20 minute read
Sommaire
from L'expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception I mémoire architecture I Marine Raguénès
Remerciements Sommaire
Introduction
Advertisement
De la matière au matériau, un processus singulier
Un processus expérimental - PNG architecture Faire pour comprendre - Ciguë architecte L'expérience de la matière - Studiolada
Architectes et artisans, valoriser des savoirs-faire
Savoirs faire oubliés (Re)valoriser une matière Savoirs faire et technologies
Un processus marginal à développer
Remise en question du schéma «classique»
Acculturer la maîtrise d’ouvrage Réduction de la place de l’architecte Des solutions réglementées
Des lieux dédiés à l’expérimentation
Ateliers dans les agences Pouvoir expérimenter la matière L’échelle 1:1, résolution technique
Conclusion
Bibliographie Webographie Iconographie Annexes 4 8
11
20
23
45
64
65
77
95
99 101 103 107
INTRODUCTION
Ce sujet propose de questionner les processus de conception architectura contemporains en France et la place des expérimentations, faite par les architectes, intégrées à l’étape conceptuelle. L’expérimentation désigne une méthode scientifique reposant sur l’expérience et l’observation contrôlée pour vérifier des hypothèses. Cette définition assez large induit différent niveau d’expérimentations. Elles peuvent être liées à des expériences matérielles, dans une relation sensorielle et physique à la matière brute. Il s’agit de questionner les capacités symboliques de la matière parfois spécifique à son milieu et aux méthodologies d’extraction de la matière vers le matériau. L’expérimentation permet aussi de questionner des mises en œuvres singulières, à partir des premières approche de la matière liées à leurs potentiels physiques et structurels, l’expérience d’un assemblage, par exemple, peut apporter les premiers résultats spatiaux et esthétiques. Le processus d’expérimentation n’a pas toujours de fin en soit, il engage l’expérience d’hypothèses, le résultat n’est donc pas déterminé, mais il serra la résultante des pratiques explorées. Dans ce travail de recherche, la réflexion porte sur les expérimentations à l’échelle 1:1, c’est la désignation de l’échelle réelle, l’échelle humaine. Elle désigne la mesure d’un objet dans sa concrétisation matérielle et se noue avec l’expérience du vécu dans son rapport immédiat à la matière et à l’espace. À partir de ce premier constat sur les potentiels de l’expérimentation à l’échelle 1:1, il semble pertinent de questionner son impact dans le processus de conception architecturale et le rôle des architectes dans ce processus expérimental.
L’architecte est une personne qui, par profession, trace les plans d’un édifice et en contrôle la construction. C’est un métier de concepteur d’édifices, donc une profession attachée à une identité artistique, mais elle se veut aussi technique. L’architecte doit être capable de construire une réflexion architecturale et avoir la capacité d’en contrôler son exécution. Cette brève définition du métier d’architecte résume ses deux rôles majeurs, celui de concepteur et celui de coordinateur d’exécution. Le titre d’architecte appartient à un groupe professionnel spécifique qui répond à des lois et des réglementations. En affirmant « être » architecte l’individu doit répondre à certains critères, dont l’un des plus évidents est l’inscription à l’ordre des architectes. Il doit pouvoir accéder à un territoire professionnel réservé, authentifier la qualité d’un acte professionnel par sa signature, engager sa responsabilité professionnelle, prétendre au « nom » et être reconnu auteur d’une œuvre en nom propre, on parle de droit d’auteur.
« Un architecte exerce une profession indépendante, libérale et réglementée. » 1 Comme qualifié par cette citation et dans le chapitre intégrale "la profession libérale d’architecte" de l'ouvrage de Isabelle Chesneau, c’est une profession indépendante, désintéressée et intellectuelle. L’indépendance de l’architecte se traduit par une absence de lien de subordination entre le professionnel et une autorité extérieure, cela doit permettre « l’instauration d’une relation de confiance entre un praticien et un client » 2. Il se doit aussi d’être « désintéressé », cela signifie
qu’il doit « servir l’intérêt général en se mettant au service de la société civile » 3 . Le métier d’architecte demande donc un engagement important, comme aime
le préciser Renzo Piano « Il faut dire, « (…) c’est un métier complexe parce que le moment expressif formel est un moment de synthèse fécondé par tout un contexte. »4
L’étape conceptuelle est une des premières étapes dans le processus de projet architectural, suite à une analyse de la situation de projet. Il peut sembler contradictoire d’expérimenter à l’échelle réelle dès l’étape conceptuelle, puisqu’elle représente l’échelle de l’aboutissement architectural par définition. L’intérêt de ce sujet est aussi de comprendre les limites étroites entre l’étape de conception et celle de la concrétisation. L’échelle 1:1 doit-elle alors se limiter à sa définition et n'apparaître que dans la finalité du projet architectural ? L’architecte joue aussi un rôle important, dans ses choix architectoniques et ses outils de conception utilisés. Les outils de conception communs, comme les croquis, les plans et les coupes sont-ils toujours les plus adaptés selon les projets, l’imaginaire de l’architecte et les attentes de la maîtrise d’ouvrage ?
L’architecte ne détient pas toujours l’ensemble des savoirs faire techniques, parfois par manque d’expérience. La réflexion architectonique se voit parfois remise en question si son exécution ne respecte pas la conception initiale. Bien que le dessin reste un outil majeur pour l’architecte, est-il en capacité de construire ce qu’il dessine et est-ce vraiment son rôle ? Comme expliqué précédemment, le métier d’architecte se distingue par ses savoirs théoriques, par sa capacité à créer des ambiances et des espaces qualitatifs, sans pour autant délaisser la mise en œuvre technique.
« Au cours de l’après–guerre, la formation architecturale mit l’accent sur le savoir-intellectuel. La distance physique et mentale qui se creusa entre le bureau de l’architecte et le chantier de construction réduisit définitivement la part artisanale de l’œuvre architecturale. Aujourd’hui, l’architecte n’est plus mêlé aux processus matériels et physiques de la fabrication : à distance, depuis son bureau, il envoie ses instructions, écrites ou verbales, à la façon d’un avocat. » 5
1 CHESNEAU Isabelle, «profession architecte», éditions Eyrolles, 2018, p72.
2 Idem 3 Idem
4 PIANO Renzo, «La désobéissance de l'architecte», Edition Arléa, 2007 p19.
5 PALLASMAA Juhani, « La main qui pense », Actes Sud, 2013, p. 61.
6 DEPLAZES Andrea, ELSENER Christoph, Construire l’architecture du matériau brut à l’édifice, Birkhäuser, 2008.
7 Maîtrise d’Ouvrage Publique. On peut alors se demander si l’architecte est toujours en mesure de contrôler la justesse de la mise en œuvre à travers son dessin. Parfois, les dessins initiaux des architectes se voient déformés par le bureau d’étude et les entreprises de construction, nous y reviendrons dans la première partie. Par définition, l’architecte délègue des ordres aux artisans et aux métiers techniques impliqués dans le chantier. Mais c’est bien ce que dénonce Juhani Pallasmaa dans une citation extraite d’un ouvrage de 2013 où l’architecte ne semble plus impliqué dans la concrétisation de son projet. C’est parfois lié à un manque d’expertise technique, pouvant entraîner une baisse de reconnaissance de la part des autres corps de métier dans son aptitude à bien gérer un chantier. Ça peut-être simplement dû à un manque d’intérêt lié à l’aspect plus technique du métier, pourtant synonyme de la définition même du métier.
« « construire l’architecture »: cette expression désigne pour nous la compétence qui permet à l’homme de l’art de passer de la conception d’un projet à sa réalisation, et de créer un ouvrage cohérent en termes de contenu et de sujet. Au cours de l’élaboration du projet, cette compétence se reflète tour à tour dans l’explicitation, la formulation précise de l’objectif poursuivi, puis dans sa mise en œuvre physique, de plus en plus concrète, dans un édifice. » 6
L’architecture est un fait construit, et l’architecte est étroitement lié à sa construction. Dans cette seconde citation, les auteurs appuient de nouveau sur l’importance de la concrétisation dans le processus de projet architectural, cette relation étroite entre les étapes de projet semble difficile à dissocier. À partir d’un concept initial, l’architecte s’appuie sur des outils divers pour mener à bien l’aboutissement du projet et rapidement mettre en lien un concept immatériel vers une réalisation concrète. Les outils de conception sont l’ensemble des aides théoriques et pratiques qui appuient la méthodologie de conception architecturale dans la fabrication du projet. L’étude de l’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception propose d’introduire une dimension concrète au processus conceptuel. La concrétisation physique passe nécessairement par la matière, ici les expérimentations échelle réelle étudiées au travers des études de cas tentent de questionner la relation sensorielle à la matière, par les architectes. Néanmoins, quelles sont les limites du processus conceptuel ? Au travers de ce mémoire, il a d’abord été intéressant de proposer une limite à l’étape conceptuelle, en référence au cadre législatif. Nous pourrions définir cette étape en lien avec les réglementations appliquées sur des projets en marché public, c’est-à-dire la loi MOP 7. Au regard de cette loi se distingue la phase « étude », plutôt conceptuelle, et la phase « travaux », plutôt concrète.
Au cours des premières recherches sur les expérimentations échelle réelle au sens large, il ne semblait pas pertinent d’inclure les expérimentations échelle 1:1 réalisées pendant le chantier, c’est-à-dire la phase travaux. Elles se résument souvent à des échantillonnages de façade ou des tests de colorimétrie, n’apportant pas une grande richesse dans la proposition d’expérimentations matérielle d’un point de vue sensorielle. De plus, face aux nombreux acteurs liés au projet architectural, il semblait difficile d’envisager l’expérimentation échelle 1:1 au cours du chantier, lorsque certains artisans et entreprises ont déjà enclenchés leurs travaux. En questionnant la place de l’expérimentation échelle 1:1 dès la phase dite « étude », les réflexions architecturales s’inscrivent déjà dans une perspective concrète. La richesse du métier d’architecte pourrait bien se résumer à la subtilité entre savoir théorique et savoir pratique. Quelles sont les pratiques actuelles de l’expérimentation échelle 1:1 dans le domaine de la construction, pour les architectes, les ingénieurs, et les étudiants ? Ce sujet émane de premières réflexions sur la mutation du métier d’architecte et les singularités de ses pratiques. Comme expliquée précédemment, l’expérimentation échelle 1:1 semble pertinente à étudier comme un outil de conception.
L’échelle 1:1 est donc la concrétisation de l’édifice, mais intégré au processus architectural elle est aussi définie comme un prototype. Ce terme amène à plusieurs usages ; c’est à la fois un échantillonnage du futur édifice réalisé sur le chantier afin de confirmer des détails souvent esthétiques (motifs de la façade, textures ou couleur) et c’est aussi un outil de confirmation technique pour des résolutions innovantes, réalisées en amont du chantier (résistance aux feux, évaluation de principes structurels, assemblages non référencés). Dans les deux usages, c’est rarement l’architecte qui réalise ces prototypes, ce sont des experts de la construction, des artisans, des entreprises spécialisés ou des ingénieurs. De nombreux ouvrages techniques comme les cahiers de la construction ou des articles de la revue le Moniteur, expliquent ces procédés réfléchis par des architectes et réalisés par des experts, dans des lieux dédiés aux expérimentations techniques. À partir de ce premier constat sur l’usage le plus répandu de l’expérimentation échelle 1:1, il encourage un résultat parfois singulier et innovant. L’architecte Renzo Piano, fut une des références majeures au cours de ces recherches, qualifié « d’architecte-constructeur » 8. La concrétisation de l’édifice est pour lui tous aussi important que sa conception. Nous pourrions citer l’exemple de la Maison Hermès à Tokyo, où sont réalisés des prototypes échelle 1:1 de la façade en brique de verre, que nous développerons plus tard dans ce mémoire.
8 "La méthode Piano", cité de l'architecture et du patrimoine, exposition, 2015.
On différencie deux types d’échantillonnage, le « pré-prototype » en lien avec la réflexion de l’architecte et celle des artisans en charge de sa mise en œuvre et le « prototype » qui est le modèle voué à être réalisé en série. Cette différenciation est exprimée dans le projet de la Maison hermès à Tokyo par Renzo Piano. Les ouvrages tels que la désobéissance de l’architecte de Renzo Piano ou Architecte et ingénieurs face au projet de Jean-Baptiste Marie ont appuyés ce premier constat. Ainsi, le travail de Renzo Piano ou celui de Peter Zumthor font écho à des processus expérimentaux et à une relation particulière à la matière, en lien avec mes recherches. Néanmoins, leurs travaux sont largement publiés et leurs projets sont, pour la plupart, de grande envergure. Ces références, bien que très enrichissantes, ne semblaient pas suffisamment proche des questionnements sur l’expérimentation échelle 1:1 comme appui à la réflexion liée à un rapport à la matière.
Les architectes peuvent-ils eux aussi créer des éléments échelle 1:1 ? C’est-àdire entrer en contact avec la matière, expérimenter par eux même les qualités symboliques de la matière et des matériaux à travers le toucher. D’autres références plus en lien avec ce rapport matériel ont appuyé mes recherches telles que La main qui pense de Pallasmaa Juhani ou Construire l’architecture du matériau brut à l’édifice sous la direction de Andrea Deplazes. Elles ont confirmé certaines hypothèses de recherche en lien avec le processus conceptuel de mes études de cas. L’ouvrage de Richard Sennett, Ce que sait la main, a lui aussi questionné ce rapport intime à la matière mais surtout celui des artisans et de leur travail singulier.
Ensuite, c’est aussi chez les étudiants en école d’architecture que le phénomène de l’expérimentation échelle 1:1 se développe énormément, il émerge notamment avec Rural Studio aux Etats-Unis et plus tardivement en Europe. Le festival Français Bellastock propose aux étudiants de réaliser une ville éphémère pendant une semaine avec des matériaux de réemploi ou des matières biosourcés. Ces premières expérimentations échelle réelle, peuvent être qualifiées comme une expérience et un premier regard sur la matière pour ces futurs architectes, souvent vectrice d’imaginaire. Enfin, il semblait aussi important de situer ces expérimentations dans son contexte législatif, au regard du processus de projet appliqué en marché public avec la loi MOP. De nombreuses références ont été appuyées par un ouvrage très complet, Profession Architecte sous la direction de Isabelle Chesneau. Ce fut une aide pour resituer mes études de cas dans un contexte professionnel concret et normé.
« La distinction entre les termes « concept », « processus » et « sytème » renvoie à l’interaction entre la conception intellectuelle, le déroulement de la construction et la structure du bâtiment, interaction qui joue un rôle déterminant dans la mise au point d’une solution constructive » 4
Toutes ces recherches ont aussi fait évoluer certains aspects du sujet, par exemple dans les études de cas présentées, elles n’ont pas toute réalisées leurs expérimentations échelle 1:1 avant le chantier, elles sont néanmoins un appui pour les architectes dans le processus de conception architectural. Les limites entre conception et construction sont très floues, il est donc difficile de définir une limite au sens stricte de l’étape conceptuelle, même si le but premier est de questionner l’expérimentation échelle 1:1 en amont de la construction architecturale.
Ce mémoire propose donc un regard sur l’expérimentation échelle 1:1 dans un rapport sensible à la matière et ses capacités, elle consiste à vérifier des hypothèses, reposant sur l’expérience et l’observation par le biais d’éléments concrets. Quels sont les enjeux de l’expérimentation échelle 1:1 dans le processus de conception architecturale ? Nous tenterons de savoir si l’expérimentation échelle réelle se détache de sa fonction commune de prototype et de vérification technique. En quoi permet-elle de valoriser des expérimentations matérielles dans le processus de conception et comment enrichit t’elle ce processus ? L’enjeu est de rattacher l’architecte à la concrétisation architecturale grâce aux expérimentations réalisées, la plupart en amont du chantier. Si ces expérimentations ne font pas partie des outils de conception indispensables à l’architecte, quelle est sa valeur ajoutée comparée aux autres outils de conception ? Les expérimentations échelle réelle pourraient permettre aux architectes d’être plus vite impliqués dans la concrétisation du projet et, peut-être, générer des architectures ancrées dans leur milieu, avec les matières et les savoirs faire disponibles sur un territoire. Cela implique aussi un dialogue avec les entreprises et les artisans en charge du projet, du moins avec le potentiel constructif du milieu. Alors, en quoi les expérimentations échelle 1:1 tentent-elles de relier les différentes étapes du processus architectural et d'intégrer la concrétisation dès la conception ? L’expérimentation échelle 1:1 pourrait aussi être un outil de communication avec les différents acteurs du projet, à la fois avec la maîtrise d’ouvrage et avec les entreprises ? Néanmoins, ce long processus semble peu valorisé par les architectes et difficile à réaliser. Doit-on alors encourager ce processus de conception marginal ?
9 DEPLAZES Andrea, ELSENER Christoph, Construire l’architecture du matériau brut à l’edifice, Birkhäuser, 2008.
Pour tenter de répondre à ces questionnements sur les possibilités de l’expérimentation échelle 1:1 intégrées au processus de conception, mes recherches se sont dirigées vers quatre études de cas d’agences d’architecture françaises. Ces recherches sont ciblées sur des architectes contemporains qui expérimentent à l’échelle réelle au cours du processus de conception. Parmi les études de cas, trois d’entre elles ont été développées plus largement, Atelier Ciguë, PNG architectes, et le collectif Studiolada. Elles ont toutes les trois un rapport assez différent à l’expérimentation échelle 1:1 dans leur processus de conception, selon les projets. En effet, ce processus d’expérimentation n’est pas toujours représentatif de tous les projets des agences d’architecture présentées. La dernière étude de cas, avec le projet de l’agence de Sonia Cortesse est un contreexemple, puisque le prototype échelle 1:1 est construit pour résoudre des attentes techniques. Tous les projets présentés sont de taille moyennes et effectués dans le cadre d’un marché public, sauf pour l’atelier Ciguë où la majorité de leurs projets sont des marchés privés.
Les architectes sélectionnés ont tous un rapport à l’expérimentation au sens large, c’est pour eux une partie de leur identité architecturale. Leurs projets, ainsi que leurs processus sont parfois peu étudiés même s’ils ont été récompensés et sont tous les trois lauréats du concours albums des jeunes architectes et paysagistes. De plus, c’est une réelle volonté de pouvoir échanger avec les architectes étudiés, les connaissances passent aussi par les échanges, ils ont parfois soulevé de nouveaux questionnements. Nous tenterons de répondre aux hypothèses précédentes énoncées par l’étude des processus de conception de ces quatre agences d’architecture françaises. L’agence d’architecture Ciguë, représentée par Hugo Hass, dans ce mémoire, travaille majoritairement sur des petits projets liés à la réhabilitation de locaux commerciaux. Ils ont la particularité d’avoir dans leur agence un atelier, dédié aux mises en œuvre de mobilier, aux assemblages de matériaux, et aux expérimentations matérielles. Nous nous intéresserons à leur processus en général plutôt qu’a un projet en particulier. PNG architectes, représentée par Grishka Martinetti, est une agence fondée par trois associés, très impliqués dans les questionnements de la matière dans le processus architectural. Pour tous leur projets, ils expérimentent des mises en œuvres le plus en lien avec leur concept initial. Ce n’est pas toujours avant le chantier qu’ils peuvent expérimenter à l’échelle 1:1, de nombreux facteurs, développés par la suite, ralentissent leurs processus. Le collectif Studiolada, représenté par Christophe Aubertin, se questionne beaucoup sur les savoirs-faire de leur territoire, les Vosges. Par leurs expérimentations, ils réinterrogent les capacités d’une matière représentative du milieu.
L’expérimentation présentée se rapproche d’un processus lié à une résolution technique, néanmoins le projet présenté soulèvera des qualités innovantes à ce processus. L’agence Sonia Cortesse, représentée par Sonia Cortesse, s’intéresse très rapidement aux thématiques environnementales dans l’architecture. L’expérimentation échelle 1:1 est liée à une volonté de faire un bâtiment isolé en paille. La mise en œuvre proposée n’est pas normalisée et doit répondre à une évaluation technique. Il aurait été enrichissant de mettre en corrélation davantage d’études de cas liées à ce processus singulier, afin de compléter les différentes possibilités des expérimentations échelle 1:1. Ou bien de rencontrer d’autres acteurs que les architectes, liés à ce processus d’expérimentation tels que la maîtrise d’ouvrage ou des artisans en charge de la construction. Néanmoins, peu d’architectes l’utilisent, nous verrons dans le développement du mémoire certains facteurs sources que cette pratique soit marginale. Les études de cas sont donc choisies par rapport à leur processus de conception lié à un ou plusieurs projets des agences d’architecture citées plus haut. Nous étudiions les enjeux de chaque expérimentation échelle 1:1 selon le type de projet, les acteurs liés et les ressources du territoire. Chacune d’entre elle est différente et opère un processus expérimental de différente manière. L’architecture des bâtiments liés aux expérimentations n’est pas questionnée au cours de ce mémoire, il s’agit de processus plutôt que de résultat. Dans le but de comprendre les enjeux de l’expérimentation échelle 1:1 dans le processus de conception architecturale et les divers questionnements liés à ces enjeux. Dans un premier temps, nous interrogerons le processus singulier de d’expérimentation échelle 1:1 lié à la matière. Cette première partie introduit le rôle de l’architecte dans ces expérimentations pour les trois études de cas majeures et leur relation entretenue au cours du processus avec les acteurs de la construction, les artisans et leur savoir-faire. Elle tentera aussi d'apporter des réponses aux questions suivantes : la relation sensorielle à la matière est-elle un appui de conception pour les architectes ? Les expérimentations échelle 1:1 interrogent-elles les capacités et les savoirs-faire des artisans et des entreprises de construction ? Dans un second temps, nous étudierons les possibilités de développer ce processus marginal. Il s’agira de comprendre le cadre législatif des processus de projet liées à la loi MOP, et comment ces expérimentations pourrait-être mieux intégrées et mieux réalisées par les architectes ? Certains lieux dédiés aux expérimentations sont il en mesure d’encourager les architectes à réaliser des expérimentations échelle 1:1 ? Enfin, nous conclurons sur les enjeux conceptuels apportés dans les processus de projets étudiés et le développement possible de ce processus d’expérimentation échelle 1:1 comme outil de conception.
I
FIG 1. «Top Real scale» Agence d’architecture Vardehaugen studio
Dans cette première partie, nous nous intéresserons à la relation des architectes avec la matière, de leur rapport sensoriel dans les expérimentations à l’échelle 1:1. Puis nous étudierons les relations des architectes avec les artisans et leurs savoirs-faire spécifiques en lien avec ces expérimentations. Nous tenterons, dans un premier temps, de porter un regard sur la sensibilité des architectes étudiés au cours processus de conception du projet architectural. En quoi ce processus peut-il être qualifié de singulier ? À la fois dans sa relation à la matière et dans la relation avec les artisans et leurs savoirs-faire particuliers.
« C’est une séparation très nette entre les phases de la conception et de la réalisation. Il y ’a comme un mur entre les deux: la seule chose qui peut passer entre les deux, c’est le cahier des charges lié au plan et au métré » 10
Michel Ghyoodt questionne ici l’instabilité du processus de projet actuel dans ses deux grandes étapes et le manque de communication entre les acteurs des différentes phases, souvent néfastes pour l’intégralité des acteurs. Suite à la définition précédente du métier d’architecte, on comprend son rôle à la fois dans le processus conceptuel et dans celui d’exécution du projet, c’est-à-dire pendant le chantier. Alors, l’architecte peut-il réconcilier ces phases de projet et les acteurs liés à celles-ci par un processus de conception plus expérimental ? L’intégration d’expérimentation échelle réelle dès la phase de conception permet-elle de renouer ces deux phases ?
Cette compréhension passe aussi par le ‘‘faire’’ de l’architecte. L’architecte n’a pas pour rôle majeur d’être un constructeur, mais il est à même de s’interroger sur des mises en œuvres, parfois, en les testant lui-même avec des expérimentations matérielles. Ici, la proposition est de confronter l’expérimentation échelle 1:1 comme un outil de conception dans le but de mettre à profit ces deux qualités de l’architecte, celle de la conception et celle de la réalisation.
Trois ateliers d’architecture, Cigue, Png architectes et Studiolada ferrons figure d’étude de cas majeures au cours de cette première partie. Il est important de remettre en contexte ces propositions d’expérimentations, et ces processus singuliers face à un contexte de standardisation des savoirs faire. Quels sont les enjeux de valorisation de la matière par le biais de l’expérimentation échelle 1:1 dans le processus de conception architectural ? Et comment elle tente de renouer avec les savoirs faire des artisans, des entreprises et avec les matériaux disponibles sur un territoire donné ?
10 GHYOODT Michael, cité dans le mémoire étudiant de Wettstein Manon, « mutation du métier de l’architecte », 2015.