"micro-espaces, espace d'appropriation"

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École Nationale Supérieur d'Architecture de Montpellier Domaine thématique Architecture & Milieux

Micro-espace, espace d'appropriation.

Comment les micro-espaces dans le logement collectif contemporain peuvent-ils favoriser le processus d'appropriation de l'habitat ?

Mémoire de Master présenté par Maryline COLLET le 27 janvier 2015 sous la direction de Vinicius RADUCANU

Jury: Nicolas PAULI - professeur à l'ENSA Montpellier, docteur Michel MARAVAL - maître assistant à l'ENSA Montpellier, architecte Bernard MAURIN - professeur HDR de l'Université de Montpellier, docteur ingénieur Vinicius RADUCANU - maître assistant à l'ENSA Montpellier, architecte docteur


RESUME

Sujet : Micro-espace, espace d'appropriation. Problématique : Le micro-espace peut-il être une réponse au besoin d'appropriation dans le logement collectif contemporain ? Hypothèse : Le micro-espace peut permettre à l'architecture de favoriser l'appropriation tout en ne changeant pas le cadre actuel de fabrication du logement collectif. Mots clés : Micro-espace – Appropriation – Logement collectif – Habitat

Ce mémoire se questionne sur la place de l'appropriation dans le logement collectif contemporain. Cette étude est orientée sur le micro-espace et son éventuelle capacité à favoriser le processus d'appropriation. Le micro-espace est peut-être un moyen pour l'architecture de prendre en compte la question de l'appropriation. Une première partie permettra d'étudier précisément différents types de micro-espace et une seconde cherchera à l’intégrer dans le logement collectif contemporain.


SOMMAIRE RESUME.................................................................................................................................. INTRODUCTION...................................................................................................................... I. LES MICRO-ESPACES – ESPACES D'APPROPRIATION................................................ A. Définitions..................................................................................................................10 1.Micro-espaces .........................................................................................................11 2. Appropriation-Habitat...............................................................................................15 3.Appropriation par les micro-espaces .......................................................................17 B. Cas d'étude................................................................................................................20 1.Privé..........................................................................................................................21 2. Public ......................................................................................................................28 3. Privé pour public......................................................................................................36 C. Démarche comparative ............................................................................................43 1. Usage......................................................................................................................44 2. Aspects sensoriels...................................................................................................47 3. Construction ...........................................................................................................51 II. LOGEMENTS COLLECTIFS CONTEMPORAINS – QUELS ESPACES D'APPROPRIATION ?............................................................................................................. A. Habitat collectif et Appropriation............................................................................54 1. Grands constats sur le logement collectif contemporain........................................55 2. place de l'appropriation...........................................................................................58 B. Insertion de micro-espace.......................................................................................61 1. stratégies constructives...........................................................................................62 2. espaces potentiels...................................................................................................67 3. mise en application..................................................................................................72 CONCLUSION......................................................................................................................... BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................................


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INTRODUCTION

L'appropriation est un processus inévitable chez l'humain. Au travers des cultures, des époques et des civilisations, les populations ont toujours chercher à laisser leurs traces et à faire d'un espace le leur. Qu'il s'agisse d'un territoire urbain collectif ou d'un espace privé, l'appropriation est un besoin. Ce processus permet un bien être, et une sensation de connaissance des lieux nécessaires à une qualité de vie. A l'heure actuelle, quelle est la place de l'appropriation à l'échelle du logement ? Le phénomène de l'appropriation est d'une importance telle, qu'il est devenu le rêve des populations. Les hommes veulent, comme aboutissement d'une vie, devenir propriétaire, pouvoir choisir la couleur des volets et la place de la cuisine dans la maison. Nous sommes à l'époque de l’apologie de l'habitat pavillonnaire. Pourquoi l'habitat collectif ne peut-il pas devenir aujourd'hui la nouvelle ambition des populations ? La question de la propriété individuelle est générée par un désir d'appartenance et à une volonté du « chez-soi ». Comment faire pour que cette volonté soit envisageable et réalisable dans l'habitat collectif ? La question devient celle de la projection personnelle dans le logement comme facteur d'une motivation à occuper les lieux. L'appropriation étant tout de même inévitable au bien-être individuel, elle trouvera quand même sa place au sein des nouveaux logements collectifs. Elle permet de constater aussi une appropriation intrinsèque à chaque habitant. Celle-ci est la preuve que l'humain a besoin d'un espace personnalisable à souhait afin de s'y reconnaître. Peut-être que les nouveaux murs en placo blanc immaculés sont des façades qui permettent une expression puisqu'elles sont vierges de tous passages. En même temps avec toutes les contraintes de l'immobilier, faire un trou dans un mur devient risqué face à un chèque de caution potentiellement encaissable. Le mur blanc reste donc en général blanc. Interviennent ici les meubles, que chaque habitant choisit, amène et place judicieusement selon sa pratique de l'espace. Les meubles peuvent être un héritage familial qui véhicule une réelle culture. Bien qu'en majorité ils sont culture suédoise, l'importance du choix dans ce

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processus d'ameublement relève aussi d'une identité personnelle. Les bibelots eux aussi sont là comme traces d'un vécu, généralement liés à des souvenirs (voyages, enfances …) et permettent à l'habitant de se projeter dans son habitat. Les moyens sont donc nombreux pour l'appropriation. La question concerne donc plutôt l'architecture et l'espace en lui même. Puisque l'objectif est l'appropriation de l'espace, n'est-il pas incohérent que l'espace ne la permette pas l'approoppriation ? L'appropriation, comme dit maintes fois, est un fait inéluctable ; c'est une pratique de l'espace, commune (dans sa différence) à tous. Ne devrait-elle pas alors être prise en compte comme une donnée de base ou un objectif à atteindre pour l'espace, par l'espace ? Cette pratique étant tellement encrée dans le mode de fonctionnement de l'humain, il est important de fabriquer avec elle. C'est pourquoi dans ce mémoire le micro-espace se propose comme un moyen pour l'architecture de favoriser le processus d'appropriation des lieux. Il pourrait être les murs qui permettent à l'habitant de se sentir chez lui. Le micro-espace serait un espace architecturé sans usage, ce qui permettrait à l'usager de choisir sa destination et d'utiliser cet espace comme bon lui semble. Pour une fois, l'espace ne serait pas associé à une fonction comme savent si bien le faire la cuisine pour cuisiner ou la chambre pour dormir. Le micro-espace est ce que nous voulons qu'il soit. Le paradoxe, nous diriez-vous, est que l'appropriation reste dans le domaine de l'imaginaire et du créatif, alors faut-il la prendre en compte pour la fabrication de l'espace ? Ne serait-ce pas la brider que de la pré-qualifier ? A ceci nous répondrons que les frontières de l'imaginaire peuvent l'aider à l'approfondir. Comme dans une démarche de conception de l'architecture, les premiers objectifs, les contraintes et les intentions sont les premières barrières à la création totale. Mais ce cadre permet en réalité de s'immerger dans une conception plus intense comme par exemple une qualité spatiale, une matérialité... etc. A l’échelle de l'appropriation il s'agit des mêmes cadres. Si spatialement, l'appropriation est définie, l'habitant pourra se plonger entièrement dans le « quoi » plutôt que dans le « où ». C'est ce « quoi » qui est l'appropriation réelle.

Énoncé de la problématique : L'appropriation dans le logement collectif est tout à fait singulière et nous paraît une problématique importante à traiter. Comme expliqué auparavant il nous semble incohérent que l'architecture, jusqu'à présent, ne s'occupe que peu de l'appropriation qui est pourtant une donnée essentielle dans le fait d'habiter. Qu'en est-il dans le logement collectif, là ou tous les voisins habitent dans le même appartement ? Le nouvel habitat collectif est engendré par une politique forte, un ratio économique omniprésent et un besoin de logement rapide. L'habitat devient donc une production de masse et provoque une systématisation des réponses.

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Il nous parait ainsi d'autant plus important que l'appropriation soit au devant des préoccupations dans le logement collectif. Cependant la période que vit le logement aujourd'hui restreint grandement les libertés architecturales car l'économie devient une contrainte primordiale. Toute la difficulté de cette question réside donc dans le fait que fabriquer de l'appropriation ne doit pas bouleverser la dynamique de construction actuelle. Non pas qu'elle soit considérée comme la meilleure mais plutôt parce que nous n'aurons pas la prétention de la remettre en question, ce n'est en tout cas pas le sujet de cette étude. Le micro-espace semble être une façon judicieuse de faire rentrer un espace d'appropriation dans le logement collectif car, comme son nom l'indique, il ne prend que peu de place et c'est un objectif essentiel quant à la demande immobilière. Tout ceci reste encore à démontrer. Afin donc de vérifier nos hypothèses, nous commencerons par analyser différents micro-espaces pour en comprendre tous les tenants et les aboutissants et pouvoir noter quels sont les points essentiels à retenir. Par la suite, l'exercice consistera à dessiner des micro-espaces dans des typologies d'habitats collectifs afin de vérifier s'ils sont viables spatialement, constructivement et économiquement.

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I. LES MICRO-ESPACES – ESPACES D'APPROPRIATION

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Cette grande partie se chargera dans un premier temps de définir les grands termes utilisés dans ce mémoire. Nous commencerons tout d’abord à éclaircir la notion de micro-espace, puis celle de l'appropriation, pour enfin les mettre toutes les deux en relation et savoir comment le micro-espace engendre une appropriation. Nous étudierons ensuite trois exemples de micro-espace. Ces trois exemples sont tous issus de construction destinée à un usage différent. Ceux-ci seront analysés selon plusieurs points, allant de l'appropriation à la construction. Le fait que ces trois exemples soient différents mais analysés selon la même grille nous permettra de comprendre les points importants de chacun d'entre eux. Nous pourrons donc finalement comparer les résultats de cette analyse afin d'en tirer de grandes conclusions aspect par aspect. Ceci nous servira par la suite à réinjecter des systèmes utilisés dans ces exemples pour le logement collectif.

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A. DÉFINITIONS

Cette première partie aura pour but de préciser dans un premier temps ce qu'est un micro-espace selon des caractéristiques tout d'abord géométriques puis humaines. Il sera ensuite nécessaire de traiter brièvement la question de

l'appropriation en architecture,

particulièrement dans l'habitat, afin de pouvoir par la suite lier les deux problématiques. Cette partie nous permettra donc de comprendre comment la question de l'appropriation prend place dans la fabrication du micro-espace, puis comment ces deux éléments peuvent entrer légitimement dans l'habitat.

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1.MICRO-ESPACES

SELON LE RAUMPLAN DE LOOS 1 Adolf LOOS est un architecte autrichien ayant vécu entre 1870 et 1933, période de l'architecture moderniste. LOOS a mit en place une manière de projeter l'architecture à sa façon, il s'agit du Raumplan qui est un plan en trois dimensions. La traduction de Raumplan serait : projeter dans l'espace. Il écrit pour définir le Raumplan de grands principes fondateurs. La définition du microespace faite pour cette étude s’appuiera sur quatre de ces grands principes.

Volume

Dans un premier temps, il dit « J'apprends ainsi à mes élèves à penser dans les trois dimensions, en cubes.»2 Ici LOOS parle de la pièce comme un volume d'air défini par une longueur, une largeur et une hauteur. C'est dans cette troisième dimension que le changement de la perception de l'espace réside. LOOS fait remarquer que de nos jours l'architecte a la technique pour faire varier la hauteur et qu'il serait donc naturel que les toilettes ne fassent pas la même hauteur que le séjour. L'espace doit s'appréhender dans son volume, le cube. Cette réflexion permet donc une nouvelle mesure de l'espace et c'est celle-ci dont nous avons besoin pour appréhender le micro-espace. Le micro-espace n'est pas défini par son dessin en plan mais par sa capacité à contenir. Il n'est pas envisageable de considérer un micro-espace comme une surface ; un espace pourrait faire 3m² et 30m³, son volume deviendrait donc important et il ne s'agirait plus là d'un micro-espace. Nous définirions ici un micro-espace comme étant inférieur a 10m³. De plus cette réflexion amène à celle de « quelle hauteur pour quel espace ». Il est constatable que plus un espace est intime et privé, plus ses dimensions s'en trouvent réduites. L'appréciation de l'espace par l'homme amène à des dimensions, c'est pourquoi des WC ne peuvent pas qualitativement avoir une double hauteur sous plafond, une chambre est difficilement intime si elle mesure 50m² et un séjour peut-être mal vécu s'il est aussi haut qu'un parking souterrain. La dimension de l'espace induit naturellement des usages. L'étude réalisée ici permet de révéler les micro-espaces comme des lieux intimes, très personnels où l'on vient s'y retrouver isolément. Les micro-espaces et 1 Bruno Marchand, “Théorie de L’architecture III,” n.d. 2 Adolf Loos, Paroles dans le vide - Malgré tout (Paris: Ivrea, 1979).cit p 233

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leurs dimensions engendrent un vécu personnel et profitent à l'appropriation du lieu.

Géométrie

Un des deuxième point du concept de Raumplan de LOOS est celui d' « Utiliser des volumes réguliers et compacts, «dont la configuration géométrique élémentaire repose sur des règles de composition classique » 3». Ce point vient lui aussi appuyer l'étude des micro-espaces. Dans les différents cas d'études nous verrons que la simplicité géométrique est l'un des vecteurs de fabrication du micro-espace. La complexité architecturale n'a pas lieu d'exister dans un espace défini entièrement par son volume (cube). Des entrecroisements de volumes brouilleraient le cadre, la lecture du lieu. Ce brouillage ajouterait des informations (peu compréhensibles) pour l'usager ce qui empêcherait un plein investissement du lieu. La compacité du lieu, comme vu précédemment, s'ajoute à la géométrie. Ce sont ces deux facteurs qui vont permettre à l'habitant une appropriation personnel de l'espace.

Fabrication

LOOS parle aussi de l'addition et de la soustraction de volumes simples, subordonnées à l’organisation intérieure des espaces. Nous trouvons ici deux notions importantes que nous pouvons retrouver dans la fabrication du micro-espace. La première étant le processus d'addition et/ou de soustraction. Nous verrons que ce sont les deux actions (l'une ou l'autre) qui donnent naissance aux micro-espaces. Il s'agit du processus qui permet à un micro-espace de prendre position dans un espace plus grand. C'est aussi grâce à ces procédés que l'espace devient plus intime. En effet, il provient soit du creux et fait appel au cocon, soit du « plug » qui lui permet une distance par rapport à la pièce. La deuxième notion est celle de la subordination à l'espace intérieur. Le micro-espace intervient lui aussi comme une subordonnée, il dépend de quelque chose, de l'espace qui l'entoure, voir de l'espace qui le génère. C'est dans ce respect que le micro-espace va dialoguer avec le reste. La position du micro-espace et la relation avec l'espace qui l'entoure sont primordiales dans sa fabrication. Bien que non réglée ni définie, cette position va créer un nouveau rapport à la pièce et au micro-espace. Il est nécessaire de prendre en compte tout cela pour générer un usage libre et libéré d'une fonction.

3 Panayotis Tournikiotis, Loos (Paris: Editions Macula, 1991) cit p 10

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Simplicité

Enfin, Adolf LOOS connu notamment pour son écrit « Ornements et crimes »4 dit aussi pour le Raumplan qu'il faut « adopter un langage architectural basé sur des murs crépis, lisses et sans ornement. C’est le principe de discrétion et de simplicité car « une maison moderne ne devait pas se distinguer, forcer l’attention. N’avais-je pas formulé cette règle : l’homme le mieux habillé, le costume le plus moderne est celui qui attire le moins l’attention ? ». Ici encore, cette règle est applicable aux micro-espaces. Il s'agit en effet de ne pas faire non plus de fioritures architecturales dans la matière et le traitement des façades. Le micro-espace ne sert pas de décoration et s'il doit permettre l'appropriation, il est nécessairement dénué d'identité reconnaissable. Nous verrons à travers des différents cas d'études que la sobriété du micro-espace est systématique et permet de le laisser agir en tant qu'élément simple afin de permettre un dialogue avec l'espace et la personne.

DIMENSION HUMAINE La définition du micro-espace selon le Raumplan est une définition cartésienne, elle ne prend que peu en compte l'aspect sensible du micro-espace. Or, une des grandes composantes du microespace, et aussi celle qui motive cette étude, est l'échelle humaine. C'est pourquoi il faut ajouter cette notion pour finaliser la définition du micro-espace.

Corps/espace

Dans un premier temps, il est nécessaire de situer la place du corps dans l'espace. En effet, notre rapport à l'espace est simplement défini par notre corps. Nous sommes à la terre car nous avons un corps, sans celui-ci toute appréhension de l'espace est impossible. Le corps contient les sens, (goût-toucher-vue-odorat-ouïe) sans lesquels aucune relation avec un monde extérieur n'est possible. En allant plus loin, sans corps même la pensée devient impossible. De plus, le corps est aussi notre mode de déplacement, l'automobile et le vélo en sont des prothèses. Là où l'espace architecturé ou naturel est immobile, notre corps est mobile. C'est la façon objective de comprendre comment notre corps permet la perception de l'espace. Grâce à lui, nous parcourons l'espace mais le 4 Adolf Loos, Ornement et crime : et autres textes (Rivages, 2015).

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corps n'est pas qu'un moyen objectif de découverte de l'espace. Le corps permet d'habiter l'espace, c'est par exemple lui qui génère la position des objets d'un espace. Le corps est un acteur du quotidien de l'espace, c'est lui qui propose les dimensions. Cela se démontre simplement dans les systèmes de mesures utilisés avant l’apparition du système métrique : Pieds, Pouce, Coudée... etc. Depuis des siècles, l'homme est étudié dans ses proportions afin de parler d'architecture. A l'heure où tout architecte connaît l'Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, et Le Modulor du Corbusier, ce serait nier l'histoire que de penser que le corps n'est pas générateur primaire de l'espace.

Corps/micro-espaces L'homme recherche dans l'habitat un espace de protection de son corps. L'habitat est par définition fait pour son habitant. Comme un oiseau fabrique son habitat -le nid- pour sa taille et éventuellement celles de ses œufs, un Homme fabrique son habitat pour son corps. L'habitat primordial a les dimensions du corps, l'habitat permet d'abriter l'être. L'habitat est un lieu de repos pour le corps. En dehors des stimulations de la ville et du travail, l'habitat est là pour accueillir le corps. Il est aujourd'hui pensé pour des groupes de personnes (familles, collocations) et pour des fonctions (abris, hygiène, santé, loisirs...). C'est à partir de toutes ces données qu'est fabriqué l'habitat. Il s'agit de la place de plusieurs corps ensemble pour différentes actions simultanées. Le micro-espace se définit par opposition à ce système. Le micro-espace est à l'échelle d'un corps et ne génère aucune action. Le micro-espace prenant place dans un habitat redonne à celui-ci ses préoccupations primaires : Repos, Protection. Le micro-espace est à l’échelle humaine. Les meubles, par exemple, prennent énormément en compte cette notion d'échelle humaine, d’ergonomie : la chaise faite pour un corps. L'ambition du micro-espace est de redonner à l'architecture le pouvoir de retrouver la proximité de l'être humain dans son rapport d'échelle, de proportions, de dimensions et de volumes.

CONCLUSION - DÉFINITION Pour résumer, le micro-espace est donc un volume exprimé en m³, il est défini dans ses trois dimensions (longueur-largeur-hauteur). Le micro-espace est compact et repose sur une géométrie simple, fabriquée par addition ou soustraction et dans un rapport à l'espace qui l'entoure. Le micro-espace s'exprime de façon minimaliste. Enfin, le micro-espace entretient une relation avec le corps.

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2. APPROPRIATION-HABITAT

SELON PERLA SERFATY-GARZON5 Perla SERFATY-GARZON est une sociologue, psychologue, écrivain et journaliste qui a choisi d'orienter ses recherches dans les domaines de la psychologie environnementale et de la sociabilité urbaine. Elle a notamment participé à la rédaction du dictionnaire de l'habitat et du logement 6 dans lequel elle écrit sur les thèmes de l'habitat, de l'intimité : le chez soi et celui de l'appropriation. Ses définitions seront un support pour notre étude.

Habitat – Chez Soi

L'habitat est le lieu intérieur pour l'action d'habiter. Le logement n'est pas un habitat car il ne prend pas encore en compte l'action d'habiter. Un logement peut-être considéré vide, l'habitat lui est le logement avec son occupant actif. L'habitat, dans notre société, est la recherche voir la nécessité d'avoir un espace privé. L'habitat représente une limite entre l'individu et le monde extérieur. Il permet de choisir ce qui doit entrer dedans ou rester dehors. L'habitat est une protection, quand « partir de chez-soi »

représente un risque, « rentrer chez-soi » est un chemin vers le repos. L'habitat est

également le lieu de nos habitudes, il est synonyme d'un quotidien, il est donc marqué par nos gestes de tous les jours (propres à chacun). L'habitat comme le dit Perla SEFATY-GARZON entre dans le triptyque : l'habitat / le chez-soi / l'intimité. Le chez-soi est donc un habitat adapté à notre mode de vie et à notre culture. Se sentir chez-soi, c'est considérer son espace d'habitation comme espace personnel. Ce sentiment vient d'une capacité à investir les lieux de sa personne. L'habitat est aujourd'hui un lieu quasiment inéluctable ; pour preuve les personnes sans habitat ont un titre, celui de Sans Domicile Fixe. Ils n'ont pas de barrières qui les protègent du monde extérieur, leur vie privée quotidienne appartient à la rue. Et plus qu'une situation d'inconfort, de pauvreté, de maladie, de dépression ou de tristesse, ce que tout le monde retient, c'est qu'ils n'ont pas de domicile fixe.

Intimité L'intimité est l'une des grandes propriétés de l'habitat. Par exemple aux yeux de la loi, l'entrée 5 Jacques Brun et al., Dictionnaire de l’habitat et du logement (Paris: Armand Colin, 2003). 6 Ibid.

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dans une propriété privée est un viol ; Violation de propriété privée. Si cet acte est interdit et puni, c'est dans un respect de la sphère privée et intime. Comme après un cambriolage les victimes se sentent mal à l'aise, non pas d'avoir perdu des choses matérielles, mais surtout qu'un inconnu ai pu entrer chez-eux. Le chez-soi appartient entièrement au domaine de l'intimité. Toutes les expressions de soi n'ont pas leurs places dans le domaine public, elles l'ont dans l'habitat.

Appropriation L'appropriation à l'échelle de l'habitat est le processus qui va permettre à l'habitant de passer de son habitat à son « chez-soi ». Perla SERFATY GARZON nous donne cette définition : « D’une part, celle d’adaptation de quelque chose à un usage défini ou à une destination précise ; d’autre part, celle, qui découle de la première, d’action visant à rendre propre quelque chose. »7 L'appropriation permet donc d'exprimer une propriété intellectuelle, cette propriété va plus loin que l’acquisition matérielle qui n'est pas systématique. Le but est d'adapter l'espace à sa personnalité et donc de s'y exprimer. «Si l’habitat est produit, l’appropriation de l’habitat n’est pas un sous-produit mais l’aventure même de l’habiter. »8 Cette situation illustre bien le fait que le processus d'appropriation est tout aussi important que le fait de résider simplement dans un lieu. Patrick BOUCHAIN, dans « construire ensemble le grand ensemble9 » parle même de propriété mobilière à différencier de la propriété immobilière. La propriété mobilière se traduirait par l'action d'un résident sur un logement. Le propriétaire possède le lieu et le locataire a des droits sur les modifications apportées à l'espace. Ici Patrick BOUCHAIN donne une énorme valeur au processus d'appropriation quasi égal à celui de la construction. L'appropriation qui a donc une importance dans l'habitat est un phénomène naturel chez l'Homme. L'appropriation est un processus inévitable chez l'humain. Au travers des cultures, des époques et des civilisations, les populations ont toujours chercher à laisser leurs traces et à faire d'un espace le leur. Qu'il s'agisse d'un territoire urbain collectif ou d'un espace privé, l'appropriation est un besoin. Ce processus permet un bien-être et une sensation de connaissance des lieux nécessaires à une qualité de vie.

CONCLUSION, DÉFINITION L'appropriation dans l'habitat est un processus de l'intime. L'appropriation dans l'habitat permet une expression de soi libérée. L'appropriation est un phénomène inéluctable dans l'habitat.

7 Ibid. 8 Ibid. 9 Loïc Julienne et al., Construire ensemble le grand ensemble : Habiter autrement (Arles: Actes Sud, 2010).

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3.APPROPRIATION PAR LES MICRO-ESPACES Nous venons précédemment de définir les deux termes que sont « micro-espace » et « appropriation ». L'enjeu de ce mémoire est dans un premier temps la mise en parallèle de cette micro-architecture avec ce processus d'habiter afin de comprendre comment l'un peut apporter à l'autre. Les deux principales données fondatrices concernant le micro-espace sont : le processus de fabrication et le rapport qu'il entretient avec le corps humain. Ce sont elles qui permettent la notion d’appropriation.

FABRICATION – APPROPRIATION

Géométrie Les formes primitives de géométrie dessinent des espace simples (cube, pavé, prisme). Tout Homme connaît ces formes et sait les assimiler facilement. La compréhension de l'espace est immédiate dans ce cas. Un cube simple n'a pas de secret pour l'utilisateur, il en sait les angles, les arêtes et les faces. La prise en compte de l'espace devient dans ce cas presque mécanique ou intuitive mais il ne nous est demandé aucun effort pour comprendre le volume. Cette facilité permet d'établir rapidement un premier contact entre l'usager et le micro-espace. De plus, par sa taille, le micro-espace reste un volume lisible dans son intégralité, sans mouvement ; nous pouvons lire : sol, mur et plafond. Tout dans la géométrie est à la portée de l'utilisateur. La non complexité du volume permet la première étape du processus d'appropriation.

Fabrication Le processus d'élaboration du micro-espace intervient lui aussi dans la démarche d'appropriation. Comme défini précédemment, le micro-espace est une addition ou une soustraction de volume. C'est par cette méthode d'implantation que le micro-espace prend position dans un volume plus grand. Cette notion de fabrication introduit donc le rapport du micro-espace à l'espace qui l'entoure. L'ajout d'un volume à un autre laisse en général apparaître une connexion visuelle entre les deux mais aussi une séparation car il n'est pas question d'imbrication. Ce type de procédé permet donc d'identifier deux espaces distincts par leur volume qui génèrent donc des usages différents. Le micro-espace, s'il est un « plug » du salon, n'est pas le salon mais la relation qu'ils entretiennent permet une approche

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facile du micro-espace. De la même façon, la soustraction d'un volume à un autre (ex : micro-espace dans paroi épaisse) permet aussi une relation spatiale entre les deux entités mais assure aussi une discontinuité qui permet la lecture de deux espaces distincts. Le micro-espace, dans sa fabrication, crée un entre-deux ce qui génère un espace libre d'appropriation d'un point de vue spatiale.

Simplicité La simplicité en architecture, selon Adolf LOOS réside surtout dans la simplicité du traitement des matériaux. Pour lui l'ornement, la décoration et la fioriture n'ont pas lieu d'être. Ce mémoire rejoint cette idée quant aux micro-espaces. En effet, l'efficacité de l'expression est nécessaire pour simplifier la compréhension de l'espace. De plus, la décoration a tendance à exprimer quelque chose et donc à influer sur l’appréciation de l'espace pour l'utilisateur. En outre, le micro-espace destiné à accueillir l'Homme ne doit pas prendre trop d'importance face à ce dernier puisque l'objectif final est que l'usager s'exprime lui même dans cet espace. Ce dénuement du micro-espace permet donc une appropriation plus absolue car l'Homme choisit quelle expression doit avoir lieu dans cet espace. Par ce choix, il fait de cet espace le sien.

ÉCHELLE HUMAINE – APPROPRIATION

Volume La dimension dans les trois plans x-y-z permet une appréhension de l'espace avec le corps. C'est le dessin d'un espace prenant en compte les trois dimensions qui permettra un rapport juste du corps à l'espace. C'est en dessinant l'espace dans sa totalité que l'on peut choisir toutes ses composantes. Dans le cas du micro-espace, toutes les mesures sont réduites, la relation entre l'utilisateur et l'espace est plus étroite, il est donc nécessaire d'établir précisément les liens qu'ils entretiendront. C'est ce dialogue permanent entre deux entités qui se rencontrent qui va produire une appropriation. Le petit volume permet un contact tactile et sensoriel ce qui fabrique quasiment une complicité et une relation de confiance (sécurité).

Usage De ces dimensions résulte un usage contraint de l'espace. En règle générale, ces dimensions influent sur la position du corps dans l'espace. Différentes conséquences peuvent résulter de ces choix de

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dimension. Par exemple, elles peuvent empêcher un déplacement, ne pas rendre la position debout agréable. Un décollement du sol peut créer une assise. Ce sont tous ces choix de géométrie qui ne permettent pas de pratiquer l'espace comme une pièce de la maison à laquelle nous venons ajouter une fonction -manger, dormir, se laver-. Il en résulte donc un usage particulier, qui fait dialoguer corps et espace. Cependant, cet usage n'est défini que par ses limites, mais il n'est pas imposé. Les dimensions du micro-espace permettent donc une appropriation par un choix de pratique de l'espace non conventionnel.

CONCLUSION, DÉFINITION Le micro-espace est donc un espace d'appropriation. Celle-ci résulte de plusieurs procédés dans la fabrication du micro-espace. Premièrement sa géométrie simple, sa position, le rapport avec l'espace qui l'entoure et l'humilité architecturale dont il fait preuve. De plus, son rapport à l'échelle humaine permet un dialogue avec le corps et engendre un usage propre à l'utilisateur du lieu.

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B. CAS D'ÉTUDE

Nous étudierons dans cette partie trois mises en application de micro-espace. Ces trois analyses sont issues de trois domaines différents : privé (maison individuelle), public (école maternelle) et privé pour public (hôtel) ce qui nous permettra de nous confronter à différents contextes environnementaux, différentes échelles et différents utilisateurs. Afin de pouvoir dans un second temps comparer les résultats de ces études de cas, le déchiffrage de ces micro-espaces se fera par une grille d'analyse commune aux trois exemples. Une étude point par point des différents aspects permettra de mettre en lumière d'éventuels dénominateurs communs. Ces points sont eux-mêmes issus des définitions faites préalablement du micro-espace et de l'espace d'appropriation. Dans un premier temps, nous observerons les usages de chacun des micro-espaces d'abord en comprenant le rapport qu'ils entretiennent avec l'espace qui les entoure, ensuite par les fonctions qui leurs sont accordées, puis nous entrerons dans la dimension de l'appropriation. En seconde partie, nous prendrons en compte les aspects sensoriels du micro-espace en parlant en premier lieu de sa géométrie, par la suite de son rapport à l'échelle humaine, puis des ambiances que tout cela génère. Enfin pour terminer l'analyse nous regarderons le micro-espace dans son aspect constructif.

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1.PRIVÉ10 Moutain House – Atelier Bow-Wow Ce cas d'étude concentré sur le domaine du privé, permettra dans un premier temps d'établir des relations entre l'habitat et le micro-espace et d'en comprendre son utilisation. Cette première étude portera donc sur une maison conçue par l'atelier Bow-Wow aux Etats-Unis, en Californie. Cette maison est commandée par un couple possédant un terrain en haute montagne, et ayant pour envie une maison en intime relation avec le paysage. Construite en bois, cette maison est finement dessinée et laisse place à des micro-espaces.

FICHE Architectes : atelier Bow-Wow Type de projet : maison individuelle Date : 2010 Lieu : États-Unis, Nevada City Contexte : Montagne, nature cf.fig1 Micro-espace : Place : Centre de la maison cf.fig2 Nombre : 1 Usage : Lire, dormir, penser

10 “Iwaan Baan,” n.d., http://iwan.com/photo_Mountain_House_Atelier_Bow-Wow.php.

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Illustration 1: Mountain house - Atelier Bow wow

Illustration 2: Mountain House - Atelier Bow-wow - Plan

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USAGE

Espace Comme le montre le plan cf. Illustration 2, nous pouvons voir que ce micro-espace prend place au cœur de la maison, il devient une articulation entre espace de jour et espace de nuit. Sa relation avec l'espace qui l'entoure est particulière de part sa localisation dans la maison. Ici, Le micro-espace est un îlot central et génère donc un périmètre de circulation autour de lui. Le micro-espace est largement ouvert sur la pièce principale Illustration 3 ce qui installe une communication visuelle permanente avec le reste de la maison. L'espace est donc isolé du fait qu'il est une entité à part mais il est aussi partie intégrante de l'espace, il en devient le prolongement.

Illustration 3: Mountain House - Atelier Bow-wow

Fonction Ce micro-espace de part son indépendance spatiale est libéré des fonctions classiques attribuées aux pièces de vie de la maison. Il est principalement utilisé comme coin de lecture et de repos. Il est l'espace de solitude dans l'espace public de la maison. Nous voyons aussi sur la photo précédente

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des rangements qui sont intégrés dans les murs de l'espace. Ils sont utilisés comme bibliothèque ce qui influe sur l'utilisation du micro-espace comme espace approprié pour la lecture.

Appropriation Ce sont ces différentes caractéristiques qui vont permettre à ce micro-espace de prendre place dans un lieu et d'engendrer un nouvel usage dans l'habitat. En effet, comme vu précédemment, le microespace n'a pas de fonction définie mais tout dans son dessin et sa construction amène à une appropriation personnelle de cet espace. Dans le cas de la Mountain House, le micro-espace engendre un espace de repos, de lecture ou de regard sur l'espace de la maison. Cette alcôve est un espace où l'on ne fait rien où on choisit ce que l'on va faire. Cette idée renforce celle de la transition entre espace privé et espace public. Ce n'est ni la chambre où l'on dort en pyjama, ni la salle à manger où l'on reçoit des invités. Cet espace est libre d'appropriation et interprétable à souhait. Dans ces dimensions plutôt étroites, le micro-espace permet un parallèle avec le cocon, un petit espace où l'on se sent protégé et donc un espace d'intimité. L'habitant retrouve ici un habitat dans l'habitat, comme une mise en abîme du chez-soi.

ASPECTS SENSORIELS Géométrie

Illustration 4: Mountain House - Atelier Bow-wow – Axonométrie

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Illustration 5: Mountain House - Atelier Bow-wow – Plan

Ces deux images (Illustration 5-4) permettent de comprendre la géométrie de l'espace en lui même. Le volume cubique de cet espace est de 5,4m3, soit une surface de 3m² par une hauteur de 180cm. Il est composé comme un bloc avec deux faces. La première en orange reçoit le micro-espace, la deuxième en bleu permet des rangements et une assise. La partie blanche du schéma comprend les étagères. Ces étagères viennent dessiner un mur épais autour du micro-espace et l’intériorise. Le micro-espace semble être un creux dans le bloc ce qui rajoute à l'intimité du lieu. Le fait d'être entouré d'une épaisseur permet une protection et favorise l'effet cocon. Le micro-espace dans cette maison a une place centrale, il est le noyau de couches successives de protection nécessaires au milieu de l'espace grandiose environnant. Il est le centre protecteur de la maison.

Échelle Humaine L'axonométrie (Illustration 4) permet de comprendre la volumétrie de ce micro-espace et de ce fait, nous pouvons en déduire les proportions liées au corps humain. La surface peut être comparée à celle d'un petit lit de deux places, quant à la hauteur il s'agit, à quelques centimètre près, de la taille moyenne d'un humain. Cette dernière dimension ne permet donc pas une position debout confortable. Malgré la capacité technique aux utilisateurs de tenir debout dans cet espace, celui-ci ne s'y prête pas. En effet, la largeur de l'espace est plus importante que sa hauteur ce qui influence grandement une position couchée. Une position assise est elle aussi générée par le micro-espace (cf fig6). Le micro espace est libéré du sol, il est décollé d'environ 50 cm ce qui correspond aussi à une hauteur standard d'assise. Le changement de hauteur du sol engendre un palier et permet (comme une porte) d'entrer dans un micro espace clairement identifié. Ce seuil marque un rapport du micro-espace à l'espace qui l'entoure.

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Illustration 6: Mountain House - Atelier Bow-wow - Coupe

Ambiances

Illustration 7: Mountain House - Atelier Bow-wow

Le traitement du micro-espace sur le plan des ambiances est aussi une partie importante d'un point de vue qualitatif. Nous noterons ici principalement qu'il est entièrement traité dans un bois particulier. Nous voyons des planches de bois brut, tandis que le reste de la maison est lui plutôt traité en contreplaqué, surface sans relief ni texture particulière. Ce choix permet d'insister sur le côté singulier du micro-espace, même dans sa mise en œuvre. Ici, le bois apporte un côté chaleureux au micro-

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espace et va permette une sensation de confort plus immédiate. La complexité engendrée par les étagères ajoute à l'espace un relief et une prise de lumière particulière. Ce système fabrique une ambiance intime, confortable et chaleureuse.

CONSTRUCTION

Illustration 8: Mountain House - Atelier Bow-wow- Coupe

Sur cet extrait de coupe (Illustration 8), nous pouvons lire le rapport au sol, mais aussi le rapport au plafond. Nous voyons ici le travail de rabaissement de plafond qui a été fait pour fabriquer le microespace dans des dimensions plus intimes. Mais ce plafond plus bas ne se limite pas au micro-espace, il continue derrière et propose donc une nouvelle qualité spatiale pour les parties intimes de la maison. Le micro-espace permet donc une transition spatiale franche et assumée qui s'inscrit parfaitement dans la composition spatiale. De plus, ce changement de hauteur sous plafond propose un nouveau sol au niveau supérieur de la maison, ce qui génère un espace différent. Le micro-espace peut être aussi un outil pour gérer ou créer des décalages en plafond et en toiture.

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2. PUBLIC 11 Cette analyse nous permettra de cerner plusieurs enjeux dans la problématique du micro-espace et de l'appropriation.Il s'agit d'une extension d'école permettant d'accueillir une école maternelle à Paris, réalisée par l'architecte Eva SAMUEL. Ce cas est important car le public est composé d'enfants. L'enfant prend une importante place dans l'étude du comportement humain face à l'appropriation. Dans une étude où la dimension face à l'échelle humaine est une donnée primordiale, il est important de pouvoir en faire varier la taille.

FICHE Architectes : Eva SAMUEL Architectes et Urbanistes Type de projet : école maternelle Date : 2011 Lieu : Paris Contexte : Ville haute et dense Illustration 9 Micro-espace : Place : Salle de classe. Dans l’épaisseur du mur Illustration 10 Nombre : 8 Usage : Jouer

11 “Eva Samuel,” site agence, (n.d.), http://www.evasamuel.fr/projets/ecole-maternelle-desolympiades-2/.

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Illustration 9: Ecole – Eva Samuel – Contexte urbain

Illustration 10: Ecole – Eva Samuel – Plan

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USAGE Espace Le micro-espace se trouve ici dans l’épaisseur du mur. L'Illustration 10 nous montre qu'il s'agit d'un espace entre l'extérieur et la salle de classe. Ces espaces sont en lien fort avec la fenêtre qui est l'une des limites du micro-espace. Cet espace n'est pas un espace de transition entre intérieur et extérieur mais il permet un dialogue entre les deux univers. En effet, dans un contexte urbain très dense et très haut, la relation à l'enfance est difficile. Les micro-espaces permettent aux enfants un regard serein sur le paysage urbain.(cf : Illustration 11)

A

B

Illustration 11: Ecole – Eva Samuel

Fonction Ces micro-espaces sont pour les enfants des vrais lieux de jeu. Dans l'univers des enfants, ces endroits sont pour eux des cabanes ou des maisons de poupée dans lesquelles ils peuvent entrer. Le micro-espace permet à l'enfant d'investir l'espace de la classe d'une façon différente. De plus, la paroi épaisse est mise en place ici pour éviter les vis-à-vis avec l’extérieur. La position du micro-espace face à la fenêtre permet de mettre en scène l'espace extérieur en transformant ce cadrage en espace utile. Le micro-espace permet donc aussi de rentabiliser la surface au sol du mur épais.

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Appropriation Pour l'utilisateur, tous ces dispositifs engendrent une nouvelle exploitation de l'espace. Les enfants y trouvent des 'pièces' à leur échelle, ce qui va leur permettre de prendre possession de cet espace, comme une cabane ou une cachette. Les recoins sont pour les enfants la richesse d'un espace, ils évoquent un imaginaire chez eux et permettent une appropriation. Ici aussi ces espaces sont dénués de toutes fonctions, ce n'est ni la salle de classe, ni la cour de récréation, ce n'est ni trop dedans, ni trop dehors. C'est dénué d'indications d'usages que le microespace peut être exploité comme bon nous semble. Choisir un usage c'est l'appropriation d'un espace. (cf :Illustration 12)

Illustration 12: Ecole – Eva Samuel

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ASPECTS SENSORIELS Géométrie L'Illustration 11 nous montre deux types de micro-espace que l'on peut trouver dans cette construction. Ils se différencient dans leur rapport au sol. Le premier (A) occupe une surface au sol de 3m² et sa hauteur est d'environ deux mètres. Il est surélevé par rapport au sol. Cet espace reste relativement grand pour son public qui est essentiellement composé de jeunes enfants, mais, cette taille leur permet de s'approprier l'espace comme une pièce à part entière, faite pour leur taille. De ce fait, les activités dans ce micro-espace en seront plus variées et les libertés d'aménagement s'en retrouvent plus larges. A l’échelle de l'adulte, cet espace est tout à fait considérable comme micro-espace, il permet d’accueillir un corps humain mais ne permet pas une infinité de mouvements.

Illustration 13: Ecole – Eva Samuel – Axonométrie

Ce micro-espace (B) a la particularité géométrique de se rétrécir vers la fenêtre.Nous voyons dans l'Illustration 13 que le micro-espace agit comme un entonnoir vers l'extérieur. Il permet un rapport très intime de l'enfant vers la vue et renforce en même temps l'aspect cocon du lieu. L'enfant est à la fois seul et protégé. C'est un micro-espace à l’échelle de l'enfant. En effet, le fait qu'il soit dans le prolongement du sol permet d'éviter à l'enfant une escalade pour pouvoir 'entrer' dans cet espace. L'entrée dans le micro-espace est quant à lui générer par la hauteur très basse sous plafond.

Échelle Humaine La hauteur de 1,50m ne permet pas à un adulte de se tenir debout à l’intérieur. Les enfants eux le

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peuvent. C'est ainsi que cet espace devient seulement celui des enfants car il est fait pour leur taille. Le rétrécissement du volume permet d'accentuer la mise à l'échelle au corps de l'enfant, au fond du micro-espace tout dans les proportions est calibré pour eux.

Illustration 14: Ecole – Eva Samuel – Détail

Nous pouvons voir dans l'Illustration 14 que le micro-espace est parfois en surélévation par rapport au sol. Malgré la différence entre plusieurs micro-espaces, chacun d'entre eux reste mesuré à l'échelle de l'enfant. Grâce à l'échelle graphique nous pouvons mesurer que cette marche a une hauteur d'environ 25cm. Dans le cas précédent de la Mountain house, ce seuil mesure environ 50cm de haut et permet une assise. Eva SAMUEL choisit judicieusement la même stratégie mais propose une assise à hauteur d'enfant.

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Ambiances Les micro-espaces sont indépendants au reste de la classe par leur traitement. Dans cet exemple, un revêtement bois a aussi été utilisé pour les finitions. Ce traitement permet de marquer l'existence du lieu comme espace intrinsèque. Grâce à cette différence de matériau l'enfant identifie lui-même le micro-espace comme un endroit différent de la salle de classe. Le fait que la fenêtre soit le 'fond' de cette boîte influence aussi beaucoup sur l'atmosphère du lieu. Cette disposition permet de faire entrer la lumière par ces creux dans le mur et donc de les mettre eux-mêmes en lumière. Enfin, nous pouvons voir llustration 15 de part et d'autre du micro-espace des appliques qui semblent être des lumières. Ce geste a un fort impact sur la perception de l'espace car il donne à cet espace une façon de s'éclairer qui lui est propre, cette espace est donc une pièce à par-entière. Elle est autonome tant dans sa position, sa matérialité, sa lumière et sa taille.

llustration 15: Ecole – Eva Samuel

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CONSTRUCTION

Illustration 16: Ecole – Eva Samuel – Détail

Le détail constructif de ce micro-espace permet de comprendre la complexité de l'ouvrage. Le microespace est fabriqué par un caisson en tôle d'acier qui permet de porter l'ensemble du bow-window en léger porte-à-faux, celui-ci repose sur la structure secondaire qui doit donc être ajustée selon l'emplacement du micro-espace. Nous pouvons aussi voir que l'épaisseur du mur permet une circulation de l'air par une gaine de ventilation. De plus, le micro-espace étant à la fois dedans et dehors implique des retours d'isolant plus complexes que sur une façade sans relief. L'exploitation d'un espace dans l'épaisseur du mur implique l'emplacement de la fenêtre. Le verre est situé au nu extérieur du bâtiment ce qui en région parisienne permet de ne pas ombrer la fenêtre et donc de faire entrer le soleil directement. Cette construction n'est donc pas un geste architectural anodin, elle amène plus de complexité dans la fabrication du bâtiment... Si elle est malgré tout réalisée, c'est certainement que le jeu en vaut la chandelle.

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3. PRIVÉ POUR PUBLIC12 Cette troisième et dernière étude de cas est un hôtel fait par les architectes Emiliano LOPEZ et Monica RIVIERA en Espagne. Cet hôtel dialogue avec le grand paysage qui est désertique. La relation du bâtiment dans le lieu qu'il occupe fût une des grandes priorité des architectes. La question de l'hôtel est intéressante car elle permet d'introduire de nouvelles questions. La première est celle d'un bâtiment privé recevant du public, un public large et de différents horizons. Les espaces d'appropriations deviennent un système qui se multiplie. De plus, l'hôtel est une forme d'habitation temporaire. Les clients viennent, restent un peu et repartent, puis les clients changent. Pourtant l'enjeu de l'hôtel est que chacun s'y sente bien, confortable et ressente une intimité comme à la maison. L'enjeu de l'appropriation de l'espace habité est donc principal dans un hôtel pour la satisfaction de tous.

FICHE Architectes : Emiliano LOPEZ Monica RIVIERA Arquitectos Type de projet : Hotel Date : 2007 Lieu : Tudela. Espagne Contexte : Grand paysage Illustration 17Illustration18 Micro-espace : Place : Chambres. Extension de la façade Illustration18 Nombre : 1 / chambre Usage : Regarder

12 “Emiliano Lopez Monica Riviera Arquitectos,” site agence, (n.d.), http://www.lopezrivera.com/proyectos/selected/hotelairedebardenas.html.

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Illustration 17: Hotel – Riviera y Lopez

Illustration18: Hotel – Riviera y Lopez

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USAGE

Espace

Illustration19: Hotel – Riviera y Lopez – Coupe et Plan

Le micro-espace est ici une extension de la chambre d'hôtel, il n'empiète pas sur son espace. La chambre est un espace et le micro-espace en est un autre. Comme nous pouvons le voir autant sur la coupe que sur le plan Illustration19, le micro-espace est un « plug » du bâtiment, il se rajoute au

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volume originel. La greffe architecturale permet une projection sur le grand paysage. Le micro-espace est entre l'intimité de la chambre et l’immensité du décor extérieur. L'utilisateur se trouve donc dans un espace de transition qui marque le seuil entre deux lieux radicalement opposés.

Fonction Cet espace permet avant tout de regarder l'extérieur par un large cadre tout en étant dedans. Le micro-espace est ici un lieu de contemplation. Il est un cadrage sur le paysage, une peinture en trois dimensions.(cfIllustration20) Nous pouvons aussi observer sur cette photographie la présence d'une télévision. Le micro-espace ne perd pas son rôle de poste d'observation car cet ajout de fonction ajoute finalement un autre élément à regarder. La place du paysage par rapport au micro-espace est d'ailleurs différente de celle de la télévision. Ces deux usages insinuent deux postures différentes, le choix est laissé libre à l'utilisateur. L'emplacement du micro-espace permet une réelle séparation entre les usages de la chambre et ceux du micro-espace, nous n'y faisons pas les mêmes choses car ce sont deux espaces distincts.

Illustration20: Hotel – Riviera y Lopez

Appropriation Comme expliqué précédemment ce lieu n'est ni la chambre, ni la pleine nature de l'extérieur. Il ne

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possède ainsi aucun des usages conventionnels de ces deux environnements. C'est donc dans cet espace trop petit pour se mouvoir que l'utilisateur devient libre d'agir comme il lui plaît. Il est contraint à ne pas faire des activités habituelles ce qui permet en réalité de laisser entière place à l'humain et à ses envies premières. Dans un lieu où le seul usage est de regarder, l'appropriation est systématique. Plus qu'un bel espace, l'alcôve va permettre à l'utilisateur d'investir naturellement un lieu. Tout dans cette fabrication appelle le corps à entrer dans le micro-espace et, dans un premier temps, à contempler le paysage. La notion d'investissement de l'espace est d'autant plus complexe quand il s'agit d'un hôtel où rien ne nous appartient vraiment. Ce micro-espace permet une appropriation immédiate et, sur un court terme, du lieu. Une fois encore, mise à part la fonction intuitive de la contemplation, ce micro-espace est dénué d'usage. C'est donc un lieu pour soi que l'on utilise sans but précis, pour se retrouver personnellement. Le micro-espace propose un lieu encore plus intime que celui de la chambre d'hôtel.

ASPECTS SENSORIELS

Géométrie

Illustration21: Hotel – Riviera y Lopez – Axonométrie

Ce micro-espace est particulier dans la simplicité de sa géométrie, c'est un carré sur la façade (cf :Illustration21). La volumétrie simple de cette alcôve engendre un rapport simple avec l'espace qui l'entoure, autant avec le dedans qu'avec le dehors. Cette boîte agit comme un cadre en trois dimensions, un tableau sur le paysage. Nous voyons ici aussi qu'en façade le volume est un carré (cf :Illustration22), cette épuration géométrique engendre un usage simple de l'espace, il n'est pas là pour la décoration mais bel et bien là pour proposer un espace de fenêtre. Le dessin du cadre,

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rappelant la menuiserie, ajoute aussi au coté indépendant de cet espace. Nous pouvons sentir dans cette géométrie le seuil entre la chambre privée et le micro-espace très intime, puis la frontalité entre le micro-espace et le grand paysage non maîtrisé.

Illustration22: Hotel – Riviera y Lopez

Échelle Humaine Dans ce cas aussi, les dimensions hauteur et largeur influent sur la position de l'utilisateur qui s’assoira ou s'allongera dans cet espace, ne pouvant pas confortablement se déplacer debout. C'est aussi la taille de cet espace, où il est compliqué d'y entrer à plusieurs, qui va permettre une utilisation très intime du lieu et rendre possible une pleine appropriation. Le rapport au corps est donc très important. Nous voyons aussi dans ce projet Illustration19, que le micro-espace est décollé du sol à une hauteur idéale d'assise. Nous sentons donc que le micro-espace est mesuré à l'échelle humaine afin, une fois encore, d’inciter l'utilisateur à vivre le micro-espace avec son corps.

Ambiances Nous voyons aussi le traitement particulier à l'intérieur du micro-espace dans l' Illustration20. Il n'est pas dans les mêmes matériaux que le reste de la chambre. Ce parti pris ajoute au côté singulier de l'espace. Si c'est de nouveau une coïncidence, il est encore une fois bardé de bois ce qui rompt avec l'aspect plus froid de l'enduit intérieur et influe sur l'aspect « cocooning » du micro-espace. Le rapport à la fenêtre est aussi essentiel dans la qualification intérieure de l'alcôve. En effet, la plus grande face du micro-espace est en fait un paysage lointain qui est cadré par ce « plug » en façade. L'ambiance intérieure est donc bouleversée par un geste architectural fort qu'est la mise en scène de cette nature.

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CONSTRUCTION

Illustration23: Hotel – Riviera y Lopez – Détail

Le détail Illustration23 nous montre différents aspects dans la construction de ce micro-espace. Ce « plug » sur la façade produit une complexité constructive en plus de la structure de base. Le microespace étant en total porte-à-faux, il nécessite une structure à part-entière. L'épaisseur de celle-ci permet notamment de cacher divers systèmes comme, par exemple, les menuiseries qui ne sont pas visibles de l’intérieur, mais aussi des stores roulant. Nous voyons aussi dans ce détail, l'importance qui a été apportée au cadrage intérieur du micro-espace (marco de pino macizo = cadre de pin massif). Dans ce cas, le micro-espace n'est pas vraiment un moyen de donner un usage a un espace. Comme indiqué préalablement, il s'accroche comme un « plug » à la façade et pour créer ainsi des façades qui lui sont propres et génère de nouveaux espaces.

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C. DÉMARCHE COMPARATIVE

Ces différentes études de cas ont permis de cerner différents enjeux de micro-espaces et différents procédés de fabrication du micro-espace. Cette troisième partie va nous donner la possibilité de mettre en lumière les points communs et les différences entre les trois exemples étudiés. Cette mise en cohérence se fera selon la même grille de lecture analytique afin que la comparaison soit la plus précise possible. Le fait d'identifier les dénominateurs communs des micro-espaces servira à la suite de cette étude. Celle-ci cherchera à intégrer les mêmes principes spatiaux dans le logement collectif contemporain. Il est donc nécessaire dans un premier temps de bien comprendre quelles sont les méthodes récurrentes de fabrication et ce qu'elles peuvent permettre dans le logement collectif.

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1. USAGE

ESPACE

Différences : Intérieur – Limite – Extérieur

Chacun de ces espaces prend une implantation différente au sein du bâtiment. L'un se trouve au centre de l'espace et constitue un bloc à part-entière, le suivant se trouve dans l'épaisseur du mur et le dernier lui est une extension de la façade (cf :llustration24) Ces choix spatiaux nous montrent donc différentes possibilités d’installation d'un micro-espace par rapport à un intérieur.

llustration24: Coupes comparatives

Points Communs : Articulation Les micro-espaces sont toujours à la charnière entre deux espaces, que ce soit entre espace de jour ou espace de nuit, entre intérieur et extérieur où entre intimité et grand paysage. Le micro-espace agit généralement comme une transition entre deux univers dont la frontière est trop brutale. Le microespace agit ainsi comme espace tampon qui rend le passage de l'un à l'autre plus facile.

Interprétations : Implantation La place du micro-espace sera une donnée importante dans le logement collectif. En premier lieu, une

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implantation dans l'épaisseur d'une paroi paraît la plus logique afin d'amortir la surface au sol qu'elle utilise. Toutefois, le micro-espace peut aussi prendre place dans un bloc technique central en rendant une façade intérieure active. Enfin, un micro-espace « plug » entrera plus dans une logique de bowwindow et dynamisera la perception extérieure du bâti. Finalement, la transition entre deux espaces est une faculté du micro-espace entièrement exploitable à l'échelle du logement collectif ou public car semi-public, semi-privé et privé sont constamment en confrontation.

FONCTION Différences : Lecture – Jeux - Observatoire Selon le bâtiment dans lequel les micro-espaces sont placés, leur fonction est différente. Dans la maison, il est utilisé comme espace de lecture et de repos alors que dans l'école le micro-espace est utilisé comme espace de jeu pour les enfants. Enfin dans un hôtel où le paysage est un point fort, le micro-espace permet avant tout la contemplation. Le micro-espace s'adresse vraiment à l'utilisateur.

Points Communs : Appropriation Bien que leurs usages soient différents, ces micro-espaces ont la capacité d'être utilisés pleinement par les occupants. Ces micro-espaces, dont les caractéristiques architecturales sont semblables, sont utilisés différemment ce qui montre bien une forte appropriation. De plus, nous pouvons observer que le micro-espace est toujours choisi comme un espace dédié à une fonction qui n'a d'habitude pas de lieu propre. Sans micro-espace, le coin lecture de la maison est le salon, l'espace de jeu de l'école est la salle de classe et le lieu de contemplation est la fenêtre. Ces espaces permettent donc à l'utilisateur de projeter un désir d'exploitation non permis auparavant.

Interprétations : Indétermination D'usages De la même façon, dans le logement collectif, selon l'emplacement du micro-espace (chambre -saloncouloir) dans l'habitat, il sera interprété de manières différentes et permettra plusieurs usages à l'habitant. Nous pouvons voir dans ces trois cas que certains usages sont induits, comme par exemple le mur bibliothèque qui propose un espace de lecture ou la télévision qui incite aussi une affectation du lieu. L'objectif dans le logement collectif étant avant tout une libre appropriation, aucune fonction ne doit être proposée par avance. Il est en effet nécessaire que l'habitant puisse choisir entièrement la destination de l'espace.

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APPROPRIATION Différences : Jonction – Cachette - Intimité Différents moyens sont utilisés pour permettre l'appropriation par ces micro-espaces. L'implantation du micro-espace dans la Mountain House permet vraiment d'investir un lieu entre public et privé. Pour l'école, le fait de créer des espaces à l’échelle de l'enfant permet d’emblée une appropriation. Enfin, le paradoxe du lieu très public et très privé présent dans l'hôtel permet au micro-espace d'exister en tant que lieu pour soi, il est la partie la plus intime de l'hôtel.

Points Communs : Échelle En revanche, nous avons noté que la taille et la géométrie de ces volumes sont quasiment toujours les mêmes et qu'elles n'ont pas d'usage vraiment défini. Ce sont donc des données primordiales quant à l'appropriation par le micro-espace. Celles-ci permettent un vrai dialogue entre l'utilisateur et le micro-espace. De plus, le micro-espace fait fortement appel à l'imaginaire du l'utilisateur, il amène une sensation de cocon, de confort, de cachette, de cabane ou de sécurité, ce qui met en confiance et rend l'appropriation très facile.

Interprétations: Libre Interprétation Afin de permettre l'appropriation dans le logement collectif, tous ces procédés pourront être réinterprétés tout en respectant les données essentielles de taille et d'usage. Les mécanismes de l'imaginaire se fabriquent automatiquement selon l'utilisateur et permettent donc des différences dans l'interprétation du lieu. Aucune pièce ne sera privilégiée pour l'installation d'un micro-espace et de ce fait différents types d'appropriations seront permis.

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2. ASPECTS SENSORIELS

GÉOMÉTRIE 1 5,4 m3 intériorisation bloc rapport au sol 2 rapport au sol entonnoir très bas sous plafond 3,5 m3 3 carré fenêtre rapport au sol

Différences : Bloc – Entonnoir - Cadre

llustration25: Axonométrie comparatives

Ces trois micro-espaces ont tous une géométrie différente qui dépend surtout de leur place dans le bâtiment. Dans l'llustration25, la figure 1 montre bien que le micro-espace est un bloc bâti et autonome, le micro-espace vient se situer à l’intérieur de ce bloc. Les faces du volume sont donc des murs épais et intériorisent le micro-espace. Dans la figure 2, le micro espace se trouve dans l'épaisseur du mur et il amène à une ouverture. Il est en forme d’entonnoir, le rétrécissement permet à l'enfant de se retrouver dans un espace encore plus à son échelle. Enfin dans la figure 3, le microespace est un carré. Cette forme a été choisie pour accentuer l'effet 'cadre' sur le paysage.

Points Communs : Lisibilité Malgré ces différences géométriques, nous remarquons la simplicité dont chaque volume fait preuve. Ce sont des formes élémentaires ce qui permet une extrême lisibilité et finalement une interprétation libre de l'espace. Nous pouvons également constater le volume très réduit de tous les micro-espaces. Ils mesurent

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respectivement 5,4m³, 3,5m³ et 4,8m³. C'est cet ordre de grandeur qui fabrique un micro-espace .

Interprétations: Simplicité Les principes à retenir à l'échelle du logement collectif seront donc ceux de la simplicité géométrique et du volume réduit. D'une part, pour l'appropriation que cela autorise et d'autre part, parce que ces conventions entreront parfaitement dans la logique de surface des logements collectifs contemporains. La simplicité et la petite échelle sont des principes économes, ce qui permet d'investir d'avantage dans la qualité constructive du micro-espace.

ÉCHELLE HUMAINE

Différences : Adultes – Enfants – Adultes La différence d'échelle que nous pouvons constater est seulement celle de l'enfant et de l'adulte. Dans un cas sur trois, le micro-espace s'adresse à des enfants. Nous remarquons que les mêmes démarches sont mises en place comme par exemple, une surélévation du micro-espace par rapport au sol afin de créer une assise. Celle des adultes est d'environ 50cm de haut quant à celle des enfants est de 25cm. Les proportions liées au corps sont donc très bien traitées.

Points Communs : Échelle Du Corps Chaque micro-espace est donc positionné selon une hauteur d'assise habituelle, mais leurs hauteurs et leurs largeurs sont également mesurées au plus proche du corps humain. Pour exemple, la surface s'approche toujours de celle d'un lit afin que l'utilisateur puisse se sentir dans le même type d'espace, fabriqué à la taille du corps. La hauteur ne dépasse jamais les 1,80m afin de ne pas être identifiée comme une hauteur sous plafond conventionnelle et donc marquer une limite entre deux espaces. Le rapport du corps en mouvement à cet espace est lui aussi particulier. En effet le micro-espace ne permet pas de mouvements amples ce qui amène donc à un usage particulier de l'espace.

Interprétations : Échelle De L'utilisateur Comme précisé dans ces exemples, le micro-espace se doit d'être à l'échelle de l'utilisateur afin que

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l'habitant sente un espace dédié à sa personne. De plus, comme nous l'avons constaté, le microespace se rapproche souvent de la dimension du lit. Il pourrait alors peut-être permettre un couchage supplémentaire dans un logement surpeuplé ou un couchage occasionnel. La position du microespace par rapport au sol doit être surélevée pour maintenir une limite entre la pièce et son microespace afin de ne pas considérer le micro-espace comme un simple recoin.

AMBIANCES

Différences : Massif – Fenêtre L'implantation du micro-espace influe sur les différentes ambiances qu'il fabrique. Le micro-espace se trouvant au centre de la pièce est un espace bâti, construit en bois massif ce qui lui donne un aspect solide et chaleureux. Les deux autres micro-espaces sont eux directement en rapport avec la fenêtre ce qui implique une lumière forte dans le micro-espace et donc une ambiance qui en découle.

Points Communs : Chaleureux

llustration26: Photographies comparatives

Nous pouvons remarquer tout de même qu'un traitement particulier est réservé au micro-espace. Dans les trois exemples, c'est le bois qui est choisi pour dessiner le micro-espace. Il est donc facile de penser que c'est avant tout pour son aspect chaleureux que ce matériau a été utilisé, le bois n'étant pas un matériau froid, l'effet cocon souhaité est atteint. Le même espace réalisé en acier n'aurait sans doute pas le même effet. Enfin, nous constatons quand même un rapport particulier à la lumière : lorsque le micro espace est en lien avec la fenêtre, il est gorgé de lumière ce qui le met en valeur par rapport au reste de la pièce. Dans la figure 1 de l'llustration26, nous voyons qu'une lumière est incluse au plafond du micro-espace, les étagères créent donc des ombres et donnent du relief à

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l'espace. La lumière et le matériau rendent l'espace singulier.

Interprétations: Particulier Un travail devra donc être fait sur les ambiances du micro-espace. Il n'est peut-être pas nécessaire de le traiter en bois ou d'y ajouter une lumière, mais le micro-espace doit être lu comme un espace différent et cela passe par les matériaux qui le composent. En outre, le micro-espace est un endroit chaleureux où le confort prime afin de permettre une aisance et un investissement non bridé.

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3. CONSTRUCTION

Différences : Structure Chacun des trois espaces utilise un procédé constructif qui lui est propre car selon sa position, il n'a pas besoin des mêmes systèmes.

Points Communs : Intelligence Constructive Cependant, la fabrication de ces micro-espaces fait appel à des constructions intelligentes qui permettent de gérer plusieurs contraintes à la fois dans chacun des cas. Le côté structurel du microespace de la maison permet un changement de hauteur sous plafond et fabrique un bloc porteur au centre de la maison. Dans l'école maternelle, le micro-espace exploite l'épaisseur du mur et s'en sert aussi pour faire passer des gaines techniques. Puis le troisième exemple, de part son implantation sur la façade, fabrique une structure épaisse car il est en porte-à-faux. Celle-ci est utilisée pour cacher les menuiseries et le système d'occultation des ouvertures. L'aspect constructif augmente donc l’intérêt du micro-espace car il n'est pas un espace qui se sert à lui-même mais il peut entrer dans un système constructif global et donc apporté des solutions.

Interprétations: Au Service De La Spatialité Ces exemples montrent qu'une démarche constructive intelligente peut profiter à l'habitat tout entier. Dans le logement collectif, les gaines, les câbles, les réseaux peuvent être inclus dans l'épaisseur d'un micro-espace. La structure mise en place pour un balcon est finalement la même que pour un micro-espace en porte-à-faux. Les questions de l'occultation, de la lumière et de la ventilation sont primordiales. La protection du vis-à-vis est aussi importante. De même que pour régler une transition de hauteur sous plafond, toujours présente dans les logements collectifs quand se superposent terrasse et pièce intérieur. Il est donc nécessaire dans notre démarche de prendre en compte ces problèmes récurrents et de chercher à les intégrer au système mis en place. Le micro-espace n'est pas seulement gratuit, il doit aussi répondre à des besoins techniques et de confort afin de viabiliser la proposition du micro-espace d'appropriation.

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II. LOGEMENTS COLLECTIFS CONTEMPORAINS – QUELS ESPACES D'APPROPRIATION ?

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Cette deuxième partie entre dans le vif du sujet. Après une analyse détaillée de différents microespaces, nous allons chercher à les placer dans le logement collectif contemporain. Pour parvenir aux résultats finaux, des étapes sont mises en place. Dans un premier temps, il est nécessaire de placer le logement collectif contemporain dans le contexte actuel afin de comprendre tous les enjeux qui lui sont attenants. Nous passerons donc rapidement sur les différentes étapes qui ont contribué à la fabrication du logement collectif d'aujourd'hui. Cette compréhension du système actuel définira un cadre dans lequel nos essais s'inscriront. En effet, il est nécessaire de ne pas sortir de ce contexte afin d'être au plus proche du réel, la question n'étant pas de remettre en question globalement le logement collectif mais bien de poser la question de l'appropriation dans l'habitat. Nous aborderons ensuite la question de l'appropriation, déjà définie en première partie, qui est évidement différente selon le type d'habitat. De nos jours, l'appropriation dans le logement collectif est faite d'une manière particulière dont il est nécessaire de parler. Ce travail effectué, le micro-espace prendra place dans un contexte bien défini. Afin d'insérer le micro-espace de la façon la plus juste possible, nous passerons encore par trois niveaux de mise en situation. Pour débuter, nous nous inspirerons des analyses faites sur nos trois cas d'étude afin d'en ressortir des dispositifs constructifs pouvant être réutilisés dans le logement collectif. Cette première démarche permettra de réfléchir à l'échelle de la construction et donc du détail. Ceci viabilisera le micro-espace d'un point de vue technique. Par la suite, la recherche se concentrera sur les espaces potentiel de l'habitat collectif pouvant accueillir un micro-espace. Ceux-ci seront choisit selon le cadre existant imposé. Cette deuxième échelle de recherche permettra de focaliser sur certains points pour l'étape suivante. Enfin, suite au travail préalable, des typologies existantes seront étudiées. Ce travail constitue la dernière échelle de mise en situation. Elle permettra de vérifier si tous les propos tenus précédemment peuvent en effet être appliqués. Cette partie sera déterminante pour la conclusion de ce travail.

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A. HABITAT COLLECTIF ET APPROPRIATION

Cette partie permet de comprendre ce qu'est l'habitat collectif de nos jours et pourquoi l'appropriation n'est pas la même dans tous les types d'habitats. Nous soulèverons aussi la problématique de l'architecture face au besoin d'appropriation.

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1. GRANDS CONSTATS SUR LE LOGEMENT COLLECTIF CONTEMPORAIN

RAPPEL D'UN CONTEXTE HISTORIQUE Le logement collectif actuel est un héritage culturel des grands ensembles d'après-guerre. Ceux-ci se basent sur les grands principes fondateurs de la Charte d'Athènes 13 écrit par Le Corbusier en 1941. Les objectifs à l'époque étaient : une production massive de logements qui soient reliés rapidement à la ville en donnant de l'importance aux voies de circulation et éviter un étalement urbain tel que le mitage pavillonnaire. De plus, à cette époque, l'utilisation de matériaux plus performants est de mise et a une telle importance qu'elle se range au premier rang des objectifs des grands ensembles avec évidement l'enjeu social du « vivre ensemble ». Toutes ces constructions ont été installées en périphérie de ville et sont rapidement considérées comme des lieux de pauvreté. Les grands ensembles ont donc grandement influencé les constructions actuelles, un peu par leurs idées mais surtout par leurs erreurs. Le logement collectif contemporain décide donc d'agir à l'inverse du grand ensemble.

CADRE ACTUEL DE CONCEPTION DU LOGEMENT Suite aux aspects évoqués ci-dessus, les nouveaux logements collectifs contemporains cherchent à ré-établir un réseau de voiries, intégrer le logement entre espaces verts et parkings pour que la rue redevienne une composante principale du logement collectif. Les bâtiments sont plus petits et contiennent moins de logements pour se rapprocher de l'échelle domestique perdue dans les grands ensembles. Un grand intérêt est également porté sur les façades avec des imbrications de volumes afin de trouver un attrait physique au logement collectif. Pour éviter un amalgame entre ces nouvelles constructions et les anciens grands ensembles aux façades lisses, les concepteurs utilisent de nouveaux outils de production tels que des balcons de couleur, des crépis, du bois, du métal. Tout est mis en place pour appeler à un nouveau désir du logement collectif.

NORMES ET RÉGLEMENTATIONS Dans le logement collectif actuel, les normes et les réglementations influencent grandement la production architecturale. Les principales normes ayant un impact sont les réglementations thermiques et les lois sur l'accessibilité des logements. L'exemple des réglementations d’accessibilité est important à préciser pour cette étude. La thèse « Promoteurs immobiliers privés et problématique 13 Le Corbusier, La Charte d’Athènes (Paris: Seuil, 1971).

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de développement durable urbain » d'Aurélien TABURET14 nous donne un exemple assez frappant : « le surplus de surface pour la norme handicapée c’est 5 m2 quelle que soit la surface (…) Quand vous faites 100 logements, cela fait 500 m2 qu’il faut ensuite multiplier par 2,50 mètres de hauteur sous plafond : ça fait 1 250 m3 ». Ces surfaces données à l'accessibilité ne sont donc plus des surfaces utiles.

ECONOMIE Enfin le facteur économique prend une grande place dans la fabrication des nouveaux logements. Les acquéreurs ne souhaitent pas voir augmenter les prix et les promoteurs veulent en même temps rentabiliser chacun des mètres carré construits. Les contraintes économiques qui s'ajoutent à celles précédemment énoncées amènent à des paradoxes : « les architectes composent aujourd’hui avec une injonction contradictoire les incitant à construire des logements globalement plus petits (gain d’espace), mais dont les pièces ont des surfaces plus importantes (meilleure accessibilité). Dès lors, ils procèdent à des choix radicaux, qui sont aussi le symptôme d’un décalage conceptuel sur les modes d’habiter entre les architectes et les habitants »15 ,comme le dit la revue Métropolitique. Ce sont toutes ces notions qui influent sur la qualité du logement collectif contemporain. « Les producteurs de logements et les économistes tendent à assimiler l'habitat à un objet de consommation marchande, comparable à l'automobile ou aux loisirs, soumis aux règles d'arbitrage dans le budget des ménages et pouvant, de ce fait, se voir appliquer les principes du marketing pour sa conception, au même titre que n'importe quel produit »16

STANDARDISATION De plus, le logement collectif fabrique des logements standards, nos voisins de palier habitent donc dans le même habitat.La question est donc : qu'est ce qui fait que je me sens chez moi dans mon appartement (qui est le même que celui du voisin) ?

14 Aurélien Taburet, “Promoteurs immobiliers prives et problematiques de developpement durable urbain” (université du maine, 2012). 15 “L’architecture sans Les Habitants ? - Métropolitiques,” accessed January 11, 2015, http://www.metropolitiques.eu/L-architecture-sans-les-habitants.html. 16 Michel Bonetti, Habiter : Le bricolage imaginaire de l’espace (Marseille : Paris: Desclée de Brouwer, 1994).

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INFLUENCE SUR LE LOGEMENT Le logement se trouve donc fortement modifié par ces nouvelles composantes, il est moins libre et devient de plus en plus du logement « type ». Suite à ces obligations, les architectes doivent trouver des compromis, ce qui n'est pas du goût de tous. Par exemple, ils suppriment les entrées dans le logement, ce qui permet une économie de surface mais enlève aussi un espace tampon utile à l'habitant. Cependant, les salles de bain et les toilettes deviennent eux, soit une seule et même pièce (accessibilité) soit deux pièces beaucoup trop grandes. « Les innovations portent avant tout sur ce qui est observable à l’extérieur ; les concepteurs cherchent en priorité à révolutionner l’image du quartier par le recours à une esthétique codifiée par les architectes et observable dans de nombreux projets. » Néanmoins, le traitement extérieur du bâtiment n'est pas un besoin exprimé par les habitants ; ils préféreraient de manière générale que l'on s'occupe un peu plus de la qualité de leur logement. La conception du logement s'éloigne donc au fur et à mesure de l'usage.

CONCLUSION Le logement collectif est en perpétuelle évolution. Il essaye aujourd'hui de ne pas reproduire les erreurs du passé en même temps que de nouvelles contraintes font face. De plus en plus de choses sont à gérer et la difficulté que l'on voit apparaître est celle de tout prendre en compte en même temps. Nous pouvons observer qu'actuellement les usages sont laissés pour compte face aux nouvelles problématiques. Ce mémoire a pour but de travailler avec le contexte actuel existant sans chercher à le remettre en question. Cependant, nous chercherons à faciliter l'appropriation dans l'habitat (tel qu'il existe) pour replacer le 'débat' dans le cœur du logement.

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2. PLACE DE L'APPROPRIATION

LE LOGEMENT COLLECTIF – INTIMITÉ Le contexte actuel du logement collectif est maintenant établi. Nous souhaitons dans cette étude nous concentrer sur la façon dont vivent les habitants à l'intérieur des logements et plus précisément sur la problématique de l'appropriation. Cette question est importante car nous sommes actuellement dans une période où le désir de propriété individuelle est dominant. Néanmoins, dans cette même période, des grandes questions sur la densité et le mitage que fabrique l'habitat pavillonnaire sont à l'ordre du jour. Le logement collectif permet ainsi de densifier l'habitat, il est donc une solution pour résoudre certaines des préoccupations. Cependant, celui-ci ne répond pas à tous les besoins de l'individu. La difficulté de l'habitat collectif est de trouver le sentiment de chez-soi, car la cellule de logement est individuelle mais le bâtiment est public. Où se trouve la limite de l'intimité ? Dans l'habitat individuel les paliers d'intimité sont nombreux et lisibles : la rue / la clôture / le jardin / le seuil d'entrée / l'espace intérieur privé. Ce séquençage, quasiment systématique dans nos maisons de banlieue française, est pourtant absent dans les logements collectifs (pour les raisons économiques expliquées auparavant). Les étapes de l'entrée dans le logement collectif sont : la rue / la copropriété / la porte d'entrée / la cage d'escalier / la palier / l'entrée privé. Contrairement à l'habitation individuelle, nous voyons qu'aucune des étapes avant l'entrée permet une transition vers le privé, tous ces espaces sont traversés et vécus par d'autres personnes inconnues. A cela, s'ajoutent les bruits des pas des voisins du dessus, ceux de leur chasse d'eau, les pleurs de l'enfant d'à côté et la sonnette du voisin de palier. Tout ceci n'est évidemment pas que négatif et l'objet de cette étude n'est absolument pas de dévaloriser le concept même de l'habitat collectif. Cependant, l'intimité, comme expliqué en première partie, prend une grande part dans le processus d'appropriation de l'habitat. Dans le logement collectif l'intimité n'est jamais à son paroxysme.

MOBILIERS – DÉCORATIONS Les meubles sont la marque essentielle de l'appropriation dans le logement collectif, leur position est la preuve d'une utilisation de l'espace intrinsèque à l'habitant. Les meubles sont aussi un moyen d'expression d'une culture, tels que les bibelots qui évoquent des souvenirs, ils sont la trace d'un vécu particulier. Dans chaque logement ils seront différents, ou en tout cas utilisés ou placés différemment. Ces gestes d'aménagement sont une première marque d'appropriation. « Le mobilier familial, qui contribue à l'ambiance du logement, semble intéresser aussi vivement les enfants. Ils décrivent volontiers et avec complaisance les meubles de leur chambre et des autres

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pièces dans la maison. C'est aussi par suite de l'influence des parents. En effet, en France, fait que la plupart des familles sont logées sans avoir vraiment exercé leur liberté de choix ; elles pensent le problème du logement en termes de fatalité et reportent, par compensation, sur le mobilier leur désir de liberté et de personnalisation ; le mobilier, les bibelots sont donc des sujets importants dont on discute en famille. »17 Dans cette citation, Georges MESMIN explique cette appropriation via le mobilier par un manque fatal d'appropriation de l'habitat dans l'habitat collectif. Ceci vient du fait que le logement n'est pas un choix réel chez ces personnes mais plutôt une roue de secours. Ils ne projettent pas leurs rêves dans un espace qui n'est pas rêvé. Cependant, l'appropriation rapportée de l'espace (meubles, décorations …) reste un processus très important et inéluctable. Michel BONNETI dans Habiter : Le bricolage imaginaire de l'espace18 dit « Le plus frappant, quand on analyse finement les rapports des individus à leur habitat, c’est l’extrême diversité des modes d’investissement de l’espace et des significations qui y sont associées, ainsi que la multiplicité des facteurs contribuant à cette différenciation. Même parmi les habitants de la plus banale cité HLM, ayant pourtant des caractéristiques sociales et culturelles apparemment homogènes, on ne trouvera pas deux familles vivant de manière identique leur situation habitante et adoptant des pratiques spatiales similaires. » Cette citation illustre bien le besoin, même inconscient, de s'approprier son habitat de quelque manière qui soit.

APPROPRIATION ET ARCHITECTURE L'architecture fabrique de l'espace. Pour de la commande individuelle, l'architecture répond à l'envie d'un client, qui se sent chez lui par le simple fait qu'il ait pu émettre un avis sur la réalisation de son habitat. Il fait construire sa maison, c'est donc la sienne dès les fondations. En revanche pour l'habitat collectif, les futurs occupants n'ont pas leur mot à dire sur la réalisation du logement. Ils doivent donc fabriquer l'appropriation une fois qu'ils occupent les lieux. L'architecture du logement collectif ne tient absolument pas compte du phénomène d'appropriation qui est un processus quasiment vital. L'architecture se contente d'être du logement, une boîte qui intègre les fonctions de l'habiter : manger – dormir – se laver. Cela, non par manque de volonté des architectes ou des constructeurs, mais plutôt parce qu'ils sont contraints économiquement. La question à laquelle cherche à répondre ce mémoire est : comment l'architecture peut-elle proposer un espace d'appropriation qui entrerait dans le cadre actuel de fabrication du logement collectif.

17 Georges Mesmin, L’enfant, l’architecture et l’espace, Édition : 3e éd (Tournai: Casterman, 1993). 18 Bonetti, Habiter.

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« notion d'espace potentiel pour définir ce processus paradoxal par lequel un habitat donné peut à la fois se prêter à une grande variété d’interprétations et d'utilisations et receler des capacités particulières. »19 Michel BONETTI parle ici d'espace potentiel. L'espace potentiel est libéré des usages et il peut accueillir différentes projections spatiales. Le micro-espace, ainsi qu'étudié dans les parties précédentes, répond à ces questions d'appropriation. L'enjeu dans la suite de cette étude sera donc de vérifier si celui-ci peut s'intégrer dans le logement collectif afin de proposer un espace architecturé qui permet l'appropriation.

19 Ibid.

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B. INSERTION DE MICRO-ESPACE

Dans cette partie se trouve la finalité de ce mémoire. Celle-ci va nous permettre de constater si oui ou non l'idée de placer des micro-espaces dans l'habitat collectif est faisable tout en restant dans la démarche économique et sociétale actuelle. Nous allons voir si les constats tirés des cas d'études peuvent être adaptés aux logement collectifs et de quelles façons ils peuvent l'être. Il est important dans cette partie de rappeler que le principe fondateur de cette étude est de rester dans les codes directeurs actuels du logement collectif. Pour cela, la règle d'or est de ne pas intervenir sur la surface du logement afin de rentrer dans le marché actuel. L’intérêt de l'exercice réside dans cette contrainte. Il s'agit de savoir comment l'architecture peut permettre une appropriation de l'espace dans le logement collectif contemporain.

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1. STRATÉGIES CONSTRUCTIVES A la suite de ces constats et grâce aux études de cas faites préalablement, nous pouvons mettre en lumière des stratégies constructives permettant d'insérer, de la meilleure manière, le micro-espace dans le logement collectif. Les micro-espaces doivent être fabriqués dans le but de l'appropriation et doivent également répondre aux questions actuelles de logements collectifs. Nous verrons donc dans cette partie comment de façon générale (et générique), nous pouvons répondre à ces questions.

SURFACE / ÉCONOMIE Comme expliqué précédemment le micro-espace doit rester dans la démarche de rentabilité du logement. Il est primordial pour crédibiliser cette démarche de répondre aux standards de dimensionnement actuels. Les micro-espaces auront donc pour objectif de ne jamais rajouter à la superficie du logement. La surface doit rester inchangée. De plus, d'un point de vue économique, il est envisageable de trouver des concessions ça et là. Cette option ne sera pas développer dans ce mémoire car elle ouvre sur des champs bien plus larges que le domaine étudié. Toutefois, nous aurions pu admettre que la problématique de l'appropriation est plus nécessaire que celle de l'esthétique dans le logement. Dans cette démarche, enlever un bardage extérieur en TRESPA au profit d'un micro-espace intérieur (gage d'une qualité d'habiter) serait, pourquoi pas, une possibilité raisonnée. Savoir où placer l'argent reste, quoi qu'il en soit, une question à laquelle nous n'aurons pas la prétention de répondre.

Fonction Le micro-espace dans l'habitat ne doit avoir comme fonction que celle choisie par l'habitant. Il n'est pas envisageable qu'une action soit projetée préalablement, en revanche son volume doit être entièrement exploité pour ne pas perdre de surface. Dessus, dessous et sur les côtés, les résidus du micro-espace peuvent être utilisés pour répondre aux attentes du logement (rangements, gaines techniques … ).

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Géométrie La simplicité géométrique est encore plus indispensable dans la dynamique du logement collectif. Elle est nécessaire pour l'appropriation mais surtout elle est un gain économique. Le micro-espace doit respecter les dimensions observées auparavant et doit aussi entrer dans les dimensions existantes du logement. Aucune géométrie superficielle ne peut être ajoutée au profit de la surface, du budget et de l'appropriation.

Ambiances Il est quasiment indispensable dans le processus d'identification du micro-espace de le rendre singulier par rapport à l'espace qui l'entoure. Nos études de cas ont montré une attention particulière à cet effet, et le logement collectif doit pouvoir le reproduire. Laisser cet espace dans des matériaux bruts (béton, parpaing...) peut très bien être une solution viable économiquement et spatialement. Le micro-espace n'est pas comme le reste de l'espace, il devient ainsi plus libre d'appropriation.

DISPOSITIFS CONSTRUCTIFS Suite aux différents cas d'études, nous pouvons déterminer différents dispositifs de construction ayant de nombreux avantages à être mis en place dans les logements collectifs. Cette partie évoquera certains d'entre eux pour montrer le micro-espace en tant qu'apport qualitatif spatial non négligeable.

Hauteur Sous Plafond – Transition Le changement de hauteur sous plafond est un fait récurent dans le logement collectif. C'est la superposition de terrasse, d'espace à vivre, d'intérieur et d’extérieur, d'espace isolé et d'espace non isolé qui fabrique des hauteurs sous plafond variées. Ces différences là ne sont pas toujours gérées spatialement et elles restent le fruit d'une construction plus globale. Dans cet exemple,Illustration27, le micro-espace permet une transition entre les deux hauteurs sans pour autant fermer les espaces l'un à l'autre. (cas d'étude : mountain House). Le micro-espace est ici un gain en qualité spatiale, il résout des problèmes spatiaux tout en répondant à la problématique de l'appropriation.

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Illustration27: Schémas comparatif Cas courant / Micro-espace . Hauteur sous plafond

Réseaux De la même façon, les réseaux, les gaines techniques, les systèmes de chauffage ou d'électricité utilisent une surface de mur. En plus d'être parfois encombrants et disgracieux, ces systèmes empêchent une optimisation de l'espace car ils rendent difficile un investissement de l'espace là où ils sont positionnés. Le micro-espace permet de canaliser en un même point ces différents dispositifs, il pourrait permettre de les cacher et de rentabiliser au maximum son espace.

Illustration28: Schémas comparatif Cas courant / micro-espace. Réseaux

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Rangements Le placard mural est une invention du logement collectif contemporain pour, encore une fois, rentabiliser la surface. Il permet en réalité aux habitants de ne pas ajouter de meuble à l'espace et donc d'avoir besoin de moins de surface au sol ; de plus il condamne un mur de tout aménagement. Une fois la fenêtre positionnée, le lit et le bureau n'ont donc guère de choix. Cette stratégie existe quoiqu'il en soit et cette étude n'est pas là pour remettre en question des choix déjà établis. Le microespace peut en revanche prendre place dans cet espace déjà fabriqué. La différence entre le placard et le micro-espace est le choix que l'utilisateur aura quant à la destination de ce lieu. De ce fait, l'appropriation est engendrée.

Illustration29: Schémas comparatif Cas courant – Micro-espace. Rangements

Mieux que de remplacer les rangements, le micro-espace peut en créer. Celui-ci possède un dessous et un dessus qui doivent être des surfaces utiles. Ces rangements renforcent l'idée de parois épaisses et créent un espace chaleureux. Ici aussi, la loi de rentabilisation est au service du micro-espace et de l'appropriation.

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Fenêtre – Murs Épais Les nouvelles réglementations comme celle de la RT2012 20 amène à de nouveaux modes constructifs telle que l'isolation par l'extérieur. Cette nouvelle composition du mur influe évidemment sur son épaisseur. Le paradoxe apparaît donc entre une surface complètement rentabilisée et une surface perdue par ce système. L'enjeu est en conséquence de mettre à profit l'épaisseur du mur en la rendant utile. Le micro-espace peut entièrement prendre place dans ces nouvelles façades épaisses. Si le micro-espace s'ajoute dans le mur épais à l'espace de la fenêtre, d'autres avantages peuvent être tirés, comme par exemple un apport solaire augmenté, ou même une étagère de lumière.

Illustration30: Schémas comparatif cas courant / micro-espace. Mur épais

CONCLUSION Ces différents dispositifs ne peuvent pas tous être appliqués systématiquement, mais il est quasiment certain que dans toutes typologies l'un d'entre eux soit envisageable. Les différentes mises en application du micro-espace sont donc à la fois un réel apport pour l'appropriation, mais elles sont aussi un apport de qualité spatiale évidente. L'insertion d'un micro-espace doit être un travail en synergie avec le travail de détail de l'architecte afin d'optimiser et d'éviter la gratuité du geste. 20

La RT 2012 est la nouvelle réglementation thermique française, née du Grenelle de l'Environnement, et qui fait suite à la réglementation précédemment en vigueur, la RT 2005.

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2. ESPACES POTENTIELS Différentes intégrations constructives peuvent être mises en place pour installer le micro-espace dans le logement collectif. L'échelle d'étude jusqu'à présent est petite, il s'agit donc maintenant de parvenir à replacer le micro-espace dans l'espace du logement. Celui-ci doit être justement positionné et surtout ne pas desservir le reste du logement. Nous prendrons donc en considération les mécanismes habituels du logement collectif contemporain pour déterminer quels espaces peuvent potentiellement devenir des micro-espaces.

NORMES D'ACCESSIBILITÉ

Illustration31: Plan T3 – exemple accessibilité

Les normes d'accessibilité sont très importantes et permettent à n'importe quel logement d'être habité par toute personne en situation de handicap. Celles-ci sont ainsi un progrès non négligeable dans la conception du logement collectif. En revanche, 100% des logements sont accessibles alors que 100% des habitants ne sont pas des personnes handicapées. Ces occupants paient donc une surface qui est pour eux non utile. En outre, les appartements peuvent être handicapables. C'est une solution qui permet de rendre un logement accessible à moindre travaux. Les surfaces nécessaires au passage d'un fauteuil roulant sont donc présentes mais peuvent être exploitées différemment. Le micro-espace peut donc être une manière d'utiliser cet espace. La surface est totalement exploitée ce qui conviendrait et aux habitants et aux vendeurs.

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Illustration32: Schémas comparatifs cas courant / micro-espace. Accessibilité

Nous voyons dans cet exemple que la surface non utilisée devient un micro-espace ouvert sur la cuisine. La surface au sol est donc entièrement rentabilisée. La surface de mur reste exactement la même, donc le micro-espace n'ajoute rien au prix de la construction. Enfin, si le logement doit devenir PMR21, il suffit de déplacer une cloison. L'inconvénient de cette démarche reste tout de même celle de la disparition du micro-espace en cas de handicap. Toutefois, elle n'est pas la seule solution comme implantation spatiale.

FENÊTRES Les espaces de fenêtre produisent souvent un devant de fenêtre. Il faut pouvoir l'ouvrir et donc ne pas encombrer cette zone. Cet espace est une surface délaissée puisque inutilisable. Une fois encore le micro-espace peut meubler cette zone en intégrant la fenêtre. Comme expliqué dans les cas d'études, plus que de rentabiliser des mètres carré le micro-espace aura aussi un rôle de mise en scène de la fenêtre. Celle-ci pouvant à la fois cadrer une vue, gérer un vis-à-vis ou permettre une entrée de lumière, elle est de plus un lieu d'entre deux. La fenêtre lie l'intérieur et l'extérieur, cet espace de transition est donc très propice à l'appropriation.

21 PMR signifie Personne à Mobilité Réduite.

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Illustration33: Schémas comparatifs Cas courant / micro-espace , Fenêtre

Illustration33,nous voyons dans ces schémas que le micro-espace prend la place de la surface non utilisée jusqu'à présent. Pour la mise en place de cette alcôve, il est nécessaire de fabriquer deux façades en plus, mais nous pouvons les considérer comme rentabilisées par la surface au sol qui devient un espace utile.

APPARTEMENTS MITOYENS Le logement collectif vise à créer des logements les uns à côté des autres. La notion de propriété individuelle n'est donc pas la même, mais il est nécessaire de faire en sorte que chacun se sente chez lui. Pour cela les limites entre deux appartements sont importantes à traiter, notamment l'aspect acoustique pour que deux habitats puissent avoir leur intimité. Le mur épais peut être une réponse cohérente à cette attente. Il est possible de placer des micro-espaces dans cette paroi afin, à la fois de l'épaissir, mais aussi de créer des espaces d'intimité en limite. Ceux-ci pourraient fabriquer un espace tampon entre deux logements.

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Illustration34: Schémas comparatifs Cas courant / Micro-espace. Mur mitoyen

Illustration34, nous voyons qu'également la réalisation du mur de séparation est un peu complexifiée par le micro-espace. En revanche, cette application du micro-espace permet une vraie limite épaisse entre deux habitats. L'espace tampon souhaité est lui aussi fabriqué par les micro-espaces. Cette installation ne fait en outre pas perdre de surface au sol, elle est juste répartie différemment mais de façon égale entre les deux appartements.

CIRCULATIONS Les espaces de circulation ne sont pas considérés comme des surfaces utiles. Ils sont en effet un lieu de passage où rarement une activité prend place. Il est donc intéressant, dans une démarche de rentabilisation, d'y intégrer le micro-espace afin de trouver une fonction à ce lieu. De plus les circulations étant des espaces de transition entre deux pièces, elles semblent être un lieu idéal pour le micro-espace. En effet, celui-ci n'ayant pas d'usage précis, le fait de ne pas l'associer directement à un espace peut permettre une appropriation encore plus libre.

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Illustration35: Schémas comparatifs Cas courant / Micro-espace. Circulation

La circulation devient donc un espace utilisable. Ce n'est plus seulement une surface de transition mais elle permet un stationnement tout en proposant un micro-espace d'appropriation là où habituellement on ne fait que passer.

CONCLUSION Les espaces potentiels dans les logements s’adaptent à la demande de surface standard des logements collectifs. Ceux-ci s'ajoutent aux différents dispositifs constructifs étudiés précédemment. Ces différents exemples d'espaces peuvent être recensés dans la grande majorité des logements collectifs, ils y sont donc applicables. Il faut de ce fait retenir que les micro-espaces dans le logement collectif s'intègrent de préférence là où il y a une surface perdue, de façon à la rentabiliser et donc à viabiliser le micro-espace. Celui-ci permet en plus une appropriation différente du lieu car il lui ajoute un usage qui reste à définir par l'utilisateur.

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3. MISE EN APPLICATION Les précédentes parties ont cherché à mettre en avant les éventuelles possibilités et avantages de l'inclusion du micro-espace dans du logement collectif. Le travail qui suit a pour but de mettre en application ces propositions dans des plans de logements collectifs existant. Les plans, supports de travail, ont été choisi au hasard afin d'arriver à une réelle confrontation de l'idée face au logement collectif contemporain. Plusieurs cas ont été traités, mais seulement deux illustrerons ce processus d'intégration. Il est nécessaire de préciser qu'aucun architecte ou promoteur ne sera cité. Le but de la recherche n'étant pas de pointer du doigt des réalisations pour leurs défauts ou qualités, mais plutôt de vérifier si la démarche démontrée depuis le début de ce mémoire reste pertinente dans des conditions actuelles. Les cas étudiés permettront de conclure sur la viabilité ou non de la démarche d’intégrer des microespaces dans l'habitat collectif selon les conventions actuelles. Les différentes typologies étudiées seront, pour l'exercice, utilisées dans la totalité de la surface afin de voir à quels points des micro-espaces pourraient être intégrés. Dans un cas d'exécution réelle du processus, un seul micro-espace est suffisant pour permettre une appropriation. Le micro-espace n'est pas et ne doit pas devenir une réponse systématique.

CAS 1 Identification Des Espaces Potentiels Et Application Illustration36 Nous pouvons observer dans ce cas plusieurs des espaces potentiels ayant été identifiés précédemment. Les espaces de fenêtre, les normes d'accessibilité, les murs mitoyens et les circulations semblent exploitables pour l'insertion du micro-espace.

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Illustration36: Plan Cas 1

FENETRE 1 & 2

Illustration37: Plan état des lieux – fenêtre 1

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Illustration38: Plan état des lieux – fenêtre 2

Dans le plan de situation du logement Illustration37et38 , nous pouvons identifier un décroché en façade, s'il est là pour une question de vis-à-vis nous pouvons estimer que le micro-espace peut s'en charger. C'est pour éviter ce décroché et pour profiter à la chambre que le micro-espace peut s'insérer dans cet espace. De plus, cet endroit est aussi le lieu de la fenêtre, et comme vu précédemment, cet espace a de grandes qualités à offrir au micro-espace. La vue en plan, plus détaillée, montre des éléments pouvant être réinsérés dans les micro-espaces selon les dispositifs constructifs proposés avant. La particularité de l'espace de fenêtre 2 est l'espace dédié à l’accessibilité qui peut d'autant plus être utilisé.

Illustration39: Micro-espace – fenêtre 1

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Le micro-espace permet ici un alignement en façade extérieure. La fenêtre est devenue plus grande afin de proposer un micro-espace confortable. De plus, l'épaississement du mur permet de gérer les vis-à-vis et d'y installer éventuellement des rangements. Le radiateur peut être intégrer à la construction. Nous voyons aussi que la zone d'ouvrant de la fenêtre est incluse au micro-espace ce qui rend sa surface utile.

Illustration40: Micro-espace – fenêtre 2

Le micro-espace est intégré ici de la même manière : il s'implante dans l'espace de la fenêtre. La différence à noter étant que celui-ci empiète sur la zone de dégagement handicapé. Le micro-espace transforme donc cette chambre en chambre handicapable.

WC & SALLE DE BAIN

Illustration41: Plan état des lieux – WC

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Illustration42: Plan état des lieux -Salle de Bain

Ces deux espaces sont potentiellement exploitables pour des raisons similaires. D'une part, ils sont tous les deux en lien avec l'espace de circulation, qui est un lieu intéressant à exploiter, et d'autre part, les deux espaces incluent des normes d’accessibilité ce qui offre une surface importante à utiliser.

Illustration43: Plan état des lieux -Salle de Bain & WC

Les micro-espaces utilisent ici tous les deux la surface nécessaire à l'accessibilité du logement, ceuxci deviennent donc handicapable. Ces micro-espaces permettent de proposer un usage à l'espace de circulation auquel ils sont attenants. Le micro-espace permet donc d'amortir une surface auparavant sans usage. De plus, tous les rangements et réseaux peuvent être inclus dans la fabrication du microespace.

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MUR MITOYEN

Illustration44: Plan état des lieux

L'espace de la paroi séparatrice offre lui aussi un potentiel d'exploitation. Dans ce cas particulier, il intègre de nombreux réseaux qui peuvent entrer dans la fabrication du micro-espace. L’intérêt de cette position pour l'appropriation est la fabrication d'un espace tampon entre le chez-soi et le chez-lui. De plus l'ouverture sur une pièce de jour permet un usage particulier du micro-espace.

Illustration45: Micro-espace – mur mitoyen

Nous voyons dans cette mise en application que le micro-espace permet à la fois d’intégrer des réseaux, de créer une paroi épaisse et de proposer un espace d'appropriation.

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Conclusion Ce premier cas de mise en application confirme l'hypothèse que le micro-espace peut être intégré dans le logement collectif contemporain. Il est quand même nécessaire de remarquer que dans le but de ne pas faire augmenter la surface totale du logement, le micro-espace empiète sur une surface existante. La tentative est donc de choisir des lieux où cette surface n'a pas un usage maximisé afin de pouvoir lui donner une plus-value. Néanmoins, l'objectif primordial reste celui de l'appropriation, et surtout comment peut-elle être prise en compte par l'architecture dans le logement collectif. Le cas précédent répond donc à nos attentes.

CAS 2 Identification Des Espaces Potentiels Et Application

Illustration46: Plan État Des Lieux

Les espaces potentiels identifiés dans ces différents appartements sont les mêmes que ceux pressentis. Nous avons relevé les placards, les murs mitoyens et les WC comportant une zone de

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dégagement utilisable et un emplacement stratégique dans l'habitat. MUR MITOYEN

Illustration47: Plan état des lieux – Mur mitoyen

Nous observons dans cette limite entre les deux habitats qu'elle est déjà partiellement meublée par une bande active appartenant à la cuisine. Dans la mesure où l'occupation de cette paroi permet avant tout de créer un espace tampon entre deux logements, il semble intéressant de prolonger cette bande active. Nous pouvons admettre que cette façade ne sera occupée que par des meubles et ne propose pas un usage précis. Le micro-espace peut donc utilisé cette surface pour proposer un espace d'appropriation tout en intégrant des rangements afin de ne pas condamner toute cette bande. De plus, ce positionnement dans l'espace est intéressant car il est ouvert sur le salon et participe à l'espace de vie.

Illustration48: Micro-espace – Mur mitoyen

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PLACARD

Illustration49: Plan état des lieux - Placard

Illustration50: Micro-espace – Placard

Illustration49, nous pouvons identifier le potentiel du placard d'entrée. Il est face à un grand dégagement d'entrée

et il est aussi en lien avec le séjour. Comme expliqué précédemment, un

placard a un usage imposé, il sert de rangement. Le micro-espace qui rentre dans les mêmes dimensions propose un espace d'usage, mais celui-ci n'est en rien défini. Dans les propositions de mise en application du micro-espace (Illustration50) nous pouvons trouver deux solutions. La première crée un espace ouvert sur l'entrée, plus en recul des pièces de vie. Cette option est intéressante car l'entrée est un espace tampon en tension entre le public et le privé et aucune fonction ne lui est attribuée. Le micro-espace propose donc une utilisation de l'entrée de la même façon que pour les espaces de circulation ; le micro-espace rend une surface utile. La deuxième proposition consiste elle à ouvrir le micro-espace sur l'espace du séjour. Il peut donc dans ce cas participer aux espaces de vie tout en étant un lieu identifié. Ici, le micro-espace devient lui même l'espace tampon entre l'entrée et le séjour, son utilité est doublé.

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WC

Illustration51: Plan état des lieux – WC

Illustration52: Micro-espace - Placard

Comme vu dans le Cas1, les zones destinées à rendre un appartement accessible peuvent être détournée si nul n'en a besoin. C'est la proposition qui a été faite pour ce WC. Illustration51; le grand avantage dans la position actuelle des sanitaires c'est qu'ils sont directement en contact avec les pièces de jour. Illustration52, le WC devient handicapable afin d'utiliser cette surface pleinement. Le micro-espace est ouvert sur le salon et permet aussi de créer une zone tampon entre toilettes et pièce de vie.

Conclusion Nous pouvons observer que dans ce cas aussi, les micro-espaces peuvent aussi prendre place de manière à être justifiés spatialement et économiquement. De plus, il répondent aux attentes de l'appropriation, en proposant toujours un espace indépendant face aux autres pièces de l'habitat. Leurs limites sont franches et les usages restent libres notamment grâce à leur position dans le logement.

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CONCLUSION

L'appropriation peut être engendrée par l'architecture. Ce mémoire met l'accent sur les micro-espaces, en démontrant qu'ils sont en effet un moyen d'appropriation de l'espace. Ils le permettent car ils sont dénués d'usages ; cela permet à l'habitant de choisir la destination de ce lieu. Le micro-espace n'est certainement pas le seul moyen architectural pour favoriser une appropriation. Il est important dans un premier temps que cette question reste dans les esprits : Pourquoi l'architecture ne prend-t-elle pas en compte, dans la majorité des cas, le processus inéluctable de l'appropriation ? C'est en partie parce que cette question est arrivée à nos esprits que ce mémoire a été fait. Nous ne pensons pas avoir balayé la question dans sa totalité, loin de là. Il faudrait continuer cette recherche afin de déterminer d'autres stratégies spatiales favorables à l'appropriation. Nous ne sommes pas d'ailleurs à l'abri d'en trouver une plus intelligente. Quoiqu'il en soit, le micro-espace est une des solutions et nous avons pu le vérifier tout au long de cette étude. Maintenant que nous savons que la problématique de l'appropriation peut être intégrée dans du logement collectif, il est surtout nécessaire d'y réfléchir en amont. Si nous replaçons l'appropriation dans les priorités du cahier des charges, celle-ci peut donc entrer dans le processus de création et aboutir de façon encore plus pertinente. Comme énoncé dès le départ, cette recherche s'est orientée seulement sur le logement collectif contemporain et sur toutes les composantes qui le fabriquent. Ce cadre limite néanmoins la production du micro-espace. Nous voyons par exemple, sauf cas exceptionnel, qu'un micro-espace comme celui de la Mountain House aurait bien du mal à entrer dans l'habitat collectif. Pourtant il s'agit du seul exemple concernant l'habitat, peut-être est-ce la meilleure manière d'implanter le microespace. En effet sa position centrale exprime un centre chaud, la mise en abîme de l'intimité. Ce micro-espace aurait bien du mérite à prendre place dans tous les appartements, l'appropriation serait maximisée. Nous savons donc que l'appropriation est une valeur qui doit restée chère à l'architecture de l'habitat. Or, dans le logement collectif elle est bridée par toutes les normes et autres règles. Le micro-espace répond à certaines de nos attentes mais il ne peut pas prendre place à sa juste valeur. Peut-être que le logement pourrait-être pensé en fonction de lui, ou en tous cas en fonction de l'usage selon l'habitant. Si cela était le cas, nous nous serions rendu-compte bien avant de la nécessité d'introduire

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l'appropriation dans l'espace en lui même. L'exercice qui a été fait est celui d'incruster des micro-espaces dans des typologies existantes seulement pour vérifier une idée. Nous aurions pu aller jusqu'à dessiner un logement de A à Z en considérant le micro-espace comme inéluctable, la typologie s'en serait sûrement trouvée entièrement changée.

Ce mémoire ouvre aussi sur la question programmatique du logement collectif. Les tendances actuelles amènent à construire des T2, des T3 … La question ne tourne pas réellement autour des fonctions de l'habiter, mais plutôt autour de « quelle typologie ». Le logement ne devrait-il pas avoir comme ambition de loger des personnes avec un soucis de qualité spatiale débarrassée de toutes réponses systématiques. Quels sont les véritables objectifs de l'habitat ? Si la fabrication du logement parvient à être remise en question alors des problématiques telles que celle de l'appropriation pourraient prendre une place plus importante. Il s'agit de remettre les usages et le bien-être des habitants au centre des préoccupations. Enfin, le travail qui a été fait dans ce mémoire soumet des solutions pour que l'architecture propose un espace d'appropriation. Le rôle de l'architecte est donc clair, mais nous pouvons nous interroger sur l'intervention de l'utilisateur sur le micro-espace. A quel point peut-il devenir un espace personnel ? Ne serait-ce pas possible d'aller plus loin dans la conception de l'espace d'appropriation en y trouvant des espaces dédiés à l'action personnelle de l'habitant. Nous le savons l'appropriation est en grande part créée par les usagers, il n'est pas question ici de leur demander d'en faire moins, mais de continuer à réfléchir comment cette appropriation pourrait être facilitée. Pourrions-nous penser à des « zones d'expression » dans l'habitat ? Nous ne sommes pas allé au bout de l’expérience de l'appropriation et il est nécessaire d'approfondir ces questions dans toutes les échelles de l'habitat. Nous pouvons donc en conclure que l'appropriation peut-être une problématique de l'architecture. L'architecture d'appropriation peut prendre place dans le logement collectif. L'enjeu actuel est donc de le penser pendant le processus de conception (processus de conception qui gagnerait à être remis en question). L'appropriation personnelle doit pouvoir continuer à exister malgré l'intervention architecturale, c'est pourquoi nous devons pousser la réflexion à différentes échelles.

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BIBLIOGRAPHIE

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VIDEO :

CONSTRUIRE LE VIDE. at <http://www.blurb.fr/b/4004779-construire-le-vide>


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