La mémoire de l'eau_ Mémoire d'architecture_ENAU

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Université de Carthage Ecole Nationale d’architecture et d’Urbanisme Mémoire d’architecture

LA MÉMOIRE DE L’EAU

Réalisé par :

Mariem AMRI

Directeur de mémoire :

Mohammed BEN MOUSSA

Session :

Novembre 2018


Préface

P

ratiquante quotidienne de la nature, passionnée par son fonctionnement et ses diversités, ces éléments m’intriguent, m’interpellent, me fascinent...La nature est un maillage complexe ; elle m’échappe souvent et je ne cesse de me poser des questions dessus. Ma passion est particulière pour l’élément « eau » ; est à la fois très simple et pleinement mystérieuse. D’un côté, ma fascination est pour le matériau lui-même : Sa pureté, son immatérialité, voire son ambiguïté. De l’autre côté pour sa manière unique d’entrer en rapport avec les éléments de la nature, sa capacité de conserver le souvenir et l’empreinte des substances avec lesquels elle est en contact, une découverte du chercheur Jacques Benveniste1, qui a été ensuite soutenue et développée par le Prix Nobel Luc Montagnier2. Ma passion pour l’eau est née aussi, sans doute, avec la vénération que j’ai pour ma terre, ma ville natale, mon foyer familial, mon milieu naturel ; SICA Veneria. EL KEF, cette terre, éternellement vivante, en dehors du temps, où le dialogue entre l’eau et l’Homme raconte une histoire millénaire, aussi bien dans la symbolique et la mythologie que dans les arts, la poésie et la littérature. Mais c’est peut-être, d’abord, avec l’invention architecturale que l’eau entretient la relation la plus puissante et la plus complexe.

1 Médecin et immunologiste français, connu du grand public pour avoir publié en 1988 des travaux de recherche sur une hypothétique mémoire de l’eau qui ont débouché sur une importante controverse. 2 Biologiste virologue français, il est colauréat avec Françoise Barré-Senoussi du prix Nobel de physiologie ou médecine, pour la découverte, en 1983 du VIH

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Les civilisations qui se sont succédées à la ville du Kef nous ont laissé un grand nombre d’ouvrages hydrauliques, donnant une preuve matérielle sur l’ingéniosité de nos ancêtres dans ce domaine et sur la richesse étonnante que le dialogue entre eau et architecture peut produire. Une richesse indescriptible d ‘un patrimoine culturel, historique, architectural et émotionnel d’une grande ampleur semble être négligée. « Il n’y a que deux grands conquérants de l’oubli des hommes. La Poésie et l’Architecture. Cette dernière implique en quelque sorte la première et elle est dans sa réalité plus puissante »3 Consciente de l’importance de la portée de la mémoire et de la valeur inestimable de la ressource « eau », j’ai choisi de leurs consacrer ce mémoire intitulé «la mémoire de l’eau», agençant science et conscience, symboles et parcours. J’ai l’ambition à travers cet humble travail de « remonter aux sources » et de consulter les profondeurs historiques de la ville. C’est ainsi que ce travail s’annonce comme une mise en valeur et une diffusion des richesses d’un patrimoine naturel et d’un site, dans lequel l’architecture a joué un rôle incontournable.

3 John Ruskin, « Les sept lampes de l’architecture». Paris, Frédéric Harrison-Monographie imprimée, 1850.

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La mémoire de l’eau -

Table des Matières Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Remerciments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 A. Voir au delà des Vestiges . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 I. L’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 II.La Mémoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 III. Sicca Veneria : Source de Mémoire. . . . . . . . . . . 65 B. Au delà de l’image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 I. L’espace: Une expérience émotionnelle . . . . . . . . . 81 II. Le Centre d’Interprétation: Echos de la Mémoire . 105 C. Concevoir au delà du regard . . . . . . . . . . . . . . 119 I. Le Parcours de l’eau au Kef : Revalorisation de la mémoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 II. Le «Réflectarium»: Un centre d’interprétation de l’eau au milieu du parc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

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Remerciments

C

’est avec plaisir et beaucoup de sincérité que je veux remercier toutes les personnes ayant soutenu et apprécié mon travail.

Mes premiers remerciements, de tout mon cœur, vont spécialement à mon directeur de mémoire, professeur Med ben Moussa, sans qui ce mémoire n’aurait sûrement pas été achevé. J’aimerai toujours me souvenir de sa qualité humaine, sa compétence, sa patience et son appui moral depuis ma première année à l’école d’architecture. Je remercie également Mme Dhouha Laribi Galalou , pour son soutien et ses encouragement. j’adresse mes sincères remerciements à tous les enseignants, intervenants et toutes les personnes qui par leurs paroles, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes réflexions.

Image: Inspirée des vibrations du mot “Merci“ en japonais, crystalisés dans l’eau; réalisée par Mariem Amri (selon Masaro Emoto)


J’exprime ma reconnaissance envers les amis et collègues qui m’ont apporté leur support moral et intellectuel tout au long de ma démarche. J’adresse une pensée spéciale à mes parents qui m’ont accordé l’affection et la patience nécessaires pour réaliser ce travail, ainsi qu’à mes frères, dont les encouragements et l’amour inconditionnel m’accompagnent depuis toujours; qu’ils trouvent, dans la réalisation de ce travail, I ‘aboutissement de leurs efforts ainsi que I ‘expression de ma plus affectueuse gratitude. Et, pour finir, je dois remercier et offrir mes respects à l’eau du cosmos.

Merci


Introduction

D

e tous les éléments naturels, l’influence de l’eau sur le vécu de l’humanité est probablement la plus tangible :

Elle est omniprésente ; façonnant des villes, dictant la destinée des empires, l’ascension et la chute des civilisations Vitale, l’homme a développé une fascination pour cet élément, d’un côté inspiré par sa pureté, sa place dans le cycle de la vie, de l’autre mettant en œuvre toute son ingéniosité pour tenter de la maitriser ; construisant à cette fin les édifices et mégastructures les plus monumentaux. On Construit pour s’en protéger, on égide pour essayer de la canaliser; son impact sur notre architecture et techniques de construction défini toutes les facettes du bâtit. Avec le temps, l’eau devint une commodité aisément accessible pour une large portion de l’humanité ; l’idée de son indisponibilité même temporaire est absurde et inacceptable. Méditer sur son importance, son existence et sa pérennité est devenu plus un sujet philosophique qu’une fraction seulement semblent considérer, plutôt que de de comprendre ce qu’elle constitue vraiment : un ensemble organique, interconnecté, d’une fragilité pétrifiante.

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Pour nos régions les plus urbanisés, loin sont les temps où la quête de l’eau était un souci journalier. L’eau est démystifiée, nous l’invoquons d’un simple geste avec l’attente qu’elle se manifestera inévitablement à notre demande. Signe d’une sorte de détachement de l’homme de sa réalité, ceci reflète une certaine vérité; le monde dans lequel nous vivant n’a pas changé, notre perception - ou plutôt notre mémoire - en est déformé. Pourtant, jusqu’à nos jours, certaines régions ont maintenu une relation plus intense avec l’eau ; des communautés où l’eau n’a cessé de façonner le quotidien, maintenant la mémoire de l’eau vivide. En Tunisie; le Kef est une ville où l’eau est -littéralement et figurativement- omniprésente: dans les rivières, les barrages, le nom des places, des rues, les espaces publics ainsi que les innombrables édifices et infrastructures construits au fils des générations. Le choix de la ville du Kef s’est donc imposé pour moi comme étant l’emplacement idéal pour tenter de contrer notre fuite en avant un environnement où la mémoire de l’eau pourrait non seulement être perpétué, mais aussi méditée et analysée.

Figure 1. «Sandcastles» (Châteaux de sable), Huile sur toile; Joshua Flint - 2015-14

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Figure 2. «MEMORY OF WATER», Petra Probstn, 2011 - Italie


Problématique

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a vie sur terre a commencé dans l’eau des océans, d’où le surnom de « planète bleue » donné à la Terre et de « sang de la Terre » donné à l’eau. Nous même nous commençons notre vie dans le liquide amniotique composé à 99% d’eau, nous sommes faits en grande partie d’eau, « l’eau est l’organe du monde » L’eau n’a cessé de nous raconter des histoires de purification et de miracles, évoquées dans toutes les traditions religieuses ou spirituelles, dont le judaïsme, le christianisme, l’islamisme, l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme…

« Et maintenant que tardes-tu ? Lève-toi et sois baptisé, et te lave de tes péchés, invoquant son nom. » (BIBLE)

L’eau n’y est pas considérée comme un simple élément d’ablution mais comme le symbole de la vie. L’eau, c’est aussi les histoires des civilisations sur Terre. Une ressource essentielle au développement des sociétés humaines, celles-ci se sont d’ailleurs fixées de tout temps au bord des cours d’eau comme l’indique l’implantation de la très grande majorité des centres urbains, son absence ou sa rareté signifient le chao. Cela explique l’intérêt exceptionnel que l’Homme a toujours donné à cette ressource vitale, à travers le temps.

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Mais cet élément que nous croyons bien connaitre, aurait peut-être des propriétés insoupçonnées et jouera un rôle beaucoup plus important que nous imaginons. Alors, au juste, qu’est-ce que l’eau et comment l’aborder? Qu’est-ce qui fait qu’elle ait tant d’intérêt chez tant de gens dans tant de cultures si différentes? L ‘eau est une marque de civilisation : facteur de santé, d’hygiène, de confort, voire de luxe, elle a toujours constitué un élément de progrès, cette valeur attribuée à l’eau s’est particulièrement manifesté dans l’architecture, par la réalisation des différents ouvrages hydrauliques, destinés à la gestion et la conservation de l’eau. Aujourd’hui encore, il reste beaucoup de traces et de vestiges de ces ouvrages dont certains, sont toujours en service. C’est ainsi, en Tunisie les fouilles archéologiques continuent de mettre à jour de nombreux vestiges qui témoignent de l’ingéniosité et du savoir-faire humain déployés par les différentes civilisations en matière d’hydraulique. C’est ainsi que aqueducs, citernes, bassins, thermes et fontaines racontent l’histoire d’approvisionnement de l’eau dans les différentes villes anciennes de la Tunisie.

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La ville d’EL KEF est l’une des plus anciennes villes de la Tunisie, une histoire urbaine qui a donné naissance à un immense patrimoine historique, archéologique et naturel, dont un important réseau hydraulique s’est manifesté dans un parcours, partant du point le plus haut de la ville jusqu’en bas. Aujourd’hui, un héritage si précieux et si prêts de nos cœurs et de nos esprits est menacé par l’oubli, fait preuve d’une inconscience collective, d’une perte de repères et d’une déconnection avec nos besoins naturels. La conscience de ce possible oubli, nous pousse à vouloir contrer le passé en nous projetant dans le futur, avec la création d’une architecture de commémoration, conservatrice de la mémoire. Mais quel type de mémoire ? Que souhaitons-nous conserver, ne pas oublier ? Peut ont conserver des notions intangibles sans avoir à les représenter et de n’en faire que le simulacre des idées qu’elles sont censés symboliser ? Sommes-nous condamnés à peindre un fade portrait de cet héritage par le simple fait de vouloir le matérialiser ? Comment l’architecte participe-t-il au devoir de la mémoire, tout en invitant à la réflexion ? quelle architecture peut-il proposer pour rendre accessible une mémoire dissimulée ?

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Méthodologie

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ans le but de comprendre, d’interpréter et de matérialiser la relation entre l’être humain et l’élément «Eau» et afin de communiquer une mémoire vivante, celle de l’histoire de l’eau ; nous avons l’ambition de nous lancer dans une expérience humaine, celle de suivre le parcours de l’eau, de fouiller dans la mémoire collective de l’humanité et d’aller jusqu’à une conception cohérente en harmonie avec l’Homme et son environnement. Dans le but de comprendre, d’interpréter et de matérialiser la relation entre l’être humain et l’élément «Eau» et afin de communiquer une mémoire vivante, celle de l’histoire de l’eau ; nous avons l’ambition de nous lancer dans une expérience humaine, celle de suivre le parcours de l’eau, de fouiller dans la mémoire collective de l’humanité et d’aller jusqu’à une conception cohérente en harmonie avec l’Homme et son environnement. Ce mémoire intitulé « La mémoire de l’eau » sera organisée autour des grands thèmes de l’eau et de la mémoire : essai de traduction de l’histoire de l’eau et la mémoire de la ville d’El Kef en une architecture émotionnelle se présentera en trois phases.

Figure 3. «Memory of water, no 3» Par Wendy Stavrianos

La première phase : «Au delà des vestiges», se divise à son tour en trois chapitres: Le premier sera consacré à définir l’eau et à présenter les notions fondamentales associées à sa relation avec l’être humain tant symboliques et spirituelles que civilisationnelles et culturelles.

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Nous explorerons ensuite les fondamentaux en rapport avec la place de l’eau dans l’espace architectural et les projets destinés à la gestion et la conservation de l’eau par une lecture de l’histoire des différentes civilisations en Tunisie. Ainsi, nous tenterons ensuite de traiter le sujet de la mémoire à part entière : nous allons différencier la mémoire collective et individuelle puis nous allons effectuer une lecture profonde de la réécriture de la mémoire en se référant à l’ouvrage « simulacres et simulation » de Jean Baudrillard et enfin dans un troisième, chapitre nous mettrons l’accent sur la mémoire historique, archéologique et naturel de la ville d’El Kef dans son rapport à l’eau dont des ouvrages hydrauliques historiques, demeurent des vestiges vivants des siècles reculés. Nous proposerons ensuite -dans la deuxième phase d’analyse- des projets de référence qui nous sensibilisera à l’architecture émotionnelle en passant par le phénomène de la perception de l’espace à travers les émotions ainsi nous procédons à une étude de projets susceptibles d’expliciter les différentes manières d’aborder le terrain et le programme. Cette analyse des projets architecturaux ainsi du parcours de l’eau dans la ville du KEF, mènent -dans une phase ultérieure de - vers une fonction adaptable à la problématique et au contexte et vers un découpage du parcours et de sa mise en récit. Ainsi nous présenterons la philosophie de notre conception -et en définitif la réponse architecturale- ancrée et articulée sur la base de ce qui a été étudié.

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Figure 4. «La Civilisation de l’eau»; Par Mariem Amri (Auteur)


A.

Voir au delà des Vestiges

Voir Au delà Des Vestiges


Introduction

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ans cette phase, nous nous intéressons en un premier chapitre à la thématique de l’eau. Elément fondamental de la construction du monde, L’eau est une ressource naturelle omniprésente non seulement à travers le temps mais aussi à travers les cultures et les civilisations qui n’ont cessé de nous présenter des témoignages, de nous raconter des histoires et de nous charmer avec des mythes qui portent essentiellement sur sa valeur universelle. Canalisée, maîtrisée, distribuée, l’eau nous apparaît désormais ordinaire, à portée de robinet. Mais notre rapport avec elle ne se limite pas uniquement à ce stade et s’étale encore plus sur sa symbolique et sa poétique. L’eau qui coule, l’eau qui stagne, mais surtout l’eau qui jaillit de la terre, offrant à la fois à l’Homme l’apaisement de sa soif et la guérison de ses maux. L’eau semble aussi très importante en tant qu’objet d’expérimentation scientifique, vu le nombre illimité des expériences qui ont porté sur elle, conduisant à observer plus attentivement des évènements de notre vécu quotidien. Ce chapitre se concentre aussi sur les ouvrages hydrauliques en Tunisie. La maitrise de cet élément liquide par les différentes civilisations qui se sont succédés en Tunisie sur différentes périodes. Le deuxième chapitre, on explorera la notion de mémoire, sa définition, ces formes et l’interaction qu’on entretient avec elle à l’échelle individuelle et surtout collective. On essayera d’explorer l’étendue - et les limites - de cette notion, si familière à nous mais si évasive le moment même où l’on essaye de la représenter. Figure 5. «The Wide Arena of Air» (La large arène d’air), Huile sur toile; Joshua Flint - 2015-14

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

On recensera aussi les civilisations qui se sont succédé en Tunisie, leurs apports en matière d’ouvrage hydraulique et la place que l’eau avait dans leur structure. Et on s’attardera enfin particulièremnt sur el Kef, un lieu particulièrement riche en histoire; où le destin des hommes et leur quotidien est fortement lié à l’eau.

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Figure 6. «The Banquet» (La large arène d’air), Huile sur toile; Joshua Flint - 2015


I.

L’eau

I. L’Eau


1. La symbolique de l’eau a.

Le miracle d’être

Dans les traditions les plus anciennes, l’eau fait partie des principaux constituants de l’univers. À côté de l’air, du feu et de la terre, elle symbolise la connaissance et la sagesse éternelle, elle a le pouvoir immense de transmettre la vie, la mort et le miracle. D’un onglet spirituel, il est évident que l’eau était souvent évoquée comme étant à l’origine de la création de l’univers. Dans les mythes cosmologiques les exemples abondent d’une eau originelle existant depuis l’éternité et à partir de laquelle toute vie s’est développée. Le corps humain est ainsi composé à 65% d’eau chez l’adulte, 75% chez les nourrissons et 94% chez les embryons de 3 jours. Près de 70% de la surface de la terre sont recouvertes d’eau salée, et 3%, d’eau douce. Et ici, l’eau apparaît dans sa Vérité pure, non seulement dans sa symbolique mais dans sa nécessité physique, comme un des éléments essentiels et complices de la Vie.

b.

Les rêves de l’eau

À l’écoute de l’eau et de ses mystères, dans «l’eau et les rêves» Gaston Bachelard déborde sa réflexion et pousse son texte jusqu’à une superbe méditation poétique sur l’imagination de la matière, au-delà de la forme dont elle se pare. Il cherche à travers les mots des poètes, les sens de cette matière fuyante ou stagnante, calme ou rapide, pure ou pâteuse, Il y voit la vie sereine et l’appel de la mort, le miroir et le trouble, le sang et le lait.

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

i.

Pureté et purification L’imagination matérielle trouve dans l’eau un symbole pour la pureté. Une eau pure est subtile, fine, ingénieuse et perspicace, une eau sans défaut et d’une harmonie dépouillée. C’est une valorisation étrangère à l’hygiène et à la chimie, résulte d’une expérience visuelle et sensuelle. De même que la pureté, la purification ne relève en rien d’un souci d’hygiène et de propreté, à l’eau est demandée une pureté active et substantielle (Bachelard, 1942, p. 182). de sorte que, par la purification, on participe à une force rénovatrice, féconde et spirituelle.

« L’eau claire est une tentation, constante pour le symbolisme facile, de la pureté »

Figure 7. la fontaine de Trevi à Rome, au centre, Neptune, se tenant sur un char, tiré par deux chevaux marins, représentant l’eau violente (gauche) et l’eau sauvage (droite) - Source : travelexpert.wiki

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ii. Douceur et violence C’est l’eau douce qui produit une Sensation agréable de bien-être et de contentement, c’est l’eau renaissance qui vivifie, qui désaltère, et fait cesser la soif, l’eau dans son essence même, douce.

« C’est une perversion qui a salée les mers... La rêverie naturelle gardera toujours un privilège à l’eau douce, à l’eau qui rafraîchit, à l’eau qui désaltère. » (Bachelard, 1942, p. 211).

L’eau peut encore ravager et engloutir, elle peut être source de mort et de destruction. Ainsi, Bachelard souligne que l’eau violente est un des premiers schèmes de la colère universelle. « Aussi, pas d’épopée sans une scène de tempête. » (Bachelard, 1942, p. 204). En dehors de ces caractéristiques de l’eau violente qui impliquent la destruction, Bachelard la relie surtout à la dynamique des éléments matériels.

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iii. Transparence et reflet « L’œil véritable de la terre, c’est l’eau. Dans nos yeux, c’est l’eau qui rêve » (Bachelard, 1942, p. 45). Qualité associée aux eaux claires, la transparence est une composante essentielle de la poésie des eaux, Contrairement au reflet stable que donne le miroir, le reflet aquatique, vague, instable, ouvre la voie à l’idéalisation, c’est au fond des bois, à la fontaine secrète que Narcisse tend les bras vers son image et à la révélation de son idéalité. Il ne dit plus : « je m’aime tel que je suis », mais : « je suis tel que je m’aime », Narcisse n’est pas seul à contempler son image, tout le ciel et toute la forêt se mirent dans l’eau et prennent conscience de leur beauté.

« Le narcissisme généralisé transforme tous les êtres en fleurs et il donne à toutes les fleurs la conscience de leur beauté. Toutes les fleurs « se narcissent » et l’eau et pour elles l’instrument merveilleux du narcissisme » (Bachelard, 1942, p. 39).

Figure 8. Narcisse, peinture attribué à Michelangelo Caravaggio conservé à la Galerie nationale d’art ancien de Rome. Source : wikipedia.org

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Figure 9. Waterscape Memory of Water / Moriyuki Ochiai Architects - Source: archdaily.com

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iv. La parole de l’eau « L’eau est la maîtresse du langage fluide, du langage sans heurt, du langage continu, continué, du langage qui assouplit le rythme, qui donne une matière uniforme à des rythmes différents. » (Bachelard, 1942, p. 213) Dans un dernier chapitre Bachelard voulait réunir toutes les leçons lyrismes que nous donne la rivière, des leçons qui ont au fond une très grande unité, il veut montrer que c’est la rivière qui a appris à l’homme le lyrisme. Elle est la maîtresse du langage fluide et rythmé. « Pas de grande poésie non plus sans de larges intervalles de détente et de lenteur, pas de grands poèmes sans silence. L’eau est aussi un modèle de calme et de silence ». (Bachelard, 1942, p. 219) D’une certaine manière, toutes les voix, dans la nature, imitent les voix élémentaires. Le ruisseau vous apprendra à parler malgré les peines, dit Bachelard, il vous apprendra l’énergie par le poème. « Il vous redira, à chaque instant, quelque beau mot tout rond qui roule sur les pierres. ».

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L’eau a longtemps contenu plusieurs aspects dans les croyances et les religions des Hommes. Ainsi, de la mythologie des peuples anciens aux religions actuelles, l’eau est toujours présente sous différentes formes : source de vie, purificatrice, destructrice, guérisseuse et protectrice…

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

2. L’esprit de l’eau

2. L’esprit de l’eau

L’eau a longtemps contenu plusieurs aspects dans les croyances et les religions des Hommes. Ainsi, de la mythologie des peuples anciens aux religions actuelles, l’eau est toujours présente sous différentes formes : source de vie, purificatrice, destructrice, guérisseuse et protectrice…

Figure 10. Moine à Bankok - Source: pxhere.com

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a. Le Judaïsme Le rite et les symboles liés à l’eau et la purification sont nombreux dans la religion juive. Rappelons que dans la torah par exemple, Moïse a dû laver son corps et ses vêtements pour recevoir la Loi divine. Chaque prêtre et chaque fidèle doivent toujours se laver les mains pour bien distinguer les activités religieuses des activités profanes. Pour Pâques et Rosh Hashana, le lavage des mains est instauré. La fête du Soukhot remonte à la tradition du second temple (VIe siècle avant JC) et symbolise les récoltes et vendanges d’automne. Elle comprend toujours une prière pour la pluie et une évocation des eaux du ciel.

Figure 11. La Fête des trompettes peinture d’Alexander Gierymski montrant les Juifs réalisant le tashlikh sur les bords de la Vistule Source : wikimedia.org

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b. Le Christianisme Dans la tradition chrétienne, l’eau est un lien l’humain et le divin. Le récit de la création fait de l’eau une matrice universelle car c’est d’eau et de terre, fécondée par le souffle divin qu’est façonné le premier homme. Le baptême reprend la scène décrite par les Evangiles où Jésus s’est fait immergé dans le Jourdain par Jean le Baptiste, moment où il reçoit la révélation. Les baptisés sont immergés partiellement ou aspergés pour devenir « fils de Dieu »; Jésus dit « si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Bible).

Figure 12. le baptême de Christ de Giovanni Bellini à Santa Corona, Vicence Source/ photographe: Web Gallery of Art

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c. L’Islam

Le coran affirme que l’eau est, de par la volonté divine, l’unique base de l’apparition de la vie : « …et qu’au moyen de l’eau nous donnons la vie à toutes choses… » (CORAN, LES PROPHETES).

« il fit descendre l’eau du ciel pour vous purifier, pour éloigner de vous l’abomination de Satan, pour lier vos cœurs par la foi et affermir vos pas » (CORAN, LE BUTIN).

Pour le texte coranique, l’eau est sacrée, doué de propriétés purificatrices pour son rôle dans le développement de toute existence Ainsi, la vie est inconcevable sans eau car, outre ses fonctions vitales, essentielles pour les humains, les animaux et les plantes, dieu nous a entourés de beautés naturelles matérialisées par les fleuves, la mer et ses rivages ; « C’est lui qui a étendu la terre, qui y a mis les montagnes et les fleuves, qui y a établi des couples dans toutes les productions, qui ordonne à la nuit d’envelopper le jour. Certes, dans tout cela il y a des signes pour ceux qui réfléchissent » (CORAN, LE TONNERRE).

Dans le Coran, Dieu invite les gens à rejeter le fait d’accepter aveuglément les croyances et les valeurs que la société leur impose et à méditer sur la création de l’univers et les phénomènes naturelles, l’eau est un signe divin qui nous pousse à observer et se souvenir de la majesté de dieu. « C’est lui qui fait descendre du ciel l’eau qui vous sert de boisson, et qui fait croître les plantes dont vous nourrissez vos troupeaux. Au moyen de l’eau, il fait germer les blés, l’olive, le palmier, la vigne et toute sorte de fruits. Il y a dans ceci des signes pour ceux qui réfléchissent » (CORAN, L’ABEILLE). Figure 13. Shah Mosque, Iran - Source: thirteen.pt

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d. Le bouddhisme et l’hindouisme

L’eau est un des quatre éléments avec le feu, la terre et l’air et étaient vus par Bouddha comme les éléments de base de l’univers. Les caractéristiques de l’eau dans ce système sont le lien, le transport, la transmission, la communication, la synthèse… La fleur de lotus est un des symboles de pureté absolue et de l’Eveil, elle représente la progression spirituelle de l’homme, du sommeil vers l’Eveil : les racines de la lotus sont dans la vase, symbole du matérialisme, sa tige est dans l’eau, symbole de l’expérience et sa fleur s’épanouie en surface, au soleil de l’illumination.

Figure 14. Brahma emergeant d’un lotus Vishnu’s nombril pendant que Vishnu crée le cycle cosmic - Source: wikipedia.org

De même l’indouisme accorde une place prépondérante à l’eau, pour en faire un être sacré, et vénéré ; d’ailleurs on dénombre sept fleuves sacrés qui font l’objet de pèlerinages. Un fleuve, en Inde, n’est pas connu pour sa géographie mais pour les rites qui lui sont liés, pour les pratiques religieuses qui lui sont consacrées comme la dispersion des cendres des morts. Ainsi, dans les mythologies anciennes, chez les grecs, les romains ou encore en Egypte, l’eau était toujours présente sous différents aspects : destructrice, source de vie, protectrice ou guérisseuse.

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e. La mythologie gréco-romaine Les Romains, comme les grecs vouaient à l’eau un véritable culte ; Ils vénéraient les sources, qui étaient toujours associées à une divinité. Cette tendance est illustrée par Juturne déesse des fontaines, des puits et des sources ou encore par le grand dieu des eaux « Fontus : Fils de Juturne, c’est le dieu des sources et des eaux courantes, dieu des sources et des eaux courantes. À Rome, un temple lui était dédié au nord du Capitole. Figure 15. Image extraite du livre «Travels in Tunisia» page 071; par Alexander GRAHAM, - F.R.I.B.A. and ASHBEE (Henry Spencer) Source: Wikimedia.org

Selon le consul Frontin1, Rome avait 39 fontaines monumentalesdont la plupart ont était construite pour vénérer leurs dieux. En Tunisie le temple des eaux, à Zaghouan, en fait l’exemple. Figure 16. Fontaine de Juturne à Rome Photographe: HEN-Magonza - Source: Flickr.com 1 Sénateur, Gouverneur, Consul de l’Empire romain et administrateur principal des eaux de Rome sous Nerva.

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

f. La mythologie de l’ancienne Egypte

La civilisation de l’ancienne Egypte était l’une des mieux structurées de l’histoire. Cela est due, sans doute, à la fertilité du Nil. Ce fleuve, le plus long fleuve du monde, en plus de son rôle important dans le commerce, la politique et la vie sociale, avait une forte symbolique spirituelle. C’est le Nil luimême, qui est à l’origine d’une grande partie de leurs croyances religieuses, ils lui ont associé à un dieu, le dieu « Hapy », pour s’attirer les bonnes grâces du dieu fleuve, les Égyptiens lui donnaient de grandes quantités d’offrandes.

Figure 17. Sculpture de Hapy dieu du Nil Source : traveltoeat.com Figure 18. Gravure de Hapy au temple Luxor Source : traveltoeat.com

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3. L’eau du miracle

L’eau est un élément sous forme liquide en conditions standards, sa formule chimique est H2O, c’est-à-dire que chaque molécule d’eau se compose d’un atome d’oxygène entre deux atomes d’hydrogène. Substance primordiale aux organismes vivants, l’eau a été déjà étudiée en détail, il est d’ailleurs notoire que l’eau a des caractéristiques physiques et chimiques extraordinaires par rapport aux autre substances liquides. D’un point de vue mécanique, la pression exercée par l’eau, appelée pression hydrostatique, est utilisée par les organismes pour se soutenir, que ce soit dans l’eau (méduse...) ou sur terre(végétaux) et d’un point de vue chimique, l’eau dissout la majorité des corps solides et facilite ainsi les réactions chimiques, donc le métabolisme, un solvant essentiel, parfois qualifié de « solvant universel ». Mais chaque propriété de l’eau est unique, et trouve difficilement une explication dans le cadre classique et traditionaliste des lois physiques, les sciences n’ont pas toujours trouvé réponses à certaines questions. « La communauté scientifique a fait un pas géant en admettant qu’elle ne savait pratiquement rien sur l’eau, c’est un progrès important dans la mesure où cette prise de conscience a fait place à l’envie d’en savoir plus » prononce Vladimir Voeikov2.

Figure 19. «Crowns» n°24 par Markus Reugels Source: markusreugels.de

2 Vladimir voeikov : biophysicien, Professeur et vice-président de la chaire de chimie bio-organique de Moscou ; l’un des leaders dans le domaine émergent de la « science de l’eau »

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a. On a retrouvé la mémoire de l’eau

Jacques Benveniste, chercheur à l’Inserm, fut au centre d’une controverse mondiale avec sa thèse sur la mémoire de l’eau. Appliquant cette théorie à ses propres recherches, le prix Nobel de médecine Luc Montagnier, a fait un constat surprenant qui provoquera peut-être une révolution en matière médicale... les expériences réalisées ont confirmé que l’eau a la capacité de recevoir et d’enregistrer l’empreinte de toute influence extérieure mémorisant tout ce qui se passe dans son environnement proche. Toute substance qui entre en contact avec l’eau laisse donc une trace. En enregistrant les informations l’eau acquiert des nouvelles caractéristiques pourtant sa composition chimique reste intacte car elle importe bien moins que sa structure, l’organisation de ses molécules, la façon dont elles s’agroupent entre elles. Pour le Pr Luc Montagnier, qui travaille déjà sur des applications concernant le virus du sida, l’autisme, certaines scléroses en plaques, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, les débouchés sont immenses. Car cette découverte remettrait en cause l’approche médicale actuelle, autant sur le plan du diagnostic que sur celui de la thérapie. « Le jour où l’on admet donc que les ondes peuvent agir, on peut agir par les ondes, et à ce moment-là, on peut traiter par les ondes. C’est un nouveau domaine de la médecine qui fait peur à l’industrie pharmaceutique. » souligne Luc Montagnier.

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b. Les messages cachés de l’eau

Le Docteur Emoto lors de ses recherches étendues sur l’eau, a photographié des milliers de cristaux d’eau, utilisant les prises de vue à vitesse ultrarapide. Il s’est aperçu que les cristaux d’eau formés par le gel révèlent la transformation subie par l’eau lorsque des pensées spécifiques et convergentes sont dirigées vers elle.

« C’est notre conscience qui purifiera l’eau et, à travers cette purification, nous émettrons des messages de beauté et de force envers toute vie. » (Emoto, 2001, p. 156)

Les quelques images suivantes sont de cristaux d’eau d’échantillons différents. Généralement, l’eau saine et propre, crée des cristaux géométriques admirables, alors que l’eau polluée est trop malade pour former un quelconque cristal. Selon Emoto, nous sommes tous porteurs de la mission suivante : « Faire en sorte que l’eau soit de nouveau pure, puis construire un monde qui soit pacifique et salubre. Pour pouvoir remplir cette mission, nous devons préalablement nous assurer que nos cœurs soient euxmêmes limpides et non pollués. » (Emoto, 2001, p. 151) Pour Masaru EMOTO, lorsque l’on boit de l’eau avec un sentiment de gratitude, celle-ci sera différente que si on la boit avec un sentiment de colère ou de haine. Et notre environnement, tout comme nos émotions, impactent également l’eau de notre corps…et l’eau de la planète. Si nous exprimons et vivons la joie et la gratitude, nous contribuons à créer un monde d’harmonie et de paix, et cette conscience peut changer le monde.

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Résultat de l’expérience d’Emoto en exposant l’eau à de différents sons & fréquences

Figure 20. Masaro Emoto - Source: hado.com

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Figure 21. ÂŤThe Course of Empire. Desolation; Peinture de Cole Thomas - 1836; MusĂŠe New-York Historical Society - Source: Wikimedia.org

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4. La civilisation de l’eau En parallèle à son aspect spirituel, l’eau est - par nature - au cœur de notre vie collective. Là où les hommes vivent ensemble, l’eau est probablement la première chose qu’ils auront à se partager. Avec l’évolution de nos structures ; la nature disparate de la disponibilité de l’eau devint un souci majeur. L’homme s’est lancé à la « conquête de l’eau », selon l’expression de Jean Pierre Goubert ; purification, collecte et distribution de l’eau l’ont motivé pour construire d’innombrables ouvrages pour ses besoins : des puits aux citernes, barrages et aqueducs, aux fontaines, bassins et thermes. Un ensemble de réseaux d’assainissement et de distribution devint les veines d’un nouvel organisme. En sa quête continue de sa « purification », l’eau est débarrassée de ses dangers visibles (crues, inondation) et invisibles (contamination, épidémies) au travers du cumul de notre expérience collective. « La préoccupation pour l’eau, au grès de Jean-Pierre Goubert, est l’une des subdivisions de la religion du progrès. Ce culte a ses prêtres (médecins, architectes, ingénieurs), ses temples et autels (aqueducs, baignoires ...) et ses fidèles » (Goubert, 1986)

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a. Entre abondance et rareté : l’eau en Tunisie Baigné sur deux façades par la Méditerranée et soudé au Sahara au Sud, la Tunisie souffre autant de l’insuffisance des pluies que de leur mauvaise répartition. Pour s’adapter à cette situation, l’Homme s’est ingénié, depuis la plus haute antiquité, à tirer le meilleur profit des ressources hydrauliques existantes, d’une part pour satisfaire les besoins en eau potable, en eau Figure 22. Hermaion el Guettar d’irrigation et en eau pour l’industrie., d’autre part, pour Musée du Bardo Tunis - Source: webdo.tn aboutir à une utilisation optimale de l’eau. i.

La période préhistorique Nos ancêtres, qui étaient à l’origine des nomades, commencèrent avec la sédentarisation, de s’installer près des sources, des oueds et des sebkhas. Au milieu du siècle dernier, les archéologues ont découvert l’un des plus anciens monuments religieux de l’humanité, celui de Hermaïon d’El Guettar, situé au sud-est Figure 23. Evier, un puits/réserde la ville de Gafsa, se présente comme étant un amas voir, et un système de récupération des eaux pluviales et de pierres, de dents et d’ossements construits en cône usées dans une maison punique date probablement de 40.000 ans et devait être dédié à à Kerkouane - Source: destination-tunis.fr une source d’eau. ii.

L’époque Punique A l’époque de Carthage, les maisons des cités puniques étaient aménagées d’une ou plusieurs citernes alimentées par l’impluvium que constituaient les terrasses.

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Par ailleurs, elles disposaient souvent d’un puits, comme nous pouvons le voir à Kerkouane et à Carthage ou à n’importe quelle autre ville punique. Les eaux souterraines étaient aussi captées pour alimenter les fontaines publiques. Celles-ci pouvaient atteindre des dimensions monumentales, témoin la fontaine dite «aux mille amphores» que l’on a mise à jour à Carthage non loin des nécropoles puniques. L’eau, à cette époque, était importante non seulement pour les villes, mais aussi, pour l’agriculture, particulièrement, dans les régions du Cap Bon et nous faisons référence à l’ouvrage de l’érudit carthaginois Magon3,

Figure 24. Entrée de la fontaine aux 1000 amphores, Carthage - Source : Collection personnelle Bertrand Bouret profburp.com

traité sur l’agriculture l’une des sources les plus importantes sur le sujet utilisées pendant plusieurs époques. iii. L’époque romaine Avec la civilisation romaine l’intérêt à l’eau s’est augmenté et les réalisations hydrauliques en Tunisie, se sont notablement développées. « Vitale pour toute société humaine, l’eau est, pour les romains, le symbole même de leur existence. » (MALISSARD, 2002).

Figure 25. temple des eaux El Kef - Source: auteur

3 Était un érudit carthaginois du IIIe ou IIe siècle av. J.-C. Il rédigea un important traité sur l’agriculture en langue punique qui fut l’une des sources les plus importantes sur le sujet pendant plusieurs siècles.

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Figure 26. temple des eaux Zaghouan - Source : webdo.tn

Dans son ouvrage « les romains et l’eau » Malissard4 montre comment les romains ont répondu aux nécessités immédiates et comment ils ont joint l’utile à l’agréable, le futile à la grandeur. Aqueducs, puits, citernes, fontaines, thermes, latrines et établissements artisanaux témoignent de l’omniprésence de ce principe vital en Tunisie. iii.1. Les sources d’eau Les romains avaient l’habitude d’édifier, aux côtés des sources d’eau, des temples pour vénérer les dieux des eaux et de la fertilité. Nous citons à ce sujet l’exemple du temple des eaux à Zaghouan Encaissé au pied de l’escarpement rocheux du Djebel Zaghouan, et le temple des eaux à El Kef autour de la grande source de Ras el-Ain.

Figure 27. pont aqueduc de Zaghouan-Carthage au niveau de la RN3 / Auteur : Dr Mongi ouezdou 10/05/2009 Source : structurae.info

iii.2. Les aqueducs « Aux masses si nombreuses et si nécessaires de tant d’aqueducs, allez donc comparer des pyramides qui ne servent évidemment à rien, ou encore les ouvrages des Grecs, inutiles mais célèbres partout ! » (FRONTIN, 1947)

4 Professeur émérite de latin et de civilisation romaine à l’université d’Orléans. En 1994, il a publié aux Belles Lettres Les Romains et l’eau, réédité en 2002 et traduit en espagnol en 1996.

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Au IIIème siècle avant J-C, Les Romains ont été les premiers à aménager un réseau d’acheminement de l’eau performant vers leurs villes. Ces innovations technologiques, qui reprenaient en partie des savoir-faire grecs et étrusques, sont venues d’une nécessité à cause de la croissance rapide de Rome. En effet, du temps de l’empire romaine, Rome comptait treize aqueduc qui amenaient plus d’un milliard de mètres cubes d’eau par jour.

Figure 28. L es citernes d’Ain Doura de Dougga / Auteur : Zaher kammoun Source: zaherkammoun.com

Alerté par la terrible sécheresse qui avait frappé l’Afrique pendant cinq ans, l’empereur Hadrien décida en 128 de construire un aqueduc pour amener l’eau de Zaghouan vers les citernes de la Málaga. L’aqueduc de Zaghouan présente l’un des plus longs du monde romain, 132 kilomètres de conduite avec 15 kilomètres d’arches, il pouvait livrer près de 320 litres à la seconde. (la société Sophia Publications, 2016). iii.3. Les citernes Vastes réservoirs d’eau, les citernes de la période romaine sont encore visibles sur plusieurs sites archéolo- Figure 29. L es citernes du Kef / Auteur : Zaher kammoun giques en Tunisie : Sousse, Kef, Dougga, Utique, Rekha Source: zaherkammoun.com et autres. iii.4. Les thermes Les thermes en grec Thermos sont des établissements de bains, leur origine remonte à la Grèce dont les romains prennent l’inspiration pour construire leurs Figure 30. Les citernes de Malaga de Carthage premiers édifices dans l’empire romain. / Auteur : Zaher kammoun

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Les plus grands thermes de la Tunisie sont les thermes d’Antonin à Carthage qui sont classées troisièmes dans l’empire romain après les thermes de Caracalla et de Dioclétien à Rome. Les thermes romains possèdent à part le rôle d’hygiène, un rôle sportif, culturel et social… et constituent le centre de la vie intellectuelle.

Figure 31. Les thermes d’Antonin de Carthage / Auteur : Zaher Kammoun Source : zaherkammoun.com

Figure 32. les thermes de Dougga - Source: auteur

Nous pouvons trouver dans les thermes outre les salles balnéaires, une palestre pour l’exercice physique, des jardins, des salles de spectacle, des auditoriums et des bibliothèques. iii.5. La conquête islamique En 647, les Arabes prennent pied en Tunisie. En 698, Carthage est conquise. La Tunisie entre dans l’aire culturelle arabo-musulmane, début d’une nouvelle période riche en créations artistiques et architecturales. En matière hydraulique les arabes ont profité du savoirfaire légué par les anciens habitants du pays comme dans la restauration et la réutilisation des citernes de la Málaga à Carthage et celle de Rekha à El Jem.

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Kairouan, la capitale islamique a connu le plus grand nombre d’ouvrage hydrauliques, les bassins aghlabides sont l’exemple le plus significatif du génie hydraulique islamique. Édifiés vers 860-862, sous le règne du souverain aghlabide Abou Ibrahim Ahmed Ibn Mohamed Ibn Al Aghlab, les bassins couvrent une superficie de 11 000 m², constitués d’un petit bassin de décantation, d’un grand bassin pour l’emmagasinage des eaux et de deux citernes de puisage, le tout ayant une capacité totale de stockage de 68 800 mètre cube. La nécessité de l’eau était importante pour les musulmans, car ils ne l’utilisaient pas seulement pour la boisson et l’usage domestique, mais aussi aux ablutions préalables aux prières. C’est pour cela que nous trouvons un nombre important de fontaines islamiques en Tunisie, pour alimenter les habitants et les passagers en eau douce tout au long de l’année, et elles sont généralement liées aux équipements religieux tel que les mosquées, les mausolées, ou les monuments civils tel que les remparts, les ports ou les places publiques, nous citons comme exemples : Sabile de la grande mosquée Zeitouna, Sabile de Souk «El-Fakka», Sabile «Sidi Abdeslam», midhat As-Sultan ...

Figure 33. Les Bassins des Aghlabides, Kairouan / Auteur : Neil Richard Source: wikipedia.org

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II. La Mémoire


II.

Figure 34. «La Mémoire»; Par Mariem Amri (Auteur)

La Mémoire


Figure 35. A Room of Memory [21st Century Museum of Contemporary Art, Kanazawa]; Installation, Chiharu Shiota - 2009


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1. Mémoire(s)

La définition psychologique de la mémoire selon l’encyclopédie alphabétique Hachette est la suivante « fonction complexe d’appréhension de ce qui a été vécu ou acquis dans le passé et son utilisation dans l’organisation actuelle de la conduite »1 . Dans le cas d’une personne, elle est individuelle ; dans le cas d’un groupe, elle est collective. L’une importante et essentielle afin de modeler l’identité d’un individu, l’autre est composée de plusieurs mémoires individuelles, qui modèle l’identité, la spécificité, l’inscription dans l’Histoire d’un groupe. Selon la définition de Maurice Halbwachs2, la « mémoire collective » est une théorie scientifique stipulant qu’on ne se souvient jamais seul. (Halbwachs, 1967, p. 14). Si d’après la définition, mémoire, est considérée un lieu abstrait où viennent s’inscrire en chacun de nous des faits passés, nous avons eu besoin de la rendre physique afin de la partager afin de constituer un stock d’information et d’expérience en vue de remuer la conscience.

1 Article « Mémoire », Hachette, Alpha : Encyclopédie alphabétique Hachette, Paris, édition Le livre de Paris, tome 16, p. 2665. 2 Sociologue français (1877-1945), étudie le concept de mémoire collective, qu’il a créé dans son œuvre « Les Cadres sociaux de la mémoire ».

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a. Mémoire individuelle La mémoire individuelle est une mémoire propre à tout un chacun, elle ne peut être partagée avec personne autre ; elle se compose de souvenirs et d’expériences de la vie - en bien comme en mal - et constitue la base de la personnalité, de la mentalité et des principes de chacun de nous. La mémoire individuelle se base sur des sensations et des émotions, sur tous les organes des sens : le toucher, l’ouïe, le gout, l’odorat et la vue.

b. Mémoire collective

Les travaux sur la mémoire collective, ont été projetés par Maurice Halbwachs avec son ouvrage « Les cadres sociaux de la mémoire », en 1925. C’est en effet la théorie d’Halbwachs qui nous permet de comprendre d’autant mieux pourquoi un groupe d’Hommes est susceptibles de partager la même mémoire collective ; selon Halbwachs, la mémoire est un phénomène social, capable de consolider des communautés d’individus qui possèdent le même vécu. (Halbwachs, (Halbwachs, 1967, p. 60) 1967, p. 118)

« La mémoire collective est un courant de pensée continu, d ‘une continuité qui n’a rien d’artificiel puisqu’elle ne tient du passé que ce qui est encore vivant, capable de vivre dans la conscience du groupe qui l’entretient »

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c. Mémoire et espace

La mémoire n’est pas uniquement un legs du passé mais une activité collective vivantes, et qui, pour se développer, a besoin d’un cadre spatial bien défini.

Dans ce sens, l’espace devient propice à la réflexion et à la contemplation, il permet tant spatialement que dans les pratiques sociales, de s’attarder un instant et de vivre un moment d’émotions, de retrouver le passé dans le présent.

« C’est sur l’espace, sur notre espace, (…) qu’il faut tourner notre attention ; c’est sur lui que notre pensée doit se fixer, pour que reparaisse telle ou telle catégorie de souvenirs » (Halbwachs, 1967, p. 109).

Figure 36. [Exposition «A Trick of Memory» au 21st Century Museum of Contemporary Art à Kanazawa, Japon] de Makoto Saito L’artiste y représente par la distortion la manière imprécise avec lesquels les images sont stockés et restitués dans la partie inconsciente de la mémoire

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2. Recréer la mémoire a. L’Homme et la mémoire

« La récupération est une reconstruction d’une expérience passée » (Buchanan, 2007, p. 762)

La notion de mémoire, aussi précieuse soit-elle ; est - par nature - tout aussi volatile. Chaque fois qu’on fait appel à notre mémoire, elle est reconstruite, sujette à des « réinterprétations successives » depuis Larousse 2005. D’un fonctionnement complexe, elle constitue un système destiné à « enregistrer, stocker et restituer de nouvelles informations » au sein duquel « l’oubli occupe une place importante ». La mémoire n’est donc pas le reflet exact d’une réalité, mais le produit d’une sélection de l’information : à chaque reconstruction, la mémoire est réinterprétée, reformulé par le médium utilisé (verbal, matériel), le contexte, le sujet ... Conscient de sa valeur, et face à l’éphémérité de la mémoire, l’homme s’est fixé comme but d’archiver sa mémoire, d’en capturer l’image la plus fidèle ; une façon de « l’immortaliser »; et - par extension - d’immortaliser une fraction de lui-même ; une activité qui, dans certain cas tourne à l’obsession :

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Des dessins des hommes des cavernes capturant des scènes de chasse, aux peintures de batailles épiques, statues et portraits, écrits, monuments ; l’homme fit usage de tout ce qui l’entoure pour y façonner l’image de ses souvenirs, ou l’image de son souvenir (mausolées, pyramides, statues funéraires). Aujourd’hui, nous archivons tout notre possible ; en créant un « stockage » virtuellement infini, nous archivons quasiment toute forme d’expression de ces mémoires ; les catogans dans d’innombrables listes : mots, formulations, idées, idéologies, espèces, monuments, évènements importants et futiles : toute « mémoire » est bonne à « conserver ». Or, une limite semble toujours transparaitre dans cet effort : étant un processus, on ne peut que créer - par l’intermédiaire des médiations matérielles et intellectuelles - une représentation des informations contenues dans notre mémoire. Cette représentation, influencé par le contexte qui l’a produite, ne serait donc ni le reflet exact de l’information primaire, ni de celui des éléments mémorisés.

Figure 37. «lines hold the memories» ([les] lignes retiennes la mémoire), Silvia Pelissero (Agnes Cecile) - 2012

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b. La mémoire & la connaissance

La connaissance est définie comme étant le « fait de comprendre, de connaître les propriétés, les caractéristiques, les traits spécifiques de quelque chose », et « l’opération par laquelle l’esprit humain procède à l’analyse d’un objet, d’une réalité et en définit la nature ». (Larousse) Notion abstraite, sa définition, ses origines, contenu, critères et limites est étudié et analysée dans ce qu’on appelle la théorie de la connaissance, inventaire raisonné des instruments nécessaires pour connaître. i.

Naissance de la connaissance « Comment s’effectue cette élaboration qui a conduit au savoir ? Par quels prismes la réalité est-elle passée avant de devenir un objet pour le sujet qui connaît ? » (Michel, 2005, p. 14) Cette théorie défini -entre autres- un modèle de l’accès à la connaissance ; définissant l’ensemble des facteurs dont la combinaison génère ce qu’on définit comme étant une connaissance : • Le Réel : le cosmos. Au niveau du non linguistique ; le Réel observable : la partie perceptible du réel, directement ou indirectement. Au niveau de la linguistique : • La Réalité : La description de l’observation du réel observable en utilisant un langage. • La Représentation : « l’idée du » ou « l’idée que l’on se fait du », « le monde ».

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• la Théorie ou l’hypothèse : la tentative d’explication par la déduction, l’induction, l’intuition, l’imagination, la créativité... • le Modèle : la réification de la théorie ou de l’hypothèse par une analogie • l’explication du réel : la mise en mots du résultat permettant la validation ou la critique, ainsi que la justification et/ou la vérification par un Autrui. • l’anticipation : ce que la théorie, le modèle et l’explication permettent de prévoir en plus, à plus ou moins long terme... Ce qui permet la réfutabilité (si l’hypothèse ou la théorie est bonne alors le fait suivant ne peut/doit pas se produire). • l’Observateur : celui qui agit avec ses sens, son expérience, sa conscience, son autocritique, son intelligence, sa raison, son imagination, sa créativité, son intuition [...] ainsi que le Référentiel qu’il s’est choisi ou qui s’impose à lui.

Figure 38. «ovunque, ricordati» (Partout, souviens-toi), Silvia Pelissero (Agnes Cecile) - 2013

Dans ce contexte, la mémoire est donc à la fois le conteneur de la connaissance, mais aussi une réalité en soi, représenté elle-même par le fait de sa communication ; et sujette au même processus dans son assimilation. ii.

Représentation Dans la théorie de la connaissance, « la représentation » possède deux sens : D’un côté, elle est un dédoublement fidèle d’un référent pré donné. De l’autre, le terme « représentation » est ce qui rend présent (de reddere ; en latin) ; elle n’est dès lors ni une réplique plus ou moins exacte, ni un substitut, mais un processus.

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Si la mémoire, par sa volatilité et son immatérialité, peut se prêter à la représentation tel que définie en tant qu’activité, sa représentation dans un double « identique » ne peut se faire sur un support ; elle ne sera qu’une impression de l’original, un « simulacre » de mémoire.

c. Le Simulacre

Baudrillard définit le simulacre comme étant « la copie à l’identique d’un original n’ayant jamais existé » Baudrillard définit le simulacre comme étant « la copie à l’identique d’un original n’ayant jamais existé » Cette définition, en apparence paradoxale, définit pour Baudelaire une réalité omniprésente dans notre actualité, voire même notre actuelle réalité.

« Nous sommes dans un univers où il y a de plus en plus d’informations, et de moins en moins de sens. » (Baudrillard, 1981, p. 103)

Le simulacre n’est pas la représentation falsifiée de la réalité, tel que les ombres sont pour les hommes dans le mythe platonicien de la caverne. Pour Baudrillard, il n’y a plus ni de réalité, ni de représentation. En tout cas, leur distinction est devenue impossible ; l’information « dévore ses propres contenus » ; Elle « s’épuise dans la mise en scène de la communication » sans faire communiquer, elle « dissout le sens », ne laissant que « contenus fantômes ».

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L’ère de la simulation est celle où le référentiel, dans notre sujet, la mémoire, s’estompe, s’efface, complétement ignorée, mais elle est reniée par la mort; son image, un double opératoire dans un système de signes, plus ductile que le sens prend sa place, la mémoire est «tuée », le réel effacé, puis ressuscitée sous la forme d’une « machine signalétique métastable, programmatique, impeccable, qui offre tous les signes du réel et en court-circuite toutes les péripéties » : l’hyperréel; « à l’abri de l’imaginaire, et de toute distinction entre l’imaginaire et le réel » : la simulation s’oppose à la représentation pure, dans le sens où elle part du principe d’équivalence entre le réel et son signe. Ce nouveau système, familier, réconfortant, est adopté comme réalité même : filtrée de toute toxicité, les ingrédients contrôlés, rigoureusement dosés, pas une erreur. Dans cette ère, le monde est devenu un musée à ciel ouvert, où l’image banalisée de la réalité s’expose en lieu et place de la réalité ; un monde saturé de symbole et de sens diluant ainsi la réalité même. “le musée, au lieu d’être circonscrit comme lieu géométrique, est partout désormais, comme une dimension de la vie”. (Baudrillard, 1981, p. 103) Pour Baudrillard, le musée est le précurseur même de notre perte de la mémoire : Découpé, regroupé, marqué par l’interférence de toutes les cultures, et une esthétisation inconditionnelle, créant sa propre hyper réalité de la culture ; une mémoire certes ; mais si manipulé qu’elle en perd sa valeur et sa véracité : un stock d’objets dans un monde de production de masse.

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Copier le support de la réalité ou de la mémoire et le présenter comme une représentation de la réalité même est banalisé ; Baudrillard donne l’exemple de la grotte de Lascaux : « C’est de la même façon, sous le prétexte de sauver l’original, qu’on a interdit les grottes de Lascaux aux visiteurs, mais qu’on en a construit l’exacte réplique à cinq cents mètres de là, pour que tous puissent les voir (on jette un coup d’œil par le judas sur la grotte authentique, puis on visite l’ensemble reconstitué). II est possible que le souvenir même des grottes d’origine s’estompe dans l’esprit des générations futures, mais il n’y a d’ores et déjà plus de différence : le dédoublement suffit à les renvoyer toutes deux dans l’artificiel. »

«aujourd’hui ce sont partout les mémoires artificielles qui effacent la mémoire des hommes, qui effacent les hommes de leur propre mémoire» (Baudrillard, Simulacre & Simulation)

Figure 39. «Lascaux 2», le fac-similé visitable de la grotte originale - Source: vallee-dordogne.com

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d. Le moment-mémoire « Le mot mémoire rassemble l’ensemble des pratiques de remémoration dont l’objectif commun est de faire revivre le passé, individuel ou collectif, que ce soit par le récit, le monument ou le rituel ». (Jean-Clément, 2000) Cette mémoire imprime, à partir des expériences vécues, un ensemble de sentiments, de sensations et d’idées. Elle est donc par nature collective, mêlant ainsi expériences individuelles et collectives. La cristallisation d’un souvenir ne se réalise que dans des réseaux d’intersubjectivité permettant de comprendre comment la mémoire individuelle génère de la mémoire collective et n’existe que par elle. Or, par le monopole du discours historique, de la « garde » de la mémoire, l’aspect collectif de la mémoire est retiré à la société, la mémoire est confisquée, l’histoire redéfinie comme une succession d’évènement plus ou moins digne d’être « mémorisés », remplacés par leurs signes. J.C Martin représente notre ère comme celle de « la fin de l’histoire ». « L’histoire s’écrit pour un futur imprévisible dans un présent dépourvu de repères, tandis que du passé, ouvert à toutes les réécritures, tout est devenu commémorable et « patrimonialisable », ruinant définitivement toute illusion sur le pouvoir de changer le monde autour d’un projet fondateur » (Jean-Clément, 2000)

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3. Interprétation et mémoire L’interprétation est l’acte d’expliquer, de lui donner un sens ; l’énoncé donnant cette explication. En ce sens, l’interprétation est l’émergence du sens chez le récepteur. Si la mémoire est une expérience collective et individuelle ; et que sa communication est inévitablement fractionnelle, l’interprétation est le processus par lequel ces fragments sont compris, assimilés, réintégrés et recrées sous formes d’informations ; la mémoire en est, figurativement, ressuscité ; son essence ; l’ensemble d’expériences et de connaissances qu’elle contient conservés, analysés ; réappropriés par l’homme.

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D

epuis le début, le site de la ville du Kef, marqué par la présence de l’eau et de la roche, a constitué un lieu d’attirance, c’est ainsi que déjà l’homme primaire a marqué le lieu par une spiritualité, qui s’est mélangé avec des rituels qui concernent le dieu de la fertilité. Puis a continué à attirer les civilisations qui se sont succédés, et ont profité de ce contexte. Dans ce chapitre nous allons tout d’abord présenter la ville et son site, pour ensuite parcourir les différentes époques, présenter les différentes traces qu’elles ont et voir de quelle manière chaque civilisation s’est intéressée à l’eau.


III.

Sicca Veneria : Source de Mémoire

III. El-Kef : Source de Mémoire


1. La Ville

La ville du Kef se situe sur le nord-ouest du littoral tunisien Limitrophe de la frontière algéro-tunisienne. Elle est le chef -lieu du gouvernorat du même nom qui compte 54690 habitants en 20141 et la ville la plus élevée de la Tunisie, à 627 mètres d’altitude, sa superficie urbanisée atteint 2 500 hectares dont 45 sont situés à l’intérieur des anciens remparts de la médina. La ville est située dans la région la mieux pourvue en eau de la surface de la Tunisie, caractérisé par un climat assez pluvieux (521 mm/an)2. Son économie est marquée essentiellement par les activités agricoles, celles des grandes cultures céréalières en particulier et les services. Si le climat est ainsi déterminant surtout pour la vie économique, c’est plutôt le relief qui confère à la ville du Kef les traits caractéristiques de sa personnalité urbaine et architecturale.

1 D’après le recensement de 2014 de l’institut national de la statistique de Tunisie. 2 D’après climate-data.org

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a.

b.

Les ressources naturelles • Eau : La ville du Kef est accrochée à l’extrémité Sud-Ouest du Dyr. Elle bénéficie à ce niveau du rassemblement des eaux donnant lieu à une importance nappe phréatique, émergeant soit en une ligne d’abondantes sources dont la plus célèbre est Ras El Ain ou en plusieurs puits, alimentant la ville. La région du Kef est connue par les différentes sources thermo-minérales telles les eaux « Safia » ainsi que par ses sources thermales chaudes (Hammam Mallègue) situé à 12 km de la ville du Kef. • Flore : La forêt du Kef possède une très riche flore (cerisier, caroubier, thym, câprier, pin d’Alep...) • Faune : La faune est très diversifiée telle que le lièvre, l’hyène rayé, le perdix, la tourelle, la palombe, le sanglier.. • Matériaux : Le site jouit de l’abondance des matériaux de construction, en particulier la pierre calcaire qui est d’une bonne qualité.

Climat

Le Kef a toujours connu un climat montagnard, sa situation en altitude lui donne une fraîcheur typique. Les vents dominants sont ceux du Sud-Ouest et du NordOuest. Le climat au Kef est rude avec des moyennes de températures de 7 à 9° pour le mois le plus froid et de 25 à 27° pour le mois le plus chaud et pouvant atteindre respectivement les – 5° et les 40°. Il neige souvent aux mois de janvier et février.

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

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2. Parcours de l’eau, parcours de l’histoire

Figure 40. «Place & Fontaine au Kef»; Gravure Parue dans Le Tour du Monde Journal des Voyages et des Voyageurs par Edouard Charton; 1886

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

a.

Préhistoire

Trois éléments naturels essentiels avaient, dès l’origine, structurés le site du Kef, et constitués son originalité : roche, grotte et sources. De ces trois éléments, trois fonctions principales sont à déduire et qui semblent avoir joué un rôle, d’une manière constante tout au long de l’histoire du Kef : spirituelle, défensive et économique. De là s’est déclenché un processus de fixation. La présence à proximité d’un des plus vieux sites archéologiques tunisiens à Sidi Zin3, dans la vallée de l’Oued Mellègue, laisse penser que la région du Kef fut l’une des premières occupées par l’homme préhistorique. De nombreuses autres traces des périodes épipaléolithiques et néolithiques, en particulier les escargotières, confirment la densité et la permanence de cette occupation humaine dans le voisinage immédiat de la ville.

Figure 41. Rocher sacré de Chgega: premier sanctuaire rupestre « lalla chguega » - Source : elkef.info

3 Site paléolithique, à quelques kilomètres du Kef, constitué de 4 niveaux archéologiques superposés qui ont livré un outillage très riche. Il a été très partiellement fouillé par le Docteur Gaubert avant 1950 et, depuis, seuls quelques sondages y avaient été effectués.

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« Perché sur le dernier promontoire de la montagne sacrée de « jbel ed-Dir », connu aussi sous le nom d’Azrou, le site du Kef, très riche en eau, est marqué, très tôt, par la révélation du sacré. Déjà le culte primitif du génie de la grande source de « Ras l’Ain », plus connu de nos jours sous le couvert de « Lalla Mna », ainsi que les découvertes récentes, sur la rive droite d’oued el Ain, d’outillage lithique néolithique, devaient refléter un attachement précoce au sol lié certainement à l’exploitation agricole. » (Tlili)

Figure 42. les Grottes de Sidi Manour - Source : elkef.info

Plus tard, il s’établit sur les hauteurs du Kef (Djebel Dyr), à Sidi Mansour pour profiter de la source d’eau, d’un site facilement défendable au cœur d’une région giboyeuse ainsi que d’un refuge naturel dans les grottes locales.

b.

Antiquité

La ville du Kef apparaît pour la première fois, à la fin du IIIe siècle av. J.C, sous le nom de Cirta4 (thèse de Mohamed Tlili). Et selon l’histoire, grâce à son site perché, riche en eau, la cité devin protégé par Astarté (ou dite selon les citoyen Ashtart) déesse de la fécondation. Et ce culte est certainement à l’origine de son nom qui signifie probablement le sanctuaire consacré à Ashtart.

Figure 43. vue aérienne sur la table de Jugurtha Source : cultpatr.blogspot. com 4 Certains historiens la situent sur le site de l’actuelle ville de Constantine dans l’Algérie actuelle. Pour autre chercheurs, Cirta serait à l’emplacement de la ville du Kef. Cette controverse est connue sous le nom de problème de Cirta

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Les Numides étaient répartis en différentes tribus, Suite au déchiffrage de certaines inscriptions libyques, il est apparu qu’ils parlaient une langue berbère et ils étaient de religion animiste et polythéiste ; certaines de leurs croyances ont perduré jusqu’à nos jours chez les Berbères, comme les rites de la pluie, la croyance en des esprits gardiens de lieux. Cirta fut, dès l’époque numide déjà, une ville-temple et un centre de pèlerinage. Cette organisation territoriale autochtone survivra plus tard, à l’époque romaine.

c.

Figure 44. des citernes pour collecter l’eau de pluie sur la table de Jugurtha - Source : cultpatr.blogspot.com

Epoque romaine

A cette époque, la ville antique « Sicca » était beaucoup plus étendue que l’enceinte actuelle du Kef, à en juger par les nombreux vestiges romains qu’on trouve en dehors des remparts construits par les arabes, surtout du côté de la kasbah. Les plus considérables de ces ruines sont celles d’un vaste système de citernes creusé dans un plateau qui domine la ville, et celle d’une basilique, monument des citernes nommée « château de l’ogresse », bâti sur une plate-forme rocheuse qui domine ellemême les réservoirs. Ils ont choisi pour fonder leur centre de colonisation les abords d’une source particulièrement abondante et pure (Ras El Ain). Celle-ci forme à proprement parler le cœur de la nouvelle cité, l’organe essentielle qui fait circuler la vie dans tous les membres, autour d’elle se regroupent les principaux édifices de la cité, et habitants les plus riches.

Figure 45. Premier noyau de la ville autour de la source

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i.

Ras l’Ain : au cœur de la ville « Cette source, jaillissant au pied des rochers qui portent la Kasbah, semble bien être le noyau originel autour duquel s’est organisée la communauté d’El Kef à l’aube de l’Histoire. Le premier noyau urbain d’origine berbère s’est développé là. » (Gueddiche). i.1. Le temple de l’eau Le temple des eaux est un ensemble de belles dimensions érigé vers le milieu du III siècle autour de la source principale de la Ville Ras el Ain. Ce vaste ouvrage hydraulique se compose de trois parties : le nymphée, les citernes et les thermes. Figure 47. la salle hexagonale des thermes Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun

i.2. Le nymphée Le nymphée est un petit temple sous forme de fontaine consacré aux génies de l’eau, il a été édifié autour de la source de Ras el Ain pour la célébrer et la vénérer. Un tunnel creusé sous la roche pour en amener l’eau jusque sous le plateau de la kasbah. i.3. Les citernes Les citernes avaient pour rôle de stocker les eaux provenant de Ras el Ain via une conduite souterraine. En plus de la fonction d’alimentation des thermes, les citernes desservaient des puits d’eau tandis que la terrasse extérieure servait de place publique.

Figure 46. les citernes du temple de l’eau Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun

Longues de 40m, larges de 27 et hautes de 5,20m, leur plafond est soutenu par 54 piliers en maçonnerie de pierre. Leur capacité de stockage s’élevait à plus de 5.000 m3. (Ayachi, 2007).

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i.4. Les thermes Les thermes, enfin, ou ce qui en reste, suggèrent des installations impressionnantes par leurs dimensions et le luxe de leur décoration. Il en subsiste en particulier, une imposante salle hexagonale au milieu de laquelle a été aménagé un bassin, de forme hexagonale lui aussi. Les murs de ce monument étaient couverts de l’intérieur par du marbre vert, ses poteaux par du marbre rose, son dallage était couvert de mosaïque.

Figure 48. les vestiges des thermes - Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun

« Les vestiges couvrent une surface de 2000 m2 environ, de plan rectangulaire, dont le grand axe est orienté nordsud ! Au nord, des murs aux pierres rongées et calcinées révèlent l’existence des salles chaudes, toutes proches des citernes qui les approvisionnaient en eau. Au sud, au bas de la pente, se dressent les hautes arcades qui entouraient le déambulatoire et le bassin hexagonal du frigidarium. De superbes piliers portent encore de grands arcs plein cintre à 6-7 mètres de haut. » (Gueddiche). ii.

Le tribunal des eaux Situé non loin de la source Ras el Ain sous des maisons privées. Ce monument fut désigné par les premiers explorateurs sous le nom de portique double. La partie explorée mesure déjà 40 m de long et 6 m de large à l’intérieur. Il est difficile de reconnaître les limites de ce monument qui continue. « S’agit-il là d’une statio-aquarum d’où l’on administrait la gestion des eaux de la ville antique ? On peut supposer aussi que la statio-aquarum romaine, par sa nature, s’est transformée en un tribunal des eaux que le droit coutumier a pu perpétuer jusqu’à une date récente. » (Tlili)

Figure 49. arc plein cintre des thermes Source : zaherkammoun. com / Auteur : Zaher Kammoun

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Figure 50. Citernes Romaines Lella Cheguega Source: harissa.com

Figure 51. aqueduc dans la médina du Kef - Source : elkef.info

iii. Le bassin et la grotte Les romains ont aménagé la source d’un grand bassin en face d’une grotte, en l’ouvrant sur un espace de loisir, cette zone a été utilisée comme un lieu de promenade qui, dans son étalement, poursuit l’étalement de l’eau. iv. Les grandes citernes romaines D’une longueur de 81,50 m et une largeur de 27,60 m, elles sont situées au pied des falaises d’echgaga. Elles furent signalées, dès le XIIe siècle par tous les voyageurs qui avaient visité la ville et avaient attiré l’attention des explorateurs et des archéologues par leur grandeur et par leur état de conservation. v. L’aqueduc L’alimentation en eau fut assurée par un aqueduc pour suppléer à la source principale Ras el Ain. vi. Hammam Mallegue Ce sont les bains thermaux utilisés depuis l’antiquité. Ils sont situés à 4km au sud-ouest de la ville d’el Kef.

Figure 52. bassin du Hammam Mallegue - Source : silvertraveladvisor.com

Le site antique s’étend sur 5ha mais seul le complexe thermal a été conservé avec les vestiges d’un temple et de villas cossues.

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Les installations thermales, en partie restaurées à l’identique, comportent 5 bassins, dont un de forme hexagonale. Trois d’entre eux sont à l’air libre, les deux autres sous abri où coule une eau thermale à 42 C. l’un des bassins, était alimenté en eau chaude jaillissant de la gueule de deux têtes de lions sculptées dans un linteau de marbre blanc.

d.

Epoque Arabe

L’histoire de la domination arabe en Tunisie date de 698 à partir de cette époque « sicca-venéria » portait le nom de « chakbanaria », à cette période la ville devient un centre militaire, administratif, économique et culturel. Cette époque nous a fourni la médina avec sa fortification et la kasbah au sommet de la montagne.

Figure 54. le développement de la ville Figure 55. - Source: Institu National du Patrimoine

Figure 53. vue générale de la ville en 1934 - Source : elkef.info

Les arabes se sont cristallisés sur la roche, tout en respectant, le parcours de l’eau. Ils ont réintégré l’héritage laissé par les Romains voir même qu’ils ont mis en valeur certaines de ses parties. Les sources (sabil) ont été multipliées par le système juridique des Wakf (Ain cherichi, Ain zaouïa…)

Figure 56. les lavoirs, un lieu de rencontre - Source: Wikimedia.org

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i. Ras el Ain  Située à la périphérie de la ville, la source était l’endroit le plus pittoresque, en plus de sa valeur historique, elle a acquis d’autres valeurs symboliques par la communauté arabe, dont témoigne la niche de « Lella Mna gardienne de la source et la source, et la mosquée « Sidi Ahmed El Ghrib ».

Figure 57. la source à l’époque coloniale Source : auteur

L’eau, élément fondamental de la vie, a affecté la source d’un rôle structurant. Ceci est visible dans la production du bâti qui s’organise autour, et les artères principales qui débouchent toutes sur Ras El Ain. ii. Oued el Ain La zone de « Oued El Ain » qui s’étendait au bord de la médina derrière les était une zone agricole, un périmètre irrigué de céréale, de potage et de verger. Figure 58. la balustrade 1935 - Source : elkef.info

Une porte, nommée porte des jardins (Bâb Essouani), vient articuler la source à l’oued. Un lavoir adossé au mur d’enceinte d’où s’écoulait une eau de « Ain El Kef » permettait aux femmes de laver habits, laines... et était un lieu de rendez-vous, un prétexte à la parole.

Figure 59. le lavoir Source : Auteur

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La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

A partir de la fin du XVIIIe siècle la ville est devenue une véritable métropole confrérique et maraboutique. On y dénombrait à la fin du siècle dernier la plupart des grandes confréries du Maghreb telles les Aïssaouiya, les Rahmaniya, les Qadriya et plus de cent coupoles de marabouts, telle la superbe mosquée de Sidi Bou Makhlouf.

e.

Epoque coloniale

A cette époque, la ville a connu des transformations importantes En effet, la démolition du front Sud des remparts diminués nettement la valeur des fortifications, la ville s’est développée en dehors des remparts C’est vers les quartiers inférieurs que l’extension s’est dirigée pour former une nouvelle ville qui s’est greffée sur l’ancienne. i. La source Ras Ain La source, dans ce cas, a joué un rôle d’articulation entre les deux villes, pour devenir le nouveau centre et des travaux de revalorisation ont été entrepris Les fortifications ont étés remplacées par un boulevard qui contourne la médina, et qui coupe la source de l’oued, en créant une limite franche, d’où la balustrade qui a été aménagée permettant d’admirer le paysage. ii. La naissance d’un parc Une partie, de la zone de « Oued El Ain », a été aménagée en un parc. Des eucalyptus des peupliers, des pins et des sapins vont caractériser ce lieu jusqu’à nos jours, la grotte devient « café la Guinguette », le bassin a été aménagé.

Figure 60. le sens de développement de la ville

Figure 62. le parc 1929 Source : elkef.info Figure 61. Plan d’aménagement de 1952 de la nouvelle extension urbaine européenne - Source : best.mmsh.univ-aix.fr

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82


La mémoire de l’eau - Voir au delà des vestiges

Synthèse

83


Figure 63. «Analyse»; Par Mariem Amri (Auteur)


A.

Au delà de l’image

Avant d’entamer la phase conceptuelle, il nous semble essentielle voire impératif de nous rassasier de l’étendue de la mémoire dans la perception de notre environnement et de réfléchir le comportement de l’architecture face à l’interprétation de cette mémoire et cela par le biais d’étude de projets architecturaux traitant ce sujet. Nous commencerons par introduire I ‘architecture émotionnelle à travers deux projets: les thermes de vals de Peter Zumthor et le temple de l’eau de Tadao Ando afin d’assimiler ce lien étroit entre architecture et émotions mis en évidence à travers leurs principes et leurs philosophies de conception, pour ensuite passer à l’analyse du centre d’interprétation du site archéologique de Dougga ainsi que le centre d’interprétation de la nature de Salburúa dans le but d’en retirer un programme et tirer des concepts qui peuvent par la suite nous être utiles.

Au delà De l’Image


I. L’espace:


La mémoire de l’eau - Au delà de l’image

I.

L’espace: Une expérience émotionnelle

Une expérience émotionnelle 87


Projet de référence

Les

Thermes de Vals

de Peter Zumthor

Année: 1993-1996 Localisation: Vals, Canton Graubunden, Switzerland

Switzerland Vals, Canton Graubunden, Localisation: 1993-1996 Année: 88


La mémoire de l’eau - Au delà de l’image

P

our Peter Zumthor, la qualité architecturale d’un bâtiment dépend des sensations ressenties : « faire l’expérience de l’architecture, c’est toucher, voir, entendre, sentir son corps »[ CITATION Zum08 \l 1036 ]. Ainsi, l’atmosphère révèle des émotions en lien direct avec ce qui nous entoure. Dans les Thermes de Vals, les sensations sont mises en avant, créant une symbiose entre le corps et l’architecture.

“ Faire l’expérience

de l’architecture, c’est toucher, voir, entendre, sentir son corps. ”

P. Zumthor a voulu faire de ce bâtiment une sculpture forgée par le temps et les forces de la nature. Le jeu savant des différents éléments d’architecture et de sensations se dévoile avec clarté. Chacun de ces éléments, en relation avec les autres, prend une autre dimension dans cette œuvre.

Figure 67. Esquisse d’intention réalisée par Peter Zumthor - Source: wikiarquitectura.com

Figure 66. Croquis de Peter Zumthor - Source: 3d-dreaming.com

Figure 65. Le bâtiment s’insère dans la montagne - Source: inspiringk. wordpress.com

Figure 64. Croquis de la vue depuis les thermes de Vals sur la montagne - Source : cfsl.net

89


a.

L’émotion, un outil de conception

i.

Une traversée de caverne L’entrée des thermes de Vals s’apparente à un fond de caverne. L’accès, imperceptible depuis l’extérieur, s’effectue par un tunnel provenant de l’hôtel des bains. La profondeur du couloir écrase les proportions. Il donne une première sensation d’enfermement et annonce un espace clos.

Figure 68. l’accès se fait par un couloir souterrain en pente dépourvu de lumière naturelle Source: wikiarquitectura.com

ȕȕL’absence de lumière naturelle coupe l’usager de l’extérieur. Combiné à l’humidité de l’air pesante au bruit de ruissellements d’eau lointains contribuent à créer des sensations de fond de caverne, de confinement. ii.

Le labyrinthe Passée cette étape, l’usager arrive au milieu de la caverne. Des blocs formant des plans verticaux en relation avec les plans horizontaux du sol et du toit l’accueillent.

Figure 69. La stratification des planchers horizontales et verticales Source: wikiarquitectura.com

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Ces différentes facettes de mur sont disposées afin que la déambulation soit libre. La lumière appelle vers des lieux inconnus où de nouvelles sensations s’offriront au visiteur.

ȕȕLa hiérarchie des plans suggère une expérience émotionnelle dans l’espace. Ouvert ou fermé, caché ou dissimulé, masqué ou révélé. Ce bâtiment s’apparente à un labyrinthe, la découverte de nouvelles sensations est permanente. Figure 70. hiérarchie des plans verticaux et horizontaux - Source: wikiarquitectura.com

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DOMINIQUE ISSERMANN LAETITIA CASTA

«Pendant trois jours Dominique Issermann a photographié Laetitia Casta, à Vals, dans les Thermes construits par l’architecte Peter Zumthor en Suisse. C’est un travail à deux, un pas de deux, une chorégraphie photographique. Ce projet fait suite au livre de Dominique Issermann sur Anne Rohart publié aux éditions Schirmer et Mosel en 1987. Trois respirations, celle de Laetitia Casta dans l’émotion de la découverte, dans l’abandon à l’inconnu, celle de Dominique Issermann qui retient son souffle pour saisir les instants où Laetitia Casta s’inscrit, fugitive, dans le bâtiment, et celle de Peter Zumthor qui respire à travers les murs, les marches, les bassins, les couloirs. Trente-trois photographies enroulées et déroulées, comme on forge une seule image, une image définitive de Laetitia Casta, archétypale, dans une nudité souveraine et libre.» Source: mep-fr.org

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Les thermes :

Source d’Inspiration "L’Aimant" de Lucas Harari

F

ils d’architectes diplômé des arts déco, auteur de bande dessinée et illustrateur pour l’édition et la presse.

Inspiré par la beauté du chef-d’œuvre architectural de Peter Zumthor, Lucas Harari dessine sa première bande dessinée «L’aimant» qui raconte l’histoire d’un étudiant en architecture, Pierre, qui se rend dans les Thermes de Vals, objets de son mémoire. Pour Lucas Harari, ce lieu ouvrait des possibilités mystérieuses et fantastiques, il le voyait comme un «réceptacle de fictions».

“ Un chef-d’œuvre architectural est un lieu qui dicte ses propres règles émotionnelles, sensorielles et spatiales... Dans les thermes de Vals il y avait tout : cette pierre, l’eau, la montagne, un travail sur le son, sur les matières, sur les odeurs... et je n’ai pas arrêté de le fantasmer, le‘fictionnaliser’ ”

(Harari, 2017) 93


b.

Atmosphère Les thermes sont constitués de trois trames superposés: • celle des déplacements dans l’eau (4 entrées de la piscine intérieure et 4 pour celle extérieure) ; • celle des circulations (le « déambulatoire » central); • celle des blocs « d’atmosphères » (bain de feu, bain sonore, bain de fleurs etc.).

Figure 71. les «atmosphères» des thermes Source: http://der5.ga

Le visiteur choisit alors librement son parcours, enchaînant à son gré les différents îlots, combinant les atmosphères, se faisant se succéder les sensations. Zumthor avait pour volonté « non pas de diriger, mais de séduire », entraînant le visiteur dans « un voyage, une découverte », une « croisière » d’îlots en îlots de l’archipel des thermes de Vals. (Zumthor, Peter Zumthor: Therme Vals, 2009) i. L’odorat : Ce sens est sollicité dans le bloc appelé « bain de fleurs ». ii. Le goût : Dans la salle de désaltération, on peut goûter l’eau. Le rapport à l’eau change donc : on ne s’immerge pas mais c’est elle qui pénètre en nous. Cela contribue au lien intime qui se créer entre notre corps et l’eau thermale.

i.

L’ouïe

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Peter Zumthor a travaillé particulièrement l’un des blocs dans ce sens : la chambre de résonnance dans laquelle on peut prendre un bain sonore puisqu’on peut y écouter de la musique minérale, de Fritz Hauser14. Au-delà de ces sonorités maitrisées, Peter Zumthor considère que tous bruits parasites contribuent à l’ambiance d’un lieu. Par exemple, lorsqu’il était petit, le fait d’entendre sa mère dans la cuisine le rassurait : le bruit certifie la présence. De même en architecture, les bruits sont un des signes de l’âme d’un lieu. iii. La vue Comme on l’a vu plus haut, P. Zumthor travaille particulièrement la lumière naturelle qui pour lui est signe que quelque chose nous dépasse. Mais il joue également avec l’éclairage artificiel pour la nuit. De jour, la lumière vient, claire, d’en-haut ; la nuit, elle vient d’en-bas, par des spots posés sous l’eau. Elle est alors plus floue, elle semble venir des corps submergés dans l’eau eux-mêmes. Ainsi, avec le jour où l’on accueille une lumière qui nous dépasse, on alterne la nuit avec une lumière qui scrute notre être. Enfin, les couleurs contribuent à l’atmosphère des blocs. Par exemple, dans le bain de feu à 42°C, les murs sont peints en rouge tandis que dans le bain de glace à 14°C, les murs sont peints en bleu. Dans les vestiaires, tout est rouge, un rouge assez agressif.

Figure 72. Atmosphère Source : hitelinehotels.com

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iv. Le toucher Le corps est en interaction avec le lieu par la température : des bains dont l’eau est plus ou moins chaude (14 à 42°C), hammam, la piscine extérieure. Autant de possibilités qui permettent de sentir une grande fourchette de températures. Le toucher est également sollicité par l’intermédiaire des surfaces : la surface verticale des façades en pierre, Figure 73. Atmosphère - Source: hitelineshotel.com austère et élévatrice ; la surface horizontale de l’eau, beaucoup plus sensuelle.

ȕȕChaque bloc met à contribution un sens particulier et acquiert ainsi son identité propre.

ȕȕP.Zumthor a réussi à offrir un lieu destiné à découvrir l’eau dans tous ses états. des espaces qui parviennent à donner à l’homme sa place. Afin d’expérimenter à travers tous ses sens les relations entre sa peau, la pierre, l’eau et la lumiere. c.

La matérialité au service des espaces

Le Gneiss, utilisé par P. Zumthor, est une pierre extraite dans une carrière de la région, elle constitue donc un repère, une image reconnaissable. L’utilisation de cette pierre participe à la création d’une

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La mémoire de l’eau - Au delà de l’image

image de caverne creusée dans la montagne. P. Zumthor fait donc appel à nos souvenirs. La pierre est réservée aux espaces servants pour insister sur la présence d’une matière tout autour comme dans une caverne. Le béton est utilisé, lui, pour les espaces servis. Sa teinte varie en fonction de l’atmosphère voulue pour le lieu. L’appareillage de ces pierres suit un plan dessiné par P. Zumthor de façon à créer des strates de pierres dont la perception évoque les strates d’une montagne ou d’une falaise, donnant la sensation, dans ces bains, d’être entourée par une seule et même matière, masse, et d’être dans une caverne.

« Ce que nous voulions c’était créer un environnement sensuel pour le corps humain. Les espaces de pierre devaient caresser le corps; non pas le concurrencer, mais lui donner de l’espace, de l’espace pour une présence digne, de l’espace pour être »

Enfin, le béton est coulé directement entre deux murs de pierre afin d’assurer une cohésion parfaite entre pierre et béton. Ainsi. Le gros œuvre et le second œuvre s’associent dans la construction donnant naissance à un procédé où la forme (la pierre) et la construction (le béton) se servent mutuellement.

Figure 74. Le béton rouge du bain de feu fait écho à la chaleur du lieu et évoque l’aridité Source: archdaily.com

Figure 75. Le béton gris des salles de repos adoucit la lumière venant des petites ouvertures Source: archdaily.com

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ȕȕLe choix de ce matériau réside dans la volonté de Zumthor d’unifier les perceptions matérielles pour renforcer l’idée d’une caverne.

Figure 77. Le traitement spécifique de l’angle Source: archdaily.com

ȕȕLa pierre acquiert un coté poétique et ses caractéristique esthétiques, structurelles et acoustiques en association avec l’eau sont exploitées pour générer une atmosphère miroitante où le corps est charmé.

Figure 76. Les couches d’un bloc de repos - Source: der5.ga Figure 78. Le retournement du mur se fait sans tranche visible - Source: wikiarquitectura.com

ȕȕLa décision d’avoir préféré la seule et unique pierre de Vals est plus qu’admirée. Cette sorte de gneiss, qui fait la fierté de la région de vals, a des tons gris infinis aux reflets verts et bleus, marqués doucement par des veines fines.

ȕȕLa

lumière

est

un

autre

matériau

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précieux pour Zumthor. Elle lui sert à diriger la personne qui s’aventure dans son univers. d. Façade EST : le dialogue avec le paysage Les thermes étant enfoncées dans le sol, le bâtiment n’entre en relation avec l’extérieur qu’avec le toit végétalisé et principalement sa façade est. Celle-ci est d’une grande simplicité apparente : juxtaposition de pleins et de vides de formes carrées.

Figure 79. dessin simplifié de la façade est des thermes - Source : canalblog.com

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a. Le mur génère la promenade

Figure 81. la lumière comme guide - Source: wikiarquitectura.com

Figure 80. la promenade dans les thermes guidées par les blocs et la lumière

Figure 82. la transformation des murs en blocs habités Source: wikiarquitectura.com

Figure 83. la déambulation à travers les blocs construits Source: wikiarquitectura.com

ȕȕLe calepinage au sol conçu par P. Zumthor évoque la multiplicité des directions. ȕȕAu niveau du plan, on a des blocs contenant des cavernes, des espaces intérieurs utilisables, et l’espace interstitiel appelé « méandre » où viennent se nicher les fonctions : bassins, bains chauds et froids, rigoles, chutes d’eau…

Figure 84. es méandres, un espace négatif conçu entre les blocs, relie tout ce qui circule dans tout le bâtiment - Source: wikiarquitectura.com

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Le mur promenade génère la

« L’architecture connaît deux manières fondamentales de définir un espace : le corps fermé, qui isole en son intérieur un espace, et le corps ouvert, qui enferme un fragment d’espace à l’infini du continuum spatial. » (Zumthor, Penser l’architecture, 2008, p. 21)

ȕȕP. Zumthor montre le chemin à suivre à l’aide de la lumière. Une multitude de promenades s’improvisent dans l’édifice.

ȕȕLes murs sont conçus comme des blocs qui ont pour but de générer des espaces et donc de créer une promenade libre.

ȕȕUne promenade se crée dans le corps ouvert dont il a parlé P. Zumthor, les blocs délimitent l’espace servant et interrompent le champ visuel du visiteur ce qui oblige le visiteur à partir à la recherche du programme.

Figure 86. la piscine intérieure, un événement dans la déambulation - Source: wikiarquitectura.com

Figure 85. la piscine intérieure, un événement dans la déambulation - Source: wikiarquitectura.com

ȕȕAvec la piscine intérieure, l’espace servant se transforme en un espace servi

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Conclusion L’architecte Peter Zumthor exploite la nature et associe cette réalité physique aux « lois propres qui régissent les choses concrètes » telles que la roche de la montagne, l’eau ou la terre. Elles offrent une « appréhension originelle des choses vierges de toute influence civilisatrice » et lui permettant de qualifier la dimension identitaire des lieux qui sera le support de son architecture. Il résume cette idée en une phrase « je veux créer une architecture qui part des choses et revient au choses » Zumthor élève ici des formes habituelles au rang de formes singulières qui très souvent passent inaperçues. (Zumthor, Penser l’architecture, 2008, p. 31)

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Projet de référence

2. Le Temple des eaux de Tadao Ando

Le

Temple des Eaux de Tadao Ando

Année: 1993-1996 Localisation: Vals, Canton Graubunden, Switzerland

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P

our Tadao Ando, l’architecture est « un langage universel, une affaire de géométrie mais aussi de spiritualité », un lieu qui parle au cœur des humains.(Ando, 2014) Le temple de l’eau ou Honpukuji temple est à l’origine destiné à la secte Shingon, la plus ancienne secte du bouddhisme tantrique au Japon, fondée en 815. Plus qu’un bâtiment, il présente une expérience sensorielle qui sort de l’ordinaire. Le temple de l’eau est un excellent exemple de la réinterprétation de l’esthétique japonaise par Ando. Entouré par la campagne des rizières et des bois de bambou des Awaji, le bâtiment se fond parfaitement dans le décor.

« J’aime les espaces nus, les plans libres, les volumes simples et je travaille beaucoup l’idée de transition. Entre le dedans et le dehors, la nature et le construit, l’individu et le monde ». (Ando, 2014)

Toutes les œuvres d’Ando se caractérisent par cette confrontation entre nature et architecture. La nature n’est ni complémentaire à ses bâtiments, ni à la plantation décorative que l’on trouve à peine dans ou autour de ses bâtiments. Mais pour lui, c’est un élément principal de la construction.

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a. Une expérience sensorielle, conçue par Ando i.

La transition Le temple de l’eau se compose de deux parties : l’espace de guidage de l’entrée principale et l’espace semi-enterré. Le bassin est en fait le toit du temple, qui est construit en partie sous terre ; de forme ovale, la piscine est remplie à son plein, formant une ligne d’horizon sans bornes dont elle reflète infiniment son environnement de montagnes, ciel et rizières.

Figure 87. le lac des lotus et l’entrée du temple - Source : dbrds.wordpress.com

L’expérience sensorielle qu’Ando a conçue commence à l’approche du temple et commence à entrevoir la surface des ailes de ciment, ainsi qu’un long chemin de gravier blanc. Les deux ailes tracent encore le chemin menant vers l’entrée du hall principal, obligeant le visiteur à emprunter une route offrant une variété de vues sur la montagne et le temple. Le bassin est en fait le toit du temple, qui est construit en partie sous terre; de forme ovale, la piscine est remplie à son plein, formant une ligne d’horizon sans bornes dont elle reflète infiniment son environnement de montagnes, ciel et rizières. Un escalier en béton qui coupe le bassin ovale en deux moitiés symétriques descend dans une ambiance obscure, sous l’eau et, éventuellement, dans l’espace sacré du temple bouddhiste.

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L’accès au sanctuaire n’est pas immédiat, il y a toujours un jeu d’éléments géométriques de base qui crée un chemin où la couleur devient progressivement de plus en plus intense et se révèle au fur et à mesure que l’on suit les murs de béton à la source lumineuse. La couleur rouge vermillon est la plus intense au coucher du soleil lorsque la lumière rayonne à travers une fenêtre faisant face à l’ouest. ii. La Matérialité ii.1. Le mur « Le béton que j’utilise ne donne pas l’impression de solidité ou de poids. Mon béton qui est homogène et léger... la surface du mur devient abstraite; il se transforme en rien et se rapproche de l’infini. L’existence de la substance du mur disparaît. La seule chose qui reste à percevoir est la délimitation de l’espace » (Gregotti, Miyake, & Ando, 1986) Outre l’assemblage géométrique simple, le temple de l’eau de Tadao Ando est facilement reconnaissable à sa matérialité. Les matériaux bruts, tels que le béton et le bois sont ceux principalement utilisés par l’architecte. ii.2. La matérialisation de la lumière « Avec le temps, la lumière change les apparences. Je crois que les matériaux de l’architecture ne se limitent pas au bois et au béton, qui adoptent des formes tangibles, mais vont au-delà pour inclure également la lumière et le

Figure 90. esquisse de Tadao Ando - Source : http://writings2.overblog.com

Figure 89. sol et murs en béton brut Source : http:// wt.kimiq.com

Figure 88. sol et murs en béton brut Source : http:// wt.kimiq.com

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vent qui font appel à nos sens... le détail est l’élément le plus important pour exprimer notre identité » (Frampton, 2006, p. 345). Un des éléments primordiaux de la philosophie d’Ando est sans aucun doute la lumière. Dans tous ses projets, le travail sur la lumière constitue un principe de base dans la conception de son architecture. Il la considère comme un outil de construction.

b. Figure 91. Le sanctuaire est délimité par deux murs semi -circulaires conduisant vers la statue de bouddha - Source : architectuul.com/

L’eau, un matériau de construction

« La plupart de mes œuvres, eau et lumière, sont le thème des bâtiments. Une des choses qui est importante, parce que l’eau reflète la nature, sous notre forme la plus proche de nous » (Ando, L’architecte Tadao Ando, l’utilisation de la lumière, de l’eau et du béton dans ses projets, 2004). L’eau joue un rôle essentiel dans l’architecture de Tadao Ando. Elle leur apporte comme une profondeur, un espace de contemplation ou de méditation, voire également un peu de poésie. Créant une réflexion presque parfaite des éléments entourant le temple, le grand bassin d’eau crée un lien visuel direct avec le site.

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Le Parcours : Selon Tadao Ando

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II.

Le Centre d’Interprétation:


II.

Le Centre d’Interprétation: Echos de la Mémoire

Echos de la Mémoire


Projet de référence

Centre

d’interprétation de Dogga de Draw Link Group

Année: 2010 (Concours) Localisation: Dogga, Tunisie

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L’institut National du Patrimoine a lancé un concours national d’architecture en vue d’identifier les prestataires d’études architecturales et de suivi des travaux pour la construction de projet du Centre d’Interprétation du site archéologique du Dougga. Le jury a apprécié le concept fondateur du parti architectural adopté par Draw Link Architects pour ce projet et a souligné la cohérence de la démarche.

Figure 92. Site du projet source: inp.rnrt.tn

a.

Intégration par rapport au site

Le site archéologique de « Dougga » se caractérise par l’originalité de son histoire et de ses vestiges ainsi que la richesse de son territoire et de ses paysages naturels. Le projet sera implanté au nord du site archéologique, ce choix répond aux principes suivants : Rester dans l’emprise des terrains acquis par l’INP et utiliser les dispositions du terrain, la pente et les remblais pour intégrer au mieux les stationnements et les constructions. Mettre en place un circuit de visite « en boucle » et permettre aux visiteurs d’entrer dans la ville antique par son entrée historique : l’arc de « septime Sévère ». Permettre le développement progressif des installations d’accueil et de gestion en fonction de la montée en puissance du site.

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b. Approche conceptuelle Le choix volumétrique adopté est l’agencement de volumes de formes simples et épurées qui se manifestent comme une continuation du relief et de ses textures minérales et végétales. Ces volumes semblent accrochés au relief et offrent de larges surfaces de terrasses suspendues contemplant les étendues du site. Assurer une symbiose entre le paysage naturel et les volumes architecturaux Les volumes sont articulés et implantés dans le terrain suivant deux directions : -L’une symbolique nord-sud et qui est génératrice, entre autres, de l’implantation du théâtre. -L’autre qui suit les courbes de niveaux.

Figure 93. Image de synthese du projet - source: worldarchitecture.org

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c. L’organisation du projet

Figure 95. Organigramme Spacial

Dès son arrivée, le visiteur s’engage dans une promenade en descente à travers l’espace paysager naturel et agricole et également à travers les différentes composantes fonctionnelles du centre qui lui sont destinées.

Figure 94. Circulation vers le projet

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Cette promenade l’amènera au point de départ des différents circuits de visites du site archéologique et se fera par le biais d’un réseau de rampes qui permet une progression fluide et contemplative.

Figure 96. Organigramme Fonctionnel

Le circuit de visite se fait de haut en bas traversant les différentes entités selon un ordre thématique au moyen d’un jeu varié de rampes qui servent tantôt d’espace d’exposition à part entière et tantôt d’espace de circulation. Cet espace n’a pas manqué de faire un clin d’œil à l’incontournable paysage environnant. 117


Projet de référence

Centre

d’interprétation de la nature de Salburúa

de QVE Architectos

Année: 2009 Localisation: Salburúa, Espagne

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2. Centre d’interprétation de la nature de Salburúa de QVE Architectos

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a.

Présentation

À Vitoria-Gasteiz, la zone humide de Salburúa possède un intérêt de premier ordre. Une zone humide naturelle qui a été remise en valeur en 1994, après avoir été destinée aux cultures agricoles. Enclavée dans l’anneau Vert de Vitoria-Gasteiz, elle accueille une grande variété d’oiseaux car elle se trouve sur un passage migratoire. « La possibilité de risquer et d’essayer d’arriver où vous n’êtes jamais allé: la joie de jouer avec la gravité » (Arquitectos, 2009)

Figure 97. Le Parc De Salburua - Source : fotocommunity.es

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b. Intégration par rapport au site Au nord de la zone humide vient s’implanter le centre d’interprétation de la nature. « La volonté de projeter le bâtiment au-delà de ses limites, de survoler l’eau, de placer les visiteurs dans un lieu privilégié : juste à l’intérieur du parc, une fois la ville oubliée derrière, sur l’eau, à un endroit où ne pas arriver autrement : un porte-àfaux de vingt-et-un mètres construit en bois et en acier. » (Arquitectos, 2009).

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c.

Approche conceptuelle

« Nous ne voulions pas construire un bâtiment ressemblant à du bois ?? mais un vrai bâtiment en bois ». (Arquitectos, 2009) La volonté de ne pas masquer la structure pendant le processus de construction. L’occasion de risquer et d’essayer d’arriver là où vous n’aviez jamais été: la joie de jouer avec la gravité » (Arquitectos, 2009).

« De la volonté de conquérir la nature naît l’architecture qui cherche à tirer parti de l’inévitable en sa faveur. » (Arquitectos, 2009).

Figure 98. esquisse de la circulation du projet - Source : miesarch.com

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Le centre d’interprétation de la nature possède un observatoire d’oiseaux spectaculaire suspendu audessus d’un lac et des espaces de loisirs : La volonté de projeter le bâtiment au-delà de ses limites.

Figure 99. ombre et lumière à l’intérieur du bâtiment - Source : miesarch.com

Figure 100. esquisse d’une volumétrie du projet - Source : miesarch.com

Figure 101.

Figure 102.

Organigramme Spacial

Organigramme Fonctionnel

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Synthèse A travers les projets analysés, nous avons explorés la possiblité d’une forme d’architecture plus intégré à son environnmement, sans s’imposer devant la nature ou l’expérience de l’utilisateur. Nous avons aussi étudié la notion de centre d’interprétation, sa fonction et le programme dont elle peut bénéficier; ce type d’architecture et de fonction nous est paru plus adapté pour répondre à notre intention; celle de créer un espace pour la mémoire; sans la figer ou la trahir; un espace vivant où la valeur et la fonction n’a de sens qu’avec ses usagers.

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Figure 103. Couverture de l’album «Pulse« de Pink Floyd; par Storm Thorgerson


A. Concevoir au delà du regard

Concevoir Au delà Du Regard

Nous entreprenons dans cette dernière partie d’élaborer un travail qui sera diviser sur deux étapes. Dans la première étape, nous essayerons de faire un état des lieux des vestiges enrelation direct avec l’eau (lasource, le temple de l’eau, les thermes, la basiliques, les citernes, l’impluvium et le parc) et de présenter une composition générale le long de tout le parcours. La deuxième étape sera guidée par un choix et une analyse du terrain d’intervention (le parc) afin de dégager les potentialités et les contraintes du site qui nous dirigent à donner les premières traces de notre genèse



I. Le Parcours de l’eau au Kef : Revalorisation de la mémoire Nous essayerons en premier lieu de rescencer les points d’intérêt; et d’évaluer la possibilité de les remettre en valeur sans pour autant les altérer ou dicter un usage particulier : Nous utiliserons pour cela des éléments en structure légère. Nous mettrons en place des éléments de mobilier urbain en fonction de l’utilisation actuelle des espaces (cas de la fontaine et du parc); ainsi qu’un aménagement versatil dans les ruines afain d’en faire des lieux sociaux, communaitaires, prospices à la méditation et au repos.


1. Etat des lieux Aujourd’hui, plusieurs changements ont fait que le parcours de l’eau ne joue plus le rôle qu’il a joué, comme nous l’avons vu, tout au long de l’histoire de la ville. La densification de l’espace bâti et la multiplication des voies de circulation a bouleversé la dynamique des eaux, qui n’est plus prise en charge comme elle l’était autrefois.

a.

La source

Le manque d’infrastructure d’évacuation autours de la source; fait que l’eau déborde systématiquement à chque pluie. Le jardin qui était situé en face de la fontaine a été réexploité pour la mise en place d’un chateau d’eau; réduisant ainsi l’espace public, et par extension la fonction même de l’espace.

« Jusqu’à la fin du siècle dernier- et même actuellement, très discrètement ! - les femmes d’El Kef se rendaient, de nuit, devant un tout petit sanctuaire aménagé tardivement, dont les vestiges subsistent, pour vénérer ‘Lalla Mna’ protectrice de la source et continuatrice du génie antique des eaux, déité païenne féconde et bienfaitrice. » (Gueddiche).

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b.

L’Oued

Les problèmes que connaît « Oued El Ain » sont multiples. Ainsi, peut-on voir, des constructions établies à très peu de distance de celuici, voire même aux dépens de sa section. Dans certains cas le cours naturel a été estompé. Des illustrations expressives de tels phénomènes existent dans la cité « ECHRICHI » au contact de l’oued.

131


c.

Le parc

En 1970 le parc a été aménagé comme un lieu de promenade. En 1980, la municipalité a décidé de construire une piscine, mais le fait que celle-ci ait été construite dans la section même de l’oued -et donc elle a gêné le passage de l’eau- a fait qu’elle connaît de graves problèmes de fissurations dues à la remontée capillaire. Cette piscine est aujourd’hui désaffectée et présente une gêne envers le parcours de l’eau. Aujourd’hui désinvesti, le parc est laissé à l’embarras.

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d.

Le Temple des eaux

Situées au cœur de la ville le complexe thermal -temple de l’eau, les thermes et ses citernes- est en état de ruine et semble détaché de son environnement proche. La pierre qui perd sa couleur et noircit de moisissure et la végétation qui envahit l’espace, transmet un sentiment d’abandon. Le statut ambigu de ces ruines, couplé avec une certaine indifférence de la part des autorités, a fait que certains habitants ont construit des bâtiments adossés - et dans certains cas - surmontant les ruines; principalement les murs extérieurs.

Figure 104. Plan - Source: FICHE SIGNALETIQUE, Ensemble historique et traditionnel, le Kef, projet de mise en valeur des patrimoines et de développement du tourisme culturel et naturel à Dougga et dans le Nord-Ouest de la Tunisie

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e.

La Basilique

Situé au centre de l’actuelle ville, citerne et basilique sont aujourd’hui vide et fermés. Occasionnellemnt entretenues, ces espaces ne sont que rarement exploités en tant qu’espaces de projection

f.

Figure 105. Plan - Source: FICHE SIGNALETIQUE, Ensemble historique et traditionnel, le Kef, projet de mise en valeur des patrimoines et de développement du tourisme culturel et naturel à Dougga et dans le Nord-Ouest de la Tunisie

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g.

Impluvium

En état de ruine, partiellemnt enseveli; l’impluvium surplombe la ville du kef; pourtant cet espace est quasiment non exploité, si ce n’est un ensemble de quartiers non planifiés.

Figure 106. Plan - Source: FICHE SIGNALETIQUE, Ensemble historique et traditionnel, le Kef, projet de mise en valeur des patrimoines et de développement du tourisme culturel et naturel à Dougga et dans le Nord-Ouest de la Tunisie

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II. Le «Réflectarium»: Un centre d’interprétation de l’eau au milieu du parc Nous proposerons ici un réaménagement du parc; exploitant les pentes du site en tant qu’escaliers ou rampes facilitant I ‘accès au projet. Elles peuvent auss servir de gradins dont nous pouvons creuser des grottes de contemplation et de méditation. La topographie existante sur le site, va devenir une directive spécifique pour la géométrie de la masse que constituera le centre d’interprétation.

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Le projet sera implanté suivant des directions qui suivent les courbes du terrain e Continuation de relief et de textures minérales et végétales. Le projet va prendre ses racines du site. Il émane directement du sol auquel il reste toujour incorporé. Une architecture semi-enterrée mais largement ouverte sur le paysage environnant. A part le fait d’intégrer le projet dans le paysage naturel existant, des éléments de nature tel que l’eau, la végétation…seront intégrés à l’intérieur du projet afin de permettre au visiteur de renouer avec elle. Ainsi que profiter le maximum des potentialités du site.

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Les Thermes & les citernes Temple des eaux

La Fontaine (Source)

Le Parc

L’oued

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Pente à l’intérieur du Parc

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La Circulation dans le parc

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Topographie & Cours d’Eau

Arbres & Plantes

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Arnalyse du Site

Parcours du Soleil

Pente & Niveaux

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Ambiances Intérieures

Implantation

Espace d’exposition

Intégration dans le site 144


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Croquis

d’intention & Programme

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Plan du Projet

Coupe Longitudinale

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Facade Principale

Facade Latérale

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Table des Matières Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Remerciments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Problématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 A. Voir au delà des Vestiges . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 I. L’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 1. La symbolique de l’eau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 2. L’esprit de l’eau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 3. L’eau du miracle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 4. La civilisation de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 II. La Mémoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 1. Mémoire(s). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 2. Recréer la mémoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 3. Interprétation et mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . 62 III. Sicca Veneria : Source de Mémoire. . . . . . . . . . . 65 1. La ville. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 2. Parcours de l’eau, parcours de l’histoire. . . . . . . 69 B. Au delà de l’image . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 I. L’espace: Une expérience émotionnelle . . . . . . . . . 81 1. Les Thermes de Vals de Peter Zumthor . . . . . . . 82 2. Le Temple des eaux de Tadao Ando. . . . . . . . . . 98 II. Le Centre d’Interprétation: Echos de la Mémoire . 105 1. Centre d’interprétation de Dougga. . . . . . . . . . 107 2. Centre d’interprétation de la nature de Salburúa de QVE Architectos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 C. Concevoir au delà du regard . . . . . . . . . . . . . . 119 I. Le Parcours de l’eau au Kef : Revalorisation de la mémoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 1. Etat des lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 II. Le «Réflectarium»: Un centre d’interprétation de l’eau au milieu du parc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128


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Liste des Figures Figure 1. «Sandcastles» (Châteaux de sable), Huile sur toile; Joshua Flint - 2015-14 9 Figure 2. «MEMORY OF WATER», Petra Probstn, 2011 - Italie 10 Figure 3. «Memory of water, no 3» Par Wendy Stavrianos 14 Figure 4. «La Civilisation de l’eau»; Par Mariem Amri (Auteur) 16 Figure 5. «The Wide Arena of Air» (La large arène d’air), Huile sur toile; Joshua Flint - 2015-14 18 Figure 6. «The Banquet» (La large arène d’air), Huile sur toile; Joshua Flint - 2015 20 Figure 7. la fontaine de Trevi à Rome, au centre, Neptune, se tenant sur un char, tiré par deux chevaux marins, représentant l’eau violente (gauche) et l’eau sauvage (droite) - Source : travelexpert.wiki 23 Figure 8. Narcisse, peinture attribué à Michelangelo Caravaggio conservé à la Galerie nationale d’art ancien de Rome. - Source : wikipedia.org 25 Figure 9. Waterscape - Memory of Water / Moriyuki Ochiai Architects - Source: archdaily.com 26 Figure 10. Moine à Bankok - Source: pxhere.com 29 Figure 11. La Fête des trompettes peinture d’Alexander Gierymski montrant les Juifs réalisant le tashlikh sur les bords de la Vistule Source : wikimedia.org 30 Figure 12. le baptême de Christ de Giovanni Bellini à Santa Corona, Vicence - Source/ photographe: Web Gallery of Art 31 Figure 13. Shah Mosque, Iran - Source: thirteen.pt 32 Figure 14. Brahma emergeant d’un lotus Vishnu’s nombril pendant que Vishnu crée le cycle cosmic Source: wikipedia.org 33 Figure 15. Image extraite du livre «Travels in Tunisia» page 071; par Alexander GRAHAM, - F.R.I.B.A. and ASHBEE (Henry Spencer) - Source: Wikimedia.org 34 Figure 16. Fontaine de Juturne à RomePhotographe: HEN-Magonza - Source: Flickr.com 34 Figure 17. Sculpture de Hapy dieu du Nil - Source : traveltoeat.com 35 Figure 18. Gravure de Hapy au temple Luxor Source : traveltoeat.com 35 Figure 19. «Crowns» n°24 par Markus Reugels -

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Source: markusreugels.de 36 Figure 20. Masaro Emoto - Source: hado.com 39 Figure 21. «The Course of Empire. Desolation; Peinture de Cole Thomas - 1836; Musée New-York Historical Society - Source: Wikimedia.org 40 Figure 22. Hermaion el Guettar Musée du Bardo Tunis - Source: webdo.tn 42 Figure 23. Evier, un puits/réservoir, et un système de récupération des eaux pluviales et usées dans une maison punique à Kerkouane - Source: destination-tunis.fr 42 Figure 24. Entrée de la fontaine aux 1000 amphores, Carthage - Source : Collection personnelle Bertrand Bouret profburp.com 43 Figure 25. temple des eaux El Kef - Source: auteur 43 Figure 26. temple des eaux Zaghouan - Source : webdo.tn 44 Figure 27. pont aqueduc de Zaghouan-Carthage au niveau de la RN3 / Auteur : Dr Mongi ouezdou 10/05/2009 - Source : structurae.info 44 Figure 28. L es citernes d’Ain Doura de Dougga / Auteur : Zaher kammoun - Source: zaherkammoun.com 45 Figure 29. L es citernes du Kef / Auteur : Zaher kammoun - Source: zaherkammoun.com 45 Figure 30. Les citernes de Malaga de Carthage / Auteur : Zaher kammoun 45 Figure 31. Les thermes d’Antonin de Carthage / Auteur : Zaher Kammoun - Source : zaherkammoun.com 46 Figure 32. les thermes de Dougga - Source: auteur 46 Figure 33. Les Bassins des Aghlabides, Kairouan / Auteur : Neil Richard - Source: wikipedia.org 47 Figure 34. «La Mémoire»; Par Mariem Amri (Auteur) 49 Figure 35. A Room of Memory [21st Century Museum of Contemporary Art, Kanazawa]; Installation, Chiharu Shiota - 2009 50 Figure 36. [Exposition «A Trick of Memory» au 21st Century Museum of Contemporary Art à Kanazawa, Japon] de Makoto Saito 53 Figure 37. «lines hold the memories» ([les] lignes retiennes la mémoire), Silvia Pelissero (Agnes Cecile) -

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2012 55 Figure 38. «ovunque, ricordati» (Partout, souvienstoi), Silvia Pelissero (Agnes Cecile) - 2013 57 Figure 39. «Lascaux 2», le fac-similé visitable de la grotte originale - Source: vallee-dordogne.com 60 Figure 40. «Place & Fontaine au Kef»; Gravure Parue dans Le Tour du Monde Journal des Voyages et des Voyageurs par Edouard Charton; 1886 68 Figure 41. Rocher sacré de Chgega: premier sanctuaire rupestre « lalla chguega » - Source : elkef.info 69 Figure 42. les Grottes de Sidi Manour - Source : elkef. info 70 Figure 43. vue aérienne sur la table de Jugurtha Source : cultpatr.blogspot.com 70 Figure 44. des citernes pour collecter l’eau de pluie sur la table de Jugurtha - Source : cultpatr.blogspot.com 71 Figure 45. Premier noyau de la ville autour de la source 71 Figure 47. la salle hexagonale des thermes Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun 72 Figure 46. les citernes du temple de l’eau - Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun 72 Figure 48. les vestiges des thermes - Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun 73 Figure 49. arc plein cintre des thermes - Source : zaherkammoun.com / Auteur : Zaher Kammoun 73 Figure 50. Citernes Romaines Lella Cheguega Source: harissa.com 74 Figure 51. aqueduc dans la médina du Kef - Source : elkef.info 74 Figure 52. bassin du Hammam Mallegue - Source : silvertraveladvisor.com 74 Figure 54. le développement de la ville 75 Figure 55. - Source: Institu National du Patrimoine 75 Figure 53. vue générale de la ville en 1934 - Source : elkef.info 75 Figure 56. les lavoirs, un lieu de rencontre - Source: Wikimedia.org 75 Figure 58. la balustrade 1935 - Source : elkef.info 76 Figure 59. le lavoir - Source : Auteur 76 Figure 57. la source à l’époque coloniale - Source : auteur 76

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Figure 60. le sens de développement de la ville 77 Figure 62. le parc 1929 - Source : elkef.info 77 Figure 61. Plan d’aménagement de 1952 de la nouvelle extension urbaine européenne - Source : best. mmsh.univ-aix.fr 77 Figure 63. «Analyse»; Par Mariem Amri (Auteur) 78 Figure 67. Esquisse d’intention réalisée par Peter Zumthor - Source: wikiarquitectura.com 83 Figure 66. Croquis de Peter Zumthor - Source: 3ddreaming.com 83 Figure 65. Le bâtiment s’insère dans la montagne Source: inspiringk.wordpress.com 83 Figure 64. Croquis de la vue depuis les thermes de Vals sur la montagne - Source : cfsl.net 83 Figure 68. l’accès se fait par un couloir souterrain en pente dépourvu de lumière naturelle - Source: wikiarquitectura.com 84 Figure 69. La stratification des planchers horizontales et verticales - Source: wikiarquitectura.com 84 Figure 70. hiérarchie des plans verticaux et horizontaux - Source: wikiarquitectura.com 85 Figure 73. Atmosphère - Source: hitelineshotel.com 90 Figure 74. Le béton rouge du bain de feu fait écho à la chaleur du lieu et évoque l’aridité - Source: archdaily. com 91 Figure 75. Le béton gris des salles de repos adoucit la lumière venant des petites ouvertures - Source: archdaily.com 91 Figure 77. Le traitement spécifique de l’angle Source: archdaily.com 92 Figure 78. Le retournement du mur se fait sans tranche visible - Source: wikiarquitectura.com 92 Figure 76. Les couches d’un bloc de repos - Source: der5.ga 92 Figure 79. dessin simplifié de la façade est des thermes - Source : canalblog.com 93 Figure 80. la promenade dans les thermes guidées par les blocs et la lumière 94 Figure 92. Site du projet - source: inp.rnrt.tn 108 Figure 93. Image de synthese du projet - source: worldarchitecture.org 109 Figure 95. Organigramme Spacial 110

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Figure 94. Circulation vers le projet 110 Figure 96. Organigramme Fonctionnel 111 Figure 97. Le Parc De Salburua - Source : fotocommunity.es 114 Figure 98. esquisse de la circulation du projet - Source : miesarch.com 116 Figure 99. ombre et lumière à l’intérieur du bâtiment Source : miesarch.com 117 Figure 100. esquisse d’une volumétrie du projet Source : miesarch.com 117 Figure 101. Organigramme Spacial 117 Figure 102. Organigramme Fonctionnel 117 Figure 103. Couverture de l’album «Pulse« de Pink Floyd; par Storm Thorgerson 118 Figure 104. Plan - Source: FICHE SIGNALETIQUE, Ensemble historique et traditionnel, le Kef, projet de mise en valeur des patrimoines et de développement du tourisme culturel et naturel à Dougga et dans le NordOuest de la Tunisie 125 Figure 105. Plan - Source: FICHE SIGNALETIQUE, Ensemble historique et traditionnel, le Kef, projet de mise en valeur des patrimoines et de développement du tourisme culturel et naturel à Dougga et dans le NordOuest de la Tunisie 126 Figure 106. Plan - Source: FICHE SIGNALETIQUE, Ensemble historique et traditionnel, le Kef, projet de mise en valeur des patrimoines et de développement du tourisme culturel et naturel à Dougga et dans le NordOuest de la Tunisie 127

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