NAVIRE ET MAISONNETTES SAINT-MAURICE CHANSONS DE RED PHOTOGRAPHIES DE MATHIEU DROUET
INTRODUCTION Ce livre-CD est le résultat de plusieurs belles rencontres : Chronologiquement,tout d’abord,celle d’un établissement dévolu aux musiques actuelles (l’Aéronef) et de deux artistes : un musicien aventureux (Red) et un photographe tout-terrain (Mathieu Drouet). Celle ensuite qui vit ce trio découvrir le quotidien de deux quartiers de la ville de Lille : La cité St-Maurice, un îlot de maisonnettes à proximité de la place Caulier, et le quartier
sont devenus les protagonistes de cet ouvrage. Natifs du secteur ou fraîchement débarqués, simples résidents ou
acteurs associatifs,ils ont accueilli les artistes et accepté de
s’ouvrir à eux en leur livrant des histoires,des souvenirs,des
coups de gueule, mais aussi en participant à des ateliers
ou en acceptant de poser pour un portrait. Le processus créatif s’est produit devant leurs yeux : il s’est nourri de
Vauban,à quelques encablures du port fluvial.
leur parole, de leur voix, de leurs visages, du décor de leur
Et puis celle, évidemment, qui permit
contentent pas de parler d’eux : ce sont, à vrai dire, d’au-
des échanges entre Red, Mathieu et une poignée d’habitants de ces quartiers, qui
vie.Les chansons de ce disque, les photos de ce livre, ne se thentiques fragments d’eux et de leur réalité,capturés par les yeux et les oreilles avertis d’un duo d’artistes sensibles et restitués sous la forme d’images et de chansons. Il ne nous reste plus qu’à espérer que la dernière rencontre,celle
qui aura lieu entre vous (qui tenez ce livre entre vos mains) et son contenu, sera aussi passionnante et enrichissante que celles qui nous ont menés jusqu’ici.
RED Olivier Lambin est un auteur, compositeur et musicien
connu sous le nom de RED depuis la fin des années 90. Il a fait paraître à cette époque ses premières œuvres solitaires, entre blues rachitique et folk
écorché, enregistrées à la maison sur
MATHIEU DROUET
un magnétophone de fortune. Depuis, il a multiplié les projets, côtoyant avec
la même aisance jazzmen, musiciens
de rock et expérimentateurs de tous poils. Ces derniers temps, il a monté le groupe Bodybeat (un projet funk) et s’est amusé
– comme sur le présent CD – à ranimer les synthétiseurs et boîtes à rythme des
années 80 pour leur insuffler son esprit
singulier: brut,habité,rugueux et humaniste.
Mathieu Drouet a 35 ans. Il s’adonne à la photographie
depuis son adolescence. Après des études en Belgique et en France, il a travaillé un temps dans un centre de
formation aux métiers du social, puis dans des agences
web. Son objectif a immortalisé des sujets multiples et
variés (musiciens rock de tous pays,exploitations viticoles, services sociaux belges, séances de mannequinat, pay-
sages ibériques, terrains vagues des faubourgs lillois,...)
avec un talent constant et une sensibilité singulière, volontiers rock n'roll. Il a monté il y a quelques années
une agence avec son meilleur ami, « Take a Sip », une structure qui lui donne un cadre pour développer
son travail autour de l'émotion,du ressenti et de l'échange.
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MAURICES ET MAURICETTES Maurices et Mauricettes Bien clos dans leurs maisonnettes Juste là, derrières leurs fenêtres ou alors au beau milieu d’un palais de briquettes, ex-miroir aux alouettes. Jardinières, casquettes, salopettes, Maurices et mauricettes… Maurices et mauricettes, Pipelettes ou muettes mais honnêtes, Ici jamais tu ne te la pètes Maurices et Mauricettes à la supérette Accélèrent ou alors perdent de la vitesse Apparaissent disparaissent dans leurs maisonnettes Au beau milieu d’un palais de briquettes ex-miroir aux alouettes Pipelettes ou muettes Maurices et mauricettes.
LES ÉTOILES D’ici on ne peut voir toutes les étoiles Elles sont emmurées De temps à autre, une passe sous la voûte Aux alentours du mois d’août On aimerait la décrocher, la toucher, oui mais elle file. D’ici on ne peut voir toutes les étoiles Certaines se cachent derrière des mur tagués d’amour transit ou d’insultes On ne peut voir toutes les étoiles, Parfois mêmes elles se troublent, se meurent à petit feu. On ne peut voir toutes les étoiles.
DE QUEL QUART DE L’ASTRE ?
DÉMONTONS LES BRIQUES
ON DIRAIT LE SUD (EN RIEN)
De quel quart de l’astre me parles-tu exactement ? C’est un vrai désastre depuis maintenant très longtemps. Suis-je sur tes cadastres ? Arrête-toi, regarde un moment Mais de quel quart de l’astre me parles-tu exactement ? Hmm, différences de castes. C’est un rien emprisonnant Oui la grande porte est un sas Personne ne la franchit franchement Les poubelles sont en place Dis-moi tu les oublies souvent Mais de quel quart de l’astre me parles-tu exactement ? Nos enfants sont des as Si tu leur donnes un peu de ton temps Le problème est vaste Mais la baballe est bien dans ton camp Des poissons dans une nasse Toi tu ne manques pas d’air pourtant De quel quart de l’astre me parles-tu exactement ? C’est un vrai désastre depuis maintenant très longtemps. Suis je sur tes cadastres ? Arrête-toi, regarde un moment De quel quart de l’astre me parles-tu exactement ?
Démontons les briques Arrachons le lierre Les toits et les gouttières Virons les poubelles Les tags et les cannettes Repoussons le train Le collectif et les fenêtres Invitons le ciel Le sable et puis la mer Quelques cannes à pèche Alors là Ici, ce serait bien.
Juste sous les chevaux fuyant au grand galop Deux jeunes demoiselles d’origine africaine Derrières les chevaux fuyant au grand galop Huit feuilles pour deux trèfles pour la dame sous la casquette Le reste est un humble mystère que sa voix douce sait taire. Non loin des chevaux fuyant au grand galop, Deux livres une chaises, deux très jolies mirettes. Une jeune espoir, un peu de lumière, qui s’enfuira peut être un jour au galop Là, devant les chevaux fuyant au grand galop, Un taiseux germain peut être un cousin S’assoit au soleil devant les jardins, Rhubarbe et roses pour que le tout soit moins morose Alors comme des chevaux fuyant au grand galop, Une bande de gamins juste un petit peu mutins, Tripant, jouant avec presque rien Quelques chats, des chiens On dirait le Sud en rien.
NAVIRE ET MAISONNETTES 1. MAURICE ET MAURICETTES 2. LES ÉTOILES 3. DE QUEL QUART DE L’ASTRE ? 4. DÉMONTONS LES BRIQUES 5. ON DIRAIT LE SUD (EN RIEN) 6. LES JE-VOUS-SALUE-MARIE 7. LE MARIAGE DE GIACOMINA 8. DÉTENDU DE PARTOUT 9. MUTATION
MUTATION Etant une vieille bitte immobile, j'ai tout vu, tout entendu. Quai Vauban 50, 60 : Becs de gaz mourants, j'arrimais ici, navires habités et bénis, au boulot aumônier, bateliers, forains, gitans, soirées flonflons gaies, tristes, ivres souvent, et pour la petite fille sur la photo posant, au loin Catinat richissime, en foire une fois l'an. Je délimitais pour elle le quai de l'eau, alors 68 péniches en fuite, quai dépotoir asséché, je suis seul, avec le carrelage et le coq. 70's est un chantier : Chantier non-naval d'un navire sans eau pour familles à multiples maux, croisière immobile, pour nous dit-on du bonheur à venir, alors trombe de cannettes à Catinat, sortie du L.O.S.C. dans la tristesse et puis la joie. Suis devenu un vestige que les chiens lavent d'urine dans l'odeur des mousses Kuhlman flottantes et puantes, non loin du carrelage et du coq. 80 ça craint : manque d'entrain, train-train. Sur le navire sans eau plus de flonflon mais des pépères Strat télévision. Je délimite
l'entrée de béton hardcore pour les corps, mauvais décor, alors ça grogne ici ça grogne, ça vend du vert et du dur sans vergogne, de Catinat là-bas jusqu'à moi, auprès du carrelage et du coq. 90, 2000 systématiques étudiantes brillantes ou bruyantes, direction Catinat, marché aux plantes et regards malveillants. Plus de victoire, Grimonprez-Jooris ne sort plus ici, plus de bateliers plus de forains, juste le monde entassé là, se demandant parfois ce que j'y branle moi, en face du carrelage et du coq. Aujourd'hui les années 10, sous les paraboles pour les pas-de-bol, autocollant, stickers extrême, la cité somnole. Catinat à nouveau neuve et riche, nettoyée, balayée de son underground marché. Back le snack de septembre à Pâques, à ma gauche à ma droite, familles, enfant, maman, très peu de vie pourtant. C'est lourd, c'est laid, c'est lourd. Pourvu que le bateau coule.
DÉTENDU DE PARTOUT Tu défonces des gymnases à grands coups de bélier en métal, Tu ferais mieux de te détendre de partout. Au square d'Espagne, carabine, coups de fusil, Eh mec, tu ferais mieux de te détendre de partout. 41 caisses, plus de 160 pneus que tu crèves, en soutien-gorge/porte-jarretelles, ça va pas non ? Détends-toi de partout. Rien dans la force, tout dans la vitesse, pas contracté Détendu de partout Alors la nuit tu cries, tu fais pas mal de bruit, du boucan très tard ou très tôt sur le retour, Détendu de partout. Fais gaffe aux cowboys qui zonent et qui guettent Quatre bourrins dans une caisse, un peu tendus de partout
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REMERCIEMENTS À Marie-Noëlle, Odette, Giacomina, Atika,
Mouss, Mohammed et Saïd, Malika, Fatima, toute l’équipe de la Maison de Quartier de
Vauban et ses usagers, l’équipe de l’activité
« boxe », le Restaurant « Chez Bernard et Marie », tous les habitants de
la cité St-Maurice, Evelyne,
CRÉDITS
Andreas, Rolf, Georges, Claudie, Jean-Lin, l’association Paroles
d’habitant, ATD Quart-Monde, Romain Donadio, Fatima Koroghli, Olivier.
Chansons__Red
Photographies__Mathieu Drouet
Conception graphique__Cerise H Typographies utilisées
AW Conqueror & Cassannet Suivez les spectacles et actions proposés par l’Aéronef sur www.aeronef-spectacles.com
Cet ouvrage est le fruit d’un projet hors-
les-murs mené par l’Aéronef, scène de mu-
siques actuelles lilloise, avec la participation d’artistes et d’habitants des quartiers lillois.
Cette démarche a bénéficié des soutiens de la ville de Lille dans le cadre de sa politique de la ville et de nombreux partenaires associa-
tifs investis au quotidien auprès des habitants.
NAVIRE ET MAISONNETTES VAUBAN CHANSONS DE RED PHOTOGRAPHIES DE MATHIEU DROUET