« Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver » Ré-appropriation personnelle de l’espace pour échanger, transmettre et inscrire.
tome trois : hypothèse de réponse finale Projet de fin d’études, 2015 - 1017 Marion Poujade Mastère Design Global Recherche et Innovation Spécialité Design Graphique Ecole de Condé, Lyon
Professeurs référents : Roxane Andrès Thomas Balmer
Remerciements
Je remercie Roxanne Andrès, designer et Docteur en design, qui m’a accompagnée tout au long de cette année, et dont la sensibilité et les conseils m’ont permis d’élaborer mon projet avec passion et curiosité. Je la remercie pour son implication dans le suivi de ce mémoire, pour le temps qu’elle a su m’accorder, et les connaissances qu’elle m’a transmises. Je remercie aussi Thomas Balmer, designer graphique à Guerrilla Grafik, bien qu’arrivé en cours de route, il a su apporter un regard nouveau sur mon travail. Merci tout particulièrement à Pierre Matras, enseignant à l’Ecole de Condé, et mon professeur depuis quatre ans, pour m’avoir fait découvrir le métier de designer graphique, pour m’avoir encouragée à aller jusqu’au bout de mes envies, et pour avoir eu confiance en moi. Enfin, je remercie Olivier Davenas, mon professeur de Philosophie, de m’avoir accordé un temps d’échange sur mon travail, et d’avoir enrichi ma réflexion sur le métier de designer graphique tout au long de l’année à travers ses cours.
Pour cette étape de mon projet, je souhaite aussi remercier mes proches, sans qui ce projet n’aurait peut-être pas pu faire surface : Tout d’abord ma mère, Violaine Autran, qui m’a largement soutenue, aidée et rassurée durant toute ma recherche. Yann Gilberton, menuisier, qui m’a accompagnée, conseillée et supervisée dans la réalisation de mon dispositif final. Enfin, Thibault Made, Lucie Barbosa, Tatiana Ruiz, Sixtine Duhaut et Léon Pignon-Mûr, qui ont participé et photographié mes récoltes et échanges urbains lors de la première partie de ce dernier tome.
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Sommaire
p.04 - Introduction : état des lieux des tomes un et deux p.06 - Projet social design : une méthodologie participative p.10 - Contexte d’application : Le Pont du Las, Toulon p.22 - 01 : Enquête et premières récoltes > quartier du Pont du Las 01 : construction de premiers outils 02 : à la rencontre des habitants p.48 - 02 : La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines 01 : le dispositif et ses modules - recherches de formes - plans et schémas de construction 02 : l’identité visuelle de la Fabrique - recherches graphiques - finalisation, charte graphique 03 : hypothèse de réponse finale - mise en situation (photographies) - détails des différents modules (photographies) p.112 - 03 : « Dialogue de rue », édition retour 01 : « archivage des paroles », micro-édition 02 : intervention urbaine p.124 - Conclusion p.128 - Bibliographie et sitographie
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Introduction
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
« Façonner des espaces à rêver » ; Nous l’avons vu au cours de cette recherche, en tant que designer graphique, notre rôle est de penser et proposer des outils pour appréhender le quotidien de manière personnelle, active mais aussi collective. Cette démarche invite à se questionner sur un point de vue, une vision, pour ensuite la confronter à d’autres, et petit à petit construire un discours, une image identitaire d’un groupe de personnes. Cette histoire collective qui se construit permet de re-tisser les liens entre des individus, elle rend possible l’expression, l’échange, le partage, la créativité, et inscrit dans le temps une mémoire d’un territoire et de ses acteurs, que le design graphique peut rendre visible. Le rêve se définit alors par la liberté d’expression que propose le designer, par ses outils et ses techniques, et qui permet aux individus de laisser une trace, une empreinte de leur(s) histoire(s) au sein d’un lieu dans lequel ils évoluent, ce qui participe à les rendre acteurs et façonneurs d’un quotidien à la fois intime et partagé. Cette recherche s’ancre dans l’espace public urbain, et plus précisément la notion de quartier, car comme nous l’avons vu au cours des tomes précédents, le quartier est un territoire mouvant qui regroupe un ensemble de personnes qui cohabitent et partagent les mêmes espaces, qui se croisent, et parfois se rencontrent, et qui ont pour la plupart, souvent besoin d’échanger, de raconter, ou d’écouter. Nous l’avons vu à la fin de mon tome deux, le quartier présente aussi souvent des limites ou des frontières qui isolent des espaces et leurs habitants. En tant que designer graphique, ces zones délaissées m’interpellent car elles présentent des situations sociales sensibles dans lesquelles je pense pouvoir intervenir, non pas pour révolutionner l’ensemble, mais pour y apporter ma sensibilité, mes outils, et peutêtre donner un élan, même minime à des personnes qui ont besoin que l’on s’intéresse à leurs émotions, à leurs ressentis et à leurs histoires. Cette intention a aussi pour objectif de modifier les regards extérieurs portés sur ces territoires « sensibles », en essayant de re-créer du lien à travers les frontières invisibles établies.
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Dans ce dernier tome, je vais tenter d’appliquer ma recherche à une situation réelle, et j’ai choisi comme ville d’implantation Toulon, située dans le sud de la France. J’ai grandi dans un village juste à côté de Toulon, et j’ai donc pendant longtemps parcouru la « ville du sud » avant de partir faire mes études à Lyon. Toulon a mauvaise réputation, je l’avais perçu en y habitant, je l’ai compris en la quittant, et pourtant, Toulon, comme je pense de nombreuses villes, regorge de charmes, d’histoires et d’anecdotes à découvrir, encore faut-il lui porter le bon regard. Cette ville offre des quartiers très différents, comme nous le verrons plus tard, et après une étude du territoire, j’ai choisi de poursuivre mon projet dans le quartier du Pont du Las, situé dans Toulon Ouest, un quartier populaire que nous allons découvrir.
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Projet social design : une méthodologie participative Mon projet s’ancre dans un mouvement qui se développe de plus en plus aujourd’hui, centré sur l’implication citoyenne dans la transformation et la « fabrication » urbaine. C’est un projet de design engagé, social, qui répond à une nouvelle manière d’aborder l’action publique, de manière plus horizontale, en considérant et en pensant les espaces de vie (tels que le quartier, la rue) à l’échelle des Hommes. Ce type de démarche s’attache à remettre le dialogue au centre de l’espace quotidien et de ses habitants, afin d’encourager les initiatives spontanées dans l’espace public, de favoriser les espaces de rencontres, de faire se croiser les regards, de libérer l’expression et le débat, d’amener de nouvelles interactions sociales, et visuelles. Comme le sont la plupart de ces initiatives, mon projet serait commandité par des territoires, et porté par différents acteurs tels que des designers, mais aussi des urbanistes, architectes, sociologues ou associations, mettant en place un travail collectif et pluridisciplinaire, avec une méthodologie participative. Pour ce projet, je me suis intéressée et rattachée à la Plateforme Socialdesign, qui recense de nombreux projets d’innovation sociale et culturelle, répondant au besoin actuel de « penser et construire les conditions du vivre ensemble », et qui pourrait soutenir ma démarche. Cette manière de concevoir un projet amène à créer des collaborations entre les habitants d’un quartier, et avec des professionnels ou des experts extérieurs, ce qui modifie la méthodologie classique d’un projet urbain, et donne lieu à des réponses qui découlent de situations spécifiques, identitaires d’un lieu et de ses acteurs. En faisant se croiser les pratiques professionnelles, en intégrant les acteurs des espaces de vie, et en interrogeant les ressources et les initiatives locales, les projet de social design établissent un nouveau cadre de dialogue et de vie sociale au sein d’un territoire défini.
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« Le design social est un vecteur de transformation sociale, écologique et culturelle. Les dispositifs mis en place par ses concepteurs permettent aux habitants de prendre part à la fabrication de la ville, de la société et de leur environnement direct. En ce sens ce sont des espaces critiques concrets où le designer doit permettre de repenser la transformation des espaces et des objets eux même et les usages afférents. » « Manifeste » Plateforme Socialdesign ( initiative d’acteurs de la société civile, designers, architectes, responsables culturels, associatifs, etc. )
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Projet social design : une méthodologie participative
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
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« Les Tables de Quartiers » Les tables de concertation de quartier, à Montréal, ont pour objectif de « contribuer à l’amélioration des conditions et du cadre de vie des populations locales ». Les acteurs de ces tables (organismes communautaires, institutions, milieu culturel, milieu des affaires, et, surtout, citoyens et citoyennes) établissent un portrait du quartier puis organisent différentes consultations de la population afin de connaître les préoccupations locales, à l’aide de différents outils de médiation. Ils déterminent ensuite des priorités d’action pour le quartier.
Dans le déroulement de ce type d’initiatives, la notion de temporalité est importante, car la démarche, pour être reconnue et intégrée par les habitants, doit s’étendre dans le temps, en respectant différents rythmes : par les questions ou les idées qui sont soulevées, par les relations qui se créent, le projet s’installe dans l’espace et dans le temps, et donne forme à une mémoire visuelle et relationnelle du lieu et de ses habitants. Selon l’objectif du projet, ou la demande, les actions peuvent s’étaler sur une très longue durée. Alternant avec des phases d’ateliers ou de discussions plus ponctuels, tout en continuant à développer le dialogue collectif (la parole d’un territoire), le projet fait petit à petit éclore les idées, les envies, ou les rêves. C’est un processus de projet évolutif, où le court terme et le le long terme sont complémentaires, car permettent de rythmer une démarche à la fois individuelle et collective, en re-questionnant sans cesse les différentes actions qui se développent. Les projets de social design sont donc découpés en différentes phases, qui regroupent différents acteurs. En tant que designer graphique, mon rôle dans la conduite collaborative d’un projet comme celui-ci, est de penser des outils graphiques d’expression, qui permettent de rendre visibles et lisibles des mots, des pensées ou des ressentis. Comme nous l’avons vu tout au long de mon tome deux, les outils ne racontent pas la même choses, par les gestes qu’ils induisent ou par les traces qu’ils inscrivent. Pour chacune de ses situations, le designer pense et conçoit des outils accessibles aux acteurs de la recherche et de l’expérience.
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Le projet : démarche, objectifs
La conclusion de mon tome deux annonçait le travail autour de la mise en place d’une mémoire de quartier, participant en quelque sorte à une reconquête active du territoire. Par cette démarche, je souhaite concevoir un outil qui rendrait les habitants acteurs de leurs espaces de vie, en les incitant à s’exprimer, à se positionner, à se questionner sur leur environnement, à partager leurs connaissances et leurs histoires. Les objectifs de mon projet sont de favoriser l’émancipation et l’autonomie des habitants, développer leur imaginaire et leur créativité, pour créer un cadre social nouveau, et porteur. Les notions de mémoire et de reconquête active d’un territoire m’ont renvoyé à la notion de chantier et donc du quartier en chantier : ce mot fait référence à une fouille au travers des récits individuels et collectifs, à une plongée dans l’histoire d’un lieu, pour y construire quelque chose ensemble, petit à petit. En me situant dans la première phase du projet, mon rôle de designer graphique, est de mettre en place une récolte de témoignages d’habitants du quartier, pour construire un paysage sensible de ce territoire et en faire ressortir les singularités. Pour ce projet, mon travail sera de penser une boîte à outils de récoltes de paroles urbaines, « mobile », qui peut s’implanter au sein de différents territoires, et permet de construire un nuancier de paroles identitaires d’un lieu. Dans un deuxième temps, la mise en pratique de cet outil dans un lieu défini, ici, le quartier du Pont du Las, me permettra de proposer une hypothèse de réponse graphique à l’analyse de la récolte. Ce deuxième temps participera à illustrer les possibilités des étapes «ponctuelles», à court terme, du projet et amènera à une production graphique qui découle de la démarche, afin d’archiver et « protéger » l’aventure graphique, et humaine.
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Contexte d’application : Le Pont du Las, Toulon
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> Historique et prĂŠsentation de la ville et du quartier choisi
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Contexte d’application : le Pont du Las, Toulon
Historique et présentation de la ville et du quartier choisi
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Toulon : présentation et petite histoire
Toulon est une ville de plus de six cent mille habitants dont environ quinze mille étudiants, située dans le sud de la France, au centre de la région Provence Alpes Côtes d’Azur, dans le département du Var. Elle est la dixième agglomération française, et compte douze communes. Délimitée d’un côté par la mer, de l’autre côté par les montagnes, elle accueille le premier port militaire de France et d’Europe et on l’a qualifie de « plus belle rade de la Méditerranée ». La ville aux trois cents jours de soleil par an tient son origine d’un coquillage appelé le « murex », qui à l’époque fut récolté par les romains qui s’y installèrent afin d’en faire une teinture pourpre une fois écrasé. Au Moyen-Âge, la ville a vu apparaître des remparts de protection, dont il nous reste encore quelques morceaux, bien que la moitié de la ville ai été détruite durant la Deuxième Guerre Mondiale. Avec son port militaire, Toulon est connu pour être « la ville des cols bleus et des pompons rouges », les rues de la basseville (vieille ville) sont typiques des villes de bord de mer au Sud de la France, petites et étroites, jamais vraiment droites, et plutôt sombres. Ce centre ville ancien est souvent cité dans l’image que l’on a de Toulon, une image souvent mauvaise, dont Toulon a souffert longtemps et souffre encore aujourd’hui. La ville a traversé différentes périodes qui ont a chaque fois un peu abîmé sa réputation : les marins qui faisaient escale au port avaient pour habitudes de traîner dans les petites ruelles, à la recherche de différentes sources de plaisir, ces mêmes rues qualifiées de « coupe-gorge », et qu’il vallait mieux éviter de traverser. Avec la guerre d’Algérie, Toulon a aussi accueilli de nombreux pieds-noirs, considérés comme des « mal-aimés » par de nombreuses personnes et qui ont contribué à construire une image négative de la ville. Toulon est souvent considéré comme la ville qui « est passé à côté de tout », une suite de mauvais choix qui ont dans un sens détruit le paysage urbain, et l’image extérieure de la ville, pourtant située dans le premier département touristique de France.
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Contexte d’application : le Pont du Las, Toulon
Historique et présentation de la ville et du quartier choisi
Récemment, Toulon a débuté un gros projet de territoire comprenant onze opérations majeures, afin de modifier le paysage économique et urbain de la ville. Les travaux de la zone franche urbaine se sont terminés en grande partie cet été, et le centre ville a vu éclore un nouveau quartier des créateurs et des jeunes entreprises, un quartier centré autour de l’innovation, de la création et des technologies. Les anciennes ruelles sombres et inquiétantes ont laissé place à de nombreuses galeries d’art, bars, restaurants, petits créateurs, ou encore espaces de co-working. Un peu plus loin, mais toujours situé dans la partie sud de la ville, un autre chantier s’est mis en place sur le site d’un ancien hôpital, qui prévoit pour 2019 un quartier de la connaissance et de la créativité, proposant une médiathèque, l’école d’art et de design de Toulon, un incubateur pépinière d’entreprises et l’école de commerce Kedge. L’objectif de ce grand projet est de construire une identité tournée vers le développement des nouvelles technologies, et cela, en plein coeur de la ville. Toulon se veut donc être une « métropole d’avenir », et tente de s’éloigner des idées construites sur son accueil et ses territoires. Etant de la région Toulonnaise, j’ai pu voir les changements urbanistiques et autres, au fur et à mesure des années, et le rafraichissement du centre ville a été, je crois, très bienvenu pour la plupart des habitants. Ré-investir l’espace urbain du centre ville par l’art, que l’on aperçoit maintenant exposé sur les façades, ou prendre formes dans les ruelles, a complètement modifié la vision que l’on peut avoir de cette zone, et a permis de redynamiser ce quartier qui, cet été par exemple, a été un lieu important des festivités toulonnaises. Cependant, il existe de nombreuses zones urbaines délaissées à Toulon, où les fameux « mauvais choix » continuent d’installer une image et une ambiance négative de la ville. Ces zones concernent pour la plupart les quartiers priporitaires de Toulon, qui bien que parfois très dynamiques, s’imposent comme des « tâches » dans le paysage urbain, et restent exclues des nouvelles transformations.
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Historique et présentation de la ville et du quartier choisi
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Contexte d’application : le Pont du Las, Toulon
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Reportage photographique de la ville de Toulon : - page de gauche : la rade toulonnaise, l’art dans le centre-ville - page de droite : les rues typiques du centre-ville
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Contexte d’application : le Pont du Las, Toulon
Historique et présentation de la ville et du quartier choisi
Le Pont du Las, un quartier de Toulon
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Le Pont du Las est un quartier situé dans l’Ouest de Toulon, cité comme « un petit village dans la ville ». Son nom vient du petit pont qui enjambait la rivière du Las, et qui permettait de rejoindre le hameau et ses jardins maraîchers. Beaucoup d’ouvriers s’y installent au XIXe siècle avec le développement de l’industrie locale et de l’arsenal, et apparaissent ensuite de plus en plus de commerces regroupés dans le sud du quartier. Les conditions de vie étaient plutôt misérables, faisant du territoire un quartier plutôt défavorisé, « sale », et mal perçu. Cette image a perduré, mais semble s’être en partie nuancée au fil du temps. Aujourd’hui, le Pont du Las est un quartier populaire, cosmopolite, au sein duquel règnent différentes « ambiances », différents rythmes. Il fait partie des quartiers prioritaires de Toulon. Le sud du quartier a conservé de nombreux commerces, tous regoupés autour de l’axe principal qui traverse le quartier, Le Boulevard du XVe Corps. Les enseignes nous donnent des indices sur les différentes cultures qui s’offrent à nous , et qui dynamisent cette partie du territoire. On y trouve aussi la place de l’Eglise (place Justin Bidoure), sur laquelle a lieu le deuxième marché de Toulon, chaque matin de la semaine excepté le lundi et qui retrouve sa fonction de « places de parking » à partir de 13h. Un peu plus loin une deuxième petite place longe le boulevard, et accueille les joueurs de pétanque du quartier, et un peu avant on trouve la médiathèque du Pont du Las. En remontant au nord du quartier on découvre une partie beaucoup plus résidentielle, avec des écoles ou des maternelles, quelques commerces (boulangeries, pharmacie), et qui se termine par le Parc des Oiseaux, et la cité HLM Rodheillac. Le centre social de Toulon Ouest se situe aussi dans cette partie du quartier. Le Pont du Las est donc à première vue, un quartier qui rassemble différents groupes de personnes, et qui met à disposition des espaces urbains à la fois dynamiques, et à l’inverse parfois très isolés.
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Dans la partie qui va suivre, je suis partie à la découverte du quartier de manière plus sensible, en traversant les différents espaces du quartier, puis en récoltant les paroles des habitants que j’ai rencontré, afin de pouvoir construire une image, un paysage verbal du territoire qui se veut identitaire car établit par ses acteurs. Cette phase d’enquête et de récolte est importante pour la suite de mon projet, car elle me permet tout d’abord d’établir un contact avec les personnes qui vivent et cohabitent dans l’espace que j’ai choisi et au sein duquel je souhaite travailler, puis elle me permet de creuser les idées, les ressentis, ou les vérités sur ces espaces afin d’avoir pour ciment des paroles qui sont réellement implantées dans le quartier, et donc qui représentent le territoire et ses acteurs.
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Historique et présentation de la ville et du quartier choisi
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Contexte d’application : le Pont du Las, Toulon
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Reportage photographique du quartier du Pont du Las : - page de gauche : le petit pont, la cité HLM Rodeilhac, et le Boulevard du XVème Corps (axe principal) - page de droite : la cité HLM Rodeilhac, la place du marché et de l’Eglise
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
01 : enquête et premières récoltes quartier du Pont du Las
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> 01 : construction de premiers outils > 02 : Ă la rencontre des habitants
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1. Enquête et premières récoltes
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« Quelle place pour le sociologue ? »
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Dossier : Quelles formations pour quels métiers ?, Revue Urbanisme, n°398, novembre 2015
En prenant le quartier du Pont du Las comme point d’attache et d’expérimentation, ce premier chapitre est une exploration suivie d’une hypothèse de réponse possible pour le développement d’une boîte à outils de récolte de témoignages urbains. La boîte à outil, telle que je l’imagine, permet une médiation entre les habitants d’un quartier, l’environnement et les possibles transformations urbaines de ces espaces. En récoltant sur une durée définie un certain nombre de témoignages, elle permet d’étudier différents points identitaires d’un territoire, tout en gardant un cadre de recherche plus ou moins fixe. Cet outil se veut être sans filtre, il a pour objectif d’interpeller les regards, de questionner les habitants sur leur manière de vivre, sur la façon d’appréhender leurs lieux de vie, sur les usages, afin de construire un paysage identitaire du territoire, en faisant se rencontrer ressentis individuels et désir collectif. Comme nous l’avons vu précédemment, mon projet serait porté par un certain nombre d’acteurs et aurait la possibilité de s’étendre dans le temps. Cette étape de conception sur un « outil de rue » pourrait se connecter directement au travail des sociologues dans la réalisation de projets urbains. Dans ce type de démarche, le sociologue veille « à la prise en compte du vécu du quartier, et des aspirations des habitants dans le projet urbain ». Il mène un travail de recueil de données et d’écoute des acteurs impliqués dans le projet pour ensuite interpréter le discours et révéler les points importants à prendre en compte dans l’évolution du lieu. Mon outil pourrait donc être proposé aux sociologues comme un support de leur enquête, et offrirait un objet graphique, visuellement identifiable, et ajustable aux différents chantiers.
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« Comment le design graphique participe-t-il à l’élaboration d’un regard poétique sur le quotidien ? » problématique, tome un et deux
La récolte de témoignages urbains est donc une manière de rendre acteurs les habitants du quartier, en les faisant participer à la transformation de leurs lieux de vie et en investissant l’espace public. Ces récoltes peuvent s’inscrire dans différentes phases de la fabrique de la ville, en s’intégrant par exemple en amont d’un projet de grande ampleur visant à transformer le paysage urbain (long terme), ou bien, en participant à la vie quotidienne, comme un outil de dialogue entre habitants, en proposant un espace de rencontre, d’échange, et de discussion. A l’échelle de la vie quotidienne, cet outil peut servir à révéler des envies, ou des difficultés, de manière spontanée, et donc amener à l’organisation d’une solution (réponse), par des acteurs du territoire (associations, professionnels, habitants). Cette première partie est une enquête auprès des habitants, accompagnée de premiers outils de récoltes, afin de « prendre la température » du territoire. Elle me permettra d’analyser des possibles besoins, des thématiques, qui seront essentielles au dispositif de récoltes final développé en deuxième partie. Nous verrons dans la troisième etdernière partie de ce tome, de quelle manière les paroles rapportées peuvent devenir un support d’interventions urbaines, permettant de questionner la notion de quartier, et du vivre ensemble.
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1. Enquête et premières récoltes
Quartier du Pont du Las 01 : construction de premiers outils
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Phase 01 : construction de premiers outils L’objectif de cette étape du projet est d’aller sur le terrain, à la rencontre des habitants, afin de réaliser une « fouille active » des histoires ou des pensées présentes sur le territoire. Il s’agit de comprendre comment fonctionnent les individus au sein des différents espaces, qui sont-ils, quelles relations entretiennent-ils les uns aux autres et avec leur environnement, comment le quartier se définit-il, existet-il des zones isolées qui mériteraient d’être interrogées, etc. Cette enquête me permet aussi d’étudier ce que le dispositif doit proposer dans ses interactions avec les habitants du quartier : que faut-il demander, à qui, comment ? Cette première étape me permettra d’apporter des réponses à ces questions et de définir un cadre de réflexion pour la conception de mon dispositif. Pour cela, j’ai imaginé un système de mini atelier mobile, participatif, avec lequel je pourrai m’implanter pendant un instant dans différents points clefs du quartier. J’ai conçu différents outils de récolte de paroles urbaines, pour récupérer et archiver des histoires ou des ressentis d’habitants du quartier du Pont du Las. Ces outils d’expression permettent d’ouvrir un dialogue entre le designer graphique et l’habitant, ils permettent d’expliquer le projet, la démarche, ils sont aussi identifiables, et permettent au designer d’être possiblement reconnu lors de la phase de récolte. L’atelier invite l’habitant à raconter, écrire, se confier, jouer et rencontrer. L’atelier mobile de récolte invite le passant à débattre autour de trois thématiques : le souvenir (l’histoire), l’idée (transformation), et le rêve (imaginaire). A travers ces trois notions, une discussion s’ouvre entre le designer graphique et l’habitant, parfois rejoint par d’autres passants. L’atelier fonctionne sur un schéma plutôt narratif, où au fil de la discussion et des histoires racontées, le participant est invité à réaliser différentes petites actions, accompagné par le designer graphique.
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Quartier du Pont du Las 01 : construction de premiers outils
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
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A chaque thématique correspond une couleur. Pour commencer le passant prend un papier coloré, afin d’y noter (ou de faire noter par le designer si besoin) son souvenir, ou son rêve, etc. Il y note aussi un chiffre, annoncé par le designer, qui indique sa position de participant (un pour le premier passant, deux pour le deuxième, etc.) Une fois les messages inscrits, il note son chiffre sur chaque drapeau coloré, et poste les premiers petits papiers dans la boîte. Chaque participant est libre d’écrire anonymement ou non sur son papier, comme il est libre de le faire lire ou non avant de le poster. La boîte au lettre possède une petite porte sur le côté, qui permet de récupérer facilement les papiers. Une fois les papiers mis dans la boîte, le participant doit planter ses petits drapeaux sur la map, aux endroits où se situent les lieux dont il parle dans son souvenir, son rêve, ou son idée. L’inscription des chiffres permet de faire le lien entre la phrase écrite, et le lieu qui lui est attribué, et rattache les paroles dans les espaces réels du quartiers. Cette étape de l’atelier permet de créer une cartographie sensible du quartier, à travers les paroles des acteurs du lieu, de leurs histoires, de leurs habitudes, ou des envies qui les habitent. Ensuite, une deuxième étape est proposée à ceux qui souhaitent ou peuvent prolonger le temps de l’atelier : à l’aide de tampons typographiques et de pancartes en carton conçus par le designer graphique, le passant peut choisir l’une de ses phrases (rêve, souvenir ou idée) et l’inscrire sur un format plus grand pour ensuite l’accrocher à l’endroit qu’il souhaite dans le paysage urbain.
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Quartier du Pont du Las 01 : construction de premiers outils
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
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Je note mon numéro sur un drapeau
J’écris mon souvenir (avec mon numéro)
Je poste mon souvenir Je plante mon drapeau à l’endroit où s’ancre mon souvenir
Je recopie mon texte sur une pancarte J’accroche la pancarte dans l’espace public
Schéma d’utilisation
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1. Enquête et premières récoltes
Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Phase 02 : à la rencontre des habitants Journal de bord : trois jours d’enquête et d’échanges Lieux d’implantation de l’atelier : Place du marché, Place du jeu de boules, Parc des Oiseaux, cité HLM Rodheillac L’atelier s’est déplacé à travers quatre lieux sélectionnés en amont, qui ont chacun apporté un public singulier, avec qui j’ai pu échanger des histoires sur le quartier. Sur le déroulement de l’atelier, j’ai noté que les passants ne s’approchent pas toujours facilement de moi, mais bien souvent, un « bonjour » et une invitation à discuter ravivent la curiosité et amènent le passant à participer. On note donc l’envie et le besoin de s’exprimer, de partager sur un vécu, sur l’environnement quotidien si on y est invité. La première récolte (partie sud du quartier) fait ressortir une difficulté de communication entre les habitants : le quartier semble divisé en deux entre le sud, nostalgique de son passé provençal et de ce qu’il en reste, et le nord, pointé du doigt à cause de la cité HLM Rodheillac, un territoire « dangereux », où « il ne faut pas aller », et où « la police ne fait rien ». Malgré les commentaires sur certaines populations du quartier, je suis surprise de voir que l’atelier permet de mélanger les passants, qu’ils s’autorisent des discussions, des débats, et que petit à petit le groupe s’agrandit et invite de nouveaux curieux. Les passants relèvent et soutiennent la démarche, ils sont contents, ils trouvent ça positif et nous confient qu’ils aimeraient que ça arrive plus souvent, que ça continue. Certains reviennent, accompagnés d’amis, de frères ou soeurs, on est de passage, ou l’on reste discuter un moment. Plusieurs fois on me demande si je vais revenir.
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ÂŤ La provence a disparu ! Climat, violence... Plus personne ne se parle ! Âť
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Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
« Oui c’est calme, mais il y a trop de mélanges, il se passe trop de choses. La police on la voit jamais. »
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
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« C’est un endroit populaire, où il y a encore des mélanges, et c’est chouette. Certes, ça manque un peu de vie ! »
« A Rodheillac il y a des jeunes payés par les dealers pour prévenir quand la police arrive. Ils font des cris de prisonniers. »
« Le quartier se meurt. Le marchand d’oeufs ne passe même plus, j’aimerai retrouver mon quartier provençal..»
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1. Enquête et premières récoltes
Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
« J’aimerai que le quartier soit plus propre, c’est sale. »
«Dans l’immeuble il n’y a que 3 étages et on s’entend tous bien, on se dit bonjour tous les jours ! »
« Il faudrait des lieux d’activités pour les enfants, mais en dehors du centre-ville ! »
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
La suite de la récolte ( toujours dans la partie sud ) a nuancé les premiers propos, entre autres sur la réputation extérieure de cette cité HLM. Finalement, cette zone ne semble pas si dangereuse, et surtout, on me soutient que les habitants « là-bas » seraient certainement très intéressés par le projet et l’atelier. L’atelier poursuit donc sa route dans la partie nord du quartier, et s’installe dans le parc. Ici, ce sont surtout des enfants que l’on rencontre, intrigués par cette installation. Avec eux, les échanges sont différents mais leur curiosité et leurs questions enrichissent ma réflexion. Petit à petit, les parents les rejoignent et félicitent la démarche, en me confiant que c’est « chouette », des petits ateliers ponctuels, que ça favorise le vivre ensemble, et que c’est bien aussi pour dynamiser le quartier. Dernière étape pour l’atelier mobile, la cité HLM Rodheillac, à côté du parc. La table est installée dans l’espace aux pieds des tours, là où les habitants se retrouvent. Très vite on vient nous voir, et à nouveau les échanges se font. Je note une différence entre ce lieu de récolte et les autres, ici, les gens ont beaucoup de choses à dire, certains sont en colère, d’autres sont tristes, certains très heureux, mais en tout cas, ils s’expriment, et me raconte « tout ».
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« Rajouter une salle de jeu ! Et un terrain de football. »
« Ils ont remplacé les jeux d’enfants par des cabanes pour les excréments des chiens.»
« Je me souviens de la fusillade en 2000 au Bar Mireille. »
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Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
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Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
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Que fait ressortir ce premier sondage du territoire ? Les discussions ont soulevé des souvenirs, des attaches au quartier, elles m’ont permis d’identifier les lieux traversés, ceux qui ont une importance dans la mémoire des habitants, ceux que l’on a oublié ou ceux que l’on met de côté volontairement. Elles m’ont aussi aidé à comprendre qui sont les personnes qui vivent ici, quelles sont leurs envies, qu’est-ce qui les dérange, quelles sont les relations entretenues entre eux et avec l’environnement, quelles possibles difficultés sont exprimées, etc. A la lecture des paroles récoltées, ce premier sondage me permet de mettre en évidence une notion abordée dans ma recherche et que l’on retrouve dans ce quartier : la frontière. Le découpage nord-sud du quartier s’est ressenti lors des échanges avec les passants, il existe ici un dialogue impossible entre deux zones d’un même « territoire », qui amène à l’isolement d’une partie du quartier. Toutefois, certaines paroles viennent traverser cette idée de frontière, et montrent qu’il existe certainement des points de convergences entre des personnes différentes. Cette frontière est-elle bien réelle ? Ou bien est-ce qu’elle est simplement « installée dans les esprits », et pourrait se révéler poreuse ?
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1. Enquête et premières récoltes
Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
« Je me souviens du marché provençal, il était grand, il y avait l’accent, et beaucoup beaucoup de marchands ! »
« On vit trop dans le virtuel. J’aimerai que les gens soient plus solidaires. »
« Il faudrait une maison de quartier, aider les personnes âgées ou celles qui ne parlent pas français.. »
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« Là où je vis on peut mourir... Je suis restée 4 mois « Faire des travaux à l’hôpital, et pas pour améliorer la un voisin n’est citée, et remettre venu toquer. les jeux pour »les
« Faire des travaux pour améliorer la cité, et remettre les jeux pour les enfants. »
enfants. »
« Mon rêve ce serait un grand parc beau, avec des fontaines. De l’oxygène. »
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1. Enquête et premières récoltes
Quartier du Pont du Las 02 : à la rencontre des habitants
Déceler les éventuelles frontières, en révéler la nature. Le quartier du Pont du Las illustre un contexte urbain à travers la notion de frontière que l’on retrouve ailleurs, souvent. Cette notion est transversale, elle est présente à tout niveau dans des territoires autres. Qu’elle se dessine à travers des groupes ethniques, sociaux, culturels ou autres, elle est souvent considérée comme un problème, par les personnes concernées, ou extérieures. Mais qu’elle soit fantasmée, ou symbolique, la frontière ne semble pas toujours complètement hermétique : à l’échelle du quartier, même s’il existe une « séparation » physique, ou psychologique, les acteurs du territoire partagent certainement des besoins, des envies ou des désirs qui sont les mêmes, créant des points de convergence qui « relient » un côté et l’autre. Le besoin de dire, de s’exprimer, qu’ont traduit les habitants du Pont du Las est un besoin que l’on retrouve aussi ailleurs, et dans chaque individu. Et ce besoin de s’exprimer dans l’espace public, d’échanger avec les autres, de partager des espaces, des moments, concerne tout le monde, peu importe le groupe ou le territoire auquel il appartient.
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Comme nous l’avons vu un peu avant, ma recherche d’un dispositif de récolte de paroles urbaines est une manière de rendre acteurs les habitants d’un quartier, de manière individuelle et collective. Ces outils de récolte permettent d’archiver des avis, souvenirs ou ressentis d’habitants sur leurs espaces de vie, et façonnent des projets possibles, ou chacun peut s’exprimer et participer. Le dispositif que je vais développer devra donc prendre en compte cette notion de frontière poreuse, de manière à être accessible à tous, et tenter de créer des passerelles, entre les individus. Il participera à déceler ces possibles frontières, tout en façonnant dans l’espace public, un « espace des communs », permettant de faire émerger des similitudes, un espace propice à la rencontre, à l’échange, à l’expression et aux projets.
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
02 : La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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> 01 : le dispositif et ses modules > 02 : identité visuelle de la Fabrique > 03 : hypothèse de réponse finale
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
Ce chapitre est la phase de développement et de réalisation de mon outil urbain : un nouvel espace d’enquête, qui prend la forme d’un dispositif de récoltes de paroles urbaines, placé dans l’espace public et à destination de ses habitants. J’ai appelé le projet « La Fabrique de Quartier », car l’expression fait référence à un petit atelier à taille humaine, dans lequel chacun peut mettre la main à la pâte pour participer à l’évolution de son lieu de vie. Cet outil donne à chacun la possibilité de participer à la vie de quartier, dans ses échanges, ses histoires, ses transformations, etc. Il permet aussi de s’identifier à un groupe et à un territoire, en invitant les participants à se questionner sur ce qui les réunit : leur quartier et ses composantes. En s’intégrant dans une démarche de « social design », ce projet se rattache au besoin de construire ensemble une histoire qui va s’inscrire dans le temps. Comme j’en parlais dans mon introduction, le dispositif que je développe pourrait être proposé à des sociologues comme un outil d’enquête lors de chantiers urbains, dans une démarche participative et qui implique l’habitant dans la transformation de son espace quotidien. Ce dispositif permettrait de créer un point de rencontre, où les acteurs d’un quartier auraient la possibilité de partager des ressentis, des envies, des idées, des rêves, etc., en s’exprimant à travers des outils graphiques, et en laissant une trace visible de leurs paroles.
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Ce que le dispositif doit prendre en compte : (cahier des charges) La Fabrique de Quartier est un dispositif qui pourrait s’installer dans plusieurs territoires. Ici, je me suis concentrée sur le quartier du Pont du Las, à Toulon, en prenant en compte les retours de mon enquête auprès des habitants, mais ma recherche sur cet outil m’amène à réfléchir sur la possibilité d’intégrer le dispositif ailleurs. Tout en étant identitaire d’un lieu, il doit donc être pensé de manière globale, afin d’interagir avec les habitants quels qu’ils soient. Cette réflexion amène donc à concevoir un outil qui peut se transporter facilement, et qui donc doit être montable et démontable. Pour être déclinable et adaptable à son environnement, le dispositif doit aussi avoir la possibilité d’évoluer, et donc être modulable. Comme j’ai pu le noter lors de la première phase d’enquête, ma présence crée au premier abord une sorte de gêne, qui intimide les passants et les empêche de participer « librement » à l’atelier, elle influe aussi sur les actions à faire. De plus, l’outil que je souhaite développer a pour but de s’intégrer dans l’espace public pour une certaine durée, de manière à montrer la légitimité des habitants à s’exprimer, et de donner suite à une récolte exploitable. Ces deux points importants amènent à penser un dispositif autonome, à laisser sur place, qui fonctionnerait par lui-même et grâce aux habitants, mais auprès duquel le designer n’aurait pas besoin de rester. Un autre point important à intégrer à la réflexion est la notion de frontière que nous avons déjà abordé. Pour tenter de créer des passerelles entre les acteurs d’un même quartier le dispositif doit être accessible à tous. En étant un outil collectif, il doit conserver la possibilité d’offrir un espace intime, et ainsi regrouper des actions individuelles dans une démarche collective. Il doit donc pouvoir être accessible et identifiable par les différents publics que j’ai cernés lors de mon tome deux, et durant mon enquête de quartier, soit, des adultes, des enfants, des personnes âgées, mais aussi des personnes à mobilité réduite, des personnes qui peut-être ne parlent pas français, etc..
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2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
01 : le dispositif et ses modules
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
01 : le dispositif et ses modules > recherches
* * * *
* * *
accessible à tous autonome mobile évolutif
résistant exploitable (récoltes) permettre l’expression de ce qui nous tient à coeur
Le dispositif est avant tout pensé pour pouvoir être accessible à tous, et donc il doit permettre à chacun de pouvoir s’identifier à lui, que ce soit à travers le graphisme, l’univers de l’objet, mais aussi à travers les thématiques que le dispositif aborde, les questions ou les réflexions qu’il pose. Pour cela la Fabrique de Quartier se construit autour de plusieurs petits modules (regroupés dans un ensemble), qui multiplient les possibilités d’interactions avec les passants, et qui peuvent chacun parler et correspondre à un individu. Concevoir différents modules-ateliers permet aussi de jouer avec des « zones » à plusieurs niveaux qui correspondent à différents groupes d’habitants (dans le ton, dans l’histoire, mais aussi dans la hauteur et la disposition des objets). Les modules séparés apportent aussi la part d’intimité que l’on peut souhaiter retrouver dans une démarche qui reste collective. Je me suis interrogée sur les sujets à aborder dans un contexte de paroles de quartier, en gardant l’idée de frontière perméable, et j’ai cherché comment trouver des possibles points de convergences entre les groupes d’habitants. Pour répondre à cela, j’ai choisi d’évoquer les thématiques relatives au quartier, et à « l’habiter », en y ajoutant des temps autour de signes communs que tout le monde partage, des savoirs-faire, des manières d’être, etc. En abordant le quotidien avec poésie, on peut interpeller tout le monde, car la poésie est transversale et apporte une touche de sensibilité dans l’espace public au travers de laquelle chacun peut se reconnaître.
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12-
3-
4-
5-
1- mon quartier, il ressemble à quoi ? recherches sur la map, la cartographie 2- mon quartier je l’aime comment ? à quel niveau le quartier plait 3- pourquoi je l’aime, et pourquoi je l’aime pas ? se positionner sur ce qui fait son quartier 4- dans mon quartier on s’écrit.... retour à la correspondance écrite 5- dans mon quartier on s’échange.... partager des bons plans, des services
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
01 : le dispositif et ses modules
Après avoir définit cinq modules intervenant à différents niveaux de la relation au quartier, puis étudié de quelle manière chaque « outil » serait utilisé par les passants, j’ai réfléchi à une structure modulable sur laquelle chaque module pourrait venir se fixer à tel ou tel endroit, et bouger dans le temps. Les contraintes étaient de pouvoir avoir un volume gobal qui tienne debout seul, qui puisse peut-être s’accrocher dans l’espace urbain ou bien qui puisse être posé afin d’en faire le tour. Je voulais aussi qu’il y ai plusieurs «hauteurs d’activités » de manière à interpeller les plus petits et les plus grands. La structure doit aussi être relativement « simple »pour permettre un montage/démontage rapide et non contraignant.
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01 : le dispositif et ses modules
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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1-
2-
3-
Structure / Ossature globale : 1 - faces avant / arrières : cadre avec lattes 2 - côté gauche : panneau à trou 3 - côté droit : cadre avec lattes
Le dispositif se présente donc sous une forme cubique : il est composé d’une ossature en tasseaux sur laquelle viennent se fixer deux cadres à lattes. Chaque face du dispositif propose un système modulable d’accroche ( lattes ou perforation ) de manière à pouvoir fixer aléatoirement les différents modules d’activités. Le fait de pouvoir utiliser les quatre faces permet d’inviter plusieurs personnes à participer en même temps, sans que l’on se sente forcément observé.
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2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
01 : le dispositif et ses modules
180 cm
120 cm
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
01 : le dispositif et ses modules > plans - construction
150 cm
70 cm
70 cm
Le dispositif est en bois ( contreplaqué et MDF ) et l’assemblage se fait par un système de boulons et de « boulons papillons » de manière à pouvoir être monté et démonté manuellement, sans abîmer ou fragiliser le bois. Les dimensions sont étudiées pour faciliter la participation de n’importe quelle personne volontaire, du petit enfant au plus grand adulte (ou l’inverse !). On trouve donc des modules à soixante centimètres du sol, et jusqu’à un mètre et soixante centimètres environ.
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03 04 01
01
Module n°1 : tour d’horizon (public)
02
Module n°2 : tri collectif (intime)
03
Module n°3 : avis graphiques (public)
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Module n°4 : lettres ouvertes (intime)
05
Module n°5 : manuel d’initiation (public)
02
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05
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
01 : le dispositif et ses modules
01
21-
15 cm
Module n°1 : tour d’horizon 1 - un panneau perforé avec map du quartier 2 - boîte à chevilles 3 - boîte à scotch « Il ressemble à quoi mon quartier ? »
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
15 cm
Ce module présente une map de quartier, et invite les passants à indiquer leur lieu favori et les distances qu’ils parcourent au sein de leur quartier.
38 cm
110 cm
La partie inférieure est destinée aux enfants, qui peuvent redessiner leur manière de voir le quartier, grâce à un répertoire de formes en bois qui s’utilisent comme des normographes.
15 cm
60 cm
1-
02
30 cm
Module n°2 : tri collectif 1 - un panneau avec crochets et cartes 2 - boîte aux lettres trois entrées 3 - tablette pour écrire 40 cm
« Pourquoi je l’aime, et pourquoi je ne l’aime pas »
2-
30 cm
Sur la planche sont accrochées des cartes illustrées qui représentent des aspects du quartier ( parc, assise, commerces, culture, etc. ).
20 cm
Chacun peut alors trier les cartes en fonction de ce qu’il aimerait jetter, garder ou transformer dans son quartier. Le tri se fait à l’aide d’une boîte aux lettres à trois entrées.
60
20 cm
3-
30 cm
20 cm
9 cm
1-
9 cm
32 cm
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Module n°3 : avis graphiques 1 - boîte/tube avec billes « Mon quartier je l’aime comment ? » Un peu, beaucoup, passionnément... Ce troisème module est composé de six jauges qui correspondent au « degrés d’amour » que l’on porte à son quartier. On choisi le niveau qui correspond, et on prend une bille. Au fur et à mesure, les données d’appréciation du quartier apparaissent grâce à une vitre en plexiglas qui laisse entrevoir le niveau de billes dans chaque colonne.
1-
04
30 cm
2-
Module n°4 : lettres ouvertes 1 - panneaux avec papiers différents 2 - boîte aux lettres une entrée « Qu’est-ce que j’aimerai dire à mon quartier ? »
25 cm
50 cm
32 cm
Des lettres d’amour, des souvenirs, des revendications... Ce module est plus « libre » et laisse la possibilité à chacun d’écrire quelques mots, de manière poétique ou pas, sur des petits papiers pré-imprimés. Les mots sont ensuite postés dans la boîte aux lette qui accompagne.
15 cm
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2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
01 : le dispositif et ses modules
25 cm
50 cm
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
1-2
05
Module n°5 : manuel d’initiation 1 - livre fixé sur tablette 2 - tablette avec espace pour écrire « Qu’est-ce que l’on peut s’échanger dans mon quartier ? » Des recettes de cuisine, des bons plans, des services à la personne... Ce dernier module prend la forme d’un livre, avec des pages pré-imprimées, qui invitent les passants à partager des idées ou des conseils sur le quartier et ses acteurs.
L’ensemble des cinq modules proposent des mini-ateliers qui amènent à une réponse visuelle publique (affichée) ou privée (cachée) : c’est-à-dire qu’à chaque participation, le résultat est soit directement affiché sur le dispositif, soit conservé de manière « secrète », par exemple lorsqu’il s’agit de « poster des paroles ». Chaque module est indépendant et se fixe sur la structure à l’aide de crochets en métal.
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Schéma d’installation : montage / démontage
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
02 : identité visuelle de la Fabrique de quartier
02 : identité visuelle de La Fabrique de Quartier > recherches
La Fabrique de Quartier est un dispositif participatif qui propose aux habitants d’un quartier de questionner et re-penser leur quotidien au sein du quartier, à l’aide d’outils visuels et graphiques à manipuler. Cette installation se positionne comme « un établi urbain » et collectif, qui invite à écrire, déplacer, pointer plusieurs objets faisant référence au quartier. C’est une petite fabrique à taille humaine, que chacun est libre de s’approprier à sa manière, et qui offre la possibilité aux habitants du quartier de devenir des penseurs-bricoleurs-impliqués autant qu’ils le souhaitent. Le dispositif donne « l’autorisation » aux passants de construire quelque chose à plusieurs, dans l’espace public, afin d’inciter à poursuivre des démarches comme celle-ci, pour développer la créativité et les impliquer dans les possibles évolutions du lieu, avec comme objectifs de favoriser le vivre-ensemble, de transmettre des valeurs d’échange et de partage.
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« chantier accessible au public ! »
La démarche du projet fait écho au chantier urbain, contexte dans lequel il s’implante. Pour accentuer cette notion, je souhaite que l’univers graphique du projet détourne et se ré-approprie les codes visuels rattachés au chantier, à la construction, et à la fabrication. La dimension « humaine » du projet, et les publics auxquels il s’adresse me font penser aux univers du Lego, du Meccano, ou du Kapla. Ces jeux sont fait de pièces à assembler, et petit à petit quelque chose se construit, et une histoire commence. On peut y jouer seul, mais c’est souvent plus drôle à plusieurs, et chaque participant peut mettre la main à la pâte et ajouter sa touche personnelle. Il faut comprendre comment assembler les parties de chaque joueur, et se mettre d’accord sur une idée commune à travers laquelle chacun peut s’identifier. Les pages qui suivent présentent des recherches graphiques, plastiques et typographiques, autour de la thématique du chantier, puis amènent à une hypothèse de réponse pour construire l’identité de la Fabrique de Quartier.
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2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
02 : identité visuelle de la Fabrique de quartier
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
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Répertoire de formes : marquages, trames, direction, signalétique, iconographie
03
En partant d’un moodboard autour des notions du chantier et de la construction, j’ai établi un premier répertoire de formes graphiques et visuelles. Ces formes sont extraites des différents signes que l’on retrouve sur un chantier urbain, elles sont classées en trois catégories : 01 - les signes visuels (signalétique directionnelle, trames, paneaux d’indications, etc.) 02 - les motifs et matières 03 - les formes iconographiques ( faisant référence à des objets ) Par soucis d’uniformité, j’ai retravaillé graphiquement chacune de ces formes, en les ré-interprétant pour organiser un univers visuel cohérent, qui propose une palette de pictogrammes.
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02 : identité visuelle de la Fabrique de quartier
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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Ci-contre : proposition d’univers graphique de la Fabrique. Ci-dessus : recherches d’une gamme colorée pour l’identité visuelle du projet. Chaque proposition reprend des couleurs extraites du chantier urbain, ou bien qui y font référence. J’ai testé des gammes allant de quatre à neuf couleurs, pour essayer de se rapprocher au plus près d’un univers « atelier - fabrication », mais pour des raisons pratiques ( identification, coût, technique ) la gamme finale devra proposer trois couleurs maximum ( en dehors du noir et du blanc ).
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
02 : identité visuelle de la Fabrique de quartier
De façon plus plastique, j’ai travaillé sur un autre nuancier de formes à partir d’empreintes d’outils de constructions. En reprenant l’idée du tampon, je me suis amusée à utiliser directement les objets pour imprimer le support. Cette retranscription graphique de l’outil permet d’apporter une dimension plus sensible à l’objet, en laissant une trace à l’encre qui efface un petit peu la forme « connue » de l’outil. Les formes qui en découlent se détachent du support auquel elles font référence, et donnent une place à l’imaginaire et à l’interprétation. Les traces obtenues construisent un univers où l’on peut visualiser les techniques du tampon, ou du pochoir. Ces techniques, approchées lors de mon tome deux, permettent une impression sur tout type de support, dont ceux qu’il n’est pas possible d’imprimer. Cette recherche est donc à conserver dans sa technique, car elle serait pertinente concernant le graphisme qui prendra place sur le dispositif en volume.
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Herbier d’empreintes : utiliser les outils propres à la fabrication pour en récupérer les traces graphiques
4
2 1
3
6
5
8 7
9
10
1- tête de vis 2- anneaux boulons n°1 3- anneaux boulons n°2 4- anneaux boulons n°3 5- plaque avec trous
6- clef à double sens 7- rouleaux de scotch 8- vis 9- clef n°1 10- clef n°2
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2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
02 : identité visuelle de la Fabrique de quartier
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z
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Pour la typographie du projet, j’ai travaillé sur un caractère plutôt mécanique, qui « se construit » de manière simple, géométrique et ludique. En prenant comme référence les différentes hauteurs que composent les immeubles des quartiers, j’ai choisi de garder une hauteur des lettres variable qui compose un visuel « dansant », amusant, et qui fait écho au dispositif et à ses différents modules, comme nous le verrons après. Ci-contre, deux exemples de caractères pour le dispositif. Dans les deux cas, la typographie s’appuie sur une grille orthogonale, et chaque lettre est composée de petits carrés qui s’assemblent. Pour le côté « en chantier », et le rapport humain, je souhaite intégrer dans l’identité visuelle une part d’interventions manuscrites, comme une invitation à écrire. Ces ponctuactions « fragiles » mais affirmées, légitimisent le passant à intervenir sur le dispositif ( à travers les actions des modules, ou bien, en écrivant sur la structure elle-même, qui sait...).
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2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
02 : identité visuelle de la Fabrique de quartier
02 : identité visuelle de La Fabrique de Quartier > finalisation
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
Typographies :L’identité visuelle comprend deux typographies. Une typographie de titrage (modulaire), et une pour le texte et les annotations (manuscrite).
Gamme colorée La gamme colorée est établie à partir de couleur « peinture » Luxens Interieur Mat 16.
blanc
bleu moorea réf : PPG0374
noir
bleu goelette réf : PPG0491 orange fluo réf : bombe 233
Univers graphique trames, pictogrammes et éléments visuels
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typographie La Fabrique de Quartier
L’identité visuelle se compose de deux typographies, d’une gamme colorimétrique et d’une série de pictogrammes et motifs. Elle sera utilisée à plusieurs niveaux : aussi bien pour des supports imprimés (affiches, flyers, édition), que pour des supports objets en volume ( dispositif, signalétique, autre). Concernant la gamme colorée, j’ai choisi de garder un bleu de « chantier » que l’on retrouve dans la signalétique routière, ainsi qu’un orange fluo, très présent dans l’espace urbain pour tout ce qui doit être visible. Le bleu clair vient adoucir et éclairer l’ensemble, en faisant un rappel plus ludique aux jeux d’enfants.
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
03 : hypothèse de réponse finale
03 : hypothèse de réponse finale > La fabrique de quartier La Fabrique de Quartier prend place dans l’espace public, pour une durée plus ou moins longue, et s’adapte à son environnement, en proposant des interactions avec les passants volontaires. Autonome, elle récolte des « données », sous forme de mots, d’images, d’empreintes, qui créent un paysage visuel et verbal du quartier et de ses habitants. Ici, au Pont du Las, elle interroge les habitants sur leurs espaces de vie, leurs ressentis vis-à-vis du territoire, en faisant se rencontrer des individus autour de possibles communs. Elle crée un point de rencontre, où l’on peut s’arrêter, se questionner, discuter, participer ou simplement regarder, peu importe d’où l’on vient ou qui l’on est. La Fabrique invite les habitants à être acteurs de leur quotidien et à penser leur manière d’habiter l’espace en développant la réflexion ou l’imaginaire de manière poétique. Sur la durée de l’installation, le dispositif peut permettre de sonder les ressentis, les envies ou les idées des habitants du quartier. En se rattachant à d’autres structures qui oeuvrent dans la redynamisation du quartier (associations, designers, urbanistes, etc.), la récolte de paroles sert de point de départ à de possibles projets, quelle que soit leur ampleur, qui seront issus d’une envie et d’une démarche collective, propre au territoire.
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« making off » ; construction du dispositif
03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
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03 : hypothèse de réponse finale
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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Ce module propose différentes actions aux passants : tout d’abord, en s’appuyant sur une map du quartier qui indique les lieux ou les structures « clés », les participants peuvent pointer à l’aide de petites chevilles en bois leur endroit favori, celui où ils y passent du temps, et qu’ils aimeraient partager. Dans un deuxième temps, une boîte met à disposition des rouleaux de scotch de différentes couleurs, qui correspondent à différentes thématiques. En coupant des bouts de scotch, on peut encadrer l’endroit où l’on vit, où encore les espaces qui se situent trop loin de chez nous, ceux où l’on ne va jamais. Enfin, la partie inférieur du module expose un tableau blanc, sur lequel sont accrochées des formes (ou normographes) en bois, et des feutres. Cette partie, destinée plutôt aux enfants mais toujours accessible aux « adultes », invite à re-dessiner et ré-interpréter son quartier à partir d’un vocabulaire de formes simples. Au fur et à mesure du temps, la map et le tableau se complètent, les empreintes se confondent, s’assemblent, exposant un univers identitaire du quartier, dans lequel on peut identifier des zones occupées, ou isolées.
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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Ce deuxième module se présente de manière plus « légère », plus poétique peut-être : mon quartier, je l’aime comment ? Un peu ? Beaucoup ? Pas du tout ? En fonction du « degrés d’amour » éprouvé pour son quartier, le participant peut soulever la vitre et récupérer la bille dans le tube qui correspond. Au fil du temps, les niveaux baissent, exposant au public un sentiment collectif et global vis-à-vis du quartier. Le sixième tube est un petit « plus » qui permet d’associer son amour pour le quartier à quelque chose d’imagé : « mon quartier je l’aime, comme un caramel ! ». Associer la manière d’aimer à un objet (bonbon) connu permet à certains (par exemple les enfants) de mieux intégrer et de mieux exprimer leur manière à eux d’aimer quelque chose, car la notion de « niveau » est parfois difficile à évaluer à un certain âge.
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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Tri Collectif intervient juste après le deuxième module que nous venons de voir, car il invite à préciser pourquoi on aime ou pourquoi on n’aime pas son quartier. Qu’est-ce qui cloche ? Peut-être qu’aujourd’hui je l’aime un peu, mais que demain je l’aimerai encore plus, et qu’après-demain je ne l’aimerai plus du tout. Une série de cartes illustrent des thématiques liées au quartier (les écoles, les bancs, les parcs, la culture, le marché, etc.), et les participants peuvent détâcher les cartes qu’ils souhaitent et les « poster » dans une boîte aux lettres à trois entrées : qu’est-ce que je garde, qu’est-ce que je jette, et qu’est-ce que je transforme ? Chaque carte est aussi imprimée au verso, et propose de préciser sa pensée, en indiquant un lieu ou une structure précise, et pourquoi on aimerait la garder, la jeter ou la transformer.
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
2. La Fabrique de quartier, dispositif de récoltes urbaines
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Ce quatrième module diffère un peu des autres par la liberté « poétique » d’action et d’expression qu’il propose. Ici, on a le choix entre écrire une lettre à son voisin, au commerçant, au quartier, ou encore inscrire des revendications, ou bien raconter un souvenir... on peut même dessiner ! Chaque petit papier est à poster dans une nouvelle boîte aux lettres, avec une seule entrée cette fois. Qui sait ce que deviendront ces petits mots... Peut-être que les lettres ou les souvenirs s’échapperont de leur boîte et voyageront à travers les espaces du quartier !
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03 : hypothèse de réponse finale
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03 : hypothèse de réponse finale
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Ce dernier module expose ce que l’on peut et ce que l’on a envie de partager ou d’échanger dans le quartier. Un livre ouvert invite les passant à y noter un bon plan, une recette de cuisine, une idée, selon les envies. Ce livre est là pour inscrire, mais il est aussi là pour être feuilleté et sert d’objet de transmission, d’outil d’échange entre les habitants du quartier. Les notes peuvent rester anonymes, mais on peut aussi les signer, si l’on a besoin d’être contacté.
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03 : hypothèse de réponse finale
Le designer graphique, façonneur d’espaces à rêver - tome trois
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03 : hypothèse de réponse finale
Sur la durée de l’installation, une signalétique « éphémère » et « absurde » est installée dans certains espaces du quartier. Sans s’imposer comme une réelle direction à suivre, elle se positionne comme un ensemble d’indices, ou de clins d’oeil à l’installation qui s’est fondue dans le quartier. Des petits rappels lumineux qui interpellent le regard et interrogent. En parallèle, un affichage prend place sur les murs, en indiquant cette fois la rue dans laquelle se trouve le dispositif et sa durée dans le temps. Sans trop en dire, l’affiche invite les « curieux, bricoleurs, rêveurs » à se rendre là-bas.
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signalĂŠtique
affiches
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03 : « Dialogue de rue », édition retour
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> 01 : « archivage des paroles », micro-édition > 02 : intervention urbaine
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3. « Dialogue de rue » édition retour
01 : « archivage » des paroles, micro-édition
01 : « archivage » des paroles, micro-édition Comme je l’ai annoncé au début de ce tome, la récolte de paroles urbaines construit une mémoire du quartier, de ses histoires, de ses ressentis, etc.. Dans la démarche du projet, il m’a semblé important de garder une trace de ces échanges, à travers un « objet de mémoire », qui conserve les paroles d’habitant qui m’ont été partagées. « Dialogue de rue » est une petite édition artisanale, imprimée en noir et blanc avec une couverture en sérigraphie et reliée par un dos carré-collé, qui expose les phrases des passants rencontrés, telles qu’elles ont été dictées ou inscrites sur papier. On pourrait imaginer une sorte de « collection mémoire » des paroles récoltées dans le temps, qui pourrait être consultée librement dans les structures porteuses du projet.
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3. « Dialogue de rue » édition retour
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3. « Dialogue de rue » édition retour
02 : intervention urbaine
02 : intervention urbaine Pour remercier et rendre ce qu’on a pu m’apporter, et afin d’illustrer les possibilités de projets « à courts terme » qui découlent de la récolte, j’ai réalisé des mini-affiches, issues de l’édition « Dialogue de rue ». Dans ces affiches, j’ai retravaillé les paroles en les retranscrivant avec une typographie numérique, qui « archive » les mots, puis, j’ai associé des duos ou des trios de phrases qui se répondent ou se confrontent, qui manifestent d’autres réalités et invitent le lecteur à la réflexion autour de sujets évoquant son quartier. L’affichage se mettrait en place à un moment défini dans le temps du projet, soit pour intervenir de façon ponctuelle dans l’espace public, afin de résonner comme une intonation qui fait écho au dispositif, ou bien à la fin de l’installation, comme empreinte des interactions et des échanges qui ont eu lieu dans le quartier. Les affiches sont tirées dans un format a4, et sont imprimées en sérigraphie. Sur les murs, elles s’affichent comme des « nuages », jamais seule, pour attirer les regards et relier toutes les paroles.
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Conclusion
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« Prendre part à la fabrication de la ville » Plateforme SocialDesign
Cette proposition d’un dispositif de récoltes de paroles urbaines conclue ma réflexion sur le rôle du designer graphique dans la fabrication d’outils pour « rêver », dans le contexte du quartier. Comme je l’ai expliqué tout au long de ma recherche, « rêver » signifie ici appréhender le quotidien de manière à la fois personnelle et collective, en devenant acteur de son environnement, et cela passe entre autres par la ré-appropriation de l’espace où l’on vit, l’espace public. La Fabrique de Quartier est une hypothèse de réponse possible à des problématiques liées au «vivre ensemble», et affirme le rôle du designer social aujourd’hui, qui dans son travail, s’intéresse au groupe, à la collectivité et aux usages. Ce projet a permis de révéler les singularités d’un quartier, d’un faire ressortir les ressentis et les histoires. Dans un premier temps, il a donné la possibilité aux habitants de s’exprimer sur des sujets qui leur tiennent à coeur, et cette première étape a démontré le besoin et l’envie de partager sur son quartier, sur son quotidien. Cette étape m’a ensuite permis de penser et concevoir un dispositif de récoltes plus perfectionné et identitaire d’un territoire. Autour de la notion de frontière que j’ai identifié dans mes récoltes, j’ai travaillé sur des thématiques et des réflexions qui peuvent faire ressortir des similitudes entres les habitants ou les groupes d’habitants, avec une dimension poétique, qui transgresse l’infranchissable. Ce dispositif est un point de rencontre qui expose la porosité des « frontières urbaines » et qui invite les passants à penser ou re-penser leurs espaces de vie, leur manière d’interagir avec les autres.
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Cet outil, ou boîte à outils, est le fruit de ma réflexion sur le travail du designer graphique dans l’éboration d’un regard poétique sur le quotidien. En impliquant directement les habitants dans les possibles transformations de leurs espaces, il participe à ouvrir un dialogue entres différents individus, sur un territoire qu’ils partagent et dans lequel ils se croisent. Il favorise les rencontres et les échanges, et construit petit à petit une histoire commune et identitaire. Au-delà de ce projet de fin d’études, ce mémoire m’a amené à une réflexion prenante et engagée sur mon métier et mon rôle en tant que designer graphique. Je me suis énormément intéressée et reconnue dans cette méthodologie participative et collaborative élaborée dans les projets de design social, et je souhaite que cette recherche aboutisse sur un projet professionnel, afin de poursuivre ma réflexion, et d’être accompagnée par d’autres acteurs intéressés par le projet. La Fabrique de Quartier que j’ai développée interroge sur des espaces connus, des habitudes, des relations que l’on trouve dans le quartier du Pont du Las à Toulon, mais ce dispositif est évolutif, et peut s’adapter à d’autres environnements. Comme j’en parlais au début de ce dernier tome, dans un contexte de chantier urbain, et donc de transformation, le dispositif de récoltes urbaines pourrait s’intégrer en amont du projet, ou pendant sa réalisation, afin de rendre visibles des pensées ou des idées d’habitants à prendre en compte dans l’évolution de l’espace. Il pourrait aussi s’installer post-projet, pour récolter les avis sur ce qui a été fait ou ce qui n’a pas été fait, et permettre d’archiver des « données sensibles » dont pourront découler des projets futurs.
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Bibliographie - Bachelard (Gaston), Le droit de rêver, Paris, PUF, 1943 - Barthes (Roland), Le plaisir du texte (précédé de Variations sur l’écriture), Paris, Éditions du Seuil, 2000
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- Beaulieu (Denyse), L’enfant vers l’art, Une leçon de liberté, un chemin d’exigence, Paris, éditions Autrement, 1997 - Danse et pensée. Une autre scène pour la danse, ouvrage collectif, Germs-surl’Oussouet, éditions GERMS, 1993 - De Certeau (Michel), Giard (Luce), Mayol (Pierre), L’invention du quotidien, tome 2, habiter, cuisiner, Paris, Editions Gallimard, 2015 - Faure (Pierrick), Machine à faire, mémoire de fin d’étude DNSEP, 2014 - Focillon (Henri), Éloge de la main, Angoulême, éditions Waknine Marguerite, 1934 - Format(s), revue annuelle Pli, Paris, 2016 - Insolant’image (Siakowski Marina, Ollivier Anne-Leïla), Paroles d’habitants, Village II, Vieux Village, Villeneuve, La Viscose, La Luire, Echirolles, édité par le centre du Graphisme d’Echirolles, 2008 - Michaux (Henri), Par la voie des rythmes, Saint Clément de rivière, Fata Morgana, 1974 - Parish (Nina), Le corps et le mouvement dans les livres composés de signes d’Henri Michaux, Textyles, 29 | 2006, 44-52. - Sophie Pujas, Street Art, poésie urbaine, Paris, Tana éditions, 2015 - Tout pour plaire, production graphique, ouvrage collectif, Paris, auto-édition Tout pour Plaire, 1993 - .txt2, ouvrage collectif (Ecole Supérieure d’art de design Grenoble-Valence, et éditions B42), Paris, éditions B42, 2015 - Vincent Veschambre, Une mémoire urbaine socialement sélective, Les annales de la recherche urbaine N°92
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Sitographie
- https://www.anpu.fr - http://www.demainlaville.com - http://www.pensonslematin.fr/ - http://revesurbains.fr/ - Adagas (Laurence), Design graphique - Espace - Danse, (Mémoire DNAP), 2013 http://ateliers.esapyrenees.fr/ http://ateliers.esapyrenees.fr/2012-2013/laurence/ - Géraldine Brausch, Réflexions sur l’appropriation de l’espace ; Quand le street art et le rapport à la ville deviennent des enjeux du secteur socio-culturel, Collection Culture en mouvement - 2014 http://orbi.ulg.ac.be http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/176179/1/Appropriation%20de%20 l%27espace%20-%20G%C3%A9raldine%20Brausch%20CDGAI%202014.pdf - http://www.plateforme-socialdesign.net/ : « transmettre, faire lien, découvrire la ville » : http://www.plateforme-socialdesign.net/fr/decouvrir/transmettre - Villard (Marie-Anne), Poétique du geste chez Henri Michaux : mouvement, regard, participation, danse, (thèse dans le cadre d’un doctorat en Lettres et Arts à l’université de Grenoble), 2012 https://halshs.archives-ouvertes.fr/ https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00919040/document
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ImprimÊ en Septembre 2017 par l’imprimerie Plasse, Lyon.