de constructions moins néfastes pour l’environnement. Les relations à la matière évoluent en conséquence de cette nouvelle pratique. En renforçant l’idée de circularité des éléments les architectes sont amenés à penser avec ce qui forme le paysage avoisinant, en référence à l’architecture vernaculaire qui s’appuie sur son environnement. Les matériaux peuvent alors devenir l’axe majeur de réflexion architecturale en étant le point de départ du projet. Le rapport à la matière devient alors beaucoup plus riche et ouvre à une plus grande liberté artistique et créatrice. Bien que les matériaux soient plus ciblés lorsqu’ils proviennent du réemploi, ils mènent à des architectures originales et uniques qui conservent le patrimoine des matériaux comme l’illustre l’exemple particulier de la ZAD de Notre-dame-des-Landes. Dans la perspective de nouveaux modes de conceptions et de constructions, le réemploi peut être pensé en amont. Une mise en œuvre méticuleuse des matériaux peut leur procurer une modularité dans l’édifice, une facilité de démontabilité, un avenir garanti à être réemployés tout en répondant à une logique de circulation des éléments de construction.

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Bien que la pratique puisse encore être qualifiée de marginale, elle se développe énormément et les possibilités pour les futurs « architectes réemployeurs » sont nombreuses. On tend à parler d’industrialisation du réemploi suite au développement accru des plate-formes de réemplois qui facilitent l’accès aux matériaux de déconstruction. Ces mutations du métier d’architecte sont importantes dans le cadre d’un développement en lien avec les évolutions de notre société actuelle afin de limiter l’impact environnemental dans le domaine du BTP. Les changements sont aussi notables pour les étudiants en architecture qui veulent être en lien avec les avancements écologiques du 21e siècle. Certaines données utilisées pour appuyer mon raisonnement sont des données brutes « dites sciences exactes » afin d’avoir une première approche et un contexte d’étude. Néanmoins pour approfondir ma problématique et la thématique étudiée, une étude des sciences sociales plus développée aurait permise de révéler d’autres aspects de la mutation du métier d’architecte qui dépendant aussi du parcours professionnel de chaque architecte. Les recherches dédiées à ce rapport d’étude m’ont beaucoup apportée sur la richesse de la pratique du réemploi et son impact sur de nombreux domaines, bien au-delà de l’échelle de l’architecte. Elles ont influencée mon regard sur l’architecture et la richesse du métier d’architecte. Cela ma aussi permise de découvrir des thématiques que je souhaiterais développer dans certains projet architecturaux étudiant, comme la démontabilité en vue du réemploi. Bien que la pratique du réemplois soit avant tout en faveur d’évolutions écologiques les mutations du métier d’architecte qui peuvent l’accompagner pourraient aussi servir au reforment des liens sociaux sur les chantiers et encourager une architecture plus en relation avec les principaux intéressés: les futurs habitants.

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES: - HYOOT Michaël, DEVLIEGER Lionel, BILIET Lionel, WARNIER André pour Rotor, Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les élements de construction, Edition Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018. -HUYGENS Jean-Marc, La poubelle et l’architecture, vers le rémploi des matériaux, Edition Acte sud, serie l’impensé, 2008. -DELON Nicolas, CHOPPIN Julien, Matière Grise, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 2014. -HOYET, Nadia. Matériaux et Architecture durable, Fabrication et transformations propriétés physiques et architecturales, approche environnementale . Paris : Dunod, 2013.

ARTICLES: -HUGRON Jean-Philippe, « vers une industrie du réemploi », AA’ n°422 Décembre -BARLES, Sabine, « Comprendre et maîtriser le métabolisme urbain et l’empreinte environnementale des villes », Responsabilités et environnement N°52, Octobre 2008.

MEMOIRES UNIVERSITAIRES: -BERTIN Ingrid, Réemploi et Préfabrication, séminaires matières à penser 2015-2016, ENSA Marne la vallée.

-LBOUKILI Younès, Le Réemploi, Vers une mutation de la discipline architecturale, 2016, ENSA Marseille.

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- « entreprises du BTP » , Data las, Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, Mars 2017 à découvrir http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Produits_editoriaux/Publications/Datalab_essentiel/2017/datalab-essentiel-96-btp-mars2017-b.pdf -« Energie grise », Dictionnaire environnement, https://www.dictionnaire-environnement. com/energie_grise_ID5863.html -http://www.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/reduire-impacts/reduire-coutdechets/dossier/dechets/quest-quun-dechet -CHATAIN Baptiste « Déchet: il faut encourager le recyclage et réduire la mise en décharge et le gaspillage alimentaire, selon les députés » actualité Parlement européen,, communiqué de presse, 24-01-2017, http://www.europarl.europa.eu/news/fr/ press-room/20170123IPR59605/dechets-encourager-le-recyclage-et-reduire-la-mise-endecharge -POUCHARD Alexandre , « comment San Francisco s’approche du zéro déchet », Le Monde, le 28/05/2014, disponible sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/28/comment-san-francisco-s-approche-du-zero-dechet_4421676_3244. html -Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’énergie, http://www.ademe.fr/expertises/economie-circulaire -BARLES Sabine « les villes peuvent-elles devenir un pivot de l’autosuffisance ?», Les villes parasites ou gisement de ressources, 25-05-2010 à découvrir http://www.laviedesidees.fr/Les-villes-parasites-ou-gisements.html -https://www.amc-archi.com/photos/la-deconstruction-par-rotor,6447/rotor-deconstruction-faciles. -ROTOR, http://www.rotordb.org -Citation de Renzo Piano, sur France Culture, le 10-11-2017, http://www.larchitecturedaujourdhui.fr/citations-422/ -https://www.archdaily.com/418996/ad-classics-saint-benedict-chapel-peter-zumthor -« À Notre-Dame-des-Landes, architectes et urbanistes défendent les modes d’habiter de la ZAD », lumières de la ville.net, 13 Avril 2018, http://www.lemonde.fr/planete/ article/2016/02/18/notre-dame-des-landes-petite-histoire-de-la-plus-vieille-lutte-defrance_4868063_3244.html -https://lumieresdelaville.net/dame-landes-architectes-urbanistes-defendent-modes-dhabiter-de-zad/ -JONGERT Jan, HINTE Ed, PEEREN Césare, Superuse, extrait du livre proposé par treehugger.com, https://www.treehugger.com/culture/book-review-superuse.html -http://superuse-studios.com/index.php/2009/10/villa-welpeloo/ -http://studiogang.com/project/sos-children-s-villages-lavezzorio-community-center

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-https://www.batirecup.com -D’Dline 2020 vecteur du bâtiment durable, « Matériaux de construction: le boom des plateformes de réemploi », ROLLIN Florence, le 12-03-2018. http://www.ddline.fr/reemploi-des-materiaux-de-construction-les-plateformes-fleurissent/ -https://www.cycle-up.fr -Matériaux et réemploi.com « réemploi des matériaux de construction », MOINET Morgan, DANIAUD Frantz, 29-01-2018. http://umap.openstreetmap.fr/fr/map/acteurs-dureemploi-des-materiaux-de-construction_179599#6/47.421/2.527 -https://www.archdaily.com/421187/rural-studio-celebrates-20th-anniversary-with-eight-20k-houses -Interview de Patrick Bouchain par Edith Hallauer, strabic.fr, 28-07-2011, http://strabic.fr/ Construire-Ensemble-le-grand-ensemble -http://www.lemonde.fr/festival/video/2017/07/13/patrick-bouchain-architecteconstruire-la-ville-avec-ses-habitants_5159853_4415198.html -https://www.18h39.fr/articles/alejandro-aravena-entre-genie-architectural-et-vocation-sociale.html -https://www.archdaily.com/797779/half-a-house-builds-a-whole-community-elementalscontroversial-social-housing

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ANNEXES Fiche de synthèse: livre Déconstruction et réemploi, Comment faire circuler les éléments de construction Michaël Ghyoot_Lionel Devlieger_ Lionel Biliet_André Warnier pour Rotor Edition Presses polytechniques et universitaires romandes

Le Livre est publié en Janvier 2018 sous le nom du collectif Rotor Déconstruction.

Il fait suite à des ouvrages tels que « behind the green door » publié en Avril 2014, ou « déconstruction » article dans volume magasine, publié en octobre 2017. Rotor Déconstruction est une association fondé en 2005 à Bruxelles avec pour intérêt majeur la compréhension des flux de matériaux dans l’industrie, la construction, le design et l’architecture. Ils s’intéressent aussi bien à des projets de conception architecturale qu’à un travail de recherche et de théorisation de celle-ci. Le livre ici présenté a été supervisé par Michaël Ghyoot, architecte et docteur en Art de Bâtir à la Faculté de Bruxelles et co-écrit par Lionel Devlieger; ingénieur architecte, Lionel Biliet; bio-ingénieur et André Warnier Architecte. L’ouvrage a été réalisé dans le cadre du projet Le bâti bruxellois source de nouveaux matériaux, en relation avec la région de Bruxelles Capitale et l’Europe. Ce livre s’inscrit dans un domaine, l’économie circulaire, qui est en pleine évolution. Depuis quelque années ce terme est employé par des économistes, des architectes et des politiciens et prend d’avantage d’importance. Emmanuel Macron en aurait fait un de ses atouts de campagne, rendre la France leader de l’économie circulaire.1 Ainsi le livre s’intègre au contexte politique, social et culturel actuel. Il offre une introduction à la filière de la déconstruction, dans une perspective de réemploi des matériaux de construction. Cette réflexion est aussi bien ouverte aux étudiants qu’aux architectes, aux ingénieurs civils et autres professionnels du domaine constructif et environnemental. La problématique majeure de ce livre, comme stipulé dans le titre est : « comment faire circuler les éléments de construction? ». Les auteurs s’intéressent au processus de « fabrication du réemploi ». Ils analysent les étapes possibles pour la seconde vie d’un matériaux et comment il pourra, demain, être réemployé. Ces enquêtes sont réalisées par le biais de catalogage d’oeuvres majeures et influentes sur les domaines de l’architecture, la déconstruction, l’économie, le développement durable ou encore la politique. Mais encore nous retrouvons de nombreuses recherches, réflexions et hypothèses de l’équipe Rotor.

1  Article déchets-info.com, Olivier Guichardaz, 17 mai 2017

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Le livre est bien illustré et il explique de manière détaillée et avec des exemples concrets (d’avantage ciblé sur la Belgique) les flux de matériaux dans le cycle de déconstruction. Tout d’abord d’un point de vu historique, avec la naissance et la commercialisation du réemplois dans la ville, ensuite par ses qualités environnementale, avec une réduction de déchet dans le domaine de la construction. Et enfin économique, avec une possibilité de créer de l’emploi. Chaque matériel potentiellement réemployable s’inscrit dans un contexte urbain, plus précisément il fait partie d’un « gisement urbain » selon les auteurs. Cette thématique aborde l’accès et la disponibilité des matières pouvant être réemployées. L’extraction de matériaux sur un bâtiment, voué à la destruction est lié à des modèles artisanaux. Puisque cette extraction est majoritairement manuelle elle engendre moins de pollution sonore, visuelle et limite la pollution de l’air (machines, poussière). Il faut ensuite déterminer si un matériau est réutilisable. Presque tout peut-être réemployé, néanmoins il faut le temps, l’argent et principalement la demande nécessaire pour réutiliser ces matériaux. Il est intéressant de rapprocher ce constat à la problématique étudiée, penser le projet architectural au moyen du réemploi. Les matériaux sont largement présents mais le manque de demande de la société limite son extraction, sa disponibilité et la diversité des matériaux réutilisables. Finalement ce livre décrit très bien chaque étape des processus de déconstruction avec des exemples historiques détaillés. Néanmoins il se détache de la partie réflexion architecturale que je souhaiterais voir d’avantage développer. Il requestionne la pertinence de mon sujet et le potentiel manque d’éléments concrets (chiffres, graphiques, références bibliographiques et architecturales) pour répondre à cette problématique qui serrais d’avantage sociale que scientifique. Pour conclure il est intéressant de souligner une théorie évoquée dans ce livre, celle de la « consigne ». Il s’agirait d’appliquer aux éléments de construction un système de consigne. Si le produit rejoint une filière de réemploi, le client est alors remboursé de son acompte effectué lors de l’achat.

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Fiche de synthèse: dossier de presse; exposition Matière Grise, matériaux / réemploi / architecture Expositions et ouvrages créés par le Pavillon de l’Arsenal, Paris Commissaires: collectif Encore Heureux architectes, Nicolas Delon & Julien Chopin Du 26 Septembre 2014 au 4 Janvier 2015

Le document ici présenté est un résumé de l’exposition « matière grise » créé par

le collectif « Encore Heureux » et présenté au pavillon de l’Arsenal en 2014. Les architectes Nicolas Delon et Julien Chopin sont les acteurs principaux de cette exposition. Ils fondent leur collectif « Encore Heureux » en 2001 avec pour objectif les problématiques spatiales, sociales et urbaines avec la volonté de mettre au cœur de ces préoccupations les questions d’usage, de confort et de douce radicalité. Ils sont aujourd’hui largement reconnus dans le domaine architectural du réemploi grâce à leur nombreuses expositions et invitations comme conférenciers. En 2017 ils ont présenté leur exposition à l’ENSA de Clermont-Ferrand. Cette exposition est présentée dans un contexte où la crise environnementale et économique est au coeur des débats. « Matière grise » est le titre de leur exposition et de leur livre, les auteurs le voient comme « un journal de voyage avec ceux qui questionnent leur façon de concevoir et de construire ». Consommer « plus de matière grise » pour consommer « moins de matière première » est l’un des enjeux majeurs mis en oeuvre. Ils souhaitent interroger le citoyen sur l’usage actuel et futur de la matière. Faire prendre conscience au grand public de revaloriser la matière qui est près de nous, dans nos villes, dans nos maisons, telle un gisement urbain. Cette réflexion invite aussi l’architecte à repenser ses modes de conception et de construction. Ce sont aussi, selon les auteurs tous les corps de métier du bâtiment qui doivent être conscients du cycle de la matière et de nos capacités à se l’approprier. « Et si construire passait d’abord par le réemploi des matériaux qui existent en leur trouvant une seconde vie? » Cette exposition propose des extraits de leur livre répertoriant quatorze essais, treize entretiens avec des agences d’architectes à travers le monde et près de soixante-quinze projets qui ont fait le choix d’utiliser des matériaux réemployés pour leur donner une nouvelle vie. Par exemple en Alabama, 72 000 dalles de moquette portent la maison de Lucy. C’est une nouvelle vie et un nouvel usage de la matière.

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Les nouvelles politiques urbaines telles que l’aspiration des mégapoles à un objectif « zéro déchet » sont des réalités auquelles les architectes futurs doivent être capables de répondre car certains projets, comme celui du grand Paris, ne cessent de grandir. Le principe de l’économie circulaire modifie nos usages des déchets, car dans le principe tout peut se réutiliser. Ces nouvelles réflexions doivent procurer des mutations urbaines comme de nombreuses avancées techniques ou technologiques l’ont fait précédemment. L’idée est: la matérialité comme matière du projet. « Ainsi, la mise en œuvre de la matière réemployée dépasse la question matérielle, pour donner plutôt matière à penser. » Citation de Alexandre Labasse, directeur du pavillon de l’Arsenal, qui résume la mise en oeuvre de la matière grise. Réunir pour mieux réfléchir. Au fil de sa recherche l’équipe d’Encore Heureux a pris conscience de constats alarmants concernant le traitement des déchets. Aujourd’hui, de nombreux citoyens ne respectent pas le tri sélectif. Les déchets auraient pu être recyclés ou réemployés mais il seront soumis à une mort certaine par l’incinération. Pour comprendre le cycle de la matière ils ont fait appel à de nombreuses disciplines, des penseurs, démolisseurs, avocats, historiens, philosophes ou encore géographes afin de mettre en lien les points de vue, les idées, les constats et trouver des solutions. Leur principale préoccupation est de réduire l’énergie grise. L’énergie grise est celle nécessaire à extraire, transformer, transporter et mettre en œuvre la matière. Pour réduire l’énergie grise le collectif prônent la réflexion, c’est la matière grise. Il s’agit de ce questionner d’avantage sur ce qui nous entoure, c’est plus de conscience, de lucidité et faire preuve d’invention et de créativité. Les ressources intellectuelles semblent infinies alors utilisons les. Dans cette exposition, le collectif met en avant de nouvelles réflexions interessante en lien avec les besoins environnementaux. Ces thématiques sont tout à fait en lien avec ma problématique et confirment mon intérêt pour ce thème. L’exposition est un appel à la réflexion, aussi bien pour les architectes que pour les citoyens. Nous sommes tous capables d’aider à la réflexion, à condition d’essayer. « À leur manière, les déchets nous donnent des leçons. » comme le citent les auteurs.

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Fiche de synthèse: livre La poubelle et l’architecture, Vers le réemploi des matériaux Jean-Marc Huygen Edition Acte sud, série l’impensé

L’ouvrage de Jean-Marc Huygen fait partie de la série des livres de la collection

« l’impensé », cette série est dirigée par Patrick Bouchain et Claire David, architectes reconnus. Ces récits croisent les thématiques sur le citoyen, l’élu, l’architecte et le chantier. Ils proposent une nouvelle façon de penser l’architecture et le paysage dans le but de requalifier des espaces, souvent bloqués par notre société actuelle. Jean-Marc Huygens est ingénieur civil architecte à l’université de Liège, il a enseigné aux Écoles d’architecture de Clermont-Ferrand, de Grenoble et actuellement de Marseille. Il a participé à plusieurs conférences importantes dans le domaine de la construction durable. Dans son livre paru en 2008 il va s’interroger sur des thématiques écologiques, mais toujours en relation avec l’homme. Comme le titre l’indique clairement « la poubelle et l’architecte » il fait référence à notre usage quotidien de la poubelle et cette facilité que nous avons aujourd’hui à tout jeter. Il faut redevenir conscients de nos déchets. La mise en place du tri sélectif fut une première avancée sur la conscience environnementale. Selon l’auteur , il faut d’abord chercher à réemployer afin d’utiliser plus longtemps un objet dans l’usage pour lequel il a été conçu, avant de recycler car ce processus induit la destruction de la matière pour une nouvelle fonction. Le livre est très orienté sur la matière, son histoire, son parcours, son usage mais aussi ses nouveaux usages et comment les mettre en oeuvre. De nombreuses images de références architecturales, avec ou sans usage de matériaux réemployés , viennent appuyer les idées de l’auteur. Il est simple à lire et chaque partie est décomposée en chapitres très courts. Libre à tous de s’intéresser facilement au méthodes et principes du réemploi. Il explique de nombreuses techniques du réemploi, la manière de les appliquer et les usages. Ces thématiques sont fortement en lien avec celles de l’architecte Patrick Bouchain qui a une vision très humaine du chantier architectural, où le lien social est primordial, tout comme le choix des matériaux leur provenance.

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Au travers de son livre Jean Marc H. nous décrit sa vision du réemploi. Au delà de ses bénéfices environnementaux, cette pratique est selon lui comme un geste social et historique qui met en avant le patrimoine et offre de nouvelles relations entre les générations, « l’usager d’aujourd’hui est celui d’hier ». Les thématiques questionnent aussi le métier d’architecte et son rôle dans le réemploi des matériaux. L’auteur parle d’architecture indisciplinée. La discipline de l’architecture obéit à des règles de conduite mais certains ont décidé de défier ces règles et de peutêtre créer une nouvelle discipline. Ici Huygen soulève un point intéressant où il nous explique que les architectes peuvent aussi être à l’origine de changement dans notre société. L’usage du réemploi se développe depuis peu et interroge les architectes sur les manières de construire et de réfléchir aussi bien dans le monde professionnel que pour les étudiants. L’auteur qualifie même certains architectes, voir la majorité, avec l’expression « ils se comportent en habitant de la planète riche ». Beaucoup d’architectes pensent en effet que les ressources naturelles sont illimités et faciles d’accès. La solution de l’auteur est de « penser neuf avec des idées anciennes ». Ainsi les objets et matériaux de réemploi peuvent conduire à du neuf tout en conservant des parties ou la totalité de l’ancien. C’est un équilibre que beaucoup d’architectes peuvent faire le choix d’adopter. Un des chapitres est intitulé « dignité de l’architecture » où il nous explique à qui profite le plus les matériaux de réemploi. Ce sont dans les bidonvilles que les habitations sont issues le plus du réemploi par manque de moyen financier, de facilité de mise en oeuvre et finalement d’architecture sans architecte. L’auteur prend l’exemple du collectif Américain, Rural Studio et parle de l’architecture qui va au delà de répondre à des fonctions mais va les sublimer par le biais de matériaux réemployés. Ces thématiques se rapprochent d’avantage de ma problématique « penser le projet architectural au moyen du réemploi ». Il y a dans son écriture et son point de vue une approche plus sensible, sociale et humaine que je souhaite développer. L’auteur s’interroge sur le devenir du métier d’architecte, la place de « l’architecte réemployeur » dans la société et les bénéfices sociaux que cela engendre. Une des utopies de l’auteur, mentionnée dans le livre, serait la transformation dans les immeubles de l’actuel local à poubelles en une sorte de grenier collectif, « une espèce de réserve d’objets obsolètes dans laquelle on irait puiser, en allant chercher chez l’autre ce qu’il a accumulé ... Une mise en relation des individus ».

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