CONTRAIN CRÉATIVE TOME UN 1
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CONTRAINTES CRÉATIVES TOME UN Mathieu Hoppenot 3
SOMMAIRE
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AVANT-PROPOS
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INTRODUCTION
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LE GRAPHISTE CRÉE LA CONTRAINTE
14 16 18 20
le le le le
hasard hasard hasard hasard
22 24 26 28
le le le le
support support support support
30 32 34 36
le le le le
matériau matériau matériau matériau
38 40 42 44
l’espace l’espace l’espace l’espace
46 48 50 52
la la la la
lumière lumière lumière lumière
54 56 58 60
le le le le
paramètre paramètre paramètre paramètre
62 64 66 68
l’algorithme l’algorithme l’algorithme l’algorithme
71
-
volumes volumes volumes volumes volumes
85 86 88 91 94 96
voxels voxels voxels voxels voxels voxels
109 5
fondamentaux références papier froissé erreur -
fondamentaux références découpe/pli adapter -
fondamentaux références kenex voxel
fondamentaux références cube isotope -
fondamentaux références rayure volume -
-
fondamentaux références 1 carré de 4 cases concave/convexe
fondamentaux références fractale pourcentage
LA CONTRAINTE CRÉE LES FORMES
75 76 78 80 82
99 100 102 104 106
-
-
-
alphabet modifier la forme changer son point de vue varier les volumes
alphabet les variables aviver la dimension colorier & animer sortir de la feuille
découpe/pli découpe/pli découpe/pli découpe/pli découpe/pli
-
alphabet symétrie axiale un fond de lumière éclairer
CONCLUSION DU TOME 1
AVANT-PROPOS Une autre bien fausse idée qui a également cours actuellement, c’est l’équivalence que l’on établit entre inspiration, exploration du subconscient et libération, entre hasard, automatisme et liberté. Or, cette inspiration qui consiste à obéir aveuglement à toute impulsion est en réalité un esclavage. Le classique qui écrit sa tragédie en observant un certain nombre de règles qu’il connaît est plus libre que le poète qui écrit ce qui lui passe par la tête et qui est l’esclave d’autres règles qu’il ignore. Raymond Quenaud, dans Bâtons, chiffres et lettres.
Violence qu’on exerce contre quelqu’un, pour l’obliger à faire quelque chose malgré lui ou pour l’empêcher de faire ce qu’il voudrait.
Il peut paraître étonnant de considérer que la présence de nombreuses contraintes ne nuit pas à l’abondance de liberté. Il suffit pourtant d’envisager un instant sous cet angle particulier les nombreux problèmes mathématiques, les oeuvres musicales, la littérature ou la création artistique en général pour se rendre compte que l’asservissement aux lois de la logique, loin d’interdire la liberté, est précisément la source de la créativité. L’angoisse engendrée par la feuille blanche, espace libre et sans contrainte, qui verrouille la prise d’initiative, en est un bon exemple. La présence de contraintes permet de composer avec elles pour inventer de nouveaux dispositifs et de nouvelles pratiques. Les contraintes portent en elles, potentiellement, toutes les innovations et les inventions. Au lieu de contraindre le processus créatif, elles l’encadrent et favorisent une interprétation différente.
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INTRODUCTION Le designer exerce un métier de contraintes car il réunit les impératifs des différents protagonistes pour les formaliser en un produit esthétique et fonctionnel. C’est d’ailleurs la plus grande différence entre un artiste et un designer: le designer répond à une demande précise quand l’artiste n’agit le plus souvent que de son plein gré. Tout designer qui rentre dans un processus de création par une demande extérieure est confronté à trois niveaux de contraintes. Les premières d’entre elles sont définies dans le brief. Il n’a aucune main dessus et doit composer avec elles. Il y répond avec un bon nombre d’outils qui amènent avec eux autant de contraintes. Puis le designer peut s’infliger un troisième niveau de contraintes : les contraintes volontaires, celles qui font partie intégrante du processus créatif puisqu’elles ne découlent que de la propre volonté du designer, quand le brief et les outils sont d’ores et déjà définis. Le brief présente les faits nécessaires à une agence chargée de formuler une proposition pour une action ou une création marketing. Il expose, entre autres, les objectifs et la stratégie de l’annonceur et éventuellement un budget et les contraintes d’action. Le designer se doit alors de respecter un budget, des délais, une charte graphique, une gamme chromatique, des techniques d’impression, des papiers etc.
Pour apporter une réponse graphique à ce brief, le designer a le choix entre plusieurs outils qu’il maîtrise. A noter qu’avec l’avènement de la PAO, ces différents instruments ont tendance à se regrouper par applications ce qui, au nom d’une homogénéisation des types de fichiers, a pour conséquence la diminution du champ des possibles. Et, chaque outil amenant son lot de contraintes et chaque contrainte amenant son lot d’innovations, les productions contemporaines s’uniformisent. Plus l’outil est utilisé, moins il offre d’innovation. C’est pour cette raison que l’on peut affirmer que l’outil n’est plus une contrainte créative.
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Dans cette production de plus en plus homogène, un graphiste peut se différencier d’un autre graphiste au moyen des contraintes qu’il s’impose (des choix qui reposent sur une logique). L’assujettissement volontaire aux contraintes est une option pour le designer de se choisir une règle obligatoire utilisée sciemment comme un moteur créatif pour lui réduire sa liberté d’action. En se contraignant, il sort des sentiers battus et exprime davantage sa créativité. Un créatif est alors un chercheur de bonnes contraintes: assez restreintes pour le guider mais pas trop fermées pour qu’il puisse les réorienter de temps en temps. Ces contraintes volontaires peuvent être catégorisées en plusieurs classes, de la plus aléatoire à la plus contrôlée:
Le hasard Le support Le matériau L’espace La lumière Le paramètre L’algorithme
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En faisant intervenir ces contraintes volontaires, le graphiste rationalise son processus de création en le faisant reposer sur des facteurs qu’il peut alors changer pour modifier la forme finale, comme une équation dans laquelle les inconnues peuvent changer au bon vouloir du mathématicien pour donner des résultats variés, mais logiquement liés entre eux. Je serai amené à un moment donné à me raccrocher à un contexte réel afin de prouver qu’un système de contraintes peut se moduler en modifiant certains de ses facteurs. Après avoir trouvé la contrainte, je tâcherai de lui faire générer des formes. Ensuite, je réinjecterai dans ses formes un contexte réel: la typographie.
Peinture Dans le milieu artistique les contraintes sont nettements plus sévères que dans le graphisme, pour la simple et bonne raison que le graphiste est moins libre que l’artiste puisqu’il s’inscrit dans un contexte économique incluant des obligations de temps et d’argent. On peut ainsi dire que, dans le domaine du design, les contraintes volontaires sont un outil créatif tandis que dans le domaine artistique, les contraintes volontaires relèvent plus du jeu et du challenge. Beaucoup d’artistes se sont déjà amusés à explorer leurs limites en s’infligeant des contraines à première vue infranchissables.
Oupeinpo, contraction d’ouvroir de peinture potentielle, s’est créé en 1980 au sein de l’Ou-XPo afin d’inventer des formes, des contraintes mathématiques, logiques ou ludiques capables de soutenir le travail des peintres et plus généralement des artistes visuels. Parmis les contraintes de l’Oupeinpo: contrainte minimale: partir d’une grande tache noire ou d’un carré noir dans un coin pour arriver à un carré blanc dans le coin opposé en faisant oublier le noir initial. contrainte industrielle: partir d’une forme bien définie à l’avance et progresser dans le dessin en enlevant ou en ajoutant un élément à cette forme toujours répétée. contrainte accessoire: poser un point rouge de façon régulière dans votre espace et tenter de faireoublier cette régularité. contrainte progressive fluctuante: diviser l’oeuvre en carreaux et n’utiliser jamais dans le suivant ce qui a été utilisé dans le prédédent. Tout est bon pour se mettre des bâtons dans les roues : limiter le temps d’action, limiter la quantité de peinture, exiger un pastiche ou une copie avec des tubes comportant une quantité égale de couleur. exemple: avec 5 pinceaux plongés dans des couleurs différentes et sans reprendre de couleur, faire le portrait de Monna Lisa en 5 minutes. Travailler sous la contrainte, se mesurer à des interdits, à des impossibilités, c’est la démarche de Matthew Barney dans sa série Drawing Restraint. Par exemple, son Drawing Restraint 18 propose de peindre en faisant du trampoline.
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Littérature
Cinéma
Musique
Georges Perrec s’est illustré dans l’exercice de la contrainte en expérimentant dans tous les domaines de la littérature. Nous pouvons citer son célèbre pangramme (phrase comportant toutes les lettres de l’alphabet):
Explorer les contraintes, c’est aussi explorer ses limites. Alfred Hitchcock, dans Rope (1948) est littéralement allé au bout du support physique, de la pellicule, en donnant l’impression d’un unique plan-séquence (en réalité coupé en deux parties). Cette contrainte volontaire a accentué la proximité avec le type théâtral, déjà appuyée par le huit-clos.
Contrairement aux autres domaines, la musique est intimement liée à la notion de contrainte. Une musique doit être rythmée, elle doit donc respecter des séquences.
Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume Perrec est aussi et surtout célèbre pour son Grand Palindrome de 1247 mots (1969) et pour son roman La disparition (1969) dans lequel l’utilisation de la lettre e est totalement proscrite. Ce concept a été repris par Christine Brooke-Rose en 1996 dans son Remake, avec la lettre t. Des variantes ont ensuite émergé comme Le Train de Nulle Part, roman de 2004 de 233 pages écrit par Michel Dansel (sous le pseudonyme de Michel Thaler) dans lequel aucun verbe n’est présent. Georges Perrec a aussi développé des tautogrammes (tous les mots du texte commencent par la même lettre) dont le plus célèbre reste Ma Mère. Enfin, il s’essaya à la contrainte du prisonnier, forme de lipogrammes, où il se restreignit à l’utilisation des lettres sans hampe ni queue. Les membres de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), entraînés par Raymond Queneau, ont mis en évidence l’usage et l’utilité de la contrainte en littérature et l’ont beaucoup exploitée. Notons aussi que certains domaines de la littérature sont définis par les contraintes qu’ils portent en eux : les poèmes doivent respecter les mesures ainsi que les rimes, les haïkus doivent comporter un hokku de 17 mores et un verset de 14 mores etc.
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Mais la contrainte a pris son véritable essor au cinéma en 1995 lorsque les réalisateurs Lars von Trier et Thomas Vinterberg ont lancé le mouvement du Dogme95. Le manifeste du Dogme95 est une liste de contraintes très lourdes auxquelles les réalisateurs doivent se plier en faisant ledit «Vœu de chasteté» pour obtenir le label officiel du genre. Le tournage doit être fait sur place, les accessoires et décors ne doivent pas être amenés, la caméra doit être portée à la main, le film doit être en couleurs, pas de postproduction, pas de traitement optique, pas de détournement temporel ou géographique etc. Les films en ressortent plus vifs, nerveux, brutaux et réalistes. Le théâtre expérimental s’est inspiré du Dogme95 en proposant le Dogme 2002, un système de contraintes tout aussi restrictives. La contrainte peut aussi guider certaines interprétations théâtrales. C’est le cas de Bertolt Brecht, théoricien d’un théâtre didactique ayant pour but la prise de conscience et l’action du spectateur. Il essaie pour cela de créer une distanciation entre spectateurs et personnages, afin d’empêcher l’identification. Dans son théâtre épique, l’acteur doit plus raconter qu’incarner, susciter la réflexion et le jugement plus que l’identification.
Fred Lerdahl, professeur de composition musicale et grand théoricien de la musique, propose dans Contraintes Cognitives sur les Systèmes de Composition (1988) le concept d’une «grammaire musicale», un ensemble limité de règles qui peuvent générer une infinité de grands ensembles de manifestations musicales et/ou leurs descriptions structurelles. Pierre Boulez fait usage dans Le Marteau sans Maître (1954) d’une technique personnelle de multiplication de complexes sériels avec une grande inter-dépendance des relations de hauteur, de rythme et de timbre. L’exploration de ces nouveaux modes combinatoires valut à Boulez le statut de compositeur emblématique du XXe siècle. En réaction aux techniques de composition aléatoire chez John Cage auquel il reproche l’usage peu contraignant d’un hasard « par inadvertance », Boulez introduit une part de hasard nettement plus contrôlé dans ses œuvres dès 1957 en laissant à l’interprète le choix de jouer ou non certains fragments, ou de changer leur ordonnance. Plus récemment, l’orchestre The Vegetable Orchestra a fait le buzz sur internet en jouant avec des instruments peu banals : des légumes. En se contraignant aux matières organiques des légumes qu’il découpe et creuse méticuleusement, l’orchestre obtient des sonorités très particulières qui rendent leurs oeuvres totalement uniques.
L G C L C 12
LE GRAPHISTE CRテ右 LA CONTRAINT 13
LE HASARD FONDAMENTAUX
Si on tient compte du point de vue déterministe des sciences, tout phénomène a nécessairement une cause. Donc, on ne peut qualifier de hasardeux que les systèmes dynamiques dont le niveau de complexité est tel que l’esprit humain ne peut en déterminer le devenir. On utilise le hasard afin de simplifier les analyses, mais pas seulement : de nombreux phénomènes réels étant imprévisibles, on a besoin de savoir utiliser le hasard si on veut les copier ; c’est notamment le cas pour les simulations. Et puisqu’on utilise le hasard, il serait plus pratique de pouvoir directement le produire, ceci à des fins d’efficacité. Il est alors possible d’avoir recours aux phénomènes imprévibles (dés, roulettes), mais aussi aux phénomènes mathématiques imprévisibles (divisions euclidiennes) et aux phénomènes physiques. Bien que le hasard soit une contrainte imprévisible, il peut être maîtrisé. Si le hasard est événement, il ne peut pas pour autant prendre n’importe quelle forme.
Le thème art et hasard a déjà été abordé à maintes reprises dans l’histoire de l’art et ce mémoire n’a pas pour vocation de répéter ce qui a déjà été dit sur le sujet. Je peux néanmoins citer la quatrième de couverture de La mécanique de l’imprévisible : Art et hasard autour de 1960, écrit par l’historien de l’art contemporain Pierre Saurisse, qui me semble bien résumer l’état actuel des choses.
Rares sont les œuvres qui revendiquent leur dette envers le hasard. L’aléa est pourtant mis à contribution dans le processus de création autour de 1960 comme jamais auparavant. Prenant le contre-pied de l’accident de matière tel que l’incarnaient les toiles de Pollock, de nombreux artistes, à Paris comme à New York, placent méthodiquement et ouvertement l’incontrôlé au cœur de leur création. [...] Cet intérêt sans précédent pour le hasard vit se multiplier les mécanismes visant à faire surgir l’imprévisible au sein des œuvres. Pierre Saurisse
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Le premier questionnement sur le lien entre le hasard et le graphisme date de la fin du XIXe siècle. Stéphane Mallarmé, poète très pointilleux, écrit le poème typographique Un coup de dés jamais n’abolira le hasard en 1897, dans lequel le sens du texte est étroitement lié à sa mise en scène. Cette volonté de traduire en forme un sens est la définition même du graphisme qui consiste à créer ou choisir des éléments graphiques pour élaborer un objet de communication. Le hasard se situe entre les mathématiques et la psychologie. Les mathématiques le traduisent par les probabilités tandis que la psychologie le traduit par nos perceptions fluctuantes.
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Le rôle du graphiste s’approche alors de celui du chercheur. Après avoir provoqué une réaction imprévisible en ayant tenté d’anticiper ses conséquences, il peut rechercher dans les formes créées des éléments qui l’intéressent pour ensuite les réinjecter dans son propos. Pour résumer, le graphiste crée la contrainte puis la contrainte crée des formes qui vont ensuite évoluer dans un contexte extérieur.
LE HASARD RÉFÉRENCES
Les références proposées ici sont issues dans un premier temps du monde artistique. Le hasard marque de son empreinte les oeuvres de nombreux artistes, qui voient dans l’aléatoire un moyen d’expérimentation. Niki de Saint Phalle a inventé une nouvelle manière de peindre avec ses Tirs: fixés sur une planche, des tubes emplis de couleurs sont recouverts de plâtre et sont percés à l’aide de tirs à la carabine. L’aléatoire donne à son oeuvre un statut de performance artistique.
Niki de Saint Phalle Les Tirs (1961)
Les machines fantaisistes de Jean Tinguely qui comprennent des éléments programmés dus au fruit du hasard et appelés «Métamatics» sont des machines destinées à la fabrication de dessins ou pouvant s’autodétruire.
Jean Tinguely Cyclograveur (1960)
S’inspirant du hasard pour créer, Daniel Spoerri signe les palettes d’artistes, un tableau piège où le plan de travail de l’artiste avec outils et matériel est figé à un moment donné.
Daniel Spoerri Without Title, Faux Tableau Piège (2007)
Allan Kaprow, artiste américain, s’était spécialisé dans le happening qui, contrairement aux performances, est un évènement artistique qui nécessite des intervenants. Et chaque personne étant unique, les interventions n’étaient jamais prévisibles, d’où la grande part de hasard dans ses oeuvres.
Allan Kaprow Fluid (1967) photographié par Dennis Hopper
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Eric Tabuchi Alphabet Truck Avec cette première édition de Alphabet Truck, Eric Tabuchi achève un travail qui représente plusieurs milliers de kilomètres parcourus ces quatres années passées. Le graphiste peut décider que le hasard ne frappe qu’une partie de sa pensée. C’est le cas de Clement Street, graphiste de San Francisco, qui se base sur des mouvements historiques comme le mouvement Dada ou situationniste. Après avoir recueilli toutes les informations typographique présentes dans une rue, il tire une série de deux chiffres pris au hasard et ces chiffres déterminent la taille du corps de la typo. Clement Street Posters
Craig Ward est un graphiste newyorkais qui expérimente beaucoup sur les manières de dessiner l’alphabet et sur les formes que celui-ci peut prendre. En faisant intervenir des phénomènes physiques prévisibles (ici la gravité et l’absorption) mais aléatoires, il obtient des lettres dont les formes sont trop complexes pour avoir directement été créées par son imagination. Craig Ward Zero G Type Craig Ward Ink and Water Don’t Mix
Popularfont Google Map Typeface Uniquement limité à l’Australie, Popularfont a cherché les lettres de l’alphabet de la campagne à la ville vues du ciel. Le changement d’échelle participe à la création de lettres que le chercheur n’aurait pas pu imaginer .
Lisa Riener Sky Type En se baladant dans sa ville, au hasard des rues, Lisa Riener a su capturer des lettres en levant la tête. Le dessin des lettres dépend non pas du bon vouloir de la graphiste, mais des courbes des bâtiments.
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LE HASARD PAPIER FROISSÉ
Dans un premier temps, le graphiste crée la contrainte. Ce sera une contrainte physique. Froissée, totalement au hasard bien sûr, la feuille devient une toile composée de plis vallées et de plis montagnes. Ces différences de relief se traduisent alors par des différences de niveaux de gris, qui créent des formes uniques. Le plasticien américain Tom Friedman a exploré les limites de l’unicité de ces formes en 2008 lorsqu’il a reproduit les froissements d’une feuille avec une autre feuille. Ici, au lieu de chercher à reproduire, je cherche tout simplement des formes qui s’approchent le plus possible de chacunes des lettres de l’alphabet.
Au lieu d’être de simples courbes aléatoires, les formes prennent alors sens grâçe à l’apport d’un contexte extérieur réel. Seules, elles ne sont pas lisibles. Mais mises bout à bout, elles remplissent leur rôle de lettres et le spectateur devient lecteur. On peut aussi se dire que plus la surface de la feuille pliée est petite moins le choix des formes de lettres sera aisé. Le rôle du graphiste est donc de choisir la juste contrainte, assez sévère mais assez libre pour pouvoir intervenir et faire des choix, puis de manipuler le hasard.
Tom Friedman Untitled, Untitled (2008)
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LE HASARD ERREUR
Un autre phénomène rendu au hasard est l’erreur. Mais, contrairement au hasard qui est prévisible, l’erreur intervient quand on ne l’attend pas. On ne se rend compte qu’après avoir commis l’erreur qu’elle a découlé d’un acte volontaire inadapté à une situation donnée. Mais on peut se servir des marges d’erreur de certains outils pour les détourner de leurs fonctions premières. Dans cet exercice, j’ai voulu travailler sur la marge d’erreur de mon scanner-imprimante. Le sachant vieillissant, j’ai repeté une séquence de scan d’une impression jusqu’à obtenir l’effacement total de la lettre.
A 300 dpi, la durée de vie de la lettre est de 6 cycles. A 600 dpi, elle l’est de 8 cycles. A 1200 dpi, elle atteint les 12 cycles. Ceci m’a permis de voir les résultats d’un vieillissement accéléré de la lettre et de constater qu’il serait peut-être temps pour moi de penser à changer de matériel.
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LE SUPPORT FONDAMENTAUX Le support est l’appui ou le soutien de quelque chose. Dans le milieu créatif, le support est le contexte matériel dans ou sur lequel le travail va s’appliquer. Quand un artiste ou un graphiste travaille, la réaction de son outil dépendra du support sur lequel il applique son outil. Varier les supports modifiant l’aspect de l’oeuvre, en partie en changeant les échelles, est un paramètre utilisable. Mais le support définit surtout un cadre dans lequel l’oeuvre prend place. Dans un premier temps, il est important de définir la notion de cadre. Dans le domaine de l’art pictural, l’objet-cadre délimite l’image, faisant référence aux bords du tableau. Par extension, le cadre désigne ce qui est montré à l’intérieur de ces limites. L’objetcadre est donc matériel, physique, incarné par une forme la plupart du temps rectangulaire. Mais le cadre (différent de l’objet-cadre) est l’espace de représentation présent dans la toile, délimitée (ou non) par l’objet-cadre. Utiliser le support comme une
contrainte créative, c’est le faire participer à l’oeuvre. Deux manières s’offrent alors aux créatifs: faire intervenir l’objet-cadre dans le cadre et/ou faire interagir le cadre et l’objet-cadre. Aux balbutiements de l’art, dès la fin du Paléolithique moyen, le choix des outils pour peindre, dessiner ou graver est très dépendant des propriétés mécaniques et des caractéristiques morphologiques de la paroi. En fonction de ces données, le mode d’expression va donc être différent d’un secteur à l’autre, s’adaptant aux exigences du support. Il faut bien comprendre que les milieux (et les supports) ne sont pas des contenants passifs, mais des processus actifs. Dès la naissance de l’écriture (et donc de la typographie), le support, qui était brut et donc contraignant, jouait le rôle principal. Ecriture et support étant très liés, la géographie, le climat, les ressources naturelles ont permis une forme d’écriture et non une autre: l’argile en Mésopotamie qui a donné les tablettes d’argiles cuites, 22
le Papyrus en Egypte, à Pergame, en Asie mineure, les animaux qui servirent au parchemin. La forme de l’écriture même est, elle aussi, liée à son support: le pictogramme sur la pierre puis l’idéogramme sur l’argile (matériau moins dur permettant donc de transmettre plus d’information) gravé par le calame dont la pointe est taillée en biseau ce qui créa l’écriture cunéiforme. Le papyrus et le parchemin autoriseront un outil encore plus souple le roseau puis la plume d’oie, qui entraînera le passage de l’angle à l’arrondi (et donc une plus grande variété de caractères). L’écriture syllabique n’est pas non plus dénuée de relation avec le support puisqu’elle allège le système de notation. Peutêtre peut-on voir dans ce rapport entre écriture et support, avant Mac Luhan, une préfiguration du célèbre Medium is Message? l’écrit est lui aussi relié au support. Lorsque le parchemin était rare, il était réutilisé (soit un enduit était appliqué, soit il était gratté), c’est le palimpseste: l’effacement n’étant pas complet, il pouvait se produire une interaction entre les deux textes. 23
L’usage du papier a permis un énorme développement du livre, à la fois sa diffusion et l’accroissement du nombre de livres écrits puisque le prix du support en baisse réfrénait moins la volonté d’écrire. Dans le même sens, l’utilisation d’ordinateurs autorise maintenant une prolifération des textes. La très grande réduction des contraintes, permet d’écrire le périssable, l’instantané et ne réserve plus l’écrit à l’important. Et c’est dans ce cadre qu’aujourd’hui les graphistes exercent leur métier. La notion de support n’est visible la plupart du temps dans leur travail que dans la finition de leur produit: le choix du papier, le choix du procédé d’impression etc. Mais dans le processus créatif, le support modulable qu’offre l’ordinateur avec ses logiciels qui permettent de générer une infinité de grilles, est devenu, à force, une contrainte non-créative. Tous les graphistes ont déjà travaillé avec des repères qui leur permettent d’encadrer et d’apporter une cohérence globale à leurs créations. Mais ces grilles et repères ne sont pas créations.
LE SUPPORT RÉFÉRENCES L’objet cadre est une limite. L’homme, fasciné par les limites et par curiosité, ressent le besoin de les violer, de les dépasser, de voir ce qu’il y a derrière. Les artistes l’ont compris dès l’invention de l’objet cadre, qui avait pour but de souligner la toile comme une fenêtre sur le monde. Ils avaient besoin de passer outre, de transpercer cette couche pour réduire la dichotomie entre la représentation et la réalité. En investissant l’espace, cette représentation occupe une nouvelle dimension et apporte une puissance supplémentaire au pouvoir de manipulation de l’image. Pere Borrel Case, dans son trampantojo Échapper à la critique (1874) exprime par le biais du garçon, son envie d’échapper à la critique, de sortir du cadre. La toile est terminée en ses bordures par un objet cadre en trompe-l’oeil sur lequel l’enfant semble s’accrocher pour sortir de la représentation. Peter Callesen est un artiste danois dont le travail concerne essentiellement le support papier. Dans son oeuvre Holding on to Myself (2006), une partie de ce qui appartenait au cadre (la forme découpée) en est sortie pour définir un nouvel espace, et donc un nouveau cadre. Peter Callesen remet ainsi en question la notion de cadre, en se demandant si le hors-cadre définit le cadre.
Banksy, artiste pochoiriste anglais, combine les techniques du graffiti et du pochoir pour faire passer ses messages, qui mêlent souvent politique, humour et poésie. Banksy a fondé le projet Santa’s Ghetto (2006) en réalisant des peintures sur le mur de Gaza afin de redonner espoir aux habitants palestiniens et israéliens. Aidé par d’autres artistes, comme Ron English, le mur de séparation prend petit à petit la forme d’une toile artistique géante. C’est donc le support qui vient envahir le cadre en supprimant la dichotomie que l’objet-cadre introduit habituellement. Dans ce cas précis, le support, est chargé de contexte et est au centre de l’oeuvre. Les œuvres du Land Art de Jim Denevan, dont Arenaglyphe Géant (2009) ci-contre, abolissent l’objet-cadre. Entre deux marrées, il dessine dans le sable des formes géométriques de taille gigantesque en regard desquelles sa silhouette n’est qu’un point dans l’immense tableau à ciel ouvert qui lui sert de toile. Ses réalisations monumentales et éphémères exposées aux éléments, et soumises à l’érosion naturelle ont comme support le sable, la glaçe et la terre. Les œuvres ne sont durables que via la photographie si bien qu’un artiste du Land Art est souvent associé à un photographie, ici Peter Hinson. 24
Le support apporte avec lui un format et s’inscrit dans une nouvelle échelle. Cette fenêtre sur le monde peut être codifié (grille) ou régis par aucune règle. Marius Watz questionne la grille dans son travail Grid Distortion (2008).
La ville est un espace rempli de limitations, quadrillé. Vu du ciel, les villes américaines sont un espace orthonormée. Andy Uprock, fondateur soif de structure de l’uprocking, technique consistant à insérer des gobelets en plastique dans les grilles de la ville pour dessiner ou écrire. Le dessin des caractères dépend de la grille et les variations typographiques témoignent des variations de grilles.
Inspiré de la One and Three Chair de Joseph Kosuth, la Puzzle Chair d’Eric Ku se construit avec les lettres CHAIR. Au lieu d’apporter une nouvelle définition, il redéfinit le concept de chaise en utilisant l’alphabet. Le dessin des lettres dépend directement de leur usage. Dans ce cas, le support est l’oeuvre. Eric Ku Puzzle Chair
Andy Uprock Go Uprock
Détourner les proportions naturelles du support dénote une volonté de transgresser les codes établis. Les pages d’un cahier de brouillon sont constituées d’un quadrillage orthonormé. Ces lignes ont souvent pour fonction d’encadrer le tracé manuscrit. Remettre en question cet ordre, c’est remettre en question le support. Ce travail de Merci Bernard, ludique, répond à la question « que se passerait-il si ces lignes se montaient contre l’ordre, transgressaient la rigidité établie de manière arbitraire?». Merci Bernard La Mutinerie (2008)
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La ville est un espace rempli de limitations, quadrillé. Vu du ciel, les villes américaines sont un espace orthonormée. Le collectif Roadworth exploite les signes urbains, les signalisations et marquages au sol pour donner un autre sens à ce que les riverains voient tous les jours. Leur contrainte est de respecter les formes préexistentes pour ne pas troubler l’ordre. Roadworth Urban signs
La contrainte peut, dans certains cas, être la forme et la taille du support. Dans cet exemple, le dessin des lettres et des chiffres découle des pliages d’une feuille A4. Anton Studer The folded
LE SUPPORT DÉCOUPE/PLI Toute forme est composée d’un ou de plusieurs éléments à symétrie axiale ou centrale. Et les lettres ne font pas exception. La plupart d’entres elles sont symétriques par rapport à un axe, quelques unes sont symétriques par rapport à un point, et les autres sont composées de plusieurs éléments symétriques à plusieurs axes. Partant de ce constat et après avoir défini les axes de symétrie des lettres, il m’est venu à l’idée de découper les formes alors obtenues dans du papier pour les replier sur le support. En pliant un plan pour lui donner deux hauteurs, j’ai pu faire en sorte que les lettres soient dessinées à la fois par le papier et par ce qu’il encadre. Trois plans font alors leur apparition. Le premier plan est la partie rabattue, celle qui dessine l’autre moitié de la lettre, le deuxième plan est la feuille de papier découpée, et l’arrière-plan est le support du support, ce sur quoi le papier est posé (qui aurait encore pu être un pli de ce même papier, mais il fallait bien que le papier s’arrête). La lettre est écrite sur le papier et par le papier puisque le second plan est le premier plan. 26
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LE SUPPORT ADAPTER Je m’intéresse ici aux supports contraignants par leur structure. Le graphiste doit composer avec la construction du support pour en modifier la forme et la perception. Le support existe avant que le graphiste décide de travailler dessus. Le créatif doit donc greffer sa production aux endroits que le support lui a reservé. Pour illustrer cette idée, j’ai décidé de travailler sur la surface trouée d’un radiateur électrique. En bouchant certains trous les lettres apparaissent. Le dessin des lettres dépend donc de la structure et du choix du graphiste d’expoiter cette structure.
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LE MATÉRIAU FONDAMENTAUX Le médium se référe à la nature du matériau utilisé pour créer. En ce sens, tout est médium artistique: les mediums traditionnels, ainsi que tous les objets trouvés et utilisables. L’essence première de l’œuvre d’art réside dans l’objet utilisé pour la créer et dans les caractéristiques physiques et mécaniques qu’il apporte. Une oeuvre d’art est d’ailleurs toujours sous-titrée de la technique utilisée pour la créer. Mais étant d’abord fonctionnel et pratique, l’objet est défini par son utilité. A priori, tout objet est potentiellement créatif car un artiste peut détourner la fonction première de l’objet. Il s’agit également de substituer l’espace réel à l’espace illusoire de l’oeuvre, la libre action ou intervention de l’artiste à l’espace à peindre, tous les matériaux et techniques imaginables aux accessoires classiques de la peinture et de la sculpture. Aline Rutily Esthétique et environnement Catherine Millet parle de « mutation » de la peinture et de la sculpture en installations. Des collages cubistes de Georges Braque ou surréalistes de Max
Hernst aux installations d’Edward Kienholtz ou de Dan Flavin en passant par Combine-Painting de Robert Rauschenberg, l’oeuvre comporte de plus en plus d’objets, de matériaux, que l’artiste contemporain emprunte à son environnement immédiat et qu’il détourne à des fins esthétiques ou sensibles. L’art contemporain s’est ingénié à faire tomber l’œuvre d’art du piédestal où l’avait placé l’art classique, en incorporant dans l’art tout ce qui s’en distinguait. Marcel Duchamp est un de ces artistes qui refusent la conception traditionnelle, en se posant comme anartiste. Il se permet d’incorporer dans l’art des matériaux techniques : poignées de portes, bouteilles plastiques, objets courants etc. Ce n’est pas nouveau. Picasso s’était livré à ce genre d’exercice avec comme plus grand exemple la Tête de Taureau (1942) représentée avec un guidon et une selle de vélo. Duchamp pousse cette logique jusqu’au ready-made. En 1913 il expose la roue de bicyclette et en 1917 il présente la fontaine. En plaçant l’objet dans le musée et en le nommant, l’artiste en fait une œuvre d’art. La seule provocation suffit à don-
ner à l’art un contenu. Du coup, la signification utilitaire de l’objet disparaît, il devient une œuvre potentielle, eut égard à la justification conceptuelle de l’artiste. L’artiste contemporain ne produit rien, il crée des concepts. L’art évolue en même temps que la science et des nouveaux objets et nouvelles techniques qu’elle apporte. Qu’il s’agisse des colorants de la Préhistoire, de l’encre il y a 5000 ans, du graphite des crayons en 1565 et de la photographie en 1839, tous sont témoins de leur temps. Nous pouvons même aller jusqu’à dire que la technique de création définit le domaine de l’art. On parle de peinture, de photographie, de vidéo,
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L’oeil humain a soif de structure et a besoin de reconnaître dans son environnement des formes qu’il connait. La forme que l’oeil humain cherche le plus à retrouver est le visage d’un autre homme. Mais, dans le graphisme, les formes les plus reconnaissables sont les lettres de l’alphabet, supersignes absolus. Si bien que l’on voit absolument partout des lettres faites avec tout et n’importe quoi. Le matériau tient alors le rôle majeur car c’est lui qui signe l’originalité de la création. Il apporte avec lui sa texture, sa couleur, ses capacités mécaniques (flexibilité, torsion), sa forme etc. Deux écoles d’affrontent. La première utilise le matériau en le déformant, en le cassant, en le manipulant pour recréer la lettre. La deuxième école, moins intéressante à mes yeux, va construire la lettre en utilisant plusieurs itérations de ce matériau. La différence entre les deux écoles est la notion de modularité. Un objet capable de reconstruire toutes les lettres est un objet modulable capable de tout représenter. Mais, dans les deux cas, le graphiste doit composer avec ce matériau qui devient sa contrainte.
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LE MATÉRIAU RÉFÉRENCES
Arcimboldo est un peintre maniériste célèbre comme auteur de nombreux portraits suggérés par des objets, des végétaux ou des animaux astucieusement disposés. Chaque élément choisit trouve sa correspondance dans le thème qu’il illustre. Chaque tableau se regarde donc à plusieurs niveaux de lecture. Si le côté ludique de ses oeuvres prime aujourd’hui sur la symbolique, celle-ci est pourtant extrémement présente. Dans la série des saisons, c’est la correspondance entre le macrocosme du monde et le microcosme de l’homme dont il est question. Arcimboldo, Automne (1572)
Aujourd’hui la mode est à l’originalité du matériau utilisé. Phil Hansen, à la demande d’Arby’s, grande chaîne de fast-food américaine, a réalisé une vidéo virale sur internet dans laquelle il revisite la Joconde de Léonard de Vinci en la redessinant avec de la graisse d’hamburgers. Le but de la vidéo était de promouvoir la sortie d’un hamburger léger. L’utilisation d’un matériau inattendu à l’opposé des matériaux nobles de l’art pictural provoque une désacralisation de la Joconde, déjà ciblé par Duchamp dans L.H.O.O.Q. Phil Hansen Hamburger’s Mona Lisa (2009)
Fontaine est un ready made, c’est-à-dire un « objet tout fait », autrement dit une idée que Marcel Duchamp a eu de « choisir » un urinoir industriel en vue d’une exposition d’art moderne au lieu de faire une sculpture de ses mains. Duchamp valorise l’idée au détriment de la technique. En mettant fin à l’hégémonie du visuel dans l’histoire de l’art, il a, à travers son urinoir ouvert une nouvelle ère artistique, une ère où la conception d’une œuvre devient l’objet d’un processus intellectuel plutôt que d’un savoir-faire et d’une finalité formelle. Marcel Duchamp, Fontaine (1917) 32
Dans la pratique typographique, la multiplication des matériaux permet d’explorer les limites de lisibilité des lettres. Les variations d’une même lettre témoignent de la variation du matériau utilisé car la forme et les propriétés physiques de l’objet contraignent le créatif à trouver de nouvelles manières de rendre lisible. Comme je l’ai expliqué auparavant, il existe deux manières d’exploiter le matériau. La première consiste à dessiner les lettres en accumulant les objets similaires (ex: livres sur une étagère). Cette manière n’est pas intéressante dans le sens où elle n’exploite pas les propriétés spécifiques à cet objet et donc que le dessin des lettres ne dépend pas de l’objet.
Pour illustrer la course à l’originalité du matériau, voici deux exemples assez significatifs. Dessinées sur le rigoureux modèle de l’Helvetica, les créations molles d’Autobahn s’inscrivent dans la continuation d’expérimentations typographiques qui piochent leur matériau dans le quotidien. Autobahn Heldentica, 2010
La deuxième manière d’utiliser l’objet consiste à essayer de retrouver toutes les lettres en lui. L’objet doit donc être modulable pour que le graphiste puisse extraire de sa forme initiale tout l’alphabet. L’exemple des bretzel illustre parfaitement le propos. Dans ce travail de Thipchat, les formes des lettres dépendent entièrement du bretzel et des endroits où il peut être casser. Si le matériau bretzel semble être ici au centre du travail, c’est bien de l’alphabet dont il est question car le graphiste doit trouver comment les lettres peuvent se dessiner. La contrainte du matériau est une contrainte assez libre car elle ne dicte pas les choix au graphiste. Voyons par exemple, à matériau égal, les différences qui s’opèrent entre deux artistes différents. L’atelier OMOYA et son Water Logo, une identité en mouvement permanent où les gouttes traversent une surface hydrophile d’un côté et hydrophobe de l’autre, puis dévalent la pente.
Julius Popp, dans Bit Fall dessine des lettres avec des gouttes d’eau tombantes à intervalle régulier éclairées par plusieurs lampes. Au fur et à mesure de la chute, les lettres se déforment.
L’agence Happiness Brussels a fait le buzz en remportant le prestigieux Grand Prix des Lions de Cannes gràçe à la typographie iQ dessinée par la Toyota iQ. Ici, le matériau est une voiture. Au passage, excellente communication de Toyota qui, sans campagne de pub, a vue sa popularité grimper en flèche Happiness Brussels iQ typeface, 2010
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LE MATÉRIAU KENEX
Dans ma jeunesse je jouais au Kenex, un jeu de construction moins restrictif que le LEGO car les pièces étaient plus variées et permettaient de construire des formes assez folles. Mais en grandissant, j’ai compris que la force du LEGO était justement dans la simplicité absolu de son concept qui consiste à proposer des pièces basiques en laissant l’imagination de l’enfant faire le reste. L’idée m’est alors venu de ressortir ma valise de Kenex pour construire des lettres en me donnant la contrainte du LEGO: utiliser seulement un faible nombre de pièces. Seulement, le jeu Kenex n’a pas été pensé pour ça. J’ai donc choisi, pas totalement au hasard, de me restreindre à ne construire qu’avec deux demicercles jaunes et 2 bâtons bleus, car la lettre est un savant mélange entre lignes droites et lignes courbes. Avec ces deux éléments et en variant les échelles, on peut absolument tout construire. Seulement, les Kenex obligent à réfléchir dans l’espace car aucune pièce ne peut être sur le même plan sauf si elle se clip à une autre.
La contrainte est donc d’utiliser à chaque fois les quatres éléments. La régle étant assez sévère, c’est le matériau qui me dicte la forme des lettres car je n’ai pas le choix entre plusieurs moyens de la faire. Chaque lettre est finalement assez différente de l’idée qu’on s’en fait, mais toutes mises bout à bout, la lecture est possible.
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LE MATÉRIAU VOXEL
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Dans cette course à l’originalité du matériau, on a oublié qu’on pouvait faire des lettres avec des lettres. Cette pratique était une technique utilisée par les programmeurs informatiques à la fin des années 80 sur les Bulletin board system qui ne permettait que des informations de type textuel. Appelée Leet Speak, cette technique utilisant les caractères alphanumériques ASCII d’une manière peu compréhensible permettait à l’élite informatique de se démarquer des néophytes. Le principe est d’utiliser des caractères graphiquement voisins des caractères usuels, par exemple 5 au lieu de S, 7 au lieu de T et pour les extrémistes |_| au lieu de U ou |< au lieu de K, sans respect de l’orthographe ou des majuscules. Dans le même esprit, le ASCII Art est né pour réussir à faire des images avec les caractères typographiques en jouant sur leur niveau de gris. La forme la plus simple d’art ASCII est la combinaison de deux ou trois caractères pour exprimer une émotion en texte. Tout ceux qui écrivent des émoticons pratiquent l’Ascii Art sans même le savoir : :)
:(
:p
:D
xD
Voyant qu’écrire des lettres avec des lettres n’est plus vraiment une contrainte, je m’en suis donné une seconde : simuler un espace aux moyens de 3 caractères, et écrire avec. En utilisant uniquement le slash, l’anti-slash et le tiret bas, j’ai pu simuler un espace trigonométrique dans un espace plat: le papier. _ /\_\ \/_/ L’unité de volume est ce cube, appelé voxel (VOlume ELement). Avec lui, je peux redessiner toutes les lettres de l’alphabet mais aussi construire dans un espace tridimensionnel.
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L’ESPACE FONDAMENTAUX L’espace désigne une étendue, abstraite ou non, ou encore la perception de cette étendue. Conceptuellement, il est synonyme de contenant aux bords indéterminés. L’espace figure alors, de manière générale, un Tout ensembliste, mais structuré : le domaine de travail. A première vue, l’espace n’est pas contraignant car il représente le vide, la liberté et l’infini. Mais en deuxième lecture, il apparait rapidement que l’espace est le milieu le plus asservi aux lois physiques. Constat logique puisque c’est le but même de la physique que de décrire les lois et les relations qui régissent notre environnement. En bref, l’espace est un terrain de jeu modulable dans lequel tout est contrainte. Il faut aussi rappeler que la notion d’espace est indivisible à la notion de temps. Un homme dans l’espace est avant tout un point de vue qui se déplace et évolue. La perception de l’espace n’est pas une donnée immédiate de la conscience (on peut le constater avec les bébés qui ont énormément de mal à évaluer les distances) mais bien un processus qui se construit progressivement. En effet, tout objet dans un espace offre autant d’interprétations qu’il y a de manières de le regarder, c’est-à-dire une infinité. Et pour passer par plusieurs points de vue, il faut se déplacer dans l’espace, d’où le lien direct entre l’espace tridimensionnel et le temps.
Les artistes ont toujours cherché à représenter l’espace. Au fil des âges, ils ont sû développer une multitude de techniques pour tromper l’œil. La perspective de la Renaissance ne cherchait pas à imiter la Nature; notre œil disposant d’un fond sphérique et la toile étant plate, les parallèles fuyantes se rejoignent et rendent l’infini représentable. Nous pouvons aussi penser aux estampes japonaises et à leur convention: plus c’est haut et plus c’est loin et, si un objet en cache un autre, c’est qu’il est devant. Dans la peinture de paysage, les artistes ont souvent recours aux techniques de couleurs et de textures pour connoter la profondeur. Plus un objet est proche, plus il est sombre et détaillé. Comme on ne peut pas représenter l’espace réel dans un plan, on est obligé de tricher un peu. En singeant l’espace tridimensionnel dans un plan, nous sommes dans l’obligation d’être dans l’erreur. Ainsi, la perspective cavalière est fausse puisqu’on peut voir en même temps la vue de face et la vue de profil. Même problème pour la perspective isométrique qui se trompe dans les profondeurs.
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La mode actuelle n’est plus de représenter l’espace dans un plan, mais de créer un plan dans un espace. Le principe d’anamorphose visuelle est une déformation réversible d’une image à l’aide d’un procédé mathématique. Cette technique et ses variantes sont devenues en quelques années des procédés utilisés dans tous les secteurs des arts visuels. Déjà utilisée en 1485 par Vinci dans Codex Atlanticus, l’anamorphose s’est démocratisée avec les travaux de Georges Rousse et Felice Varini pour devenir aujourd’hui une technique que nous voyons littéralement dans tous les coins de rue (pictogrammes de vélos déformés et le mot BUS déformé pour qu’on les voit de loin) et dans nos télévisions (publicités sur les terrains de sport, jingles pub de france2). Le point de vue choisi est créé pour fonctionner comme point d’arrivée pour la lecture de la peinture et de l’espace. La forme peinte est donc cohérente quand le spectateur est situé sur le point de vue ; en se déplaçant, le spectateur sort du point de vue et le travail, en rencontrant l’espace architectural, dévoile une infinité de points de vue sur la forme.
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L’ESPACE RÉFÉRENCES
Les Ambassadeurs (1533) de Hans Holbein oblige le spectateur à se déplacer pour offrir son sens caché. Appelé auparavant «Os de seiche», le crâne déformé par une anamorphose au premier plan a longtemps intrigué les analystes. Au premier abord, les hommes du portrait respirent le luxe, le pouvoir et l’arrogance. Mais, avec le crâne, la peinture se révèle être une œuvre dont l’enjeu est de savoir ce que l’homme peut faire face à sa seule certitude, celle de sa propre mort.
La perspective isométrique est une méthode de représentation dans laquelle les trois directions de l’espace sont représentées avec la même importance. Maurits Cornelis Escher a crée avec cette méthode sensée représenter la réalité des constructions impossibles. Les espaces paradoxaux qu’il imagine défient notre perception de l’espace. Nombre des mondes qu’il a dessinés sont articulés autour d’objets impossibles ce qui confère au travail d’Escher une importante composante mathématique.
Les œuvres de Felice Varini s’adaptent à chaque fois en fonction de l’espace dans lequel elles sont produites. L’artiste étudie l’identité et l’histoire des lieux pour définir un point de vue privilégié qui devient dès lors le point de départ de lecture de l’espace donné, même si une infinité de points de vue permettent d’autres lectures de l’œuvre. La contrainte pour Varini est bien sûr de faire en sorte que, du point de vue décidé, la forme perçue dans l’espace ressemble à une forme dans un plan.
Hans Holbein Les Ambassadeurs, 1533
Maurits Cornelis Escher Waterfall, 1961
Felice Varini 25 carrés bleus en damier, 2010
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Dans la typographie, et pour illustrer la notion de point de vue, Adam Slowik a trouvé une forme qui permet, selon l’angle duquel on la regarde, de former toutes les lettres de l’alphabet. Adam Slowik BendyNeonAlphabet
Andrew Byrom est le spécialiste du design d’objet-lettre. Il s’amuse à dessiner des alphabets avec des objets communs dans le seul but d’abolir le plan de la lettre pour qu’elle devienne objet. Contrairement au designer classique qui cherche à rendre le fonctionnel beau, Byrom a la volonté de rentre le beau (la lettre) fonctionnel. La lettre, en plus de sa fonction première de lecture, va désormais devoir répondre à d’autres besoins. Pour réussir ce pari audacieux, il s’inflige à chaque fois une contrainte très simple qui découle du choix du matériau utilisé. Andrew Byrom Interiors, 2009
Andrew Byrom Grab me, 2009
L’anamorphose visuelle est largement utilisée sur la typographie pour faire sortir la lettre de son support plan originel. Le lettre ne reste lisible que dans le point de vue décidé par le créatif. Dans sa série des lettres, le photographe Dan Tobin Smith met en scène des objets de la vie quotidienne tout en révélant la lecture. Dan Tobin Smith Y, 2009 Le projet Urbanized typeface du graphiste Takahiro Yamaguchi est la combinaison de la production d’un caractère expérimental et d’une installation multimédia. Le projet est de créer des signes dans la ville de Tokyo en suivant un parcours prédéfini, équipé d’un GPS, dont les données détermineront les vecteurs de la police. La différence d’échelle entre le micro habituel de la lettre et le macro de la ville déboussole. Takahiro Yamaguchi Urbanized Typeface, 2008
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L’application flash a été réalisé par le graphiste Pierre Audéoud.
L’ESPACE CUBE
Exemple de la lettre B
Un point est un point. Deux points forment une droite. Trois points forment un plan. Quatre points forment un espace, à condition que le quatrième point ne soit pas contenu dans le plan définit par les trois premiers points. Un espace ne peut exister que par l’existence de ces quatre points, chacun d’eux définit par quatre paramètres: un repère et quatre coordonnées (abscisse, ordonnée et cote). Dans un repère donné, constitué d’un point d’origine fixe, les points de l’espace se définissent par leurs trois coordonnées sous la forme suivant :
En remplaçant les noirs par des 1 et les blancs par des 0 nous obtenons les points :
J’ai ensuite commencé par dessiner une typographie 4x3 en faisant attention de n’avoir aucune ligne similaire dans chaque lettre de manière à éviter les redondances de points qui amèneraient des problèmes d’espace (si 2 des 4 points de l’espace sont similaires, il s’agit alors d’un plan).:
a(1;0;0) b(1;1;0) c(1;0;1) d(1;1;1) En reliant ces quatre points entre eux, nous obtenons des droites non signifiantes :
(abscisse;ordonnée;cote) A(xa;ya;za) B(xb;yb;zb) C(xc;yc;zc) D(xd;yd;zd) Ces quatre points sont les 4 points nécessaires et suffisants à la construction d’un espace. Comme dit précédemment, ils sont chacun définit par 3 coordonnées. 42
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L’ESPACE ISOTOPE
Je me suis intéressé aux moyens dont nous disposons pour représenter l’espace en deux dimensions. Qu’ils s’agissent de lois perspectivistes, de différences de contrastes, de couleurs, de matières, de superpositions ou de dégradés, tous ces subterfuges ont pour but de tromper le regard. J’ai trouvé intéressant d’exploiter cette tromperie, en détournant la perspective cavalière, la plus grande des arnaques optiques car dépourvue de point de fuite. Je me suis orienté dans le choix de modules grillaires pouvant s’associer les uns avec les autres. Voici un échantillon de la bibliothèque de formes que j’ai obtenu à partir de là :
L’idée est de représenter l’espace dans un plan en photographiant un plan dans espace. La perspective, une fois imprimée, ne trompe plus le regard. Mais en repassant par la photographie l’effet est encore plus troublant car la photographie est considéré comme témoin de la vérité. La photographie, c’est la vérité et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde... Jean-Luc Godard
L’idée d’atrophie suggérée par la forme sur la grille ainsi que les limites que commencaient à me montrer le dessin vectoriel m’ont conduit à élaborer un travail plus plastique. L’avantage du crayon est qu’il permet l’erreur qui est ici bienvenue car elle permet de tromper la perspective cavalière en raccourcissant ou en allongeant tel ou tel segment de manière à contracter ou à détendre l’espace.
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LA LUMIÈRE FONDAMENTAUX
La lumière a toujours été un objet de représentations symboliques fortes, associées au pouvoir de la divinité et/ou du roi. Elle devient objet de science et de jeux savants à la Renaissance et passe alors au centre des réflexions du peintre sur son art. La lumière oriente. Mais la lumière a surtout un pouvoir de révélation qui lui permet de rendre le monde visible. Plus qu’un symbole, elle est d’abord le matériau essentiel de l’artiste puisqu’elle est l’instrument nécessaire des arts visuels. La lumière complète le tableau de l’espace en rajoutant des facteurs supplémentaires. La lumière possède une source, une intensité, une direction et se projette sur un objet qui est regardé par le spectateur, de son point de vue. A ces paramètres vient s’ajouter le facteur chronologique (la durée d’exposition pour la photo par exemple). Tous ces facteurs peuvent être modifiés par l’artiste et auront un impact immédiat sur la production. Dans cette grande équation, le créatif compose avec les inconnus pour arriver à chaque fois à des résultats différents.
La lumière transforme. La lumière transforme notre perception de l’espace en modifiant la perception que l’on a des éléments compris dans cet espace. Face à un objet, nous voyons l’objet mais aussi la conséquence de la lumière sur cet objet, qu’il s’agisse d’une couleur, d’un reflet, d’une ombre. Si la lumière illumine partiellement un objet, elle l’obscurcit aussi par l’ombre. L’ombre s’oppose à la lumière et est l’image même des choses fugitives, irréelles et changeantes. Composer avec la lumière, c’est s’infliger une contrainte complémentaire mais c’est aussi se donner l’opportunité de moduler ce qui a été créé en modifiant des facteurs simples.
La lumière rend le monde visible mais pas uniformément. Elle met toujours en évidence des éléments par rapport à d’autres, certains se révèlent pendant que d’autres se cachent. 46
Pour les artistes, il a toujours été question de saisir la lumière. On peut la manipuler en la faisant se refléter ou se disperser au moyen d’un prisme et on peut l’attirer en provoquant des phénomènes physiques (la foudre de Walter di Maria). La première moitié du XIXème siècle a été le théâtre des premières découvertes sur l’induction électromagnétique. La deuxième moitié du XIXème siècle a permis aux scientifiques de trouver comment exploiter cette nouvelle technologie. Ainsi, en 1879, Thomas Edisson présente la première lampe électrique à incandescence. L’ère de la génération et de la manipulation de la lumière venait de commencer. Devenue manipulable avec l’invention de l’électricité, il était inévitable qu’elle devînt un matériau privilégié de créatifs réfléchissant sur leur medium artistique, mais aussi sur les questions de la perception.
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LA LUMIÈRE RÉFÉRENCES
Utiliser couleurs et lumière afin de «diriger la pensée des fidèles par des moyens matériels vers ce qui est immatériel,» c’est ainsi que l’abbé Suger définissait la fonction du vitrail religieux. Le vitrail est le symbole de la lumière sacrée et de la transcendance du divin. Pourtant, il ne fut pas toujours considéré comme un art. À l’origine, le vitrail, composition formée de verres colorés réunis par un réseau de plomb et maintenue par des barres métalliques, avait une fonction pratique : protéger contre les intempéries. C’est l’utilisation de verre coloré qui va donner au vitrail une fonction véritablement esthétique. Basilique del Voto Nacional En envahissant l’espace, la lumière de Dan Flavin le transforme et le dématérialise afin d’en analyser la perception. Le bain lumineux a en effet pour propriété d’abolir les frontières entre l’environnant et l’environné qui ne font plus qu’un et l’œuvre devient ainsi une «situation», un lieu d’expériences perceptives liées aux déplacements du spectateur. Avec ses œuvres, Flavin fait en sorte que l’objet se confonde avec les trois dimensions de l’espace réel. Grâce au recours à la lumière, Dan Flavin irradie l’espace, comme contaminé par la beauté et la spiritualité de l’œuvre. Le contexte devient son contenu. Dan Flavin, Untitled, 1970 L’installation sans titre de Robert Irwin au Walker Art Center, rapidement renommée Slant/Light/Volume, est une expérience immersive et très calme qui consommer littéralement l’espace de la galerie. Elle se construit par un tissu extensible de 15 mètres de long au-dessus du spectateur à un angle de 45 degrés. La lumière fantomatique qui traverse le tissu translucide prête à la salle une sensation d’une cathédrale froide. Robert Irwin a répété l’installation à la galerie Friedman en 2009. La lumière qui émane de l’oeuvre confère à l’espace des caractéristiques très spirituelles. Robert Irwin, Untitled, 1971 Sue Webster et son mari Tim Noble utilisent des déchets produits par l’homme pour bâtir des sculptures dont les ombres illustrent une scène ou un objet dénoncant la société de consommation. Leurs œuvres font écho à l’allégorie de la caverne exposée par Platon. Elle met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine qui tournent le dos à l’entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d’objets au loin derrière eux. Elle expose en termes imagés la pénible accession des hommes à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins difficile transmission de cette connaissance. Sue Webster & Tim Noble, Real Life Is Rubbish, 2002
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L’impression lenticulaire est une technologie dans laquelle une lentille est utilisée pour produire des images avec une illusion de profondeur avec la possibilité de changer ou déplacer l’image selon le point de vue. Si cette technologie est aujourd’hui kitsch, la plupart d’entre nous sommes encore fascinés par l’effet. Les designers suisses Drzach et Suchy ont revus et corrigés cette technologie avec le Panel Art. Plutôt que de tourner la position de l’objet pour changer l’image visible, ils ont trouvé un moyen de changer complètement l’image en changeant simplement la position de la source lumineuse. Les deux artistes jouent avec notre confusion de la perception de ce qu’il y a réellement sur la toile. Car le support porte en fait des centaines d’éléments perpendiculaires entre eux, si bien que leur ombre ne peuvent pas apparaître au même moment. Drzach et Suchy Marylin, 2009 Drzach et Suchy Moderne, 2009
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Au moyen d’un système de perforations, la surface du pavillon permet à la lumière de passer à travers elle et à créer des motifs changeants, qui-au cours de certaines périodes de l’année, se transforment en texte lisible d’un poème. Les poèmes se révèlent d’après le calendrier solaire: un thème de la Nouvelle-vie pendant le solstice d’été, une réflexion sur le passage du temps à l’époque du solstice d’hiver. Les spectateurs ont des expériences différentes. Ils peuvent n’apercevoir qu’une une strophe du poème ou obtenir tout le poème. Sans l’utilisation d’une source d’énergie autre que le soleil, ce projet utilise la lumière et l’ombre pour repousser les limites de la communication et le plaisir par l’expérience.
Dans son travail, Kumi Yamashita compose des oeuvres improbables en jonglant et mélangeant des formes et des symboles a priori opposés. Son but : démontrer à quel point nos connaissances et nos préjugés orientent naturellement nos perceptions, nous conduisant à rapprocher ou assimiler ce que nous voyons de ce que nous connaissons déjà. Les œuvres de Kumi Yamashita sont ainsi des compositions saisissantes et complexes, qui demandent de prendre du temps pour en découvrir toutes les facettes. Chacune des pièces de l’artiste nippone révèle sa grande maîtrise d’un art minimaliste mis au service d’une exploration des limites séparant le solide et l’éphémère, le visible et l’invisible, le réel et l’interprété. Au point que devant ses compositions le spectateur ressent un sentiment d’ubiquité.
Jiyeon Song One Day Poem Pavillon, 2009
Kumi Yamashita City view, 2003 Kumi Yamashita Exclamation point, 1995
LA LUMIÈRE RAYURE
Révéler sans l’aide d’aucun médium et seulement avec l’aide de la lumière me plaisait. La première expérience a été de couper finement le support pour que le message ne soit lisible que si la source de lumière se place derrière lui, pour aller à l’encontre de la logique qui veut que, pour qu’un objet soit visible, il faut l’éclairer par devant. Pour ça j’ai du concevoir une typographie qui n’agresse pas le support, composée exclusivement de coupes droites. La lettre se construit alors dans un rectangle (modulable en fonction des queues et des hampes) de 10 par 6 (ci-contre). La deuxième expérimention est dans la continuité de la première en reprenant les principes de la typographie préalablement construite pour lui donner de la profondeur. Par ce procédé nous obtenons au moyen de la lumière soit une typo light (absence de lumière) soit une typo bold (avec lumière). Plus la lumière est rasante, plus la typographie a une graisse élevée. 50
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LA LUMIÈRE VOLUME
Pour percevoir un objet dans l’espace dans sa totalité et sans pouvoir tourner autour, il faut regarder son ombre portée. L’ombre d’un objet complète donc l’idée qu’on se fait de lui. L’idée était de construire des lettres dans l’espace composées d’un objet et de son ombre. L’objet crée un volume ouvert pendant que son ombre le ferme. Les objets construits sont composés avec une lettre dans un plan avec des pieds à chaque intersection de droites, comme le montre la photographie ci-contre. Une fois posé sur le sol et éclairé par le dessus, leur ombre ferme la forme et donne l’illustion d’une lettre en volume en outline. Plusieurs facteurs sont alors mis en jeu, notamment la position de la source lumineuse et la hauteur des pieds. En variant ces composantes, la perception de l’objet change et la reconnaissance de la lettre ne se fait plus aussi facilement. Changer la hauteur des pieds modifie l’objet pendant que changer la position de la source lumineuse modifie la forme de l’ombre. Pour tromper le regard et donner l’illusion d’un espace plus facilement, l’intensité de la lumière doit rester très élevée pour que le noir de l’ombre se rapproche du noir de l’objet. Toutes les lettres sont construites autour du même modèle composé de 7 plans (à l’image de la lettre B sur la page de droite). Chacun de ses plans est délimités par 4 segments dont 3 physiques et 1 immatériel.
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LE PARAMÈTRE FONDAMENTAUX
Un paramètre est au sens large un élément d’information à prendre en compte pour prendre une décision ou pour effectuer un calcul. C’est aussi et surtout un élément d’une équation qui peut prendre des valeurs différentes. Appliqué à la création, un paramètre est une variable d’un élément qui peut prendre plusieurs valeurs (couleur, taille, état) mais qui ne change pas la nature de l’élément.
La variable continue La variable peut prendre toutes les valeurs comprises entre ses deux limites. La hauteur d’un arbre est une variable continue, tout comme le nombre d’enfants qui naissent chaque année en France. Elle peut prendre une infinité de valeurs, sauf si elle est discrète, c’est-àdire sauf si elle ne prend que des valeurs comptabilisables. Je m’intéresse ici à la création qui fait seulement varier un seul des paramètres de l’élément. Le Pixel Art est un bon exemple de méthode créative utilisant la modification d’une variable discrète. Il désigne la réalisation d’une composition numérique pixel par pixel, en utilisant un nombre limité de couleurs. Le paramètre variable est donc ici la teinte du pixel. Le Pixel Art est un art très restrictif dans le choix de ses outils et c’est ce qui fait sa force créative. On le remarque aujourd’hui avec le retour à la mode du rétrogaming par exemple, où les résolutions des jeux vidéos de la fin des années 80 étaient tellement misérables que les game designers devaient trouver des concepts forts pour réussir à évoquer ce qu’ils voulaient dire.
Ce regain de popularité témoigne d’un ras-le-bol général de la course à la haute définition et de l’homogénénéisation des moyens de représentations. On pourrait comparer le Pixel Art avec le pointillisme. Le pointillisme, est une technique de peinture issue du mouvement impressionniste qui consiste à peindre par petites touches séparées de peinture de couleurs primaires. On perçoit néanmoins des couleurs secondaires, par le mélange optique des seuls trois différents tons. Cette technique est née en France notamment sous l’impulsion de Georges Seurat (1859-1891) puis de Paul Signac (1863-1935). Lorsque le tableau est regardé à une certaine distance, les tâches de couleur ne peuvent pas être distinguées les unes des autres et se fondent optiquement les unes aux autres. L’aspect visuel obtenu est différent de celui obtenu en mélangeant des couleurs sur une palette et en les appliquant ensuite sur la toile. Certains décrivent le résultat comme plus brillant ou plus pur car le mélange est réalisé par l’œil et non plus par le pinceau.
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La variable binaire La variable peut être binaire, c’està-dire qu’elle ne peut prendre que deux états qui sont, par définition, opposés. On peut donner l’exemple du sexe d’un bébé, du jet d’un pièce de monnaie etc. Pour simplifier le monde, on a souvent tendance à en avoir une vision manichéenne: l’ombre et la lumière, le noir et le blanc. Cette suppression des nuances et l’éloge des extrêmes a fait naître la logique binaire: tout peut être expliqué et fabriqué avec deux états. Pensée au début exclusivement réservée au le domaine informatique où l’octet ne peut prendre que la valeur 0 ou 1, elle s’est ensuite propagée dans les arts graphiques par sa simplicité d’appréhension. En effet, il est beaucoup plus facile de travailler avec deux états qu’avec une infinité d’états. La contrainte est en revanche de pouvoir tout faire, sans recourir à la nuance, avec ce seul élément. Les nuances doivent alors être exprimées par d’autres biais: répétitions, séries, positions et rythmes. La contrainte devient source de créativité car elle oblige à passer par des chemins alternatifs.
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LE PARAMÈTRE RÉFÉRENCES
Georges Seurat a élaboré une méthode picturale fondée sur des lois scientifique précises et a révolutionné le concept même de l’art figuratif. Son problème étant de trouver un lien entre l’art et la science et, plus précisément, entre la peinture, la physiologie et la psychologie de la perfection. La théorie de la peinture de Seurat se fonde sur l’optique ou plus précisément sur un concept appelé le « pointillisme ». Celui-ci repose sur l’idée que la lumière résulte de la combinaison de plusieurs couleurs, et que donc un ensemble de points colorés juxtaposés peuvent, observés depuis une certaine distance, recomposer l’unité de ton et rendre la vibration lumineuse avec d’avantage d’exactitude.
Dans les différentes créations artistiques de Christian Faur, les assemblages de milliers de crayons-cire Crayola, de différentes couleurs, les mines tournées vers le haut, forment des images comme une mosaique de pixels. Les oeuvres offrent une vision tridimentionnelle des couleurs qui change suivant l’endroit où le spectateur se trouve. En se déplacant dans l’espace, certains crayons en masquent d’autre et la conception des couleurs se fausse. Il est important de constater le détournement du matériau qui passe ici de rôle de matériau à celui de support.
Ce détournement de Crâne de squelette fumant une cigarette (1885) de Vincent Van Gogh a nécessité 200 000 paquets de cigarettes, soit le nombre d’américains qui meurent d’un cancer du poumon tous les six mois. Chris Jordan est surtout connu pour ses grandes œuvres photographiques qui cherchent à faire comprendre aux Américains les enjeux du consumérisme occidental en passant par des représentations des grands nombres. Le travail de Jordan tient à démontrer par le réel la société de consommation dont on ne parle habituellement qu’avec de froides statistiques. Les images sont en effet toujours plus saisissantes que les chiffres.
Georges Seurat Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande Jatte, 1886
Christian Faur Winds, 2010
Chris Jordan Skull with Cigarette, 2007
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L’avènement de la technologie numérique a offert de nouveaux outils pour les artistes et les concepteurs. Concevoir un algorithme de génération de formes est innovant et souvent interactif. Certaines œuvres sont ainsi en perpétuelle évolution pendant que d’autres sont modifiées par le comportement du spectateur.
Pierre di Sciullo développe une production typographique expérimentale foisonnante en appliquant des contraintes ludiques au dessin de caractères. Une fois sa contrainte choisit, il l’applique rigoureusement pour chaque lettre. Les contraintes qu’il choisit sont d’une simplicité si enfantine qu’on peut la deviner en regardant la typographie qui en découle. Ses oeuvres graphiques et typographiques prennent place dans l’environnement comme autant d’incitations et d’interpellations à redécouvrir la lecture, les mots, la poésie.
Dans son projet TSS-2, Andrew Byrom met en vente un système de signalétique éphémère lowcost. En retirant certaines parties collées au carton, le fond blanc fait son apparition et dessine toutes les lettres en capitale ou en bas de casse. Le design des boîtes les rend légères et transportables ainsi que résistantes à l’eau, idéales pour les signalétiques extérieures. Le tout est livré avec un petit carnet dans lequel il est marqué les différentes parties à enlever en fonction des lettres et de leur casse.
Julius Popp Bit.Code, 2009
Pierre di Sciullo le 3 par 3, 1995
Andrew Byrom TSS-2, 2008
Julius Popp explore le code en regardant la façon dont la programmation informatique peut créer et aider à concevoir une oeuvre en constante évolution. Interactivite, son installation peut directement être modifiée par le spectateur.
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LE PARAMÈTRE 1 CARRÉ DE 4 CASES
Le paramètre est ici une variable discrète prenant la forme d’un carré de 2x2 cases. Le carré peut comprendre: - 0 case noire: pas très créatif - 1 case noire - 2 cases noires - 3 cases noires - 4 cases noires = 1 pixel L’idée est de voir les conséquences que peut avoir cette contrainte sur le dessin de caractères typographiques. Avec seulement un carré noir, les lettres sont cassées et la lisibilité est assez perturbée. Avec deux cases remplies, les traits des lettres sont continus et la lecture est possible mais le nombre de carrés nécessaires est très élevé (moyenne de 5 carrés par lettre). Par contre, en ne gardant qu’une seule case blanche, nous gardons une bonne lecture en utilisant en moyenne seulement 3 carrés par lettre. De plus, contrairement à la contrainte des deux cases noires, celle des trois cases noires m’a obligé à modifier les échelles selon les lettres (hauteurs d’x, tailles des queues et des hampes et chasses varient). L’image de droite confronte les deux typographies ainsi créées. Comme la contraintes des trois cases permet d’utiliser moins de carrés, la tailles des lettres est beaucoup plus petite que celle des lettres qui découlent de la contrainte des deux cases.
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LE PARAMÈTRE CONCAVE/CONVEXE
Je trouvais intéressant de travailler sur une variable binaire réunissant deux opposés composés des mêmes éléments : l’ombre et la lumière. Quand une forme est concave, elle est éclairée d’un côté et assombrie de l’autre. Si on rend cette forme convexe, son côté illuminé deviendra son côté assombrit tandis que son côté à l’ombre passera dans la lumière. J’ai donc construit un module de 36 cases contenant des bandes de papier plastifié capables de passer d’une position (concave/convexe) à l’autre (convexe/concave). Grâçe à l’adaptabilité du module, celui-ci est capable d’afficher toutes les lettres de l’alphabet et devient dès lors un système de signalétique modulaire très bon marché. Au-delà des jeux de lumière, les feuilles concaves et convexes ne se situent pas au même niveau de profondeur. La feuille devient ici un pixel capable d’investir l’espace en naviguant entre deux des trois plans qu’offre le module : le premier plan convexe et le troisième concave. Les feuilles ne peuvent pas s’arrêter sur le deuxième plan (plat). Les feuilles concaves sont plus éloignées que les feuilles convexes qui sont au premier plan. Cela accentue encore un peu plus les différences entre les deux états et rend la lecture un peu plus aisée.
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L’ALGORITHME FONDAMENTAUX
L’art algorithmique est l’art de faire des images par le calcul. On peut le comprendre dans un sens très strict, comme le font les algoristes, en exigeant qu’il n’y ait rien d’autre que le calcul, ou tolérer que le calcul brut soit suivi de retouches diverses dans des logiciels graphiques, voire intégré à des photo-montages. Les algoristes ne représentent pas une technique numérique particulière, mais plutôt une attitude philosophique, celle d’arriver à un résultat artistique par une pure démarche algorithmique. Le résultat peut être une image aussi bien que de la sculpture ou qu’une architecture. Les algorithmes ne sont pas forcément numériques, mais doivent faire partie de l’originalité de l’oeuvre. L’œuvre doit parler d’elle-même au public sans que l’artiste ne doive l’accompagner d’une information sur sa démarche. Si les précédentes contraintes laissaient à l’artiste un pouvoir de manœuvre, la contrainte algorithmique, une fois créée, va produire sans que son inventeur puisse intervenir dans le processus. En d’autres termes, l’artiste crée la contrainte puis la contrainte crée. L’art algorithmique est pratiquement toujours exécuté par un ordinateur. Il est donc classé comme art généré par l’ordinateur. Or, comme expliqué plus haut, l’ordinateur ne joue pas qu’un rôle d’éxécution. La conception créative est le résultat d’un processus algorithmique généralement basé sur l’aléatoire ou le pseudo-aléatoire pour générer une modularité.
Les premiers exemples connus de l’art algorithmique sont les œuvres créées par Georg Nees et Frieder Nake dans le début des années 1960. Ces travaux ont été exécutés et générés par un traceur contrôlée par un ordinateur. L’acte de création réside dans l’écriture du programme et de la séquence d’actions à exécuter par le traceur. Par la suite est né l’art numérique, qui s’est développé au début des années 1980. L’art numérique désigne un ensemble varié de catégories de création utilisant les spécificités du langage numérique. il est porté par la puissance de calcul de l’ordinateur et le développement d’interfaces électroniques autorisant une interaction entre le sujet humain, le programme et le résultat de cette rencontre. La grande différence entre ces deux arts est que l’art algorithmique nécessite d’être traçé tandis que l’art numérique crée simplement une image en mémoire de l’ordinateur sans avoir besoin de support physique. Dans un sens plus strict, l’art numérique n’est pas considéré comme branche de l’art algorithmique parce que l’algorithme n’est pas conçu par l’artiste. 62
Pour qu’une œuvre d’art soit considéree comme art algorithmique, sa création doit inclure un processus basé sur un algorithme conçu par l’artiste. Un algorithme est un processus systématique de résolution, par le calcul, d’un problème permettant de décrire les étapes vers le résultat. C’est une suite finie d’opérations permettant de donner la réponse à un problème. Dans la mesure où les algorithmes ont tendance à être déterministes, ce qui signifie que leur exécution répétée produirait une production d’œuvres d’art identiques, un facteur externe est habituellement présenté: une générateur d’aléatoire. Les oeuvres d’art algorithmiques fascinent par leur complexité et pas la difficulté qu’on éprouve à imaginer les formes représentées. Elles sont aussi un moyen de rationaliser notre environnement en traduisant en fonctions mathématiques toutes les formes qui nous entourent. Les formes sont la plupart du temps organiques sans aucun rapport d’échelle. L’art algorithmique alimente la réflexiion autour des ressemblances entre le micro et le macro. 63
L’ALGORITHME RÉFÉRENCES
Zaha Hadid est l’architecte de la déconstruction. Les apparences visuelles de ses réalisations sont caractérisées par une imprédictabilité stimulante et un chaos contrôlé. Par l’intermédiaire de procédés de décomposition gérés par ordinateur, elle exprime dans ses bâtiments les contradictions, les dilemmes ou les conflits de la ville, reflets de la société et de la culture actuelles. Ces situations complexes sont exposées à travers une recherche formelle expressive. Les formes sont pensées de façon à révéler et non dissimuler, elles ont la capacité de déranger la façon habituelle de percevoir les configurations spatiales. Pour générer des bâtiments d’une telle complexité, Zaha Hadid utilise un système de modélisation et de gestion des données du bâtiment en 3D développé par Gehry Technologies sur la base de CATIA.
Helaman Ferguson est un mathématicien dont l’invention de l’algorithme PSLQ, répertorié comme l’un des dix meilleurs du 20e siècle lui a donné une renommée internationale. Mais Ferguson est aussi connu pour travailler avec des outils mathématiques dans la sculpture. Chacune de ses sculptures représente un objet mathématique n’appartenant pas au monde sensible (fonction, suites, ensemble, intervales...). Il dit apporter aux pierres qu’il façonne l’empreinte intemporelle des théorèmes mathématiques. Ici, l’artiste exécute une volonté scientifique. Il n’est pas le créateur mais l’outil qui permet aux mathématiques de se répandre dans le monde réel.
Une figure fractale est une courbe ou une surface de forme irrégulière ou morcelée qui se crée en suivant des règles impliquant une homothétie interne. Un objet fractal est donc autosimilaire, c’est-à-dire que son tout est semblable à une de ses parties. L’art fractal consiste à produire des images, des animations et même des musiques à partir de fonctions mathématiques, converties en fractales. Le flocon de Koch est l’une des premières courbes fractales à avoir été décrite. On la doit au mathématicien Suédois Helge von Koch qui lui a donné son nom en 1904 dans un article intitulé «Sur une courbe continue sans tangente, obtenue par une construction géométrique élémentaire».
Helaman Ferguson Umbilic Torus NC
Helge von Koch Flocon de Koch, 1904
Zaha Hadid Abu Dhabi Performing Arts Center
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Depuis l’utilisation du code opensource Graffiti Analysis pour le projet Camera Linea de Chevalvert, Evan Roth et Chris Sugrue (les créateurs de ce programme) viennent de sortir une nouvelle version permettant de ramener un tracé virtuel au monde physique : Graffiti Analysis Sculptures ! Particulièrement intéressante, cette application permet d’enregistrer des tracés virtuels en 3D pouvant être ensuite produits physiquement. Le graffiti quitte les murs pour devenir un objet. Le projet vise à construire la plus grande collection de graffitis au monde et de réunir deux communautés apparemment disparates qui partagent un intérêt commun pour le piratage de systèmes, qu’ils soient trouvés dans le code ou dans la ville. La technologie étant open-source, de plus en plus d’applications sont disponibles pour venir enrichir la bibliothèque de possibilités. Evan Roth & Chris Sugrue Graffiti Analysis 3.0, 2010
Paul Hoc n’est pas un robot, c’est un patineur et comme tout patineur il exécute un programme. Paul Hoc est un être électronique sensible. Paul Hoc n‘est pas une imprimante, il arpente le papier pour y inscrire son propre mouvement tel un sismographe. Paul Hoc est une expérience menée durant la Biennale internationale design 2008 Saint-Étienne sur la notion de traces. Ces dernières constitueront son journal de bord. Chevalvert, 2008 Inventé par Objetgraphik et Chevalvert, Paul Hoc est un petit robot créatif qui exécute des algorithmes. Il étonne par la précision de ses traits qu’un être humain ne pourra jamais égaler. Pour le moment Paul Hoc ne peut pas se tromper. C’est sa seule différence avec l’homme qui tire toute la beauté de ses créations dans sa fragilité. Paul Hoc expérimentations , 2008
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L’ALGORITHME FRACTALE
L’idée était d’appliquer simplement la boucle fractale à la typographie en respectant l’autosimilarité pour voir comment se comporte le dessin des lettres. Ce principe d’autosimilarité a pour conséquence la modification des échelles. La lettre perd son rôle d’élément de lecture pour devenir simplement un élément de construction. Ceci rejoint la jeune théorie de la relativité d’échelle, développée par le physicien français Laurent Nottale, qui démontre, entre autres, que l’espace aurait une nature fractale. Concrètement, cela signifie qu’un objet mesuré en millimètres est un peu différent du même objet mesuré en mètres. On le voit ici sur l’exemple de la lettre A. Au fur et à mesure des itérations, la forme à tendance à se mincir (ou la chasse de la lettre se rétrécit).
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L’ALGORITHME POURCENTAGE
J’ai développé un algorithme qui traduit le dessin d’une lettre en un carré gris. Une fois la lettre résumée en 100 pixels, dans un carré de 10x10, tous les pixels au-dessus de 50% de noir deviennent noirs et tous les pixels inférieur à 50% de noir deviennent blancs. J’obtiens alors une forme composée exclusivement de carrés noirs. Leur nombre est le pourcentage du gris dans le carré final. Par exemple : A > 26% B > 45% C > 29% Chaque lettre obtient ainsi son identité de niveau de gris. J’ai ensuite traduit un poème de Baudelaire dans ce langage de nuances pour rechercher les séquences et les suites du poète, car les textes en prose forme une unité ne visant pas seulement à raconter une histoire ou à transmettre une information mais aussi et surtout à chercher un effet poétique. Le code qui en ressort donne un nouveau point de vue au poème en proposant une interpréation graphique des rythmes des vers et des rimes. Le codage des caractères varient en fonction des typographies utilisées. Une linéale sera toujours plus clair qu’une didone. Mais le codage peut aussi varier en fonction des graisses. Une typographie bold est beaucoup plus sombre qu’une typographie light. Ainsi, chaque lettre de chaque graisse de chaque alphabet a sa propre identité.
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L C C D F 70
LA CONTRAINT CRテ右 DES FORMES 71
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Le système de contraintes, une fois établi, va produire une bibliothèque de formes dans lesquelles le graphiste peut trouver matière à création. J’ai retenu pour la suite trois systèmes qui m’intéressent puisqu’ils réunissent chacun d’entre eux plusieurs classes de contraintes:
VOLUME L’idée de construire un volume avec la combinaison d’une forme et de son ombre répond dans un premier temps à la contrainte de la lumière amenant implacablement avec elle la contrainte de l’espace, avec les notions de points de vue, de perception et de construction qui en découlent.
VOXEL Pourquoi ne pas créer un espace tridimensionnel en utilisant uniquement la typographie, condamnée à vivre sur une surface plane, en quittant son rôle de lecture pour devenir un matériau de construction? Ce système rapproche les contraintes du matériau et d’espace.
DECOUPE/PLI Quand le matériau devient support, qui joue le rôle de matériau? Ce système relie donc les notions de matériau, de support mais aussi d’espace, car les lettres sont construites à partir d’une réflexion autour des axes de symétrie au sein des lettres, qu’elles soient axiales ou centrales.
Cette deuxième partie du mémoire consiste à explorer les limites des contraintes en regardant toutes les formes qu’elles peuvent générer en modifiant et en combinant les paramètres et variables dont elles dépendent. Les systèmes choisis sont sous l’autorité de contraintes assez strictes pour être créatives tout en laissant une grande marge de manoeuvre au graphiste pour orienter son travail.
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VOLUME MODIFIER LA FORME LA POSITION DE LA SOURCE LUMINEUSE LA HAUTEUR DES PIEDS CHANGER SON POINT DE VUE PERSPECTIVE ISOMÉTRIQUE LES SEPT PLANS LA LUMIÈRE VARIER LES VOLUMES RESPECTER LA GRILLE DÉPLACER LES INTERSECTIONS 75
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MODIFIER LA FORME LA POSITION Pour modifier la forme, il est possible soit de modifier le volume, soit son ombre. Pour modifier l’ombre, il faut varier la position du volume par rapport à la position de la source lumineuse ou l’inverse. Je choisis alors, dans une première étape, de laisser le temps modifier la position de la source lumineuse. En positionnant les volumes sur le sol, en plein air, je laisse le soleil changer leur ombre au fur et à mesure de sa course. Dans un deuxième temps j’ai moimême changé la position de la source en faisant attention à ce que le volume grandisse dans une perspective cavalière en positionnant l’appareil photo juste au dessus du volume. Ainsi, nous ne voyons pas les pieds qui sont masqués par la lettre mais uniquement leur ombre. Je peux ainsi modifier le point de vue de la perspective cavalière en naviguant la source lumineuse entre les quatre coins de la lettre. Je peux aussi modifier la profondeur de la lettre en optant pour une lumière plus ou moins rasante pour alonger l’ombre portée des pieds. 78
LA HAUTEUR DES PIEDS L’autre facteur paramétrable ayant un impact sur la forme de la lettre est la hauteur des pieds. Puisque la source lumineuse est au zénith, l’ombre de la forme ne varie pas, quelle que soit la hauteur des pieds. Dans l’exemple de gauche, il fallait composer avec l’ombre des pieds. Dans celui-ci, il n’y en a pas. Contrairement à l’expérimentation précédente, il faut ici adopter un angle de vue plus rasant, passant ainsi de la perspective cavalière à la perspective isométrique, pour voir à la fois l’ombre du volume et le volume. Pour modifier la profondeur du volume, on peut alors jouer sur deux paramètres: la position de la source lumineuse et la hauteur des pieds. Les deux résultats sont identiques mais nécessitent une modification de l’angle de vue. Il est plus simple de filmer en modifiant la position de la source lumineuse que de filmer en modifiant la hauteur des pieds car il est plus facile de modifier une ombre qu’un objet.
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CHANGER SON POINT DE VUE
On l’a vu précédemment: pour modifier une forme dans ce système de contraintes, il faut varier son angle de vue. Je choisis alors de travailler sur un angle de vue particulier qui me permet d’avoir une lettre aussi profonde que large. Ce point de vue est illustré sur l’image ci-dessus. Les intersections des segments se rejoignent pour construire une forme plus contraignante puisqu’on perd la lisibilité de la lettre. Mais cette forme sacrifie la lecture au profit d’un objet beaucoup plus modulable car, au lieu des deux plans initiaux (objet et ombre), me voilà à composer avec sept plans.
Replaçons cet objet dans un plan en le représentant en perspective isométrique. Tous les plans sont égaux en surface, seule leur direction varie. Ils sont aussi longs que larges et représentent alors des carrés en perpective isométrique. La lettre B devient le module de référence car il emploie l’ensemble des cinq plans alors à disposition. Les autres lettres sont des variations de ces cinq plans. Certains disparaissent pendant que d’autres réapparaissent pour recomposer ainsi tout l’alphabet. La perception de la forme est troublée par la perspective et on ne peut pas dire réellement dans quel sens elle se trouve.
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En passant dans la représentation dans un plan, nous avons perdu la contrainte de la lumière que je choisis de réinjecter en éclairant par derrière. Cette étape permet de transformer les plans, jusque là en contours, en plans pleins et d’observer les conséquences de leur superposition. Les intersections de plans sont deux fois plus fonçées que les plans simples, eux même deux fois plus fonçés que le support. Aucun plan parallèle ne s’empile, il est donc toujours difficile de savoir dans quel axe se situe la profondeur. Notre oeil peut interpréter de deux manières cette forme dans l’espace.
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Chaque plan ayant toujours la même position, je choisis de leur attribuer arbitrairement une couleur chacun, avec une légère transparence pour singer l’effet de la lumière venant de derrière. Cette suite de procédés m’aura juste permis de traduire graphiquement un volume, qui au départ était dans l’espace, en un ensemble de plans tout en conservant les contraintes dont ce volume dépendait, à savoir la contrainte de l’espace (dénotée par la perspective isométrique) et la contrainte de la lumière (connotée par la transparence des plans). j’ai donc trouvé le module que je cherchais (la lettre B) pour composer toutes les formes.
Pour me libérer encore un petit peu, il me faut une dernière contrainte qui puisse m’offrir la possibilité de varier les formes. Déplacer les intersections en respectant la grille.
VARIER LES VOLUMES
Pour expérimenter autour de cette contrainte, j’ai plaçé des élastiques de couleur pour représenter les plans et des clous pour représenter les intersections. Pour corriger les défauts d’interprétation de la perspective isométrique, je choisis alors de placer ces élastiques en plusieurs «étages» d’élastiques, le premier élastique représentant le plan de derrière et le dernier représentant le premier plan. Je ne laisse ainsi qu’une seule interprétation possible de l’espace isométrique. Les déformations sont aléatoires mais respectent la grille et surtout les limites matérielles de l’élastique. Si on cherche à trop déformer la forme, les élastiques craquent. Pour me faciliter la tâche, j’ai utilisé dans cet exemple cinq plans au lieu des sept initiaux. Avec la déformation, les lettres disparaissent complètement et la lecture n’est plus du tout possible. En contrepartie, je peux générer toutes les formes que je souhaite en modifiant seulement les dix intersections et les couleurs des plans.
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VOXEL LES VARIABLES LE SENS LA TYPOGRAPHIE LA REPRÉSENTATION AVIVER LA DIMENSION COMBINER TOURNER LA LUMIÈRE SPHÈRE COLORIER DÉGRADÉ VOXEL-ART ANIMER SORTIR DE LA FEUILLE 85
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LES VARIABLES Dans un espace, tout est variable sauf les trois axes qui déterminent le référentiel. Un objet dans l’espace peut ainsi changer de sens, être dessiné par différentes typographies ou être représenté de différentes manières, en voxels ou en pixels.
LE SENS La perspective isométrique permet de générer des objets dans trois plans différents. Ces objets peuvent avoir quatre sens différents dans chaque plan. En bref, un même objet peut être représenté de douze manières différentes.
LA TYPOGRAPHIE Comme on peut le constater, la perspective change du tout au tout en fonction de la typographie utilisée. De manière générale, les alphabets «monospaces», dans lesquels les lettres occupent le même espace horizontal, s’approchent le plus de la perspective isométrique.
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LA REPRÉSENTATION Toutes les lettres peuvent se construire d’un assemblage d’une infinité de voxels et donc d’une infinité de manières. La contrainte est assez permissive et je peux choisir entre plusieurs façons de bâtir les lettres du moment qu’elles restent lisibles.
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Le voxel est utilisé ici comme un pixel hexagonal. Cette façon de représenter la lettre est moins intéressante puisqu’elle n’exploite pas les propriétés spatiales spécifiques au voxel. Le dessin des lettres ne dépend pas du voxel et nous perdons la notion d’espace.
On peut aussi choisir que toutes les lettres se construisent sur le même plan. Cette manière de représenter l’espace est encore moins intéressante car la contrainte ne consiste qu’à donner de la profondeur à un pixel sans intervenir sur sa construction.
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AVIVER LA DIMENSION Bien que la profondeur soit tributaire de la contrainte, il existe des moyens de l’accentuer.
L’espace peut être créé sans profondeur autre que la largeur du caractère. Le pli typographique qu’on peut réaliser avec les slash/ antislash/underscore entraîne en effet la perception d’un espace dont on ne saurait déterminer le sens. Ces modules représentent les 54 combinaisons possibles de 3 plans. /\ /\/ /\/ \/ __ \_\ \_\ \_\
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__ /\_\ /\/_/ \/_/ les voxels.
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aussi Voici les 12 combinaisons possibles de 3 voxels non alignés. Ces combinaisons représentent tous les points de vue d’une même forme. Le module ne __ change pas, unique__ ment l’angle /\_\ d’où on le regarde, /\_\ \/\_\ /\/_/ ______ contrairement aux 4 combinaisons /\/_/ /\_\_\_\ possibles vues\/\_\ dans la contrainte 1 \/_/ \/_/ \/_/_/_/ CARRÉ DE 4 CASES. ____ /\_\_\ \/_/\_\ \/_/
J’applique alors le principe de ronde-bosse à la lettre dans l’idée d’appuyer l’effet sculpture-3D du voxel. Chaque figure étant alors un angle de vue différent de la même forme, seule une seule représente la lisibilité. Les deux objets ci-dessous illustrent bien le propos. On reconnaît la lettre a à droite mais pas à gauche.
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Et pour accentuer encore plus l’effet de profondeur, on peut faire appel à l’éternelle technique du dégradé. En faisant varier l’intensité de la lumière sur l’objet, on souligne sa troisième dimension. On peut ainsi créer une source lumineuse, qui n’existe pas, pour apporter plus de cohérence à l’espace créé.
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SPHÈRE Une autre difficulté liée à cette contrainte est la représentation des formes arrondies tout en utilisant la propriété géométrique du voxel. Des algorithmes très complexes ont été développés pour construire des sphères en cubes, mais construire une sphère en cubes de texte s’est révélé être un exercice très difficile car la perspective isométrique masque parfois certaines faces et transforme alors les sphères en ellipses. Plus le nombre de voxels utilisés dans la construction est important, plus la courbe sera prononcée.
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COLORIER Puisque la couleur aide à la perception d’un objet, je me suis demandé quels étaient les différents moyens à ma disposition pour coloriser les formes ainsi générées.
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LE DÉGRADÉ Dans l’espace, la lumière diffuse ses ondes graduellement sur l’objet. Dans la réalité, les lumières sont toujours progressives. C’est pourquoi le dégradé, qui est une transition progressive d’une couleur vers une autre, est une bonne réponse. Le dégradé ne se fait pas au sein des caractères mais caractère par caractère.
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VOXEL-ART La deuxième manière d’injecter de la couleur est, à la manière du pixel art, d’apporter une couleur par voxel, contrairement au dégradé qui apporte une couleur par élément (slash, antislash et underscore). Bien que moins pratique à petite échelle, cette manière de représenter la lumière me paraît plus judicieuse compte tenu de la propriété du cube. 94
ANIMER On peut aussi réfléchir aux différentes façons d’apporter du mouvement à une forme. On a tous joué au jeu du serpent sur nos premiers téléphones portables où nous dirigions une barre de pixels dans le plan de l’écran. Le serpent, une fois en voxel, peut se diriger dans l’espace dans 5 directions: tout droit, en bas, en haut, à gauche ou à droite. 95
SORTIR DE LA FEUILLE J’ai décidé de regarder comment se comporte la forme créée dans la réalité. J’ai remplaçé les voxels par des cubes blancs pour construire les mêmes lettres que celles que j’avais dessinées au début. Certaines formes sont géométriquement impossibles à faire, comme la lettre o. Une fois les formes reproduites, je les ai regardé de plusieurs points de vue: - en perspective - de face - de dos - de gauche - de droite - du haut - du bas
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DÉCOUPE/PLI SYMÉTRIE AXIALE LE PAPIER MATÉRIAU LE PAPIER SUPPORT LE PAPIER FOND UN FOND DE LUMIÈRE LA LUMIÈRE EN FOND LA LUMIÈRE EN ARRIÈRE-PLAN ÉCLAIRER BAS-RELIEF RÉFLEXION 99
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SYMÉTRIE AXIALE
Le point de départ de la réflexion est de chercher dans les caractères typographiques des éléments symétriques entre eux. La symétrie axiale est une transformation géométrique du plan qui modélise un pliage. J’ai donc plié le support sur luimême afin qu’il devienne aussi matériau en dessinant avec lui une partie de la lettre.
Le papier comme matériau J’ai choisi d’utiliser le papier pour ses propriétés mécaniques de pliage. A la fois léger et assez solide pour être plié encore et encore, le papier est reconnu comme étant le matériau privilégié des origamistes. C’est avec lui que je vais expérimenter en jouant sur certaines autres de ses spécificités.
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Le papier comme support En pliant le papier on observe alors 3 couches successives de formes. La première couche contient tous les plis. La deuxième couche est la feuille trouée (le support). La troisième couche est le fond, ce que les trous de la deuxième couche laissent apparaître.
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Le papier comme fond On peut alors faire en sorte que le fond soit le même papier qui joue le rôle de support et de matériau. Le papier devient alors le fond et la forme du travail puisqu’il délivre à la fois les formes et le sens.
UN FOND DE LUMIÈRE
La lumière en fond On peut choisir de mettre n’importe quoi en fond. Plus haut j’ai montré le parquet de ma chambre, un carton plume noir et ici la lumière. Une interversion de plans était nécessaire. Dans l’ordre du plus proche au plus éloigné : le support, le matériau et le fond. On joue avec une autre spécificité du papier à savoir la finesse de son grammage qui laisse passer la lumière.
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La lumière en arrière-plan La lumière peut ne pas se substituer au fond mais être une couche supplémentaire. Elle permet alors d’intervertir le plan du fond et le plan du matériau sans déranger la lecture.
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ÉCLAIRER Bas-relief La lumière joue aussi le rôle de révélateur. Elle peut traverser le papier mais aussi lui apporter une ombre. Dans l’exercice du pli, si la feuille ne se recourbe pas sur la page mais reste horizontale, la lumière peut jouer à composer avec le matériau et son ombre. On peut alors lire la lettre de plusieurs façons puisqu’elle se comporte dans l’espace comme se comporte un bas-relief. La lettre se compose donc du trou du support, du fond (ici, un carton plume noir) et de l’ombre du matériau (de la partie pliée). La lumière apporte une manière de moduler la lettre puisque, comme dans le système de contraintes «volumes», la position de la source lumineuse et l’angle de vue sont variables.
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Réflexion La symétrie axiale est aussi appelée réflexion puisqu’elle modélise un effet miroir. J’ai voulu expérimenter cet effet en utilisant un support (le papier blanc), un élément noir perpendiculaire au support et une lampe de poche.
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CONCLUSION DU TOME 1 Ce tome 1 nous a permis de voir comment la contrainte érigée en système pouvait être source de création. Le graphiste doit faire preuve d’une grande ingéniosité pour se défaire des règles qu’il se crée. En variant les différentes variables et les différents paramètres qui régissent les contraintes, il peut leur faire créer tout un vocabulaire formel qui vient ouvrir le champ des possibles. Mais ces formes n’ont pas de finalité si elles ne s’appliquent pas dans un projet réel.
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Contrairement à l’artiste qui crée sans autre objectif que la création, le graphiste crée dans un cadre précis défini par une demande émergeant d’une tierce personne. C’est pourquoi le tome 2 sera consacré à la confrontation de ces formes à des contextes réels afin de voir comment les règles extérieures au graphiste font encore évoluer la biblothèque de formes en apportant avec elles des concepts.
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REMERCIEMENTS Dominique Beccaria pour l’intérêt qu’elle m’a donné pour le graphisme et pour la typographie ainsi que pour son dévouement pour ses étudiants. Lionel Hager pour ses précieux conseils et sa rapidité d’analyse. Miléna Guillermet pour sa motivation et pour le labo typo. Guillemette Gobbi pour m’avoir donné l’opportunité de découvrir un peu plus le monde de l’entreprise avec un stage très constructif. Rob Evers pour avoir été un maître de stage à l’écoute de mes attentes. Vincent Bizien pour sa philosophie. Ma mère pour la relecture. 111
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