L’EXPÉRIMENTATION ÉCHELLE 1:1 COMME OUTIL DE CONCEPTION Relation de l’architecte entre le savoir et le faire
Marine RAGUÉNÈS
École nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand Domaine d’Études Éco-conception des Territoires et Espaces Habités 2019-2020
L’EXPÉRIMENTATION ÉCHELLE 1:1 COMME OUTIL DE CONCEPTION Relation de l’architecte entre le savoir et le faire
Marine RAGUÉNÈS
École nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand Domaine d’Études Éco-conception des Territoires et Espaces Habités 2019-2020
Je remercie mes proches pour leur soutient et leur aide au cours de l'élaboration de ce mémoire, mon père qui m'a aidé dans la relecture de ce mémoire et ma mère pour ses paroles. Merci aux architectes que j'ai interrogés et rencontrés, Christophe Aubertin, Sonia Cortesse, Hugo Hass. Et Grishka Martinetti que je remercie particulièrement pour sa vision singulière et poétique du métier d’architecte. Enfin je remercie mes encadrants de mémoire pour leurs conseils au cours de ce travail. Antoine Begel au cours du premier semestre, Amélie Flamand, Rémi Laporte et Bénédicte Chaljub au second semestre.
SOMMAIRE
7
Sommaire
Remerciements Sommaire
4 8
Introduction
11
Une conception par la matière, un processus singulier
20
De la matière au matériau, un processus singulier
23
Un processus expérimental - PNG architecture Faire pour comprendre - Ciguë architecte L'expérience de la matière - Studiolada
Architectes et artisans, valoriser des savoirs-faire
Savoirs faire oubliés (Re)valoriser une matière Savoirs faire et technologies
45
Un processus marginal à développer
64
Remise en question du schéma «classique» Acculturer la maîtrise d’ouvrage
65
Réduction de la place de l’architecte Des solutions réglementées
Pouvoir expérimenter la matière L’échelle 1:1, résolution technique
Des lieux dédiés à l’expérimentation Ateliers dans les agences
77
Conclusion
95
Bibliographie Webographie Iconographie Annexes
99 101 103 107
Sommaire - 8
INTRODUCTION
Ce sujet propose de questionner les processus de conception architectura contemporains en France et la place des expérimentations, faite par les architectes, intégrées à l’étape conceptuelle. L’expérimentation désigne une méthode scientifique reposant sur l’expérience et l’observation contrôlée pour vérifier des hypothèses. Cette définition assez large induit différent niveau d’expérimentations. Elles peuvent être liées à des expériences matérielles, dans une relation sensorielle et physique à la matière brute. Il s’agit de questionner les capacités symboliques de la matière parfois spécifique à son milieu et aux méthodologies d’extraction de la matière vers le matériau. L’expérimentation permet aussi de questionner des mises en œuvres singulières, à partir des premières approche de la matière liées à leurs potentiels physiques et structurels, l’expérience d’un assemblage, par exemple, peut apporter les premiers résultats spatiaux et esthétiques. Le processus d’expérimentation n’a pas toujours de fin en soit, il engage l’expérience d’hypothèses, le résultat n’est donc pas déterminé, mais il serra la résultante des pratiques explorées. Dans ce travail de recherche, la réflexion porte sur les expérimentations à l’échelle 1:1, c’est la désignation de l’échelle réelle, l’échelle humaine. Elle désigne la mesure d’un objet dans sa concrétisation matérielle et se noue avec l’expérience du vécu dans son rapport immédiat à la matière et à l’espace. À partir de ce premier constat sur les potentiels de l’expérimentation à l’échelle 1:1, il semble pertinent de questionner son impact dans le processus de conception architecturale et le rôle des architectes dans ce processus expérimental. L’architecte est une personne qui, par profession, trace les plans d’un édifice et en contrôle la construction. C’est un métier de concepteur d’édifices, donc une profession attachée à une identité artistique, mais elle se veut aussi technique. L’architecte doit être capable de construire une réflexion architecturale et avoir la capacité d’en contrôler son exécution. Cette brève définition du métier d’architecte résume ses deux rôles majeurs, celui de concepteur et celui de coordinateur d’exécution. Le titre d’architecte appartient à un groupe professionnel spécifique qui répond à des lois et des réglementations. En affirmant « être » architecte l’individu doit répondre à certains critères, dont l’un des plus évidents est l’inscription à l’ordre des architectes. Il doit pouvoir accéder à un territoire professionnel réservé, authentifier la qualité d’un acte professionnel par sa signature, engager sa responsabilité professionnelle, prétendre au « nom » et être reconnu auteur d’une œuvre en nom propre, on parle de droit d’auteur.
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« Un architecte exerce une profession indépendante, libérale et réglementée. »
1
Comme qualifié par cette citation et dans le chapitre intégrale "la profession libérale d’architecte" de l'ouvrage de Isabelle Chesneau, c’est une profession indépendante, désintéressée et intellectuelle. L’indépendance de l’architecte se traduit par une absence de lien de subordination entre le professionnel et une autorité extérieure, cela doit permettre « l’instauration d’une relation de confiance entre un praticien et un client » 2. Il se doit aussi d’être « désintéressé », cela signifie qu’il doit « servir l’intérêt général en se mettant au service de la société civile » 3. Le métier d’architecte demande donc un engagement important, comme aime le préciser Renzo Piano « Il faut dire, « (…) c’est un métier complexe parce que le moment expressif formel est un moment de synthèse fécondé par tout un contexte. »4
L’étape conceptuelle est une des premières étapes dans le processus de projet architectural, suite à une analyse de la situation de projet. Il peut sembler contradictoire d’expérimenter à l’échelle réelle dès l’étape conceptuelle, puisqu’elle représente l’échelle de l’aboutissement architectural par définition. L’intérêt de ce sujet est aussi de comprendre les limites étroites entre l’étape de conception et celle de la concrétisation. L’échelle 1:1 doit-elle alors se limiter à sa définition et n'apparaître que dans la finalité du projet architectural ? L’architecte joue aussi un rôle important, dans ses choix architectoniques et ses outils de conception utilisés. Les outils de conception communs, comme les croquis, les plans et les coupes sont-ils toujours les plus adaptés selon les projets, l’imaginaire de l’architecte et les attentes de la maîtrise d’ouvrage ?
1 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018, p72.
2 Idem 3 Idem
4 PIANO Renzo, «La désobéissance de l'architecte», Edition Arléa, 2007 p19.
L’architecte ne détient pas toujours l’ensemble des savoirs faire techniques, parfois par manque d’expérience. La réflexion architectonique se voit parfois remise en question si son exécution ne respecte pas la conception initiale. Bien que le dessin reste un outil majeur pour l’architecte, est-il en capacité de construire ce qu’il dessine et est-ce vraiment son rôle ? Comme expliqué précédemment, le métier d’architecte se distingue par ses savoirs théoriques, par sa capacité à créer des ambiances et des espaces qualitatifs, sans pour autant délaisser la mise en œuvre technique. « Au cours de l’après–guerre, la formation architecturale mit l’accent sur le savoir-intellectuel. La distance physique et mentale qui se creusa entre le bureau de l’architecte et le chantier de construction réduisit définitivement la part artisanale de l’œuvre architecturale. Aujourd’hui, l’architecte n’est plus mêlé aux processus matériels et physiques de la fabrication : à distance, depuis son bureau, il envoie ses instructions, écrites ou verbales, à la façon d’un avocat. » 5
5 PALLASMAA Juhani, « La main qui pense », Actes Sud, 2013, p. 61.
Introduction - 12
On peut alors se demander si l’architecte est toujours en mesure de contrôler la justesse de la mise en œuvre à travers son dessin. Parfois, les dessins initiaux des architectes se voient déformés par le bureau d’étude et les entreprises de construction, nous y reviendrons dans la première partie. Par définition, l’architecte délègue des ordres aux artisans et aux métiers techniques impliqués dans le chantier. Mais c’est bien ce que dénonce Juhani Pallasmaa dans une citation extraite d’un ouvrage de 2013 où l’architecte ne semble plus impliqué dans la concrétisation de son projet. C’est parfois lié à un manque d’expertise technique, pouvant entraîner une baisse de reconnaissance de la part des autres corps de métier dans son aptitude à bien gérer un chantier. Ça peut-être simplement dû à un manque d’intérêt lié à l’aspect plus technique du métier, pourtant synonyme de la définition même du métier.
6 DEPLAZES Andrea, ELSENER Christoph, Construire l’architecture du matériau brut à l’édifice, Birkhäuser, 2008.
7 Maîtrise Publique.
13
d’Ouvrage
« « construire l’architecture »: cette expression désigne pour nous la compétence qui permet à l’homme de l’art de passer de la conception d’un projet à sa réalisation, et de créer un ouvrage cohérent en termes de contenu et de sujet. Au cours de l’élaboration du projet, cette compétence se reflète tour à tour dans l’explicitation, la formulation précise de l’objectif poursuivi, puis dans sa mise en œuvre physique, de plus en plus concrète, dans un édifice. » 6
L’architecture est un fait construit, et l’architecte est étroitement lié à sa construction. Dans cette seconde citation, les auteurs appuient de nouveau sur l’importance de la concrétisation dans le processus de projet architectural, cette relation étroite entre les étapes de projet semble difficile à dissocier. À partir d’un concept initial, l’architecte s’appuie sur des outils divers pour mener à bien l’aboutissement du projet et rapidement mettre en lien un concept immatériel vers une réalisation concrète. Les outils de conception sont l’ensemble des aides théoriques et pratiques qui appuient la méthodologie de conception architecturale dans la fabrication du projet. L’étude de l’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception propose d’introduire une dimension concrète au processus conceptuel. La concrétisation physique passe nécessairement par la matière, ici les expérimentations échelle réelle étudiées au travers des études de cas tentent de questionner la relation sensorielle à la matière, par les architectes. Néanmoins, quelles sont les limites du processus conceptuel ? Au travers de ce mémoire, il a d’abord été intéressant de proposer une limite à l’étape conceptuelle, en référence au cadre législatif. Nous pourrions définir cette étape en lien avec les réglementations appliquées sur des projets en marché public, c’est-à-dire la loi MOP 7. Au regard de cette loi se distingue la phase « étude », plutôt conceptuelle, et la phase « travaux », plutôt concrète.
Au cours des premières recherches sur les expérimentations échelle réelle au sens large, il ne semblait pas pertinent d’inclure les expérimentations échelle 1:1 réalisées pendant le chantier, c’est-à-dire la phase travaux. Elles se résument souvent à des échantillonnages de façade ou des tests de colorimétrie, n’apportant pas une grande richesse dans la proposition d’expérimentations matérielle d’un point de vue sensorielle. De plus, face aux nombreux acteurs liés au projet architectural, il semblait difficile d’envisager l’expérimentation échelle 1:1 au cours du chantier, lorsque certains artisans et entreprises ont déjà enclenchés leurs travaux. En questionnant la place de l’expérimentation échelle 1:1 dès la phase dite « étude », les réflexions architecturales s’inscrivent déjà dans une perspective concrète. La richesse du métier d’architecte pourrait bien se résumer à la subtilité entre savoir théorique et savoir pratique. Quelles sont les pratiques actuelles de l’expérimentation échelle 1:1 dans le domaine de la construction, pour les architectes, les ingénieurs, et les étudiants ? Ce sujet émane de premières réflexions sur la mutation du métier d’architecte et les singularités de ses pratiques. Comme expliquée précédemment, l’expérimentation échelle 1:1 semble pertinente à étudier comme un outil de conception. L’échelle 1:1 est donc la concrétisation de l’édifice, mais intégré au processus architectural elle est aussi définie comme un prototype. Ce terme amène à plusieurs usages ; c’est à la fois un échantillonnage du futur édifice réalisé sur le chantier afin de confirmer des détails souvent esthétiques (motifs de la façade, textures ou couleur) et c’est aussi un outil de confirmation technique pour des résolutions innovantes, réalisées en amont du chantier (résistance aux feux, évaluation de principes structurels, assemblages non référencés). Dans les deux usages, c’est rarement l’architecte qui réalise ces prototypes, ce sont des experts de la construction, des artisans, des entreprises spécialisés ou des ingénieurs. De nombreux ouvrages techniques comme les cahiers de la construction ou des articles de la revue le Moniteur, expliquent ces procédés réfléchis par des architectes et réalisés par des experts, dans des lieux dédiés aux expérimentations techniques. À partir de ce premier constat sur l’usage le plus répandu de l’expérimentation échelle 1:1, il encourage un résultat parfois singulier et innovant. L’architecte Renzo Piano, fut une des références majeures au cours de ces recherches, qualifié « d’architecte-constructeur » 8. La concrétisation de l’édifice est pour lui tous aussi important que sa conception. Nous pourrions citer l’exemple de la Maison Hermès à Tokyo, où sont réalisés des prototypes échelle 1:1 de la façade en brique de verre, que nous développerons plus tard dans ce mémoire.
8 "La méthode Piano", cité de l'architecture et du patrimoine, exposition, 2015.
Introduction - 14
On différencie deux types d’échantillonnage, le « pré-prototype » en lien avec la réflexion de l’architecte et celle des artisans en charge de sa mise en œuvre et le « prototype » qui est le modèle voué à être réalisé en série. Cette différenciation est exprimée dans le projet de la Maison hermès à Tokyo par Renzo Piano. Les ouvrages tels que la désobéissance de l’architecte de Renzo Piano ou Architecte et ingénieurs face au projet de Jean-Baptiste Marie ont appuyés ce premier constat. Ainsi, le travail de Renzo Piano ou celui de Peter Zumthor font écho à des processus expérimentaux et à une relation particulière à la matière, en lien avec mes recherches. Néanmoins, leurs travaux sont largement publiés et leurs projets sont, pour la plupart, de grande envergure. Ces références, bien que très enrichissantes, ne semblaient pas suffisamment proche des questionnements sur l’expérimentation échelle 1:1 comme appui à la réflexion liée à un rapport à la matière. Les architectes peuvent-ils eux aussi créer des éléments échelle 1:1 ? C’est-àdire entrer en contact avec la matière, expérimenter par eux même les qualités symboliques de la matière et des matériaux à travers le toucher. D’autres références plus en lien avec ce rapport matériel ont appuyé mes recherches telles que La main qui pense de Pallasmaa Juhani ou Construire l’architecture du matériau brut à l’édifice sous la direction de Andrea Deplazes. Elles ont confirmé certaines hypothèses de recherche en lien avec le processus conceptuel de mes études de cas. L’ouvrage de Richard Sennett, Ce que sait la main, a lui aussi questionné ce rapport intime à la matière mais surtout celui des artisans et de leur travail singulier. Ensuite, c’est aussi chez les étudiants en école d’architecture que le phénomène de l’expérimentation échelle 1:1 se développe énormément, il émerge notamment avec Rural Studio aux Etats-Unis et plus tardivement en Europe. Le festival Français Bellastock propose aux étudiants de réaliser une ville éphémère pendant une semaine avec des matériaux de réemploi ou des matières biosourcés. Ces premières expérimentations échelle réelle, peuvent être qualifiées comme une expérience et un premier regard sur la matière pour ces futurs architectes, souvent vectrice d’imaginaire. Enfin, il semblait aussi important de situer ces expérimentations dans son contexte législatif, au regard du processus de projet appliqué en marché public avec la loi MOP. De nombreuses références ont été appuyées par un ouvrage très complet, Profession Architecte sous la direction de Isabelle Chesneau. Ce fut une aide pour resituer mes études de cas dans un contexte professionnel concret et normé.
15
« La distinction entre les termes « concept », « processus » et « sytème » renvoie à l’interaction entre la conception intellectuelle, le déroulement de la construction et la structure du bâtiment, interaction qui joue un rôle déterminant dans la mise au point d’une solution constructive » 4
Toutes ces recherches ont aussi fait évoluer certains aspects du sujet, par exemple dans les études de cas présentées, elles n’ont pas toute réalisées leurs expérimentations échelle 1:1 avant le chantier, elles sont néanmoins un appui pour les architectes dans le processus de conception architectural. Les limites entre conception et construction sont très floues, il est donc difficile de définir une limite au sens stricte de l’étape conceptuelle, même si le but premier est de questionner l’expérimentation échelle 1:1 en amont de la construction architecturale.
9 DEPLAZES Andrea,
ELSENER Christoph, Construire l’architecture du matériau brut à l’edifice, Birkhäuser, 2008.
Ce mémoire propose donc un regard sur l’expérimentation échelle 1:1 dans un rapport sensible à la matière et ses capacités, elle consiste à vérifier des hypothèses, reposant sur l’expérience et l’observation par le biais d’éléments concrets. Quels sont les enjeux de l’expérimentation échelle 1:1 dans le processus de conception architecturale ? Nous tenterons de savoir si l’expérimentation échelle réelle se détache de sa fonction commune de prototype et de vérification technique. En quoi permet-elle de valoriser des expérimentations matérielles dans le processus de conception et comment enrichit t’elle ce processus ? L’enjeu est de rattacher l’architecte à la concrétisation architecturale grâce aux expérimentations réalisées, la plupart en amont du chantier. Si ces expérimentations ne font pas partie des outils de conception indispensables à l’architecte, quelle est sa valeur ajoutée comparée aux autres outils de conception ? Les expérimentations échelle réelle pourraient permettre aux architectes d’être plus vite impliqués dans la concrétisation du projet et, peut-être, générer des architectures ancrées dans leur milieu, avec les matières et les savoirs faire disponibles sur un territoire. Cela implique aussi un dialogue avec les entreprises et les artisans en charge du projet, du moins avec le potentiel constructif du milieu. Alors, en quoi les expérimentations échelle 1:1 tentent-elles de relier les différentes étapes du processus architectural et d'intégrer la concrétisation dès la conception ? L’expérimentation échelle 1:1 pourrait aussi être un outil de communication avec les différents acteurs du projet, à la fois avec la maîtrise d’ouvrage et avec les entreprises ? Néanmoins, ce long processus semble peu valorisé par les architectes et difficile à réaliser. Doit-on alors encourager ce processus de conception marginal ?
Introduction - 16
Pour tenter de répondre à ces questionnements sur les possibilités de l’expérimentation échelle 1:1 intégrées au processus de conception, mes recherches se sont dirigées vers quatre études de cas d’agences d’architecture françaises. Ces recherches sont ciblées sur des architectes contemporains qui expérimentent à l’échelle réelle au cours du processus de conception. Parmi les études de cas, trois d’entre elles ont été développées plus largement, Atelier Ciguë, PNG architectes, et le collectif Studiolada. Elles ont toutes les trois un rapport assez différent à l’expérimentation échelle 1:1 dans leur processus de conception, selon les projets. En effet, ce processus d’expérimentation n’est pas toujours représentatif de tous les projets des agences d’architecture présentées. La dernière étude de cas, avec le projet de l’agence de Sonia Cortesse est un contreexemple, puisque le prototype échelle 1:1 est construit pour résoudre des attentes techniques. Tous les projets présentés sont de taille moyennes et effectués dans le cadre d’un marché public, sauf pour l’atelier Ciguë où la majorité de leurs projets sont des marchés privés. Les architectes sélectionnés ont tous un rapport à l’expérimentation au sens large, c’est pour eux une partie de leur identité architecturale. Leurs projets, ainsi que leurs processus sont parfois peu étudiés même s’ils ont été récompensés et sont tous les trois lauréats du concours albums des jeunes architectes et paysagistes. De plus, c’est une réelle volonté de pouvoir échanger avec les architectes étudiés, les connaissances passent aussi par les échanges, ils ont parfois soulevé de nouveaux questionnements. Nous tenterons de répondre aux hypothèses précédentes énoncées par l’étude des processus de conception de ces quatre agences d’architecture françaises. L’agence d’architecture Ciguë, représentée par Hugo Hass, dans ce mémoire, travaille majoritairement sur des petits projets liés à la réhabilitation de locaux commerciaux. Ils ont la particularité d’avoir dans leur agence un atelier, dédié aux mises en œuvre de mobilier, aux assemblages de matériaux, et aux expérimentations matérielles. Nous nous intéresserons à leur processus en général plutôt qu’a un projet en particulier. PNG architectes, représentée par Grishka Martinetti, est une agence fondée par trois associés, très impliqués dans les questionnements de la matière dans le processus architectural. Pour tous leur projets, ils expérimentent des mises en œuvres le plus en lien avec leur concept initial. Ce n’est pas toujours avant le chantier qu’ils peuvent expérimenter à l’échelle 1:1, de nombreux facteurs, développés par la suite, ralentissent leurs processus. Le collectif Studiolada, représenté par Christophe Aubertin, se questionne beaucoup sur les savoirs-faire de leur territoire, les Vosges. Par leurs expérimentations, ils réinterrogent les capacités d’une matière représentative du milieu.
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L’expérimentation présentée se rapproche d’un processus lié à une résolution technique, néanmoins le projet présenté soulèvera des qualités innovantes à ce processus. L’agence Sonia Cortesse, représentée par Sonia Cortesse, s’intéresse très rapidement aux thématiques environnementales dans l’architecture. L’expérimentation échelle 1:1 est liée à une volonté de faire un bâtiment isolé en paille. La mise en œuvre proposée n’est pas normalisée et doit répondre à une évaluation technique. Il aurait été enrichissant de mettre en corrélation davantage d’études de cas liées à ce processus singulier, afin de compléter les différentes possibilités des expérimentations échelle 1:1. Ou bien de rencontrer d’autres acteurs que les architectes, liés à ce processus d’expérimentation tels que la maîtrise d’ouvrage ou des artisans en charge de la construction. Néanmoins, peu d’architectes l’utilisent, nous verrons dans le développement du mémoire certains facteurs sources que cette pratique soit marginale. Les études de cas sont donc choisies par rapport à leur processus de conception lié à un ou plusieurs projets des agences d’architecture citées plus haut. Nous étudiions les enjeux de chaque expérimentation échelle 1:1 selon le type de projet, les acteurs liés et les ressources du territoire. Chacune d’entre elle est différente et opère un processus expérimental de différente manière. L’architecture des bâtiments liés aux expérimentations n’est pas questionnée au cours de ce mémoire, il s’agit de processus plutôt que de résultat. Dans le but de comprendre les enjeux de l’expérimentation échelle 1:1 dans le processus de conception architecturale et les divers questionnements liés à ces enjeux. Dans un premier temps, nous interrogerons le processus singulier de d’expérimentation échelle 1:1 lié à la matière. Cette première partie introduit le rôle de l’architecte dans ces expérimentations pour les trois études de cas majeures et leur relation entretenue au cours du processus avec les acteurs de la construction, les artisans et leur savoir-faire. Elle tentera aussi d'apporter des réponses aux questions suivantes : la relation sensorielle à la matière est-elle un appui de conception pour les architectes ? Les expérimentations échelle 1:1 interrogent-elles les capacités et les savoirs-faire des artisans et des entreprises de construction ? Dans un second temps, nous étudierons les possibilités de développer ce processus marginal. Il s’agira de comprendre le cadre législatif des processus de projet liées à la loi MOP, et comment ces expérimentations pourrait-être mieux intégrées et mieux réalisées par les architectes ? Certains lieux dédiés aux expérimentations sont il en mesure d’encourager les architectes à réaliser des expérimentations échelle 1:1 ? Enfin, nous conclurons sur les enjeux conceptuels apportés dans les processus de projets étudiés et le développement possible de ce processus d’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception.
Introduction - 18
I
Une conception par la matière, un processus singulier
FIG 1. «Top Real scale» Agence d’architecture Vardehaugen studio
21 - Un processus singulier
Dans cette première partie, nous nous intéresserons à la relation des architectes avec la matière, de leur rapport sensoriel dans les expérimentations à l’échelle 1:1. Puis nous étudierons les relations des architectes avec les artisans et leurs savoirs-faire spécifiques en lien avec ces expérimentations. Nous tenterons, dans un premier temps, de porter un regard sur la sensibilité des architectes étudiés au cours processus de conception du projet architectural. En quoi ce processus peut-il être qualifié de singulier ? À la fois dans sa relation à la matière et dans la relation avec les artisans et leurs savoirs-faire particuliers. « C’est une séparation très nette entre les phases de la conception et de la réalisation. Il y ’a comme un mur entre les deux: la seule chose qui peut passer entre les deux, c’est le cahier des charges lié au plan et au métré » 10
Michel Ghyoodt questionne ici l’instabilité du processus de projet actuel dans ses deux grandes étapes et le manque de communication entre les acteurs des différentes phases, souvent néfastes pour l’intégralité des acteurs. Suite à la définition précédente du métier d’architecte, on comprend son rôle à la fois dans le processus conceptuel et dans celui d’exécution du projet, c’est-à-dire pendant le chantier. Alors, l’architecte peut-il réconcilier ces phases de projet et les acteurs liés à celles-ci par un processus de conception plus expérimental ? L’intégration d’expérimentation échelle réelle dès la phase de conception permet-elle de renouer ces deux phases ?
10 GHYOODT Michael, cité dans le mémoire étudiant de Wettstein Manon, « mutation du métier de l’architecte », 2015.
Cette compréhension passe aussi par le ‘‘faire’’ de l’architecte. L’architecte n’a pas pour rôle majeur d’être un constructeur, mais il est à même de s’interroger sur des mises en œuvres, parfois, en les testant lui-même avec des expérimentations matérielles. Ici, la proposition est de confronter l’expérimentation échelle 1:1 comme un outil de conception dans le but de mettre à profit ces deux qualités de l’architecte, celle de la conception et celle de la réalisation. Trois ateliers d’architecture, Cigue, Png architectes et Studiolada ferrons figure d’étude de cas majeures au cours de cette première partie. Il est important de remettre en contexte ces propositions d’expérimentations, et ces processus singuliers face à un contexte de standardisation des savoirs faire. Quels sont les enjeux de valorisation de la matière par le biais de l’expérimentation échelle 1:1 dans le processus de conception architectural ? Et comment elle tente de renouer avec les savoirs faire des artisans, des entreprises et avec les matériaux disponibles sur un territoire donné ?
CHAPITRE 1 - 22
A. De la matière au matériau, un processus singulier
La matière caractérise le résultat concret et matériel de tout édifice, lié à une mise en œuvre de l’homme où la matière devient alors matérialité. Chaque matière possède une symbolique à la fois par ses usages, son histoire, son lieu d’extraction mais aussi l’intervention de l’homme avec des méthodes liées à sa transformation. La matière est donc l’identité brute du matériau, qui n’a pas encore subi les transformations de l’homme. Les matériaux sont, dans un sens stricte, des éléments de constructions avec des fonctions techniques et structurelles. Ils opèrent aussi un rapport beaucoup plus sensorielle, les savoirs de l’architecte et les savoirs faire de l’artisan influent sur la transformation et la mise en œuvre du matériau. 11 LUCAN Jacques, «précisions sur un état présent de l’architecture, Lausannes, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2015.
12 PICON Antoine, «La matérialité de l’architecture», Éditions Parenthèses, 2018.
13 SACK Manfred, cité par DEPLAZES Andrea dans Construire l’architecture du matériau brut à l’edifice, Birkhäuser, 2008.
« S’en tenir à une forme simple permet de concentrer son attention sur l’usage des matériaux et sur leurs résonances. » 11
La matière peut alors être un des fondements majeurs dans le processus de réflexion architecturale et sa concrétisation. Néanmoins, il s’en distingue autant que les caractéristiques même qui définissent la matière. Le choix des critères et des symboliques mise en avant et choisies par l’architecte, tendent à déterminer une caractéristique singulière du projet. La proposition de penser le projet par la matérialité est donc assez large et chaque architecte se réapproprie l’une de ces caractéristiques physiques ou symboliques. « L’architecte ordonne la matière, à la différence de l’ingénierie, surgit celle de l’expression. Faire sens en ordonnant la matière. C’est la question du langage, l’architecture tente de faire parler la matière. » 12
Antoine Picon dans son ouvrage La matérialité de l’architecture, il défend le rapport sensible qu’a l’architecte avec la matière, et sa capacité à animer la matière, à lui donner vie. En opposition aux ingénieurs qui trouvent une qualité technique et structurelle à la matière. Cette « ordonnance » de la matière soulevé par l’auteur fait en partie référence à la sensibilité des architectes et leurs rapports singuliers à la matière. Il évoque aussi la place de la symbolique de la matière dans l’architecture contemporaine. On peut alors se questionner sur l’outil de l’expérimentation et ses capacités à révéler le potentiel des matières, leurs mises en œuvre et leurs rapports au sens. « Face à une matière, les sens réagissent au matériau, à son toucher, à son aspect, à son odeur, au fait qu’il scintille ou brille, qu’il soit terne, dur, mou élastique, froid ou chaud, lisse ou rugueux, à ses couleurs et aux structures révélées par sa surface. » 13
23 - Un processus singulier
Le rapport brut et primitif au matériau est essentiel, Sack défend que l’espace architectural est physiquement et sensoriellement perceptible. L’architecte constate et observe chaque capacité et potentialité des matières. Il ne doit pas toujours subir les transformations déjà faites de la matière, c’est peut être aussi son rôle de définir ses outils de conceptions adaptés pour interroger les matériaux les plus appropriés à son concept. C’est ce qu’on pourrait appeler un processus conceptuel par la matière. « (...) mais de conserver intacte une ambition qui a permis à la discipline architecturale de surmonter sa marginalité en termes de mètres cubes de béton coulés annuellement, et de continuer à se faire entendre au sein d’un cadre bâti qui obéit principalement aux lois du capitalisme mondialisé » 14 Antoine Picon resitue le contexte économique
dans lequel la plupart des architectes travaillent, c’est à dire un contexte capitaliste où le profit est souvent plus important que les thématiques sociales et environnementales. Cette citation fait écho à une volonté bien plus forte et bien plus large que les architectes doivent tenter de conserver.
14 PICON Antoine, «La matérialité de l’architecture», Éditions Parenthèses, 2018.
Ce n’est pas toujours la qualité physique de la matière même ou encore la symbolique de sa mise en œuvre mais l’expérience, la poétique et la sensibilité de chaque architecte qui peut définir cette singularité à la matière et au bâtiment qui en résulte. C’est bien cela qui créé à la fois la richesse et la diversité du métier d’architecte, mais aussi son défaut puisque l’architecture reste un art subjectif. Pour illustrer ce propos il est intéressant de savoir que près de 1715 propositions ont été faites pour le concours du musée Guggenheim à Helsinki en 2014, pour le même programme, le même site et les mêmes ressources disponibles sur le territoire. Ces diverses contraintes sont aussi à comprendre dans le but de mieux saisir certains enjeux architectoniques selon les projets. Ainsi, au travers de ces études de cas nous tenterons de comprendre les relations qu’entretiennent les architectes avec la matière et leurs regards vis à vis des processus de transformations de celle-ci. L’expérimentation échelle 1:1 dès la conception permet-elle une meilleur compréhension des potentiels de la matière ? Les architectes qui expérimentent eux même la matière sont-ils à la marge des pratiques contemporaines dans le processus de projet architectural contemporain ?
CHAPITRE 1 - 24
Un processus expérimental - étude de cas PNG Architecture L’équipe de PNG architecture regroupe trois architectes associés aux divers parcours depuis 2007. Antoine Petit (Pedro) à travaillé la gravure dans un atelier et a d’emblée eu un rapport direct à la matière et sa transformation. Puis Nicolas Debicki, architecte au conseil du CAUE de l’Isère, il a toujours apprécié l’étape constructive d’un projet. Enfin Grishka Martinetti, aussi photographe et infographiste, prolonge sa formation architecturale à l’école de Chaillot. Ils sont aussi lauréats de l’édition 2014 des Albums des Jeunes Architectes et Paysagistes (AJAP). Les trois confrères sont assez différents dans leurs parcours, mais se fédèrent par leur rapport intime à la matière. Dans cette étude de cas sur le travail de l’agence PNG architectes, Grishka Martinetti fut l’interlocuteur de mes questionnements, il a partagé son travail et sa sensibilité en tant qu’architecte, qui est selon lui égale avec ses associés. « De fait dès le début, on avait notre agence et ce rapport à la matière » 15
15 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès, septembre 2019.
Il sera intéressant de comprendre son rapport sensible, lié à la matière, dans le développement du projet et en quoi l’expérimentation échelle 1:1 est un appui dans le processus de conception architectural pour les trois associés? G. Martinetti s’intéresse particulièrement aux manières de faire, qui dégagent une force selon lui, en particulier dans l’architecture du patrimoine. Au-delà de la force esthétique des matériaux de certains bâtiments anciens lié au patrimoine de la matière, il s’attarde sur le patrimoine artisanal et les connaissances techniques misent en œuvres dans l’assemblage des matières pour créer l’édifice. Il décrit lui-même son travail comme avoir « un rapport au patrimoine, à la beauté des mises en œuvre. » 11 Pour leurs processus de réflexion architecturale ils travaillent beaucoup en maquettes, à la fois numérique et en carton, à échelle plus ou moins réduite. Cela leur permet de toujours se projeter rapidement dans le projet, c’est aussi un objectif très important pour les trois associés. Ces outils mis en œuvre sont primordiaux pour le bon développement du processus de conception initial, en particulier pour les essais échelle 1:1 réalisés sur la majorité des projets. Ces expérimentations de la matière échelle réelle ou parfois à une échelle réduite (1:5) sont un outil de travail évident pour les trois architectes dans le dessin du projet architectural et cela dès l’étape conceptuelle. Les essais leur permettent de tester la concrétisation de leur concept et leurs choix architectoniques liés à la matière, et de fait aux matériaux.
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FIG. 2 Expérimentation sablage du béton, PNG architectes.
CHAPITRE 1 - 26
16 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
17 idem
Leur premier projet architectural est un centre de tri de déchets au jardin des plantes à Paris. Pour ce projet dans un lieu d’exception, il est dès le début exigé par la maîtrise d’ouvrage un travail avec le bois, qu’ils vont rapidement refuser et imposer du béton. « C’est là qu’on a étudié la question des gravillons, de choisir une charge qui puisse avoir une teinte particulière, des gravillons de la seine » 16 Les trois architectes questionnent rapidement les qualités plastiques, visuelles et lumineuses du béton pour révéler un aspect minéral. À partir de ce matériau ils ont alors étudiés plusieurs processus de mise en œuvre du béton en les réalisant échelle 1:1 dans la cours de leur atelier à Paris. Les expérimentations pour le muret en béton cherchaient à résoudre, par la mise en œuvre de la matière, une relation entre le sol de gravillons et l’émergence du mur bétonné. « Si on ne le teste pas à l’avance, on risque d’être déçu le jour du chantier, donc il faut le tester sois même ».12 Les trois architectes sont très impliqués dans les expérimentations matérielles dès le processus de conception, toujours en relation avec les plans, les coupes et les croquis d’ambiance dès la phase de l’esquisse. Suite à de nombreux essais leur concept initial de fusion entre le sol et le muret est résolu de manière concrète avec la proposition d’un sablage de béton. Cette méthode est un sablage progressif de haut en bas, afin que les gravillons présents dans le béton soient davantage visibles au bas du mur. Le sol de gravillons semble pénétrer le muret en béton et progressivement disparaître. Les prototypes sont ensuite présentés et décrits précisément aux entreprises afin d’obtenir un résultat le plus proche de l’imaginaire des architectes et de leurs essais réalisés en amont. En imposant ces nouvelles expérimentations faites par les entreprises, le processus de mise en œuvre est très vite fixé et validé. Le chantier peut plus vite être enclenché et le résultat est d’autant plus garanti, à la fois pour les architectes que pour les entreprises. Grâce à leurs expérimentations matérielles, ils ont confirmé une intuition rapidement, dans le but d’être au plus proche de la réalité constructive. Ils questionnent les capacités de la matière et apprennent aussi de nouvelles mises en œuvre en les testant par eux même. C’est une nécessité, voir une évidence d’être très vite impliqué dans le concret.
18 idem
« On ne peut pas imaginer notre travail sans faire de l’expérimentation à l’échelle 1:1 » 18 C’est une approche architecturale particulière que nous pourrions qualifier
de ‘‘processus singulier’’. Ils s’appliquent tous les trois à produire cette logique architecturale, la conserver et la valoriser. Ce processus de conception lié à l’expérimentation de la matière est bien une philosophie inscrite dans leurs manières de penser et leurs manières de faire sur l’intégralité de leurs projets.
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FIG 3. Centre de tri de déchets au Jardin des plantes, Paris, PNG architectes.
CHAPITRE 1 - 28
FIG 4. Centre de tri de déchets au Jardin des plantes, Paris, PNG architectes.
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L’équipe de PNG a un rapport assez intime à la matière, à ses qualités physiques et symboliques. Ils utilisent un processus conceptuel assez particulier, de conception-réalisation, l’un ne va pas sans l’autre et n’a pas d’ordre plutôt qu’un autre. L’étape conceptuelle de réflexion architecturale n’a pas de limite temporelle dans le processus de projet, elle se prolonge finalement jusqu’au chantier et même pendant ce dernier. La réalisation apparaît dès le début, par le biais de maquettes en carton très détaillées et aussi beaucoup d’expérimentation échelle 1:1, de mise en scène de la matière. « On ne peut penser et concevoir un espace ou un complexe d’espaces, ou le reconstruire ultérieurement, que si l’on connaît et maîtrise le mieux possible les conditions de sa concrétisation, de sa réalisation. » 19
Les propos d’Andrea Deplazes extraits de l’introduction l’importance du matériel, résonnent avec le processus de projet particulier des architectes présentés. L’architecte devrait donc connaître les capacités des matières qui seront employées dans le projet, ses capacités de mise en œuvre, et enfin les capacités humaines, c’est-à-dire les savoirs faire des artisans et des entreprises. Ces informations sont clés pour les architectes afin de mieux penser et concevoir des espaces. Pour l’équipe de PNG architectes, c’est dès le début de leur projet, de leur réflexion architecturale qu’ils analysent toutes ces capacités. Ils ont un rapport au concret et aux possibilités de la concrétisation de leurs idées architecturales par le biais des expérimentations de la matière disponible, de la matière située. « En agence, la matière n’arrive bien souvent sur la table que sous la forme de matériau, parfois plusieurs fois transformée et souvent faussement disponibles. Pourtant, cette brique rustique, ce morceau de bardage, est bien plus qu’un revêtement potentiel sur catalogue. » 20
Au regard de cette étude de cas et d’un processus de projet assez singulier, nous pourrions qualifier leur processus de projet de marginal. Ils sont en effet en marge des pratiques communes de beaucoup d’architectes selon Grishka Martinetti et l’assument eux-mêmes. L’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception est marginale et elle n'est pas obligatoire dans le bon fonctionnement d’un projet. C’est aussi une grande contrainte temporelle et économique dans le déroulement du projet. Néanmoins, ils tentent de préserver ce regard poétique sur la matière et ses infinies expérimentations. Le schéma classique, dit loi MOP, enferme les étapes ne leur permettant pas de dialoguer et d’interagir entre elles. Nous verrons dans la seconde partie comment ces expérimentations et ce processus de conception - réalisation peuvent questionner le processus classique.
19 DEPLAZES Andrea, Construire l’architecture du matériau brut à l’edifice, Birkhäuser, 2008.
20 PNG Architectes, Le Philotope Ma(t)ierre(s), «Matière située», p143.
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Faire pour comprendre - Ciguë architecte L’atelier d’architecture Ciguë démarre d’abord par une structure de menuiserie créée en 2003 par les quatre associés, Camille Bénard, Hugo Haas, Guillem Renard et Alphonse Sarthout, encore étudiant en école d’architecture à Paris La Villette. Cette première approche de la matière grâce à leur entreprise de menuiserie, leur a permis d’expérimenter de nombreuses matières brutes, des matériaux et des assemblages particuliers. Dans le prolongement de leurs études, ils démarrent par des rénovations d’appartements et de la création de mobilier. Ils ont besoin de faire pour comprendre, apprendre et mieux dessiner par la suite. L’agence d’architecture voit le jour en 2007, ils conservent leur entreprise de menuiserie, et intègrent un atelier d’expérimentation et de fabrication dans les locaux de leur agence à Montreuil. C’est pour eux une identité forte de leur travail qu’ils souhaitent conserver et valoriser auprès de leurs clients. Les projets de l’agence sont majoritairement des rénovations de logement et des boutiques en marchés privés sur des petits et moyens projets. Ils sont aussi lauréats des AJAP 2012 et lauréats du prix Faire 2019, exposé au pavillon de l’Arsenal. Ils ne sont pas seulement artisans et manuels, ils sont architectes, donc aussi des concepteurs. Cette double casquette leur permet de souvent revenir en arrière dans leurs essais et de modifier le dessin au fur à mesure de l’expérimentation matérielle. Leur travail repose donc sur un processus de conception-réalisation, la main qui fait est aussi celle qui dessine. C’est crucial pour eux de procéder ainsi : commencer par faire avant de dessiner. 21 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès, novembre 2019.
« Tu peux considérer certaines étapes comme de la sculpture, de l’improvisation, au lieu de tout prévoir et tout figer pendant la conception. » 21
Les propos de Hugo Hass recueillis lors de notre échange font écho à ce processus conception-réalisation. Le contact direct avec la matière est un outil de réflexion et de conception pour l’équipe d’architectes. Ainsi, dans leur processus de projet, les premières réflexions ne sont pas développées par un dessin à l’ordinateur ou un dessin à la main sur papier. Elles émergent plutôt dans un rapport corporel, du toucher et des différents sens qui peuvent être révélés suite aux expérimentations.
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FIG 5. Mobilier en plâtre et papier compressés, à rebours, Lafayette anticipation, Ciguë, 2018.
CHAPITRE 1 - 32
22 DEPLAZES Andrea, Construire l’architecture du matériau brut à l’edifice, Birkhäuser, 2008.
« «comprendre» la construction, c’est la pénétrer intellectuellement après l’avoir matériellement saisie par tous les sens » 22
Cette citation appuie fortement la relation entre conception et construction, entre l’immatériel et le matériel. Les deux sont étroitement liés et ne vont pas l’un sans l’autre, c’est une interdépendance entre la matière concrète et les savoirs théoriques. L’expérience des deux semble complémentaire pour les architectes. A. Deplazes énonce qu’il faudrait d’emblée avoir une relation sensorielle complète à la matière, pour bien en saisir sa construction. Pour l’équipe de Ciguë, leur relation à la matière démarre donc dès leurs études avec la création de leur entreprise de menuiserie et leurs premiers chantiers de rénovation. Le choix de la matière et des matériaux qu’ils utilisent sont liés à énormément de facteurs, à la fois aux désirs des clients, au milieu dans lequel s’inscrit le projet et aux intuitions des architectes. L’équipe de Ciguë s’intéresse aux capacités des matières première et à leur aspect brut et sans finition. «Nous
23 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès, novembre 2019.
24 PALLASMAA Juhani, La main qui pense, Actes Sud, 2013.
25 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès, novembre 2019.
sommes contre les catalogues et la prescription, c’est des termes que je déteste. » 23
Le plus important dans le rapport à la matière, selon eux, c’est de faire soi même. L’architecte doit être confronté aux capacités de la matière mais aussi aux outils liés à la transformation de celle-ci en matériaux. Cette relation à la matière passe donc aussi par le corps, les mains, les sensations, mais aussi par les outils, manuels ou mécaniques, eux même liés au corps. Juhani Pallasmaa évoque aussi la connexion intime entre la main, son outil et la matière. « L’outil est une extension et une spécialisation de la main, dont les aptitudes naturelles sont ainsi améliorées. Celui qui utilise une hache ou un couteau ne conçoit pas la main et l’outil comme des entités distinctes et séparées. Au contraire, l’outil fait partie de la main, métamorphosée en une nouvelle catégorie d’organe: la main-outil. » 24
Ces expériences corporelles et sensorielles avec la matière à l’échelle 1:1 développent une singularité dans le travail des architectes, ils dessinent en s’imaginant faire. Ils ont dès le départ un lien à la concrétisation, à la mise en œuvre technique de leurs idées. «Le dessin prend de la consistance par la projection dans le faire. » 25
Les architectes développent des « palettes de matériaux » qui viennent très tôt dans le projet, c’est l’identité architecturale du projet qui se révèle. Ce travail est affiné en partie grâce à leur matériauthéque, en lien avec leur atelier d’expérimentation. Les matériaux ou les objets disponibles et accumulés sont examinés, remodelés et engagent une réflexion, parfois, en lien avec une forme, une finition. Malgré le rapport parfois concret avec les objets, tout n’est
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pas rapidement fixé, c’est un appui pour développer un imaginaire, parfois abstrait du projet. « C’est quasiment une première maquette, on appel ça une scène de matériaux. » 26 Cette mise en scène met en avant des matériaux sélectionnés, leurs relations entre eux, leurs textures et leurs relations à la lumière, mais elle n’a pas la forme de ces matériaux. La matérialité et potentiellement le vocabulaire du projet sont fixés grâce à ces expérimentations.
26 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès.
Au-delà du contact direct à la matière, ils se questionnent aussi sur les processus d’extraction de la matière première et les premières étapes de sa transformation. Même si aujourd’hui la mondialisation a généré une facilité d’accès à certains matériaux et à leur dimensionnement standardisé, Ciguë continue de questionner les processus initiaux. C’est-à-dire l’énergie mise en œuvre par les entreprises pour extraire la matière, la découper, la stocker. Pour certains de leurs projets, ils utilisent le marbre, une matière noble et coûteuse, mais son usage est raisonné. Ils sont allés comprendre comment se découpe du marbre, comment il sèche et par quels outils il est transformé avant d’atterrir dans leur atelier. Il y a un rapport entre effort et résultat, un peu à l’image du processus même de conception - réalisation. Pour illustrer leur travail expérimental, toujours dans l’optique de proscrire les matériaux de catalogue, l’équipe a questionné les qualités plastiques du papier recyclé compressé. Ces essais sont fait au travers d’un meuble cubique de 50x50 centimètres. Le mélange est constitué de papiers recyclés, principalement de leur agence, de ouate de cellulose et d’eau ou autres liants naturels. Il est ensuite compacté dans des moules en acier fabriqués sur mesure en amont, laissé un moment puis défait et immédiatement prêt à l’emploi. Les cubes sont d’abord utilisés dans la boutique des galeries Lafayette en 2018 puis exposés à la cité de l’architecture en 2019 dans l’exposition «mobilier d’architecte». Ce processus de mise en œuvre de la matière vers un matériau, est aussi testé à l’échelle architecturale. En effet, les expérimentations continuent car ils souhaitent créer des panneaux rigides de revêtement intérieur, cette fois-ci avec de la sciure de bois. Ces expérimentations génèrent une grande série d’échantillons, à la fois de recherche esthétique et technique mais aussi de ratés. Ils arrivent à créer un panneau qui résiste à l’eau, qui se tient bien, dans lequel on peut visser et découper facilement. Il s’agit de l’installation de la «chambre d’hôtel de demain», l’un des projets lauréat du concours Faire 2019, exposé au Pavillon de l’arsenal.
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FIG 6. (gauche) Matières tissu pour le mobilier plâtre, Ciguë, 2018. FIG 7. (droite) Bloc de plâtres papier et plâtre tissu, Ciguë, 2018.
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Les premières difficultés de leur principe de processus conception-réalisation ont débutées avec leurs projets à l’étranger, en particulier en Asie. Ne pouvant pas fabriquer depuis leur atelier, ils ont appris à être extrêmement précis dans leurs dessins et dans les finitions matérielles qu’ils souhaitaient. C’était aussi une frustration pour eux de ne pas dialoguer directement avec les matériaux disponibles sur le territoire et de valoriser leurs particularités. « Quand tu veux réagir, par exemple une poutre en bois qui a des veines, des nœuds, des parties grisées que tu veux garder ou raboter ce n’est pas possible ou plus difficilement. » 27
Pour l’équipe de Ciguë, c’est un réel besoin de voir et de toucher les matériaux utilisés pour le projet. L’état parfois primaire de la matière devient un avantage pour eux, c’est un point de départ pour la conception architecturale. Cela ouvre un imaginaire à la conception, à partir d’une matière choisie et de sa symbolique. De plus, lorsque les projets se multiplient et sont chacun à des étapes différentes, il est d’autant plus difficile de conserver ce processus de conception-réalisation. « Un nœud n’est rien de plus qu’une petite branche qui s’est fait envelopper par l’arbre, mais c’est a priori considéré comme un défaut. Soit ce défaut peut participer à faire exister l’objet, auquel cas la pièce est conservée, soit il est nécessaire de le refaire à partir d’une nouvelle pièce de bois en espérant ne pas découvrir au cours de sa transformation un nouveau défaut. » 28
Les propos de J.Vatère semblent cohérents avec la sensibilité liée à la matière évoquée par les architectes de Ciguë. En effet, dans l’imaginaire commun, ces éléments de la matière sont souvent jugés comme des anomalies, à la fois peu esthétiques et parfois gênantes dans la transformation de la matière. Pourtant, ce sont bien ces éléments qui caractérisent la matière brute, son milieu et son histoire vécue. De plus, la transformation est aussi influencée par cette «anomalie».En les ciblant dès le début, les architectes tentent de révéler l’origine brute de la matière et de la valoriser lors de sa mise en œuvre architectonique.
27 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès.
28 VATÈRE Jérôme, Le Philotope Ma(t)ierre(s), «L’imparfait vivant», p205.
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Leurs parcours en lien avec le faire et le contact direct avec la matière leur offre une approche différente dans le processus de conception du projet architectural. Ces expériences sur le chantier et dans leur atelier, à faire eux même, à comprendre les capacités symboliques et physiques des matériaux, ont définit leur approche singulière de conception-réalisation. Néanmoins ce processus particulier demande un investissement temporel, physique et économique. La majorité de leurs projets sont des marchés privés, cela facilite la communication sur les désirs matériels des clients et les possibilités pour les architectes d’expérimenter. Ils ont aujourd’hui une certaine notoriété et un respect de leur travail minutieux, à la fois par leur clients mais aussi par les entreprises et les bureaux d’études avec lesquels ils travaillent. Leur travail de rénovation et d’aménagement de boutique de luxe leur offre une liberté supplémentaire sur les types de matières mises en œuvres, et le temps nécessaire pour travailler ces matières dans leur atelier, souvent en lien avec un financement plus important.
29 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès.
Ils ont aujourd’hui une relation plus spécifique et plus expérimentale dans leur fabrication en atelier. « Il faut laisser faire les choses, on ne peut pas tout prévoir, tout planifier. » 29 Cette méthodologie est privilégiée lorsqu’il faut inventer le processus de fabrication, des mélanges et des textures particulières. Mais c’est aussi un outil de communication, afin de faire comprendre une idée singulière auprès d’artisans et d’entreprises. L’expérimentation échelle 1:1 est pour eux à l’échelle de la matière, ils ont beaucoup expérimentés les matières brutes, en essayant de comprendre leurs qualités, parfois unique selon leur milieu et leur technique d’extraction. Pour l’équipe d’architectes de Ciguë il faut passer par l’étape du faire pour mieux dessiner et exprimer son projet. En s’abandonnant à la matière dans un rapport corporel, il en émerge des idées et c’est souvent le point de départ des projets. La relation à la matière et sa mise en œuvre concrète, à l’échelle 1:1, est un des outils de conception pour l’équipe. Ce processus assez singulier, est propre à leur travail et à leur manière de voir le projet architectural. Par le biais de ces expérimentations il tentent aussi de prouver que les concepteurs et les constructeurs peuvent appartenir au même corps de métier.
30 idem
« C’est important de trouver tes outils à toi pour avancer, on peut dire que c’est le dessin à la main ou l’atelier avec le contact à la matière, peut importe il faut que ce soit le tiens. Il y a un rapport direct entre ton cerveau et ta main. » 30
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FIG 8. Atelier d’expérimentations, Montreuil, Ciguë.
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L’expérience de la matière Suite à ces études de cas, on comprend les méthodologies de conceptions particulières à ces architectes où la relation à la matière et à l’expérimentation échelle 1:1 sont très présentes. Il est intéressant de comprendre le rapport aux expériences des architectes, dans leurs choix des outils de conception les plus adaptés à leur manière de réfléchir et de faire. L’expérience a t’elle une influence sur ces méthodologies singulières pour l’architecte? Nous tenterons de répondre par le biais d'autres études de cas, moins détaillées, sur des expériences d’architectes plus connues, à la fois pour leur parcours en lien avec l’artisanat et leur architecture. Comme Renzo Piano, Peter Zumthor ou encore Martin Rauch. Leurs parcours singuliers ont aussi créé des processus de conception singuliers. L’architecte Renzo Piano est issu d’une famille de constructeurs, il passe plusieurs années à conjuguer l’expérience académique avec celle sur le terrain. Ces premiers travaux expérimentaux sur des petites structures, lui ont permis de découvrir et tester la plasticité de certains matériaux comme le polyester renforcé. Renzo Piano Building Workshop reflète le travail de l’architecte étroitement lié à la matière, l’atelier de maquette et d’expérimentation est une vitrine de son travail visible depuis la rue dans son agence parisienne. Voir en annexe la présentation de l'une de ces expérimentations échelle 1:1 pour la fondation Beyeler en Suisse. 31 PIANO Renzo, « projets et architectures 1964-1983 », Massimo Dini, Electa Moniteur, 1983. pp 15-17.
« Il est nécessaire que l’architecte ait une connaissance scientifique de la matière, de ses possibilités de transformation, de son comportement. » 31
Ces connaissances scientifiques qu’exprime Renzo Piano ne s’apprennent pas nécessairement dans le cursus étudiant mais aussi dans les expériences professionnelles, par les échanges entre les différents corps de métier, dont les artisans experts d’un savoir-faire. Si le métier d’architecte s’équilibre entre la dimension technique et artistique, entre la conception et la réalisation, comment l’expérience du « faire » peut-elle influencer la conception ? Pour citer un exemple en lien avec les figures précédentes mais nettement moins connues, on peut parler du parcours de Timur Ersen, architecte et artisan qui semble pertinent dans son rapport à l’expérience de la matière. Il est architecte et artisan spécialisé dans le pisé. Ces deux casquettes sont pour lui
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très importantes même s’il semble davantage développer son travail manuel d’artisan pisé avec la création de son Atelier Kara quelques années après son diplôme. Au cours de son cursus d’étudiant en architecture, il semble frustré par l’inexistence du rapport à la matière dans le processus de conception. C’est le travail de l’artisan/ artiste/ architecte Martin Rauch en terre pisé qui évoque chez lui l’envie de travailler cette matière. « Son approche m’a convaincu de me former non plus à la conception, mais à la construction, au travail de la matière. »32
Il fait alors son apprentissage du pisé sur le chantier de Herzog et de Meuron, pour le bâtiment de la maison des plantes de Ricola, réalisé par l’équipe de Martin Rauch, comme entreprise de construction. Ses différentes expériences alternées entre architecte et artisan, concepteur et constructeur, lui on permis de porter un regard très différent sur le processus de conception architectural ainsi que tous les acteurs liés à la réalisation. L’expérience constructive et sensorielle de la matière, la terre dans le cas présent, a nourri sa conception de l’architecture. « (…) un diplômé en architecture est reconnu comme architecte au sens de la nomenclature lorsqu’il maîtrise d’autres techniques que celles du dessin et qu’il gagne en autonomie et en expérience dans son travail (compétence). » 33
Au travers de ces différentes expériences, parfois en amont de la pratique d’architecte, les compétences acquises peuvent être un appui pour l’architecte dans la réflexion architecturale, comme le précise ici Isabelle Chesneau. Ces expériences sont propres à chaque individu, architecte ou futur architecte. Elles sont à la fois liées à son parcours universitaire, ses lectures, ses premières expériences professionnelles, ses premiers chantiers, mais aussi à ses voyages. Toutes ces expériences, chacune unique pour chaque individu, influent alors sur son point de vue critique de l’architecture et forment son identité architecturale. Elle se définit aussi par les outils, à la fois de conception et de réalisation, qu’il emploie dans le processus de projet architectural. En s’engageant dans des expériences dite singulières, du moins à la marge des pratiques communes de l’architecte, il démarre la formation de son identité architecturale. Cette singularité chez certains jeunes diplômés est aussi reconnue dans leur future carrière professionnelle, comme précisé par cette citation extraite de l’ouvrage « Profession architecte ». « (…) on observe actuellement des changements dans la manière d’appréhender l’identité professionnelle des individus, notamment au moment des procédures de recrutement, où sont davantage recherchées leurs singularités et les compétences qu’ils ont développées dans des situations antérieures. » 34
32 ERSEN Timur, Atelier Kara, timurersen.com.
33 CHESNEAU Isabelle, «Profession architecte», éd. Eyrolles, 2018, p 44.
34 CHESNEAU Isabelle, «Profession architecte», éd. Eyrolles, 2018, p 45.
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35 LE CORBUSIER, «Précisons sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, 1930.
« Maintenant que j’ai fait appel à ton esprit de vérité, je voudrais te donner, à toi étudiant d’architecture, la haine du dessin » 35
Il est aussi intéressant de comprendre l’expérience de l’expérimentation échelle 1:1, du rapport à la matière, pour les étudiants en école d’architecture, l’émergence grandissante ces dernières années à prouver une volonté des étudiants de mettre en lien la concrétisation et la construction. Cette citation du Corbusier à déjà 90 ans, c’est aussi un questionnement pour les modernes d’avoir un rapport au concret dès l’étape du dessin. L’apprentissage expérientiel, permet-il une approche plus singulière dans le processus de conception architectural ? L’expérience de la concrétisation matérielle dès les études influence t’elle aussi les méthodologies des futurs architectes? Le phénomène de design/built, autrement dit la pédagogie de l’expérimentation, est présent dans les études d’architecture à travers le monde, en Angleterre avec le master Design + Make, au états-unis avec Rural studio et au Chilli à l’école d’architecture de Talca. Ces entités identifiées ici sont à un stade plus avancé qu’en France, la confrontation à la construction est plus immersive. Néanmoins, l’ENSA de Grenoble favorise ces pratiques au travers d’une année entière consacrée à la conception et la construction d’un petit projet réel. Cette expérience a pour but d’impliquer activement les étudiants dans toutes les étapes du processus de réalisation du projet architectural, depuis sa conception jusqu’à sa construction, en les confrontant à toutes les difficultés du chantier.
36 MEZUREUX Nathalie, d’a n°240, est-il possible d’expérimenter en France?, Novembre 2015
«Permettre aux étudiants d’expérimenter est un devoir.» 36
En continuant la valorisation de l’expérience constructive, on va peut-être voir apparaître une nouvelle génération d’architectes, peut être plus qualifiés techniquement avec un regard singulier sur la pratique du métier d’architecte. Il faut aussi bien valoriser cette volonté des étudiants mais l’encourager et continuer ou entamer son développement dans les écoles d’architecture. Toujours en France, on observe aussi ce phénomène d’apprentissage experientiel sur un temps limité par le biais de festivals ou de workshops. L’un des plus connus est le festival d’architecture expérimentale de Bellastock. Le principe est de concevoir, de construire et d’habiter un projet éphémère en grandeur réelle durant quelques jours. J’ai pu moi-même participer à ce festival en Juillet 2019, où la paille était la matière principale des expérimentations.
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FIG 9. Festival Bellastock édition 2019.
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FIG 10. Gordon Matta Clark, et Gerry Hovagimyan travaillant à Conical Intersect, Rue Beaubourg, 1975.
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Marginalité assumée Les architectes qui expérimentent à l’échelle 1:1 dans le processus de conception architectural, sont en marge des pratiques actuelles communes ou conventionnelles des architectes occidentaux contemporains. Les deux études de cas ici présentées, avec l’atelier PNG architectes et l’atelier Ciguë architectes, illustrent bien la relation entres architectes et matières. Les architectes sont aussi acteurs de ce processus de transformation de la matière, à la fois dans les outils qu’ils développent et dans les matières qu’ils expérimentent. Ces expérimentations échelle 1:1 au regard de la matière sont un choix évident pour les architectes étudiés. C’est pour eux un outil de conception à part entière, en corrélation avec les outils classiques, comme le dessin. La relation directe et sensorielle à la matière leur permet de mieux la comprendre, et donc de mieux la dessiner. « Revenir au dessin matériel peut permettre de surmonter ce danger ; plus dur à contrer est le problème relatif aux matériaux dont le bâtiment est fait. Les écrans plats d’ordinateurs ne sauraient rendre convenablement les textures des différents matériaux ni aider dans les choix des couleurs (...) » 37
Le danger, ici exprimé par Richard Sennett est celui du dessin informatique qui remplace celui à la main. Aujourd’hui, les divers outils informatiques ne remplacent pas les sensations corporelles à la matière, les architectes doivent conserver cette relation à la matière par d’autres outils. Bien que les architectes présentés soient engagés dans ce rapport matériel, ils restent en lien avec des outils numériques, en phase avec la société. Le dessin ne disparaît pas au regard de l’expérimentation matérielle. Néanmoins, les projets architecturaux des ces deux agences restent de tailles moyennes voire petites. L’échelle du projet est aussi un facteur qui empêche ou engage les architectes à expérimenter à l’échelle 1:1 dès l’étape conceptuelle. L’usage de ce processus singulier ne génère pas nécessairement une architecture singulière. « Si la reconnaissance de l’identité professionnelle d’un architecte passe principalement par des actes, on peut alors en conclure qu’un projet professionnel consiste essentiellement à se confronter à l’expérience et à la penser après coup. » 38
Enfin, le processus marginal de ces architectes pose la question suivante : fautil faire pour mieux comprendre ? Dans un second temps, nous essayerons de comprendre la relation des architectes qui expérimentent, avec les artisans et les métiers techniques.
37 SENNETT Richard, «Ce que sait la main, la culture de l’artisanat», ed. Albin Michel, 2008, p 60-61.
38 CHESNEAU Isabelle, «Profession architecte», éd. Eyrolles, 2018, p 51.
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B. Architectes et artisans, valoriser des savoirs-faire
La relation précédemment expliquée entre les architectes et la matière évoque la capacité des architectes à manipuler eux-mêmes la matière. Néanmoins, c’est très rarement l’intégralité du projet qui est pensé et construit par les architectes. S’ils sont porteurs de savoirs théoriques et les artisans de savoir faire, comment l’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception met-elle en relation les architectes et les artisans ? Au sens large, les expérimentations parfois singulières des architectes valorisent-elles un savoir faire artisanal spécifique?
39 PALLASMAA Juhani, La main qui pense, Actes Sud, 2013, p 61.
40 SENNETT Richard, «Ce que sait la main, la culture de l’artisanat», ed. Albin Michel, 2008, p 159.
« Aujourd’hui, l’architecte avisé se doit de tisser des liens personnels avec le monde de l’art et de l’artisanat, de manière à ce que sa pensée intellectualisée renoue avec les sources de la vraie connaissance: le monde réel de la matérialité et de la gravité, ainsi que l’intelligence sensorielle et incarnée de ces phénomènes physiques. » 39
Le métier d’architecte engage des échanges avec de nombreux corps de métier, dont ceux de la construction avec un large panel d’artisanat. Comme l’énonce J.Pallasmaa, il est important d’être lié à ces métiers, à la fois dans les connaissances et dans les échanges. L’architecte a besoin des savoirs faire de l’artisan pour concrétiser ses idées, ici l’auteur évoque une dissociation des deux. Si le métier d’architecte est aussi théorique que technique, alors il serait nécessaire pour les architectes d’enrichir leurs connaissances techniques par les métiers des arts et de l’artisanat. Cette relation avec les artisans permet d’ancrer le projet dans le réel, avec la matière et les savoirs faire disponibles sur un territoire donné. « L’artisan est l’emblème de tous ceux qui ont besoin de la possibilité d’hésiter (…) de faire des erreurs. » 32
Par ces études de cas ici ciblées sur Png architectes et Studiolada, il serra intéressant de comprendre leurs relations aux savoirs faire d’un territoire en Isère et dans les Vosges, en lien avec leurs expérimentations matérielles. Dans la première étude de cas, les architectes ne sont pas originaires du territoire tandis que dans le second l’équipe de Studioloda connaît bien le territoire dans ses qualités paysagères et artisanales.
45 - Un processus singulier
FIG 11. L’encyclopédie de Diderot, outils de maçonnerie et de marbrerie, édition 1751-1780.
CHAPITRE 1 - 46
Savoirs faire oubliés L’équipe de l’atelier PNG s’intéresse dès le début de leurs projets aux matières présentes sur le territoire, aux lieux de fabrication et aux savoirs faire des artisans et des entreprises. Avant les premières esquisses de projet les trois associés tentent de comprendre les capacités des matières présentes et leurs lieux d’extraction et de transformation. Ce travail passe par la visite des scieries, des briqueteries afin de comprendre leurs manières de faire. 41 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
42 DEPLAZES Andrea, Construire l’architecture du matériau brut à l’edifice, Birkhäuser, 2008.
« Aller voir les gens qui font, parce que ces gens-là, c’est avec eux que vous allez faire de l’architecture. » 41 Les propos de G.Martinetti semblent assez justes et
en cohérence avec la précédente citation de J.Pallasmaa qui évoque la relation affaiblie entre les architectes et les métiers techniques artisanaux. « Montrer combien l’expression architecturale d’un édifice dépend de la façon dont on le construit » 42
L’architecte doit savoir se tenir informé des méthodologies et des savoirs faire à proximité de son site et de son futur chantier, dans le but de valoriser des connaissances techniques et matérielles adaptées à un milieu donné. Afin d’illustrer ces propos nous étudierons le processus de conception des trois associés de l'atelier PNG architecture sur le projet en marché public du pôle administratif et culturel à Saint-Barthélémy des Séchiliennes en Isère. Les architectes observent dans un premier temps les types de bâtis présents dans le village et leurs caractéristiques architecturales vernaculaire. Les toitures du village, auparavant faites en éternit, ont la particularité d’avoir un motif losangé. La question de l’ornementation liée à ce motif répétitif et symbolique du lieu, guide les premières réflexions, sans pour autant imiter cette mise en œuvre en toiture. « Tout de suite, une matière vient, par rapport aux lieux,
43 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
à la matérialité des bâtiments autour, aux matières disponibles autour de nous, on fait une synthèse. » 43 À partir de ce premier constat les trois associés souhaitent
questionner ce motif dans le projet de pôle culturel, en le détournant de son statut actuel en couverture pour l’insérer dans l’épaisseur du bâtiment, c’està-dire dans le soubassement. La proposition est donc de réintroduire le motif losangé, la symbolique de la matière définissant des savoirs faire anciens spécifiques à un territoire et l’identité architectonique du village. De fait, ce n’est pas au travers de murs préfabriqués choisis dans un catalogue qu’ils pouvaient répondre à leur concept architectural, mais par des expérimentations du béton afin d'obtenir la texture souhaitée.
47 - Un processus singulier
FIG 12. Expérimentations échelle 1:1 avec deux types de maillages, PNG architectes.
CHAPITRE 1 - 48
Démarre ensuite les premières expérimentations béton des murs matricés par les trois architectes dans le jardin de l’un des associés. Ils achètent et récupèrent des grilles de différentes matières, tailles de maillages et textures. Les essais se multiplient avec chacune des grilles, positionnées différemment, avec parfois un feutre entre-elles, afin que le motif persiste après le décoffrage. Ce choix d’expérimenter eux-mêmes, c’est-à-dire de faire artisanalement du béton avec leurs savoirs d’architectes, est aussi une conséquence de l’entreprise béton en charge du projet ayant avouée son incapacité à réaliser la proposition des architectes. « Aller voir les entreprises, s’inviter chez eux, si elle fait bien son 44 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
45 idem
travail elle vous laissera rentrer chez elle. Il y a une nécessité que les architectes se rapprochent des ouvriers. » 44
L’étape des prototypes est pour les architectes une nécessité, une manière de confirmer leurs idées dessinées, et cela avant le chantier du projet. Grâce à ces essais de matière, ils ont pu vérifier et confirmer certaines de leurs hypothèses techniques. Quelques-une des expérimentations sont des échecs, la grille à fissuré ou le motif n’est pas resté intact. Néanmoins, elles ont appuyés leurs réflexions vers d’autre méthodes de mises en œuvre ou d’autres grilles plus résistantes, pour un résultat encore différent et plus en lien avec la réalité constructive. L’un des essais a très bien réussi et satisfait les trois associés, c’est ce prototype qui servira comme appuie aux échanges entre les architectes et l’artisan béton. L’entreprise est assez vite convaincue du résultat, les architectes expliquent alors aux artisans leurs méthodologies, comment ils ont positionnés les grilles et les autres techniques employées. Avec cette première approche par la matière, les architectes prouvent aussi leur investissement dans le projet et leur profond respect pour le travail manuel des artisans. « Vous prenez un risque et vous vous mettez dans une situation inconfortable, ce n’est pas votre métier (…) vous obtenez de la part du chef de chantier et de tous les ouvriers un respect, ça c’est instantané. » 45
Par la suite, c’est le chef de chantier qui a proposé des solutions pour affiner le résultat des murs matricés, avec une technique peu utilisée qui est le coffrage forain. C’est un processus de fabrication sur site, ils coulent les murs de béton à l’horizontale, cela permet que le parement qui est au contact du sol soit le plus net possible et que le béton soit bien vibré. Par ces deux images ont comprend bien les essais des architectes face aux essais plus concrets réalisés par l’entreprise. Les deux sont étroitement liés pour répondre aux attentes.
49 - Un processus singulier
FIG 13. (gauche) Résultat des murs matricés sur le chantier, PNG architectes. FIG 14. (droite) Expérimentation échelle 1:1 par les architectes, PNG architectes.
« Vous ne savez pas comment faire, mais nous, on va vous montrer comment faire et que vous savez faire, vous avez tout ce qu’il faut pour le faire donc on va le faire. » 46
46 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
CHAPITRE 1 - 50
FIG 15. Résultat des murs matricés sur le chantier, PNG architectes.
51 - Un processus singulier
Dans cet exemple, les architectes ont montré leurs capacités de faire et ont su prouver leurs concepts de manière concrète. Les artisans se sont largement emparés du processus, c’est aussi une fierté pour eux de réaliser ce chantier, m’a confié G. Martinetti. Les artisans ont montré leurs capacités et leurs savoirs faire, aujourd’hui, souvent limités à des processus simples. « Là, je me rends compte que je fais un chantier singulier. » a expliqué le chef de chantier du projet ici présenté. On comprend alors qu’il en est aussi du ressort des architectes de valoriser le travail des artisans, et cela passe par la qualité des dessins, les échanges entre les corps de métier et parfois, les démonstrations physiques, matériels. En effet, les expérimentations échelle 1:1 se sont révélées, ici, comme un très bon outil de communication auprès des entreprises. En prouvant la faisabilité de la mise en œuvre l’entreprise s’est engagée dans le projet et s’est sentie valorisée. Suite à de nombreuses discussions avec divers architectes, il semblerait que ce type de chantier reste une exception. Comme nous avons pu le constater suite à cette étude de cas détaillée, le processus de conception des architectes de png reste assez marginal. Ils sont eux-même conscients de leurs méthodologies de travail singulières, en contraste avec leurs confrères. Les projets restent de tailles modestes, comme nous avons pu le constater avec l’étude de cas précédente de l'atelier Ciguë architectes. Ainsi le rôle de l’architecte semble assez déterminant, dans le choix de la matière et de la mise en œuvre au travers du processus de projet. Par son dessin, il détermine les matériaux employés et par conséquent les artisans pour les mettre en œuvre. Le dessin du projet ne doit pas toujours se figer avant la la rencontre avec les entreprises, c’est aussi ce dialogue qui finalise le dessin ou encore les expérimentations. En se limitant à des matériaux de catalogue standardisés, l’architecte tend à limiter les savoirs faire des artisans et parfois ceux des petites entreprises locales. Il faut aussi comprendre que le contexte économique de notre société entre largement en compte pour les architectes et pour les entreprises de construction. Pour conclure, l’expérimentation échelle 1:1 à été un appui de conception mais aussi de discussions dans ce projet. Néanmoins son usage ne reste pas indispensable, il doit pouvoir s’adapter selon les attentes esthétiques et techniques du projet et selon les acteurs impliqués dans le projet.
CHAPITRE 1 - 52
(re)valoriser une matière Le travail présenté ici tente de prouver la richesse des expérimentations de mise en œuvre avec une matière locale par les architectes pour valoriser des fillières locales dans l’architecture contemporaine. Studiolada est un collectif, regroupant six architectes indépendants en société unipersonnelle. La majorité de leurs projet se situent sur le territoire des Vosges, ils s’interrogent énormément sur les ressources de leur territoire en valorisant des filières locales. L’équipe de Studiolada est aussi lauréate des AJAP 2014 et à reçu plusieurs prix pour leurs différents projets. Grâce à leur société civile de moyen commune aux six associés, ils peuvent diviser les frais et embaucher leurs salariés, qui peuvent ensuite travailler pour chacun des associés. Néanmoins, ce n’est pas une entité pour travailler en son nom, elle ne peut pas répondre à un appel d’offres. Ce système un peu particulier permet à chacun de travailler à son rythme sur des sujets différents, plus ou moins rentables sans avoir à rendre des comptes aux autres. Le collectif répond tout de même à une éthique et une culture commune entre les associés. Dans leur méthodologie de travail et leur processus de conception, ils travaillent énormément en maquette, afin de s’approcher au mieux de la concrétisation spatiale et son implantation dans le site. Christophe Aubertin, que j’ai pu interroger, avoue ne pas nécessairement faire des prototypes échelle 1:1 dès l’étape conceptuelle, mais tente de répondre aux détails de mise en œuvre par des dessins très détaillés. Pour leur projet d’ephad à Vaucouleurs ils se sont confronté à un processus expérimental dans le but de valoriser une matière locale, représentative du territoire vosgiens, la pierre de Meuse des savonnières. Les architectes souhaitent donc valoriser cette matière locale en l’utilisant comme revêtement de façade. À l’image des pierres agrafées sur un mur en béton, ils souhaitent expérimenter ce principe avec de fins blocs de pierre dans une ossature en bois. Cette proposition est déjà expérimentale et n’a jamais été réalisée de manière contemporaine, c’est-à-dire liée aux contraintes économiques et techniques. La capacité des architectes à inventer et expérimenter est une dimension importante, à laquelle l’équipe de Studiolada tente de répondre. « L’ingénieur va peut-être aller à la performance technique (...) et nous 47 AUBERTIN Christophe, Studiolada, entretient réalisé par Marine Raguénès.
architectes comme on balaye toujours plein de champs ; culturels, écologiques, techniques, financier, on peut proposer des choses qui s’inscrivent dans des champs plus large. C’est la capacité des architectes à innover. » 47
53 - Un processus singulier
FIG 16. (gauche) Façade plaques de pierre sur des montants en bois, Studiolada. FIG 17. (droite) Assemblage plaques de pierre sur des montants en bois, Studiolada.
CHAPITRE 1 - 54
FIG 18. Axonométrie coupée de l’assemblage plaques de pierre sur des montants en bois, Studiolada.
52 AUBERTIN Christophe, Studiolada, article façade bois.
« Nous cherchons à poursuivre la recherche sur ce procédé en remplaçant cette pierre par d’autres plaques minérales. Par exemple d’autres pierres régionales : granit, grés rose, Jaumont, ou encore la terre cuite, voire des parements industriels. » 52
55 - Un processus singulier
L’expérimentation se distingue de l’innovation, par ses capacités à tester des méthodologies, des mises en œuvre, et des matières, en étant conscient d’un résultat sans garanties. C’est aussi faire l’expérience de nouveau processus, vers la construction d’une vison contemporaine attachée à son contexte économique, écologique et social. Il est aussi important de savoir évaluer ces expérimentations, les comparer entre elles, et les inscrire dans leur milieu, sinon elles se résument à des essais insignifiants. L’expérimentation peut être une des méthodes pour les architectes d’innover et de questionner les pratiques du métier d’architectes. « On peut estimer que l’architecte occupe une position clé, lui permettant de comprendre les bouleversements en cours et de les mesurer au regard de la tradition de son métier. Il est à la fois acteur et façonneur du milieu habité, et par conséquent, de la pensée contemporaine. » 48
48 EHRLICH Volker, Le Philotope Ma(t)ierre(s),
Dans la mise en œuvre singulière de ces plaques de pierre sur des montants en bois, le processus semble faisable pour les architectes. Néanmoins, c’est le bureau de contrôle qui estime à son tour sa difficulté de concrétisation. Suite à des recherches auprès de spécialistes façades, le processus est inexistant et ne semble pas répondre à certaines normes de résistance. Un Atex est alors demandé par le bureau de contrôle au début de la phase "projet" (PRO). C’est évidement une difficulté supplémentaire pour les architectes, nous verrons dans un second temps les lieux dédiés aux expérimentations en France. C’est pourtant très important pour eux de développer ce processus qui valorise une nouvelle mise en œuvre avec une pierre locale, représentative d’un savoir-faire territoriale. Dans les premières expérimentations constructives, les architectes ont rencontré certaines difficultés auprès du fournisseur de pierre. Les discussions étaient plutôt conflictuelles, il s’est très peu intéressé à la proposition expérimentale des architectes qui mettait en avant ses ressources et celle d’une filière locale, la pierre de Meuse. L’aspect expérimental de cette mise en œuvre de la pierre n’a pas intéressé l’entreprise, ils ont difficilement accepté de fournir des échantillons aux architectes pour leurs prototypes. Le projet reste de taille modeste, l’entreprise raisonnait dans une logique financière plutôt qu'avec la volonté de soutenir la recherche des architectes. Suite aux expérimentations faites au CRITT les plaques de pierre initialement de trois centimètres ont augmenté à quatre centimètres, l’entreprise a menacé les architectes de quitter le projet s’ils n’acceptaient pas un avenant.
CHAPITRE 1 - 56
49 AUBERTIN Christophe, Studiolada, entretient réalisé par Marine Raguénès.
50 idem
Les relations entre les architectes et les entreprises sont parfois conflictuelles, un respect mutuel entre les corps de métier semble nécessaire. Néanmoins, au cours du projet le charpentier à été très compréhensif, il a réalisé et suivi les trois prototypes. « J’essaye de saisir cette passion chez les artisans, quand c’est possible et il y a des gens autour qui commence à le faire et à aimer ça, c’est bien. » 49
Ce processus de mise en œuvre expérimentale a suscité un grand intérêt pour les architectes de Studiolada, pour le développer jusqu’au bout. Leurs efforts sont récompensés par le prix construction bois régional et le maître d’ouvrage est fier de ces expérimentations. « Ça valait le coup parce que ça créé des projets
exemplaires, ça participe à une évolution et ici une valorisation des filières courtes et locales. » 43 De plus, l’équipe de Studiolada est fière de partager ses recherches
et ses expériences auprès d’autres architectes, qui souhaitent comme eux expérimenter.
51 ELIET Denis, LEHMANN Laurent, exposition matière à construire, 2011.
« Chaque matériau, lorsqu’il est approvisionné sur le chantier, a déjà vécu une longue histoire de transformations successives. Ce processus complexe, artisanal ou industriel, répond à des règles précises (...) ces règles déterminent le possible» 44
Cela invite les architectes à prendre conscience de la valeur des matières mise en œuvre dans leur projet, et l’importance de comprendre ces processus de transformations parfois ancestraux. En saisissant ces processus de fabrications initiaux, et parfois en lien avec un territoire donné, le projet architectural serra d’autant plus ancré dans le réel et ses ressources. Ce projet ici présenté n’a pas explicitement utilisé l’expérimentation échelle 1:1 comme un outil de conception, suite aux hypothèses de définition de la conception, expliquées en introduction. Ici, l’expérimentation échelle 1:1 n’est donc pas à l’égal du dessin architectural, mais vient en continuité et confirmer un dessin au travers d’une première concrétisation expérimentale. Cette étude de cas questionne davantage l’expérimentation au sens large plutôt que celle à l’échelle réelle. Les expérimentations matérielles sont pour les architectes un processus à la marge comparé aux pratiques communes contemporaines. Elles émergent dans le domaine architectural, certaines expositions récentes confirment l’intérêt des architectes pour ces expérimentations matérielles. « Les terres du Grand Paris » de Joly et Loiret présenté récemment ou celle sur les matières végétales au Pavillon de l’Arsenal sont des exemples intéressants. Ces événements culturels ouvrent le champ des possibles pour les architectes et par les architectes.
57 - Un processus singulier
FIG 19. Ephad de Vaucouleurs, Studiolada.
CHAPITRE 1 - 58
Savoirs faire et technologies Dans cette première partie, les études de cas présentées proposent des expérimentations échelle 1:1 basées sur des savoirs-faire artisanaux, c’est-à-dire liés à la main de l’homme. Certains ont expérimentés eux même tel que l’atelier Ciguë ou png architectes avant la phase travaux. Les projets étudiés restent de taille modeste, ne nécessitant pas de nouvelles technologiques numériques spécifique. L’usage du BIM n’est pas non plus mentionné dans leurs projets. Il est intéressant de comprendre le rapport entretenu entre les expérimentations échelle 1:1 et l’usage de nouvelles technologies, de manière succincte. L’expérimentation échelle réelle implique, par définition, un rapport au concret et un rapport à la matière par le toucher, comme expliqué précédemment. Alors, les nouvelles technologies liées à la construction sont-elles un frein pour l’expérimentation ? Les architectes peuvent-ils garder la même relation aux expérimentations matérielles par le biais de nouveaux outils technologiques innovants ? Ces questionnements assez larges tentent de comprendre la place des outils numériques dans le processus de conception architectural. L’architecte Renzo Piano, par son parcours singulier, à su choisir ses outils de conception les plus adaptés pour synthétiser ses idées de manière concrète. 53 PIANO Renzo, « La désobéissance de l’architecte », 2004.
54 SENNETT Richard, «Ce que sait la main, la culture de l’artisanat», ed. Albin Michel, 2008.
« Je pense que l’architecte doit avant tout concevoir ses propres instruments de travail, maîtriser sa technique et s’imposer une discipline (…) » 53 Les outils nécessaires au
processus de conception architectural semblent propre à chaque architecte. Ils sont liés à plusieurs facteurs ; les expériences professionnelles, le milieu dans lequel s’inscrit le projet, les acteurs impliqués, les attentes de la maîtrise d’ouvrage et enfin l’identité architecturale propre à chaque architecte. Ainsi, l’usage de nouvelles méthodologies moins traditionnelles peut aussi être bénéfique dans le déroulement d’un projet ou pour certaines expérimentations. Son usage doit pouvoir être raisonné, comme le précise Richard Sennett où il s’interroge sur l’équilibre à adopter dans l’usage d’outils numériques, ici appelé machine intelligente. « Reste qu’il est fait un mauvais usage de la machine
quand celui-ci empêche les gens d’apprendre par la répétition. La machine intelligente peut séparer la compréhension par l’esprit humain de l’apprentissage répétitif, instructif et interactif. Quand cela se produit, les pouvoirs conceptuels en pâtissent. » 54
Par exemple, le projet de la Maison des Plantes de Ricola en Suisse, dessiné par Herzog & De Meuron, le pisé est au cœur d’expérimentations innovantes. La construction est géré par l’artisan/architecte Martin Rauch, ils ont adapté
59 - Un processus singulier
une mise en œuvre ancestrale, le pisé, avec des technologies et des savoirs faire contemporains. Le projet mesure onze mètres de haut et les façades en terre sont auto porteuse, une proposition marginale pour une construction en terre crue. Le pisé est traditionnellement fabriqué sur place à l’aide de banche, la terre est ajoutée par strate, ici, c’est des blocs de pisé préfabriqués en atelier, puis assemblés sur le chantier. Ils sont créés à la manière de brique pesant plus de cinq tonnes et fabriqués à la chaîne dans un hangar. Ce processus expérimental à pour but de répondre à des attentes économiques et temporelles exigées par la maîtrise d’ouvrage, en lien avec notre société actuelle. À travers ce projet, il semble intéressant de noter sa valeur écologique, il est construit avec la terre du site et celles disponibles à proximité. Il y a une réelle volonté de questionner et d’expérimenter un processus artisanal, avec des artisans qualifiés, réalisé avec des procédés industriels de préfabrications accélérant le temps de chantier. Certaines machines spécifiques ont aussi été nécessaires pour permettre ce processus singulier, dans un projet d’une telle envergure. Ainsi, un équilibre doit s’opérer entre des savoirs-faire artisanaux et des savoirfaire numériques. Le travail d’un artisan qualifié n’est plus toujours adapté à la demande, dans le domaine architecturale, face à une logique de croissance économique de notre société. « Les abus de la CAO le prouvent : quand la tête et la main sont dissociées, c’est la tête qui souffre. »
48
À l’ère du numérique, l’architecte doit-il aussi adapter ses outils de conception aux besoins actuels ? La pratique de l’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception peut aussi bien être pratiquée de manière manuelle que numérique. Néanmoins, le rapport sensoriel à la matière sera moins concret, la main n’est plus au centre de l’expérimentation, c’est la possibilité d’expérimenter qui est conserver avec les capacités répétitives et innovantes des machines. « La complexité extraordinaire de la main, de ses gestes, et de ses relations avec le corps, en particulier avec le cerveau fait que le plus modeste des outils manuels est aussi un outil du corps. » 56
Les outils manuels semblent indissociables de la pensée conceptuelle pour J.Pallasmaa ; la main, le corps et le cerveau son fusionnels. Nous pourrions questionner la capacité de certains outils numériques, comme la réalité virtuelle, à remplacer le travail singulier manuel. Il réside dans le travail manuel artisanal, la qualité du défaut. C’est-à-dire l’imperfection offrant la singularité de l’objet. Ce schéma n’est pas applicable à des outils numériques programmés, qu’ils exécutent.
55 SENNETT Richard, «Ce que sait la main, la culture de l’artisanat», ed. Albin Michel, 2008, p 64.
56 PALLASMAA Juhani, La main qui pense, Actes Sud, 2013.
CHAPITRE 1 - 60
FIG 20. Image d’atelier, exposition «matière à construire», photographie Pierre Yves Brunaud, 2011.
61 - Un processus singulier
Faire avec pour mieux faire « Vous commencez par faire une esquisse, puis un dessin, puis un modèle, puis vous passez à la réalité - vous allez sur place -, puis vous reprenez le dessin. Vous instaurez une sorte de circularité entre le dessin et la construction, et inversement. » 50
Les études de cas présentées ont chacune une relation différente aux expérimentations échelle 1:1. L’agence PNG et Cigue ont un processus assez circulaire, comme l’explique Renzo Piano. Il soulève l’importance pour les architectes des aller-retour entre les concepts imaginés en dessin sur papier et les réalisations concrètes ancrées dans le réel du processus de construction. Les deux sont complémentaires, la conception et la concrétisation, dans le processus de projet. Ces étapes s’entrecroisent et se répètent tout au long du projet. L’expérimentation échelle 1:1 utilisée comme outil de conception ne remplace pas les autres outils plus communs, mais vient s’additionner à eux.
57 PIANO Renzo, Cité dans Edward ROBBINS, Why architects draw, Cambridge, Mass., MIT press, 1994, p.126.
L’équipe de PNG architectes à trouvé ses outils de conception et de fabrication pour aboutir à ses idées architecturales, les expérimentations échelle 1:1. L’atelier Cigue raisonne de la même manière avec un processus de conception réalisation. Ils accordent une attention particulière aux caractéristiques physique de la matière. Leurs expérimentations au sein de leur atelier, permettent de confirmer des intuitions au regard d’une matière et d’en questionner de nouvelles en les manipulant. Les architectes s’impliquent dans le processus de fabrication, ils sont déjà dans des réflexions constructives de mise en œuvre singulière en lien avec leurs concepts. Par le biais des expérimentations échelle 1:1, ils ouvrent le dialogue avec les entreprises afin d’avoir un résultat le plus en lien avec leurs idées initiales. De plus, en étant vite impliqué dans un rapport matériel, le savoirs-faire des architectes se développe, leurs dessins sont eux aussi plus ancrés dans la réalité constructive. « On ne pourrait vraiment pas faire autrement (…) c’est naturellement notre manière de faire. » 51 Ce processus singulier d’expérimentation à l’échelle 1:1 de réflexions
architecturales reflète l’identité de ces architectes.
58 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
CHAPITRE 1 - 62
II
Un processus marginal à développer
A. Remise en question du schéma «classique»
Dans le but d’ancrer ces différentes expérimentations échelle 1:1 il serra pertinent de comprendre le cadre législatif dans lequel elles s’appliquent, c’est-àdire la loi MOP. Parmi les études de cas précédentes, celle de png architecte et du collectif Studiolada, sont effectuées dans le cadre d’un marché public. La loi MOP, loi relative à la maîtrise d’ouvrage privée du 12 juillet 1985 permet d’encadrer les étapes du projet architectural, définissant les rôles et les limites d’action de chaque acteur impliqué. Une « mission de base » est appliquée à l’architecte lui demandant de réaliser la synthèse architecturale des objectifs et des contraintes de programme, de s’assurer du respect des études préalables lors de l’exécution du projet. Il doit aussi en assurer la qualité de l’ouvrage, le respect du programme, de procéder à la consultation des entrepreneurs et la désignation du titulaire des contrats de travaux.
59 HACHE O., « les enjeux contractuels du maître d’œuvre en phase études et travaux» cité dans l’ouvrage de CHESNEAU I., « profession architecte » éditions Eyrolles, 2018, p 230.
60 idem
« Dans le domaine du bâtiment, la loi définit une mission dite de « base », qui garantit au maître d’ouvrage la continuité de l’action de l’équipe de maîtrise d’œuvre, depuis la conception jusqu’à la fin de la réalisation du projet et de la garantie de parfait achèvement. » 59
Il se décline ainsi les phases « études » et « travaux », toute les deux complémentaires et suivies par le maître d’œuvre, c'est-à-dire l’architecte. Comme précisé sur l’illustration, on comprend les étapes nécessaires dans le processus de projet et les acteurs liés. Ce n’est qu’à la troisième étape, phase Avant projet Définitif (APD) qu’il est demandé officiellement « les principes constructifs et les matériaux », bien que cela semble arriver tardivement alors que le projet est déjà dessiné au 1:100, certains architectes prennent en compte d’emblée ce rapport à la matière. Néanmoins, toujours dans le respect du processus de la loi MOP, il est demandé à la maîtrise d’œuvre de réaliser des détails techniques allant du 1:20 au 1:2 60 cette demande n’est pas exhaustive, mais n’inclu pas la possibilité de l’échelle réelle, l’échelle 1:1 avant le début du chantier. L’architecte semble bloqué puisqu’il doit attendre la rencontre avec les entreprises sélectionnées pour échanger avec elles sur les possibilités de mises en œuvre spécifiques. Ainsi, les expérimentations échelle 1:1 semblent valoriser des savoirs faire, comme illustré précédemment, mais pourquoi sont-elles encore marginales ? Et quels sont les freins à son développement dans le processus de projet architectural actuel ? Certaines solutions semblent émerger pour favoriser ces expérimentations, sont elles adaptées et suffisantes ?
65 - Un processus marginal à valoriser
PNG Ciguë
Studiolada
FIG. 21 Shéma du processus de projet de la loi MOP, réalisée par Marine Raguénès.
CHAPITRE 2 - 66
Acculturer la maîtrise d’ouvrage De nombreux acteurs sont impliqués dans les projets architecturaux, nous tenterons de définir les rapports entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre dans le contexte de marché public lié à la loi MOP. Il est important de comprendre ce dispositif législatif obligatoire, en marché public, qui régit le processus de projet pour tout architecte. À partir de ces données fondamentales sur l’application du métier d’architecte, il serra intéressant de les mettre en contexte avec les études de cas précédemment expliquées. La maîtrise d’ouvrage se décline en trois statuts distinct ; la maîtrise d’ouvrage publique, la maîtrise d’ouvrage privée réglementée, tous les deux soumis à la loi MOP expliquée précédemment, et la maîtrise d’ouvrage privée. La définition de la maîtrise d’ouvrage dans le livre profession d’architecte semble assez complète.
61 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018, p 185.
« (…) on peut le désigner soit comme le titulaire d’un droit à bâtir agissant pour son compte, soit comme un intervenant ayant autorisé ou s’étant obligé à conclure pour le compte d’un tiers. Le maître d’ouvrage s’assure de la faisabilité de l’opération ; il en détermine la localisation et en définit le programme ; il en arrête l’enveloppe financière prévisionnelle et en assure le financement ; il choisit le processus de réalisation et conclut, avec les maîtres d’œuvre et les entrepreneurs qu’il fait désigner, les contrats et marchés ayant pour objet les études et l’exécution des travaux. » 61
De plus, pour certains projets, ils peuvent faire appel à la maîtrise d’ouvrage déléguée, souvent lorsqu’ils ne sont pas experts du domaine de la construction et préfèrent confier ce travail à un tiers. On distingue alors le maître d’ouvrage délégué (MOD), dont le mandat est plus souvent confié pour des actes juridiques que pour des actes matériels, de l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) qui lui ne se substitue pas au maître d’ouvrage. Ces quelques définitions succinctes vont permettre une meilleure compréhension des thématiques développées dans la suite de la rédaction et en lien avec les précédentes études de cas. Suite à l’analyse des processus de projet de Png architectes et du collectif Studiolada, il sera pertinent de comprendre leurs rapports à la maîtrise d’ouvrage vis à vis de leurs expérimentations matérielles et de mise en œuvre. Les expérimentations sont rarement une demande spontanée de la maîtrise d’ouvrage,
67 - Un processus marginal à valoriser
alors, comment ces architectes appuient leurs intérêts voir leurs nécessités d’expérimenter à l’échelle 1:1 dans le processus de projet ? La maîtrise d’ouvrage est-elle assez informée des possibilités pour les architectes d’expérimenter et encourage t’elle ce processus singulier ? Dans le projet précédemment expliqué de Studiolada, ils ont dû réaliser un ATEx62 afin de pouvoir appliquer leur mise en œuvre singulière sur le bâtiment. Néanmoins, celle-ci s’est élevée à plus de vingt mille euros pour réaliser les différents tests nécessaires pour valider le prototype. Les frais sont directement intégrés dans la facture des entreprises et n’apparaissent pas directement comme un dépassement. sur un projet comme celui-ci à un million d’euros, les frais de l’ATEx sont assez raisonnables comparés au coût total du projet. La maîtrise d’ouvrage n’a pas directement été informée de ce surcoût. Les architectes de Studiolada en charge du projet ont su ménager la maîtrise d’ouvrage et la rassurer sur le processus d’expérimentation.
62 Appréciation Technique d’Expérimentation (ATEx)
Il semble important pour l’architecte de bien communiquer ses idées et l’avancement du projet de manière raisonnée à la maîtrise d’ouvrage. Les étapes parfois stressantes et incertaines des expérimentations ne sont pas toujours communiquées à celui-ci. De plus, ils ne sont pas souvent experts de la discipline architecturale et perçoivent parfois dans les expérimentations un processus marginal avec des complications temporelles et financières. A contrario pour le projet de l’extension de l’ephad de Vaucouleurs, le maître d’ouvrage est très satisfait du résultat et du travail effectué par les architectes. « Pour ce projet, c’est de l’innovation de bon sens, on est persuadé que ça a du sens, le maître d’ouvrage en étude il doute, ça lui fais peur, c’est pour ça qu’on le ménage et aujourd’hui il est absolument ravi et extrêmement fièr. »63
Ce long processus d’expérimentation engagé par les architectes, pour la maîtrise d’ouvrage et les futurs usagers du bâtiment, a permis de montrer la volonté des architectes pour réaliser cette mise en œuvre singulière. Avec les premiers prototypes, la maîtrise d’ouvrage est plus vite informée des premières concrétisations du projet. Les architectes de Studiolada obtiennent une certaine reconnaissance par leur travail singulier. L’expérimentation échelle 1:1 devient ici aussi, un outil de communication et de médiation avec les différents acteurs impliqués dans le projet comme la maîtrise d’ouvrage.
63 AUBERTIN Christophe, Studiolada, entretient réalisé par Marine Raguénès.
CHAPITRE 2 - 68
FIG 22. Reunion de projet, pôle administratif, culturel et technique, Saint-Barthélémy de Séchilienne, PNG architectes.
69 - TITRE DE LA PARTIE
« S’il fallait identifier les attentes des maîtres d’ouvrage, on pourrait retenir, dans tous les cas, le professionnalisme, la réactivité et la prise d’initiative du maître d’œuvre comme éléments déterminants dans sa relation avec un maître d’ouvrage. » 64
La prise d’initiative de l’architecte peut passer par de nombreuses thématiques, dont celle de valoriser une filière locale ou de valoriser un savoir-faire artisanal. En effet, ces demandes ne sont pas toujours formulées par la maîtrise d’ouvrage. Comme expliqué précédemment, elle n’est pas souvent experte du domaine architectural et des corps de métier liés. Néanmoins, elle peut largement apprécier les efforts des architectes dont les expérimentations et celle à l’échelle 1:1. L’équipe de PNG partage la même volonté, que le collectif Studiolada, celle d’expérimenter et de partager ces expériences avec la maîtrise d’ouvrage, par le discours et les expérimentations.
64 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018, p189.
Le travail de l’architecte est aussi de bien informer la maîtrise d’ouvrage, lui faire comprendre l’intérêt des expérimentations et leur valeur singulière dans un projet, dans son processus comme dans son résultat. « A travers tous nos
projets, on essaye d’acculturer le maître d’ouvrage, lui faire comprendre l’intérêt de faire comme on veut faire. » 65
La maîtrise d’ouvrage n’est donc pas toujours un frein à ces expérimentations, la dimension économique étant l’une de leur plus grande préoccupation. Le dialogue entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage semble indispensable pour le bon fonctionnement d’un projet. L’architecte peut-il alors influencer la maîtrise d’ouvrage, par rapport à ses connaissances plus spécifiques du domaine ?
65 MARTINETTI Grishka, PNG Architectes, entretient réalisé par Marine Raguénès.
Le maître d’œuvre, donc l’architecte, doit avoir la capacité d’annoncer clairement ses intentions de mise en œuvre, en lien avec la demande initiale et le programme. Les propositions expérimentales des architectes sont parfois bien reçues par la maîtrise d’ouvrage, satisfaite de cet investissement professionnel. Cette communication semble primordiale, c’est aussi un moyen de rassurer la maîtrise d’ouvrage et d’avoir un chantier réalisé dans les meilleurs conditions. Les expérimentations échelle 1:1 semblent aussi, être un outil de communication et de médiation entre l’architecte et les différents acteurs tout au long d’un projet.
CHAPITRE 2 - 70
Réduction de la place de l’architecte Les connaissances de l’architecte, parfois relégué au simple rôle de concepteur ont fait émerger de nouveaux processus de projet où les savoirs-faire techniques et constructifs sont valorisés. Il s’agit du processus de conception-réalisation aussi appelé CREM: Conception-Réalisation-Exploitation-Maintenance. Dans le cadre de la loi MOP, la maîtrise d’œuvre doit être distincte de l’entreprise, la proposition est ici une dérogation permettant un groupement de « concepteur-entrepreneur », de réaliser la conception et la réalisation d’un ouvrage lié à des savoirs faire parfois très particuliers, en cas de dimensions exceptionnelles, par exemple. C’est un groupement de personnes (au minimum un architecte et un entrepreneur) qui sont associées à la maîtrise d’œuvre, c’est-à-dire aux études. Cette exception à l’organisation tripartite : maître d’ouvrage – maître d’œuvre – entreprises résultant de la loi MOP implique l’utilisation d’une procédure réglementée, afin de conserver le rôle de l’architecte dans la majorité des projets en marché public.
66 Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, «Guide du processus de conception-réalisation», « loi du 12 juillet 1985, I de l’article 18 de cette loi »
«Il [le maître d’ouvrage] ne peut recourir au contrat de conception-réalisation que si l’association de l’entrepreneur aux études est nécessaire pour réaliser l’ouvrage, en raison de motifs techniques liés à sa destination ou à sa mise en œuvre technique. Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi que les opérations dont les caractéristiques intrinsèques (dimensions exceptionnelles, difficultés techniques particulières) appellent une exécution dépendant des moyens et de la technicité des entreprises. » 66
Aux premiers abords, il semble intéressant d’intégrer les entreprises en amont de la construction, dès la phase conception, dans le but de faciliter le long processus de projet architectural. Les différents corps de métier peuvent rapidement se rencontrer et échanger sur les mises en œuvre et les matières utilisées. C’est aussi l’entreprise qui choisira les dispositions matérielles selon ses connaissances et ses savoirs faire. La conception de l’architecte semble aussi limitée par cela. Dans cette proposition de dérogation, l’architecte perd son rôle de concepteur en lien avec la matière, par manque de connaissances techniques suffisantes. Le but initial est de faciliter et d’accélérer le processus d’une construction en marché public.
71 - Un processus marginal à valoriser
Les mises en œuvres de la matière sont parfois réduites à leurs atouts économiques et fonctionnels, parfois à des matériaux standardisés issus de catalogues. L’architecte n’est plus le seul décideur, avec la maîtrise d’ouvrage, du choix des matériaux mis en œuvre. Les matières biosourcées ou à impact réduit sur l’environnement ne sont pas toujours valorisées, car trop coûteuses, l’architecte limite alors sa réflexion matérielle tout au long de ce type de processus. «La cohérence et l’intérêt de la procédure impliquent que l’entreprise ou le groupement d’entreprises soit associé aux études de conception, c’est le fondement même de ce processus.» 67
67 idem
« Le maître d’ouvrage s’assure que l’architecte disposera d’une indépendance par rapport à l’entrepreneur, sans faire obstacle aux obligations de coopération des membres du groupement, pour garantir la qualité architecturale et la pérennité du projet dans le temps. » 68
68 idem
Le processus de conception-réalisation entend bien intégrer l’architecte à ce modèle particulier, même si la multiplicité des acteurs dès la conception limite son impact. Par manque de connaissances sur ce type de dérogations et le manque d’études de cas concrets sur ce type de projet, il est aussi difficile de bien en comprendre les avantages. Certains architectes refusent ce type de contrats avec le risque de perdre leur rôle de concepteur lié à des savoirs intellectuels spécifiques. Pourtant, les dialogues entre les concepteurs et les constructeurs sont primordiaux dans le processus architectural, nous pourrions parler de co-conception entre les architectes et les entreprises dans le but de partager savoirs et savoir-faire de chaque acteur. Avec ce processus de conception-réalisation les expérimentations échelle 1:1 pourraient être plus vite intégrées au processus de conception, néanmoins elles pourraient être de simples échantillonnages pour confirmer des choix esthétiques de colorimétrie par exemple, réalisés par les entreprises.
CHAPITRE 2 - 72
Des solutions réglementées Face à un processus de projet imposé, dans le cadre d’un marché public, quelles peuvent être les solutions pour les architectes d’expérimenter à l’échelle 1:1? De nouveaux outils législatifs peuvent-ils faciliter l’usage de ce processus singulier aujourd’hui encore marginal dans l’architecture contemporaine Française. L’architecte Patrick Bouchain estime qu’il n’y a pas un mode d’emploi pour faire de l’architecture, de nombreux facteurs entrent en jeu dans la conception d’un projet pour donner la qualité unique et la singularité de chaque projet. Il remet en cause les outils de conceptions traditionnels de l’architecte tel que le dessin, car selon lui, c’est l’étape du chantier qui prime sur les autres.
69 BOUCHAIN Patrick, « Construire autrement, comment faire ? », Acte Sud, L’impensé, 2006.
« Tout mon travail est d’introduire l’interprétation, le non-voulu et l’inattendu dans la réalisation d’un projet, et cela au moment du chantier, car l’architecture n’existe que quand elle est matérialisée par sa construction » 69
Pour lui, l’architecture est aussi un fait construit et pas seulement une discipline théorique, c’est pour lui l’étape du chantier qui est primordiale. L’une des solutions serait-elle de supprimer la dissociation entre la phase étude et la phase travaux ? L’étape du chantier, dans son rapport à la concrétisation, devrait être inscrite dès l’étape conceptuelle, dès l’esquisse. Il s’inspire du 1 % artistique, qui correspond à l’ajout obligatoire d’une ou plusieurs œuvres artistiques correspondant à 1 % du budget de l’édifice construit. Il souhaite pousser plus loin cette réflexion et proposer le « 1% solidaire » ou encore le « 1 % scientifique ». Dans l’ouvrage construire autrement c’est Joseph Confavreux, historien et journaliste qui nous propose une définition de ce terme. Il apparaît lors du projet de construction de piscines à Bègles où le chantier devient un lieu de recherche et d’expérimentation pour améliorer des solutions techniques autour de l’eau. Cette proposition d’un processus différent, qui ouvre largement sur les expérimentations, avant ou pendant la phase d’exécution, engage de nouvelles manières de faire.
73 - Un processus marginal à valoriser
Les expérimentations sont un travail de recherche impliquant un investissement économique, physique et temporel. C’est un temps de test « il est situé quelque part en aval de la décision et en amont de l’utilisation » 70. Il ne se substitue pas aux temps de recherche et d’expérimentation en laboratoire, mais permet de valider ou non les hypothèses. Néanmoins, il ne garantit pas une réussite, d’où l’intérêt selon Joseph Confavreux de dédier une partie du budget de la construction à cette étape d’expérimentation, « le temps d’essayer, celui qu’on ne prend jamais » 71. Cette proposition est un entraînement à une plus grande liberté créatrice et inventrice de l’architecte. Elle invite aussi à un détachement des normes et de l’objet fini, assouplissant le processus de production, « le 1% scientifique propose donc d’être sérieusement indiscipliné »
72
70 CONFAVREUX Joseph, « Construire autrement, comment faire ? », Acte Sud, L’impensé, 2006. 71 idem
72 idem
Certaines solutions à plus long terme passent par l’apprentissage, comme expliqué dans le chapitre « expérience de la matière ». Les étudiants sont plus vite confrontés à l’expérience constructive et à diverses expérimentations de la matière. Ces pratiques émergentes permettent aux étudiants de mieux ancrer leurs dessins dans le réel, vis à vis des qualités sensorielles et physiques des matières et matériaux selon un milieu.
«Ce que j’entends par permis de faire, c’est la possibilité d’expérimenter avant d’être jugé. Essayer, et attendre les résultats pour statuer.» 73
Récemment le gouvernement a mis en place une forme de dérogation à certains codes de la construction avec la mise en place du permis de faire qui est remplacé par le permis d’expérimenter, à titre expérimental par la loi Liberté de création, architecture et patrimoine ( LACAP ) de 2016. « Ces projets peuvent déroger aux dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à la protection contre les risques d’incendie et celles applicables en matière d’accessibilité des bâtiments neufs aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. » 74
Le but de cette proposition est d’assouplir les réglementations pour favoriser les expérimentations et l’innovation. Elle se développe plus récemment en 2019, et tente d’affiner certaines propositions préalables, celle-ci reste néanmoins encore assez floue sur certains des objectifs proposés. La proposition de loi reste encore en cours de développement, dans l’attente de résultats concrets. « Les maîtres d’ouvrage peuvent déroger à une liste de normes de construction sous réserve d’apporter la preuve que la solution qu’ils proposent parvient à des résultats équivalents et présente un caractère innovant. » 75
73 BOUCHAIN Patrick, «L’architecture doit s’inscrire dans l’expérimentation sur un temps long», interview sur france culture, 02/06/2018.
74 Le moniteur, « Permis de faire : l’expérimentation issue de la loi LCAP est en marche », le 12/05/2017.
75 Ordre des architectes, « Favoriser l’innovation : le permis d’expérimenter est né. » 26/03/2019.
CHAPITRE 2 - 74
Le projet tente d’élargir les possibilités de l’architecte, soutenu par la maîtrise d’ouvrage. Ce sont les entités extérieures au projet qui jugerons de la faisabilité des solutions alternatives dites « innovantes » proposées. Néanmoins, certains termes restent assez larges, il n’est pas précisé le type d’innovations attendues par la maîtrise d’ouvrage. Cette première esquisse d’encouragement à l’expérimentation semble plutôt viser l’innovation et le progrès technique impliquant un résultat très concret et à la hauteur des mises en œuvre initialement obligatoires. La proposition ne semble pas encourager les architectes à des expérimentations matérielles plus libre et mieux intégrées dans le processus de projet. Par manque d’étude de cas concret et l’apparition récente de ce projet de loi, il est difficile de positionner son efficacité dans l’ensemble du processus de projet et son impact sur les différents acteurs impliqués. Certaines solutions, encore limitées, existent donc pour proposer à certains architectes d’expérimenter au sens large et à l’échelle 1:1, néanmoins cela doitil devenir une obligation ?
76 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018, p50.
« Si la difficulté est accrue, les manières d’affirmer une identité sont cependant plus nombreuses et portent sur l’ensemble des relations contractuelles et professionnelles que noue un architecte dans l’exercice de son métier. » 76
Il semble intéressant d’encourager le maître d’œuvre à expérimenter et la maîtrise d’ouvrage de l’accepter, mais cela reste difficile à mettre en place car c’est un processus spécifique à chaque projet. L’échelle 1:1 comme outil de conception n’est pas indispensable comme nous avons pu le prouver, c’est un choix de l’architecte dans son processus de conception de faire des expérimentations. De nombreux éléments freinent la possibilité concrète de l’architecte à expérimenter, parfois liés à la maîtrise d’ouvrage. Certains lieux dédiés à l’expérimentation émergent en France pour faciliter et encourager ce processus encore marginal d’expérimentation échelle 1:1 dès la conception.
75 - Un processus marginal à valoriser
FIG 23. Atelier d’expérimentation du CSTB.
CHAPITRE 2 - 76
B. Des lieux dédiés à l’expérimentation
Comment peut-on développer les expérimentations et en particulier celles à l’échelle 1:1 pour les architectes qui n’ont pas d’atelier dans leurs locaux. Comme énoncé précédemment, les solutions législatives restent encore faibles pour encourager l’expérimentation en architecture. Cette volonté d’expérimentation échelle réelle est aussi un engagement des architectes, illustré par les études de cas dans la première partie. Des lieux dédiés aux expérimentations peuvent aussi engager les architectes à développer ce processus singulier. Différents lieux se distinguent comme le CSTB dédié aux expérimentations techniques et aux évaluations de processus innovants et les Grand Atelier dédiés aux expérimentations matérielles, en particulier pour les étudiants en école d’architecture. Il est important de questionner la valeur de ces lieux, l’expérimentation échelle réelle demande un investissement temporel, financier et spatial. Grâce à ce type d’établissement, les architectes peuvent aussi partager leurs procédés et leurs savoirs-faire.
77 ZAWISTOWSKI Marie et keith, d’a n°250 ,Design/build Lab, Décembre 2016
«le design/build lab a toujours compté sur la simultanéité du travail de fabrication hors chantier parallèlement à celui sur le chantier, afin de minimiser les retards» 77
Ce principe de design/build lab est ici dédié aux étudiants en école d’architecture, peut-il aussi s’appliquer pour les architectes en exercice ? Le métier d’architecte se renouvelle constamment, en lien avec son environnement et les usagers, l’expérimentation doit pouvoir garder une place importante dans le processus de conception des architectes.
77 - Un processus marginal à valoriser
FIG 24. Les Grands Ateliers de l’Isle-d’Abeau.
CHAPITRE 2 - 78
Ateliers dans les agences
78 Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
79 SENNETT Richard, «Ce que sait la main, la culture de l’artisanat», ed.Albin Michel, 2008, pp 77-113. 80 JARRIGE François, France Culture, « histoire des métiers (1/4), résister à la technique ou la dompter ? Les métiers face aux technologies », 03/06/2019. 81 CNRTL
82 HAAS Hugo, Ciguë architecte, entretient réalisé par Marine Raguénès. 83 Centres Régionaux d'Innovations et de Transfert de Technologies.
Parmi les lieux qui tentent de favoriser l’expérimentation et particulièrement celle à l’échelle 1:1, l’atelier semble être un des plus pertinents. Il se décline de plusieurs manières avec des usages différents selon les utilisateurs. À l’inverse du CSTB 78 axé sur les innovations technologiques et les évaluations techniques, l’atelier, au sens large, offre l’expérience de l’expérimentation de manière assez libre, toujours selon les matières disponibles et les savoirs-faire de chacun. Richard Sennett définit l’atelier comme le « foyer de l’artisan » qui produit un « espace social », « Les ateliers présents et passés ont soudé les gens par des rites de travail (…) » 79
L’atelier, pendant une époque occupait une place importante dans la société, il fut remplacé par des espaces beaucoup plus vastes et mécanisés80 à l’image d’usines. Une seconde définition propose: « Lieu où s’exécutent des travaux manuels, où se pratiquent des activités manuelles d’art ou de loisirs ; lieu où s’élabore une œuvre. » 81
Aujourd’hui peu d’agences d’architecture peuvent se permettre un atelier de maquettes ou un atelier d’expérimentation dans leurs locaux. Les maquettes de rendu sont parfois faites auprès de professionnels externes comme des artisans ébénistes, pour des maquettes en bois par exemple. Parmi les études de cas présentées, l’agence d’architecture Ciguë possède un atelier d’expérimentation accolé à son bureau. L’équipe d’architectes a démarré en créant une entreprise de menuiserie et cela se reflète aujourd’hui avec la présence de leur atelier. En lien avec ce travail manuel, ils ont créé une mathériauthèque avec des échantillons de leurs différents projets, mais aussi avec des petits objets récupérés, à la manière d’un cabinet de curiosité. Ce travail manuel et sensoriel met en perspective leurs idées développées, cette approche fait aussi la singularité de leur travail, comme développé précédemment. Grâce à cet atelier, ils ont la liberté d’expérimenter de nouveaux processus en lien avec leur conception, c’est pour eux une évidence dans leur travail. « On a souvent des entreprises qui nous font des super retour sur le niveau de dessin et de détail de notre travail. » 82
Le collectif d’architecte Studiolada, à contrario manque de lieux dédiés à leur volonté d’expérimenter, c’est aussi un financement important de détenir un atelier et du personnel en lien avec ce travail. Ils se sont tournés vers le CRITT83
79 - Un processus marginal à valoriser
FIG 25. Atelier maquettes, Agence Renzo Piano, Paris.
CHAPITRE 2 - 80
FIG 26. Expérimentation échelle 1:1 dans l’espace extérieur de l’agence, Studio Mumbai.
81 - Un processus marginal à valoriser
d'Epanil pour finaliser leurs expérimentations, un lieu dédié aux innovations et aux expérimentations. Enfin les architectes de png ne s’attardent pas à des lieux spécifiques, mais tentent leurs expérimentations à la fois dans la cour de leur agence à Paris ou dans le jardin des uns et des autres. C’est aussi pour eux une volonté très forte de faire ces expérimentations échelle 1:1 malgré le manque de lieux dédiés à celle-ci. Les ateliers d’expérimentation ou les ateliers de maquettes restent néanmoins à la marge dans les agences d’architecture, cela représente un financement très important. Certaines grandes agences en possèdent comme Renzo Piano Building Workshop, Zumthor, Studio Mumbai ou Herzog et de Meuron, elles n'ont pas toutes les mêmes usages du lieu ou du type d’expérimentation. L’atelier de maquette de RPBW à Paris donne sur la rue à la manière d’un commerçant qui donne à voir ce qu’il fabrique. Chaque projet de l’agence passe par cette étape, ils exposent et fabriquent les projets en cours de conception, ce qui appuie encore une fois son engouement pour une conception matérielle et concrète. Le studio Mumbai, en Inde, à aussi dédié un lieu à ses expérimentations matérielles et de mise en œuvre. De nombreuses expérimentations, en lien avec le processus de conception, sont réalisées à l’échelle 1:1 à l’extérieur de l’agence sur leur grand terrain. « An humain infrastructure of skilled craftsmen and architects who design and build the work directly » 84
Certaines alternatives existent pour tenter de remplacer l’atelier au sein d’une agence et garder le même caractère d’un lieu libre d’expérimentations, ce sont des fablabs. Ces lieux sont souvent en milieu urbain, pour permettre à un grand nombre d’individus de fabriquer, bricoler, expérimenter. A Paris il en existe plusieurs dont le WoMa, Working & Making, c’est une fabrique de quartier ouverte à tous, à la fois pour de petits projets individuels de bricolage comme pour des entreprises qui souhaitent réaliser de petite construction. Ce lieu associatif, financé par la région Ile-de-France, est un espace de travail couplé à un atelier équipé d’outils traditionnels et de machines numériques. Il permet à de jeunes agences d’architecture de profiter d’un lieu de partage et d’expérimentations matérielles. De nombreux espaces similaires tendent à se développer dans les grandes villes, néanmoins leur taille restreint les types d’expérimentations et en particulier celles à l’échelle 1:1 restent difficilement réalisables dans ces lieux. D’autres espaces plus adaptés, de plus grande envergure, permettent aux architectes d’expérimenter par eux-mêmes, nous verrons dans un second temps ces lieux dédiés à l’expérimentation architecturale.
84 JAIN Bijoy, «50 architect’s office», a+u, mars 2011.
CHAPITRE 2 - 82
Pouvoir expérimenter la matière En parallèle aux ateliers individuels de certaines agences d’architecture, il existe des lieux plus grands et plus adaptés aux expérimentations à l’échelle 1:1. Ils permettent aux architectes, ainsi qu’aux étudiants ou aux entreprises, d’expérimenter concrètement leurs pensées architecturales. Les grands ateliers de l’Isle-d’Abeau, situés à proximité de Lyon, ont été conçus pour redonner place à l’expérience constructive dans l’enseignement de l’architecture et aux expérimentations matérielles pour les professionnels de la construction. Il comprend une grande halle permettant des projets plus importants en taille, l’expérimentation échelle réelle y est possible, avec des professionnels qui partagent leurs savoirs-faire. Dans cet atelier géant, l’expérimentation échelle 1:1 est considérée comme un outil de conception à part entière. Elle permet aux architectes de développer leur créativité à la fois dans le choix des matières, dans leurs mises en œuvres singulières, mais aussi dans le rapport à l’espace et aux dimensions du projet, à contrario du CSTB, où les expérimentations sont davantage liées à une résolution technique. Pour les étudiants, cette entité incite à concrétiser leurs idées, développer l’innovation, et même aller jusqu’à déposer un brevet. C’est ce que souhaite développer l’ENSA de Lyon avec un domaine d’étude « architecture vertueuse ».
85 Amàco.fr
« L’atelier matière à construire développe l’acquisition des savoirs liés aux matières à construire et contribue ainsi à une formation des professionnels capables de relever les défis de la construction durable en intégrant toutes les étapes du cycle de vie du bâtiment. » 78
L’entité Amàco, atelier matière à construire, collabore étroitement avec les Grands Ateliers toujours dans une optique liée à la pédagogie de la construction, mais il s’ouvre aussi bien aux chercheurs, aux doctorants, aux enseignants qu’aux professionnels ; artisans, industriels, techniciens, architectes et ingénieurs. Amàco porte un regard sensible sur l’expérience de la matière à la fois sensoriel et scientifique et cela passe par de nombreuses expérimentations. C’est aussi un moyen de médiation pour informer les architectes des recherches effectuées.
83 - Un processus marginal à valoriser
Ces lieux, gérés par des entités publiques et des associations, offrent de nombreuses possibilités pour les différents corps de métiers liés au domaine de la construction. En permettant à des individus d’expérimenter dans des conditions optimales, avec des outils adéquats et un savoir-faire particulier, de nouveaux matériaux émergent où les matières biosourcés sont ré-interogées. Parmi celles-ci le béton d’argile, aussi appelé le pisé, est réintroduit dans l’architecture contemporaine Française, en lien avec des laboratoires de recherche comme CRAterre. Dans l’optique d’une conscience écologique, d’un regard sur les matériaux biosourcés ou sur des processus low-tech, ces lieux permettent un partage de ces savoirs-faire parfois singuliers. L’architecte tend à être mieux informé de la viabilité de certaines matières, dans leur mise en œuvre comme dans leur qualité sensorielle. Il peut alors les valoriser et les expérimenter sur un bâtiment, en accord avec la maîtrise d’ouvrage. Cela donne parfois lieu à des chantiers expérimentaux, à la marge de la production architecturale. Ils questionnent alors l’usage de matériaux non-conventionnels vers un usage plus raisonné de la matière. « Nous pouvons choisir le bon matériau au bon endroit, et ne plus avoir des bâtiment qui ont mis en œuvre qu’une seule matière » 86 en référence à l’usage excessif du béton en France. Le développement de certaines matières passe donc aussi par les architectes, par leurs concepts et leurs capacités de concrétisation, en lien avec les possibilités d’expérimentations. Ces lieux restent encore limités en France et la démarche de projet liée à la loi MOP ne valorise pas nécessairement ces expérimentations. Enfin, quand les architectes ne sont pas en capacité d’expérimenter ou de réaliser des prototypes eux-mêmes, ce sont souvent les entreprises qui les réalisent dans leurs ateliers. Cela représente aussi un budget important mais les prototypes ne seront faits qu’après l’appel d’offre où la conception du projet est déjà bien avancée. «Le processus de trouver la bonne forme est plein d’insécurités, de désespoir, de plaisir et de joie et il a besoin de free space pour bouger et réfléchir. Nos modèles – structurels, sculpturaux, atmosphériques, toujours différents (...) ils nous aident à comprendre, à penser et à rêver nous leur faisons tenir la promesse de l’objet que nous cherchons. » 87
Les lieux dédiés aux expérimentations, et au sens large à la recherche appliquée en architecture, sont primordiaux pour le développement de l’architecture contemporaine. C’est un moyen d’expression pour les architectes, comme le soulève Peter Zumthor.
86 MADEC Philippe, interview « brique de terre crue comprimée » pour le projet de pôle culturel à Cornebarieu, amàco, 2018.
87 ZUMTHOR Peter, exposition maquette à la biennale de Venise, 2018.
CHAPITRE 2 - 84
L’échelle 1:1, résolution technique Les expérimentations à l’échelle 1:1 sont souvent rapprochées du terme de « prototype », ces premiers échantillons de la construction sont souvent fabriqués par les entreprises et les artisans pour résoudre des détails techniques de mise en œuvre. Tout au long de ce mémoire, nous avons tenté de démontrer que la résolution technique était la seule fonction des prototypes réalisés à l’échelle 1:1. Il sera tout de même intéressant de comprendre cet aspect premier des prototypes, comment sont-ils appliqués dans le processus de certains projets architecturaux ? En France, il existe certains lieux dédiés aux expérimentations et aux innovations, dans le domaine de la construction nous pourrions citer le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment. Le CSTB tente de garantir la qualité et la sécurité des bâtiments grâce à des connaissances scientifiques et techniques spécifiques dans plusieurs domaines. Ce lieu permet donc les essais, l’évaluation et la certification de nouvelles mises en œuvre innovantes. « Le
88 CSTB.fr
CSTB a la capacité de mettre en œuvre des essais à l’échelle 1 pour tester l’intégralité des produits au plus réels. Il vérifie l’efficacité des innovations en tenant compte de leur mise en œuvre, de leurs caractéristiques industrielles et de la complexité des phénomènes physique concernés.» 88
Il permet donc aux entreprises et aux maîtres d’œuvres d’expérimenter en lien avec les normes de la construction, à travers diverses procédures telles que l’Appréciation Technique d’Expérimentation, ATEx. « C’est une procédure 89 idem
d’évaluation technique formulée par un groupe d’experts sur un produit, un procédé ou un équipement ne faisant pas encore l’objet d’un avis technique et dont la mise au point nécessite une utilisation expérimentale sur un ou plusieurs chantiers. » 89
L’équipe de Studiolada, précédemment présentée a dû réaliser un ATEx pour finaliser sa mise en œuvre singulière de façade en plaques de pierre. La réalisation de ce prototype expérimental avait donc été demandée par le bureau de contrôle. Les architectes souhaitaient principalement mettre en valeur une matière locale, la pierre de savonnière, avec le savoir-faire local de l’artisan charpentier. La vocation première des architectes étaient bien d’expérimenter les capacités de la matière plutôt que de créer une innovation technologique plus performante ayant pour but d’être commercialisée. C'est toutefois aussi pour eux une forme d’incitation pour leurs confrères car en partageant leur ATEx, par exemple les futures expérimentations seront moins coûteuses et engageront davantage d’architectes à essayer.
85 - Un processus marginal à valoriser
Tout au long de ce mémoire, le travail de Renzo Piano fut largement énoncé, pour ses méthodologies singulières en lien avec les expérimentations, son travail de la matière et les outils nécessaires mis en œuvre dans le processus de projet. Les croquis comme les maquettes sont pour lui des stimulants à l’imagination et reflètent son attachement à la constructibilité de l’architecture. Nous nous intéresserons succinctement à l’un de ses projets où il a créé un prototype échelle 1:1 d'une façade en bloc de verre. Il s’agit de la Maison Hermès à Tokyo, construite entre 2000 et 2006 en deux étapes, la conception du projet s’étale entre 1998 et 2001 pour la première étape seulement. L’une des volontés de Renzo Piano est de créer un immeuble transparent et lumineux à l’image des lanternes japonaises traditionnelles. Les pré-prototypes et les prototypes échelle 1:1, allant jusqu’à deux étages du projet, répondent aussi à une innovation technologique, le processus de fabrication des blocs de verre est très minutieux ainsi que sa mise en œuvre. L’assemblage de ces pavés de verre permettait de vérifier la résistance des matériaux aux secousses sismiques, la tenue au feu ainsi que l’imperméabilité à l’eau et à l’air de la façade. « Leur conception puis leur fabrication devaient permettre la validation des choix techniques et structurels de la façade de l’équipe projet. » 90
Pour ce projet il s’agit bien d’un savoir-faire européen qui est mis en valeur, à l’image de la marque Française Hermès. Les briques de verre sont fabriquées à Florence par un savoir-faire ancestral Florentin largement respecté dans le monde entier. Les architectes et le fabricant de pavés de verre, ont réfléchi ensemble à un nouveau processus de fabrication en lien avec les dessins de l’architecte, ne correspondant pas aux standards de la production. De nouveaux moules sont ainsi créés spécialement pour l’édifice, le fabricant est libre de conserver ce nouveau procédé innovant qui enrichit son savoir-faire artisanal, lié à un processus industriel. « L’atelier persuade clients et entreprises de l’utilité des prototypes, et va jusqu’à en introduire le principe dans les marchés publics pour faciliter l’appel d’offres et la réalisation. Ils seront modifiés sans relâche, jusqu’à la première pré-série qu’une visite à l’usine permettra encore d’ajuster avant le lancement de la production. » 91
90 MARIE Jean-Baptiste, « Architectes et ingénieurs face au projet », ed. La moniteur, 2018.
91 FROMONOT Françoise, « Renzo Piano », L’architecture d’aujourd’hui, n°308, 1996, pp. 27-95.
CHAPITRE 2 - 86
Ce processus de prototypes se révèle très intéressant dans le rapport entretenu entre les architectes, les ingénieurs et les artisans, les échanges engagent un partage des savoirs et savoirs-faire de chacun selon leurs domaines et leurs expériences respectives. Cette hybridation est donc reflétée par les pré-prototypes et par le travail d’expérimentation échelle 1:1. Ce projet semble très pertinent dans son processus de fabrication singulier, l’équipe des architectes de Renzo Piano Building Workshop et les ingénieurs ont su proposer des solutions techniques spécifiques en réponse à leur concept initial. La Maison Hermès reflète une volonté de RPBW d’expérimenter, à la fois la matière et les mises en œuvre singulières. L’expérience du pré-prototype échelle 1:1 se partage ici entre outils de conception et résolution technique. C’est en effet un choix conscient pour les architectes de tenter de renforcer l’articulation entre les phases de conception et de réalisation.
92 PIANO Renzo « Renzo Piano building Workshop 1964/1991. In search of balance », cité dans, « Architectes et ingénieurs face au projet », MARIE J.B. ed. La moniteur, 2018.
« Un architecte ne doit pas seulement s’occuper de l’objet fini, il doit aussi dessiner les instruments, inventer les outils qui permettront de la réaliser - pour moi, c’est dans le cadre notamment de ce travail sur les prototypes. » 92
Néanmoins, il se détache des précédentes études de cas, dans un premier temps par la taille du projet, par les moyens disponibles liés aux expérimentations et enfin par la renommée de l’architecte. Dans un second temps par son contexte plus industriel, puisque les prototypes ont vocation à être reproduis en série en Italie, pré-assemblés en atelier et ensuite mis en œuvre sur le chantier. Ce projet est la preuve des frontières parfois minces entre conception et fabrication, qui renforce positivement le processus de projet. En comparaison avec une des études de cas précédente, Png architectes a aussi utilisé les expérimentations à l'échelle 1:1 comme un outil de discussion entre les différents acteurs du projet, mais ce n’était pas un prototype au sens industriel. L’expérimentation béton ne serra pas refaite en série, elle enrichira par contre les savoirs faire de l’entreprise béton. Les deux projets sont tous aussi intéressants dans leur processus singulier d’expérimentation, mais l’équipe de png architectes a su expérimenter par elle même. Bien que marginal, l’expérimentation échelle 1:1 semble un réel outil de conception pour ces architectes.
87 - Un processus marginal à valoriser
FIG 27. Prototype échelle 1:1 de la façade en brique de verre, Renzo Piano, Maison Hermès, Tokyo.
CHAPITRE 2 - 88
FIG 28. Prototype échelle 1:1 de la construction en isolation paille, test de résistance au feu, Sonia Cortesse.
89 - Un processus marginal à valoriser
La dernière étude de cas est le travail d’expérimentation échelle 1:1 de l’agence Sonia Cortesse pour un test de résistance au feu. L’agence d’architecture Sonia Cortesse s’intéresse particulièrement à une vision écologique de l’architecture contemporaine. Sa vision environnementaliste se reflète à travers différentes thématiques et particulièrement celles des matériaux biosourcés. Ainsi pour l’un de ses projets elle a souhaité réaliser un bâtiment en isolation paille dans une ossature en bois, pour lequel elle à du réaliser des tests au CSTB. Il s’agit d’un groupe scolaire, en marché public, à Issy-les-Moulineaux, d’environ 5000 m2, débuté en 2009. Elle se considère comme une pionnière de la construction paille. « c’était très en avance, ça à contribué à la filière paille. À l’époque c’était plutôt des maisons et en auto-construction, le professionnel paille n’était pas créé quand j’ai conçu l’école. » 93
De cette volonté première d’utiliser de la paille dans son bâtiment, elle est rapidement confrontée à certaines normes jamais appliquées dans ce cas de figure. Dès la phase conception, phase avant projet définitif, le bureau de contrôle refuse la mise en œuvre de la paille. Cette proposition n’avait jamais été appliquée avec cette envergure de bâtiment et dans le cadre d’un marché public. Les architectes étaient dans l’obligation de prouver la sécurité de sa mise en œuvre dans l’édifice proposé pour ne pas voir la mise en œuvre refusée.
93 CORTESSE Sonia, entretient réalisé par Marine Raguénès.
C’est une réelle volonté pour l’équipe d’architectes de proposer un bâtiment passif en bois et de permettre à la filière paille d’émerger. De plus, leur bureau de contrôle est très conciliant et les aide à soutenir le financement des tests de résistance au feu. C’est un processus très long qui a duré plus d’un an et coûté prés de soixante dix milles euros. La maquette échelle 1:1 est donc réalisé dans le seul but de l’essai au feu dans les locaux du CSTB. L’échantillon du bâtiment est réalisé sur deux étages, il mesure près de cinq mètres de haut. Il est donc volontairement incendié et doit résister à trente minutes de feu. Les experts regardent ensuite la résistance des matériaux au feu et ils mesurent la température. C’est un processus d’évaluation de résistance très formel. Pour l’équipe de Sonia cet essai était purement technique, la conception du projet avait déjà était confirmée précédemment. C’est une expérience très enrichissante, qu’elle souhaite vivement partager, dans le but de nouvelles expérimentations en lien avec des valeurs écologiques. « Partage de cette expérimentation avec tous les architectes qui le souhaitent, nous l’avons ouvert au public, nous ne faisons pas de l’argent sur ce genre de choses, c’est ouvert à tous. Au contraire, je souhaite que ça se développe. Ce travail est montré à d’autres bureaux de contrôle pour leur prouver la faisabilité. » 94
94 idem
CHAPITRE 2 - 90
FIG 29. Echec de l’expérimentation échelle 1:1, PNG architecture, pour le pôle administratif et culturel à Saint-Barthélémy des Séchiliennes en Isère.
91 - Un processus marginal à valoriser
Des leviers à l’expérimentation Cette seconde partie a pu illustrer les études de cas, précédemment expliquées, dans un cadre institutionnel lié aux enjeux de la loi MOP dans le cadre des marchés publics. Il a semblé pertinent de comprendre le cadre législatif qui régit la majorité des projets d’architecture, les étapes de conception et de concrétisation sont bien distinctes et offrent peu de possibilités aux expérimentations au cours de la conception. Au-delà de la volonté de certains architectes d’expérimenter à l’échelle 1:1 et de valoriser certaines matières, nous avons tenté de comprendre les leviers qui engagent, ou non les architectes à expérimenter. La maîtrise d’ouvrage étant un des acteurs clé pour encourager et soutenir les architectes dans ce processus expérimental. Le partage des expérimentations entre les architectes permet aussi d’acculturer les différents acteurs du projet à ce processus d’expérimentation échelle 1:1 encore marginal aujourd’hui. L’expérimentation échelle réelle demande un investissement temporel et spatial pour lequel peu d’architectes ont des locaux disponibles afin de les réaliser. L’atelier Ciguë, présenté dans la première partie, dispose d’un atelier d’expérimentation accolé à leurs bureaux, indispensable au processus de conception et de fabrication de leurs projets. D’autres lieux proposent pour les expérimentations des espaces, du matériel et des savoirs-faire à la disposition des architectes et des étudiants en école d’architecture, comme les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau. Ce lieu encourage l’expérience de la matière, avec des activités proposées par l’organisme Amàco. « Si la difficulté est accrue, les manières d’affirmer une identité sont cependant plus nombreuses et portent sur l’ensemble des relations contractuelles et professionnelles que noue un architecte dans l’exercice de son métier. » 95 L’équipe de l'atelier png
architecture a prouvé que les expérimentations échelle 1:1 sont une volonté des architectes, qui par eux même sont capables d'aller expérimenter dans le jardin d’un des architectes. Cet exemple révèle que certaines solutions peuvent être engagées pour faciliter la mise en œuvre de l'échelle 1:1 mais que c’est avant tout lié à une volonté profonde de chaque architecte.
95 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018.
CHAPITRE 2 - 92
CONCLUSION
Au cours de ces recherches, nous avons questionné le rôle des expérimentations échelle 1:1 dans le processus de conception et comment en tans qu'outil de conception il a pu faire émerger de nouveaux questionnements et parfois en confirmer certain. Pour tenter de répondre aux enjeux des expérimentations échelle 1:1 réalisées au cours du processus conceptuel, nous avons pu étudier différentes études de cas d’architectes. Ils intègrent ces expérimentations au cours de leurs réflexions architecturales tous au long du processus de projet. La matière constitue l'un de leurs premiers choix architectonique, souvent en lien avec les capacités du territoire, les artisans et leurs savoirs-faire. En effet, ce processus de concrétisation dès la conception a permis aux architectes de s’interroger plus rapidement sur des enjeux matériels. Ils questionnent leurs sens en lien avec la matière qu’ils souhaitent mettre en œuvre. Ce premier échange sensoriel implique très tôt les architectes dans les capacités de celle-ci. Pour les architectes de l’atelier Ciguë, c’est un travail parfois sculptural, les mains se connectent à la matière et expérimentent au grès des sensations et des réactions physiques avec celle-ci, c’est une réaction entre le cerveau, la main et la matière. « Le travail artisanal requiert une collaboration 96 PALLASMAA Juhani, La main qui pense, Actes Sud, 2013
95
avec le matériau. Au lieu de lui imposer une idée ou une forme préconçue, l’artisan doit être à l’écoute de la matière. » 96
Les architectes semblent comme les artisans, être à l’écoute de la matière et avoir cette relation sensible et sensorielle avec elle, grâce aux expérimentations matérielles échelle 1:1. Elles enrichissent la réflexion des architectes dans le processus conceptuel, mais ces expérimentations doivent aussi les mettre en lien avec les acteurs en charge de les réaliser. Ce processus n’implique pas nécessairement l’architecte dans la construction du projet. Les expérimentations échelle 1:1, intégrées au processus de conception, peuvent aussi être un outil de communication et de médiation entre les différents acteurs liés au projet. Elles viennent en complément des dessins techniques et permettent d’affiner des mises en œuvre singulières souhaitées par les architectes, qu’ils ont pu eux-mêmes expérimenter. Les entreprises et les artisans sont parfois confrontés à de nouveaux procédés qui tendent à enrichir leurs capacités. De plus, elles permettent d’informer et d’acculturer la maîtrise d’ouvrage sur les pratiques marginales des expérimentations échelle 1:1, c’est aussi une preuve de l’investissement de l’architecte pour le projet. Enfin, en intégrant la concrétisation grâce à ces expérimentations au cours de la conception, le projet serra d’autant plus ancré dans le réel ce qui facilitera le déroulement de la construction. Ce processus singulier peut donc permettre de relier les phases de conceptions et celles de réalisations.
Il faut comprendre que ces expérimentations sont avant tout une volonté des architectes. Chaque architecte développe ses outils et sa méthodologie de projet la plus adaptée à sa vision de l’architecture, de son rapport au contexte, aux usages et aux demandes de la maîtrise d’ouvrage. C’est aussi le symbole d’une identité forte pour certains architectes, ils conservent cette singularité par une pratique « à la marge ». L’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception, doit-elle alors rester marginal et propre à quelques architectes ? Ou être rependue comme La solution dans le processus de conception architectural ? « Alors que la communauté des architectes est censée présenter une certaine homogénéité sociale, susciter un sentiment d’appartenance et permettre à un jeune diplômé d’être reconnu comme étant un des leurs, on exige de lui qu’il promeuve sa singularité, son originalité et sa différence. Cette tension entre deux principes d’intégration antagonistes met profondément en question l’identité professionnelle des architectes, partagés dans leur ensemble (employeurs et employés) entre un désir de cohésion d’une part et une aspiration à un rapport plus individualisé à leur métier de l’autre. » 97
97 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018.
Malgré les travaux très enrichissants présentés des architectes, l'expérimentation échelle 1:1 n'est pas toujours une aide dans le processus de conception, il reste marginal dans la pratique architecturale en France. En effet, peu d’architectes peuvent se permettre de l’intégrer au cours de la conception, c’est un investissement temporel et économique important. Au regard du processus architectural commun, l'expérimentation échelle 1:1 obtient difficilement sa place comme outil de conception, mais plutôt comme un outil de communication et de confirmation entre les différents acteur en amont du chantier. Dans l’hypothèse où cette pratique deviendrait commune, sa richesse expérimentale pourrait alors perdre son statut de «pratique à la marge» c'està-dire l’identité singulière des architectes qui la pratiquent et parfois de leurs architectures. Il ne faut pas percevoir cet outil de conception comme une évidence ou une nécessité d’usage pour tous les architectes. La discipline architecturale n’obtiendra jamais de méthode fixe, mais proposera à chaque architecte de révéler et renouveler ses outils de conceptions et de fabrications adaptées au milieu et à la société où s’inscrit l’édifice. L'expérimentation échelle 1:1 tend à appuyer la réflexion de certains architectes plutôt qu'à être un outil de conception indispensable.
Conclusion - 96
« Le monde des métiers de plus en plus séparé entre des experts (concepteur) et des mains d’œuvre (constructeur), se durcit et provoque des crises des métiers. » 98
98 JARRIGE François, France Culture, « histoire des métiers (1/4), résister à la technique ou la dompter ? Les métiers face aux technologies », 03/06/2019.
Ce sujet de recherche a aussi pu soulever des questionnements plus larges sur la pratique du métier d’architecte, le rôle de l’architecte se cantonne parfois à celui de concepteur et hiérarchise les acteurs liés au projet en définissant des concepteurs et des constructeurs. Son rôle dans le processus constructif est parfois moins présent, l’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception peut être une des réponses pour relier le processus conceptuel au processus constructif. Grâce aux expérimentations échelle 1:1 faites par les architectes au cours de leur conception, ils prouvent d'une certaine manière leurs savoirs et savoirs-faire au regard d'un objet concret. Cette proposition de relier la conception et la réalisation semble s’appliquer davantage dans le cadre de projets en marché public régis par le processus de la loi MOP, les étapes sont hiérarchisées et ciblent chacune d’elle une attente précise des différents acteurs. Par manque d’expérience dans le monde professionnel, il a été parfois difficile de bien comprendre les différentes étapes des projets, les attentes des différents protagoniste pour chacune d'elles et le rôle de chaque acteur dans le but de questionner la place de ces expérimentations. Il aurait été pertinent d’interroger d’autres acteurs tels que les entreprises, les artisans, le bureau d’étude et la maîtrise d’ouvrage, pour les projets étudiés.
97
FIG 30. Expérimentation du pisé, à Glaise (Auvergne), par Rémi Morisset et Marine Raguénès.
Conclusion - 98
Bibliographie
A’A’ - L’architecture d’aujourd’hui, « Renzo Piano », Fromonot Françoise, n°308, 1996, pp. 27-95. ATELIER GOERGES et ROLLOT Mathias, «Hypothèse collaborative», Éditions hyperville, 2018. BOUCHAIN Patrick, «Construire autrement, comment faire ? », Acte Sud, L’impensé, 2006. CONTAL Marie-Hélène, «Ré - enchanter le monde» , Manifestô, 2014. CHESNEAU Isabelle, « profession architecte », éditions Eyrolles, 2018. D’A, «Peut-on inventer en apprenant? Design / Build et apprentissage expérientiel», n°250 Décembre 2016 -Février 2017. D’A, «Est-il encore possible d’expérimenter en France?» n°240 Novembre 2015. DELON Nicolas et CHOPIN Julien, «Matière Grise, matériaux / réemploi / architecture» , 2014. DEPLAZES Andrea, «Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice», Birkhäuser, 2008. LE CORBUSIER, «Précisons sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme», 1930. Le Philotope, «Matière(s)», n°12, décembre 2016. Les cahiers techniques du bâtiment, «Atex 2017», n°365, décembre 2017. MANIAQUE Caroline, «Go West, des architectes au pays de la contre culture» , Éditions Parenthèses, 2014. MANIAQUE Caroline, «se former en construisant: l’expérience de l’échelle 1», d’a n°250, Décembre 2016.
99
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Bibliographie - 100
Webographie
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101
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Webographie - 102
Iconographie
FIG 1. «Top Real scale» Agence d’architecture Vardehaugen studio
FIG 15. Résultat des murs matricés sur le chantier, PNG architectes.
FIG. 2 Expérimentation sablage du béton, PNG architectes.
FIG 16. (gauche) Façade plaques de pierre sur des montants en bois, Studiolada.
FIG 3. Centre de tri de déchets au Jardin des plantes, Paris, PNG architectes.
FIG 17. (droite) Assemblage plaques de pierre sur des montants en bois, Studiolada.
FIG 4. Centre de tri de déchets au Jardin des plantes, Paris, PNG architectes. FIG 5. Mobilier en plâtre et papier compressés, à rebours, Lafayette anticipation, Ciguë, 2018. FIG 6. (gauche) Matières tissue pour le mobilier plâtre, Ciguë, 2018. FIG 7. (droite) Bloc de plâtres papier et plâtre tissue, Ciguë, 2018. FIG 8. Atelier d’expérimentations, Montreuil, Ciguë. FIG 9. Festival Bellastock édition 2019. FIG 10. Gordon Matta Clark, et Gerry Hovagimyan travaillant à Conical Intersect, Rue Beaubourg, 1975. FIG 11. L’encyclopédie de Diderot, outils de maçonnerie et de marbrerie, édition 1751-1780.
FIG 19. Ephad de Vaucouleurs, Studiolada. FIG 20. Image d’atelier, exposition «matière à construire», photographie Pierre Yves Brunaud, 2011. FIG. 21 Shéma du processus de projet de la loi MOP. FIG 22. Reunion de projet, pôle administratif, culturel et technique, Saint-Barthélémy de Séchilienne, PNG architectes. FIG 23. Atelier d’expérimentation du CSTB. FIG 24. Les Grands Ateliers de l’Isle-d’Abeau. FIG 25. Atelier maquettes, Agence Renzo Piano, Paris.
FIG 12. Expérimentations échelle 1:1 avec deux types de maillages, PNG architectes.
FIG 26. Expérimentation échelle 1:1 dans l’espace extérieur de l’agence, Studio Mumbai.
FIG 13. (gauche) Résultat des murs matricés sur le chantier, PNG architectes.
FIG 27. Prototype échelle 1:1 de la façade en brique de verre, Renzo Piano, Maison Hermès, Tokyo.
FIG 14. (droite) Expérimentation échelle 1:1 par les architectes, PNG architectes.
103
FIG 18. Axonométrie coupée de l’assemblage plaques de pierre sur des montants en bois, Studiolada.
FIG 28. Prototype échelle 1:1 de la construction en isolation paille, test de résistance au feu, Sonia Cortesse. FIG 29. Echec de l’expérimentation échelle 1:1, PNG architectes. FIG 30. Expérimentation du pisé, à Glaise (Auvergne), par Rémi Morisset et Marine Raguénès.
Iconographie - 104
ANNEXES
Studiolada, EPHAD, Vaucouleurs, 2018.
Plans, coupes et façades du projet
FIG 31. Plans, coupes et façades du projet.
FIG 32. Projet de l'EPHAD, vue de l'extérieur.
107
FIG 33. Fiche des différentes configurations des parois en pierre
Annexes - 108
PNG architecture, Pôle administratif, culturel et technique, Saint-Barthélémy de Séchilienne, 2016 - 2020.
FIG 34. (gauche) Démoulage des banches de béton.
FIG 35. (droite) Banche de béton expérimentale.
FIG 36. (gauche) Création des banches de béton par les architectes de l'atelier png architecture. FIG 37. (droite) Création des banches de béton par les architectes de l'atelier png architecture.
109
FIG 38. Site du projet, toitures losangés du village.
FIG 39. Résultat du béton matricé sur le projet architectural.
Annexes - 110
Renzo Piano Building Workshop, Fondation Beyeler, 1997
FIG 40. Premières esquisses de Renzo Piano pour la structure de la fondation Beyeler.
FIG 41. Expérimentation échelle 1:1 pour la structure de la fondation Beyeler.
111
FIG 42. Toiture de la fondation Beyeler en acier et en verre.
FIG 43. Coupe de la toiture de la fondation Beyeler en acier et en verre.
Annexes - 112
Entretient Grishka Matinetti, PNG architecture, septembre 2019. MR: Pourriez vous vous présenter? GM: En préambule je fais partie d’une équipe, de l’atelier PNG on est une agence de 3 associés, on était dans le même atelier, on a suivie un enseignement d’atelier qui est en train de devenir.. Comment appeler cela… Sur la touche. Il y a surtout Val de Seine qui perdure cet enseignement et nous, on s'est rencontré dans ce cadre-là. La particularité c’est qu’ensuite toute notre scolarité dans la même structure, de la première année au diplôme, en plus nous on était en DPLG (…) c’est plus que cinq ans, on c’est beaucoup côtoyé, (on c’est beaucoup tournés autour) et puis finalement à travers les ateliers et notre manière de voir l’architecture plutôt commune et des projets en commun, puisqu’on avait aussi des projets inter année. ça finissait par créer presque des embryon d’agence et ça à un peu été notre cas et ce qu’il s’est passé c’est comme tous les trois on était en train de passer notre diplôme à peu près en même temps avec quelques mois de décalage ce qui a permis de nous aider les uns des autres. Il était déjà actée qu’on allait faire notre agence ensemble et chacun à eu des expérience dans des agences respective qui donnait envie à chacun, j’étais à l’atelier Jean Nouvel , Antoine Petit il est partie chez Shigeruban à l’époque où l’agence était dans le entre Pompidou et Nicolas est partie chez architecture studio. Donc on a chacun fait notre expérience très courte, je suis resté un peu plus longtemps, car j’avais une mission un peu particulière. Il était déjà acté que l’agence allait être fabriqué, un an après notre diplôme l’agence était créée, en septembre 2007. En réalité au début, on bossait chez les uns et les autres. Nous trois, nos trois profil sont assez différents les uns des autres mais on à tous un rapport à la matière, ça à l’air de rien comme ça mais c’est très important, c’est à dire que moi j’ai une approche plutôt scientifique, j’ai toujours adoré les matières, les cristaux, un rapport à la matière, à l’astronomie. Antoine Petit (Pedro) c’est plutôt l’artisanat, il a travaillé la gravure dans un atelier, le seul atelier qui porte le nom de soulage, il à eu pendant des années plutôt une formation d’artisans, il a travaillé avec les mains, la gravure, il à côtoyé des vitrailliste, donc lui il avait un rapport à la matière qui était pas ce biais là et puis ensuite Nicolas qui à une âme de constructeur lui il à toujours adoré fabriquer des choses quoi, il adore le chantier. De fait dès le début, on avait notre agence et ce rapport à la matière. On c’est finalement trouvé à travers même des questions philosophiques des architectures vraiment autour de la matière, ça explique aussi qu’on peut pas imaginer notre travail sans faire de l’expérimentation à l’échelle 1, pour moi l’expérimentation échelle 1 je trouve ça un peu vulgaire .. On fait de l’expérimentation grandeur nature. On anti-
cipe ce qui va arriver, on le fait à l’échelle de la ville en bas quoi. On fait aussi des maquettes, des maquettes numérique parce que depuis le début, et bien avant des questions de BIM par pour mettre des palanqué de produits du BTP dont on a absolument pas envie et plutôt parce que la 3D a des vertus exceptionnels, permet de ce projeter, d’imaginer et avec énormément de réalisme et en parallèle de ça on a toujours fait des maquettes (cartons) plus ou moins à échelle réduite pour toujours ce projeter, ça a toujours été l’objectif, On ne vend pas un concept, dès le début, on imagine la chose construite et trouve tous les moyens qui existent pour se le confirmer. Pour confirmer notre intuition, d’une certaine manière qu’on ne voit pas le projet dès qu’il est construit. Ça fait des années on a passé beaucoup de temps à ce le dire, à s’organiser pour que l’agence produise ce type d’architecture mais on pourrait vraiment pas faire autrement, c’est pas une posture c’est juste que c’est naturellement notre manière de faire et on y’en a pas cinquante. (...) J’ai toujours aimé le patrimoine j’adoré construire dans des bâtiments existants, quelques fois à l’agence ou naturellement on a fait ce type de projet parce que ça nous plaisait tous les trois, la formation qu’on a elle est pas suffisante pour travailler (…) en envoyer un des trois à Chaillot pour pouvoir travailler plus librement sur ces éléments. MR: C’était aussi une volonté de votre part, c’est quelque chose qui vous anime le patrimoine? GM: Oui j’aime beaucoup, justement quand j’ai travaillé sur la Bourse du commerce, Neo classique, ça c’est sur que à un moment il fallait que je… Une frustration trop importante, il faillait que ce soir réglé ce problème-là. Le patrimoine c’est pas toujours des choses physiques, c’est aussi des manières de faire, je suis un très grand défenseur du patrimoine vivant (…) dans le fond il y a aucun des projets, des lieux qui sont important dans la matière, c’est une mise en œuvre, que la manière dont elle à été. Et ça ne me choque pas, j’ai appris à Chaillot que beaucoup de bâtiment qui nous entourent et qui semblent être fait d’une seul pierre, sont en réalité des bâtiments circulaire qui ont étés refait un nombre de fois incalculable et dont la matière d’origine existe casiment plus (…) J’ai un rapport au patrimoine, à la beauté des mises en oeuvre de matières ça oui c’est sur, mais pas à la matière et ce qu’elle dégage elle même, je m’en fou de savoir que la pierre à cent mille ans, c’est pas ça
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qui va me toucher. Donc c’est pas ça qui est intéressant, d’ailleurs je suis très sensible à l’attitude des Japonais, Sanctuaire Chinto qui tous les vingt ans est reconstruit à l’identique, pour s’assurer que la construction est vraiment faite à l’identique il y’a deux temples. Celui refait à neuf et celui refait il y à vingt ans. Il sont certains comme ça de réutiliser les mêmes mise en œuvres, par contre la matière reste la même, c’est du cyprès japonais. (…) C’est donc pas le patrimoine de la matière elle-même, mais la manière dont elle est mise en œuvre. (… Cathédrale Clermont..) À cette époque on ne se posait pas la question d’importer des matières du bout du monde. MR: Pour vous c’est important de ce questionner sur une matière qui appartient au territoire? GM: Au maximum oui après encore une fois c’est pas exclusif, par exemple récemment on a fait un escalier dans le centre Pompidou et le hêtre il vient d’Allemagne, moi j’ai pas envie qu’il vienne de Chine c’est sur mais moins venant d’Allemagne, toute la structure de Pompidou on été fabriquées en Allemagne. Pour nous, ici, c’était la symbolique du bois dans un bâtiment en métal et en verre. Parfois la matière ce n'est pas tant qu’elle soit exclusivement locale, mais ce qu’elle porte comme symbole, mais au final, c’est toujours la matière. MR: Il y a une poétique de la matière? GM: Oui oui bien sur, ça c’est sur, on le voit aujourd’hui à quel point ça peut être dévoyé, les bâtiments en bois qui sont en train de pulluler fait par des industriels avec de bois qui viennent de Chine et compagnie.. La symbolique derrière, c’est juste de dire regardez, on fait des bâtiments écolo parce que ça envoie. Mais c’est le quotidien de l’architecture aujourd’hui. Il n’y a rien de plus magique que de voir l’accomplissement concret, physique de quelque chose qu’on en a rêvé. On rêve pour les autres. Donc bien au contraire la discipline appliquée de l’architecture au quotidien construite n’est pas du tout là pour briser les rêves des gens, c’est plutôt pour les conforter. Si on ce donne les moyens de le faire en tous cas et c’est ce qu’on fait à l’agence, plus le temps passe et plus nos projets nous font rêver. (..) Maintenant on a une expérience qui fait qu’on est un peu plus sur de ce qu’on fait, on ce permet de faire des jeux d’équilibriste parce qu’on sait qu’on va retomber sur nos pieds, en plus comme on maitrise tous nos chantiers, comme on aime la matière, de fait la chantier c’est un moment magique pour nous, jusqu’au bout on tient
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notre histoire. L’école s'est faite pour recharger les batteries pour plus tard, ce n'est pas juste pour rêver. L’architecture c’est un art construit, l’architecture de papier bon voila .. MR: votre travail m’intéresse car vous prenez le temps de comprendre Il y a quelque chose qu’on a fait, on fait peu au début. C’est d’aller voir une briqueterie, d’aller voir une scierie, d’aller voir les gens qui font, parce que c’est gens là c’est avec eux que vous allez faire de l’architecture. (…) Il y a une entreprise qui fait ça donc un artisan donc un savoir faire. Si vous n’allez pas voir la manière dont il travaille aujourd’hui et valoriser leurs savoirs faire bah en effet vous subirez sur le chantier. Il faut que vous alliez voir le concret pour comprendre, cela va orienter votre dessin et donc votre dessin, il sera déjà encré dans le réel et donc au lieu d’être une affreuse frustration de voir votre joli dessin être flingué par une entreprise, c’est l’inverse qui va se passer, c’est que votre dessin sera déjà dans le réel et c’est exactement comme ça que ça va être réalisée. MR: dans quel cadre vous avez fait le choix de tester ces premiers éléments échelle réelle? Est ce qu’il y a eu un premier projet qui à déclenché cette envie dans votre équipe? GM: Non non l’envie elle a toujours existé et c’était l’émanation de ce que j’avais à proposer, c’est à dire que on est tout les trois pétrie de cette culture de la matière, quand on est trois c’est comme dans un relais, cad que même quand il y’en a un qui est fatigué il y’en a au moins deux qui ont encore du jus. Il y en a toujours un qui va tirer les autres vers le haut, donc si a un moment, on ne pense pas, il y en a toujours un qui dit, il faut absolument qu’on en fasse, ça a été dès le début comme ça, dès nos premiers projet. Notre premier projet, a chaque fois, c’étaient des MAPA? Des petits marchés, ils sont réglementées d’une manière différente, il n’y a pas de concours. On fait plutôt des notes d’intentions, on peut rencontrer la maîtrise d’ouvrage et discuter avec eux, moment de vrai rencontre avec des maîtrises d’ouvrages. En tant qu’architecte, on peut vraiment discuter avec eux et comprendre leurs besoins et lire leurs programmes d’une manière totalement différente, leur demander « dans le fond, c’est quoi votre projet ? » Donc il y a une vraie discussion, ça nous a permis d’avoir quasiment tous nos projets. Et donc notre premier projet, c’était au jardin des plantes, et quand on est arrivé, zone inondable, bâtiment classé et autres grosses contrainte. Quand on a eu ce projet-
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là de toute façon, c’était au moins deux ans d’instruction pour obtenir un permis, pour un centre de tri de déchets. Dans leurs têtes, évidemment, il fallait mettre du bois, c’est-à-dire un matériau qui va se mélanger avec les arbres, etc.. Il faut que les camions viennent décharger, le bois ne tiendra pas. Évidement, on étais conscient qu’apporter du béton dans le jardin ce n'était pas facile parce que ce n'est pas un matériaux naturellement présent et c’était plus difficile à justifier, on s'est dit nous, on vous impose du béton, car c’est beaucoup plus résistant. (…) Et à ce moment-là, on s'est dit « on ne peut pas faire un béton classique. » c’est là qu’on a étudié la question des gravillons, de choisir une charge qui puisse avoir une teinte particulière, des gravillons de la seine, ensuite de teindre les bétons pour que ce soit un béton gris, une teinte proche de la terre et pour se convaincre de ce travail là on a fait beaucoup de travail en image, en dessins et beaucoup en prototype. Donc on a fabriqué nous-même un béton à l’échelle 1:5 , on a travaillé directement avec un petit tas de sablage pour tester avant si notre solution s’avérait intelligente. Une fois qu’on été convaincu que ça marchait, on à décris le projet, le chantier à commencer et ça c’est un truc qui est très important c’est qu’il faut toujours imposer des prototypes. Alors les maîtrises d’ouvrage elles sont jamais contente, « bah oui, je vais devoir vous payer » mais en réalité des entreprises qui ne sont pas trop idiotes, quand elles voient que dans le projet on a fait un prototype, elles vont faire payer, mais pas autant que ce que l’on croit. (29’18) Parce que l’intérêt d’un prototype pour une entreprise c’est que une fois qu’on c’est mis d’accord sur le proto, personne ne reviendras sur la décision, donc en faite elle gagne du temps et l’entreprise n’est pas du tout perdante, donc c’est pour ça qu’elle fait pas payer des mille et des cent pour un prototype en réalité. Donc il faut toujours imposer des prototypes, il faut être raisonnable, ça sert à rien de tester un mètre de haut, il faut trouver la bonne taille. Mais il faut s’imposer et dès la première réunion de chantier rappeler à l’entreprise « premier truc à faire, c’est le prototype ». Pour les lancer et bien faire comprendre ce qu’on veut faire ensemble avec l’entreprise, avec son savoirfaire pour l’intéresser à la question et ça ça a permis au jardin de plantes très vite de valider ce principe de sablage de béton, c’est un sablage progressif de haut en bas pour que en bas en faite on va énormément la charge qui est dans le béton et qui elle est en rapport avec le sol que nous avons fait en lignonette. Un sol à moitié en béton. Qu’il y est une fusion entre le mur et le sol et ça évidement si on le teste pas à l’avance bah on risque d’être déçu le jour du chantier, donc il faut le tester sois même, on à fabriqué nous même un mur de
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béton qui est toujours à l’agence d’ailleurs. On a fait beaucoup de maquettes pour être photographiés, on documente tous nos prototypes, parfois plus ou moins bien, mais on le fait toujours, système d’archivage important. MR: est ce que la maîtrise d’ouvrage était favorable à ces prototypes? GM: oui oui, mais à l’agence, on ne fabrique pas des bâtiments pour la maîtrise d’ouvrage, on la fabrique pour les gens qui vont l’utiliser, la maîtrise d’usage. Et le problème de la maîtrise d’usage, c’est que souvent ce n'est pas le directeur de la maîtrise d’ouvrage. Donc elle est là car elle a commandité le truc, nous on veut faire un moyen de rentrer dans le projet. Que la maîtrise d’ouvrage soit d’accord ou pas on en à rien à faire. Donc on l’impose, dans le cahier des charges, dans les pièces écrites, qu’elle lit rarement donc même si elle le découvre sur le chantier après tout, c’est quoi le problème? Parfois, je suis content, car elle dit, « c’est super, on fait un test avant la grandeur réelle » et franchement, c’est rare, et ça nous ai jamais arrivé que la personne nous disent « ça sert à rien ». Mais ils aiment bien, même les gens qui n’en ont rien à foutre, de voir un prototype émerger qui est un pré-sentiment de ce qui va être le projet fini. Bah, tout le monde est plutôt satisfait. Personne est contre le fait qu’un morceau du bâtiment émerger avant que le bâtiment construit arrive. Donc comme je le dit, on leur impose, ces prototypes, ces essais, on imposent tous ça, en sachant que souvent ce qu’on fait comme travail, c’est d’entreprise qui ont très faim, qui seront dans l’appel d’offre on va les voir avant. Ce n'est pas totalement autorisé par le code de l’architecture public, mais on s’en fou, on va les voir avant et donc on a déjà une relation de confiance avec eux. MR: avez-vous d’autre exemples d’expérimentation que vous avez fait au sein de votre équipe? Qui vous aurez le plus intéressé ? GM: Sinon très récemment à saint Barthélémy... Quand on est arrivé sur place il y a des choses qui nous ont frappé, quelque chose qui dans le fond n’est pas si vernaculaire, les toitures de villages qui est faite avec l’éternite, avant avec de l’amiante. Elles ont une particularité d’avoir des motifs dont un motif losangé où toutes les toitures du village étaient marquées par ce motif, à la manière de ce que fait Carl et st John en référence. Ils ont réintroduit la question de l’ornementation dans l’architecture, qui n’avait jamais vraiment disparu même
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avec le Corbusier. Quand on est arrivé sur ce territoire ça nous à marqué ces losanges et c’est vrai qu’on a commencé à ce dire qu’il faut le retrouver dans le projet, le retrouver en toiture ça c’était insupportable. Et il y a une question architecturale qui nous anime depuis toujours, c’est la plinthe, comment le bâtiment rencontre le sol et on est très très content du travail de siza, il travaille ces pieds de mur avec ces plinthes qui font parfois un mètre de haut, il y a un sous bassement et là dans le sou bassement, on voulait introduire le motif losangé et le détourner de ce qu’il y a actuellement en toiture et donc on ne le vois que quand on prend de la hauteur ... On a voulu que le soubassement de cet édifice intègre le motif et c’était évident qu’on n'allait pas choisir des murs préfabriqués dans un catalogue de murs préfabriqués. Ce qu’on appel les murs matricés, on voulait faire artisanalement du béton. Donc on a fait des essais dans le jardin en achetant des grilles qui parfois sont torsadées, on a achetés plein de tailles différentes et on a fait plein d’essais avec un feutre entre pour que quand on décoffrait le motif reste. On l’a fait nousmêmes parce que à un moment le betonneux qui avait obtenu le projet nous à dit qu’il savait pas faire. On lui a dit « vous ne savez pas comment faire, mais nous on va vous montrer comment faire et que vous savez faire, vous avez tous ce qu’il faut pour le faire donc on va le faire » On n'est pas betonneux on est juste architecte mais on va le faire. Donc on a fait le prototype, certains n’on pas fonctionné et un a merveilleusement bien fonctionné, une fois qu’on était fort de cette réussite, on a voulue voir l’entreprise. Le torsadé on l’a acheté chez Le Roy Merlin et on lui a expliqué si il mettait de cette manière-là vous aurez un résultat parfait. MR: c’est vous qui avez dit à l’entreprise de le faire? GM: bah ouais, on leur a prouvé.. Le chef de chantier, il adore! Il est très très heureux, il a pris ce chantier un peu comme un chantier prototype. Là où d’habitude il fait sont béton sans se poser de questions « là je me rends compte que je fais un chantier singulier » donc c’est lui qui a commencé à arriver avec d’autres solutions, dont une assez peu utilisée qui est le coffrage forain c’està-dire de la préfabrication sur site. Il coule les murs à l’horizontale, l’intérêt c’est que le parement qui est au contact à l’horizontalité du sol soit parfait. Il est parfaitement vibré, la surface est magnifique, il y a qu’un côté qu’on verra donc on s’en fou. Il a proposé de faire ça sur une partie des bétons intérieur, une apostre en béton qui permettait un résultat parfait donc on a dit ok, on fait comme ça. Donc encore une fois le fait d’avoir mis l’entreprise qui au début n'était pas d’accord, on leur a prouvé que c’était faisable donc déjà ils
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commençaient à nous croire une fois qu’ils l’on fait eux même étaient satisfait du résultat ça les a valorisés et ils se sont sentie poussé des ailes. Ils ont fini par proposer d’autres solutions, car ils savent faire, ils ont un savoir-faire, on leur demande peu, qu’ils ne l'utilisent pas. MR: Quels relation a l’architecte avec les métiers de l’artisanat ? GM: dégager son temps pour les ouvriers (gigot bitume) et donner la main à la patte. (...) Les gens sont un peu surpris, vous prenez un risque et vous vous mettez dans une situation inconfortable, ce n'est pas votre métier. Vous obtenez de la part du chef de chantier et de tous les ouvriers un respect, ça, c’est instantané. Moi, je pense que c’est facile de franchir le chemin qui nous sépare des ouvriers, il faut tous a fait être lucide que ce qui a créé cette distance entre l’artisanat et l’architecture. L’art, l’artisanat et l’architecture, c’est la même chose, il y a de l’architecture dans tous les artisanat et inversement. Il serait peut-être temps de se faire un Bauhaus 2.0 Avec l’industrialisation par le Btp, on embauche de moins en moins des gens qualifiés, d’ailleurs la filière en France devient de plus en plus pauvre et les entreprises qui à certains moments voudraient des ouvriers qualifiés elles n’arrivent plus à les trouver. Le Btp privatise la matière. Essayer de remettre en place des filières courtes, et ça, c’est dans les mains des architectes puisque c’est la manière dont on dessine des projets. Le dessin ne serras pas forcément parfait, mais c’est le dialogue avec les entreprises qui finalise ce dessin.
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Entretient Christophe Aubertin, Collectif Studiolada, octobre 2019. MR: pouvez-vous expliquer votre « expérimentation » pour l’ephad de Vaucouleurs? CA: qu’on retourne le truc et qu’on assume quelque chose de robuste en bois, s’inspire d’un cadre fenêtre avec un vitrage qui s’inspire de plaque en béton glissée dans les rainures et renverser, l’architecte peut innover parce qu’on voient différemment et on peut trouver une solution qui est une réelle économie, qui se retrouve moins chère. C’est une dimension importante la capacité des architectes à inventer et ce qui est intéressant aussi. L’ingénieur va peutêtre aller à la performance technique et éventuellement à l’économie et nous architectes comme on balaye toujours plein de champs culturels, écologiques, de la mise en œuvre, du financier donc on peut proposer des choses qui s’inscrivent dans des champs plus large. C’est la capacité des architectes à innover. L’autre volet intéressant c’est de promouvoir une expérimentation collaborative entre architectes, ça c’est en open source, on est prêt à le partager dans les moindres détails et à soutenir d’autres confrères qui voudraient réutiliser ou prolonger cette recherche là. Aujourd’hui, j’ai plusieurs confrères qui m’ont appelé et je travaille avec eux sur d’autres évolutions du système et je trouve ça vachement intéressant. Des agences assez engagées comme encore heureux récemment mu architecte à Paris. L'explication en détail du processus Pierre sur châssis bois. Et faire en sorte que leur expérimentation soit plus simple et moins chère et essayer de défendre auprès du CSTB s'ils ont un Atex à faire, de faire un atex simplifié qui réutilise celui déjà existant. C’est quelque chose à défendre pour promouvoir une expérimentation de bon sens qui est un peu plus libre, moins chère. Autre chose, ce rejoindre et ce fédérer entre architectes, par exemple face à un bureau de contrôle qui serait plus ouvert à l’innovation qu’un autre, par exemple nous on l’a fait avec apave qui valorise l’expérimentation et qui a se courage là. C’est là où on a tout intérêt, nous architecte à leur dire que si veulent avoir des affaires qu’ils adoptent une attitude plus ouverte sur l’innovation et non pas un peu rétrograde parce qu'eux plus c’est simple moins ils se cassent la tête, plus ça va vite plus ils gagnent de l’argent. (5’45) MR: considération entre architectes plus importante, peu se tournent vers l’innovation? CA: aujourd’hui quand on ouvre une revue, il y a pas mal de références d’innovation, on est peut-être pas assez au courant de ce que nos confrères ont inventés, il faudrait davantage communiquer et partager tout ça.
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Je pense que l’architecte en plus n’est pas quelqu’un qui cherche à camoufler sa petite invention, au contraire beaucoup de mes confrères sont fier de publier des détails constructifs. C’est intéressant dans la méthode et si ça va au bout cette évolution du procédé, on serait ravie de communiquer sur les résultats, mais aussi sur notre démarche de collaboration et d’inciter d’autre à aller dans cette voie. MR: pour vous innovation et expérimentation, c’est la même chose ? CA: expérimenter ça veut dire concrétiser mettre en œuvre et ne pas être sur du résultat mais faire l’expérience et voir ce que ça donne. Innovation, c’est avoir l’envie d’innover. Que l’expérimentation est une méthode d’innovation. MR: pour l’EPHAD à Vaucouleurs, c’est arriver plus tard votre expérimentation? CA: On à réfléchit à notre dispositif dès le départ mais c’est vrai qu’on à pas réalisés de prototype, bon on était très confiant sur le principe et le prototype on savait qu’on en réaliserait un en chantier, un peu avant la pose des systèmes de bardage et là on a du en faire un pour tester ça résistance mais nous, l’agence, on avait pas fait de prototypes la dessus. Peut être qu’on aurait du, après on manque de temps, on manque d’argent on à pas les locaux pour le faire mais ça aurait été sympa de le faire oui. MR: c’est donc aussi une question de charge temporelle ? CA: Oui aussi une question de temps, par contre on travail beaucoup en maquette, pour essayer des choses, voir à quoi ça va ressembler, après le prototype pour voir vraiment à l’échelle 1 à quoi ça ressemble, régler des détails technique de mise en œuvre ça on le fait quand même très rarement, on est vraiment pas équipés pour, mais oui il faudrait. MR: C’est plutôt à l’étape du chantier, vous discutez avec les entreprises ? CA: oui c’est ça et quand on lance l’appel d’offre sur des choses un peu particulière on dit bien qu’on demandera un prototype, des fois, c’est directement sur le chantier.. par exemple sur des façades l’entreprises elle vient réaliser deux mètres carré de façade, mais directement sur le bâtiment, in situ, les échantillons à côté des autres et ensuite on regarde directement sur le bâtiment ce
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qui nous plaît le mieux, ce qu’est facile en mise en ouvre, et puis des fois c’est vraiment un petit prototype vraiment indépendant qui est à côté. MR: À quel moment aviez vous faites la demande d’Atex? À quel moment sommes nous obligés de passer par un Atex? CA: C’est notre bureau de contrôle qui a jugé de notre dispositif, et si celui si pouvait être validé ou pas, alors il y’a différent stade. Une validation intermédiaire qu’on aurait vraiment préférée un avis de chantier, c’est-à-dire que le bureau de contrôle à toute confiance en notre système même si c’est un petit peu hors norme, ils nous laissent le réaliser et une fois réalisé (en partie) il le valide et il confirme, il atteste que c’est correct. Nous, on l’avait déjà fait pour un autre bâtiment avec du verre bombé (…) Donc à l’étape du PRO grosse déception, le bureau de contrôle nous dit non non j’ai demandé à mon spécialiste façade qui dit que c’est trop particulier et donc qu’il a demandé à faire un Atex. Après il a fallu expliquer ça au maître d’ouvrage, qu’on a plutôt ménagé par rapport à tous ça, on lui à pas tout expliqué par rapport au problème d’Atex tous ça. Même le prix de l’atex on l’a inclus dans l’appel d’offre, dans les postes de l’entreprise « financement de l’Atex » donc indirectement le maître d’ouvrage ne payait pas le prix de l’Atex au CSTB mais il paye l’entreprise et c’est l’entreprise qui paye ça. Parce qu'à un moment ça aurais pu le bloquer de payer 15 000 à 20 000€ supplémentaires et remplacer la pierre par du fibre ciment par exemple. On lui à donc expliqué le dispositifs innovant mais voila c’était inclus dans l’offre de l’entreprise et ensuite on a croisé les doigts à l’appel d’offre pour que ça puisse passer. On a eu un appel d’offre fructueux, comme souvent, c’est vrai. C’est passé dans le budget global donc le maître d’ouvrage à suivi. Donc le maître d’ouvrage à été ménagé par la complexité, le stress, les angoisses vis à vis du truc. On a partagé ça avec lui et il était hyper content mais disons qu’on lui disait que ce qui se passait bien et pas là où c’était un peu stressant. Pour ce projet c’est de l’innovation de bon sens, on est persuadé que ça à du sens, le maître d’ouvrage en étude il doute, ça lui fais peur, c’est pour ça qu’on le ménage et aujourd’hui il est absolument ravie et extrêmement fière, on à eu le prix construction bois, le prix régionale. Ça donne une image, des fois on à l’impression que nous les archis on fait les choses pour nous, que c’est des petits caprices d’architectes et pendant les études ça peut paraitre comme ça mais après, il faut tenir bon, il faut être un peu butté et aller au bout mais après tout le monde est vraiment satisfait de
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ces efforts là et aussi que ce soit des projets qui est une porté qui aille au delà de leur propres cadres, mais il y’a aussi la communication qu’il y’a autour « ça valait le coup parce que ça créer des projets exemplaires, ça participe à une évolution et ici valorisation des filière courte et locale » ça c’est motivant que tu m’appel et veuille en savoir plus, ça fait vraiment plaisir. C’est par l’échange qu’on diffuse des bonnes valeurs. MR: comment c’est passé la collaboration avec les entreprises pour Vaucouleurs? Quel savoir faire de l’entreprise CA: Non ça n’a pas fait peur aux entreprises, on l’avait bien décrit, bien dessiné, ça c’est toujours tout un travail quand on est sur des structures un peu inhabituel, un peu hors normes, mieux c’est dessiné et des dessins qui font ressortir une simplicité et non pas une complexité, plus les entreprises sont rassurées et chiffrent pas chère, donc oui les entreprises on carrément joué le jeux, ce sont prises de passion pour le sujet. Le charpentier à fait un prototype, on l’a amené faire un test ça n’a pas marché, on est revenue une deuxième et troisième fois avant que ça marche. J’ai juste été un peu déçu par le fournisseur de pierre, ce projet avait beaucoup de résonnance pour lui, toute cette recherche autour de son produit, sa pierre, aujourd’hui tout le monde vois la pierre de Savonière qui est mise en œuvre et on ne pense pas toujours au charpentier. L’entreprise qui a fournit la pierre n’a pas trop joué le jeu. Quand on avait besoin d’échantillons, il l’a fait à reculons, puis il nous à fait un avenant quand on à passé la pierre de 3 à 4cm d’épaisseur, oui il y’a plus de matière mais il aurait pu dire ok car on est dans une recherche et c’est pas des quantités énorme. Il a menacé de quitter le projet si nous n’acceptions pas l’avenant. C’est une petite carrière dans le village à côté, mais je pense qu'il a plutôt une logique financière, plutôt qu'une passion pour sa pierre et son produit et puis je ne sais pas s'il a bien parlé de ce projet pour finalement valoriser son produit. Ça dépend des entreprises. La carrière Grès rose sur l’office de tourisme plus compréhensive. J’essaye de saisir cette passion chez les artisans, quand c’est possible et il a des gens autour qui commence à le faire et aimer ça, c’est bien. MR: que pensez-vous de la relation architectes - artisanat ? CA: notre agence à déjà douze ans et beaucoup de projets derrière nous assez valorisés, localement on commence un peu à être connue et ça parle aux entre-
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prises, maintenant ils savent que si ils vont travailler avec nous c’est aussi pour travailler des sujets comme ça. notre agence à déjà douze ans et beaucoup de projets derrière nous assez valorisés, localement on commence un peu à être connue et ça parle aux entreprises, maintenant ils savent que s'ils vont travailler avec nous c’est aussi pour travailler des sujets comme ça. Ça récompense de nos efforts pendant des années où on s’obstinait et finalement, ils sont très contents et en parlent autour d’eux. Aujourd’hui on assume et on a les références qui assument ça et c’est plus facile de continuer à bosser comme ça. Ça motive à ne pas perdre ses idéaux et travailler dans ce sens-là. MR: pouvez-vous présenter le collectif Studiolada? CA: Oui c’est un collectif, même si ça veut pas dire grand chose, nous somme un collectif car ce n’est pas une société commune, nous sommes six architectes indépendants. On était en libérale mais on vient de passer en société unipersonnel et on est réunie dans notre locale, on partage tous notre matériel, nos moyens et on partage nos salariées, on en à six aujourd’hui qui sont embauché par le groupe, donc on a une société civile de moyen qui n’est pas du tout une entité pour travailler, elle ne peut pas répondre à un appel d’offre mais elle nous sert à diviser les frais et embaucher nos salariés qui ensuite peuvent travailler pour chacun d’entre nous six. Mais on ne souhaite pas se mettre en société parce que on souhaite garder notre indépendance, surtout financière, pour pas rentrer dans des déboires économique complexe, donc là ça permet à chacun de travailler à son rythme sur des sujets qui lui plaise plus ou moins rentable sans avoir a rendre des comptes aux autres mais on a une éthique et une culture commune, des axes de recherches commun, ça permet je pense de partager tous ce qui est bon dans la pratique sans avoir cet espèce de pression financière qui est très complexe à gérer surtout quand ont est nombreux. On répartie les nouvelles affaires qu’on nous propose, les appels d’offres, bien entendu ceux qui manquent de travail en ce moment. On compose beaucoup de binômes ou de trinôme pour toujours être en mélange. Pour un concours, ce sont toujours deux d’entre nous qui travaillent dessus et après ont le regard du collectif, quand il y a un concours on est beaucoup dans l’affichage et la transparence sur ce qu’on est en train de faire, on fait des points régulièrement. (…) Ça reste du conseil, ceux qui travaillent dessus tranche et ça sera lui qu’aura le dernier mot, ça permet de ne pas être dans le compromis et d’éviter une grande gueule. On a tous la capacité de s’exprimer sur des sujets qui nous tiennent à cœur. MR: L’expérimentation était elle prévu dès le départ?
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Non, dans notre tête, c’était déjà du projet, on n'est pas allé faire du prototype en amont. MR: Et est ce que c’est quelque chose qui vous intéresserait, ou c’est plutôt une contrainte économique et ou temporel ? CA: Non c’est quelques choses qui nous intéresserais de faire des essais, de pouvoir, oui ça nous intéresse beaucoup et voir pour le tester, bien sûr ça nous intéresse et d’ailleurs on à découvert les laboratoires qui nous ont aidées à tester. On est aller voir le CRITT à Epinal, en lien avec l’enstib l’école d’ingénieur structure bois et c’est un super outil que les architectes connaissent mal mais pour venir tester notre prototype ça nous a couté 1000€ ce qui n’est rien (comparé aux Atex de 20000€) et là on est dans un vrai laboratoire avec des structure pour fixer le prototype, ils ont tous les systèmes e poules pour bien calibrer pour faire les tests, ils prennent en photo, ils attestent tout avec un rapport de quinze pages avec tout résumé, c’est hyper professionnel. Pour moi ça a demistifi rapport avec un architecte maître d’œuvre et un laboratoire comme ça. Ça peut rejoindre sur ce que tu disais de faire des prototypes. MR: Ces laboratoires rejoignent les Atexs? CA: Les Atex sont demandé par le CSTB qui est à Paris Marne la Vallée et qui est l’institution gouvernementale et ensuite eux nous on demandé de faire des tests de résistance mécanique de système et là on savait pas si on le faisait nous même chez le charpentier, là ils aurait fallu faire des tests très précis, avec une gros, un petit sac et une petite bille de tel poids projeté à tel force sur le prototype. Est ce que ça valait la peine de le faire nous même et on a demandé au CRITT qui pouvait le faire pour 1000€, il fallait le transporter aussi et ensuite le rapport qui a beaucoup appuyé le dossier d’avoir un rapport de test.
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Entretient Hugo Hass, Atelier Ciguë, Novembre 2019. MR: pouvez-vous présenter la singularité de votre travail ? HH: C'est dur de définir soit même, nous avons un atelier, pour une agence ce n'est pas récurant. On à monté notre structure de menuiserie en 2003 quand on était en deuxième année à La Vilette à Paris. La menuiserie nous permettait de faire le plus de chose en étant assuré et couvert, de toucher à du bois, métal, de l'alu etc.. On a fait beaucoup de rénovation d’appartement et de mobilier en conception réalisation. Au début on faisait tout nous-même, démontage, enduit, peinture, carrelage…) Après on est passé à une autre phase où on a fait faire par une entreprise générale les travaux principaux et nous on se concentrait sur du mobilier plus précis et des détails. Ça à bien fonctionné ça, quand on était à l’école 2005-2007. Après le diplôme on à monté l’agence d’architecture et on à gardé les deux sociétés, pour laisser à nos client l’aspect conception-réalisation, les gens venait nous chercher pour notre niveaux de détail/ finitions sur mesure, le temps que tu passes sur le chantier et le temps que tu passes à fabriquer les choses. Comme t’es aussi concepteur, tu peux revenir en arrière et modifier ton dessin. Ça, c’est assez cruciale, au début on dessinait très peu et on décidait beaucoup sur place en faisant, ça à des avantages et des inconvénients, tu peux considérer certaine étape comme de la sculpture, de l’improvisation au lieu de tout prévoir et tout figer pendant la conception devant un ordi ou une feuille de papier, c’est quoi avec ton corps qui réagit au moment, ça peut faire sens ou non. Apres on à appris à dessiner en détail, surtout en travaillant à l’étranger, on à pas pu fabriquer nous même, on l’a fait dans un premier temps en France Angleterre. En Asie ont à pas pu et il à fallu apprendre à être extrêmement précis au niveau des finitions : qu’est-ce qui est brut et pas bien fini, c’est difficile à exprimer en CAD. Quand tu veux réagir, exemple une poutre en bois qui à des veines, des nœuds, des parties grisées que tu veux garder ou raboter ce n'est pas possible ou plus difficilement. On c’est confrontés à des problèmes en conception-réalisation à partir du moment où on avait plusieurs projets en même temps, en conception c’est possible, en réalisation c’est beaucoup plus dur, déjà pour de la logistique d’outillage et on peut pas être partout à la fois. Avec ce processus conceptionréalisation on a fait quelques boutiques EZOP et projets d’appartements puis on à arrêté et repris mais de manière plus mesurée et ciblé. Aujourd’hui quand on fait de la fabrication, c’est vraiment sur des sujets expérimentaux, où on n'est pas capable de dire à quelqu’un quoi faire exactement, enfin qu’il faut
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inventer le processus de fabrication y a des mélanges à développer, une partie sculptural, il faut laisser faire les choses, on peut pas tout prévoir, tout planifier. MR: C'est difficile en conception-réalisation en ayant plusieurs projets ? Cela demande beaucoup de temps ? HH: Oui ça demande énormément de temps et au niveau économique ça fait plus sens, dans les échelles de projet qu’on peut toucher et après y a une notion d’échelle. On aimerait toucher des petites comme des grandes échelles et la faire de la conception-réalisation sur un bâtiment ce n'est pas réaliste. Pour ma maison oui, mais pas de manière professionnelle. MR: Quel est l'histoire de l'agence? HH: On était six à la fondation et maintenant on est cinq, quatres fondateurs et un cinquième plus sur la partie finance, organisation. Agence de vingt-cinq salariés, une personne en continue à l’atelier. Nous avons une manière assez organique de travailler, on travaille presque tous sur tout les projets, de manière séquentielle. Hugo fait plutôt les démarrages de projet, les rencontres clients, les esquisses concours. Les deux autres associé font le développement de tous les autres projets et ensuite le quatrième est sur des sujets plus expérimentation / fabrication et lié à la production ou dessins détail, mise en place outil et des processus que l’on transmet à des artisans. MR: malgré les nombreux projets et vos vingt cinq salariés, vous gardez cette relation d'expérimentation, du travail dans l’atelier, en lien avec les artisans ? HH: Oui en lien avec des artisans, mais parfois ça sort de chez nous, atelier. Pour le projet de l’hôtel, la structure en bois, c’est une entreprise avec qui ont travail, le reste c’est nous. Le plancher, les panneaux de plâtre, le verre, les cuves ont la fait dans l’atelier à Montreuil. Avec une série d’échantillons, de recherche, de ratés, pour arriver à un panneau qui résiste à l’eau, qui ce tiens bien, dans lequel on peut viser et découper facilement. Boutique Galeries, cube en papier compressé (mobilier d’archi, cité de l’architecture) premier boulot en plâtre, tous les tests fait en atelier, où on a testé plein de processus de fabrication, des mélanges différents. MR: pourquoi cette volonté de créer ce nouveau matériau? catalogue?
Contre le
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HH: Nous sommes contre les catalogues et la prescription, c'est des termes que je déteste, on dit architecte prescripteur. On a toujours plutôt était attiré par les matières premières, sur les endroits où l’on comprend comment on manipule la matière à une autre échelle, un autre niveau de définition, donc sans finition. Qui s’oppose au tasseau avec code bar acheté à Leroy Merlin. Quel(s) outil(s) il faut et quelle énergie il faut pour découper un marbre, le faire sécher et le transformer. Et ça ouvre le champ des possibles à quelqu’un qui veut faire de la conception, de quoi je pars? Est-ce que je pars justement d’un produit catalogue, déjà standardisé? Où estce que je pars d’une matière brut, disponible dans la nature? ça c’est en nous depuis le début, ça c’est clarifié petit à petit, l’idée de jouer avec des nouvelles matières c’est un peu plus ce questionner sur ce qu’on utilise au quotidien, on à fait pas mal d’expérience avec de la terre crue, effet de mode sur les choses simple, efficace et belle. On a aussi joué avec de la paille, en rencontrant des spécialistes de la paille, la tester sur comment ça fonctionne, quel est son intérêt ? La terre cuite, les plâtres et les déchets : les papiers, le tissu et voir ce qu’on peut faire avec tout ça, au lieu de produire de nouvelles matières qui va redevenir du déchet. S’éloigner du béton le plus possible, sable vrai sujet, en tant qu’architecte on à une responsabilité à déplacer des matériaux et les rendre plus belles. MR: Étudiez-vous la notion de réemploi? De faire avec ce qui est disponible? HH: Pas que de réemploi, de premier emploi qui laisse aussi d’autre vies possible, le béton une fois utilisé, c’est finie, le gisement de base est nul par ailleurs, à part en décharge ou en remblais. Le plâtre, on sait qu’il peut être réutilisé et la terre crue aussi, c’est des choses qui font sens. Un cycle de la matière, il y a un avenir infini. Il y a beaucoup moins de points négatif et de non-retour, si on fait des erreurs les connaissances sont moins grave, la matière n’est pas perdu. MR: Pour les plâtres quand vous les dessinez, est ce que vous pensez à son futur réemploi ? HH: Pas de manière hyper construite, mais par fragments, et puis de plus en plus. Dans les projets qu’on a fait c’était pas des trucs structurants. A l’école on avait un prof à l’école (…) terme réversibilité, (…) MR: D’emblée une matière dans le projet? Rapport à la matière?
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HH: Toujours plein de choses, pas mal les clients, on fait les projets pour eux pas pour nous. Il y en à qui s’imposent d’elle-même, c’est beaucoup lié au contexte, ça dépend énormément des projets. Quand on travaille pour des marques on développe des palettes de matériaux, on parle d’identité architecturale, ça vient très tôt dans les discutions, on à une grande matériauthéque à l’agence sur tout un mur, pour nous le projet commence là, il y a un rapport sensible et parfois abstrait qui est peut-être agréable. MR: Cela c'est créé au fur à mesure des années ? C'est la vitrine de vos expérimentations ? HH: En partie oui, on a des chutes de projets et de matériaux fabriqué, il y’a plein de quincaillerie ancienne, ça vient de beaucoup d’endroit différent, c’est un gros mélange. Parce que parfois, c’est pas juste un échantillon qui permette de montrer la matière, mais déjà un objet qui suggère une forme, une finition, et ça aide beaucoup à composer une image abstraite du projet. C’est quasiment une première maquette, on appel ça une scène de matériaux, parce que on fait beaucoup de photos de ces matériaux, on a le petit studio photo qui permet ça. En fait, on créer une petite scène, pré maquette avec les matériaux, elle a pas la forme des matériaux, mais elle à la matérialité et potentiellement le vocabulaire du projet. Avant l’atelier on le faisait sur le chantier, le plus important dans le rapport à la matière c’est de faire soit même, d’être confronté aux différents matériaux, couper du bois, du chêne, du pin, de l’acier etc. En étant confronter à la machine , le corps la machine et la matière et les différente manière de ce comporter pour que ça fonctionne, on dessine pas de la même manière, on parle pas de la même manière aux entreprises, aux artisants, aux ouvriers et surtout on dessine en imaginant faire, au lieu de dessiner une forme et dire ça serra un porte à faux en béton, on se dit « ok comment ça va tenir, comment on va fabriquer, avec tel coffrage » pour moi le dessin prend de la consistance par la projection dans le faire. MR: C’est par rapport à votre expérience ? HH: Oui bien sûr complètement et après, il ne faut pas penser qu’on fait tout, après on va voir le bureau d’étude et le niveau de discussion est plus riche, on va voir des constructeurs et pareil. Parfois, on peut les pousser dans des choses qu'eux n’on pas l’habitude de faire, parfois, on se plante et ils nous recardent aussi. On a souvent des entreprises qui nous font des super retour
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sur le niveau de dessin et de détail de notre travail. Nos générations tendent à changer avec un regard plus important vers la matière plutôt que la forme. MR: Vous avez des exemples ? HH: Un des premiers projets de cabane en bois, deux mois en extérieur à fabriquer une charpente, projets EZOP, échange avec eux très enrichissant, petit projet qui nous à laissé beaucoup de possibilités. Beaucoup de sur-mesure, grande liberté du sur mesure poussée jusqu’au bout. Projet de chambre d’hôtel au Pavillon de l’arsenal, c’est un projet de phytoépuration, dans la gestion de l’eau, à l’échelle d’une installation, à défaut de l’échelle d’un bâtiment. Projet de déménagement de notre atelier et lieux d’expérimentation, un bâtiment prototype et mettre au point des niveaux système. MR: processus conception-réalisation, long, limité économiquement ? HH: Malheureusement l’économie à un poids dans tous ça, il y a des questions de compétence, c’est dur d’être bon en tout. Conception réalisation : est ce qu’on dit juste charpente bois la, c’est faisable, mais il faut se battre contre l’idée des gens qu’il y a des concepteurs et des constructeur, mais on peut y arriver en démarrant des petits projets. En conception / réalisation ça marche à petite échelle, je suis sur, en bâtiment public il y a l’architecte qui doit vérifier que c’est bien fait. En tant qu’architecte on te dira non c’est pas bien fait et en tant qu’entreprise on va dire on à déjà fait trois fois, vous savez pas ce que vous voulez ou on à plus de sous. Quand on se place du côté de l’artisan, qui construit une table etc, c’est plus jouable. C’est là qu’il faut prendre une posture d’artiste et parler d’installation, la on peux justifier que c’est une même personne qui conçoit et construit mais c’est une autre école. Plus courants Angleterre et état unis. Montée citoyennes, rapport plus direct à ce qui nous entoure. MR: considérez votre travail de marginal ? HH: Nos collègues font pas la même chose et arrivent aussi à faire des projets interessant, chacun ces moyens, important de trouver tes outils à toi pour avancer, on peut dire que c’est le dessin à la main ou l’atelier avec le contact à la matière, peut importe il faut que ce soit le tiens. Rapport direct entre ton cerveau et ta main. Marginal oui un peu, après il y’ quand même peu d’architectes qui fabriquent, mais il y a aussi des nouveaux types d’artisans dans les nouvelles générations. Plombier électricien, c’était que classe
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populaire et maintenant ça se démocratise, n’importe quel classe le fait, tu peux être à ton compte, être dehors et avoir un rapport avec tes mains, et même économiquement, tu peux bien gagner ta vie. Il y a pas mal de gens qui font sur-mesure, des menuisiers, métalo mais moins dans les architectes. Collectif etc Il faut jouer avec le système économique libérale. Deux SARL pour l’agence de menuiseries et celle d’architecte, quatre associés inscrit à l’ordre et les deux entreprises sont inscrite à l’ordre.
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Entretient Sonia Cortesse, Atelier Sonia Cortesse, Novembre 2019. MR: Pouvez-vous expliquer le projet lié à cette expérimentation échelle 1:1? SC: C'est un édifice troisième catégorie, 400 personnes, quatorze classes. Après une demie heure les pompiers éteignent à la lance et on regarde l’état des matériaux, de la paroi, des planchers, ils mesurent la température au premier étage. C’est une maquette échelle 1:1 réalisées pour l’essai au feu, et par ailleurs il y a aussi eu une maquette échelle 1:1 par l’entreprise, mais sur le chantier pour valider le bardage, les positions du mur en ossature bois et isolées en paille. En tant qu’architecte je n’ai pas réalisé moi-même, nous somme un collectif avec cinq agences dispersée en France et on pourrait être amené à le faire. Bientôt, j’ai un bâtiment en paille porteuse avec terre de site pour revêtement 3’40 (…) paille / chanvre - matériaux bio géo sourcés. « Le off du développement durable » repère les projets innovants, la frugalité, matériaux biosourcés. Création de vos propres échantillons. Oui, pour le test incendie, c’était des dimensions techniques, gérées par le bureau d’étude spécialisé bois. C'est différent avec la terre, les expérimentions que l’on peut faire en tant que concepteur dans ce coin mais on peut aussi le faire à l’échelle de la filière, bientôt je vais faire une formation pro-paille. Pionnière dans la construction paille, essaie aux feux fait en 2009, un équipement public avec plus de 5000m2 de surface c’était très en avance, ça à contribué à la filière paille. C’est plutôt des maisons et en auto-construction. Le professionnel paille n’était pas créée quand moi j’ai conçu l’école. Isolant tissus, coton recyclé avec les vêtements d’emaüs. La paille est intéressante, car on ne met aucun adjuvant pour la rendre imputrescible ou inflammable, elle est naturellement dense et bonne pour un isolant. Quelques fois trop épaisse, la botte standard limite. Il faut qu’il y est des cadres adaptés et l’échelle 1:1 il faut des espaces adaptés. MR: Quelles sont les étapes ? SC: C’est le bureau de contrôle, il valide ou non en phase conception. Et en chantier, il valide tous les procédés de construction. Un maître d’ouvrage public, il va donner une mission à un bureau de contrôle (contrôle ce que fait la maîtrise d’œuvre et l’entreprise en chantier) nous justement emphase conception, phase APD « la paille niet, ce n'est pas possible, il y a pas de règles » Il n’en avait jamais vu, jamais testé sur cette échelle de bâtiment donc il fallait lui faire la preuve que c’était possible. Et cette preuve, on est allé voir le CSTB pour leur demander de faire un test, essaie au feu. On
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a cherché des financements car ça coûte chère, maître d’ouvrage n’était pour rien il ne nous avait pas demandé de construire en paille, c’est nous la maîtrise d’œuvre qui avions décidé ça. Donc le bureau d’étude Gozart technologie, qui est très engagée dans l’écologie, car construire en bois n’est pas forcément écologique. (…) Olivier, du bureau d’étude, était pionnier à sa façon, démarré entre 90 et 2000. D’abord c’est un choix d’être un bâtiment passif, d’abord on à pensé à la laine de bois, en 2008 ça commençais tous juste les bâtiments passif surtout en Allemagne plutôt qu’en France. Avec la laine de bois il fallait plus d’épaisseur de bois, et on c’est dit plutôt que le charpentier doivent mettre plusieurs épaisseurs, ça faisait beaucoup de main d’œuvre. La paille semblait plus économique, car juste une botte, et c’est bien plus écologique. Une fois le concours gagné avec le bureau d’étude et l’ensemble de la maîtrise d’œuvre on s'est posé la question des bottes de paille et oui, on va le faire. MR: À quel moment êtes-vous allé au CSTB ? SC: Fin APD le bureau de contrôle à dit ce n’est pas possible, Phase PRO. Aussi aller voir des pompiers de la préfecture qui on dit « vous n’arriverez pas à construire en botte de paille » donc on à fait les tests au feu. Ça à mi beaucoup de temps, presque un an au CSTB, ils n’avaient pas spécialement envie de démontrer que la paille ça marchait, donc les lobys du béton, de l’acier ne voulait faire émerger la filière bois et ou paille. Désormais, elle se développe. MR: Quel a été le prix de cette expérimentation ? SC: C’est nous qui avons financé l’expérimentation au CSTB, notre bureau d’étude à trouvé un financement à 70 % et les 30 % restant avec nos honoraires. Ça à coûté 70 000 €, mais c’est un projet à 14 millions d’euros avec un million repartie entre les différentes partie. Ce n'est pas normal que ce soit à nous de fiancer ça, aujourd’hui, 10 ans plus tard. D’autres écoles, on été construite en paille, les maître d’ouvrage et les bureaux de contrôle, ce mirent à developper des compétences et valider plus facilement d’autre projet. Les essaies sont fait dans les locaux du CSTB, très normalisé, presque cinq mètres de haut l’expérimentation. Essaie au feu normalisé, donc toutes les façades on été testées là bas. Partage de cette expérimentation avec tous les architectes qui le souhaitent, nous l’avons ouvert au public,
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nous ne faisons pas de l’argent sur ce genre de choses, c’est ouvert à tous. Au contraire, je souhaite que ça se développe. Travaille fait est montré à d’autres bureaux de contrôle pour leur prouver la faisabilité. MR: Cette expérimentation vous a t-elle aidée dans la conception du projet? SC: On va dire que non, car on a conçu avant d’avoir la maquette, après oui c’est intéressant de voir. Déjà sur le plan esthétique et c’est intéressant en terme d’expérimentation, de recherches. Oui je garde cette volonté qui est d’abord écologique, j’aimerais faire plus mais je n’ai pas la structure pour le faire aussi. MR: Quel est votre rapport avec les artisans? SC: C’est les charpentier qui font la paille, ils ont l’habitude de faire de l’ossature bois, au lieu de mettre un isolant on met une botte de paille, il n’y a pas vraiment de particularité. La paille porteuse, c’est différent, pas d’ossature bois, on met une lisse en bois au sol avec nez béton, on met une sangle pour comprimer. Actuellement recherche sur la filière terre en île de France.
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