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VERS UN NOUVEAU PATRIMOINE

L’ARCHITECTURE INDUSTRIELLE DANS LA REVUE L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI

1965-1990

MÉMOIRE DE SECOND CYCLE EN ARCHITECTURE Marjorie Prandini

ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE PARIS- LA VILLETTE


Image de couverture_Becher, Bernd et Hilla, L'Architecture d'Aujourd'hui, 133 (septembre 1967), p. 2-3.


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui m’a accompagné dans ce travail. En particulier Valérie Nègre, Karen Bowie, Marie Gaimard et Laurence Bassières pour leur écoute attentive et leur volonté de porter mon travail toujours plus loin, qui m’ont permis de mener à bien ce travail. Je remercie aussi particulièrement Brigitte Déchin pour sa relecture avisée ayant permis d’oublier un peu ma langue maternelle. Naturellement, je ne peux pas oublier les proches et les camarades qui m’ont soutenu durant ces quelques mois, spécialement Callixte Déchin, mes parents et ma famille.


SOMMAIRE

INTRODUCTION

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1. LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE

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a) L’affaire des Halles: entre théorie esthétique et théorie sociale

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b) L’intérêt pour l’architecture du XIXe et XXe siècles

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c) Le rôle de la photographie dans la construction d’un imaginaire

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2. L’ARCHITECTURE INDUSTRIELLE COMME MATIÈRE DE PROJET

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a) Un premier catalogue de reconversions

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b) Vocabulaire, matérialité, morphologie

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CONCLUSION

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ANNEXES

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SOURCES

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BIBLIOGRAPHIE

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VERS UN NOUVEAU PATRIMOINE | L’architecture industrielle dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui | 1965-1990

Introduction

Ce mémoire s’intéresse au patrimoine industriel à travers l’analyse de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui dont nombre d’articles témoignent notamment de l’apparition de cette thématique et de son évolution, dans une période qui s’étend de 1965 à 1990. Le patrimoine industriel peut être encore considéré comme une idée récente. L’intérêt pour la recherche des vestiges de l’époque industrielle et le concept de « l’archéologie industrielle », terme établi à la fin des années 1950 1, se manifeste par la création de différentes associations : la Greater London Industrial Archaeology Society (GLIAS), en 1968 ; la Society for Industrial Archaeology (SIA), en 1971 ; la British Association for Industrial Archaeology (AIA), en 1973 ; The International Commitee for the Conservation of the Industrial Heritage, en 1973 2 ; la Vlaamse Vereniging voor Industriele Archeologie (VVIA – Association flamande pour l’archéologie industrielle), en 1978 ; et le Comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel (CILAC), en 1979 3. Ainsi, les années 1970 furent-elles très fécondes en discussions autour du patrimoine industriel, à l’échelle nationale et internationale. Cette époque témoigne sans doute des prises de consciences provoquées par les démolitions de bâtiments significatifs, comme le Coal Exchange et Euston Station, à Londres 4. La polémique concernant les Halles Centrales à Paris au début des années 1970, dans le cadre d’un projet d’Embellissement de Paris, constitue un exemple emblématique. « La démolition des Halles centrales a provoqué un vif débat entre fonctionnalistes et défenseurs de l’environnement, un débat qui peut être comparé dans son importance à celui provoqué aux

1. Buchanan, Angus, « The origins and early history days of the AIA », Industrial Archaeology News [en ligne], 169 (2014). Disponible sur http://industrial-archaeology.org/wp-content/uploads/2015/10/origins.pdf, accès le 12 novembre 2016. 2. Ce comité international a été créé lors de la First International Conference for the conservation of the industrial heritage, à Ironbridge. 3. A partir de 1983, le CILAC a commencé à éditer la revue l’Archéologie industrielle en France – lancée en 1979 par Maurice Daumas. 4. La démolition a eu lieu en 1962.


INTRODUCTION

États-Unis par la démolition en 1963 de Penn Station à New York. […] Malheureusement, ce débat survint trop tardivement pour sauver les Halles, bien qu’il ait vraiment contribué au changement d’attitude de l’administration, et qu’il permit la sauvegarde, puis la transformation de la Gare d’Orsay, autre relique inutile de la Révolution Industrielle qui devait être détruite » 5. Ainsi, à la veille de la démolition des Halles de Paris dans les années 1960 paraissent nombre d’articles qui constituent le point de départ de nos recherches. Le numéro 272 de décembre 1990 paru dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, établissant le bilan de ces 60 années d’histoire, délimitera la fin de la période étudiée ici. Selon le rédacteur en chef à cet instant, François Chaslin, les années 1990 marquent « l’âge du star-system » dans l’architecture. Sur la scène de l’époque, les mouvements modernes et post-modernes cèdent la place aux vagues de styles particuliers des architectes, qui n’avaient pas, à son avis, de dogmes très solides comme ses prédécesseurs6. Cette édition a été d’ailleurs une source fondamentale pour la compréhension de l’organisation de la rédaction de L’Architecture d’Aujourd’hui. Entre les années 1960 et 1990, une transition s’opère depuis la première mise en scène de la question du patrimoine industriel vers une prise de conscience de son importance historique et patrimoniale. Nous avons poursuivi nos recherches jusqu’à l’époque où l’intérêt pour l’architecture industrielle est clairement établi, à travers notamment plusieurs articles, livres et expositions. Depuis la parution de Bâtiments anciens, usages nouveaux, images du possible 7, le catalogue d’une exposition de 1978 montrant des projets de reconversion, y compris de bâtiments industriels, jusqu’à la parution du livre Le Patrimoine industriel, un nouveau territoire, de Louis Bergeron et Gracia Dorel-Ferré 8 , en 1996 , et Patrimoine industriel, cinquante sites en France, de Paul Smith et Jean-François Belhoste 9, en 1997, de nombreux ouvrages posent les jalons de ce nouveau champ de connaissance. Par ailleurs, cette prise de conscience se manifestait aussi dans les classements au titre des monuments historiques et par et dans les grandes opérations de réhabilitation, à l’exemple du cas emblématique du musée d’Orsay, inauguré en 1986. Nous tentons à travers ce mémoire de porter un regard nouveau sur une période longue s’étant concentré sur une même thématique qui relève principalement de l’historiographie. De ce fait, il n’existe pas, à notre connaissance, d’ouvrages ou d’études qui portent exactement sur ce sujet. Néanmoins, le paysage bibliographique concernant le patrimoine industriel est très dense. Ainsi, nous nous sommes largement appuyées sur ces lectures, qui nous ont aidés à explorer le sujet pour définir les grands axes et la problématique du mémoire.

5. Mead, Christopher, « La pratique urbaine de l’architecture : Victor Baltard et les Halles centrales de Paris », conférence [en ligne] réalisé par le Musée d’Orsay, 2012. Disponible sur http://www.musee-orsay.fr/fr/ evenements/conferences/conferences-en-ligne/victor-baltard-et-les-halles-centrales-de-paris.html, accès le 28 Décembre 2016. 6. Chaslin, François, « Éditorial – AA 1930-1990 – Un état critique », L’Architecture d’Aujourd’hui, 272 (décembre 1990), p. 12. 7. Matthieu, Jean-Luc, Bâtiments anciens…usages nouveaux, images du possible, Paris, Centre Georges Pompidou, Centre de création industrielle, 1978. 8. Bergeron, Louis, Dorel-Ferré, Gracia, Le patrimoine industriel, un nouveau territoire, Paris, Éditions Liris, 1996. 9. Belhoste, Jean-François, Smith, Paul, Patrimoine industriel, cinquante sites en France, Paris, Éditions du patrimoine, 1997.

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VERS UN NOUVEAU PATRIMOINE | L’architecture industrielle dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui | 1965-1990

Ce mémoire vise à dégager dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui les traces de l’apparition d’une nouvelle thématique, l’architecture industrielle, et de la patrimonialisation de celle-ci au cours de 25 ans d’articles étudiés. L’étude a soulevé plusieurs questions : Quelle est la fréquence de publication d’articles concernant l’architecture industrielle dans la période analysée ? Quel est le traitement iconographique donné aux bâtiments industriels dans la revue ? Quels sont les acteurs importants du débat autour de l’architecture industrielle comme patrimoine ? Quelle est la proportion entre les projets en France et les projets à l’étranger dans la revue ? Est-ce que nous pouvons identifier des bâtiments industriels emblématiques dans les articles ? Tous ces interrogations nous amènent à une question principale : Dans quelle mesure la revue L’Architecture d’Aujourd’hui est-elle devenue le témoin de la prise de conscience de l’architecture industrielle comme patrimoine ? Ainsi, pour y répondre, nous nous appuyons sur une bibliographie classée en quatre catégories. La première catégorie est constituée d’ouvrages classiques indispensables, qui nous aideront à comprendre l’insertion du patrimoine industriel dans le contexte plus vaste du patrimoine en général. On s’appuiera sur des ouvrages publiés à partir du XIXe siècle, qui portent sur le patrimoine architectural et sur l’architecture en fer. Le livre Le culte moderne des monuments : son essence et sa genèse, de 1903, de l’historien d’art Aloïs Riegl 10, constitue un ouvrage de référence. Il traite du concept de monument et de ses différentes valeurs, comme la « valeur d’ancienneté », très appréciée au XIXe siècle. Les propositions de cet auteur amèneront à réfléchir sur la valeur patrimoniale, ou même monumentale, de l’architecture industrielle. L’ouvrage de l’historien d’art Siegfried Giedion Construire en France, construire en fer, construire en béton 11 est aussi une source riche d’informations sur l’architecture du XIXe et XXe siècles, époque où des halles, magasins, passages et superstructures ont été construits dans le contexte des sociétés de l’âge industrielle. La réflexion de Giedion sur les architectures en fer et en béton présente un grand intérêt dans le cadre de ce travail, dans la mesure où il montre la grande valeur de ces constructions, provenant de l’audace de leurs évolutions techniques. Ce mémoire cherche aussi à comprendre la notion de patrimoine industriel et l’évolution de son concept, qui, bien que récent, admet des acceptions diverses au cours de ces dernières années. L’importance patrimoniale des ensembles industriels ou de bâtiments isolés, comme des moulins ou des halles, est due à leur structure, leurs caractéristiques esthétiques et aux témoignages qu’ils livrent sur l’époque industrielle, qui a provoqué de grandes transformations dans les villes et dans la façon de construire. Cette importance est progressivement reconnue par les architectes, urbanistes et d’autres acteurs qui mettent en place des projets de protection et de mise en valeur des bâtiments industriels. Ainsi, la deuxième catégorie de la bibliographie comprend des ouvrages spécifiques sur le patrimoine, y compris le patrimoine industriel, qui

10. Riegl, Aloïs, Le culte moderne des monuments : son essence et sa genèse. Paris, Le Seuil, 1984. (Traduit de l’allemand par Daniel Denkmalkutus : Sein Wesen und seine Entstehung, Vienne, 1903 ; Gesasammelte Aufsätze, Vienne 1928). Avant-propos de Françoise Choay. 11. Giedion, Siegfried, Construire en France, construire en fer, construire en béton, Paris, Éditions de la Villette, 2000 [1928].


INTRODUCTION

présentent l’architecture d’industrie sous différents angles et à différents moments. L’ouvrage L’allégorie du patrimoine 12, de Françoise Choay nous semble d’un grand intérêt pour mieux comprendre cette évolution. Elle explore dans son ouvrage les notions de monument et de patrimoine depuis la Renaissance, en allant au-delà des questions esthétiques et administratives de leur protection, à travers une recherche très complète des notions de monument et de patrimoine historiques. La philosophe a aussi pris part à la rédaction de certains articles dans la revue, concernant les Halles de Baltard et des discussions sur l’urbanisme comme discipline – thème qui sera exploité dans la suite du travail. La fabrique du patrimoine, de Nathalie Heinich 13 place également le patrimoine industriel dans le contexte général du processus de patrimonialisation. L’ouvrage traite de façon didactique ce processus en France et l’évolution du système de protection du patrimoine. Il nous a fourni plusieurs pistes dans notre recherche vers la compréhension sur le patrimoine industriel. Le troisième ouvrage très important pour réfléchir sur l’évolution du concept de patrimoine industriel est le livre Préservation du patrimoine architectural de l’industrialisation - problèmes théoriques de la restauration 14 [Preservação do patrimônio arquitetônico da industrialização – problemas teóricos do restauro]. Cet ouvrage fait partie d’une série d’études réalisées par l’architecte Beatriz Kühl à propos du patrimoine de la période industrielle, et offre un panorama sur la question de la préservation du patrimoine industriel. L’auteure intègre cette thématique dans les problématiques courantes de la préservation du patrimoine architectural, tout en prenant en compte la jeunesse du patrimoine industriel. Spécifiquement sur le patrimoine industriel, l’ouvrage de C. ManigandChaplain Les sources du patrimoine industriel 15 nous éclaire sur la documentation historique concernant ce patrimoine et les sources variées. L’ouvrage de 1999 offre déjà un panorama très important des traces industrielles à cette époque. La publication a été réalisée par le CILAC et les Éditions du Patrimoine, et elle manifeste la vision spécifique du service d’Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France à propos de la mise en valeur du patrimoine industriel. Cette même auteure a dirigé la publication du numéro 8 de la revue In Situ, de 2007, qui fait un bilan plus récent sur cette question, également présent dans le numéro 1 de 2015 de la revue Monumental, lié aussi aux Éditions du Patrimoine. Ainsi est-il important de remarquer que ces ouvrages et articles se positionnent essentiellement du côté des conservateurs du patrimoine. La troisième catégorie qui constitue la bibliographie concerne le regard sur le traitement iconographique des revues d’architecture. Le catalogue de l’exposition sur Bernd et Hilla Becher publié par le Centre Pompidou 16 est une source précieuse dans le cadre de ce mémoire. Ces deux photographes sont connus pour leurs séries

12. Choay, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992. 13. Heinich, Nathalie, La fabrique du patrimoine, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009. 14. Kühl, Beatriz Mugayar, Preservação do patrimônio arquitetônico da industrialização – problemas teóricos do restauro, Cotia, Ateliê Editorial, 2008. 15. Manigand-Chaplain, Catherine, Les sources du patrimoine industriel, Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, documents et méthodes nº 4, CILAC/Editions du Patrimoine, 1999. 16. Zweite, Armin, dans Bernd et Hilla Bercher [exposition] Centre Pompidou, Paris, Centre Pompidou, 2004.

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de clichés résultant d’un vrai travail d’inventaire des objets et traces de l’industrie. Quelques-unes de ces photos figurent dans deux des articles analysés de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, en 1967 et en 1989 17. Le couple de photographes a fait un inventaire d’éléments architecturaux industriels, à partir d’un travail de documentation photographique des bâtiments, usines, mines, moulins, hauts-fourneaux menacés d’abandon ou d’obsolescence, surtout en Allemagne mais aussi ailleurs, en Europe et aux États-Unis. Le travail de ces photographes fera l’objet d’une analyse iconographique de la revue. Malgré l’importance pour ce mémoire d’un regard patrimonial, la revue sur laquelle s’appuiera cette recherche est une revue d’architecture qui n’est pourtant pas spécialisée dans le patrimoine. Celle-ci a été fondée en 1930, par André Bloc, motivé par l’esprit avant-gardiste du début du siècle et par la célébration de la modernité : « En créant un nouveau périodique, nous avons voulu assurer à l’architecture moderne et à celle-ci seulement, la publicité qui lui est indispensable. Les plus nobles idées comme les plus beaux talents ont besoin d’être révélés, sans quoi ils risqueraient d’être étouffées dans le concert de la médiocrité générale qui tend à tout submerger »18. Pour arriver à atteindre son objectif, la revue présente depuis ses plus jeunes années, des analyses et des critiques de projets choisis par le comité de rédaction, retrace les débats en cours dans le monde de l’architecture, fournit des informations sur le domaine de la construction et ses techniques (on peut noter les nombreuses pages d’annonces de produits pour la construction) ainsi que des thèmes d’étude exploités par les architectes rédacteurs lors de voyages internationaux. L’Architecture d’Aujourd’hui, aussi appelée L’AA, a toujours traité les principaux sujets de son temps, comme la reconstruction de l’après-guerre, les constructions temporaires, l’industrialisation de l’habitat, la reconstruction des grands ensembles, le plan d’aménagement et d’organisation de la région parisienne, l’architecture hightech et aussi l’industrie. Le numéro 188 de L’AA, de 1976, sur les usines Olivetti ; le numéro 194 de cette même revue, de 1977, ayant comme titre « Reconversions », où l’on trouve des exemples d’interventions dans des filatures en France ; et le numéro 202 de L’Architecture d’Aujourd’hui, « Rénovation, réhabilitation, restauration », sont quelques exemples qui nous montrent des projets récents s’insérant dans une architecture industrielle existante. Pourtant, la façon d’exposer les thèmes choisis dans la revue a beaucoup évolué depuis sa création. Entre 1965 et 1990, la revue a connu différents rédacteurs en chef : André Bloc (entre 1965 et 1966), François Hebert-Stevens (entre 1967 et 1968), Marc Emery (entre 1968 et 1973, et entre 1977 et 1986), Bernard Huet (entre 1974 et 1977), François Barre (en 1977) et François Chaslin (entre 1987 et 1990). De cette manière, des formes d’organisation variées et des dossiers thématiques de natures aussi très différentes, constituent une base de données importante pour ce travail. Ainsi, analyser les articles d’une revue d’architecture dans sa complexité et avec son évolution dans le temps est loin d’être simple. Nous avons donc mis en place une 17. Voir dans les articles répertoriés dans la liste de sources aux numéros 12 et 91. 18. Bloc, André, « Objet et programme de L’Architecture d’Aujourd’hui », L’Architecture d’Aujourd’hui, 1 (novembre 1930).


INTRODUCTION

méthodologie adaptée à ce mémoire grâce à la lecture d’ouvrages et d’études consacrés à l’analyse de périodiques qui constituent la quatrième catégorie de notre bibliographie. Le texte d’Hélène Jannière, « La critique architecturale à la recherche de ses instruments : L’Architecture d’Aujourd’hui et Architecture Mouvement Continuité, 1960-1974 » 19 fait partie de la bibliographie méthodologique de ce mémoire. Il est fondamental pour une meilleure compréhension de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui comme source de recherche. Cet ouvrage, qui rassemble les actes d’un colloque qui a eu lieu en 2004, nous aide à repérer des pistes à exploiter lors de nos recherches dans les revues, par rapport à la représentation iconographique, au rôle des acteurs de la revue et aux différents types d’article. Les thèmes traités dans cet ouvrage ont été aussi très utiles pour réfléchir à comment problématiser tous les aspects de cette recherche. Un autre travail aussi inspirateur pour l’analyse des revues est le mémoire de master de Aude Andreoletti 20, qui présente les informations recueillies sous forme de tableaux et les traduits ensuite dans des graphiques quantitatifs. La méthode choisie pour mener à bien cette étude a été le dépouillement systématique des numéros de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui – du numéro 123 au numéro 272 – entre 1965 et 1990, en prenant en considération les articles qui font référence à l’architecture industrielle. Dans ce mémoire, on considère comme patrimoine industriel « les vestiges de la culture industrielle qui sont de valeur historique, sociale, architecturale ou scientifique. Ces vestiges englobent : « des bâtiments et des machines, des ateliers, des moulins et des usines, des mines et des sites de traitement et de raffinage, des entrepôts et des magasins, des centres de production, de transmission et d’utilisation de l’énergie, des structures et infrastructures de transport aussi bien que des lieux utilisés pour des activités sociales en rapport avec l’industrie (habitations, lieux de culte ou d’éducation) »21. On intègre aussi dans notre recherche l’architecture qui n’a pas servi à la production industrielle, mais qui est un résultat de cette production, comme les constructions en fer du XIXe siècle, conçues avec des pièces préfabriquées. Tous les termes compris dans ces définitions jouent un rôle primordial dans le regard qu’on porte sur les articles des revues. Le dépouillement des revues a été suivi du croisement d’informations à partir de la compilation d’articles dans un tableau, contenant le numéro de la revue, la date, le titre et l’auteur de l’article, le cœur du sujet/ mots clés et les types d’images. Il a été indispensable pour répondre aux questions posées dans ce mémoire, ainsi que pour éclairer la problématique principale. Ainsi, en répondant aux questionnements suscités durant la recherche, nous proposons de démontrer dans un premier temps l’émergence de la problématique du

19. Jannière, Helène, « La critique architecturale à la recherche de ses instruments : L’Architecture d’Aujourd’hui et Architecture Mouvement Continuité, 1960-1974 », dans Sornin, A., Jannière, H., Vanlaethem, F., Revues d’architecture dans les années 1960 et 1970 : Fragments d’histoire événementielle, intellectuelle, matérielle / Architectural Periodicals in the 1960s and 1970s : Towards a Factual, Intellectual and Material History, Montréal, IRHA, 2008. 20. Andreoletti, Aude, La représentation du patrimoine dans la revue l’Architecture Française – de 1940 à 1945, mémoire de master en architecture, sous la direction de V. Nègre, K. Bowie et M. Gaimard, Paris, ENSA Paris La Villette, 2015. 21. Charte de Nizhny Tagil pour le patrimoine industriel, TICCIH The International Comitee for the Conservation of the Industrial Heritage, Nizhny Tagil, Juillet 2003. Disponible sur http://www.icomos.org/xian2005/ticcihnizhniy-fr.pdf, accès le 14 mars 2016.

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patrimoine industriel avec l’affaire des Halles, qui sera centrale pour cette discussion ; l’extension de l’intérêt pour les Halles vers d’autres architectures du XIXe et XXe siècles ; quelques reportages photographiques donneront un premier regard sur l’archéologie industrielle. Puis, nous aborderons la démarche de mise en scène de projets de reconversion ayant l’architecture industrielle comme sujet – jusqu’à la reconversion de la gare d’Orsay ; les thématiques principales concernant ces projets.


1 LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE 1965-1976


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La première phase de la construction du patrimoine industriel dans la revue sera montrée à partir de la polémique qui voit le jour autour des Halles de Paris laquelle nous amènera à approfondir le débat concernant les architectures du XIXe et XXe siècles, sous l’angle patrimonial. A cette période, l’image véhiculée par les constructions industrielles va créer un nouvel imaginaire qui conduira à la reconnaissance historique et esthétique d’une architecture considérée, avant, comme mineure.


1. LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE | 1965-1976

Image 1_ Cousin, J.P., Les Halles, L’Architecture d’Aujourd’hui, 138 (juin-juillet 1968), p. 51

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a) L’affaire des Halles : entre théorie esthétique et théorie sociale UNE PÉRIODE SANS GRANDES PROTESTATIONS C’est autour de l’affaire des Halles, la plus grande opération dans le cadre du plan d’aménagement de Paris pendant les années 1960, qu’émergent de grandes discussions relatives à la préservation de l’architecture du XIXe et XXe en France, y compris l’architecture industrielle. Des évènements semblables à l’étranger expliquent également l’intérêt porté à cette architecture. Dans les années 1960, les démolitions du Coal Exchange et de l’arche de Euston Station, à Londres, et de Pennsylvania Station, à Baltimore sont des cas emblématiques de la négligence envers un patrimoine qui ne sera reconnu qu’après de nombreuses pertes. Notre travail commence quelques années avant la démolition des Halles Centrales de Paris. Les idées concernant son déplacement datent des années 1940 jusqu’aux années 1950, avec la proposition de plusieurs sites pour la réalisation d’un nouveau marché. En 1962, le nouveau marché s’installe à Rungis et, l’année suivante est marquée par la réalisation d’un plan d’aménagement de la ville de Paris, dont l’opération clé était le déplacement des Halles. Entre 1967 et 1968, des nombreux architectes proposent des projets – présentés dans le numéro 132 de L’AA - quelquesuns en respectant le bâtiment existant, comme le projet de Claude Charpentier, et « en février-mars 1968, une exposition intitulé « Les trésors des Halles » connaît un grand succès. Des livres, des articles sont publiés, montrant que le quartier n’est pas qu’un amas de bâtisses vétustes et sans intérêt. Diverses associations, telle que C.O.P.R.A.S, prennent position contre les projets » 1. Malgré l’intérêt évident pour les Halles et la protestation d’associations, la démolition commence le 2 mars 1969, et s’est achevée en 1971, avec la démolition des derniers pavillons. Évidemment, on ne considère pas que la démolition de la structure de Baltard ait eu un effet instantané dans la prise de conscience concernant l’architecture industrielle. Pourtant, elle a joué un rôle essentiel dans le processus de patrimonialisation de cette architecture. La revue L’Architecture d’Aujourd’hui a vivement témoigné de ce fait historique. Elle contient de nombreux textes de réflexions et de critiques à propos de cette opération dans le centre de Paris, et ses écrits sont une partie considérable du corpus de ce mémoire. En réalisant le dépouillement systématique de 150 numéros de la revue, nous avons retenu 85 articles qui montrent des aspects intéressants du regard sur l’architecture de l’époque industrielle, dont 12 traitent spécifiquement de l’affaire de Halles et 7 mentionnent cette opération dans différents contextes. Vécue comme un traumatisme, l’affaire des Halles est régulièrement mentionnée, des années après la démolition. En 1966, un article dans la section « actualités » affirme que l’opération des Halles doit être considérée comme un « catalyseur qui déclencherait un processus continu de revitalisation des arrondissements centraux » 2. Cependant, le projet d’aménagement a été 1. Lemoine, Bertrand, Les Halles de Paris, L’Equerre éditeur, Paris, 1980, p. 211. 2. « L’avenir du Centre de Paris », L’Architecture d’Aujourd’hui, 126 (juin-juillet 1966), p. IX.


1. LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE | 1965-1976

Articles ayant comme sujet principal l’affaire des Halles

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Articles mentionnant l’affaire des Halles dans le cadre d’autres projets

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Articles sans aucun rapport direct avec l’affaire des Halles

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Graphique 1_ L’affaire des Halles

Articles qui tiennent l'affaires des Halles comme sujet principal Articles qui mentionnent l'affaire des Halles dans le cadre d'autres projets urbains

Parmi les 85 articles concernant l’architecture industrielle entre 1965 et 1990, presque un quart a une relation Articles sans aucun rapport direct avec l'affaire L’affaire, des Hallesvécu avec l’affaire des Halles, l’ayant comme sujet principal ou le mentionnant dans un autre contexte. comme un traumatisme, a été d’une grande importance pour la réflexion sur l’architecture de l’industrie.

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plutôt le déclencheur d’une réflexion plus minutieuse et attentive sur la conservation et réutilisation de ce type de bâtiment. De semblables réflexions éviteront la destruction d’autres exemplaires de l’architecture industrielle. Selon Choay, le patrimoine industriel est le résultat d’un processus d’extension typologique du patrimoine historique, dû au changement de la notion de « patrimoine » au cours des siècles. Si la conservation d’un objet industriel comme les Halles fait débat dans les années 1960, le débat lui-même n’est pas nouveau. Les discussions sur la préservation des vestiges du passé qui s’initient à la Renaissance, s’intensifient et prennent la forme d’un vrai projet culturel dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle. En France, le premier pas est accompli avec la création de la Commission de monuments en 1790, suivie de la création du poste d’inspecteur des monuments historiques en 1830. En 1837, l’institutionnalisation de la Commission des monuments historiques précède une activité d’inventaires par Prosper Mérimée, suivie de l’établissement du classement comme dispositif de protection des monuments, en 1887. En 1913, un autre dispositif, moins effectif a été ajouté au mécanisme de protection : l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques. L’année suivante, la Caisse nationale des monuments historiques est créée, en complétant le dispositif de la sauvegarde. Entre le XIXe siècle et le XXe siècle, on assiste au développement de la notion du patrimoine. L’importance donnée uniquement aux œuvres classiques pendant la Renaissance touchent alors les édifices religieux du Moyen Age et quelques châteaux après 1837. A la fin de la Deuxième Guerre, le nombre de biens inventoriés a augmenté, mais leur nature changera seulement pendant les années 1960 3. Durant le ministère de André Malraux, l’ouverture des Monuments historiques aux œuvres plus récentes a permis l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques des architectures modernes et contemporaines à partir de 1961. Entre 1964 et 1967, une cinquantaine de bâtiments sera protégée par l’inscription 4. A cela s’ajoute la création des secteurs sauvegardés, dite « loi Malraux » et la création de « l’Inventaire général des richesses artistiques de la France », qui a dévoilé une nouvelle notion de patrimoine : « L’énormité du développement a pris de court toute la société, faute d’une information assez complète ; il faut maintenant chercher à constituer un réseau de références topographiques et historiques valable dans un pays où les points sensibles sont soudain apparus un peu partout. À quoi a voulu répondre l’Inventaire général crée en mars 1964 par André Malraux. Par la masse documentaire qu’il réunit, l’exploitation informatique qu’il élabore, les expositions régionales qu’il présente, ce service illustre la nouvelle stratégie qui convient à une société au patrimoine complexe et encore imparfaitement exploré » 5.

3. Choay, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992, p. 10. 4. Toulier, Bernard, Architecture et patrimoine du XXe siècle en France, Paris, Ed. du Patrimoine, 1999, p. 22. 5. Babelon, J.P., Chastel, André, La notion de patrimoine », Liana Levi, Paris, 1994, p. 100.


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Ce changement de posture des conservateurs du patrimoine est perçu par les rédacteurs de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, qui en font la critique. Les articles, les annonces et les informations concernant l’aménagement de Paris à la fin des années 1960 offre un espace de réflexion et d’approfondissement critique des opérations à Paris et aussi du système de protection des monuments historiques. Dans le numéro 127 de la revue, de juillet 1966, André Bloc et Pierre Vago, expriment leurs avis à propos de la conservation des monuments historiques qui serait synonyme d’une limitation à la nouvelle architecture : « LA PROTECTION DES SITES. N’est-ce pas déjà un grave renoncement que ce distinguo entre ce qui est appelé « site » et ce qui n’est pas ? A partir du moment où l’on admet le principe de la protection esthétiques d’un lieu déclaré site, on semble admettre simultanément les pires désordres et dégradations pour tout ce qui n’est pas considéré comme tel. Il n’y a pas de distinction à faire. Ce n’est pas la présence à quelque distance d’un « monument historique » qui doit infliger aux architectes l’abandon de toute recherche architecturale par un alignement peu justifié sur une architecture d’une autre époque. Tout est une question de tact et de juste étude des problèmes. Que les incapables se voient retirer dans délai leur titre quand ils déshonorent l’environnement qui leur a été confié par la collectivité, mais qu’on ne brime pas les architectes de valeur par l’intervention d’une foule de fonctionnaires, conseillers, comités et commissions » 6. A cet instant même, les rédacteurs de la revue étaient en désaccord avec la politique de préservation des monuments historiques. On peut voir dans ce texte que la préservation de certains sites était considérée comme un obstacle. Le rédacteur en chef de L’Architecture d’Aujourd’hui André Bloc, fondateur de la revue, et Pierre Vago, le président du comité de rédaction mettaient en place une ligne éditoriale encore très attachée aux origines de la revue, qui valorisaient toujours la création architecturale moderne. Le comité de rédaction dans les années 1960 rassemblait encore des architectes notamment connus par leurs réalisations avant-gardistes, comme Jean Prouvé et Claude Parent. Dans le cas des Halles, une publication du rapport du C.E.A. – Cercle d’Études Architecturales – dans L’Architecture d’Aujourd’hui en 1967 affiche une opinion déterminée selon laquelle la meilleure option serait de procéder à leur démolition. La C.E.A a été fondée en 1952 et parmi ses membres ont été Auguste Perret (présidentfondateur), Le Corbusier, Jean Prouvé, Zehrfuss, Eugène Beaudoin, Franck Lloyd Wright et Walter Gropius (les deux derniers étaient membres d’honneur). Le rapport affirme 6. Bloc, André, Vago, Pierre, « L’architecture en France », L’Architecture d’Aujourd’hui, 127 (septembre 1966), p. V-VII.

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que « la préservation des vestiges du passé, de cette architecture historique ou de témoignage qui maintient les racines mais ne le fait utilement que si elle les maintient vivantes, ne doit pas entraîner ce qu’il est convenu d’appeler, avec une certaine hypocrisie, une architecture d’accompagnement (en réalité architecture mensongère, fac-similé d’architecture), mais au contraire être occasion, si rare en France, de susciter une architecture contemporaine qui ait valeur d’exemple. Il est inacceptable que la conservation d’un certain nombre des vestiges, dispersés ou d’inégale valeur, puisse entraver l’évolution » 7. Il est intéressant de se pencher sur les quelques membres de ce cercle parmi lesquels on trouve, tout d’abord, Le Corbusier, personnage célèbre qui faisait partie du comité de la revue, et qui a fait appel au ministre des Affaires culturels pour la préservation de son œuvre en 1963, et qui a réussi à bénéficier d’une protection entre 1964 et 1967. On pense ensuite à Eugène Beaudoin, qui a aussi bénéficié de la transgression la jurisprudence de la commission supérieure des monuments historiques (qui ne devrait pas protéger des œuvres d’architectes encore en vie). Il ne faut pas pour autant regarder ces actes comme un manifeste contre les conservateurs en général, parce que certains membres eux-mêmes étaient concernés par la conservation de leurs œuvres au titre des monuments historiques. Il faut plutôt considérer ce rapport comme un manifeste contre ce qu’il considérait comme obstacle pour leur création architecturale. La prise en compte de l’iconographie et des légendes s’avère également très pertinente. Les deux photos de cet article ne montrent pas l’ampleur des espaces des Halles de Baltard, tant appréciés et convoités pour un possible réemploi, comme on le verra ensuite. On a l’impression que les images sont coupées, en ne montrant que la partie supérieure de la construction. Le titre figurant sur les photos est en fait une citation des Mémoires de Haussmann quand il raconte ce qu’attendait Napoléon de la construction des nouvelles Halles à Paris : « Ce sont de vastes parapluies qu’il me faut, rien de plus ». La suite du texte de Haussmann est pourtant absente dans la revue, mais nous trouvons dans la suite de ce passage l’importance de l’équipement dessiné par Baltard qui ajoute de la valeur esthétique et technique au « rien de plus » demandé par Napoléon : « Le fer ! C’était bon pour les ingénieurs ; mais, qu’est-ce qu’un architecte, « un artiste », avait à faire de ce métal industriel ? Comment ! Lui, Baltard, un Grand-Prix de Rome, qui tenait à l’honneur de ne s’être jamais permis d’introduire dans ses projets moindre détail dont il ne pût justifier l’adoption par des exemples autorisés, se commettre avec un élément de construction que ni Brunelleschi, ni Michel-Ange, ni aucun autre des maîtres n’avait employé ! » 8. D’une manière générale, entre 1965 et 1968, le regard des architectes semble centré sur l’opération des Halles en observant sa démolition, sans beaucoup de protestations. Les articles de cette période montrent la préoccupation par rapport à l’avenir du quartier et aux possibilités architecturales que cette opération pourrait 7. « Les Halles et l’avenir de Paris (extraits du rapport du c.e.a., juin 1967 », L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 28. 8. Haussmann, Georges Eugène, Mémoires du Baron Haussmann, T.3, V.Harvard, Paris, 1893, p. 479. Disponible sur gallica.bnf.fr/, accès le 01 janvier 2017.


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Image 2_ Les halles centrales - Baltard Architecte, L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 28.

Image 3_«Ce sont de vastes parapluies qu’il me faut, rien de plus!» , L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 28.

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susciter, sans penser particulièrement à la possibilité de préserver l’existant. Durant cette période, la revue passait par une étape de transition avec la mort de André Bloc, en 1966. Après l’intérim de François Hebert-Stevens qui dura un an, Marc Emery devient rédacteur en chef de la revue en 1968. MARC EMERY ET LES NOUVELLES INTERROGATIONS DANS LA REVUE A partir du numéro 137 de mai 1968, l’arrivée du nouveau rédacteur en chef, a marqué le début d’une période où la revue L’Architecture d’Aujourd’hui assume un caractère pluridisciplinaire. Selon Hélène Jannière, l’ouverture à de nouvelles approches théoriques et politiques de l’architecture, s’intensifie avec l’entrée en fonction de ce rédacteur en chef, qui possède une formation d’urbaniste 9. Les numéros sont organisés comme auparavant, séparés en deux parties rédactionnelles distinctes, une dédiée aux actualités, mélangées à la publicité – dont les pages étaient numérotées en chiffres romains - et l’autre, dédiée à une thématique principale – numérotées de manière classique. Cependant, « Si d’aspect extérieur, la revue ne semble guère se transformer, tout atteste d’une mutation profonde du produit. Le numéro de juillet 1968 consacré à Paris résume les ambitions d’une revue qui se refuse désormais à appréhender le projet architectural comme autonome. La découverte de la ville comme espace polymorphe animé par des mouvements aussi opposés les uns aux autres démontre qu’aucune solution globalisante ne peut être adoptée10. Le cadre architectural après mai 1968 a suscité des nouvelles interrogations, et donc des nouvelles thématiques dans la revue. Ces nouvelles interrogations ont influencé la manière de parler de l’architecture industrielle. Déjà dans le numéro 138 de juin-juillet 1968 dédié à « Paris », on trouve un texte de Françoise Choay (annexe 1), qui nous fournit une approche beaucoup plus sociale sur l’affaires des Halles, montrant une certaine évolution du regard sur l’architecture industrielle et allant au-delà de questions esthétiques posées par les architectes qui en ont parlé jusque-là. Dans son discours, la philosophe préconise la préservation de la structure des Halles d’une façon vivante, qui pourrait servir au public en général. « Mais, insistera-t-on, une ville n’est pas un musée. On peut répondre que dans le cas particulier des Halles, la conception des pavillons les prédispose au réemploi, à la métamorphose sémantique : ils peuvent accueillir des sculptures, les livres ou des spectacles, aussi bien que des légumes »11. L’idée du réemploi des Halles ne paraît possible pas seulement pour F. Choay mais aussi pour A. Chastel. Le numéro 153 de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui dédié à « la ville », en janvier 1971, commence avec la présentation des commentaires 9. Jannière, Helène, « La critique architecturale à la recherche de ses instruments : L’Architecture d’Aujourd’hui et Architecture Mouvement Continuité, 1960-1974 », dans Sornin, A., Jannière, H., Vanlaethem, F., Revues d’architecture dans les années 1960 et 1970 : Fragments d’histoire événementielle, intellectuelle, matérielle / Architectural Periodicals in the 1960s and 1970s : Towards a Factual, Intellectual and Material History, Montréal, IRHA, 2008, p. 280. 10. « 1930-1990 Soixante années d’Architecture d’Aujourd’hui », L’Architecture d’Aujourd’hui, 272 (décembre 1990), p. 74. 11. Choay, Françoise, « Le problème des Halles », L’Architecture d’Aujourd’hui, 138 (juin-juillet 1968), p. 53.


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sur une publication d’André Chastel dans le journal le Monde, le 12 décembre 1970, intitulé « La fin des Halles ou le miracle inutile ». L’article de L’AA expose l’avis d’André Chastel contre la démolition des pavillons (ce dernier partageant l’avis de la philosophe à propos de leur réemploi) : « [les pavillons] ne constituent pas seulement, avec leurs soussols voutés, un merveilleux cadre architectural, mais ils ont amplement démontré depuis un an leur capacité à devenir un lieu de divertissement, de plaisir et de culture, sans équivalent à Paris » 12. L’utilité du patrimoine industriel est une question cruciale pour sa préservation, car elle permet de justifier plus facilement leur réemploi. Tel fut le cas de la Tour Eiffel, qui, étant une construction éphémère devait être démontée quelques années après l’exposition de 1889, mais qui a été conservée d’abord pour une raison utilitaire - elle servait de poste de radiodiffusion à Paris - pour après être conservée pour des raisons patrimoniales – classement en 1964. Selon Françoise Choay, le réemploi est un des moyens pour la mise en valeur du patrimoine qui peut permettre l’introduction des usages vivants dans les monuments, sans leur conférer un « destin muséal ». Pourtant, elle considère que l’attribution d’une nouvelle destination est très complexe, et demande une analyse précise des potentiels 13. L’Architecture d’Aujourd’hui a aussi présenté quelques articles qui dévoilent le caractère historique des Halles, en essayant aussi de leur offrir une valeur historique qui n’a pas été montrée jusqu’au numéro 138 de la revue. L’historien d’architecture Pierre Saddy nous raconte la « petite histoire des halles » en faisant la chronologie des Halles depuis le Moyen Age grâce à des plans schématiques. Ensuite, en juillet 1969, dans le numéro 144 – « Actualités » - l’historien d’art André Fermigier propose une rétrospective sur la ville de Paris depuis les années 1900. En parlant de l’époque contemporaine dans son texte, l’auteur critique surtout la politique de protection patrimoniale. L’avis négatif sur les pratiques courantes était basé sur le manque d’effort dans la période de l’aprèsguerre pour protéger efficacement les monuments historiques, ignorant ses abords et la perspective d’ensemble. Fermigier condamne ainsi André Malraux pour ce qu’il juge comme une catastrophe : « La faiblesse, l’incurie de celui qui l’a [ministère des Affaires culturelles] dirigé pendant dix ans ont fait que finalement tout a été toléré, alors que lui seul avait la possibilité (et le devoir) de dire non ». Par la suite dans le texte, l’historien d’art parle spécifiquement de l’affaire des Halles : « Une seule des batailles engagées pour la réhabilitation du Paris historique semble sur le point d’être gagnée : celle des Halles, mais le Ministère des Affaires culturelles n’y est pour rien, qui soutint au contraire le pire des projets de 1968, projet dont l’adoption aurait signifié da destruction complète du quartier ancien et l’implantation au cœur de la ville de ce que la caricature de l’architecture moderne offre de plus monstrueux. Si l’affaire des Halles a pris un cours plus favorable, c’est à la presse, à l’opinion publique, aux habitants du

12. « Les Halles- André Chastel a raison… », L’Architecture d’Aujourd’hui, 153 (janvier 1971), p. VI. 13. Choay, Françoise, L’Allégorie…, op. cit., p. 163.

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quartier qu’on le doit. Pas à M. André Malraux qui a blanchi les façades de Paris, c’est vrai, mais il faut peut-être ajouter qu’il s’agit là d’une opération dont le responsable à l’origine est M. Pierre Sudreau » 14. Le même auteur a aussi publié dans le Nouvel observateur, en 1971 (après la démolition des Halles) un article où il appelle le nouveau projet un « monument expiatoire », reconstruction en quelque sorte des Halles de Baltard, motivée par des remords de sa destruction 15. L’article dans L’Architecture d’Aujourd’hui se reporte à André Malraux, qui n’a pas suffisamment défendu la conservation des Halles au sein du ministère des Affaires culturelles. Selon Bernard Toulier, « cette politique volontariste reste sans lendemain, l’administration doit faire face à un afflux de demande de protection et, malgré l’institution de « chambres ardentes » à partir de 1967, le rythme rapide des arrêtés ne concerne quasiment plus les édifices du XXe siècle. Il faut attendre les conséquences de la démolition des Halles de Baltard, en 1971, pour observer une seconde vague de protection, concomitante du sauvetage de la gare d’Orsay » 16. Les protestations contre la démolition des Halles trouvent toutes leurs forces dans un dernier article sur cette affaire avant la grande démolition intitulé « Démolir Notre Dame » (annexe 2), dans lequel G. Gimpel compare la démolition des Halles à une hypothétique démolition de Notre Dame de Paris, tout en disant que la perte la plus irréparable serait celle de la construction de Baltard, qui, selon lui, était unique et irremplaçable. La comparaison entre les Halles et Notre Dame de Paris est inédite. Celle-ci montre avec force l’indignation de l’auteur face à l’affaire des Halles et face à l’indifférence des architectes modernes envers les architectures du XIXe siècle. Gimpel rappelle aussi le retard de la France en comparaison avec l’Angleterre, ou la Belgique concernant l’intérêt que ces derniers ont porté aux études sur l’architecture industrielle, un « art de construire révolutionnaire, dont les grands pionniers furent des Horeau, Saulnier, Labrouste, Eiffel… » 17. L’affaire des Halles est venue poser la question de la conservation d’une architecture du XIXe jusque-là négligée. L’architecture industrielle des grandes portées métalliques et des éléments préfabriqués en béton, ainsi que la machinerie et les constructions qui font partie des cycles de fabrication industrielle seront peu à peu considérés dans le cadre des classements et inscriptions au titre des Monuments Historiques. La prise de conscience pour l’architecture industrielle se passe au moment où les architectes et conservateurs assument certaines qualités indéniables de ce patrimoine, comme la représentation des avancées techniques d’une époque où la maitrise des nouveaux matériaux permettait des constructions intéressantes aux niveaux structurel et esthétique ; la capacité d’adaptabilité des bâtiments de grande portée ; et l’insertion urbaine et paysagère des éléments industriels. Depuis l’affaire des Halles, on observera dans L’Architecture d’Aujourd’hui un intérêt croissant pour l’architecture 14. 15. 16. 17.

Fermigier, André, « Les embellissements de Paris », L’Architecture d’Aujourd’hui, 144 (juin-juillet 1969), p. 92. Lemoine, Bertrand, op. cit., p. 211. Toulier, Bernard, op. cit., p. 23. Gimpel, G., « Démolir Notre Dame », L’Architecture d’Aujourd’hui, 144 (juin-juillet 1969), p. 94.


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industrielle, avec la présentation des reportages photographiques sur l’archéologie industrielle, ainsi que d’autres polémiques concernant cette architecture et des projets de reconversion de bâtiments industriels en France et à l’étranger.

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b) L’intérêt pour l’architecture du XIXe et XXe siècles. CÉLÉBRATION DE LA TECHNOLOGIE Depuis ses origines, L’Architecture d’Aujourd’hui a publié différents articles et numéros dédiés à l’architecture industrielle. Le numéro 11 de la revue, de novembre1936 est un des numéros consacrés à « L’architecture industrielle », ainsi que le numéro 37, de 1951, et les numéros 95, de 1954 et 133, de 1967, dont le thème était « l’industrie »18. Déjà dans les années 1930, l’industrie du XIXe et XXe siècles était célébrée pour l’innovation et pour les technologies qu’elle apportait à la construction. L’architecture industrielle avant le XIXe siècle, en revanche, n’était pas du tout un objet de recherche ou des discussions dans la revue à cette époque-là. Les articles sur l’architecture industrielle dans la première moitié du XXe siècle tournaient autour des nouveaux matériaux et nouvelles techniques d’alors : fer, fonte, béton armée. Le grand était de comprendre la valeur esthétique des constructions industrielles et leur rôle comme œuvres d’architecture : « En même temps que les conditions de fabrication des diverses industries se sont perfectionnées et compliquées et que les exigences de confort dans le travail ont augmenté, un souci tout nouveau s’est introduit : celui de la valeur esthétique. C’est ainsi que la construction des édifices industriels et des grandes portées est entrée dans le domaine de l’architecte, sans quitter cependant celui de l’ingénieur auquel elle appartenait presque tout entière jadis » 19. Il est évident que l’intérêt pour ce type de construction pendant les années 1930 provient aussi de la présence au sein de la revue de plusieurs architectes et ingénieurs connus pour leurs œuvres innovantes, comme E. Freyssinet, Tony Garnier, Hector Guimard et Auguste Perret. Il est important de noter que ces derniers faisaient partie du comité de patronage de la revue. Dans le numéro 11 de L’Architecture d’Aujourd’hui, la préface rédigée par l’ingénieur E. Freyssinet montre son point de vue sur les constructions industrielles. Selon Freyssinet, une construction industrielle est un fait architectural quand elle constitue une œuvre d’art, transmettant des idées, et quand elle est capable de susciter des émotions 20. Dans ce numéro, le débat s’ouvre sur une question qui se pose depuis le début du XXe siècle : les constructions industrielles peuvent-elles être considérées comme de l’architecture ? Cette thématique avait déjà été explorée dans l’ouvrage Construire en France, construire en fer, construire en béton, de S. Giedion, qui était le correspondant de L’Architecture d’Aujourd’hui en Suisse pour ce numéro de la revue. Dans son livre de 1928, l’historien et critique d’architecture parle des évolutions que les nouveaux 18. Le numéro 133 contient un important reportage photographique concernant les photographes Hilla et Bernrd Becher qui sera objet de discussion de notre prochaine sous-partie. 19. Hermand, André, L’Architecture d’Aujourd’hui, 11 (novembre 1936), p. 2. 20. Freyssinet, E., « Préface », L’Architecture d’Aujourd’hui », 11 (Novembre 1936), p. 3.


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matériaux peuvent offrir à la conception architecturale : « C’est de cette matière première que nous devons nus accommoder : des édifices gris, des halles de marché, des entrepôts, des bâtiments d’expositions. Aussi mineurs qu’ils puissent paraître dans le déclenchement du frisson esthétique, ce sont eux qui portent les germes du futur ! ». Parallèlement à cette exaltation des nouvelles techniques, Giedion met en question la définition plus classique « d’architecture » - souvent liée aux constructions faites en pierre – et qui, à son avis, ne restera pas longtemps inchangée. « Architecture et « monumentalité » sont deux concepts étroitement liés. Là où les nouveaux matériaux de construction, le fer et le béton armé, se plient aux critères formels de masse et de « monumentalité », c’est que l’on en fait un mauvais usage, contraire à leur nature spécifique. De toute façon, il nous paraît peu probable que « l’architecture », concept limité en soi, puisse se maintenir ». 21 L’auteur affirme dans son propos que, au regard des avancements dans le champ de l’architecture et de l’ingénierie, la notion « d’architecture » évoluerait également. En 1969, le numéro 144 de la revue contient un guide de l’architecture contemporaine en France fait par Gilbert Cordier, historien d’architecture, qui témoigne de l’évolution de la notion d’architecture confirmant les préconisations par Giedion. Le guide est classé par type d’usage: Habitations individuelles (HI) ; Habitations collectives (HC) ; Cité universitaire (CU) ; Musées-Maisons de la culture (MN) ; Spectacle (SP) ; Edifices culturels (EC) ; Enseignement (E) ; Loisirs-sports (LS) ; Bâtiments sociaux et hospitaliers (S) ; Immeubles de bureaux (B) ; Commerce (CO) ; Usines-Travail (T) ; Halles (H) ; Ponts, routes (PR) ; Barrages (centrales hydrauliques) (BA) ; Réservoirs (R) ; Chantiers navals (CN) ; Industrie – Complexes pétrochimiques (I) ; Chaufferies (GH) ; Energie (EN) ; Art nouveau (AN) 22. Plusieurs catégories proposées nous semblent assez originales pour un guide d’architecture, surtout celles relatives à l’industrie, au transport et la production d’énergie. Le regard de l’auteur de cet article montre la mise en valeur d’une architecture encore considérée comme mineure. Dans la liste, figurent, entre autres, la Gare du Nord, de J. Hittorf (inscrite monuments historiques en 1978) ; la chocolaterie Menier, de J. Saulnier (classée Monuments historique en 1992) ; le Halles Centrales de Paris, de Baltard ; les abattoirs de La Mouche, de Tony Garnier (inscrits Monuments historiques en 1974), ainsi que des œuvres de Perret, Aalto, Parent, Mallet-Stevens et Le Corbusier. Cette publication semble accompagner les débats sur le patrimoine architectural, préconisant déjà le classement de quelques bâtiments qui, plus tard, seront effectivement protégés par le classement ou l’inscription au titre de monuments historiques. Ces derniers classements ont eu lieu depuis l’entrée de Michel Guy au ministère des Affaires culturelles, en 1974, qui débutera la deuxième vague de protection – donnant une continuité à la première vague sous le ministère d’André Malraux. Le ministère de Michel Guy fut crucial pour transformer les méthodes de protection et de préservation de l’architecture du XIXe et XXe siècles, y compris l’architecture industrielle, beaucoup plus efficace que la politique de ses prédécesseurs. 21. Giedion, Siegfried, Construire en France, construire en fer, construire en béton, Paris, Éditions de la Villette, 2000 [1928], p. 6 et 15. 22. Cordier, Gilbert, « Patrimoine architectonique contemporain France », L’Architecture d’Aujourd’hui, 144 (juin-juillet 1969), p. 100-103.

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BERNARD HUET ET L’ENTREPRISE CRITIQUE DE L’AA Simultanément au changement de la politique de préservation du ministère des Affaires culturelles au début des années 1970, la rédaction de L’Architecture d’Aujourd’hui connaît également une deuxième période, cette fois encore plus radicale que la première, avec l’arrivée de Bernard Huet comme rédacteur en chef. Dans le numéro 272, de 1990, un article défini le panorama de la revue avant et après l’arrivée de cet architecte et urbaniste : « Entendons-nous. L’AA ne faisait que refléter des attitudes frileuses, majoritaires dans son lectorat. On y trouvait peu de débats d’idées par conséquent, mais de l’information-promotion, concernant telle ou telle réalisation des ténors du hard french (expression malicieuse inventée, comme on sait, par Bruno Vayssière), et une approche de la création internationale vue par le bout de la lorgnette hexagonale. Et cette étroitesse était si criante que son rédacteur en chef, Marc Emery, homme de culture et d’ouverture, prit lui-même l’initiative de tenter de faire naître, sous de nom de « Métropolis », la revue dont il rêvait. Par ce geste, Emery créa un vide à la direction de l’Architecture d’Aujourd’hui à laquelle il dut renoncer. Ce vide, par un enchaînement de hasards dont le protagoniste principal s’étonne encore aujourd’hui (mais qui était assez courant à cette époque encore toute ébaubie par la surprise de 68), propulsa au poste de rédacteur en chef une des figures de proue de la contestation architecturale radicalissime : Bernard Huet » 23. Dans cette période où Bernard Huet fut chargé de la rédaction de L’Architecture d’Aujourd’hui, la ligne éditoriale a clairement changé ainsi que l’organisation de la revue. La revue restait globalement divisée en deux parties rédactionnelles. Pourtant, dans la première partie, la revue s’ouvrait beaucoup plus au débat. Après le générique, le sommaire et l’éditorial, quatre rubriques étaient dédiées aux actualités : une tribune – ou les lecteurs pouvaient s’exprimer par des lettres, libres propos et débats proposés par la revue - ; des actualités dans les champs de l’architecture et de l’urbanisme ; un panorama contenant des réalisations contemporaines ; et des notes de lectures d’œuvres récentes. La deuxième, dédiée à la thématique centrale, était aussi divisée en sousparties : dossier, présentions critiques, documents variés et produits du marché de la construction 24. L’Architecture d’Aujourd’hui a présenté plusieurs débats concernant l’architecture industrielle et le dilemme présenté par sa conservation ou sa démolition. Les rédacteurs de la revue, y compris le rédacteur en chef, et des architectes extérieurs à la revue ont exprimé leurs avis et leurs motivations sur ce sujet dans les nouvelles rubriques d’actualité proposées par Huet. De cette manière, les discussions sur l’architecture 23. Le Dantee, Jean-Pierre, « La période Huet, une entreprise critique », L’Architecture d’Aujourd’hui, 272 (décembre1990), p. 176. 24. Huet, Bernard, « Editorial », L’Architecture d’Aujourd’hui, 174 (juillet-août 1974), p. VII.


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Graphique 2_ Apparition des articles concernant l’architecture industrielle dans la période d’analyse On peut voir avec le graphique une grande quantité d’articles publiés dans la période où Bernard Huet était le rédacteur en chef de L’Architecture d’Aujourd’hui, entre 1974 et 1977.

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industrielle évoluent. À l’origine, le débat tournait autour de la reconnaissance des constructions industrielles comme étant de l’architecture. Cette nouvelle époque a suscité une nouvelle question : l’architecture industrielle doit-elle être conservée comme patrimoine historique ? Ce phénomène se produit au moment de l’affaire des Halles, et s’étendra progressivement à l’architecture industrielle en général. Dans un des premiers numéros sous sa responsabilité, Bernard Huet écrit un éditorial appelé « Des intentions aux actes » parlant du sujet précis de la sauvegarde du patrimoine en France. Dans son texte, l’architecte s’adresse à Michel Guy, qui est alors ministre de la Culture, en faisant des compliments sur sa nouvelle politique. Mais, il alerte aussi le ministre que pour sauvegarder le patrimoine architectural du XIXe et XXe siècles de manière efficace, il fallait abolir certains privilèges qui dépassaient les lois de l’époque, ainsi que faire de la sauvegarde une « affaire de tous ». « Sur le plan juridique, on connait la lourdeur des procédures de classements, utilisés d’ailleurs fort prudemment et l’inefficacité des inscriptions à l’inventaire. Tout promoteur sait, en effet, qu’il est relativement facile d’obtenir la radiation d’un édifice gênant : il suffit de le démolir discrètement au mois d’août. (…) Les décisions de Mr. Guy risquent fort de rejoindre l’enfer des bonnes intentions s’il ne réforme pas rapidement et vigoureusement un système désuet, inefficace et relativement coûteux (dans les limites d’un budget dérisoire) par rapport aux services qu’il rend » 25. Bernard Huet témoigne à travers cet éditorial et bien d’autres encore, de sa ligne éditoriale très critique. En plus ce texte rédigé par lui-même, on trouve d’autres articles et annonces à propos de la sauvegarde de différentes constructions métalliques ou des discours militants pour la conservation d’architectures négligées. Dans la section « actualités » de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, la publication de textes courts et directs sont assez révélateurs sur les sujets généraux, comme le patrimoine architectural. Dans le numéro 175 de la revue, de septembre 1974, une partie dédiée à la sauvegarde parmi les « actualités » évoque justement le « XIXe siècle à l’honneur », et l’inscription des passages et galeries parisiennes dans l’inventaire supplémentaire des monuments historiques 26 : passages Choiseul, Saint-Anne, des Panoramas, Vivienne, Jouffroy et Verdeau. Cet acte est un des premiers du ministre des Affaires culturelles M. Guy, qui venait de commencer son ministère. L’annonce est illustrée par une photo de Robert Doisneau – collaborateur de l’agence Rapho – du passage des Princes, au 2ème arrondissement. La photo ne comporte pas de légende, lorsque le passage n’est pas concerné par l’inscription mentionnée dans le texte. Il sera inscrit que en 1986. En plus des passages, les halles et marchés ont aussi attiré l’attention des architectes. Dans le numéro 176, de décembre 1974, la section « tribune » de la revue dédie sa page aux abattoirs de La Mouche, contenant une lettre défendant la 25. Huet, Bernard, « Editorial – Des intentions aux actes », L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembredécembre 1974), p. VII. 26. « Sauvegarde », L’Architecture d’Aujourd’hui, 175 (septembre-octobre 1974), p. XXVIII.


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conservation des abattoirs et des réponses écrites par les architectes Charles Delfante et Jean-Louis Morlet. L’auteur de la lettre montre sa préoccupation en vue de l’éventuelle démolition du bâtiment conçu par Tony Garnier, à l’exemple de ce qui s’est passé à Paris, avec les Halles et la Roquette. Les deux architectes affirment que rien n’arrivera aux abattoirs, puisque la grande Halle « a déjà fait l’objet d’une procédure d’inscription à l’inventaire »27. La conservation du bâtiment nous semble évidente dans l’article, ce qui est un changement radical par rapport au cas des Halles à Paris. Delfante et Morlet ont déjà été sensibilisés à l’œuvre de Tony Garnier et sont d’accord avec la mise en valeur de son architecture. Une chose semblable n’était pas arrivée à l’œuvre de Baltard au centre de Paris, qui fût, justement, le mauvais exemple ayant servi à sensibiliser les architectes, les artistes, les ministres et les conservateurs. Ce numéro 176 est très significatif pour notre recherche. Au-delà de l’éditorial acide de Bernard Huet sur la sauvegarde du patrimoine en France et la section « tribune » dédiée aux abattoirs de Tony Garnier, la thématique générale, « ParisLondres », de ce numéro, elle aussi, est d’une grande importance. La comparaison entre les deux villes a été exploitée dans un dossier dont le thème est présenté par MarieChristine Gagneux, architecte française qui en 1974 venait de conclure son master en Environmental design, à l’Université de Yale, et de travailler comme chercheur associé à l’Ecole Polytechnique de Kingston, en Angleterre 28. Le dossier est organisé autour de certains aspects similaires entre les deux villes qui permettent l’analyse comparative, même s’ils sont traités différemment dans chaque pays : des questions de politique urbaine, de la ville comme centre d’affaires, les opérations de rénovation et reconquête de centres urbains. Selon M.C. Gagneux, le thème de l’obsolescence des grands équipements du XIXe siècle est commun entre Paris et Londres, malgré les divergences entre les solutions trouvées dans les deux cas. Une de ces comparaisons porte sur les Halles de Paris et le Convent Garden à Londres. Dans un article intitulé « Salade, oseille et grosses légumes », une série de photos et de dessins comparatifs entre les deux marchés est suivie de la description minutieuse des opérations urbaines qui concernaient ces ensembles urbains. La thématique des Halles est reprise même après leur démolition, tout en envisageant la question à la lumière de la comparaison avec le cas londonien. Un tableau comparatif et chronologique des deux cas (annexe 3) témoigne à nouveau de la critique sévère concernant le résultat négatif des Halles dû à la politique patrimoniale française : Une comparaison en septembre 1974 des situations à Londres et Paris, fait apparaître deux tableaux divergents aussi bien au point de vue des moyens utilisés que des buts à atteindre : d’un côté une puissante administration municipale recherche activement une vaste participation locale dans l’élaboration de ses plans, de l’autre côté l’avenir de la cité toute entière est progressivement devenu l’un des domaines réservés du Président de la République » 29. 27. Delfante, Charles, « Les abattoirs de La Mouche », L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. IX. 28. Elle a participé à l’équipe de L’Architecture d’Aujourd’hui entre 1974 et 1979. La préparation du dossier ParisLondres a été fait avec la participation de l’architecte Colin Fournier. 29. Abdulak, Samir, Bews, Alf, « Salade, oseille et grosses légumes », L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. 52.

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À Paris, certaines manifestations ont aussi eu une influence notable grâce à la participation locale. Tel était le cas de l’affaire du Carreau du Temple, que la revue L’Architecture d’Aujourd’hui présente dans la section « panorama » du numéro 179 de juin 1975, dans un article intitulé « Les marchands chassés du Temple ». La proposition de la mairie était de détruire le bâtiment pour construire des « mètres carrés démagogiques » - avec parking, logements, crèche, équipements sportifs, etc. La population n’avait pas été consultée et il n’existait pas d’étude urbaine pour ses équipements. La réaction sera, cette fois, amenée par des associations locales, comme le décrit l’architecte Christian Devillers : « Le premier coup de pioche est prévu pour Juillet. Une pétition, appuyée par le Groupe Carreau du Temple du Comité des habitants du troisième arrondissement, par le bureau de liaison des 80 associations d’habitants de la région parisienne et se SOS Paris peut être signée le matin au Carreau (lettres de soutien et signatures peuvent aussi être envoyées au Syndicat des Marchands du Carreau du Temple »30. Encore en 1975, d’autres marchés ont fait objet de discussions dans L’Architecture d’Aujourd’hui, dans un article de la section « actualités » : St-Honoré, Halles Centrales et Maubert, déjà démolis ; et St-Germain, St Quentin, Batignolles, d’Orléans et de la Roche-sur-Yon, qui étaient concernés par des opérations de rénovation des mairies 31. Dû à l’intérêt grandissant pour l’architecture industrielle dans la sphère du patrimoine, en 1983 une nouvelle cellule dédiée uniquement au patrimoine industriel a été créée au sein de la sous-direction de l’Inventaire général. Elle réalisait initialement plusieurs enquêtes sur ce sujet et, à partir de 1986, elle a initié un recensement du patrimoine industriel « prenant systématiquement en compte les lieux de production, qu’ils soient en activité ou non. Une méthode d’investigation rigoureuse permet aux chercheurs spécialisés dans ce domaine de réaliser les enquêtes ; pour chaque territoire inventorié, des présentations générales restituent le cadre de l’étude avec ses caractéristiques physiques, historiques et patrimoniales »32. A partir de ce moment, une protection plus effective a été mise en place pour le patrimoine industriel.

30. Devillers, Christian, « Les marchands chassés du Temple », L’Architecture d’Aujourd’hui, 179 (mai-juin 1975), p. XVII. 31. « Les marchés au pilori », L’Architecture d’Aujourd’hui, 179 (mai-juin 1975), p. XVII. 32. Manigand-Chaplain, Catherine, « Éditorial », In-Situ, 8 (2007). https://insitu.revues.org/2670, accès le 27 novembre 2016.


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Image 4_Doisneau, Robert, Passage des Princes, L’Architecture d’Aujourd’hui, 175 (septembre-octobre 1974), p. XXVIII.

Image 5_Roget-Viollet, Abattoirs de la Mouche , L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. IX.

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Image 6_Abdulak, Samir, Convent Garden, L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. 46.

Image 7 et 8_Les Halles , L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. 47.


1. LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE | 1965-1976

Image 9_Carreau du Temple , L’Architecture d’Aujourd’hui, 179 (mai-juin 1975), p. XVII.

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c) Le rôle de la photographie dans la construction d’un imaginaire Le patrimoine résultant du processus d’industrialisation comprend un ensemble plus vaste que les constructions faites à partir des éléments industriels, cas de la Tour Eiffel et les abattoirs de la Mouche. Il considère également les bâtiments et la « machinerie » dédiés à la production industrielle ainsi que l’architecture ferroviaire. Tous ces éléments étaient, en fait, liés par une logique de production industrielle : production – transport – consommation. L’archéologie industrielle est un champ d’étude qui inventorie et analyse cet ensemble complexe de bâtiments et d’objets construits. Née en Angleterre des années 1950, le terme gagne en force et attire l’attention internationale entre les années 1960 et 1970, suite aux démolitions emblématiques (Coal Echange, Halles Centrales et Penn Station). L’archéologie industrielle ne se limite pas aux bâtiments construits à partir du XIXe siècle – qui ont fait le sujet d’une grande partie des articles trouvés pendant notre recherche – mais elle remonte à une époque encore plus lointaine, considérant les différentes phases de la Révolution industrielle dans les différents pays33. L’archéologie industrielle est un sujet qui est apparue trois fois en ce début d’analyse, toujours par le moyen de la photographie. La première apparition du thème dans la revue a eu lieu en septembre 1967, dans le numéro 133, dédié à « l’industrie ». L’article intitulé «1820-1920 - Constructions du premier âge industriel » 34, illustré par des photos de Bernd et Hilla Becher, ouvre le dossier thématique du numéro, qui présentait, ensuite, des projets de bâtiments industriels contemporains à l’époque de la publication. L’archéologie industrielle émerge dans cette édition avec l’intention de montrer le rythme en constante accélération des activités industrielles 35. Les photographes allemands Hilla et Bernd Becher commencèrent leur travail photographique dans les années 1950 en mettant à profit leur intérêt commun pour les objets industriels. Se rendant compte des menaces de démolitions suite à une crise minière en Europe Centrale, ils se sont lancés dans une investigation photographique recensant des éléments industriels, abandonnés et toujours utilisés. Leur travail a débuté dans la Ruhr, et s’est étendu progressivement aux autres régions de l’Allemagne, puis à d’autres pays : Pays de Galles, Angleterre, France, Espagne, Pays Bas, États-Unis et, après 1990, aux régions de l’Europe de l’Est 36. En 1967, année de la publication de l’article, ils ont réalisé la première grande exposition de leurs œuvres à Munich, au Staatliches Museum für Angewandte Kunst – aujourd’hui Neue Sammlung de München (Musée International de Design de Munich), ce qui aura pour effet de médiatiser leur travail et le faire vraiment connaître. Le style photographique des Bechers est très particulier, ce qui nous permet de reconnaître facilement leurs photos. Ils se sont opposés à l’esthétique photographique dominante de l’époque, la « photographie subjective », définie par Otto 33. Kühl, Beatriz Mugayar, Preservação do patrimônio arquitetônico da industrialização – problemas teóricos do restauro, Cotia, Ateliê Editorial, 2008, p. 39. 34. Sembach, K.J., « 1820-1920 : Constructions du premier âge industriel », L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967), p. 2-9 35. Hebert-Stevens, François, « Le rôle des architectes dans l’évolution de la société industrielle », L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967), p. 1. 36. Zweite, Armin, Bernd et Hilla Bercher [exposition] Centre Pompidou, Paris, Centre Pompidou, 2004, p. 13.


1. LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE | 1965-1976

Image 10_ Becher, Bernd et Hilla, Hauts fourneaux de fonderie - Oberhausen - Allemagne (1910), L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967), p. 6.

Image 11_ Becher, Bernd et Hilla, Fours à chaux à Harlingen-Hollande (1900) L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967), p. 6.

Image 12_ Becher, Bernd et Hilla, Centrale electrique «Bargoed» - Galles du Sud (1912), L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967), p. 6.

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Steinert comme photographie « humanisée » ou « individualisée » 37. Bernd et Hilla incarnaient plutôt la génération des photographes de la « Nouvelle objective », des années 1920, de Albert Renger-Patzsch et August Sander, où la représentation des objets photographiés est résolument nette et sans détour ou idéalisation de la réalité 38. Leur méthode de prise photographique consistait ainsi à isoler les objets industriels – chevalements, hauts-fourneaux, tours de réfrigération, gazomètres, châteaux d’eau, etc. - pour pouvoir observer des informations impossibles à voir dans une vue d’ensemble. Pour arriver à une « désubjectivation »39 totale des prises de vue, les photographes utilisaient un format standardisé, avec des proportions toujours constantes entre l’objet principal et le sol, sans aucun effet de lumière, sans angles visuels particuliers ou distorsions. Leurs photos sont aussi en noir et blanc et sans traces humaines. De cette façon, ils pratiquent une sorte d’inventaire, faisant aussi une classification de leur travail en établissant des types et des familles d’objets 40, comme montrent les photos de hautsfourneaux dans l’article de L’Architecture d’Aujourd’hui. Dans cet article, les photographies des Becher sont accompagnées par un texte de Klaus-Jurgen Sembach, commissaire de l’exposition du musée qui présentait leurs œuvres et qui, plus tard, est devenu directeur du Museum Industriekultur – Musée de la Culture Industrielle – inauguré en 1985, à Nuremberg. Il y dit que les photographes ont travaillé « plus au moins en archéologue », utilisant une représentation neutre, sans souligner les aspects monumental ou graphique 41. Pourtant, selon Blake Smithson, caractériser les études photographiques de Bernrd et Hilla comme étant de l’archéologie industrielle serait une supposition erronée, du fait que leur travail a pour origine un intérêt pour la forme des objets et non leur histoire, fournissant donc peu d’interprétation socio-historique ou archéologique. Ses images devraient parler par elles-mêmes, sans avoir besoin des explications scientifiques qui les accompagnent 42. Malgré le désintérêt pour le contexte historique de cette architecture, les photos prises par les Becher confèrent à ces objets une certaine monumentalité, une fois qu’ils ont été isolés de leur paysage et regardés d’une manière radicalement innovante par rapport au regard courant. On peut supposer que, même si leur intention initiale n’avait pas un rapport direct avec l’archéologie industrielle, le travail de ces deux photographes a inspiré des démarches de recherche sur l’archéologie industrielle. Un signe évident de la curiosité sur l’archéologie industrielle qu’a suscité leur travail se trouve dans L’Architecture d’Aujourd’hui. Trois ans après l’édition concernant le travail de Hilla et Bernd Becher, la revue publie à la fin de son dossier thématique sur « l’Autriche » un reportage photographique appelé justement « archéologie industrielle »

37. Stimson, Blake, « The Photographic Comportment of Bernd and Hilla Becher, Tate Papers, 1 (Printemps 2004). Disponible sur http://www.tate.org.uk/research/publications/tate-papers/01/photographiccomportment-of-bernd-and-hilla-becher, accès le 26 décembre 2016. 38. Aubenas, Sylvie, Versavel, Dominique, Objets sans objectifs – le dossier / Exposition du ,31 mai au 28 août 2005, Paris, BNF, 2005. Texte disponible sur http://expositions.bnf.fr/objets/dossier/03.htm, accès le 27/12/2016. 39. Zweite, Armin, op.cit., p. 10. 40. Stimson, Blake, op. cit. 41. Sembach, K.J., op. cit., p. 4. 42. Stimson, Blake, op. cit.


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dans le numéro 151, du photographe et journaliste d’architecture Jean Pierre Cousin, qui a contribué plusieurs fois à la revue avec ses photos durant cette période. Dans ce cas particulier, la revue présente le regard qu’il porte sur l’architecture industrielle dans la vallée du Danube. « L’ensemble plaine-fleuve-constructions définit un lieu d’une grande unité, cette unité venant de la qualité esthétique de l’ensemble. Ce que l’on peut appeler ici qualité esthétique est le « Détournement d’Intentions » opéré par le visiteur à l’égard de l’esprit positiviste des constructeurs. On pourrait retrouver d’ici d’abord certains systèmes de formes des années 20, et surtout ceux d’architectes comme Hollein, Peichl. Cette constatation permet de s’interroger sur l’œuvre de ces architectes de l’après-guerre qui, à certains égards semblent s’approprier à rebours, sous le couvert d’une « méthodologie objective », les prémisses et premières réalisations de la première mythologie industrielle » 43. Sa vision est totalement différente de celui de Bernd et Hilla Becher. D’abord, J.P. Cousin montre son intérêt pour les constructions industrielles comme architecture, dans leur contexte paysager et historique et non comme objets isolés. On peut supposer que ce « Détournement d’Intention » dont nous parle l’auteur est le regard subjectif sur les objets industriels qui était absent durant leur création architecturale ainsi que dans les photographies de H. et B. Becher. Dans le cas du reportage photographique de J.P.Cousin, la subjectivité par rapport aux constructions industrielles est appréhendée. Malgré les différences entre les regards des photographes en question, leurs objets d’intérêt restent les mêmes. L’Architecture d’Aujourd’hui profite de ces deux reportages photographiques pour introduire cette nouvelle notion d’archéologie industrielle tout en faisant un rapport entre ce sujet et la thématique principale de la revue. Ces articles montrent un regard innovant sur les constructions industrielles et un intérêt pour cette architecture encore peu explorée à l’époque, en ouvrant un espace pour d’autres recherches. Le dernier article dans lequel l’iconographie joue un rôle très important dans la formation de l’imaginaire de l’architecture industrielle est paru en 1976, dans le numéro 183. Il porte sur le complexe industriel minier connu sous le nom de « Grand Hornu », construit en Belgique entre 1820 et 1835 par l’industriel Lillois Henri de Gorge et l’architecte diplômé des Beaux-Arts, Bruno Renard. Le texte écrit par l’architecte Brian Brace Taylor dans L’Architecture d’Aujourd’hui est le premier article concernant un édifice industriel ancien qui met vraiment l’accent sur l’histoire en s’appuyant sur une documentation complète sur les bâtiments, avec des nombreuses photos, plans, coupes et perspectives. Les photos donnent, encore une fois, un aspect monumental aux constructions, avec la mise en perspective des nombreuses arcades et

43. Cousin, J.P., « Archéologie industrielle », L’Architecture d’Aujourd’hui, 151 (août-septembre 1970), p. 104105 .

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des longs bâtiments. Le mélange des arcades extérieures avec la nature pourrait même nous faire penser à des ruines d’une époque encore plus lointaine. L’histoire racontée par l’auteur s’appuie énormément sur les photographies et images, reconstituant d’une certaine façon l’espace décrit par l’architecte. La construction de ce patrimoine dans l’imaginaire des lecteurs se fait, donc, par la parole ainsi que par l’image, notamment la photographie. Selon l’auteur du texte, « L’importance historique du grand Hornu réside, d’une part, dans les solutions architecturales et urbanistiques adoptées au temps de sa création (vers 1825) pour résoudre les problèmes de la production industrielle dans un site rural, et d’autre part, dans les innovations introduites dans le domaine du logement ouvrier sur le Continent » 44 . Ce commentaire montre l’évolution du regard sur l’architecture industrielle, qui ne se limite plus aux innovations techniques mais inclut également l’intérêt pour l’architecture et l’urbanisme comme témoignages historiques. Toujours dans cet article, l’auteur fait une comparaison entre le Grand Hornu et la Fonderie royale du Creusot, en France, fondée en 1781 et conçue par Pierre Touffaire. Le livre utilisé comme bibliographie par B.B. Taylor pour la réalisation d’une analogie entre l’implantation et les plans de deux complexes est un ouvrage de Bernard Huet, rédacteur en chef à l’époque de la publication de cet article, en collaboration avec Christian Devillers et D. Druenne. L’ensemble industriel français avait déjà fait l’objet d’une analyse exhaustive, publiée en 1974, une année avant son inscription au titre de Monuments historiques. Ainsi, entre 1965 et 1977 on voit peu à peu la mise en scène du patrimoine industriel dans la revue l’Architecture d’Aujourd’hui, parallèlement aux évolutions des politiques de préservation de ces architectures. En passant par l’expérience traumatisante des Halles, puis par une période d’investigation sur le sujet et à une période de protection de l’architecture du XIX siècle, on arrive à ce type d’article documentaire mêlant architecture et histoire qui nous ouvre de nouveaux horizons pour l’architecture industrielle.

44. Taylor, Brian Brace, « Le Grand Hornu 1820-1835 », L’Architecture d’Aujourd’hui, 183 (janvier-février 1976), p. 104.


1. LA RECONNAISSANCE D’UN NOUVEAU PATRIMOINE | 1965-1976

Image 13_ Cousin, J.P., L’Architecture d’Aujourd’hui, 151 (août-septembre 1970), p. 106.

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Image 14_ Taylor, B.B., Le Grand Hornu- bâtiment d’administration (1825), L’Architecture d’Aujourd’hui, 183 (janvier-fevrier 1976), p. 106.

Image 15_ Taylor, B.B., Le Grand Hornu - arcade des anciens ateliers de menuiserie, L’Architecture d’Aujourd’hui, 183 (janvier-fevrier 1976), p. 106.


2 L’ARCHITECTURE INDUSTRIELLE COMME MATIÈRE DE PROJET

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Après cette première période de prise de conscience de l’architecture industrielle comme patrimoine, entre 1965 et 1976, celle-ci connaît un temps de mise en valeur à travers de nombreux projets de réhabilitation ou de reconversion. Parmi les articles trouvés dans la revue entre 1977 et 1990, une grande partie d’entre eux est consacrée à la présentation de projets concernant la préservation intégrale ou partielle de constructions industrielles, qui étaient intégrées dans des projets contemporains. A cet instant, l’idée selon laquelle l’architecture industrielle pouvait apporter de la valeur à de nouveaux projets est reprise et exploitée par quelques architectes. En France, cette affirmation d’une architecture industrielle comme patrimoine s’est exacerbée autour d’un projet en particulier, celui du musée d’Orsay.


2. L’ARCHITECTURE INDUSTRIELLE COMME MATIÈRE DE PROJET | 1977-1990

Image 16_ Musée d’Orsay, L’Architecture d’Aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 17.

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a) Un premier catalogue de reconversions La sortie de Bernard Huet de L’Architecture d’Aujourd’hui s’est faite dans un contexte de tensions. Dès le début de son travail comme rédacteur en chef, plusieurs membres du comité éditorial démissionnèrent en raison de leurs positions conservatrices allant à l’encontre des positions très critiques de Bernard Huet. Néanmoins et, ce, pendant trois ans, l’architecte continue son travail et ce n’est qu’après plusieurs évènements le mettant dans une situation délicate qu’il doit renoncer à sa place dans la revue. A l’origine, une plainte contre la revue émanant de l’Ordre des architectes après la publication de l’éditorial de septembre-octobre 1975, qui décrivait l’institution comme « aussi peu vénérable que respectable », ce qui, aux yeux de l’Ordre, tenait de la diffamation. A cela s’ajoute une certaine stagnation des ventes et des pressions de la part des annonceurs. Dans ces circonstances si compliquées, Bernard Huet démissionne à la fin de l’année 1976 1. Après une période d’intérim mené par François Barre, Marc Emery revient sur scène en 1977. Malgré les changements importants dans le style de la revue depuis sa première expérience comme rédacteur en chef, il cherche à reprendre certaines des thématiques qu’il avait à l’époque déjà exploitées, comme l’urbanisme ou le tiers-monde. A ces thèmes, il associe des sujets à cet instant incontournables comme l’architecture high-tech, la production des architectes-stars, comme Renzo Piano et Alvaro Siza et, aussi, le thème de l’espace public. En outre, la question de la réhabilitation prend une place importante dans le dossier principal de la revue. De nombreux projets concernant la reconversion de l’architecture industrielle apparaissent à cette période. Pourtant, ils sont présentés, dans la plupart de cas, de manière purement descriptive, se limitant à un texte expliquant la démarche de l’architecte et ses résultats. En comparaison avec la période de Bernard Huet, la critique directe des projets perd énormément de place dans L’Architecture d’Aujourd’hui dans les premières années qui suivent le retour de Marc Emery. Tel est le cas du numéro 194 de novembre-décembre 1977, deuxième publication sous la responsabilité de Marc Emery depuis son retour, consacré aux « Reconversions ». La publication est introduite par un premier texte écrit par Patrick le Merdy et posant une question : « Quelle reconversion ? ». L’auteur y parle des points importants d’une reconversion des bâtiments anciens : la protection ou non au titre des monuments historiques, laissant les constructions à l’abri ou à dérive de la sauvegarde du patrimoine ; la création architecturale mise en place par les reconversions ; la question de l’économie du projet, qui varie selon les cas de reconversion ; et les pouvoirs politiques, qui s’approprient la dimension symbolique de l’architecture pour affirmer leurs forces2. Puis, Le dossier principal se divise en cinq types différents de reconversion. : « architecture », « urbanisation », « monuments historiques », « bâtiments 1. Chaslin, François, « Les deux périodes Emery, d’un tournant l’autre », L’Architecture d’Aujourd’hui, 272 (décembre 1990), p. 183. 2. Le Merdy, Patrick, « Quelle reconversion ? », L’Architecture d’Aujourd’hui, 194 (décembre 1977), p. 4-6.


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industriels, militaires, etc. » - topic plus nombreux – et « reconversions différentes ». Chaque typologie de reconversion est présentée dans un texte les abordant sous ces différents points de vue. Il apparait ici que la classification est faite d’une manière très classique. D’abord, la distinction entre architecture et monuments historiques souligne la différence entre les bâtiments protégés par le patrimoine et ceux qui lui échappent. En ce qui concerne les bâtiments industriels et militaires, ils ne sont quant à eux même pas placés dans la catégorie « architecture », faisant également une distinction marquante entre les deux. Malgré cette classification des projets assez peu innovante et le manque d’analyse sur chacun d’eux, il est important de noter, dans le numéro de novembredécembre 1977, la publication d’une série de neuf projets concernant le patrimoine industriel qui témoigne de manière évidente d’une prise de conscience des qualités de cette architecture et de celles des projets qui les mettent en forme. Ce numéro sera le premier parmi de nombreux autres à avoir comme thématique de son dossier principal, la reconversion. Bien que sans être directement liée à la présentation des projets, des textes plus théoriques sur la reconversion existaient aussi dans L’Architecture d’Aujourd’hui. Cette séparation témoigne sans doute de la démarche expérimentale des reconversions du patrimoine dans les années 1970 qui avançaient en parallèle d’un développement des méthodes et des théories de ce champ de discipline. Selon Patrick Goulet – critique d’architecture qui, dès 1984, essayait de trouver une position scientifique (en historien) concernant le phénomène de reconversions de l’architecture du XXe siècle – cette époque est marquée par une génération de reconversions qui abandonne l’idée de la table rase des modernistes, ainsi que le slogan de « la forme doit suivre la fonction ». Cette génération découvre, comme nous avons pu le voir dans la partie précédente, des architectures laissées de côté par la génération moderne : l’architecture du XIXe siècle, les architectures vernaculaires, et les constructions industrielles 3. Et c’est justement dans ce contexte que L’Architecture d’Aujourd’hui commence à présenter plusieurs projets de reconversion, y compris de bâtiments industriels. De 1977 à 1990, de nombreux numéros ont participé à cette mise en scène des projets de reconversions ou de restaurations du patrimoine industriel – notamment le numéro de novembre-décembre 1977, le numéro 202 sur la « Rénovation, réhabilitation, restauration », d’avril 1979, le numéro de juin 1984 – dont le sujet principal s’intitule « Métamorphoses » et enfin celui de décembre 1986, consacré au musée d’Orsay. La récurrence de ce thème dans la revue s’explique par une quantité considérable à l’époque de projets de reconversion et de restauration de l’architecture industrielle. Effectivement, la France connaît dans les années 1970 un phénomène de désindustrialisation4, qui s’explique par des changements profonds dans son système économique ; mais aussi, à la volonté des architectes d’explorer un champ nouveau, celui d’une architecture de 3. Goulet, Patrice, « La troisième génération – ou le retour à la parole », L’Architecture d’Aujourd’hui, 233 (juin 1984), p 4. 4. Real, Emmanuelle, « Reconversions. L’architecture industrielle réinventée », In Situ [En ligne], 26 (2015). Disponible sur http://insitu.revues.org/11745 ; DOI : 10.4000/insitu.11745, accès le 30 décembre 2016.

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l’industrialisation, qui s’affirme de plus en plus comme patrimoine. A cela s’ajoutent plusieurs actions pour la sauvegarde de ce patrimoine industriel impulsées par le ministre des Affaires culturelles Michel Guy et, plus tard, avec la cellule spéciale consacrée au patrimoine industriel au sein de la sous-direction de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, crée en 1983. L’inscription au titre des monuments historiques de l’ancienne fonderie Royale du Creusot et des abattoirs de la Mouche, en 1975, ainsi que de la chocolaterie Menier, en 1986, illustrent ces démarches. Après la Convention du patrimoine mondial de 1972, l’Unesco montre également son intérêt pour l’architecture industrielle, en l’ajoutant dans sa Liste du patrimoine mondial de 1978.

Brésil 1

Espagne 1 Danemark 2

Allemagne 3

Angleterre 4

Pays-Bas 2

France 9

Italie 4

Angleterre

France

Autriche EUA 1 Autriche

Italie

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Pays-Bas

Danemark

Espagne

Brésil

Allemagne

Graphique 3_ Quantité de projets présentés par pays On peut voir à travers ce graphique la prédominance de projets en France, suivie des États-Unis, dans les publications de la revue.

14

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6 4

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2 0

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reconversion

conservation

transformation

aménagement

réutilisation

restauration

préservation

rénovation

Graphique 4_ Lexique de la reconversion À travers de ce graphique, on peut voit les différents mots utilisés par les architectes pour faire référence à ses projets de reconversion d’architecture industrielle.


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b) Vocabulaire, matérialité, morphologie Ainsi et avec ces nombreuses publications, la revue ne développe pas uniquement un intérêt pour ce champ disciplinaire mais elle devient elle-même une première source de son écriture théorique (comme pratique). A travers ces articles, la revue met en forme les premiers points d’une recherche sur le sujet comme le vocabulaire, la matérialité ou la morphologie de l’architecture industrielle. Durant notre recherche, nous avons répertorié une série de 32 projets concernant le patrimoine industriel, dont la majorité se trouve en France, puis aux Etats-Unis et enfin en Angleterre. Notre intention n’est pas de faire ici un travail de description exhaustive de chacun de ces projets, ce qui pourrait être découvert par la simple lecture des sources de ce mémoire, mais de retrouver quelles sont les problématiques principales qui entourent ces projets. LE CHOIX LEXICAL On aurait pu imaginer que déjà à cette époque, il existerait des discussions plus profondes sur les différentes manières d’intervenir dans l’architecture industrielle. Reconversion, réhabilitation, restauration, rénovation, réutilisation font partie des quelques mots utilisés par les architectes et par les rédacteurs de la revue lors des descriptions des projets concernant des constructions industrielles existantes. Le mot utilisé le plus souvent est « reconversion ». Pourtant, il n’y a pas vraiment de réflexion particulière de la part des architectes sur ces cinq actions distinctes, ils les utilisent parfois même de manière interchangeable ou comme des synonymes malgré quelques tentatives de définition effectuées dans des articles théoriques de L’AA, comme dans l’éditorial écrit par Marc Emery dans le numéro 202 de juin 1984, « Rénovation, réhabilitation, restauration ». Texte dans lequel il reconnaît qu’à cette époque on n’adoptait plus le principe de la table rase, si présent chez les modernes. Selon Marc Emery, les voies de la réhabilitation et de la restauration apparaissent comme deux approches de reconversion permettant une alternative à la simple rénovation. Ainsi place-t-il, d’un côté la reconversion, qui peut être réalisée à travers la réhabilitation ou la restauration, et, de l’autre, la rénovation, beaucoup moins respectueuse de l’architecture préexistante. Pourtant, lui-même affirme la manque d’une réflexion plus approfondie : « Aucune réflexion en profondeur n’a encore été conduite et l’urgence de certaines situations amène les décideurs et les architectes à agir suivant des concepts préétablis. La réflexion fondamentale est aujourd’hui nécessaire. Comme d’autres, les architectes y travaillent mais le problème n’est-il par ailleurs, dans le rapport qu’une société moderne entretient avec son patrimoine ancien ? » 5. Selon Emmanuelle Real, chacun des cinq mots utilisés dans L’Architecture d’Aujourd’hui prennent un sens très différent, selon les différents niveaux de conservation et les intentions de l’architecte. Nous avons utilisé dans ce travail le mot « reconversion »

5. Emery, Marc, « Rénovation, réhabilitation, restauration », L’Architecture d’Aujourd’hui, 202 (juin 1984), p.1.

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pour faire référence aux projets montrés dans la revue, en le définissant comme « un exercice combiné qui associe la restauration des parties protégées et la réinvention de celles qui ne le sont pas » 6. Il faut, pourtant, se rappeler que parmi les projets trouvés dans L’AA, le seul concernant un bâtiment protégé au titre des monuments historiques est celui de la gare d’Orsay, classée en 1978 et transformée en musée pendant les années 1980. Dans les autres cas, c’était aux architectes de choisir entre ce qui serait restauré et ce qui serait démoli. En ce qui concerne le vocabulaire descriptif utilisé par les acteurs de la reconversion de sites industriels, on observe que celui-ci n’a pas évolué depuis que L’AA a commencé à traiter ce sujet. « Monument », « témoignage », « patrimoine », « trace », « ruine »7 sont quelques-unes de ces expressions. Pourtant, des 32 projets répertoriés, seulement huit font référence à ces mots qui confèrent aux bâtiments une dimension historique. La préoccupation la plus fréquente pour tous les architectes semblent plutôt de bien décrire les éléments structuraux des constructions, leur matérialité, et les moyens qu’ils ont mis en œuvre pour leur conservation et leur mise en valeur. LA BRIQUE ET L’ACIER Dans leurs démarches créatrices, on observe aussi un certain engouement pour la brique et l’acier. Cependant, la dimension symbolique de ces deux matériaux est très différente. D’abord, il semble se développer un imaginaire autour de la brique. Ses techniques de mise en œuvre et son utilisation ne sont pas une nouveauté. Bien qu’on observe pendant la révolution industrielle certaine avancée dans les modes de production de ce matériau, avec le développement de grands fours à charbon et l’implantation typique de cheminés, la façon dont on l’emploi date des siècles antérieurs. Un article dans L’Architecture d’Aujourd’hui écrit par l’architecte Christian Dupavillon en octobre 1979 intitulé « Le plein emploi de la brique – Berlin, Hambourg, Francfort »8 montre l’intérêt pour ce matériau et en fait un bref historique. Dans un premier temps, la brique semble reléguée au second plan, réservée par exemple aux habitations modestes. Or, depuis le XIXe siècle, on la retrouve aussi dans les églises, usines, immeubles d’habitation, notamment de style néo-gothique en Allemagne. Contrairement à l’acier, la brique évoque une architecture plus ancienne, malgré son utilisation intense au XIXe siècle. On peut supposer que les architectes lui trouvent un côté pittoresque, même si elle est très souvent le résultat d’une production industrielle. On a aussi pu remarquer lors de nos recherches qu’à chaque fois qu’il était possible de préserver une façade ou des murs en brique, les architectes n’hésitent pas à le faire. Tel est le cas des projets de reconversion d’une ancienne conserverie, à San

6. Real, Emmanuelle, op. cit. 7. Voir les articles répertoriés dans la liste de sources aux numéros : 12, 29, 31, 35, 37, 47, 48, 71, 80, 81, 86, 88, et 90. 8. Dupavillon, Christian, « 1900-1933 : Le plein emploi de la brique – Berlin, Hambourg, Francfort », L’Architecture d’Aujourd’hui, 205 (octobre 1979), p. 8-12.


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Francisco, par Joseph Esherick et Associés, dans les années 1970 9, la reconversion des Filatures Le Blan, à Lille, par Philippe Robert et Bernard Reichen, en 1977 10 et l’ENSA-Normandie, à Rouen, par Patrice Mottini, dans les années 1980 : « Matériaux supports de signification Toutes les partitions internes utilisent le parpaing comme matériau de base. La brique, le métal, le bois viennent en filigrane souligner une porte, un encadrement, une arcade ; tantôt mats et rugueux, tantôt brillants et lisses, la lumière peut alors renforcer ou atténuer la force des éléments » 11. L’acier et la fonte, en revanche, sont des matériaux qui ne traduisent absolument pas ce sentiment et cette ambiance pittoresque. Au contraire, ils renvoient à l’architecture de la technologie, conçue à partir des éléments préfabriqués. Ainsi et de la même manière qu’un texte consacré à l’application de la brique paru dans L’Architecture d’Aujourd’hui, un autre cette fois consacré à « une architecture de la technologie » a été publié quelques mois après, en décembre 1979, dans le numéro 212, par l’architecte Denis Sharp. Dans son texte, il remonte aux origines de l’utilisation des éléments métalliques dans l’architecture du XIXe siècle, avec la construction du Crystal Palace, la galerie de Machines, la tour Eiffel, la gare de St-Pancrace, etc. Pour ensuite mettre en relation cette architecture avec celle « high-tech » des années 1970, dont l’exemple phare à Paris peut être le Centre Pompidou. En effet, ces deux architectures sont comparables par le développement de nouvelle technologie qu’elles proposent. Les éléments métalliques de l’architecture industrielle évoquent une architecture très proche en termes de matériaux de celle que concevaient les architectes à cette époque. C’est sans doute pourquoi, les architectes s’appuient sur ces éléments et les conservent lors de reconversions, tout en les remettant en valeur. Quelques projets de reconversion trouvés dans la revue témoignent de ce phénomène en mettant en évidence les éléments métalliques en les repeignant avec une des couleurs primaires. Le site industriel de Schumberger, à Montrouge, réalisé par l’Atelier Piano, avec Peter Rice et Alexandre Chemetoff est un des projets qui en témoignent 12. Les couleurs qui recouvrent ici les éléments métalliques rappellent de façon frappante le Centre Pompidou. De la même façon, le projet de Middlesex Polytechnic, à Londres ou encore un projet de reconversion d’un entrepôt en habitation, à Paris, tous les deux réalisés en 1980, sont deux autres projets de reconversion qui suivent cette vogue de mise en valeur des éléments métalliques.

9. Esherick, J., « The Cannery, San Francisco », L’Architecture d’Aujourd’hui, 157 (août-septembre 1971), p. 3841. 10. « Des filatures  des logements et des équipements de quartier », L’Architecture d’Aujourd’hui, 194 (novembre-décembre 1977), p. 30-33. 11. Duminy, J, Mottini, Patrice, « Un lyrisme contenu – l’école d’architecture de Rouen », L’Architecture d’Aujourd’hui, 233 (juin 1984), p. 28. 12. Piano, Renzo, « Restructurer à vif – Rénovation du site industriel Schlumberger, Montrouge », L’Architecture d’Aujourd’hui, 233 (juin 1984), p. 14-23.

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LES USAGES A travers les projets que nous avons pu analyser, nous avons découvert qu’il existait une variété assez importante d’usages et de fonctions de ces reconversions. On peut considérer qu’une grande partie des constructions industrielles se prêtaient facilement aux changements d’usage grâce à leurs grandes portées, ainsi qu’à la possibilité de réorganiser ces grands espaces en d’autres plus petits sans grandes contraintes. Parmi les projets analysés, on constate que les bâtiments sont réhabilités le plus souvent pour en faire des habitations. D’autres projets proposent des programmations mixtes mélangeant habitations, commerces et restaurations, comme le projet de Convent Garden, à Londres 13, et de la filature Toulemonde, à Roubaix 14. Mais l’architecture industrielle semble se prêter à bien d’autres usages et c’est peut-être dans ces derniers que s’exprime toute la poétique de l’architecture industrielle. On pense directement au projet de Nils Fagerholt dans lequel il transforme un gazomètre en un amphithéâtre 15. Ici, l’architecte joue avec la forme unique de cette machine industrielle et détourne sa fonction première pour lui donner une deuxième vie. De la même façon, L’Architecture d’Aujourd’hui présente dans un autre numéro la reconversion en un parc thématique d’une usine à gaz à Seattle16 où chaque machine et ancien entrepôt perd sa fonction de production pour remplir une fonction de loisir. Ce qui est flagrant dans ces projets c’est l’audace des architectes dans le détournement de ces sites industriels. Les architectes n’ont pas peur d’abandonner toute référence entre la forme, l’objet et le nouvel usage. L’architecture industrielle apparaît comme le lieu de tous les possibles. Contrairement à un certain nombre d’autres monuments classés, comme les châteaux ou les églises, le patrimoine industriel ne semble pas posséder une valeur symbolique propre qui contraindrait les bâtiments à un usage précis. Les seules limites que rencontrent les architectes semblent être celle de formes complexes (des machines) se prêtant parfois difficilement à certaines fonctions. Peu contraignante dans ces espaces, les architectes semblent s’intéresser alors beaucoup plus à la dimension symbolique que l’architecture industrielle peut porter. La gare d’Orsay à Paris, qui a échappé à la démolition, exploite par la mise en valeur majeur de son architecture du XIXe siècle, cette valeur symbolique puisque l’espace ainsi récupéré sera utilisé pour l’exposition d’œuvres de cette même période historique. « Le Musée d’Orsay est, à Paris, le premier établissement consacré spécifiquement à une période de l’histoire d’art, soit aux années 1848-1914. Ainsi, sois les verrières de l’architecte Victor Laloux, dans le hall des pas perdus, les peintures et les sculptures se confrontent aux arts décoratifs, à l’urbanisation, à l’architecture et à

13. Abdulak, Samir, Bews, Alf, « Salade, oseille et grosses légumes », L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. 42-52. 14. « Reconvertir une usine pour restructurer un ilot, Roubaix », L’Architecture d’Aujourd’hui, 202 (avril 1979), p. 64-67. 15. «Un gazomètre, Copenhague, Danemark», L’Architecture d’Aujourd’hui, 199 (octobre 1978), p. 12 16. «Usine à gaz reconvertie, Seattle, Washington», L’Architecture d’Aujourd’hui, 204 (septembre 1979), p. 74-75.


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Graphique 5_Quantité par types de programmation et d’usages dans les reconversions

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la photographie de ces années-là » 17. L’Architecture d’Aujourd’hui consacre d’ailleurs en décembre 1986 un numéro complet au nouveau musée. Pour la première fois dans la revue, on observe des commentaires critiques très approfondis sur un projet de reconversion d’une architecture industrielle. Malgré certains commentaires remettant en question la qualité architecturale de la gare d’Orsay en comparaison à d’autres architectures du XIXe siècle 18, tous les rédacteurs de cette édition soutiennent sa reconversion en musée, une « réalisation palpable, plus probante que les reconversions de bâtiments moins vastes ou les utilisations provisoires de monuments historiques 19. Les choix de la gare, l’usage et l’époque à laquelle il fait référence trouvent dans la revue un soutien. Cependant, les articles questionnent profondément les qualités du projet de reconversion. La majorité d’entre eux affirment que la gare a été radicalement transformée par ce projet. Jean Jenger, le premier directeur du musée d’Orsay nous livre ses impressions sur le processus de reconversion : « On a eu peur de détruire Orsay parce qu’on n’était pas assuré de savoir ce qu’il était convenable de construire en un site aussi prestigieux. Le projet est ainsi pour une part, le fruit des troubles et des crises que notre société s’et infligé à travers toutes les erreurs d’architecture et d’urbanisme que l’on meurtrie depuis cinquante ans. Des pavillons détruis des halles de Baltard on ne parle plus guère. Si l’on avait démoli la gare d’Orsay, on l’aurait sans doute assez vite oublié. (…) Une fois décidée la conservation de l’édifice, pouvaiton le transformer de pareille façon ? Cela a-t-il un sens de classer un ouvrage puis de le modifier aussi profondément ? » 20. Le projet de Gae Aulenti est l’objet de nombreuses critiques négatives dans L’AA l’accusant de ne pas avoir été assez respectueux du bâtiment de Laloux. « L’excès de tons clairs », une certaine monotonie et des détails inutiles figurent au nombre des reproches21. La forte présence des critiques dans ce cas montre une évolution par rapport à la présentation générale de projets de reconversion dans la revue. Le projet emblématique du musée d’Orsay a réveillé les rédacteurs qui en font des commentaires très directs. La revue L’Architecture d’Aujourd’hui témoigne, donc, à travers la publication de ce projet, des progrès de la reconversion architecturale sous divers aspects : la mise en place effective d’une protection du patrimoine industriel ; la participation de l’édifice lui-même dans le contenu de l’exposition ; et la remise en pratique d’une critique approfondie des projets de reconversion.

17. « De la dialectique présidentielle en matière de cimaise », L’Architecture d’Aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 2. 18. « Dans les ruines du Palais d’Orsay », L’architecture d’aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 7. 19. Ibidem. 20. Jenger, Jean, « Orsay, de la Gare au Musée », L’architecture d’aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 10. 21. Vaisse, Pierre, « Le musée d’Orsay », L’architecture d’aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 25.


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Image 17_ Reconversion de filatures de Blan, L’Architecture d’Aujourd’hui, 194 (novembre-décembre 1977), p.30.

Image 18_ École de Rouen, L’Architecture d’Aujourd’hui, 233 (juin 1984), p. 26.

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Image 19_ Reconversion des usines Schlumberger, L’Architecture d’Aujourd’hui, 233 (juin 1984), p. 15.


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Image 20_ Middlesex Polytechnic, L’Architecture d’Aujourd’hui, 212 (décembre 1980), p. 68.

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Image 21_ Reconversion d’un gazomètre au Danemark, L’Architecture d’Aujourd’hui, 199 (octobre 1978), p. 12.


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Image 22_ Reconversion de usine à gaz à Seattle, L’Architecture d’Aujourd’hui, 204 (septembre 1979), p. 74.

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Image 23_ The Cannery, San Francisco, L’Architecture d’Aujourd’hui, 157 (août-septembre 1971), p. 38.


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Image 24_ Roger-Viollet, Gare d’Orsay-1900, L’Architecture d’Aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 5.

Image 25_Deidi von Schaewen, Musée d’Orsay, L’Architecture d’Aujourd’hui, 248 (décembre 1986), p. 5.

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CONCLUSION


CONCLUSION

Ce travail a permis de découvrir le témoignage de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui sur le processus de patrimonialisation de l’architecture industrielle, initié dans les années 1960. De l’affaire des Halles à la reconversion de la gare d’Orsay, la revue a su suivre les progrès sur ce sujet à travers ces publications. Au début des années 1960, le comité de rédaction encore influencé par les idées Modernes des prémisses de la revue et de son fondateur André Bloc, ne semble pas beaucoup se préoccuper de la démolition de la construction de Baltard. Or, petit à petit, une série d’articles d’architectes, de critiques d’art, d’historiens et de sociologues prennent position pour la préservation de l’architecture de l’époque industrielle. Quand Marc Emery devient rédacteur en chef, la voix accordée à ces avis multidisciplinaires gagne en influence. L’histoire, le réemploi, l’importance urbanistique et les qualités esthétiques du patrimoine industriel y sont mis en valeur par Françoise Choay, André Fermigier, André Chastel, entre autres. Avec l’arrivée de Bernard Huet, l’engagement dans la préservation de l’architecture industrielle atteint son point culminant alors que de nombreuses affaires concernant cette architecture sont l’objet de débats dans la section « actualités ». En même temps, la revue présente des reportages photographiques sur l’archéologie industrielle, sujet en vogue depuis les années 1950 en Angleterre. Ainsi, un imaginaire commence à se développer et la prise de conscience à propos de l’importance de cette architecture prépare le terrain pour les projets de reconversion, qui apparaissent dans la revue pendant les années 1970. La mise en valeur de la brique et de l’acier en était presque une règle parmi ces projets. Enfin, le projet du musée d’Orsay apparaît comme la fin d’une première série de projet « expérimentaux » et essuie pour cette raison de nombreuses critiques et commentaires dans L’AA de la part des architectes, historiens et conservateurs de musée, lui donnant encore aujourd’hui une place emblématique dans la construction de ce nouveau patrimoine. Durant la période analysée, L’Architecture d’Aujourd’hui a suivi l’avancement du processus de patrimonialisation de l’architecture industrielle, toujours en considérant les exemples de projet en France et à l’étranger ainsi que les changements de posture au sein du ministère des Affaires culturelles. Ce sujet était très présent dans l’actualité entre l’année 1965 et 1990, car sa théorisation était encore embryonnaire. Par la suite, le sujet continue d’évoluer et s’étoffe. On pourrait alors se demander si, dans les années suivantes, cette revue qui n’est pas spécialisée dans le patrimoine continue à débattre de ces questions de reconversion et de restauration, face à l’élargissement toujours plus important de la protection patrimoniale. D’ailleurs, depuis les années 1990, une quantité d’écrits et de théories sur la préservation et mise en valeur du patrimoine industriel font l’objet de publications, témoignant non plus des premières interrogations apparues dans ce mémoire mais bien d’une discipline construisant son savoir. Pour autant et si l’on observe les projets actuels de reconversion comme la halle Pajol, les entrepôts Macdonald, ou encore la halle Freyssinet, pour ne parler que de Paris, on pourrait se demander si le mode d’intervention des architectes a lui-même également évolué.

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ANNEXES


ANNEXES

1. Choay, Françoise, « Problèmes des Halles », L’Architecture d’Aujourd’hui, 138 (juin-juillet 1968), p. 53 2. Gimpel, G., « Démolir Notre Dame », L’Architecture d’Aujourd’hui, 144 (juinjuillet 1969), p. 94.

3. Abdulak, Samir, Bews, Alf, « Salade, oseille et grosses légumes », L’Architecture d’Aujourd’hui, 176 (novembre-décembre 1974), p. 42-52 4. Emery, Marc, « Rénovation, réhabilitation, restauration », L’Architecture d’Aujourd’hui, 202 (juin 1984), p.1

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SOURCES


SOURCES

Le corpus de ce mémoire est constitué essentiellement d’articles de revue. Les sources sont les numéros de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui publiés entre 1965 et 1990. Les numéros de 123 à 272 ont été consultés. Les consultations ont été faites à la bibliothèque de l’ENSA Paris la Villette et la bibliothèque de la Cité de l’architecture et du patrimoine par le dépouillement systématique de page par page. Liste d’articles consultés : 1. Bloc, André, « Objet et programme de L’Architecture d’Aujourd’hui », L’Architecture d’Aujourd’hui, 1 (novembre 1930) ; 2. Hermand, André, L’Architecture d’Aujourd’hui, 11 (novembre 1936), p. 2; 3. Freyssinet, E., « Préface », L’Architecture d’Aujourd’hui », 11 (novembre 1936), p. 3; 4. « L’avenir du centre de Paris », L’Architecture d’Aujourd’hui, 126 (juin-juillet 1966), p. IX ; 5. Bloc, André, Vago, Pierre, « L’architecture en France », L’Architecture d’Aujourd’hui, 127 (septembre 1966), p. V-VII ; 6. Choay, Françoise, « Sémiologie et urbanisme », L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 8-13 ; 7. Lefebvre, Henri, « Propositions », L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 14-16 ; 8. Hall, Peter, « Les métropoles, évolution des concepts », L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 16-17 ; 9. « Paris les Halles, approche du problème », L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 24-27 ; 10. « Les Halles et l’avenir de Paris (extraits du rapport du c.e.a., Juin 1967 », L’Architecture d’Aujourd’hui, 132 (juin-juillet 1967), p. 28 ; 11. Hebert-Stevens, François, « Le rôle des architectes dans l’évolution de la société industrielle », L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967); 12. Sembach, K.J., « 1820-1920 : Constructions du premier âge industriel », L’Architecture d’Aujourd’hui, 133 (septembre 1967), p. 2-9; 13. Choay, Françoise, « Problèmes des Halles », L’Architecture d’Aujourd’hui, 138 (juin-juillet 1968), p. 53 ; 14. Faucheaux, Pierre, « La plateforme du XXe siècle – contribution à l’étude de l’aménagement du quartier des Halles », L’Architecture d’Aujourd’hui, 138

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2017 Marjorie Prandini ENSAPLV


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