Le plan guide, outil de redynamisation

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Le plan guide, outil de redynamisation

Les communes nouvelles

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier

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Le plan guide, outil de redynamisation

Les communes nouvelles

Mémoire de master en architecture

Soutenu par Martin Créac’h

Sous la direction de Agnès Burgers

Membres du jury

Agnès BURGERS - maître de conférences - ENSA Montpellier

Alexis LAUTIER - architecte et enseignant - ENSA Montpellier

Caroline LECOMTE - architecte ingénieur bois

Nicolas PAULI - professeur - ENSA Montpellier

Ecole Nationale Supérieur d’Architecture de Montpellier

2 Décembre 2022

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REMERCIEMENTS

A Agnès Burgers, directrice de mémoire, pour m’avoir accompagné, guidé et conseillé durant cette expérience.

A ma mère et mon père, qui m’ont donné un attachement particulier aux choses simples, au monde rural et à ses paysages.

Aux intervenants du domaine d’étude “Ici et Maintenant”, pour m’avoir appris à développer un autre regard sur le monde rural et sur ses habitants.

A Juliette et Pablo, amis, pour leur soutien et motivation durant ces nombreuses heures d’écriture, ainsi que pour leur joie de vivre.

A Léo, Léo, Pierre et Théo, amis, sans qui ma passion pour l’architecture n’aurait pas été aussi forte.

A vous, lecteurs, pour avoir pris le temps de lire ce mémoire.

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REMERCIEMENTS

AVANT PROPOS

INTRODUCTION

PARTIE I / LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE

I.1 Les communes nouvelles, nouveau visage du monde rural

I.2 Des outils de planification actuels non adaptés au développement des communes nouvelles

PARTIE II / LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL

II.1 La restructuration de l’île de Nantes, le plan guide comme outil de projet à long terme

II.2 L’utilisation du plan guide en milieu rural

PARTIE III / BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE

III.1 Diagnostic et état des lieux de la commnune

III.2 Mise en place du plan guide

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE TABLE DES FIGURES TABLE DES MATIERES SOMMAIRE 5 9 11 17 19 31 39 42 60 79 83 118 135 138 144 142
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AVANT-PROPOS

Le monde rural possède une très grande richesse, mêlant nature et culture, qui mérite d’être comprise. J’ai moi-même grandi dans un environnement rural et j’y suis attaché. Pour moi, l’identité d’un territoire est une notion très importante à conserver et à mettre en valeur. Chaque région présente des spécificités, marqueurs de leur identité. Cependant, aujourd’hui, la mondialisation a entraîné une homogénéité de nos territoires. Les modes d’habiter et les relations entre l’urbain et le rural sont bouleversés.

A travers ce mémoire, je souhaite comprendre les spécificités de ces territoires, développant ainsi un regard analytique, différent de celui que j’ai depuis petit, celui d’habitant. Je souhaite, à terme, intervenir à travers le métier d’architecte, sur ces questions car je pense que les communes rurales, ensemble, peuvent être une solution pour répondre aux problématiques actuelles. La petite échelle peut résoudre des problématiques globales.

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INTRODUCTION

La France est composée, au premier janvier 2022, de 34 955 communes présentant des caractéristiques différentes dans des régions singulières. C’est le pays d’Europe comptant le plus grand nombre de communes. De leur côté, l’Allemagne est composée de 11 000 entités, l’Espagne et l’Italie de 8 000 et le Royaume-Uni en compte 10 449.1 Ainsi, avec une moyenne de 1 800 habitants par village, les communes françaises représentent près de la moitié des communes européennes. La France est le deuxième pays le plus rural d’Europe après la Pologne (45% de la population), elle possède donc un fort rapport à l’environnement et au paysage. Selon l’INSEE, “les territoires ruraux désignent l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses. Ils réunissent 88% des communes en France et 33% de la population.”2

Depuis la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), promulguée le 7 août 20153, le rôle des communes a considérablement changé et leur poids dans leur territoire a diminué. En effet, en plus de réduire le nombre de régions, passant de vingt trois à treize régions métropolitaines, et d’agrandir leur territoire, cette loi leur transfère de nouvelles compétences et réajuste celles attribuées aux collectivités territoriales. La gestion des services de transports départementaux et scolaires, par exemple, est transférée aux régions. L’objectif est de simplifier le rôle des collectivités locales, de renforcer les solidarités territoriales et humaines et de faire des régions les acteurs du relèvement économique de la France.

Cette réforme des cartes régionales s’est faite sans se soucier de la dimension identitaire des régions s’étendant sur des kilomètres et ne présentant aucune cohérence territoriale. La réorganisation a eu des conséquences politiques et sociales sur la vie quotidienne des citoyens. La population peine ainsi à adhérer au projet régional ne présentant pas les mêmes objectifs entre les communes. L’agrandissement des régions et des entités territoriales a entraîné une perte de proximité des citoyens avec leur commune et un accès aux services publics plus hétérogène.

1 INSEE, La France et ses territoires, 2021.

2 Idem 3 République Française, Loi du 7 août 2015, nouvelle organisation territoriale de la République, 2015.

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Cela fait réagir et a remis en évidence le rôle des communes dans le territoire. Il faut trouver des solutions plus adaptées pour chaque territoire, s’écartant des grands modèles urbanistiques mis en place par l’Etat. La globalisation a engendré une perte d’identité locale, une banalisation des paysages et une standardisation des constructions et des aménagements. Pour répondre à ces réformes, les communes décident de se regrouper et de créer des communes nouvelles. L’objectif est de rivaliser face à l’attractivité grandissante des métropoles, concentrant l’ensemble des activités et des emplois.

Il paraît essentiel de définir les grandes notions qui seront évoquées dans ce mémoire, allant du territoire jusqu’à l’échelle de la commune.

Tout d’abord, le territoire est une notion très vaste et difficile à définir. Alberto Magnaghi, cartographe italien, dans son ouvrage Le projet local (2003) décrit ce qu’est, pour lui, le territoire.

“Le territoire est une œuvre d’art : peut-être la plus noble, la plus collective que l’humanité ait jamais réalisée. [...] Il revêt un caractère, une personnalité, une identité, affirmés dans les traits du paysage.”4 Il poursuit, dix ans plus tard, dans “La biorégion urbaine” : “Le territoire est le résultat matériel d’un processus de coévolution entre les établissements humains (organisés sur une base culturelle) et le milieu ambiant (organisé sur des bases géologiques et biologiques). À travers cette relation de domestication et dans le temps long de l’histoire, les sociétés humaines produisent incessamment le territoire. Chaque civilisation a façonné son territoire par l’interprétation de sa relation au milieu ambiant et à ses ressources.”5

Il semble donc que le territoire naisse d’une relation, d’un dialogue entre les lieux et les habitants et la nature, créant ensemble une histoire et une identité commune dans le temps par une succession de civilisations. Il y a plusieurs échelles de territoire, le territoire national, régional et local. Il est

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Alberto Magnaghi, Le projet local, Mardaga, Architecture + Recherches, 2003.

Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine, Eterotopia, Rizome, 2014.

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question dans ce mémoire d’évoquer le rôle des communes nouvelles dans un territoire local.

La commune est un mot qui nous est familier à tous, mais savons nous vraiment la définir ? Philippe Madec, architecte, en propose une définition sensible à travers son livre Commune frugale, la révolution du ménagement (2022) :

“La commune est la plus ancienne subdivision administrative. C’est la plus petite, et pourtant elle n’a pas d’échelle. Elle est le premier échelon de proximité et sert d’intermédiaire entre le citoyen et l’État. Elle est le socle à partir duquel repenser notre vie ensemble, située. Plus encore, elle porte ce qui est partagé, géré et maintenu collectivement par une société, ce qui lui est usuel, lui incombe, son ordinaire, les communs. Elle possède une capacité à se transformer, y compris à s’insurger. [...] Elle est le niveau accessible à l’implication de tous, élus et habitants et l’échelle de l’intervention publique sur l’urbanisme et le bâti.”6

Les communes font partie intégrante du territoire et constituent ensemble, une identité territoriale. Certaines ont déjà engagé des processus de redynamisation afin d’être un acteur quotidien de leur territoire, cela s’est fait par la mise en place de plans guide, outil de planification créé dans un contexte urbain, visant à déterminer le devenir de la commune au long terme. En se regroupant sous la forme de communes nouvelles, les villages cherchent justement à conserver cette mémoire partagée depuis des générations et à se soucier du devenir de leur territoire local.

A travers ce mémoire, nous nous demanderons : En quoi le plan guide peut être un outil de planification pour le développement des communes nouvelles ?

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Mouvement pour une frugalité heureuse et créative, Commune Frugale, la révolution du ménagement, Actes sud, Manifeste, 2022.

Ce mémoire est alimenté par des approches différentes du sujet. Tout d’abord, des visites de sites m’ont permis de comprendre réellement les lieux que nous allons étudier. La recherche a été enrichie par de nombreuses lectures plus ou moins proches du sujet. Enfin, des interviews justifient ou contredisent les différentes hypothèses émises.

Nous aimerions comprendre le phénomène des communes nouvelles et leur mise en place, par l’outil du plan guide, afin d’être un acteur essentiel sur leur territoire local et de participer à leur dynamisme.

Nous allons dans un premier temps présenter le statut de commune nouvelle, ses avantages et ses inconvénients. Celles-ci présentent des caractéristiques singulières, bien ancrées dans un territoire rural, dont les outils de planification ne sont plus adaptés pour faire face aux enjeux actuels et futurs. Dans un deuxième temps, nous étudierons le modèle du plan guide, un outil créé pour un environnement urbain pouvant s’appliquer aujourd’hui dans le monde rural afin de redynamiser les centre bourgs délaissés. Cet outil polyvalent peut alors être un moyen de communion des communes nouvelles, cherchant leur place dans leur territoire. Pour finir, à travers une étude de cas d’une commune lozérienne, nous tenterons d’appliquer ce modèle de plan guide à cette commune nouvelle et montrer qu’il est possible de développer un destin commun aux communes souhaitant se regrouper en prenant en compte les différentes crises que nous connaissons aujourd’hui et qui vont s’intensifier.

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PARTIE I / LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE

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Figure 1 : carte des régions françaises avant et après l’application de la loi NOTRe - illustration personnelle

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I.1 Les communes nouvelles, nouveau visage du monde rural

Le phénomène de regroupement des communes ne date pas d’aujourd’hui. En effet, au début des années 1970, dans une période de grande recomposition, la loi Marcellin proposait aux communes de se regrouper afin de conserver une autonomie sur leur territoire, par une “fusion-association”7 Certaines communes engageaient alors une regroupement et créant ainsi, entre 1971 et 1977, 838 fusions composées de 2045 communes.8 L’idée d’un retour en arrière à la commune historique n’était pas exclu, de se fait une partie des communes créées se séparèrent pour retrouver leur état historique et le phénomène ne perdura pas.

La France compte aujourd’hui 40% des communes de l’Union européenne regroupant 15% de la population.9 C’est le pays d’Europe ayant le plus de communes, cela est dû à leur faible densité démographique. En 2010, la moitié des communes françaises regroupait moins de cinq cent habitants. Cela crée un maillage territorial extrêmement resserré. Devant ce nombre important de communes, la loi de réforme des collectivités territoriales vise à réorganiser le territoire en profondeur. Le statut de commune nouvelle est alors créé dans le but de réduire le nombre des communes françaises en les regroupant.

Depuis 2015, 820 communes nouvelles se sont créées, regroupant 2 549 communes et faisant passer le nombre de communes françaises de 36 593 au 1er janvier 2015 à 34 955 au 1er janvier 2022. L’année 2016 est celle qui a compté le plus de communes nouvelles, 325, regroupant 1 111 communes.10 Cela vient directement en réponse à la loi NOTRe. (figure 1) Ce phénomène discret s’intensifie d’année en année répondant directement à l’agrandissement des régions. Il pourrait influencer les futures évolutions des territoires locaux.

7 Gabriel Bideau, Les communes nouvelles française : une réforme territoriale silencieuse, 2019, Annales de Géographie édition.

8 Idem 9 idem

10 Territoires Conseils et AMF, Créer une commune nouvelle, guide pratique et retours d’expériences, octobre 2020.

19 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE

Figure 2 : carte française des régions rurales et urbaines - Source : INSEE, recensement de la population 2017

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Il s’agit d’un mouvement méconnu de tous mais pourtant l’un des plus importants à l’échelle des communes depuis leur création à la Révolution française. Certains parlent alors d’une “révolution silencieuse”11, constituant l’une des dernières configurations territoriales. Ce terme est employé parce que la fusion de deux communes formant une commune nouvelle engage un changement de rôle et d’importance de celle-ci au niveau territorial, et donc une “révolution”. La taille des communes augmente, les faisant passer en moyenne de 15km² regroupant 1000 habitants à 50km² et 3200 habitants.12 Cela induit une gestion plus importante de la commune, comprenant des budgets plus importants et des prises de décisions sur un territoire élargi. La création d’une commune nouvelle se fait à l’échelle locale, uniquement entre les municipalités et les élus locaux, ne nécessitant pas d’accord de l’État. C’est en sens que cette révolution est qualifiée de “silencieuse”.

Dans un premier temps, nous allons essayer de comprendre les raisons de ces regroupements et leur mise en place, puis nous verrons que les outils de planification actuels ne permettent pas un réel développement des communes nouvelles sur leur territoire.

Un regroupement des communes

La commune nouvelle est une commune formée de deux ou plusieurs communes limitrophes ayant la volonté de se regrouper, pour différentes raisons. Son mode opératoire diffère des communes classiques car il permet la préservation des communes mères, appelées “communes déléguées”13 permettant de conserver leur périmètres afin de ne pas faire disparaître le plus petit échelon local et de faciliter l’acceptation de cette fusion par les habitants. Cela porte ses fruits puisque 91% des communes nouvelles créées ont adopté le

11 Gabriel Bideau, Loi de 2019 sur les communes nouvelles en France : quelles conséquences pour les territoires ?, 2020,

12 Gabriel Bideau, Les communes nouvelles française : une réforme territoriale silencieuse, 2019, Annales de Géographie édition.

13 Territoires Conseils, et AMF. Créer une commune nouvelle, guide pratique et retours d’expériences, octobre 2020.

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concept de commune déléguée, permettant ainsi à l’ancien territoire d’exister.14 Les anciennes communes perdent alors leur rôle de collectivité, transféré à la commune nouvelle, mais conservent leur maire délégué.

Pour “faire commune”15, elles doivent faire partie d’un même bassin de vie, et leurs volontés doivent porter un réel projet de territoire afin d’en être un acteur essentiel. La seule obligation pour que des communes se regroupent est que les communes concernées doivent être adjacentes, peu importe qu’elles soient dans une même communauté, elles doivent cependant être dans le même département ou la même région. Les communes nouvelles peuvent également s’étendre à d’autres communes limitrophes qui souhaitent s’affirmer sur le territoire. La mise en place d’une extension est identique à celle d’une création, avec l’accord des conseils municipaux des communes et une consultation auprès des habitants, menant ainsi à une nouvelle commune nouvelle.

Cependant, contrairement aux années 1970 et à la loi Marcellin qui permettait aux communes regroupées de pouvoir se détacher, ici aucun retour en arrière n’est possible. Les communes nouvelles ne peuvent engager de “défusion”16, interdite. Cela impliquerait de repasser par la démarche de création d’une commune totalement inédite. De ce fait, les communes, en fusionnant, connaissent les conditions principales et s’engagent à ne former qu’une seule commune à l’avenir. Ce point est d’ailleurs déterminant car c’est réellement ce que souhaitent les communes en se regroupant, cela les oblige alors à fonctionner ensemble dans l’élaboration d’une identité commune.

14 Gabriel Bideau, Les communes nouvelles française : une réforme territoriale silencieuse, 2019, Annales de Géographie édition.

15 Mouvement pour une frugalité heureuse et créative, Commune Frugale, la révolution du ménagement, Actes sud, Manifeste, 2022.

16 Gabriel Bideau, Les communes nouvelles française : une réforme territoriale silencieuse, 2019, Annales de Géographie édition.

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Une volonté de s’inscrire dans une dynamique territoriale

La loi NOTRe a causé, parallèlement à l’agrandissement des régions, le regroupement de certaines intercommunalités, dirigeant ainsi des territoires plus importants. Elle impose qu’à partir de 2017, les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) doivent compter au moins 15 000 habitants contre 5000 précédemment. Par conséquent, au sein de ces intercommunalités, les communes doivent s’imposer davantage pour se faire entendre et ainsi participer à la vie territoriale. Cela provoque l’accélération de la création de communes nouvelles.

La volonté de créer une commune nouvelle peut reposer sur différentes raisons. Une des raisons essentielles est de préparer le devenir de la commune. Cela se fait par une mutualisation des moyens et des économies afin de pouvoir porter des projets répondant aux nouveaux enjeux de développement local (mobilités, écologie, santé,...). Un autre point important est de renforcer la place et le rôle de la commune sur son territoire. Le regroupement des communes permet qu’elles soient mieux entendues et comprises au sein de structures toujours plus grandes comme l’intercommunalité. Tout cela va permettre à la commune nouvelle de créer une centralité commune afin de dynamiser le territoire, et ainsi de gagner en attractivité. Elle a pour ambition d’offrir de meilleurs services et moyens aux habitants tout en respectant les identités des communes historiques.

Mutualiser ses moyens et unir ses forces

Les communes nouvelles souhaitent s’inscrire dans une stratégie territoriale afin d’exister au sein de leur département et leur communauté. Elles souhaitent jouer un rôle plus important. Cela passe également par une stratégie politique afin de s’imposer en tant que commune plus importante concernant les différentes décisions intercommunales et territoriales. Mais l’objectif principal

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relevé est la stratégie financière. En effet, en se regroupant, les communes augmentent leurs capacités budgétaires et peuvent mutualiser l’ensemble des services qu’elles disposent.

“Nous partagions déjà de nombreux services et nous souhaitions harmoniser nos investissements”17 (Pascal GOULAOUIC, maire de Plounéour-Brignogan-Plages, 29)

Cependant, la stratégie doit reposer sur un véritable projet de territoire et ne peut se faire seulement pour des raisons politiques. Pour que les habitants s’approprient la commune nouvelle, il faut prendre en compte leur mode de vie et leurs attentes. Une charte de la commune nouvelle est alors mise en place.

“Le projet doit avoir du sens pour les habitants, il ne faut surtout pas se limiter aux impacts financiers positifs que produirait la commune nouvelle.”18 Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièbes (38).

Une identité communale à mettre en place

Cette charte se base sur un accord volontaire et moral entre les élus et précise le mode de fonctionnement de la commune dans le futur. Elle définit les communes déléguées, leur rôle, les adjoints, le maintien des mairies des communes mères, le nom de la nouvelle commune, etc… Elle précise les principes fondateurs de la commune nouvelle. Elle a pour objectif de rappeler le contexte des communes, il peut être historique, culturel, social… mais également de faire ressortir les perspectives et enjeux de la commune nouvelle. “L’objectif est de formaliser un projet commun tout en conservant l’identité des communes fondatrices.”19

17 Territoires Conseils et AMF, Créer une commune nouvelle, guide pratique et retours d’expériences, octobre 2020.

18 Idem 19 Territoires Conseils, Créer une commune nouvelle, 2018.

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Une des principales craintes des habitants est que les communes déléguées soient sous l’emprise de la commune nouvelle et ne comptent plus aux yeux des élus locaux. En effet, dans un contexte d’agrandissement des échelons communaux, intercommunaux et régionaux, la notion de perte d’identité inquiète les élus locaux et les habitants.

“La clé de la réussite de la commune nouvelle est la communication, les échanges, l’esprit collectif. Tous les élus ont été consultés, ce qui a permis de rassurer et d’expliquer les avantages du regroupement.”20 Georges PFISTER, maire de Hochfelden (67)

Cependant, une identité commune doit également se développer afin que les habitants s’approprient la commune nouvelle et en deviennent de réels acteurs. Une problématique importante rencontrée est, du point de vue social, dans la diffusion de cette décision auprès de la population. Venant des communes déléguées, les habitants ont pour habitude d’affirmer des identités légèrement différentes en fonction de ces dernières. Il est important alors qu’ils participent à l’élaboration du projet par l’organisation de plusieurs consultations avec les élus pour développer une identité commune. Cela peut se faire sous la forme de questionnaires et d’échanges publics. C’est le cas par exemple lors du choix du nom de la commune nouvelle qui constitue un point clé dans la démarche. Celui-ci est une décision importante concernant l’identité de la commune. Elle se fait au travers d’un vote à l’unanimité parmi les conseillers municipaux. A défaut de cela, c’est au préfet de proposer un nom.

“Lorsque nous avons commencé à chercher un nom pour la commune nouvelle avec l’ensemble des élus, nous voulions qu’il ne ressemble pas à celui des communes historiques mais soit en lien avec le territoire afin que les habitants puissent s’y identifier”21 (Georges PFISTER, maire de Hochfelden, 67) 20 Territoires

25 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE
Conseils et AMF, Créer une commune nouvelle, guide pratique et retours d’expériences, octobre
2020. 21 Idem

Généralement, le nom de la commune nouvelle est une composition de celui des communes déléguées. Par exemple, dans le Finistère en Bretagne, les deux communes de Saint-Thégonnec et Loc-Eguiner se sont regroupées et la commune nouvelle se nomme aujourd’hui Saint-Thégonnec Loc-Eguiner. Mais l’appellation peut aussi se référer à des éléments paysagers reliant les communes. C’est le cas en Lozère, où les communes de Chirac et du Monastier forment aujourd’hui Bourgs sur Colagne, en raison de leur liaison physique par la rivière la Colagne. Cela peut aussi se faire par une consultation auprès des habitants :

“En lançant un sondage auprès de la population pour lui proposer quelques noms, on peut en apprendre beaucoup sur la manière dont elle s’approprie le projet. Un faible taux de réponse (moins de 30 %) indique une faible appropriation, un taux élevé (70 %) une bonne appropriation et un faible risque politique.”22 Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièbes (38)

Le point de non retour en arrière est important à prendre en compte. Les habitants prennent alors conscience qu’ils ne pourront plus retrouver leur ancienne commune et identité. Il faut donc développer une nouvelle identité commune, ensemble. Le fait que la population participe à certaines phases de mise en place du projet de regroupement fait qu’ils se sentent davantage concernés et qu’ils s’approprient plus facilement le projet et développent ainsi un sentiment d’appartenance à la commune nouvelle. Ils doivent connaître les objectifs, les enjeux et ses futurs impacts sur leur mode de vie afin d’être guidés dans ce nouveau projet. Il faut alors faire participer la population aux décisions d’aménagements, c’est le cas dans une commune nouvelle en Bretagne :

“Après la création de la commune nouvelle, nous avons décidé de reprendre la consultation de la population sur le thème des centralités et de leurs liaisons. L’idée est aussi d’imaginer l’avenir de la commune de manière cohérente. Plounéour-Brignogan-Plages est dotée de plu-

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22 Idem

sieurs centres dont trois principaux : un dans chaque commune historique qui regroupe l’école, la bibliothèque, les services et les commerces tandis que le troisième concentre des activités touristiques”23 (Pascal GOULAOUIC, mais de Plounéour-Brignogan-Plages, 29)

Nous remarquons ainsi que plusieurs problématiques se posent lors de la création d’une commune nouvelle. Celles-ci ne semblent pas vraiment les guider dans l’élaboration des aménagements et dans leur planification globale afin de devenir un véritable acteur du territoire. Il poursuit en disant :

“Notre regroupement est fondé sur un projet commun de territoire et sur la volonté de bâtir notre avenir ensemble.”24

Les communes nouvelles sont donc vues comme un projet de territoire se faisant à une échelle plus grande que l’échelle locale, communale. Nous avons vu qu’il pouvait y avoir des avantages à ces regroupements par la stratégie financière et d’harmonisation des investissements, mais aussi des freins par un risque de perte d’identité. Nous allons maintenant voir quelles sont les motivations au niveau national pour favoriser leur mise en œuvre.

Des incitations au regroupement des communes

Le nombre des communes nouvelles est en pleine croissance et cela semble vouloir s’intensifier. En 2019, une loi a été votée visant à accélérer le processus de création des communes nouvelles. Il est dit : “A terme, la fusion de communes pourrait devenir une modalité de regroupement plus fréquente et marquer une étape déterminante voire ultime d’un mouvement entrepris avec l’essor de l’intercommunalité.”25 23 Idem. 24 Idem 25 Gabriel Bideau, Loi de 2019 sur les communes nouvelles en France : quelles conséquences pour les territoires ?, 2020,

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Pour ce faire, les conditions de création d’une commune nouvelle deviennent plus souples afin d’encourager les communes à franchir le cap. Rappelons que 90% des communes nouvelles ont conservé leurs communes mères comme “communes déléguées”26. Cela montre bien la volonté de ne pas se détacher de l’échelle locale qui fait l’histoire du village. La loi prévoit donc des assouplissements et facilite le lien entre les communes déléguées et la commune nouvelle. Par exemple, le maire de la commune nouvelle peut à la fois rester maire délégué de sa commune.

Ces assouplissements rendent le modèle attractif et cela se ressent par une diffusion du phénomène sur le territoire. En effet, une propagation de proche en proche peut être observée dans certaines régions, se référant aux modèles réalisés dans les communes voisines. Cette carte (figure 3) illustre le phénomène qui s’explique notamment par l’installation d’une concurrence entre les communes sur leur territoire, forçant les communes à se regrouper pour rivaliser et se faire entendre.

La fusion a souvent été considérée par certains maires comme inévitable. A Bourgs sur Colagne (fusion des communes de Chirac et du Monastier), commune nouvelle de Lozère, Annie, secrétaire de mairie nous le fait savoir “On a toujours été à côté, Chirac et Le Monastier, franchement ce regroupement était évident. On ne voit pas la différence entre les deux.”

Aujourd’hui le regroupement se fait sous la forme d’un volontariat. Cependant, les élus locaux craignent que cela ne devienne obligatoire au même titre que l’intercommunalité l’est devenue au fil du temps. Nous l’avons vu, les mesures mises en place incitent les communes à se regrouper, mais cela va-t-il s’intensifier jusqu’à l’obligation de le faire ? Les institutions ne semblent vouloir appliquer aucune pression aux communes, les faisant ainsi comprendre que cela viendrait de leur propre volonté de fusion, mais nous comprenons que les communes sont fortement orientées dans la direction d’éventuels regroupements.

28 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE
26 Idem

Figure 3 : création des communes nouvelles entre 2012 et 2019 - Source INSEE (2019), Gabriel Bideau, IGN

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L’idée d’un modèle type d’une commune nouvelle n’est pas admise, en effet, comme le signifie l’Association des Maires de France (AMF),

“Ce dispositif très adaptable à la grande diversité des territoires ruraux et urbains engendre une grande hétérogénéité du panorama des communes nouvelles.”27

Nous comprenons alors que les communes nouvelles s’adaptent à leur contexte et ont pour objectifs de conserver l’identité locale des communes déléguées.

Ce phénomène des communes nouvelles, assez récent, semble vouloir se poursuivre sur le territoire français. Mais cela engendre de nombreuses questions à l’échelle nationale. Nous pouvons alors nous demander comment mettre en place une planification commune entre les deux entités déléguées afin de prévoir les futurs aménagements. En effet, la question des outils de planification se pose. Comment imaginer le développement de la commune quand plusieurs Plan Locaux d’Urbanisme (PLU) sont en place pour chaque commune déléguée et se font face ? Il semble donc qu’il faille étudier le fonctionnement de ces différents outils afin de les adapter aux communes nouvelles.

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Territoires Conseils et AMF, Créer une commune nouvelle, guide pratique et retours d’expériences, octobre

Outils de planification actuels

La planification des communes en France date de près d’un siècle et demi. Une première loi parue en 1884 impose aux communes de créer un plan général de voirie, une deuxième de 1902 met en place le “permis de bâtir” dans les communes de plus de 20 000 habitants.28 Les mesures portaient seulement sur les places publiques et les voies de circulation, organisant l’espace urbain. L’objectif était de protéger les espaces publics des nouvelles constructions et de préserver la sécurité et l’hygiène. Des gabarits et des hauteurs de bâtiments doivent alors être respectés dans les grandes villes comme Paris. Cependant, il n’était question ici que de règles techniques de construction. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que sont apparus les premiers textes fondant le droit de l’urbanisme. La loi Cornudet de 1919 fut la première loi programmant des plans “d’aménagement, d’extension et d’embellissement ”29. Ces dispositions étaient obligatoires pour les communes de plus de 10 000 habitants, les villes artistiques ainsi que pour les stations balnéaires, etc.

A la fin des Trente Glorieuses, la décentralisation a conduit à une toute autre forme d’urbanisme. Durant les années 1960 et 1970, des politiques de planification urbaine majeure ont été mises en place. Des outils planificateurs furent créés tels que les zones d’aménagement concerté (ZAC, 1967), les schéma directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU, 1969) et les plans d’occupation des sols (POS, 1970). L’état souhaite alors intervenir à une échelle plus cohérente dans l’évolution des territoires. Dans le même temps, une politique de desserrement des grandes concentrations urbaines fut lancée. Dès 1983, l’urbanisme français a subi les conséquences des lois de décentralisation avec les lois Defferre30. Les communes et les intercommunalités développent alors des compétences urbanistiques et peuvent intervenir à l’échelle locale. L’idée est d’adapter les objectifs d’urbanisme nationaux à leur territoire grâce aux outils tels que le POS et le SDAU. Les collectivités peuvent alors engager un véritable projet de territoire, en lien avec l’urbanisme national.

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31 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE
Pierre Merlin, L’urbanisme, Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, 2022. Marlène Ghorayeb, La loi Cornudet : les origines, les suites et les perspectives, mars 2018. République Française, Les lois Deferre, premières lois de décentralisation, juin 2019.
I.2 Des outils de planification actuels non adaptés au développement des communes nouvelles

La fin des grands ensembles en 197331 a entraîné la production de lotissements et la construction en masse de la maison individuelle s’installant dans les campagnes. Sur cette carte, nous pouvons visualiser le phénomène d’étalement urbain et de périurbanisation.32 Cela se faisait de pair avec l’usage généralisé de la voiture pour les déplacements quotidiens. La loi de décentralisation du 7 janvier 1983 donne la compétence de la délivrance du permis de construire au maire des communes disposant d’un POS. Les communes disposent ainsi d’un poids considérable sur leur territoire et les élus locaux ont plus de pouvoirs.

La planification française connaît véritablement une perturbation lors de l’application de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) en décembre 200033. Ainsi le code de l’urbanisme a été remanié par la loi SRU entamant le remplacement du SDAU (schéma directeurs d’aménagement et d’urbanisme) par un Schéma de cohérence territoriale (SCOT), les POS (plan d’occupation des sols) par un Plan Local d’Urbanisme (PLU).34 La loi SRU vise à améliorer la cohésion territoriale et sociale, en favorisant la mixité sociale et la planification intercommunale.

Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) est un document permettant aux communes d’appliquer des règles locales d’urbanisme prenant en compte la question du logement, du transport et de l’équipement commercial. Ses objectifs sont plus larges que le SDAU. Il est mis en place par un établissement public de coopération intercommunal (EPCI). L’objectif est d’assurer une cohérence d’aménagement entre les différentes communes. Celles-ci se présentent comme des éléments interdépendants les uns avec les autres.

Le plan local d’urbanisme, plus connu sous l’acronyme “PLU”, est un document d’urbanisme succédant au POS et ayant des objectifs plus larges que ce dernier. Il se trouve au plus bas de la hiérarchie des outils de planification,

31 Robert Marconis, La planification territoriale, toute une histoire (Université Toulouse II - Jean Jaurès, juillet 2019).

32 Jérôme Fourquet, La France sous nos yeux, SEUIL, 2021.

33 Algar, Le Plan Local d’Urbanisme, mars 2022.

34 Yves Jégouzo, Aménagement du territoire et urbanisme : quelle décentralisation ?, 2015.

32 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE

applicable aux plus petits échelons administratifs, les communes. Compatible avec le SCOT, allant du développement urbain à la préservation des espaces naturels et paysagers, ainsi que la gestion environnementale (qualité de l’eau et de l’air…), il doit apporter une cohérence d’aménagement du territoire. Il permet aux communes de mener à bien leurs projets, d’élaborer toutes les règles permettant d’occuper, ou non, les sols et selon quelles conditions. Cet outil se présente sous la forme d’une carte de zonage, découpant la commune en différentes zones, dans lesquelles des zones spécifiques s’appliquent (autorisation ou non de construire, hauteur limitée des bâtiments,...).

Non adaptés aux communes nouvelles

Cependant, ces outils semblent aujourd’hui présenter des limites. En effet, étant liés et complémentaires, un SCOT ne peut être modifié sans avoir un impact sur le PLU. Celui-ci ne présente alors aucune liberté pour les communes dans leurs différents aménagements. Il est dicté par des outils qui lui sont supérieurs. De plus, il doit intégrer des spécificités et les évolutions telles la “loi montagne” et la “loi littoral”35, des intérêts nationaux devant être mis en œuvre à l’échelle locale.

Le PLU se présente, par conséquent, davantage comme un document de synthèse36 qu’un document de planification locale. Constamment en révision pour s’adapter aux changements et aux nouvelles normes nationales, trop de contraintes et ambitions ne permettent pas au PLU d’être un outil efficace sur le plan local et à l’échelle communale. Il faut entre trois et cinq ans pour élaborer un nouveau PLU. En effet, il apparaît comme une victime des crises actuelles telles que la crise environnementale ou sociale et ne parvient pas à s’en adapter, perdant ainsi son efficacité de projet de territoire communal cohérent. Devant s’adapter aux préoccupations sociétales, aux ambitions environnementales et

35 Eric Lemerre, Compétence urbanisme de EPCI et PLUI : principaux enjeux (Agence d’urbanisme Brest Bretagne, 2016).

36 Steve Hervé, Le Plan Local d’Urbanisme (Le Moniteur, 2012).

33 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE

au même moment permettre la construction de logements et de nouveaux bâtiments, il ne semble plus savoir où donner de la tête.

Le PLU est, nous l’avons remarqué, un outil de planification figé, n’évoluant pas et ayant du mal à s’adapter aux différents changements globaux qui sont de plus en plus fréquents à notre époque. Au même moment où le nombre de communes nouvelles s’accroît, ce mode de planification propre à une seule commune semble être dépassé. Des questions se posent alors. Comment regrouper deux PLU ? Quel mode de planification doit être mis en place afin que la commune nouvelle s’inscrive dans une cohérence territoriale et locale ? Le plan local d’urbanisme n’est pas adapté pour deux centralités, pour deux communes présentant des identités différentes et des caractéristiques différentes.

Il semblerait que la logique serait de définir des règles de planification à l’échelle de l’intercommunalité, identique à plusieurs communes et par conséquent aux communes déléguées qui, en se regroupant, disposeraient déjà des mêmes règles et normes urbanistiques, facilitant leur fusion. C’est le passage au Plan Local d’Urbanisme intercommunal, le PLUi. Vers un PLU intercommunal

Les nombreux outils n’apparaissent aujourd’hui plus adaptés pour penser le développement futur des communes. Il faut développer une logique plus globale d’aménagements.37

Ces outils de planification sont complexes et provoquent parfois un sentiment de confusion et d’incompréhension de la part des habitants, n’ayant pas de vision claire sur le sujet. Le plan local d’urbanisme intercommunal peut être une réelle solution pour simplifier les différentes normes urbanistiques

34 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE
37 Idem

puisqu’il faciliterait leur hiérarchie en se plaçant au même niveau que le SCOT. Cela engagerait une planification urbaine cohérente et homogène à l’échelle de l’intercommunalité, formant ainsi un bassin de vie des habitants.38

Le PLUi paraît plus efficace qu’un simple PLU, dans les moyens qu’il propose. Mobilisant plus de moyens financiers, il vise à développer une cohérence du projet sur le territoire, mettant en œuvre une homogénéité réglementaire entre les communes et proposant une vision à long terme à l’échelle de l’intercommunalité. Cet outil peut alors être perçu comme un outil de projet, commun à plusieurs communes et par conséquent aux futures communes qui souhaiteraient se regrouper afin de former des communes nouvelles. Il engage une solidarité entre les différents membres, permettant une mutualisation de leurs compétences et de leurs moyens sur un territoire plus vaste et équilibré. Cependant, selon Soazic Marie la règle d’urbanisme “n’est pas suffisamment souple pour pouvoir s’y adapter sans que soit mise en œuvre une procédure d’évolution”39

En effet, ce qui freinait l’efficacité du PLU était son incapacité à s’adapter aux changements globaux et locaux actuels que nous connaissons tel que le changement climatique par exemple. Il conviendrait donc, à l’échelle des communes, d’utiliser un outil modulable, flexible s’adaptant rapidement à tous ces enjeux.

Un urbanisme de projet par le plan guide communal

Le PLUi s’applique à l’ensemble de l’intercommunalité assurant une planification globale d’un bassin de vie élargi. Cependant, les communes, pour se développer à leur échelle locale, doivent avoir un support de planification répondant aux enjeux communaux en relation directe avec leurs habitants, engageant un urbanisme de projet.40

38 Lemerre, Compétence urbanisme de EPCI et PLUI : principaux enjeux 39 Soizic Marie, Le principe de mutabilité en droit de l’urbanisme, octobre 2015 40 CETE Normandie Centre, Vers un urbanisme de projet, août 2012.

35 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE

Cette notion présente l’idée que “toute règle, tout document d’urbanisme doit être l’expression d’un projet”41. Cela comprend la mise en place de règles n’étant pas réellement fixes, permettant aux projets de s’exprimer davantage, où celui-ci précèderait la règle d’urbanisme. L’idée est de repenser “un urbanisme plus souple et mieux adapté aux besoins de chaque territoire afin de faciliter la mise en œuvre des projets d’aménagement durable.”42 Benoist Apparu, ancien secrétaire d’état chargé du logement, lors de son discours de clôture du séminaire “Urbanisme de projet ” dit :

“Au-delà d’une démarche de simplification, il s’agit de conduire un véritable changement de culture, reposant sur le désir de faire primer l’initiative sur la norme. Au sein des PLU, des secteurs de projets doivent permettre aux collectivités de développer un projet urbain global, en énonçant ses objectifs et ses éléments de programme et en ouvrant des possibilités de négociation sur la mise en œuvre des normes classiques.”43

Il nous fait comprendre que l’urbanisme de projet consiste en un changement des pratiques passant par la mise en place d’une culture du projet urbain. Il s’agit alors d’établir une pédagogie de projet basée sur différents guides pour mettre en place les futurs aménagements.

Il semble que cet urbanisme de projet peut se trouver dans un outil élaboré, pour restructurer le monde urbain, mais potentiellement applicable dans le monde rural. Certains outils, plus souples, peuvent participer à l’aménagement local tout en prenant en compte les caractéristiques plus larges d’un territoire. C’est le cas du Plan guide qui peut être envisagé comme un outil participant à une démarche de projet, répondant aux besoins locaux des communes.

41 Etienne Fâtome, L’urbanisme de projet, quel droit pour un urbanisme durable ?, 2012.fa

42 CETE Normandie Centre, Vers un urbanisme de projet, août 2012.

43 Benoist Apparu, Séminaire Urbanisme de projet, mai 2011.

36 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE
37 LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE
38

PARTIE II / LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL

39

Le plan guide est un outil de planification urbaine utilisé par Alexandre Chemetoff lors de la restructuration de l’île de Nantes à la fin des années 1990. Utilisé pour la première fois à cette occasion, il définit les grands principes structurants d’un projet, et prévoit de guider les interventions à court terme dans une vision de projet à long terme. Cet outil est mis en place afin de prévoir une organisation urbaine à grande échelle tout en offrant un niveau de précision sur certaines portions où les enjeux sont primordiaux. C’est avant tout un processus de projet permettant un entrelacement des échelles d’intervention menant à une organisation spatiale cohérente.

Il a valeur de fondation de l’organisation urbaine et doit “accompagner chaque programme et inventer les conditions de sa mise en œuvre comme autant d’éléments entrant dans une composition aléatoire et vivante.”44 Le plan guide forme un ensemble et chaque intervention est en inter-relation avec les projets existants. Il se fonde sur une organisation spatiale et une organisation temporelle impliquant des niveaux d’interventions différents et se présentant sous la forme de deux cartes, une première présentant l’état des lieux de l’endroit d’intervention et une deuxième présentant l’état projeté, le futur projet.

40 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
44
2010
Alexandre Chemetoff, Le plan guide (suites), Archibooks, Archibooks,
41 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 5 : Vue aérienne de l’île de Nantes aujourd’hui - Source Nantes Chercheurs, https://www.nantes-chercheur. org/ Figure 4 : Vue aérienne de l’île de Nantes à l’époque industrielle - Source Samoa, https://www.iledenantes.com/ le-projet-de-lile/une-histoire/

II.1 La restructuration de l’île de Nantes, le plan guide comme outil de projet à long terme

L’île de Nantes se situe au cœur de la ville. Sa position dans celle-ci est stratégique, enclavée entre deux fleuves, située à proximité du centre ville et reliant les deux parties Nord et Sud de la ville (figures 4 et 5), elle peut être connectée à l’ensemble des activités principales de la ville et ainsi être complémentaire au centre ville, mêlant histoire patrimoniale et industrielle. Anciennement destinée à l’activité industrielle à partir de la fin du 18è siècle.45 Elle présente une superficie de 337 hectares pour une longueur de cinq kilomètres et une largeur maximale de un kilomètre. Au 19è siècle jusqu’à la fin des années 1980, la ville de Nantes vivait de l’économie fluviale grâce aux industries maritimes et aux chantiers navals implantés sur l’île. C’est en 198746, après la destruction de ces derniers, que le devenir de l’île se pose alors. Les industries et chantiers navals ont été déplacés vers leur nouveau site, à soixante kilomètres, sur le port de Saint-Nazaire, libérant ainsi une surface considérable au centre de Nantes. Cette partie de la ville est alors qualifié de “territoire possédant d’immenses potentialités en termes de reconversion de friches et de développement urbain”47. La ville a donc pour ambition de développer un vaste projet urbain sur cette ancienne zone industrielle afin de renouer le lien avec la Loire, rivière traversant Nantes.

Le projet urbain de l’île se caractérise par sa temporalité au long terme et sa décomposition en trois parties. La restructuration de l’île de Nantes s’est déroulée en plusieurs temps. La fermeture des chantiers navals a permis la rénovation de la gare en 1991 constituant la première intervention urbaine du projet. Par la suite, en 1996, la mairie décide de construire le nouveau palais de justice sur l’île, donnant ainsi de l’importance au lieu et une visibilité sur le reste de la ville (figure 6). Ce n’est qu’à la fin des années 1999 qu’Alexandre Chemetoff est nommé pour réaliser le plan guide de l’Île de Nantes de la première phase. Le projet se découpe en trois phases, une première phase à court terme (20002010), une seconde à moyen terme (2010-2017) puis une troisième à long terme (2017-2024).

45 Samoa, Fiche de projet des Quartiers Durables, Île de Nantes, octobre 2019.

46 Laurent Devisme et al., Fiche-projet de l’Île de Nantes, décembre 2007.

47 Idem

42 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
43 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 6 : Palais de Justice de Nantes - Architecte Jean Nouvel - Photographie personnelle, 2021

La ville souhaite mettre en place une “diversité programmatique”48 regroupant logements, activités économiques et loisirs décomposés en cinq thèmes. La volonté première est de conserver la “mémoire des lieux”49 afin de garder l’identité industrielle du site. La relation à la Loire est également à privilégier par la mise en place d’activités, de loisirs, par le développement des mobilités, etc. Tout cela doit se mettre en place afin de créer un ensemble urbain, une unité passant par un programme bien défini composé de logements, de commerces, d’équipements culturels, de loisirs. Il est alors prévu de concevoir une véritable centralité Nantaise regroupant 7000 logements pour 20 000 habitants, 450 000m² d’espaces économiques, 350 000m² d’équipements; 150 hectares d’espaces publics aménagés ou requalifiés.50 Tout ce programme paraît dense et ambitieux. Il faut alors mettre en place des stratégies assurant le bon déroulement du projet à long terme.

Alexandre Chemetoff et son équipe développent une méthodologie permettant de répondre aux différents enjeux soulevés, à travers la mise en place de ce projet à long terme. L’idée est de comprendre tout d’abord le site d’intervention sous la forme d’une carte d’état des lieux, faisant ressortir les bâtiments à conserver, à réhabiliter, à détruire et les endroits propices à de nouvelles constructions. Cela permet de créer une seconde carte de l’état projeté au long terme du site faisant ressortir les spécificités du lieu par un projet multiscalaire, évolutif et flexible dans le temps.

Idem

Alexandre Chemetoff, Le plan guide (suites), Archibooks, Archibooks, 2010 50 Samoa, Fiche de projet des Quartiers Durables, Île de Nantes, octobre 2019.

44 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
48
49
45
PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE
LE
MONDE RURAL
Figure 7 : Bâtiment industriel de l’île de Nantes - Photographe Maéva Poffa, 2021
46 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 8 : Bâtiment industriel de l’île de Nantes - Photographe Maéva Poffa, 2021

Faire ressortir les caractéristiques du lieu

Le plan guide a pour objectif de favoriser chaque intervention, chaque projet, lui permettant d’adhérer à un contexte, une situation favorable. Il propose une relation forte entre le territoire qu’il représente et le plan. Il paraît important de connaître les principales caractéristiques du site afin que le plan guide soit propre au lieu et réponde précisément aux problématiques et enjeux relevés. Les différentes expériences de terrain se présentent comme des “expérimentations”51 faisant évoluer la mise en place du plan.

“Je voulais ainsi dire que le projet était issu du site que nous avions maintes fois arpenté pour en découvrir les ressources et les secrets et faire en sorte qu’il ait la faculté de révéler le sens des lieux et leur évidence géographique.”52

En effet, l’île de Nantes, marquée par son histoire industrielle, possède un héritage historique à respecter et à faire ressortir aux yeux de tous. Cela passe par la revalorisation des bâtiments existant sous forme de réhabilitations (figure 7 et 8), le retraitement des quais et des berges de la Loire afin d’engager une réelle relation avec celle-ci.

Alexandre Chemetoff développe une méthode active, le projet est réalisé et pensé en même temps sous la base d’un état des lieux actualisé tous les trimestres.53 La carte de l’état des lieux (figure 9) évolue en permanence en fonction que le site se transforme. Les projets qui figuraient sur la carte de l’état projeté, une fois réalisés, apparaissent sur la carte de l’état des lieux. La connaissance de ce dernier grandit alors constamment et s’affine et la carte se précise au fil des différents aménagements réalisés.

La carte du plan guide (figure 10) en projet et de l’état projeté se fait sur la base de la carte de l’état des lieux, faisant office de fond de plan. Cela permet de voir directement les changements futurs par rapport à ce que l’île présente à un moment donné, et clarifie les différentes intentions.

51 Alexandre Chemetoff, Le plan guide (suites), Archibooks, Archibooks, 2010 52 Idem 53 AUCAME, « L’île de Nantes ».

47 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
48 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 9 : Plan guide, état des lieux de l’île en janvier 2003, Le plan guide (suites) Figure 10 : Plan guide, état projetté des aménagements de l’île en janvier 2003, Le plan guide (suites)

Le projet global, à long terme, est alors réalisé par une somme d’interventions à court terme, se complétant. Chaque projet sert de témoin par rapport aux différents aménagements. Deux lectures du plan guide peuvent alors ressortir, une première faisant le constat de ce qui existe, une seconde se projetant dans l’insertion des futurs projets.

C’est tout l’objectif d’Alexandre Chemetoff : “Le fait qu’il s’agisse d’un document unique en deux parties est important : nous avons voulu ainsi lutter contre une prolifération des représentations différentes pour tenter de réunir dans le Plan-guide à la fois un outil de travail et d’information. On peut l’utiliser comme un plan pour entreprendre un projet ou comme guide pour découvrir et redécouvrir l’île.”54

Cette volonté de faire à la fois un outil de projet et de communication est bénéfique pour l’ensemble des acteurs qui établissent le projet mais également pour les habitants de la ville qui souhaitent avoir un aperçu global sur le devenir de cette futur centralité. Ainsi, sur la carte du plan guide, différentes zones sont reprérées afin d’identifier les bâtiments à démolir, à réhabiliter ou à construire.

Un outil multiscalaire et multiprogrammatique

Les échelles territoriales sont la plupart du temps opposées aux échelles locales des communes. En effet, selon Alexandre Chemetoff, “Une frontière temporelle existe entre les unes et les autres, les premières étant inscrites dans une longue durée et les secondes dans un temps plus court. Cependant, pour agir à l’échelle du territoire, il faut agir localement et penser globalement, mais aussi voir la manière d’envisager l’action à l’une et l’autre échelle.”55

49 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
54
55 Idem
Alexandre Chemetoff, Le plan guide (suites), Archibooks, Archibooks, 2010

L’utilisation du plan guide implique un entrelacement des échelles d’interventions, des aller-retours constant entre l’expérience de terrain et le plan, faisant de lui un outil multiscalaire. Cet outil est un projet d’ensemble présentant une unité de lieu, de temps et une unité d’action. Nous pouvons nous demander comment des interventions précises, sur un lieu, peuvent modifier les relations et la dynamique d’un ensemble. Il poursuit en disant :

“Nous agissons localement pour que chaque action soit une prise de position territoriale. Une crèche est un morceau du plan et ces morceaux mis ensemble avec les parties transformées et celles qui ne le sont pas forment un projet qui change tout sans qu’il soit besoin de tout changer.”56

C’est tout le principe d’acupuncture urbaine développé par Jaime Lerner qui vise à ce “un petit évènement réussisse à produire une réaction en chaîne”57 . La ville peut alors être comparée à un organisme vivant dont il faut prendre soin.

L’objectif est qu’aucune activité ne doit être cloisonnée, l’île de Nantes regroupera à terme toutes sortes d’infrastructures réparties en différents secteurs afin de créer une mixité de programmes, d’usages et donc de population. Il existe alors plusieurs quartiers comme le quartier des création où se trouve l’école d’architecture (figure 11).

Nous comprenons que les projets, allant du particulier au général, sont interconnectés et se servent les uns aux autres. Ils entretiennent tous des relations plus ou moins importantes formant ainsi une unité globale. Les différentes interventions contribuent à mettre en valeur des parties du plan sur lesquelles aucune intervention n’a eu lieu. Elles se mettent en place sur des temporalités différentes s’adaptant constamment à un nouvel état des lieux et prenant en compte les nouveaux enjeux, tant locaux que globaux, faisant ainsi du plan guide un outil de planification flexible et évolutif.

LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
50
56 Idem 57 Jaime Lerner, Acupuncture urbaine, Editions L’Harmattan, 2017.
51 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 11 : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes - Architectes Lacaton et Vassal - Photographie personnelle, 2021

Un outil flexible et évolutif

Une des particularités du plan guide est qu’il présente un caractère évolutif et flexible. Il peut s’adapter rapidement aux différents changements tant politiques qu’environnementaux. Il apparaît alors comme un outil adapté au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, dans lequel nous devons constamment revoir nos façons de faire, à une petite échelle pour servir la grande échelle.

“Il ne s’agit pas d’un plan qui se réalisera peut-être un jour, mais d’un processus dont la finalité est de réaliser”58 .

L’objectif, en effet, est de mettre en place une démarche de projet imaginant le devenir du lieu et faisant le nécessaire pour y arriver globalement. Se réalisant étape par étape et donnant une direction d’aménagement sur l’ensemble, le plan guide peut changer, évoluer voire même s’arrêter à tout moment. L’intérêt est que chaque personne puisse comprendre le déroulement des différentes interventions. Les chantiers en cours sont en quelque sorte les témoins de la futur centralité à venir.

L’île se construit dans le temps et vise à devenir, par l’ensemble des aménagements, la centralité de la ville. La restructuration a débuté dans les années 2000 par la partie Est de l’île, se diffusant par l’espace public vers l’Ouest, créant ainsi des projets dans le temps qui répondent aux enjeux et besoins de l’instant de la ville. Les espaces publics constituent une partie importante du plan guide, ils sont vus comme une “expression concrète du projet d’ensemble”59 et comme des espaces de partage social et fonctionnel entre les projets, participant ainsi à l’élaboration d’un ensemble urbain.

52 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
58 Laurent Devisme et al., Fiche-projet de l’Île de Nantes, décembre 2007. 59 Alexandre Chemetoff, Le plan guide (suites), Archibooks, Archibooks, 2010

L’espace public comme prémice de projet

Pour que le plan guide touche prioritairement l’ensemble des habitants et futurs acteurs du projet, les premières interventions se déroulent sur l’espace public. En effet, comme le dit Philippe Madec, “Il est le domaine de la parole et de l’action. C’est un espace qui, à lui seul, instaure un réel rapport au monde et aux autres, qui rassemble les hommes, les relie les uns aux autres.”60 Nous comprenons ici que l’espace public est un espace partagé, constituant un bien commun à tous, et qu’il faut donc en prendre soin afin que la population l’exploite du mieux possible. Il permet de réaliser la liaison entre les différents projets qui s’inscrivent alors véritablement dans leur contexte, appartenant ainsi à un tout (figure 12). Le traitement de sol reliant le lycée Nelson Mandela au conservatoire de Nantes est le même que celui utilisé pour le parvis de l’école d’architecture (figure 11), alors que ces projets sont aux opposés de l’île. Cette stratégie démontre réellement la volonté d’associer des opérations publiques et privées, à la base isolées, afin qu’elles forment, dans leurs diversités, un ensemble cohérent. Se diffusant, au long terme, à l’ensemble de l’île, l’espace public apportera une unité d’ensemble au projet global. L’espace public doit être vu comme un espace à vivre. Ainsi, en engageant la première intervention dans l’espace public, une attention est portée à tous et le projet est partagé et habité dès le début.

J’ai pu arpenter l’île de Nantes le temps d’un séjour et donc comprendre les différents dispositifs mis en place dans le projet. Mêlant logements, bureaux, restaurations et loisirs, j’ai perçu l’île comme une véritable centralité de la ville, reliée directement à celle-ci par les multiples mobilités. La volonté de conserver le caractère historique du lieu se ressent totalement, c’est le cas notamment dans le traitement de sol de l’espace public, se servant des anciens rail permettant le déchargement des marchandises sur le site. (figure 13). Les anciens bâtiments et les hangars industriels sont conservés et réhabilités, mixant ainsi histoire du lieu et nouveaux usages quotidiens.

53 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
60 Philippe Madec, Le temps à l’oeuvre citoyen, Nouvelles éditions Place, 2004.
54 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 12 : Diffusion de l’espace public entre l’école Nelson Mandela (gauche) et le conservatoire de Nantes (droite) - Photographie personnelle, 2021
55 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 13 : Espace public des berges Ouest de l’île - Photographe Maéva Poffa, 2021
56 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 14 : Les machines de l’île de Nantes - Photographe Maéva Poffa, 2021

Le plan guide, en définissant différentes zones d’interventions, a autorisé une liberté d’expression des projets. Ainsi, les différents programmes, tant immeubles de logements que bureaux, présentent des typologies de bâties différentes, par des diversités de volumes et de hauteur des édifices. C’était une volonté première des concepteurs du projet. Les constructions sont ainsi plus libres dans leurs implantations, proposant des mixités de programmes et de formes sur une même parcelle. La diversité des éléments constitue la richesse même du lieu.

Ce vaste espace au cœur de la ville attire de nombreuses personnes, mixant ainsi touristes, travailleurs et habitués du lieu, chacun y trouve sa place. L’île est un espace de partage entre les individus et à travers les éléments du quotidien. L’histoire du lieu est mise en valeur par des activités touristiques telles que le parc des machines (figure 14), révélant ainsi le site existant et les anciennes activités qui faisaient vivre ce lieu.

L’île est en constante évolution et le sud-ouest61 constitue aujourd’hui le nouveau chapitre d’aménagement (figure 15). D’ici 2040, l’ensemble du secteur aura été aménagé et l’île de Nantes formera une réelle centralité locale et régionale. Elle consitue en quelque sorte une ville dans la ville.

Il semblerait alors que l’urbanisme puisse être un moyen de soigner des morceaux de villes, non exploitées ou délaissées comme l’a été l’île de Nantes. Nous avons vu que le plan guide est avant tout un projet multiscalaire évoluant dans le temps et ayant une vision prospective concernant le lieu d’intervention. On peut se demander si cet outil, utilisé dans un environnement urbain, dans la ville de Nantes, peut être applicable à l’échelle d’une commune rurale afin de résoudre les différentes problématiques de dynamisations rurales.

57 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
61 Samoa, République, Un quartier nature et solidaire, qui renoue avec l’esprit de faubourg, octobre 2021.
58 Sud-Ouest
2040
PROJET URBAIN DE L’ÎLE DE NANTES PLAN DES INTENTIONS (ÉDITION 2020) NEW_200709_MANIFESTE DD_A2-MG15-BriqueFonce copie.indd 1 Figure 15 : plan guide de l’île de Nantes à horizon 2040
L’île de Nantes en chiffres ■ Un territoire de 337 hectares avec un fort potentiel de transformation ■ Aujourd’hui : 20 000 habitants, 25 000 actifs et 4 500 étudiants En 2040 : 32 000 habitants, 35 000 actifs et 12 000 étudiants ■ 12 km de rives dont 8 km aménagés ■ 25 km d’itinéraires cyclables ■ 30 hectares d’espaces verts, ou de parcs urbains aujourd’hui / 57 hectares en 2040 Le nouveau quartier du sud-ouest d’ici à
■ 80 hectares ■ Près d’1 million de m² constructibles ● 395 000 m² de logements, soit 6 000 logements pour 12 000 nouveaux habitants ● 205 000 m² de bureaux, activités et commerces ● 125 000 m² d’équipements (25 000 m² d’équipements de proximité et 100 000 m² d’équipements métropolitains) ● 210 000 m² pour le CHU ● 27 hectares d’espaces verts créés

II.2 L’utilisation du plan guide en milieu rural

En Octobre 2016, dans un numéro de “La Gazette”, la question de la redynamisation des communes rurales se posait et l’on se demandait pourquoi le monde rural était en crise. Que ce soit le périurbain, la plaine, la montagne, la campagne, ces territoires rencontrent leur propres crises. Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour et vice-président de l’association des maires de France (AMF) :

“On est en train de construire une France à deux vitesses : celle des métropoles qui s’oppose au monde rural, en perte de terrain. On perd des exploitations agricoles tous les jours, à court terme cela va générer des déserts ruraux. On a voté une loi pour les métropoles, une pour les intercommunalités, la loi NOTRe, mais il manque aujourd’hui du lien entre ces territoires.”62

En effet, les territoires ruraux semblent être oubliés et la loi NOTRe ne paraît pas suffisante pour le développement du monde rural. Les agglomérations gagnent du terrain sur les campagnes et s’imposent davantage. L’écart se creuse alors entre des urbanités denses et des territoires plus hétérogènes, poreux. Cependant, ce territoire est vu comme une opportunité, et sa redynamisation passerait, selon Cédric Szabo, directeur des Maires ruraux de France, par “un rééquilibrage entre espaces tendus et zones peu denses.”63 Il voit la ruralité comme une chance et ajoute :

“Le monde rural est aussi oublié non pas dans ce qui lui manque, mais dans ce qu’il offre d’opportunités pour répondre aux enjeux collectifs.”64

Il y a une méconnaissance et un oubli du monde rural, trop souvent perçu comme un territoire pauvre, support d’activités, mais très peu distinguent ce qu’il offre d’opportunités pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et aux futurs besoins.

62 Pierre-Maxime Leprovost, Redynamiser la ruralité : un enjeu crucial, octobre 2016, La Gazette des communes édition.

63 Passion Architecture, Coeurs de villes, coeurs de bourgs, comment les faire revivre ?, 2022. 64 Idem

60 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL

“Le producteur, consommateur a remplacé l’habitant, le site s’est substitué au lieu, la région économique à la région historique et à la bio-région. [...] Le territoire s’est vu représenté et utilisé comme le simple support technique d’activité et de fonctions économiques, dont la localisation est déterminée par une rationalité de plus en plus indépendante de toute relation avec le lieu, et qui ne tient plus aucun compte de ses caractéristiques environnementales, culturelles et identitaires.”65

Ici, Alberto Magnaghi nous fait le constat que le monde rural n’est pas exploité pour ce qu’il apporte réellement. Les territoires ruraux doivent être compris et peuvent être le support d’expérimentations de projets urbains et paysagers. Dans les bassins ruraux peu attractifs, certaines communes présentent des difficultés et leur état se dégrade par la désertification entraînant l’augmentation des logements vacants. De nombreux acteurs du territoire l’ont compris, voyant le monde rural comme le “territoire des possibles”66, ils interviennent au cœur des villages engageant un développement local des communes.

A travers les exemples de Simon Teyssou et de Loïc Parmentier, deux architectes engagés exerçant dans le monde rural, nous allons voir que le plan guide, outil créé dans un environnement urbain, peut s’appliquer dans le monde rural afin d’y engager sa redynamisation.

61 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
65 Alberto Magnaghi, Le projet local, Mardaga, Architecture + Recherches, 2003. 66 Passion Architecture, Coeurs de villes, coeurs de bourgs, comment les faire revivre ?, 2022.

Simon Teyssou, Atelier du Rouget

Le premier exemple est celui réalisé par Simon Teyssou dans la commune du Rouget, située dans le Cantal (15), entre Aurillac et Figeac. Il choisit d’implanter son agence d’architecture, l’Atelier du Rouget, dans cette commune rurale de mille habitants car il voit la ruralité comme “une terre d’innovation”67 . Simon Teyssou intervient essentiellement à l’échelle locale et la plupart de ses projets se situent dans un périmètre plus ou moins proche (50 km).

L’élaboration du plan guide n’est pas la volonté première de l’agence, mais elle va venir à la suite d’un diagnostic du territoire, envisageant le développement futur du village. Pour répondre aux grandes étapes d’un urbanisme distendu qui a empiété et colonisé les terres agricoles et le milieu naturel existant (figure 16), l’agence développe une démarche de régénération de la partie sud du village sous la forme d’un “parc habité”68 .

De façon similaire à la méthodologie étudiée lors du plan guide de l’île de Nantes, l’Atelier du Rouget décide d’intervenir en premier lieu dans l’espace public, bien commun de tous. La réorganisation du secteur sud du bourg a commencé par “un urbanisme de fragment ”69

La première intervention est celle du réaménagement du foirail de la commune (figure 18). Cet espace est vu comme lieu modulable en fonction des différents événements de la commune. Organisé sous forme de terrasses, vues comme des “plateformes polyvalentes”70, le foirail peut accueillir le marché du village et des activités associatives mais également les stationnements des véhicules. Le lieu, articulant la place de la mairie et de l’école, devient alors une centralité du bourg, connecté au reste du village par des chemins piétons facilitant les mobilités.

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Simon Teyssou, Action Coeur de ville (Cité de l’architecture et du patrimoine, 2019).

Passion Architecture, Coeurs de villes, coeurs de bourgs, comment les faire revivre ?, 2022.

Simon Teyssou, Plan Guide du Parc du Rouget, 2019.

Passion Architecture, Coeurs de villes, coeurs de bourgs, comment les faire revivre ?, 2022.

62 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL

Figure 16 : Evolution de la commune du Rouget dans le temps, Atelier du Rouget

63 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
64 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 18 : Le foirail, espace de plateformes polyvalentes, Atelier du Rouget Figure 17 : Croquis du plan guide du parc du Rouget, Atelier du Rouget

D’autre part, des endroits délaissés comme l’ancien camping font l’objet également de restructuration. Des terrains de pétanques y ont été créés, à proximité du stade de foot, participant à un réel complexe de loisirs. Des jardins familiaux sont également mis en place, près du boulodrome. Les différentes temporalités des projets permettent la mutualisation des espaces comme les stationnement, permettant ainsi de ne créer aucunes autres zones de parking supplémentaires. C’est le cas pour le centre culturel et de loisirs, l’Espace Jean Labille, qui bénéficie de la proximité avec le foirail. Ce projet livré en 2021 et réalisé par l’Atelier du Rouget, s’insère parfaitement dans cette idée de parc habité, profitant des différentes porosités du bourg pour établir un lien à la fois avec l’urbain mais également avec les terres agricoles (figure 19 et 20).

L’intervention locale est à nouveau au service d’un projet global. Chaque projet s’inscrit dans une logique communale, reprenant ainsi les grands principes méthodologiques du plan guide vu précédemment. Le parc habité s’établit progressivement dans le temps par un rétablissement des continuités entre les milieux urbains et ruraux, la création de nouveaux cheminements et la mutualisation d’usages.

Une fois la restructuration du bourg établie, la deuxième action consiste à investir le plan d’eau artificiel, créé dans les années 1990. L’objectif est de le rendre attractif et d’en faire un espace central du parc habité du Rouget. Les abords du lac sont retraités de sorte à créer une promenade autour de celui-ci. Les traitements de sols sont travaillés dans le but de rendre accessible la balade au plus grande nombre et à toutes les mobilités douces (figures 21 et 22).

Des dispositif précis permettent de faire revivre le lieu et de l’entretenir. “Les végétaux fixent les berges et contribuent à capturer les intrants agricoles.71 Le projet invite à décloisonner les pièces urbaines autonomes pour initier des porosités, à enrichir les continuités visuelles, à rétablir des continuités de milieux, à accroître le réseau les parcours, à repérer les secteurs mutables susceptibles d’être densifiés.”72

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65 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Passion Architecture, Coeurs de villes, coeurs de bourgs, comment les faire revivre ?, 2022. Simon Teyssou, Plan Guide du Parc du Rouget, 2019.
66 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 20 : Espace Jean Labille, relation avec l’environnement proche, Atelier du Rouget Figure 19 : Espace Jean Labille, parking mutualisés avec le foirail, Atelier du Rouget

Figure 21 : Aménagements paysagers recréant un lien avec les ruisseaux, Atelier du Rouget

67 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Figure 22 : Traitement des mobilités douces le long du lac, Atelier du Rouget

Figure 23 : Plan guide du parc du Rouget, Atelier du Rouget

68 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
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PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE
RURAL
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MONDE

Le projet délimite le parc habité afin de redynamiser la partie sud du village (figure 23). Un repérage des parcelles internes du village permet d’envisager une future densification sans consommer davantage de terres agricoles. Simon Teyssou voit le plan guide comme un “outil capable d’articuler les projets du moment avec ceux d’hier et du futur où l’intérêt commun doit primer”. 73

Simon Teyssou était l’un des premiers architectes à utiliser le modèle du plan guide pour redynamiser une commune rurale. Ses méthodes et ses actions ont influencé d’autres architectes engagés sur leur territoire. C’est le cas de Loïc Parmentier suite à leur rencontre. Il nous le raconte :

“J’ai dit à Simon que je souhaitais développer une pratique engagée. En le rencontrant, je lui en ai beaucoup parlé, je lui ai dit que j’avais beaucoup d’affection pour ce territoire, les Monts du Lyonnais, parce que j’y avais grandi et je voulais faire évoluer les choses dans ce territoire.”74

Ils ont alors formé ensemble le collectif Virage, en 2014, composé de quatre agences d’architecture dont celle de Simon Teyssou, l’Atelier du Rouget, et celle de Loïc Parmentier, l’Atelier de Montrottier. Elles exercent dans et depuis le milieu rural et développent une vision engagée sur leur territoire.

De la même façon que les communes se regroupent pour associer leurs compétences, les architectes du monde rural le font également, afin de développer une pensée commune et d’ancrer leur pratique dans un territoire. Le collectif vise alors à “politiser les questions architecturales ou urbaines et aborder les situations actuelles, crises économiques et écologiques, comme une occasion de changer de modèle’’.75

A son tour, Loïc Parmentier s’est imprégné de cet outil de planification et en a fait de la redynamisation des centres bourgs une de ses spécialités.

73 Simon Teyssou, Pratique réflexive en territoire ordinaire (Cité de l’architecture et du patrimoine, 2019).

74 Hors les métropoles, Architecte constructeur - architecte passeur, s. d.

75 Virage, Virage - Architectes collectifs

70 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL

Loïc Parmentier, Atelier de Montrottier

J’ai eu la chance d’avoir un entretien avec lui, architecte et gérant de l’agence Atelier de Montrottier, basé près de Lyon. C’est le deuxième exemple que nous allons étudier. Son agence intervient dans le monde rural et réalise des études urbaines globales du territoire afin d’engager des programmes de revitalisation de centre-bourgs ruraux. Il m’a fait part de ses méthodes pour mettre en place un plan guide répondant aux enjeux singuliers des communes. Nous allons voir en quoi sa méthode diffère de celle utilisée par Alexandre Chemetoff dans un environnement urbain.

Dans un premier temps, Loïc Parmentier nous explique qu’il faut commencer par connaître précisément le lieu dans lequel nous intervenons, cela se fait par une phase diagnostic. Elle permet d’appréhender le territoire, de le découvrir physiquement, de l’arpenter, en faisant des résidences. Il nous dit, “on rencontre des acteurs, des élus, des habitants, on comprend leur mode de vie et comment fonctionne le territoire.”76 Ça nous permet de faire ressortir un certain nombre de points qui nous semblent être des enjeux pour ce territoire, qui peuvent être de tout ordre.

Cette phase paraît d’autant plus importante dans un territoire rural où les habitants sont nés, ont grandi et sont alors attachés à des valeurs communes, transmises de générations en générations. Une identité commune se développe et les futurs interventions prévues par le plan guide doivent servir cette identité et la magnifier. Alberto Magnaghi, cartographe italien, l’expose dans son ouvrage Le projet local : « En réorganisant et en transformant le territoire, chaque cycle de territorialisation accumule et dépose une sagesse environnementale qui lui est propre et qui, tandis qu’elle enrichit ses règles génétiques, contribue à la conservation et à la reproduction de l’identité territoriale. »77

76 Loïc Parmentier, Méthode de mise en place du plan guide dans le monde rural, septembre 2022.

77 Alberto Magnaghi, Le projet local, Mardaga, Architecture + Recherches, 2003.

71 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL

Ce diagnostic doit donc être orienté dans le sens des ressentis des habitants et acteurs, qui entretiennent cette identité locale. Ces ressentis se font aussi du côté de l’architecte et de l’urbaniste quand ils découvrent le territoire.

Il y a des thématiques qui paraissent plus fortes que d’autres et c’est vers ces dernières que le plan guide va se développer. Une fois ce diagnostic établi, Loïc Parmentier nous explique qu’il faut en faire ressortir des enjeux, “On fait une synthèse des enjeux, on les hiérarchise.”78 Sur cette base, l’objectif est de développer une stratégie qui répond à ces enjeux.

Il nous explique qu’il y a plusieurs stratégies possibles, c’est un temps de discussion très important avec les élus mais aussi les habitants ce qui permet une étude participative complète où la question se pose : quelles sont les pistes de stratégie possible pour répondre à ces enjeux ?

La stratégie fabrique un récit qui sont les fondements du projet pour répondre à ces enjeux et sur le base de cette stratégie sont développées des actions en troisième phase qui répondent concrètement à la mise en œuvre de cette stratégie. Elles sont hiérarchisées, classées par thématiques ou par axes, pour pouvoir répondre le plus fidèlement possible à la stratégie.

Il faut alors mettre en place une véritable pédagogie afin que les habitants se projettent sur le long terme. En effet, sur des échelles d’urbanisme, comme sur le plan guide, la difficulté est que le projet se déroule sur des temps très longs qu’il peut y avoir une forme de confusion avec les discussions non-professionnels, comme les élus mais surtout les habitants, qui sont sur des projections de temps de l’ordre du quotidien et du court terme. Il faut que la population s’approprie l’échelle urbaine pour accepter le projet global. Cela passe par des rencontres entre les architectes et les habitants (figure 24).

72 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
78 Loïc Parmentier, Méthode de mise en place du plan guide dans le monde rural, septembre 2022.
73 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE
RURAL
MONDE
Figure 24 : Discussion du projet avec les habitants, Atelier de Montrottier

La stratégie vise à proposer une vision d’un idéal du devenir de la commune, qui n’est pas tout à fait précis mais qui donne une orientation générale. Cette projection se précise au fur et à mesure que le plan guide se réalise. On ne détermine pas par quelle action il faut commencer pour qu’ensuite cela intègre une évolution au niveau des modes de vie mais c’est plutôt la question d’une stratégie et d’un objectif d’orientation globale d’une commune, un idéal à atteindre. La stratégie répond à cette orientation et les actions, une par une, permettent globalement d’aller dans le sens de cette stratégie et de cette vision. Ensuite la hiérarchie des actions dépend de plusieurs critères comme les moyens économiques de la commune, les idées politiques de la collectivité. Toutes ces actions s’enchaînent de manière opérationnelle.

“Il y a pleins de critères qui rentrent en compte : l’architecte a un rôle de conseil sur l’ordre des actions. Ce sont les collectivités qui décident ensuite réellement quelles actions sont à réaliser en premier.”79

Le plan guide en milieu rural, au même titre que dans les villes, reste une vision très ouverte sur le long terme. La phase stratégie est primordiale pour que la commune développe une réelle stratégie afin que dans les quinze ans à venir, les actions auxquelles nous n’aurions pas pu anticiper, parce qu’elle ne se posaient pas au moment de l’élaboration de la stratégie, soient facilement intégrables par les élus dans la stratégie générale. Les projets doivent être facilement insérables dans le plan guide car c’est un outil qui évolue. Le plan guide s’adapte au niveau de vie qui évoluera d’ici quinze ans. C’est plutôt une mise en place d’une projection.

D’autre part, la place de l’agriculture dans les plans de redynamisation des communes rurales est un point essentiel à ne pas négliger. On considère qu’un bourg et une commune rurale pour la plupart du temps est connecté avec son environnement naturel et donc aux terres agricoles. Il faut alors également développer une stratégie de valorisation de ce domaine identitaire du monde rural. Cette question est un point essentiel qui compte pour Loïc Parmentier. Il travaille souvent avec l’agence Fabriques qui élabore des stratégies liées à la 79

74 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Loïc Parmentier, Méthode de mise en place du plan guide dans le monde rural, septembre 2022.

question agricole, conçoit des bâtiments agricoles et des aménagements paysagers en lien avec ce domaine.

Loïc Parmentier intervient sur plusieurs communes afin d’engager un plan de redynamisation. Il met en place le plan guide comme outil de projet et dans chaque situation les enjeux diffèrent et les actions répondent précisément aux problématiques réelles des communes. Il a en effet compris que les communes aujourd’hui ont un peu moins la main sur leur aménagement de manière générale et selon lui, “les communes en réalisant un plan guide arrivent à montrer leur démarche aux échelons supérieurs administratif, pour pouvoir valoriser leur projet et amener du contenu.”80

L’application du plan guide dans le milieu rural diffère de celle du milieu urbain par son appropriation par les habitants. Il semble en effet que dans le monde rural la population aie développée un identité, transmise de génération en génération, qu’il est d’autant plus difficile de lui faire accepter les aménagements futurs de la commune. Dans beaucoup de petites communes, le seul élément de centralité est l’église. L’intervention sur les lieux doit donc faire preuve d’une grande précision, s’attardant sur des détails. Lors de la restructuration du centre bourgs de Plourin-Les-Morlaix (29) en 2000, Philippe Madec l’avait déjà compris : “Je me souviens de toutes ces décisions prises in situ, dans puis face au lieu, ou au coin, au recoin, cherchant avec l’avis de tous à trouver la résolution simple, mais idoine. De tous ces petits endroits quand, debout dans le chemin, la venelle, la rue, la cour, se décident ensemble l’emplacement du muret, le type de revêtement de sol, le choix de l’arbre ou de l’arbuste, le doigt tendu, puis le pied, délimite au sol les surfaces.”81

Le plan guide constitue un support d’échanges et d’informations entre tous les acteurs du lieux afin de mener à bien un projet global.Il paraît alors que cet outil peut être applicable aux communes nouvelles. 80

75 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
Idem 81 Philippe Madec, Le temps à l’oeuvre citoyen, Nouvelles éditions Place, 2004.

Le plan guide pour le développement des communes nouvelles

Nous avons vu que dans le monde rural, la relation entre les différentes interventions du plan guide se fait par les porosités bâties, les espaces verts et le rapport de proximité avec la nature. Nous remarquons que la volonté est avant tout d’empêcher l’étalement urbain des communes sur les terres agricoles, visant à retrouver une unité, un ensemble dynamique dans son territoire. C’est également tout l’enjeu des communes nouvelles que nous avons évoqué précédemment. Nous pouvons alors nous demander comment cet outil plan guide peut s’appliquer à ces communes qui cherchent à se regrouper.

La première partie montrait que la commune nouvelle pouvait constituer un atout pour renforcer l’action communale à l’échelle de l’intercommunalité, mais que les outils de planification ne lui étaient pas adaptés. Le plan guide se présenterai alors comme un outil de poids pour répondre à ces enjeux, en gagnant en efficacité et en portant de nouveaux projets.

Dans le cas d’une multipolarité représentée par les communes déléguées, le plan guide va en traiter plusieurs visera à retenir différents enjeux afin les réunir ou à les différencier. C’est intéressant pour des communes comme cela de se demander “comment on fait commune” et comment on dépasse le territoire communal dans la logique des aménagements.

76 LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL
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PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE
LE
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MONDE RURAL
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PARTIE III / BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE

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Dans cette partie, il sera question d’étudier une commune nouvelle, Bourgs sur Colagne. Nous allons tenter, suite à une analyse de la commune, d’envisager le rôle que celle-ci peut jouer sur son territoire, en prenant en compte les évolutions des modes de vie futurs. Pour cela, nous allons mettre en application l’outil de planification présenté précédemment, le plan guide, et nous tenterons de l’adapter à cette commune nouvelle présentant deux centres bourgs et par conséquent, deux centralités.

Cette étude va se diviser en deux parties. Dans un premier temps, nous évoquerons les caractéristiques de Bourgs sur Colagne, village de Lozère (figure 25), ses différents atouts et difficultés, par un diagnostic. Celui-ci fera ressortir différents enjeux pour améliorer le rôle de la commune sur son territoire. Ces enjeux nous guideront pour développer, dans un deuxième temps, des stratégies menant à différentes actions permettant à Bourgs sur Colagne de se projeter dans un développement à long terme, anticipant le futur probable. Il est important, dans un projet de planification, d’analyser la croissance urbaine de la commune et son développement dans le temps. Cela permet de comprendre les relations que celle-ci a entretenu avec son territoire et d’envisager sa croissance future. En identifiant les éléments de croissance antérieurs, des logiques d’aménagement du territoire peuvent se développer répondant aux enjeux actuels et futurs.

L’élaboration du plan guide proposée dans cette partie vise à se rapprocher au plus près de la réalisation d’un plan guide réel présenté précédemment. Toutefois, ce travail étant réalisé dans un cadre pédagogique, certaines hypothèses ont dû être formulées afin de mener à bien la réflexion. En effet, n’ayant pas accès aux documents officiels et aux archives de la commune, j’ai dû réaliser une analyse personnelle.

La méthode employée, pour réaliser l’état des lieux de la commune, se présente sous deux formes. La première consiste à “s’imprégner du site”82 , à identifier ses caractéristiques principales et les différents modes de vie des habitants. Il faut y passer du temps, prendre des notes, etc.

80 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE
TERRITOIRE
82 Philippe Madec, Le temps à l’oeuvre citoyen, Nouvelles éditions Place, 2004.

Figure 25 : situation géographique territoriale de Bourgs sur Colagne - illustration personnelle

81 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE

J’ai eu la chance de pouvoir séjourner dans le village pendant quatre jours trottoir. La deuxième approche se fait sous la forme d’une analyse urbaine basée sur des cartes géographiques. Ces cartes sont tirées d’une base de l’Institut

82 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
Figure 26 : Croquis du Truc de St Bonnet - réalisé en studio Ici et Maintenant

III.1 Diagnostic et état des lieux de la commnune

La Lozère, département labellisé “territoire d’excellence environnementale”83 possède une grande variété de paysages qui lui confèrent ses propriétés de niche écologique à préserver. En quelques kilomètres, il est possible de passer d’un univers minéral à l’horizon infini à un univers totalement végétal et dense. Cette région peut s’appuyer sur ses nombreux atouts pour évoluer en tant que premier territoire en matière de transition environnementale. La Lozère possède une rare diversité de territoire représentés par cinq grandes entités paysagères. Deux d’entre elles, les Cévennes et les Causses, sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO mettant en valeur les qualités de leurs paysages.84 Cela met en avant la relation que peuvent entretenir les Lozériens avec leur territoire, qu’ils façonnent depuis des siècles.

Cependant, les modes de vie actuels et les évolutions sociétales récentes ont perturbé le rapport entre l’Homme et ses ressources locales. Il faut accompagner les communes rurales dans une logique d’adaptation face à une futur transformation du territoire, des modes de vie et des usages. Elles constituent une partie importante de la richesse du territoire français et peuvent être des acteurs essentiels dans la préservation de celui-ci.

Bourgs sur Colagne se situe en Lozère, région Occitanie. Elle est, depuis le 1er janvier 2016, une commune nouvelle composée des anciennes communes Chirac (1 166 habitants) et Le Monastier-Pin-Moriès (950 habitants) comptant plus de 2150 habitants. Comme de nombreuses communes nouvelles, ce regroupement a pour objectif de donner un rôle plus important à la commune dans son intercommunalité et son territoire, répondant à l’agrandissement des régions françaises, conséquence directe de la loi NOTRe.

Le village de Chirac se développe à partir de 1062 autour du Monastère Saint-Sauveur-de-Chirac et regroupe 16 villages et hameaux. La commune était connue jusqu’à la seconde Guerre Mondiale pour sa culture de la vigne, du safran et de la laine. Sur la commune, l’activité agricole de moyenne montagne est essentiellement axée sur l’élevage et la production de lait. 83

83 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
Isabel DIAZ, Réinventer la ville centre, Le patrimoine en jeu, Parenthèses, Territoires en projets, 2020. 84 Idem

Figure 27 : Insertion du village dans la topograpphie - illustration personnelle

84 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
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SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
BOURGS

De son côté, Le Monastier tire son nom de la construction d’un monastère bénédictin en 1062 par Aldebert 1er de Peyre. Au fil des siècles, le village s’est développé autour du Monastère et de l’Eglise Saint Sauveur qui date également du XIème siècle. La création récente du GR70 dit chemin URBAIN V qui va de Nasbinals à Avignon fait du Monastier une étape importante de cet itinéraire, porte d’entrée du Parc Naturel Régional (PNR) de l’Aubrac.

Implanté dans la vallée (figure 27), Bourgs sur Colagne, commune nouvelle, souhaite trouver une unité afin de “faire commune” et de ne former qu’une seule entité. Cependant, les deux anciens centres bourgs présentent des caractéristiques différentes et sont éloignés de plus d’un kilomètre. Pour bien comprendre les enjeux de développement et d’intégration de la commune nouvelle à son territoire, il faut avant tout faire ressortir les problématiques actuelles.

Analyse multiscalaire de la commune

Afin de réaliser le diagnostic de l’état actuel de la commune nouvelle, l’étude se base sur une analyse urbaine du village ainsi que sur des témoignages d’habitants exprimant leur ressenti sur la fusion des deux villages et le fonctionnement de Bourgs sur Colagne aujourd’hui.

Pour Alberto Magnaghi, c’est une étape importante de l’analyse, “C’est avant tout un mouvement culturel. Pour prendre soin des lieux, il est nécessaire de savoir les regarder, les reconnaître, et de savoir en interpréter les valeurs, les règles reproductives, l’identité profonde.”85

86 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
85 Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine, Eterotopia, Rizome, 2014.

Il semble important d’arpenter le territoire physiquement dans son ensemble, de ressentir les dynamiques communales in situ qui existent et donnent ses caractéristiques à la commune afin de penser une future transformation répondant aux enjeux. L’analyse de celle-ci se fait donc par un travail cartographique relié à un travail expérimental vécu réellement sur le terrain Cette approche, apprise dans le master que j’effectue actuellement, le domaine d’étude “Ici et Maintenant” vise à développer une reconnaissance du territoire avec tous les sens.

Il y a des éléments concrets qui s’agencent en accord avec le socle (la charpente géographique), c’est le paysage in situ, et il y a nous et nos interprétations sensibles et singulières (sensations, références, imaginaires...) c’est le paysage in visu qui peut être retranscrit matériellement (figure 28). Ces deux perceptions nous permettent ensuite d’écrire à notre tour sur le paysage et de prendre part à la dynamique de l’histoire en apportant des transformations in situ et in visu et ainsi participer à la capacité qu’ont les lieux à émouvoir.

Le paysage in situ ou paysage concret qui permet qui permet de poser sur le socle ou charpente géographique les éléments du paysage. Il s’agit de cartographier, découper le paysage, le représenter en volume et intégrer les nappes du vivant. Le socle est l’élément fondateur du paysage (sols, reliefs, roches…). Le bâti, l’hydrographie, les structures végétales, la nature et l’homme s’installent et s’approprient le support. Il s’agit là du paysage matériel.

Le paysage in visu ou paysage sensible qui est la dimension émouvante, sensorielle, peut être extraordinaire ou symbolique qui émane des lieux et qui nous est propre. Peut-être est-elle l’émergence de souvenirs anciens, peut être juste une émotion fugace au contact des éléments et qui sont source d’interprétations. En le partageant, chacun profitera des différents regards sur le lieu. Il s’agit là du paysage immatériel.

87 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE

Avec ces deux entrées, le paysage est donc à la fois un lieu et regard sur le lieu, mais il forme un tout. Cette philosophie rejoint celle de Philippe Madec mise en place lors de la restructuration du bourgs de Plourin-Lès-Morlaix:

“Pour mieux s’imprégner du territoire, le comprendre, il faut rechercher ce qui le structure, le marque, le construit : courbes de niveau, pluviométrie, ensoleillement, pluie et vents dominants, ruissellement, etc.”86

A l’échelle de la commune nouvelle, nous remarquons qu’au début du XVIIIè siècle, Chirac et Le Monastier formaient deux centres-bourgs bien distincts, reliés par les terres agricoles constituant la majorité de la vallée. D’une part, Chirac se présente sous la forme d’un noyau bâti compact, se développant de manière concentrique autour de son église et de son patrimoine historique. D’autre part, Le Monastier s’est développé de façon plus linéaire le long des principaux axes de circulation.

Au début du XXè siècle, les constructions s’étendent autour des noyaux de construction déjà présents. Certaines constructions se dispersent le long des reliefs et de la Colagne, c’est le début de l’expansion du village sur les terres agricoles. Les deux centres-bourgs présentent une croissance continue se faisant en prolongement du bâti déjà présent. Celle-ci est illustrée par le développement organique des bourgs, n’étant pas limité à une enceinte bâtie, qui s’est fait par stratifications, additions successives des constructions le long des principaux axes de circulations.

Cependant, ces deux croissances continues n’ont eu aucune limite et se sont rejointes selon la direction de la Colagne, pour former aujourd’hui Bourgs sur Colagne, qui constitue ainsi un axe de croissance naturel entre les deux centre bourgs. Au moment où les deux communes se sont regroupées, la commune nouvelle s’apparente alors à une commune ayant connu une croissance discontinue constituée de deux polarités, Chirac et Le Monastier.

88 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
86 Philippe Madec, Le temps à l’oeuvre citoyen, Nouvelles éditions Place, 2004.

Chirac

Le Monastier

XX è siècle 2022

Figure 28 : situation géographique et croissance urbaine de Bourgs sur Colagne - illustration personnelle

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BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
Un Relief Une rivière, La Colagne Une urbanité
XVIII è siècle

Chirac

Le Monastier

Figure 29 : Barrières de croissance urbaine entre les lotissements et les centres bourgs - illustration personnelle

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BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE

Bourgs sur Colagne présente alors une déstructuration urbaine ne favorisant pas la volonté d’unité communale.

“L’absence de limite forte favorise une extension horizontale à densité plus faible sans structuration du noyau.”87

Ce phénomène, décrit par Philippe Panerai, urbaniste, est caractéristique de la commune où les villages se touchent aujourd’hui par les quartiers pavillonnaires au centre. Cette jonction par les logements pavillonnaires et les lotissements n’a favorisé aucun développement économique et par conséquent a rendu la commune de moins en moins dynamique, par une disparition des commerces, qualifié aujourd’hui de “village dortoir”, où les habitants y dorment mais travaillent dans les villes adjacentes. C’est le cas de Geoffrey, fromager rencontré sur les marchés locaux : “Je ne vais jamais dans le village, je ne fais qu’y dormir”.

Entre les années 1968 et 2019, la population de la commune n’a cessé de croître. Le nombre de logements est passé de 561 à 1099 (figure 30) avec la construction de 439 résidences principales en cinquante ans. De son côté, le nombre de logements vacants est lui passé de 65 à 108, cela s’est fait par une désertification des centres bourgs, en choisissant d’habiter une typologie de maisons avec jardin, moteur de l’expansion pavillonnaire. La voie ferrée constitue aujourd’hui une séparation du tissu entre les centre bourgs historiques et les quartiers pavillonnaires plus récents (figure 29). Cela engendre une mise à distance des nouveaux habitants avec les plus anciens du village et influe sur les relations sociales. Mauricette, ancienne institutrice à Chirac nous fait part de son ressenti : “La population a beaucoup évolué, beaucoup de logements se sont construits dans les quartiers plus hauts, on ne connaît pas les habitants”.

Cela fait écho aux propos de David Mangin, architecte urbaniste : “L’étalement résidentiel de ces trente dernières années apparaît davantage comme une sorte d’implosion des cellules du grand

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Philippe Panerai, Analyse urbaine.
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ensemble, une caricature de villages sans rues, sans cours, sans commerces, où se juxtaposent des familles précautionneusement distancées, dans les maisons individuelles. De manière très codée, une distance physique et sociale avec ses plus proches voisins est instaurée. La sociabilité mythique et tant vantée du village est inexistante, dans ces ensembles pavillonnaires de plus en plus segmentés socialement. “88

En effet, les habitants des lotissements n’établissent aucun lien avec la commune puisqu’ils travaillent dans les villes alentour. A Bourgs sur Colagne, en 2019, 74,7% des habitants actifs ne travaillent pas dans la commune, contre 70,2% en 2008 (figure 32). Son positionnement géographique à proximité avec Marvejols et Mende, premier pôle d’emploi en Lozère, permet des déplacements quotidiens sous forme de migrations pendulaires. En effet, 86,8% des actifs utilisent leur voiture pour se rendre au travail, 1,2% se déplacent en transport en commun et 7,1% le font à pied ou en vélo (figure 33). La voiture est indispensable dans les territoires ruraux et la commune en est l’illustration puisque 92,6% des ménages possèdent au moins une voiture.

Ce détachement progressif vis-à-vis des centres bourgs a engendré une perte des commerces locaux, faisant le chagrin des habitants historiques du village : “On avait des plus petits commerces, plus nombreux, qui marchaient bien”. La majorité des habitants font aujourd’hui leurs courses quotidiennes à Marvejols, ville située à 2,5 km. “On fait nos courses à Marvejols, sauf pour les produits locaux comme la viande, les légumes, le fromage… La proximité avec Marvejols est bénéfique pour avoir de meilleurs services plus nombreux et variés” (Nancy, femme du maraîcher de Chirac). Cependant, bien que la ville la plus proche soit à proximité, aucune piste cyclable ou aménagements n’existent aujourd’hui concernant les déplacements des mobilités douces, malgré la volonté des habitants, les déplacements se trouvent réduits uniquement à l’usage de la voiture.

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88 David Mangin, La ville franchisée, La Villette Eds De, 2004.

Figure 30 : Evolution du nombre de logements depuis 1968 - Source : INSEE 2021

Figure 31 : Catégories et types de logements - Source : INSEE 2021

Figure 32 : Lieu de travail des actifs de la commune - Source : INSEE 2021

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Figure 33 : Part des moyens de transport utilisés pour se rendre au travail en 2019 - Source : INSEE 2021

Figure 34 : Population par grande tranche d’âge - Source : INSEE 2021

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La Colagne, axe de croissance unidirectionnel reliant ces urbanités, joue également le rôle de barrière de croissance sur la partie Est de la commune, vers le Truc de Saint Bonnet et les principales terres agricoles exploitées aujourd’hui, séparant totalement le village de son territoire local et excluant toute relation avec celui-ci, renforçant ainsi les mobilités selon la direction de la route départementale (figure 29). Le développement des communes se fait à proximité des axes de circulation, sur la partie paysagère Ouest de la Colagne, vers le Truc de la Fare, sur d’anciennes terres viticoles présentant une typologie en restanques.

Parallèlement à ces phénomènes urbains, la démographique de la commune évolue constamment. On note une baisse importante du nombre de jeunes dans la commune. Ils représentaient 14.0% de la population en 2008 contre 11.1% en 2019 (figure 34). Cela s’explique par le manque d’infrastructures scolaires de proximité telles que les collèges, lycées ou écoles supérieures, contraignant ainsi les 15-29 ans à aller étudier dans les grandes villes desquelles ils ne reviennent pas faire leur vie dans leur commune natale. Si l’on considère que les jeunes participent fortement à l’attractivité d’un village, il en découle ainsi un faible dynamisme dans l’espace public de la part de cette population. A Bourgs sur Colagne, trois écoles primaires assurent la scolarité des plus jeunes mais il existe peu d’activités dédiés à leur loisirs, Maxime et Boris nous l’expriment : “pour les jeunes il n’y a rien, il faut aller à Mende voire à Millau.” Cela prouve une fois de plus que ce vide est un point sensible qu’il faut pouvoir traiter car la jeunesse est une source de dynamisme pour les communes rurales.

Nous pouvons également noter une baisse de la population représentant les 30-59 ans, passant de 46,3% en 2008 à 40,8% en 2019. Cela s’explique par l’évolution des emplois dans la commune. Certains secteurs d’activités ont perdu une part importante d’emplois, c’est le cas de l’agriculture, passant de 50 agriculteurs exploitants en 2013 à 10 agriculteurs en 2019, une division par cinq en six ans, c’est considérable. Cela entraîne un détachement important de la commune vis-à-vis de ses terres agricoles et son territoire, perdant de plus en plus l’identité agricole qu’elle avait autrefois.

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En revanche, les soixante ans et plus représentent 30,3% de la population aujourd’hui contre 24,2% en 2008. L’EHPAD Villa Saint Jean y joue son rôle important et arbitre cinquante-trois personnes âgées, mais ce n’est pas la seule raison de cette augmentation démographique. En effet, de nombreuses personnes en âge de la retraite souhaitent la passer dans un environnement sain, aéré, proche de la nature. “C’est calme, le climat est bon. Ce qui est bien ici c’est l’autoroute, on a accès rapide aux villes tout en habitant dans la nature.” Une réflexion sur la notion de “bien vieillir en milieu rural” se pose donc, et un accompagnement de cette part importante de la population s’impose.

Bourgs sur Colagne présente alors aujourd’hui deux centralités bâties et économiques, reliées par les quartiers pavillonnaires, aucun lien social dynamique ne les rassemble. Lorsque l’on étudie plus précisément ceux-ci, Chirac et Le Monastier, on s’aperçoit qu’ils présentent des caractéristiques différentes.

D’une part, Le Monastier est caractérisé de “village rue” (figure 35), on ne s’y arrête pas, on le traverse. Historiquement, la voie romaine faisait la traversée du village. Le long de cette rue étroite, l’atmosphère typique d’un centre bourg règne, présentant une proximité du bâti avec un fort rapport façade à façade. Les constructions traditionnelles en pierre et une typologie architecturale locale faisaient l’identité de cette rue (figure 36).

Cependant, même si des interactions sociales existent le long de cette voie, aucun services ou commerces n’ont été conservés. Elle présente une faible attractivité et n’est empruntée seulement que par ses habitants. Cela est la conséquence même de la route départementale qui s’est développée afin de faciliter les flux de circulations venant de l’autoroute A75 et desservant les différents villages adjacents, coupant ainsi le centre bourg du Monastier en deux et renforçant la longitudinalité du Monastier déjà causée par la voie ferrée.

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Figure 35 : Plan du Monastier - illustration personnelle

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Figure 36 : Croquis personnels réalisés dans le centre bourg du Monastier

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Figure 37 : Croquis personnel réalisés dans le centre bourg du Monastier

Figure 38 : Croquis personnel réalisés dans le centre bourg du Monastier

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Nous remarquons, en effet, que la croissance bâtie s’est faite le long de l’Avenue de la République qui constitue un axe de croissance de la commune. Le nom de celle-ci pose d’ailleurs question, “Avenue de la République” dans un village rural. Cela montre bien le caractère de village passant donné au Monastier, mettant en valeur sa traversée, élément principal du bourg ne lui offrant aucune attractivité touristique.

Les principaux commerces et points d’attractivités sont présents sur cette rue (figure 39), mais le profil de l’avenue très large et passante s’oppose à la vie sociale et ainsi à la convivialité qui a du mal à exister lorsque les mobilités rapides sont présentes. Les différents noyaux commerciaux créent des zones d’attractivités (figure 40). Au Monastier, on peut parler de centralité locale, “elle résulte d’une organisation interne de l’espace et qui déborde assez peu du noyau lui-même. Elle s’exprime au travers de l’importance des commerces courants, de leur petite taille”89

La place du Petit marché, le restaurant, est un endroit dynamique du village, aéré, attirant de nombreuses personnes, notamment le midi lors de repas ouvriers. C’est le lieu principal de convivialité et sa position lui confère une visibilité non négligeable lui permettant d’accueillir des clients dit “passants”. Le soir, le bar du Monastier, le PMU Urbain V, accueille des habitués du village mais également des habitants de Chirac. Quelques commerces locaux perdurent et font le bonheur des habitants de la commune. C’est le cas de la boulangerie du Monastier qui est un point d’attractivité central du bourg. La micro-centralité économique que constitue le centre du Monastier est importante pour la commune. “Je connais plus de gens du Monastier que de Chirac, de Chirac je ne connais quasiment personne.” (Nancy, habitante de Chirac)

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Figure 39 : Principaux services du Monastier - illustration personnelle

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En effet Chirac, de son côté, ne présente pas de réelle centralité attractive. Nous pouvons ressentir un aspect plus historique dans le centre bourg, avec notamment un développement concentrique autour de l’église. Les services sont eux en plus grande quantités qu’au Monastier et plus divers mais dispersés. Cependant, ils ne se situent pas au centre du village mais sur son arrondissement, principalement le long de la route départementale qui relie le bourg au Monastier, au Sud et à Marvejols au Nord. Celle-ci contourne le centre historique, ce qui permet de conserver son ambiance médiévale mais lui enlève tout dynamisme possible. En effet, ici le centre bourg n’est pas traversé, il est contourné, de la même manière que s’il voulait être évité. Le bourg n’est alors vécu que par ses habitants et ne recueille aucune visibilité de la part des passants circulant sur la départementale.

A Chirac, la liaison avec les lotissements pavillonnaires est elle aussi compromise par la voie ferrée (figure 41) qui contourne le centre et enclave le bourg entre deux axes de mobilités rapides, le refermant ainsi sur lui-même. Il peut être qualifié de centre bourg dortoir, ne possédant aucune attractivité commerciale et aucun rayonnement en direction de la Colagne d’une part, et des zones pavillonnaires d’autre part. Celles-ci se sont implantées sans aucune typologie urbaine précise, les détachant ainsi du reste du village.

La boulangerie et la place du marché sont des lieux dynamiques et attractifs mais autonomes, complètement détachés du centre bourg du fait de leur position excentrée (figure 42). L’absence d’attractivité au centre de Chirac se fait ressentir chez les habitants :

“Si il y avait un lieu de sociabilité dans le village, je sortirai, mais là non, je vais juste amener les enfants à l’école. A Chirac, il manque un lieu où les gens se retrouvent. Il n’y a plus un seul point central, il y avait deux cafés, ils ont fermé.” (Nancy, femme du maraîche de Chirac).

Il faut donc réanimer ce centre bourg pour engager des relations entre tous les habitants.

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Figure 41 : Plan de Chirac - illustration personnelle

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Figure 42 : Principaux services de Chirac - illustration personnelle

Figure 43 : Zones d’attractivités de Chirac - illustration personnelle

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Figure 44 : Croquis personnels de la place de l’église à Chirac

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Il n’existe pas encore de règlement d’urbanisme sur la commune de Bourgs sur Colagne. La communauté de communes est chargée de rédiger le futur PLUi. Contrairement au Monastier, Chirac ne présente pas de PLU, sa planification est donc dictée par le Règlement National d’Urbanisme (RNU). Celui-ci présente les règles à mettre en place à défaut de documents de planification locale sur le territoire de la commune. Ce sont donc des règles nationales ne prenant en aucun cas en compte les spécificités du village dans lequel il est appliqué. Cela explique clairement la déstructuration urbaine qui s’est produite lors de l’étalement de Chirac par les logements individuels. La typologie historique de la petite ville de Chirac raconte une histoire, qui malheureusement n’est vécue presque que par ses propres habitants. Seulement l’école primaire et quelques gîtes sont situés en son centre.

Nous l’avons donc compris, Bourgs sur Colagne est une commune nouvelle cherchant sa place dans son territoire. Sa volonté première, depuis 2016, est de “faire commune” et d’établir une véritable identité partagée entre les communes déléguées, Chirac et Le Monastier. Le développement de la commune s’est fait selon des stratifications successives, correspondant à la succession de générations qui ont façonné différemment le territoire. Celles-ci n’ont pas le même avis sur Bourgs sur Colagne. A travers les différents témoignages, nous avons ressenti qu’il y a des identités bien ancrées.

Chantal, secrétaire de la mairie de Chirac nous dit : “Ce sont deux communes qu’on a regroupées, mais il y a quand même bien 1km qui les sépare. Les gens du Monastier ne seront jamais des gens de Chirac et les gens de Chirac ne seront jamais des gens du Monastier.” “Il y a deux postes, deux mairies, beaucoup de doublons, ça fait deux villages, je pense que ça ne sera jamais un village.”

Nous avons remarqué deux polarités économiques situées à Chirac et au Monastier étant certes reliées physiquement par les quartiers pavillonnaires sur la partie haute du village, mais aucun lien social ne les rassemble. Certaines tensions animent les relations entre les habitants des deux bourgs et ne favorisent

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pas leur regroupement, c’est le cas principalement chez les générations plus âgées, étant né dans le village et ayant fait toute leur vie ici. C’est le cas d’une octogénaire de Chirac:

“Jamais, la relation Chirac avec Le Monastier n’a marché. Même mon mari qui était natif d’ici m’a dit, “mais jamais on a fait copains avec Le Monastier”. Ça ne marchait pas entre eux. Pourquoi ça marcherait aujourd’hui ? Je n’y crois pas”

Malgré cela Michelle Castan, maire de Chirac, reste optimiste sur la fusion de la commune :

“Il y en a qui vivent très mal la réunion des deux bourgs”. “On a fait ce regroupement dans un but positif, pour le bien de tous.” Il y a évidemment des avantages financiers permettant à la Bourgs sur Colagne d’envisager de futurs projets prometteurs. Les tensions psychologiques présentent des inconvénients qu’il faut parvenir à gérer.”

Bourgs-sur-Colagne possède deux typologies urbaines bien différentes qu’il faut pouvoir réunir, et cet objectif pourrait se réaliser probablement à travers l’architecture qui doit donner le sentiment d’appartenance à un seul et même bourg pour sa population. La commune peut jouer un rôle, à son échelle, et ainsi continuer d’exister dans son territoire face aux grandes villes qui concentrent la majorité des emplois et des services.

Grâce à ce diagnostic, des cartes d’état des lieux à l’échelle de de la commune nouvelle mais également des deux bourgs, faisant ressortir leur spécificités, peuvent être créées. A la suite d’une expérience réelle sur le terrain, des points importants ont pu être relevés. J’ai pu me faire ma propre vision personnelle de l’ambiance quotidienne qui règne à Bourgs sur Colagne et recueillir les informations et les ressentis des habitants et des commerçants. Cette expérience, couplée à une analyse urbaine personnelle, m’a permis de faire ressortir des enjeux auxquels répondre pour le développement futur de Bourgs sur Colagne.

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Figure 45 : Plan d’état des lieux de Bourgs sur Colagne - illustration personnelle

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Figure 46 : Plan d’état des lieux du Monastier - illustration personnelle

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Figure 47 : Plan d’état des lieux de Chirac - illustration personnelle

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Identifier des enjeux locaux

Nous pouvons maintenant déterminer quels enjeux sont les plus importants et ainsi les hiérarchiser.

1 : Pour “faire commune”, Bourgs sur Colagne doit cesser de s’étendre longitudinalement. Chirac et Le Monastier ne doivent pas s’éloigner mais se rapprocher. Il faut alors penser à un développement enclavé entre ces deux communes déléguées.

2 : Les centres bourgs actuels doivent retrouver leur vitalité d’autrefois et attirer l’ensemble des habitants. Cela passe par une croissance concentrique du village et le développement de nouvelles activités, l’accompagnement des personnes âgées, notamment dans l’accès au logement et au service à la personne.

3 : La commune doit retrouver ses savoirs faire du temps passé et valoriser les terres agricoles afin d’en faire son identité forte. La majorité de la population active du village travaille dans des villes alentours, plus dynamiques et offrant de meilleurs services. La commune ne vit plus. L’agriculture peut être un moteur de revitalisation par ailleurs d’intégration et de conservation de la jeunesse.

4 : Les axes de croissance longitudinaux constituent aujourd’hui des barrières de croissance transversales. La Colagne, élément naturel guidant l’ensemble des interventions territoriales de la commune, la voie ferrée et la route départementale, éléments construits par l’homme. Il faut alors engager une transversalité communale, afin de permettre aux habitants des lotissements pavillonnaires de s’intégrer dans la commune et de participer à l’élaboration d’une identité.

5 : Plus largement, la commune toute entière doit s’ouvrir sur son territoire et retrouver du lien avec celui-ci. Cela passe par la mise en valeur d’éléments paysagers comme le Truc de Saint Bonnet ou le Truc de la Phare, mais également par la relation de proximité avec la Colagne, élément structurant de l’ensemble du paysage, complètement détachée aujourd’hui de toute vie communale.

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Afin d’établir un plan guide répondant aux problématiques actuelles repérées à l’échelle de Bourgs sur Colagne, ces enjeux locaux doivent intégrer des enjeux plus globaux afin d’envisager le rôle de la commune nouvelle, à long terme, sur son territoire..

Prendre en compte les enjeux globaux sous la forme d’un futur probable

« Le territoire, compris comme un système vivant, naît et grandit. Il peut tomber malade, il peut mourir quand la relation de synergie est interrompue – nous parlerons alors de « crise de civilisations » - mais il peut aussi renaître. »90

Nous connaissons actuellement une crise de civilisation, la crise climatique, qui touche l’ensemble de la planète, et ne semble vouloir épargner personne si nulle résistance ne se manifeste. Nous le savons, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) prévoit une hausse des températures de 1,5 degrés d’ici 2030.

L’excès d’émission de gaz à effet de serre en est la cause. En France, le secteur de l’agriculture est le troisième plus gros émetteur de gaz à effet de serre après celui du bâtiment et celui des transports. Aujourd’hui l’agriculture intensive est devenue la norme en France et elle a un gros impact sur le territoire et la biodiversité. Ce mode de production se caractérise par la monoculture et s’étend sur d’immenses surfaces agricoles et les pratiques employées dégradent la qualité de nos sols. Depuis les années 70, la planète a perdu 30% de la couche arable de la terre dû à une érosion massive des sols.91

Les terres agricoles se font de plus en plus rares. En plus de leur appauvrissement, tous les dix ans l’équivalent de la surface d’un département supprime les terres agricoles en imperméabilisant les sols. L’artificialisation des

90

91 Kiss the Ground, Documentaire, 2020.

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Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine, Eterotopia, Rizome, 2014.

sols en France représente 456 m2 /habitant en France, contre 363 m2 /habitant pour l’Union Européenne. (INSEE, 2015). Selon les Nations Unies, d’ici les trente prochaines années, la population mondiale devrait fortement augmenter, passant de 7,7 milliards aujourd’hui à 9,7 milliards en 2050. Nous pouvons alors nous demander comment nous allons nourrir toute cette population au même moment où nos terres agricoles s’appauvrissent et se réduisent. La France est aujourd’hui le premier pays agricole européen et doit, par conséquent, montrer l’exemple concernant la conservation des sols agricoles. En raison de crises que nous connaissons, les modes de production actuels sont voués à changer. Il faudra faire face à un assèchement des sols mais également à des pénuries d’eau.

L’augmentation de la population mondiale pourrait également engendrer un exode urbain. Les citadins viendraient habiter à la campagne, dans un environnement plus aéré et plus sain, loin des maladies telle que le COVID19.

Il semble qu’un retour à la terre est nécessaire, un retour aux choses simples en agissant à l’échelle locale. Déjà en 2003, Alberto Magnaghi évoquait un retour à la terre.

“Une renaissance s’impose donc, moyennant de nouveaux actes fondateurs, capables de produire à nouveau du territoire, ou plutôt de nouvelles relations fertiles entre les établissements humains et le milieu naturel… C’est dans une culture de la valorisation des ressources du milieu par ses habitants que réside la clef stratégique d’un développement soutenable.”92

Un retour aux choses simple et à la localité s’impose. Il faut retrouver le caractère singulier des lieux par un “retour au territoire en tant que bien commun pour faire grandir la « conscience des lieux”.93 Cela ne signifie pas un retour au passé, mais à une reterritorialisation réinterprétant le patrimoine du territoire local visant à créer une relation forte entre les milieux et les établissement humains

92

Alberto Magnaghi, Le projet local, Mardaga, Architecture + Recherches, 2003.

93 Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine, Eterotopia, Rizome, 2014.

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“C’est un fait : toute culture ne peut supporter et absorber le choc de la civilisation mondiale. Voilà le paradoxe : comment se moderniser et retourner aux sources ? Comment réveiller une vieille culture endormie et entrer dans la civilisation universelle ?” Paul Ricoeur94

Il faut donc imaginer dans le cadre d’un futur plus sain et en accord avec la transition environnementale, une disparition de l’agriculture intensive. Les terres agricoles doivent alors être conservées et l’agriculture doit se tourner vers un modèle qui consomme moins d’eau, plus résilient en cas de sécheresse. L’agriculture perdurerait en revenant à une agriculture raisonnée, respectueuse des humains et de la nature, en ménageant les sols. Les circuits courts se développent et une économie coopérative, sociale et solidaire prend place. “Nous voulons des champs fertiles, une nature résiliente, une activité économique de proximité, des lieux de vie habitables et des logements abordables pour tous : tous ces objectifs sont cohérents, mais leur cohérence implique une modération et un partage des ressources communes, entre humains et avec le reste du vivant. Et c’est bien ce choix du partage, a fortiori frugal, qui est au cœur de la sagesse de la moisson à laquelle la frugalité appelle.”95

Il est alors essentiel de raviver les savoirs-faire perdus durant les derniers siècles à travers l’apprentissage mais également découvrir de nouvelles méthodes pour cultiver en limitant l’impact sur l’environnement. L’agriculture se présente comme un moyen considérable pour inverser la tendance et stocker le dioxyde de carbone dans nos sols. Les communes rurales sont les acteurs présentant le lien le plus étroit avec le territoire et les terres agricoles. Elles doivent par conséquent être les premiers acteurs de leur valorisation et de leur préservation. Il faut alors prendre en compte ces enjeux globaux pour que Bourgs sur Colagne s’adapte aux modes de vie futurs afin de devenir un acteur de son territoire. 94 Laurent Viala et Lambert Dousson, Art, Architecture, Recherche, Editions de l’Espérou, 2016. 95 Mouvement pour une frugalité heureuse et créative, Commune Frugale, la révolution du ménagement, Actes sud, Manifeste, 2022.

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III.2 Mise en place du plan guide

La mise en place d’un plan guide à pour objectif d’accompagner Bourgs sur Colagne dans son futur développement et dans son intégration territoriale, en répondant aux enjeux et problématiques repérées lors du diagnostic. L’idée est alors de proposer une vision d’ensemble du développement du village au long terme, par différentes actions ciblées à court terme. Ce plan guide doit être un repère pour les futures actions à mener dans la commune, répondant ainsi à l’absence d’outil de planification qui a engendré une urbanisation non contrôlée du village sur les terres agricoles, éléments essentiels de son identité territoriale. Cela se met en place par différentes fiches actions.

1. Limiter l’expansion urbaine et conserver les terres agricoles

Dans un premier temps, il semble pertinent de limiter l’expansion urbaine de la commune afin d’engager un développement communal interne. « Dans le développement historique des villes, la densification est favorisée par les barrières successives. La ville ne franchit ses limites, […] qu’après saturation du tissu. Ce phénomène de croissance réglée peut se reproduire plusieurs fois ; sa conséquence est la constitution d’un noyau qui atteint une densité élevée et marque nettement l’opposition centre/périphérie. Au contraire, l’absence de limites fortes favorise une extension horizontale à densité plus faible sans structuration du noyau. Ces dispositions morphologiques ont des conséquences sur la pratique urbaine, la notion de centre s’en trouve profondément affectée. »96

Cette notion est évoquée par Philippe Panerai pour des villes telles que Paris ou Londres, mais nous comprenons bien évidemment que le phénomène est multi-scalaire et peut se produire dans des communes rurales telles que Bourgs sur Colagne. Dans la commune, aucune barrière de croissance n’est encore venue convenir l’urbanisation. 96

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Philippe Panerai, Analyse urbaine. Parenthèses Editions.,
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Figure 48 : Ferme Bessiere - Photographie personnelle, 2021

Le Monastier et Chirac constituent des portes d’entrées et de sorties de Bourgs sur Colagne. Afin de bloquer l’expansion urbaine sur les terres agricoles et favoriser la densification concentrique, il est nécessaire de trouver des limites de croissance associées à des bornes de croissance. De part et d’autre des bourgs, deux ruisseaux reliés à la Colagne, enclavent la commune et peuvent constituer ces barrières de croissance urbaine. A l’entrée du Monastier, nous définissons le ruisseau de la Planchette comme de limite croissance, associée à la gare ferroviaire qu’il faut requalifier à laquelle la commune doit entretenir un lien direct. A Chirac, le ruisseau le Rioulong contiendra l’expansion urbaine avec la ferme Bessière (figure 48) en tant que borne de croissance.

En définissant clairement les limites d’expansion de la commune, de nouveaux projets peuvent se réaliser au cœur même du village, participant ainsi à sa redynamisation.

2. Développer une croissance concentrique et réinvestir les centres bourgs

En raison des enjeux globaux d’exode urbain évoqué précédemment, la commune sera confrontée à une croissance démographique qu’il faut anticiper. La construction de nouveaux logements pavillonnaires à court terme n’est pas exclue, mais la densification se fera surtout en réinvestissant les logements vacants et les bâtiments délabrés des centres bourgs. Cela se fera sous forme de réhabilitations, ou de constructions en dents creuses. Il faut limiter les constructions neuves.

« La création d’un équipement neuf ne doit plus être la première solution, mais celle que l’on adopte lorsque l’on a démontré que l’existant n’était pas en mesure d’être adapté ou transformé. »97

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97 Isabel DIAZ, Réinventer la ville centre, Le patrimoine en jeu, Parenthèses, Territoires en projets, 2020.
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Figure 49 : Centre bourg de Chirac, place de l’Eglise - Photographie personnelle, 2021

La densification démographique va entraîner des besoins et un niveau de services plus adaptés à la population grandissante. L’idée est de retrouver les dynamismes qui faisaient anciennement la vitalité des deux communes. La voie romaine au Monastier, élément historique et structurant qui aujourd’hui possède comme seule fonction d’être une rue sur laquelle donnent des logements, doit être revalorisée et devenir une rue commerciale. Le fait de rendre attractif cette voie, lui conférera une nouvelle centralité qui s’opposera à l’image du village-rue. De la même manière, la place de l’Eglise à Chirac (figure 49) doit retrouver sa centralité par l’intégration de commerces et elle doit rayonner sur la commune. Il faut trouver un lien entre les deux polarités et briser cette dualité. Cela passe par les différents commerces à implanter qui devront être complémentaires par leurs programmes qui se feront selon les envies des habitants.

“On aimerait avoir un bar à Chirac. Ce qu’on ne veut pas c’est qu’il y ait des bâtiments qui ne servent à rien”. (Michelle Castan , maire de Chirac)

De nouveaux commerces et logements permettront également d’animer l’avenue de la République et ainsi de ralentir le flux de circulation rapide qui fait la traversée du village. Cette avenue doit changer de caractère et ainsi devenir une rue, la rue du Monastier. Il faut mettre en place un partage modal de la rue, Nicolas Soulier évoque cette notion dans son livre : “La sécurité de la route ne répond pas aux mêmes principes que la sécurité de la rue, tout au contraire. Dans une rue, si l’on veut respecter toutes les fonctions que remplissent en principe les rues, il faut rendre possible les rencontres, les traversées, les croisements. Dans ce contexte, mélanger ne va pas à l’encontre de la sécurité, tout au contraire. Le principe est de mettre en place des aménagements banalisés et une absence de signalisation pour induire la cohabitation” [...] “Il faut des frontages actifs, qui conditionnent l’ambiance des rues, leur caractère de route ou de rue.”98 98

122 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
Nicolas Soulier, Reconquérir les rues, Ulmer, 2012.

Ces frontages permettront aux habitants d’habiter réellement la rue et ainsi de partager plusieurs moments du quotidien, engageant ainsi un sentiment d’appartenance à la commune, moteur d’une identité commune. Cette identité doit aussi être liée au territoire et au paysage proche de la commune, duquel elle semble détachée aujourd’hui. Cela passe par une mise en valeur des terres agricoles.

3. Valoriser les terres agricoles et en faire une identité forte de la commune

“Au total, 5% de la superficie des départements perdent ainsi chaque année leur vocation agricole. La moitié des sols ainsi urbanisés étaient à l’origine les meilleures terres agricoles, historiquement proches des villes. Les acquisitions par des non-agriculteurs constituent également le premier facteur de hausse des prix des terrains.”99

Il faut donc investir en premier lieu les terres agricoles en bordure de village afin de contenir les lotissements pavillonnaires dans leur expansion. Ces actions favoriseraient également un développement concentrique de la commune et apporteraient une proximité directe avec le monde agricole.

De la même manière, certaines parcelles au cœur du village doivent être investies afin de créer des porosités agricoles et de mettre en place une imbrication des espaces naturels et agricoles reliés à l’urbanité des centres bourgs. Cela passe par l’augmentation de la production maraîchère mais également par la mise en place de jardins partagés ou potagers, afin de recréer du lien entre l’ensemble des habitants mais également le développement de jardins pédagogiques permettant de sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge à la question de la conservation des terres agricoles. Les habitants, les écoles et les acteurs de la filière agricoles doivent mener ce projet ensemble. 99

123 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
David Mangin, La ville franchisée, La Villette Eds De, 2004.

Le développement de l’agriculture maraîchère nécessiterait plus de main d’œuvre. L’intégration de la jeunesse peut se faire dans ce domaine, par un retour aux savoirs faires locaux et par la valorisation du territoire.

“La question agricole pourrait sembler éloignée de celle du patrimoine, si l’on s’en tenait à sa définition courante. Elle est cependant centrale, puisqu’elle croise celle des savoir-faire et celle du devenir des centres villes en leur donnant une raison d’exister et de s’inscrire dans une transition qui, à n’en plus douter, amènera des changements très importants des modes de vie.”100

Il faut alors prendre en compte la question agricole qui représente la ressource économique principale de nos territoires ruraux, participant à l’entretien des paysages. Cependant, aujourd’hui les habitants des lotissements sont détachés de ces questions car ils habitent dans le village mais n’y travaillent pas. Pour faire commune, ceux-ci doivent donc intégrer la dynamique du village.

4. Intégrer les logements pavillonnaires à la vie du village

Les nouveaux habitants des lotissements doivent participer à la vie du village et des liaisons transversales sont à mettre en place afin de faciliter la relation entre les centres bourgs et les logements pavillonnaires. Il faut briser la barrière de croissance que constitue la voie ferrée. Cela se fait par le développement du commerce et par un traitement de sol, rendant les bourgs attractifs. Ces cheminements doivent passer par des lieux stratégiques de rencontre, des nœuds commerciaux comme la place du petit marché au Monastier, par exemple. La majorité des mobilités pourrait alors se faire à pied, limitant ainsi l’utilisation de la voiture, par des voies marchandes lisibles et une continuité des usages. L’espace public ferait ainsi la liason entre les différentes parties du plan guide, de la même manière que cela a été réalisé sur l’île de Nantes et par Simon 100

124 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
Isabel DIAZ, Réinventer la ville centre, Le patrimoine en jeu, Parenthèses, Territoires en projets, 2020.

Teyssou dans la commune du Rouget.

Nous remarquons par ailleurs que la direction du tissu parcellaire est propice à cela, orienté transversalement, il vise à établir un lien entre les différentes strates paysagères qui composent la commune. Cette transversalité se prolongerait dans la vallée afin de retrouver un lien avec la rivière, très utilisée autrefois par les habitants.

5. Ouvrir le village sur le territoire et retrouver du lien avec celui-ci

Les habitants sont attachés à leur commune et à leur territoire. Lors de la rencontre d’une habitante à la boulangerie du Monastier, une dame nous dit : “Ici, la qualité de l’environnement est très agréable, c’est ça qui m’a fait rester, cela fait dix ans que je suis là. J’ai la volonté de faire grandir mes enfants dans un environnement naturel, il faut préserver ce que l’on a.”101

Ce sentiment d’appartenance à un territoire est un point important à conserver. Cependant, aucun lien n’est fait avec celui-ci et il faut, comme le dit Alvaro Siza, “engager un rapport étroit entre ce qui est naturel et ce qui est construit”

La commune doit donc s’ouvrir sur la Colagne qui constitue un élément majeur de son territoire local. Les habitants ne la remarquent seulement lors de fortes pluies qui engendre des crues de la rivière. Cela montre bien qu’elle est totalement oubliée dans l’aménagement de la commune. Cela peut se faire sous la forme d’aménagements paysagers en bordure de rivière, créant ainsi des liaisons de mobilités douces entre les villages. Cette promenade en partie basse du village vise à reconnecter les habitants avec la Colagne. Elle peut être ponctuée de différents abris, s’adaptant aux mobilités telles que les piétons ou encore les vélos, offrant ainsi un confort aux usagers.

125 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
101 Alvaro Siza, Imaginer l’évidence, Parenthèses Editions, 2012.

Le “parc de la Colagne” pourrait ainsi être créé, attirant à coup sûr les habitants des logements pavillonnaires vers la vallée et ainsi les inciter à passer par le centre bourg et les nœuds commerciaux, participant ainsi à la vie villageoise en y apportant du dynamisme.

Ces différents aménagements auraient également le rôle de contenir les éventuelles crues et ainsi protéger le village des inondations. L’idée est de développer un espace paysager destiné aux loisirs. La mise en place des interventions se ferait de sorte à contenir l’eau par des dispositifs paysagers tels que des bassins de rétentions, des noues filtrantes, etc…

Bourgs sur Colagne deviendrait alors un réel bassin de vie, proposant des nouveaux modes d’habiter ensemble. Le territoire doit être perçu comme un bien commun qu’il faut façonner et ménager..

Un projet sur le long terme

Toutes ces actions s’inscrivent dans des temporalités différentes selon les enjeux repérés en amont. Les différents aménagements doivent se compléter pour s’adapter au futur probable. Bourg sur Colagne pourrait par conséquent développer une identité commune à Chirac et au Monastier, permettant aux habitants de s’en approprier, jouerait un rôle plus important au niveau de l’intercommunalité et du département. Ce nouveau bassin de vie constituerait ainsi un modèle de développement territorial des communes nouvelles.

Nous pouvons visualiser, sur les cartes suivantes, les différents aménagements évoqués précedemment ainsi que leur temporalité d’action.

126 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE

Figure 50 : Prévision des différentes temporalités des actions à mettre en place- illustration personnelle

127 BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
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BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
Figure 51 : Plan guide à l’échelle de la commune nouvelle, Bourg sur Colagne - illustration personnelle
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SUR
UN PLAN GUIDE
PROJET
TERRITOIRE
BOURGS
COLAGNE,
POUR UN
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Figure 52 : Plan guide à l’échelle du Monastier - illustration personnelle

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UN PLAN
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GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
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UN PLAN GUIDE
TERRITOIRE
BOURGS SUR COLAGNE,
POUR UN PROJET DE

Figure 53 : Plan guide à l’échelle de Chirac - illustration personnelle

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UN PLAN
BOURGS SUR COLAGNE,
GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
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SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE
BOURGS
134

CONCLUSION

Nous nous posions la question en début de ce mémoire sur l’utilisation du plan guide comme outil de planification dans le développement des communes nouvelles.

Nous avons vu que les communes rurales cherchent à se regrouper pour faire face à l’agrandissement des régions. Cette fusion leur permet d’unir leurs forces, de mutualiser leurs moyens et donc d’exister en tant qu’acteur plus important de leur territoire. Cependant, les communes déléguées paraissent déjà ancrées dans leur environnement local et leur fusion implique des problématiques sociales et identitaires qui rendent difficile l’acceptation de la situation par les habitants. Ces communes peinent à se développer car les outils de planification actuels ne le permettent pas. La mise en place de PLUi favorise la cohérence d’aménagements territoriaux à l’échelle de l’intercommunalité, mais qu’en est-il des communes nouvelles ? En effet, nous avons vu qu’à leur échelle, les PLU des communes mères ne sont plus efficaces pour engager ensemble un développement cohérent.

Nous avons vu que le plan guide, tant dans l’urbain que dans le rural, permet de développer un projet à long terme ponctué par des actions précises à court terme, modifiant progressivement l’identité du site et son rayonnement local. Pouvant s’adapter et évoluer en fonction des différentes problématiques locales et nationales, cet outil présente une flexibilité qu’aucun outil de planification n’avait développé jusqu’à présent. Dans ces deux environnements, l’objectif est de retrouver du lien avec le territoire local, que ce soit avec la Loire et le centre ville à Nantes, ou avec le centre bourg, les terres agricoles et les paysages dans les communes rurales.

Aujourd’hui utilisé pour redynamiser des communes rurales présentant un seul centre bourg, le modèle semble pouvoir s’appliquer à l’échelle d’une commune nouvelle, dans le cas d’étude de Bourgs sur Colagne.

135

Dans l’environnement rural, une attention particulière est portée à la relation du site avec son environnement naturel, identitaire des communes. Cette relation se fait par la géométrie du plan guide, revenant alors à un principe mis en place par Tadao Ando, architecte japonais : Premièrement, le “lieu” : le lieu est la prémisse qui donne sa “force” à l’architecture. La “géométrie” en tant que cadre. Elle donne à l’architecture une existence réelle, elle en est le corps, le squelette. Le troisième facteur : la “nature” - non pas la nature à l’état sauvage, mais ce qu’on pourrait appeler une nature façonnée par l’homme.102 Nous comprenons que la géométrie dont il parle est représentée dans le plan guide par l’espace public qui relie l’ensemble des interventions entre elles. Le projet s’établit dans l’espace public et par l’espace public, influençant ainsi au maximum les usages et habitudes quotidiennes des habitants dans le but d’améliorer la situation du lieu, et les reliant à leur environnement.

Le plan guide a la faculté d’être à la fois un outil d’information et de projet, permettant ainsi d’être lisible par l’ensemble des individus, devant en quelque sorte un outil de lecture universelle du territoire local. Cet outil adopte une posture d’expérimentation territoriale permettant une articulation des échelles et un emboîtement des actions à différentes temporalités et échelles répondant à des enjeux territoriaux. Il semble adapté pour accompagner les communes nouvelles dans leur développement local et territorial.

Ainsi, nous revenons à l’hypothèse faite au début de ce mémoire, qui était que les interventions locales peuvent modifier des situations plus globales. Pour anticiper le futur probable présenté, il faut revaloriser le patrimoine territorial et développer une stratégie qui doit être : “initiée par le bas et fondée sur les différences, sur la coopération et sur l’échange non hiérarchique entre les régions du monde.”103 Les communes constituent alors le premier échelon dans lequel il faut intervenir pour retrouver du lien avec notre territoire.

102 Yann Nussaume, Tadao Ando, Pensées sur l’architecture et le paysage, Arlea, Arlea Poche, 2014.

103 Alberto Magnaghi, La biorégion urbaine, Eterotopia, Rizome, 2014.

136

Dans la logique des politiques d’incitation à créer des communes nouvelles, nous pouvons imaginer que ce modèle sera reproductible et adaptable à d’autres territoires, de la même manière que nous avons repéré une diffusion de proche en proche du statut des communes nouvelles (figure 3), créant ainsi des “constellations de villages, de villes et de réseaux de villes complémentaires entre-elles”. Pour Alberto Magnaghi c’est une solution possible où “chaque composant est une centralité en soi et entretient des liens nécessaires avec les autres du fait des singularités de chacun des territoires représentés.”104

137
104 Idem

BIBLIOGRAPHIE

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Films

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Kiss the Ground. Documentaire, 2020.

Entretiens

Parmentier, Loïc. Méthode de mise en place du plan guide dans le monde rural, septembre 2022.

141

TABLE DES FIGURES

Figure 1 : carte des régions françaises avant et après l’application de la loi NOTRe - illustration personnelle

Figure 2 : carte française des régions rurales et urbaines - Source : INSEE, recensement de la population 2017

Figure 3 : création des communes nouvelles entre 2012 et 2019 - Source INSEE (2019), Gabriel Bideau, IGN

Figure 4 : vue aérienne de l’île de Nantes à l’époque industrielle - Source Samoa, https://www.iledenantes.com/le-projet-de-lile/une-histoire/

Figure 5 : vue aérienne de l’île de Nantes aujourd’hui - Source Nantes Chercheurs, https://www. nantes-chercheur.org/

Figure 6 : Palais de Justice de Nantes - Architecte Jean Nouvel - Photographie personnelle, 2021

Figure 7 : Bâtiment industriel de l’île de Nantes - Photographe Maéva Poffa, 2021

Figure 8 : Bâtiment industriel de l’île de Nantes - Photographe Maéva Poffa, 2021

Figure 9 : Plan guide, état des lieux de l’île en janvier 2003, Livre : Chemetoff, Alexandre. Le plan guide (suites). Archibooks. Archibooks, 2010.

Figure 10 : Plan guide, état projetté des aménagements de l’île en janvier 2003, Livre : Chemetoff, Alexandre. Le plan guide (suites). Archibooks. Archibooks, 2010.

Figure 11 : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes - Architectes Lacaton et Vassal - Photographie personnelle, 2021

Figure 12 : Diffusion de l’espace public entre l’école Nelson Mandela (gauche) et le conservatoire de Nantes (droite) - Photographie personnelle, 2021

Figure 13 : Espace public des berges Ouest de l’île - Photographe Maéva Poffa, 2021

Figure 14 : Les machines de l’île de Nantes - Photographe Maéva Poffa, 2021

Figure 15 : plan guide de l’île de Nantes à horizon 2040, Samoa Dossier de presse octobre 2021, République , Un quartier nature et solidaire qui renoue avec l’esprit de faubourg.

Figure 16 : Evolution de la commune du Rouget dans le temps, Atelier du Rouget, http://www.atelierarchitecture.fr/plan-guide-du-parc-du-rouget-15/

Figure 17 : Croquis du plan guide du parc du Rouget, Atelier du Rouget, http://www.atelierarchitecture. fr/plan-guide-du-parc-du-rouget-15/

Figure 18 : Le foirail, espace de plateformes polyvalentes, Atelier du Rouget http://www.atelierarchitecture.fr/plan-guide-du-parc-du-rouget-15/

Figure 19 : Espace Jean Labille, parking mutualisés avec le foirail, Atelier du Rouge, http://www.atelierarchitecture.fr/espace-jean-labellie/ t

Figure 20 : Espace Jean Labille, relation avec l’environnement proche, Atelier du Rouget, http://www. atelierarchitecture.fr/espace-jean-labellie/

Figure 21 : Aménagements paysagers recréant un lien avec les ruisseaux, Atelier du Rouget, http://www. atelierarchitecture.fr/plan-guide-du-parc-du-rouget-15/

Figure 22 : Traitement des mobilités douces le long du lac, Atelier du Rouget, http://www.atelierarchitecture.fr/plan-guide-du-parc-du-rouget-15/

Figure 23 : Plan guide du parc du Rouget, Atelier du Rouget, http://www.atelierarchitecture.fr/planguide-du-parc-du-rouget-15/

Figure 24 : Discussion du projet avec les habitants, Atelier de Montrottier, https://atelierdemontrottier. archi/

142

Figure 25 : situation géographique territoriale de Bourgs sur Colagne - illustration personnelle

Figure 26 : Croquis du Truc de St Bonnet - réalisé en studio Ici et Maintenant

Figure 27 : Insertion du village dans la topograpphie - illustration personnelle

Figure 28 : situation géographique et croissance urbaine de Bourgs sur Colagne - illustration personnelle

Figure 29 : Barrières de croissance urbaine entre les lotissements et les centres bourgs - illustration personnelle

Figure 30 : Evolution du nombre de logements depuis 1968 - Source : INSEE 2021, https://www.insee.fr/ fr/statistiques/2011101?geo=COM-48099

Figure 31 : Catégories et types de logements - Source : INSEE 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-48099

Figure 32 : Lieu de travail des actifs de la commune - Source : INSEE 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-48099

Figure 33 : Part des moyens de transport utilisés pour se rendre au travail en 2019 - Source : INSEE 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-48099

Figure 34 : Population par grande tranche d’âge - Source : INSEE 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-48099

Figure 35 : Plan du Monastier - illustration personnelle

Figure 36 : Croquis personnels réalisés dans le centre bourg du Monastier

Figure 37 : Croquis personnel réalisés dans le centre bourg du Monastier

Figure 38 : Croquis personnel réalisés dans le centre bourg du Monastier

Figure 39 : Principaux services du Monastier - illustration personnelle

Figure 40 : Zones d’attractivités du Monastier - illustration personnelle

Figure 41 : Plan de Chirac - illustration personnelle

Figure 42 : Principaux services de Chirac - illustration personnelle

Figure 43 : Zones d’attractivités de Chirac - illustration personnelle

Figure 44 : Croquis personnels de la place de l’église à Chirac

Figure 45 : Plan d’état des lieux de Bourgs sur Colagne - illustration personnelle

Figure 46 : Plan d’état des lieux du Monastier - illustration personnelle

Figure 47 : Plan d’état des lieux de Chirac - illustration personnelle

Figure 48 : Ferme Bessiere - Photographie personnelle, 2021

Figure 49 : Centre bourg de Chirac, place de l’Eglise - Photographie personnelle, 2021

Figure 50 : Prévision des différentes temporalités des actions à mettre en place- illustration personnelle

Figure 51 : Plan guide à l’échelle de la commune nouvelle, Bourg sur Colagne - illustration personnelle

Figure 52 : Plan guide à l’échelle du Monastier - illustration personnelle

Figure 53 : Plan guide à l’échelle de Chirac - illustration personnelle

143

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS 5

SOMMAIRE 7

AVANT-PROPOS 9

INTRODUCTION 11

PARTIE I / LES COMMUNES NOUVELLES ET LEUR MISE EN PLACE 17

I.1 Les communes nouvelles, nouveau visage du monde rural 19

Un regroupement des communes 21

Une volonté de s’inscrire dans une dynamique territoriale 23

Mutualiser ses moyens et unir ses forces 23

Une identité communale à mettre en place 24

Des incitations au regroupement des communes 27

I.2 Des outils de planification actuels non adaptés au développement des communes nouvelles 31

Outils de planification actuels 31 Non adaptés aux communes nouvelles 33

Vers un PLU intercommunal 34

Un urbanisme de projet par le plan guide communal 35

PARTIE II / LE PLAN GUIDE, UN OUTIL DE PLANIFICATION URBAINE POUR LE MONDE RURAL 39

II.1 La restructuration de l’île de Nantes, le plan guide comme outil de projet à long terme 42

Faire ressortir les caractéristiques du lieu 47

Un outil multiscalaire et multiprogrammatique 49

Un outil flexible et évolutif 52

L’espace public comme prémice de projet 53

II.2 L’utilisation du plan guide en milieu rural 60

Simon Teyssou, Atelier du Rouget 62

Loïc Parmentier, Atelier de Montrottier 71

Le plan guide pour le développement des communes nouvelles 76

PARTIE III / BOURGS SUR COLAGNE, UN PLAN GUIDE POUR UN PROJET DE TERRITOIRE 79

III.1 Diagnostic et état des lieux de la commnune 83

Analyse multiscalaire de la commune 86

Identifier des enjeux locaux 114 Prendre en compte les enjeux globaux sous la forme d’un futur probable

144

115

III.2 Mise en place du plan guide 118

1. Limiter l’expansion urbaine et conserver les terres agricoles 118

2. Développer une croissance concentrique et réinvestir les centres bourgs 120

3. Valoriser les terres agricoles et en faire une identité forte de la commune 123

4. Intégrer les logements pavillonnaires à la vie du village 124

5. Ouvrir le village sur le territoire et retrouver du lien avec celui-ci 125

Un projet sur le long terme 126

CONCLUSION 135

BIBLIOGRAPHIE 138

TABLE DES FIGURES 142

145

L’agrandissement des régions faisant suite à la loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) a entraîné un affaiblissement du rôle des communes dans leur territoire. Les régions sont vues comme les principaux échelons permettant de construire une France nouvelle. Cependant, cela provoque une perte de proximité des habitants avec leur territoire local. Les enjeux actuels nous poussent à unir nos forces et à mutualiser nos moyens pour anticiper nos futurs modes de vie. Cela induit la mise en place de dispositif permettant de prévoir des aménagements sur le long terme. Les communes se regroupent alors afin de peser à l’échelle locale et départementale, formant des communes nouvelles. Depuis 2015, le modèle des communes nouvelles se diffuse en France et semble vouloir s’intensifier. Toutefois, ne disposant pas de réel outil de planification, elles peinent à s’organiser afin de former une seule commune et ainsi développer une identité rassemblant l’ensemble des habitants.

: Commune - Local - Plan guide - Rural - Territoire

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