Habiter la campagne aujourd'hui, quels biens communs possibles entre anciens citadins et ruraux ?

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>>> habiter La campagne aujourd’hui Quels

biens communs possibles entre anciens

citadins et ruraux ?

Mémoire de recherche, Paysage 3eme année Mai 2015 Nunez Maud Encadrée par Grosjean Bénédicte et Barrère Céline

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille - Séminaire de recherche Urbanisme et Urbanisation


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Remerciements J’adresse mes remerciements à Bénédicte Grosjeans et Céline Barrère pour m’avoir encadrée, conseillée et suivie cette année dans le cadre du séminaire Urbanisme et Urbanisation et m’avoir énormément appris en terme de méthode mais aussi de culture sur l’urbanisme «Bottom Up». Au cours de cette aventure j’ai pu rencontrer des personnes chaleureuses, passionnantes et passionnées par leur métier et leurs actions qui m’ont beaucoup apporté. Je remercie en premier lieu Frédérique Lescureux, intervenant spécialisé dans le monde rural qui au cours de l’année précédente a su révéler en moi la passion sur le milieu urbain de la campagne. Denis Delbaere, architecte, professeur à l’ENSAPL pour m’avoir conseillée. Nathalie Mandaron, chef de projet RENOUER (Renouvellement Urbain et Écologique des territoires ruraux et périurbains) aux Espaces Naturels Régionaux du Nord-Pas de Calais qui m’a reçue et informée sur ce projet. Lise Debaere, architecte oeuvrant au Parc Naturel de l’Avesnois qui m’a fait partager son expérience sur la création de logements coopératifs dans la commune de Ors dans le cadre du projet VUQ (Vers Un Urbanisme de Qualité) et pour ses encouragements. Loïc Julienne, architecte du bureau Construire qui m’a reçue à Paris et entretenue sur le projet du Hameau du Blat. La famille Janin et plus particulièrement Rémi Janin de m’avoir accueillie sur le site de la ferme de Vernand et fait partager l’expérience de sa famille, le concept de l’urbanisme agricole et sa vision du projet de paysage. Jean François Neyrand, Maire de Fourneaux avec lequel je me suis entretenue au sujet de la commune de Fourneaux et de son expérience vécue. Jacqueline Mielle première adjointe de la mairie de Beaumont, Pascal Waldschidt Maire de Beaumont et Jean-Rémi Durand Gasselin troisième adjoint de la mairie de Beaumont pour m’avoir reçue et consacré une matinée à discuter sur la démarche de projet des Bogues du Blat, de leurs expériences néo-rurales, de leur point de vue du monde rural et pour les nombreux échanges d’emails. Je remercie particulièrement ma mère de m’avoir encouragée et accompagnée dans mes déplacements sur les sites d’étude, puis relue et conseillée. Enfin, merci encore à toutes ces personnes pour tous ces cafés partagés, offerts autour de discussions et réflexions passionnantes sur le monde rural et ses potentialités d’usages, d’aménagements et de partage.

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SOMMAIRE Avant-propos

p.6

Introduction

p.8

PARTIE

1: La campagne aujourd’hui, Quels faits, quelles idées ?

1: La campagne aujourd’hui, Un milieu REpeuplé par des citadins ?

p.16

2: La campagne aujourd’hui, Une seule manière d’habiter ? A : Vers une urbanisation de la campagne B : Le lotissement pavillonnaire, un modèle dupliqué C : «Un monde pour soi»

3: La campagne aujourd’hui, Un territoire Privé? A : La perte d’un modèle de vie communautaire B : La campagne, du bien commun au bien privé C : Le Bien commun, Moteur possible d’un urbanisme contemporain ?

2 : La campagne aujourd’hui, Quelles Réalités Possibles ?

La campagne aujourd’hui, Deux Expériences

p.12 p.12

A : la fIN de l’éxode rural B : LA campagne, un territoire en mutation

PARTIE

p. 11

de Projet,

p.21 p.21 p.22 p.24

p.27 p.27 p.27 p.32

p.35 p.36

Beaumont, Les Bogues du Blat, Fourneaux, La Ferme de Vernand

A : Deux projets, deux Campagnes

p.36


5 B : Deux Villages, Une solidarité nécessaire C : Deux Campagnes, Deux exodes D : Deux Villages, Deux Enjeux d’urbanisation E : Deux Villages, Deux Projets

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Axe : La campagne aujourd’hui, quelle

p.36 p.36 p.40 p.40 p.42

diversité d’habitants ?

p.45

A : La campagne du XXe siècle, transformation du monde rural B : Pourquoi venir habiter la campagne ? c : Une campagne victime de son succès ? d : Témoignages du Neo-ruralisme E : S’intégrer au village F : Des pistes de réponses contemporaines

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Axe : La campagne aujourd’hui, quels

NOUVEAUX PROCESSUS DE PROJET

A: Beaumont, Les Bogues du Blat, création de logements coopératifs B: Fourneaux, La ferme de Vernand, ouverture de l’espace agricole

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Axe : La campagne aujourd’hui, quels Biens

communs possibles ?

A : partager l’espace rural B : créer et agir ensemble, constitution d’un patrimoine commun c : Le partage, S’impliquer et vivre ensemble

Conclusion

p.45 p.46 p.49 p.51 p.54 p.58

?

p.61 p.61 p.76

p.91 p.91 p.98 p.103 p.108

Bibliographie

p.110

Annexe

P.117


Avant-propos

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«Un jour il n’y aura plus rien à bétonner et chacun vivra dans sa parcelle sans aucun regard pour le monde qui répétera à l’infini la même forme modélisée.»1

Source personnelle Le jardin de devant et les champs en 1997

Source personnelle Le jardin et les maisons voisines en 1997

Source personnelle Le jardin en 1999

1/ Yann Sinic, Un monde pour soi, France Télévisions Distribution, 16 novembre 2010

J’ai 4 ans, premier déménagement. C’est le rêve d’un couple, d’une famille celui de mes parents. Nous avons quitté une petite maison de ville de banlieue parisienne pour nous installer dans une maison toute neuve, fraichement sortie de terre, d’un champ dans ce qui était autrefois un village. 1-2-3-4-5-6-7 maisons ont été construites en même temps que la nôtre, toutes le long d’une voie prolongeant la trame urbaine du centre bourg. En face les champs de la ferme d’à coté, derrière un couple de petits paysans qui sait depuis combien de temps ils étaient dans ce village... Au début, tout était beau. Les maisons sentaient encore le plâtre et l’enduit frais, les clôtures n’étaient que de simples fondations de parpaings entre les jardins. Les jardins qui ressemblaient plus à des prairies non fauchées. Les jeunes parents de ces nouvelles maisons, nous regardaient jouer pendant qu’ils se regroupaient autour du barbecue d’une soirée entre voisins. Nous les enfants nous nous perdions dans les coquelicots, les repousses de colzas et de blé plus hauts que nous dans le jardin. À l’école, on ne comprenait pas pourquoi certains enfants et mêmes certaines «dames de l’école» (assistantes maternelles) faisaient du favoritisme vis à vis de quelques enfants et étaient sévères avec d’autres. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris qu’il s’agissait de conflits entre grandes familles ancestrales du village et de jalousies résidentielles envers des nouveaux habitants de pavillons de la commune. Mon meilleur ami, le samedi, lui, aidait ses parents à la ferme. Il ramassait les oeufs, nettoyait le box des pintades et conduisait le tracteur de son père dans les champs. Tandis que ma meilleure amie et moi allions dans un petit club de danse classique et jouions à la poupée dans le jardin. Puis les apéritifs entre voisins se sont faits plus rares en raison de conflits de clôtures, des jalousies d’aménagement des maisons, de voitures,... Les jardins sont devenus des pelouses vertes avec quelques arbres fruitiers chétifs plantés trop près. Les clôtures sont devenues des grillages, des haies de plus en plus hautes et de plus en plus denses. Les ouvertures de la pente du garage et de l’entrée sur la rue sont devenues des portails électriques avec un système d’interphone doublé d’une alarme,... Chacun commençait à se toiser au-dessus des haies avec de brefs signes de têtes en guise de bonjour, comme si le temps de la proximité joyeuse avait laissé place à une juxtaposition subie.


7 Nous les enfants, nous continuions à nous voir mais nos espaces de jeux sortaient de plus en plus dans la rue, dans les parcelles d’un nouveau lotissement en construction à la place des champs en face de notre maison. Ces grandes maisons, aux terrains encore plus grand que nos jardins éveillaient en nous les mêmes rêves de propriétaires de nos parents quelques années plus tôt. De nouveaux voisins! De nouveaux copains pour nous, de nouvelles personnes à observer pour nos parents,.... Puis, un premier divorce, un premier déménagement. Un second, celui de mes parents, je pars avec ma mère dans un appartement de banlieue parisienne et mon père gagne une autre campagne, une autre maison en bordure de champs. Parmi le voisinage deux familles sur huit n’ont pas quitté le village ni divorcé. La première, le père s’est intégré dans la vie politique du village, la seconde a acheté une maison de ville ancienne pour la retaper. Je suis revenue il y a quelques années dans le village de mon enfance. Aujourd’hui aux yeux de l’INSEE ce n’est plus un village mais une ville. Entre les années 1990 et 2010, la population est passée de 1477 personnes à 2396 sachant que lorsque nous sommes arrivés avec mes parents la population avait déjà doublée en l’espace de trente ans. La ferme de mon ami d’enfance et nos voisins paysans sont toujours là mais ont cédé des terres pour de nouvelles maisons individuelles. Les voisins ont changé, l’école, le centre aéré et le gymnase se sont agrandis gagnant sur des terrains de pétanques communautaires , un jardin public et des champs. Aujourd’hui la surface urbanisée grossit encore et les quelques fermes qui subsistaient deviennent des résidences. Cet urbanisme semblant incontrôlable qui a modifié totalement la campagne de mon enfance m’a poussée à écrire ce mémoire. Non seulement sur l’urbanisme en milieu rural mais également sur ceux qui vivent et viennent vivre à la campagne, leurs rôles potentiels, leurs désirs et idéologies mais aussi leurs relations sociales.

Source personnelle Le jardin de devant et les lotissements en 2015

C’est en «réapprenant à inscrire les problématiques sociétales du présent à l’échelle et sur le socle d’un héritage local (naturel et édifié) que seront inventées les nouvelles entités spatiales»2. 2/ Françoise Choay, Le Patrimoine en question, Anthologie pour un combat, Paris, ed du Seuil,, 22 octobre 2009, p.47


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Introduction Aujourd’hui, l’espace rural est touché par une quadruple crise, en terme de planification, d’économie, d’écologie et des rapports sociaux. Ceci est certainement lié à l’urbanisme d’après-guerre, longtemps conservé comme le modèle universel de l’aménagement urbain. Dans un contexte de construction rapide, où la France présentait une misère urbaine honteuse dans l’Europe moderne, les bombardements, la précarité, le baby-boom, l’insalubrité des habitations existantes, la demande de logements était dans une situation d’urgence3. Les architectes et politiques du logement appliquent alors les textes, chartes théoriques et quelques exemples construits de l’urbanisme rationnel. Le Corbusier est pris comme modèle mais avec une interprétation rapide et économique des moyens de construction. Ainsi, est tiré de la charte d’Athènes, l’idée de la création d’un Homme et d’une population moderne type pour un logement type dans des villes types. Cet urbanisme vise à loger le plus grand nombre dans des cités au confort moderne dans des villes bien organisées, zonnées par fonctions. La ville est conçue avec intelligence, suivant une logique de planification rationnelle fonctionnelle de répétition de modèles. En 1967, l’adoption du SDAU, schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, définit de grandes orientations et stratégies d’urbanisme sur le long terme sur de très grandes surfaces dimensionnées sur des cartes. Déssinées par l’État, le territoire français est considéré comme une immense réserve foncière pour l’expention urbaine des 30 glorieuses. Sont ainsi définies des zones d’activités commerciales, des zones dites «naturelles», des zones résidentielles,... Un des modèles les plus éloquents des barres et tours des cités construites dans les années 50 est le Plan voisin dessiné en 1925 par Le Corbusier, destiné à loger 3 millions d’habitants en plein Paris. La ville est un objet, le logement, une unité d’habitation. Ainsi cet urbanisme abstrait de laboratoire, considère l’objet urbain hors de son contexte géographique et est conçu pour un Homme idéalisé qui n’existe pas.

3/ Mathieu Schwartz, 50 ans qui ont changé notre quotidien, M6,2010

Aujourd’hui cet urbanisme d’homogénisation, de perte d’identité humaine, est très critiqué par des concepteurs, des sociologues, collectivités,.... Le «Bottom up» (du bas vers le haut) s’oppose à cet urbanisme qualifié d’urbanisme «Top down» (du haut vers le bas). Le “Bottom up”, représente de nouvelles manières de concevoir l’urbanisme planifié et opérationnel, . C’est à partir des années 80, que la décentralisation des compétences en matière d’urbanisme, de l’invention de SCOT, l’adoption de la loi Grenelle (2010) et de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, 2014), que le projet à l’échelle locale, la concertation des


9 habitants, l’environnement prennent une place de plus en plus importante dans la planification urbaine. En effet, les chercheurs, les concepteurs, les sociologues,.. opposent la relativité, la considération du contexte urbain aux grands modèles absolus et aux règles. La situation spécifique, à l’étude du lieu fait face à l’urbanisme décontextualisé, sur un terrain plat idéal. Le projet devient une conception de consensus , de participation, de pratiques et de manipulations pour et avec ceux pour qui l’aménagement est conçu contrairement à la hiérarchie du maitre d’ouvrage, maitre d’oeuvre, le produit né de la théorie rationnelle. Dans un contexte d’urbanisation grandissante du milieu rural, il semble que cet urbanisme «Top down» n’ai pas considéré l’évolution des campagnes d’aujourd’hui. La fin de l’exode rural depuis les années 70, est associée à un phénomène urbain stigmatisé et connu sous le visage de l’étalement résidentiel en périphérie des villes et villages. La campagne, différente de la ville ne doit-elle être sujette au mêmes réponses de projet urbain qu’a cette dernière? La ville compacte appliquée à l’aménagement rural ne correspond pas aux même codes sociaux, architecturaux, économiques et manières d’habiter4. La campagne est un lieu de communauté, de production, et de pratiques locales qui présentent de grands potentiels pour un nouveau regard urbain. Aujourd’hui l’Homme est considéré comme un individu avec ses particularités, ses désirs, sa situation professionnelle ou familiale et situé dans une communauté contrairement à l’homme moderne type de la société de masse. La nature dominée pour un urbanisme de production industrielle de zoning devient dans les mentalités un milieu vivant auquel il faut s’adapter et intégrer des principes propres à chaque enjeu local5. Chaque contexte possède ses particularités d’organisation du territoire, économie, moeurs et coutumes,... Le modèle de découpe des tâches, de lots en propriétés privées où chacun vit à coté des autres s’oppose à la création de pratiques et d’espaces communs pour une démarche de projet de communauté, «le territoire français est le patrimoine commun de la nation».6 Nous allons étudier dans ce mémoire l’émergence de formes d’urbanismes «Bottom up» en milieu rural. Comme le dit Françoise Choay, l’espace rural, propose des enjeux anthropologiques de petites échelles visant à «chercher de nouvelles formes sociales et de nouvelles formes d’habiter»7. Ainsi des chercheurs tels qu’Alberto Magnaghi ou Jean Viard lancent un appel aux aménageurs et politiciens d’aujourd’hui. Ils s’accordent à mettre en exergue la dimension de biens communs à créer dans l’urbanisme, les pratiques sociales et environnementales aujourd’hui en milieu rural.

4/ Alberto Magnaghi, Le projet local, Liège, ed. Mardaga,2003 5/ Loi ALUR, loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové, article L.110. 6/ Xavier Guillot (dir.), Espace rural et projet spatial, Réflection intruductives/ stratégies pédagogiques, Saint Etienne, ed. les PUSES,2010 7/ Françoise Choay, L’Utopie c’est retouver le local, interview station Luxembourg,n°2 Supplément du Courrier International n°523, 2001


10 Dans un contexte d’individualisme grandissant, l’urbanisme en milieu rural ne pourrait-il pas être l’occasion de trouver une alternative au modèle urbano-industriel? Contre l’uniformisation des campagnes et les segmentations sociales, la démarche de projet mettant en relation les habitants locaux et les nouveaux habitants estelle le moyen de créer des biens communs, des manières contemporaines de vivre ensemble ? Dans un premier temps nous établirons un portrait rapide de la campagne et du monde rural en termes de faits et d’idées qu’ils représentent. Cette première partie, nous aidera à nous dégager des images stéréotypées de la campagne en terme de sociologie, d’idéologie(s) et d’organisation du territoire. Ensuite, nous établirons une critique de l’urbanisme proposé en matière de création de logements qui semble trouver une solution unique dans le lotissement pavillonnaire. Pour enfin montrer la montée de l’individualisme et ses conséquences en milieu rural alors que c’est là même que les premières notions de biens communs sont nées. Ces mêmes notions qui trouvent aujourd’hui écho dans des démarches de projets d’urbanisme propres au contexte rural. Apparentés au « Bottom up », ce sont des projets de petites ampleurs encore pour certains mais s’appliquent à chercher de nouvelles manières d’habiter, de mettre en relation les habitants, les acteurs, les concepteurs pour la coconception d’un aménagement et la recherche d’une campagne partagée. Dans un second temps, nous étudierons deux de ces projets expérimentaux. Le premier en Ardèche, dans la commune de Beaumont. Il consiste à la création de six logements sociaux réalisés par l’association d’architectes Construire Ensemble le Grand Ensemble, constituée de Patrick Bouchain et de l’Atelier Construire. Le second, dans le Loire, à Fourneaux. Il s’agit d’un projet d’exploitation agricole en polyculture mené par les frères Pierre et Rémi Janin. Au travers de ces deux expériences, à l’initiative des élus locaux et des exploitants de la ferme, nous nous emploierons à nous questionner sur l’émergence d’un autre visage de la campagne encore emprunte d’une vision passéiste et d’images stéréotypées de nature. Nous étudierons l’hypothèse, que le monde rural, pour ses particularités sociologiques, spatiales et professionnelles peut être générateur de formes urbaines diverses et propres à chaque contexte. Des formes urbaines créatrices de biens communs tels que le partage des savoirs, des compétences, de l’espace et des usages,…


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PArtie : La campagne aujourd’hui, Quels faits quelles

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Île- de-France, Chantereine.

idées ?


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1: La campagne aujourd’hui, Un milieu REpeuplé par des citadins ? A : La FIN de l’exode rural La campagne dépeuplée, appauvrie face à la ville moderne des années 50 a bien changé. Depuis la fin des années 60, les campagnes marquent une croissance démographique en évolution forte et constante. Ce phénomène est accompagné dès 1975 par une perte de population dans les pôles urbains au profit des campagnes voisines même dans les campagnes les plus reculées8. Aujourd’hui ce milieu longtemps considéré comme une dualité avec la ville synonyme de développement et de progrès est le centre d’enjeux urbains résidentiels caractérisés par de nombreux sociologues comme un retour des citadins à la campagne.

1: Le retour à la campagne

Aujourd’hui près de 27% des urbains souhaitent s’installer à «la campagne». Si ces derniers réalisaient leurs ambitions cela représenterait le double de la population rurale d’après la DATAR. Ce mouvement démographique directement lié à l’évolution des modes de vie et des idéologies mais aussi à la grande disponibilité de terres de la France rurale et agricole.

a : Des facteurs liés à l’évolution des modes de vie de la société après les années 1950

8/ Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), Quelle France rurale pour 2020?, Étude prospective de la DATAR, 3 Septembre 2003. 9/ Jean Viard, Lettre aux paysans et aux autres sur un monde durable, La Tour d’Aigues, ed. l’Aube,2010. 10/ Mathieu Schwartz, 50 ans qui ont changé notre quotidien, op. cit. 11/ Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, la Rurbanisation ou la ville éparpilliée, Paris, ed. du Seuil, 1976

Depuis les années 1950, notre société est passée d’une société de travail à une société de loisir. En effet, aujourd’hui nous travaillons 16% de notre temps comparé aux années 50 où le travail moyen d’un français représentait près de 40 à 45% de son temps quotidien9. Cette disponibilité de temps, a été consacrée petit à petit à nos désirs personnels, de loisirs, de vacances. Les vacances et le développement du tourisme sont aidés par l’augmentation des salaires mais surtout la démocratisation de la voiture et le développement des transports. La voiture, rapproche la ville des lieux de vacances, de la mer, de la campagne. La voiture en réduisant les distances rend accessible une campagne loin de la ville surpeuplée et artificialisée où les opérations de barres et de tours d’immeubles créent des problèmes d’identité et de délinquance.10 Le désir d’éloignement de la ville est alors favorisé par la facilitation au droit de propriété de la loi Giscard d’Estaing en 1964 qui développera alors la périurbanisation ( construction en périphérie des villes) et la «rurbanisation»11 (construction en périphérie de villages). Ces opérations offrent alors des loyers moins chers qu’en centre-ville et le rêve pour certains citadins de vivre sur le lieu de leurs vacances.


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Source : Paris-Match n° 1251, 28 Avril 1973

Source : Elle, n° 1397, 25 Septembre 1972


14 Mais ce phénomène n’est pas qu’un rêve urbain. Mai 1968, a fait naître chez certains citadins d’autres désirs de modes de vie éloignés de la ville.

b : Une campagne rêvée

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Ile-de-France, Ormesson sur Marne, idéal de la campagne

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Ile-de-France, La Queue- en- Brie

12/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, La Tour d’Aigues, ed. l’Aube,2011. 13/ Elisabeth Trotignon, Campagne anciennes, Nouvelles campagnes, un certain regard sur l’évolution de la campagne française, ed. Delachaux et Niestlé, 2006, Paris. 14/ Bertrand Hervieu et Danièle Hervieu - Léger, Les années 68 : événements, cultures politiques et modes de vie ,Lettre d’information n°24, Les communautés rurales de l’après 68 : utopies rêvées, utopies pratiquées, Séance du 28 avril 1997 15/ Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, op. cit

En parallèle au rejet de la ville que marque les années 1960-70 par certains citadins, se développe une image fantasmée de la campagne. Au fil des décennies qui ont succédé l’exode rural, ce dernier a été associé à différentes images directement liées au monde urbain. Dans les années 1960, il représente l’idée de la paysannerie et de la nourriture, la beauté. Dans les années 70, la liberté dans le sens de la liberté individuelle et intime face à la mitoyenneté et la masse de la ville 12. Ainsi, la campagne est opposée à la ville. Cette dernière est synonyme d’oppression, d’aliénation, d’agressivité mais aussi au manque d’hygiène, de pollution, d’anonymat, de réglementation, et d’affrontement alors que la campagne s’apparente à la nature, au calme et à la tranquillité. Dans l’imaginaire encore actuel, la campagne est associée à des images stéréotypées, du clôcher, du village, des champs et liée au calme et à la tranquillité.13 Emprunt d’une nostalgie, cette vision passéiste associe la campagne à un lieu vierge d’urbanisme traditionnel, de fermes et petites exploitations et paysannes. Elle correspond surtout à un désir de contact avec la «nature» accentué aujourd’hui avec les problématiques environnementales et une recherche d’identité traditionnelle et historique préservée. Ainsi, face à une rurbanisation et périurbanisation du territoire se développe chez ces citadins «un tourisme» vert, associant la campagne à une histoire, une nature idéalisée mais également un lieu de récréation d’activités et sports de plein air. Nous constatons dans un premier temps que les motivations de ces nouveaux habitants de la campagne sont motivées par le désir de cadre de vie, de proximité avec la «nature». Mais dès le début des années 70, une nuance d’idéologie s’installe. Plus que le cadre de vie une population appelée néo-rurale souhaite eux retrouver d’autres formes sociales que la ville, un retour à la proximité rurale et un refus du capitalisme14.

c : Une campagne intermittente ?

Le rurbain, qualifié par Gérard Bauer, Jean-Michel Roux15 est considéré comme un citadin travaillant en ville mais habitant à la campagne. En effet, on peut constater que depuis 1975, le trajet entre le domicile et le travail s’est au moins multiplié par deux. Il semblerait d’ailleurs que la mobilité entre lieu de travail et lieu de résidence


15 soit devenue la règle: 50% des urbains, 60% des ruraux travaillent en dehors de leur commune d’habitation.16 Caractéristique du périurbain, ce fait s’étend aujourd’hui dans les campagnes de grandes aires urbaines. Les anciens citadins à l’aide de la voiture conservent un mode de vie urbain, ils y fréquentent leurs amis, y font leurs courses, leurs activités,... Ils veulent vivre à la campagne mais pas y avoir une vie de campagne. Ce phénomène crée dans certaines régions de véritables campagnes dortoirs. Ceci est accentué par la grande proportion de résidences secondaires dans certaines communes, occupées momentanément, elles ne sont en rien représentatives de la population d’une ville ou d’un village. Ces faits qui marquent une grande partie du territoire français, montrent une dualité entre «ville -travail» et «campagne- vacances». Cet aspect binaire ville-campagne, pousse par exemple certains chercheurs à dénoncer le fait que « le résident ne devient pas campagnard, c’est la campagne qui devient résidentielle. (et que) Cette urbanité rurale qui a profondément transformé la campagne, participe désormais de sa réalité à part entière »17.

Source : Elle, n° 1399, 9 Octobre 1972

b : Une campagne ÉLITISTE ?

En observant les études de Jean Viard, Gérard Bauer et Jean-Michel Roux il semble que cette quête de retour à la campagne ne concernerait que des jeunes actifs avec enfants ayant déjà une vie stable ou des retraités qui s’installent dans leurs maisons de vacances. D’ailleurs, « l’espace à dominante rurale » est nettement plus âgée que la population vivant dans « l’espace à dominante urbaine » soit une proportion de 26% contre 18% en 199018. Nous pourrions avancer la théorie que «les jeunes habitants s’éloignent de la campagne pour leurs études et pour trouver du travail, sans forcément y revenir plus tard.»19 et qu’il n’y a pas de travail à la campagne. Pourtant, un sondage BVA montre que pour «90% des citadins, la campagne a évolué et plus de 8 millions d’entre eux (39%) désirent s’y installer, soit un million de plus qu’en 2005. Et ce n’est plus seulement pour y passer leur retraite. En effet, 50% des citadins souhaitant vivre à la campagne veulent le faire lorsqu’ils sont actifs et 23% envisagent même de changer d’employeur20 ou d’activité pour y travailler.»21 Une autre théorie voudrait que l’exode rurale soit adressée qu’à des personnes ayant les moyens de partir vivre en milieu rural créant alors des ghettos urbains en périphérie des villes où les populations les moins favorisées restent22. Alors que parallèlement d’autres soutiennent que ce sont les loyers chers en métropoles qui poussent certaines personnes aux revenus modestes à s’éloigner de la ville avec peu d’espérance d’y trouver un emploi23.

16/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op. cit 17/ Jean Urbain, Paradis verts. Désirs de campagne et passion résidentielle, Paris, ed. Payot 2002,p.16 18/ Michel Godet, Marc Mousli, Vieillissement, activité et territoires à l’horizon 2030, La Documentation Française, 2006. 19/ Romain Thevenet, Territoire de projet en milieu rural, mémoire de fin d’études sous la direction de JacquesFrançois Marchandise, Juin 2008,p. 24 20/ Ibidem, p.27 21/ Ibidem, p.27 22/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op. cit


16 Ces points de vue contrastés montrent qu’il faut nuancer le propos de «retour à la campagne généralisé» et qu’il n’existe aujourd’hui pas une campagne mais des campagnes.

B : LA campagne, un territoire en mutation Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région de Lyon, ville nouvelle L’Isle d’Abeau

Aujourd’hui force est de constater que la campagne n’est plus un milieu homogène et que le phénomène d’exode urbain généralisé n’est pas une réalité.

1: Des campagnes , différents enjeux urbains

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région de Grenoble, Domène, construction d’un lotissment pavillionnaire

La DATAR et Pierre Donadieu, s’accordent à dire qu’il existe non pas une campagne mais des campagnes réunies dans trois catégories allant d’une campagne périurbanisée, d’une campagne à l’urbanisation diffuse et d’une campagne profonde. Le milieu rural n’est pas homogène et est éloigné d’une vision passéiste généralisée. Ainsi, la campagne n’est pas «un reliquaire, théâtre de la mémoire et espace de conservation (et un) monde prisonnier d’un passé dont la fièvre patrimoniale ne cesse d’augmenter le nombre des cadenas, mais bien comme un laboratoire du présent : espace d’innovation, signe des temps et symptôme d’une société en mutation, où s’invente un autre modèle de vie. »24 a : La campagne des villes La campagne des villes, est caractérisée par sa proximité avec les grandes agglomérations. Les taux démographiques en forte hausse caractérisent une construction exponentielle de zones résidentielles. Ces dernières sont très étalées, forment des continuums d’étalement urbain et grignotent fortement l’espace agricole par pression foncière et conflits d’usages et contribuent au mitage de l’espace rural et agricole.

23/ Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), Quelle France rurale pour 2020?, op. cit 24/ Jean Urbain, op. cit p19

b : Les nouvelles campagnes Ces campagnes sont des territoires en pleine expansion économique dû au tourisme et à l’installation d’entreprises locales. Très attractives elles sont marquées par une population âgée et un grand nombre de résidences secondaires. Organisées autour de petites ville, elles sont sujettes à une urbanisation diffuse où l’agriculture auprès des collectivités locales se veut protectrice du paysage.


17

Source : Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, la Rurbanisation ou la ville éparpilliée, Paris, ed. du Seuil, 1976


18 c : Les campagnes fragiles Il s’agit des campagnes «profondes», ces dernières semblent ignorées du phénomène de retour à la campagne et marquent une courbe démographique et économique décroissante. La population y est vieillissante et le paysage encore marqué par une agriculture dominante.

2: Une ruralité qui n’est plus synonyme d’agriculture Source : www.fabriques-ap.ne Enclave maraichère dans la périphérie Nord de Lyon

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région d’Aubagne, l’Avélanène, exploitation industrielle

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région de Grenoble, zone industrielle de Chennevière

25/ Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), Quelle France rurale pour 2020?, op. cit 26 /Jean Viard, Lettre aux paysans et aux autres sur un monde durable, op. cit

a : Baisse de l’agriculture

L’activité agricole bien que toujours dominante et ayant une forte empreinte sur le paysage français est en baisse de 5% depuis 20 ans et n’est plus une source d’emploi local.25 La population paysanne qui était égale à 20% de la population active il y a 50 ans n’en représente plus que 3,5% aujourd’hui. Chaque année le recensement agreste enregistre la fermeture de 500 fermes. Métier dur, aux horaires extensibles et peu rémunéré en conséquence, nombreux sont les agriculteurs qui ne souhaitent pas que leurs enfants reprennent l’exploitation, estimant que l’avenir serait en ville. D’ailleurs, de plus en plus d’agriculteurs aujourd’hui vivent en ville26. Cette population autrefois proche de la terre a changé. Le paysan est devenu un technicien de l’agriculture. Encore perçus comme protecteurs du paysage et l’environnement dans les régions subissant une urbanisation intensive, ils sont pourtant perçus comme des pollueurs et des dangers pour l’écologie par une grande partie de la société. Loin du petit exploitant et des images esthétiques publicisées, l’usage des engrais, des pesticides et des OGM pour une exploitation intensive des sols donne une image négative des agriculteurs en particulier chez les citadins partant vivre à la campagne. Entre rêve résidentiel et exploitation des sols, deux mondes coexistent mais ne s’accordent pas. b : Naissance d’une activité économique résidentielle La résidentialisation de la campagne est accompagnée du développement d’une économie de services de proximité propre à ce phénomène. En parallèle de la venue de nouveaux habitants des services tels que des aides à domicile, des services de crèches se sont développés en milieu rural. Cette demande de services contribue d’ailleurs dans certaines communes à maintenir des services tels que les écoles, les bureaux de poste,... Cependant, ces cas ne sont pas généralisés. La voiture et


19

Source : Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), Quelle France rurale pour 2020?, Étude prospective de la DATAR, 3 Septembre 2003


20 le développement des zones d’activités, des grandes surfaces, la proximité de la ville sont des facteurs de la mort des commerces de bourgs ruraux et obligent les locaux à toujours aller plus loin pour trouver ce dont ils ont besoin pour vivre.

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région d’Aubagne, Les Grands-Mellets

27/ Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998, p. 38

« Le citadin ne peut comprendre l’environnement insolite qu’est la campagne. Comment pourrait il comprendre la logique agricole alors qu’il est étranger au travail de la terre et à la conduite des animaux d’élevage.» Entre rêve de cadre de vie et économie productive cette affirmation est-elle une généralité ? Le monde rural et agricole et la venue de citadins ne peuvent-ils pas sortir des pensées binaires et s’accorder pour créer ensemble de nouveaux modes de vie?27


2: La campagne aujourd’hui, Une

seule manière d’habiter ?

21

A : Vers une urbanisation de la campagne L’urbanisation des campagnes a fait disparaitre près de 7 millions d’hectares de terres naturelles depuis les années 60 28. Malgré les politiques publiques recherchant à diminuer les nouvelles constructions sur les terres agricoles et l’étalement urbain, l’espace urbanisé augmente son taux d’accroissement chaque année. Ainsi, selon une étude de la SAFER il aurait augmenté de 10% entre 1990 et 2004, pour une diminution de «l’espace rural» de 500 km2 par an durant les années 1980, de 600 km2 par an durant la décennie 90 et enfin de 700km2 par ans lors des années 2000. Cette urbanisation semblant incontrôlable est la cause de l’artificialisation des espaces agricoles et naturels. Le sol n’est pas une ressource illimitée comme l’a omis les politiques urbaines des «trente glorieuses» et peine encore à se rappeler les planifications urbaines actuelles. Cette consommation d’espace menace la biodiversité, les ressources naturelles et les paysages tant convoités.

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région d’Aubagne, vue de puis Saint-Pierre les Aubagnes

1 : Les conséquences d’une évolution basée sur l’industrialisation

L’urbanisation de ces trente dernières années est marquée par une industrialisation de l’urbanisme planifié et opérationnel, et le développement des transports et des déplacements généralisés en voiture. Ces modèles d’urbanisation de zonages sur plan, d’application de règles préétablies selon des méthodes et techniques rapides et homogènes dénoncées par Alberto Magnaghi29. Ils sont régis par des lois économiques, ils remplissent des modalités de productions indépendantes de leur site et sont issus de la mondialisation. La voiture qui a réduit les distances, crée aujourd’hui avec cet urbanisme des tissus lâches et de plus en plus éparses dans le territoire. Ces processus abstraits, consommateurs d’espaces, sont en rupture avec le contexte où ils s’inscrivent. Celui-ci n’est plus qu’un support pour les infrastructures techniques et fonctionnelles. Cette forme moderne qui ne prend pas en compte les facteurs culturels et les pratiques propres aux sociétés en place est opposée à l’urbanisme traditionnel et spontané. Elle contribue à produire un système d’espaces déshumanisés et aliénants. Zones industrielles, zones d’activités, lotissements pavillonnaires gagnent du terrain et sont les principales représentations de ce modèle de construction né au XXe siècle.

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région de Lyon, ville nouvelle L’Isle d’Abeau

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région de Lyon : Saint-Alban-de-Roche Exploitation en frange urbaine, proximité des habittions et de la zone d’activité

28/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op. cit 29/ Alberto Magnaghi, Le projet local, Liège, ed. Mardaga,2003


22 B : Le lotissement pavillonnaire, un modèle dupliqué

Source : Yann Sinic, Un monde pour soi, France Télévisions Distribution, 16 novembre 2010 Lotissement pavillionnaire

La «rurbanisation» est définie par ces auteurs comme une diffusion de la ville et de formes d’habitations, d’équipements et d’activités en rapport avec le mode de vie urbain en milieu rural.30 Le lotissement pavillonnaire né dans les années 60 est issu d’une forme propre à la périurbanisation et au désir de liberté individuelle face à la concentration de la ville.

1 : Une greffe urbaine contre les processus de construction traditionnel

Source : Ariane Doublet, La maison neuve, Arte France, 2005 Construction d’une maison neuve à la place d’un pâturage. Transformation de la topographie et artificialisation des sols.

30/ Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, op.cit 31/ Yann Sinic, op. cit 32/ Le Corbusier, Les 3 établissements humains, cité in, Gérard Bauer, JeanMichel Roux, op.cit, p. 52

Le lotissement pavillonnaire, est une forme d’extension urbaine ou de mutation morphologique. Souvent implanté comme greffe à un tissu urbain existant, il ne correspond pourtant pas dans la majorité des cas à l’extension morphologique traditionnelle de l’agglomération. Le village ou la ville historique construits par rapport aux déplacements à pied, forment un tissu urbain dense de bâtiments accolés. Le lotissement pavillonnaire est conçu pour les déplacements en voiture, souvent avec de larges routes, des trottoirs étroits et des maisons séparées les unes des autres par des jardins, des garages,... Les accès ne sont pas propices à la création d’espaces publics, la moindre place est réglée de manière à avoir un maximum de lots possibles à construire. De plus les déplacements à pied ou les liaisons avec le centre ancien sont souvent difficiles en raison d’emplois de formes urbaines enclavées propres à un espace qui se veut privé tel que des impasses, des raquettes de retournement, portails d’accès privés,... Ces lotissements ou aussi «nouveaux villages», sont de véritables villes dans la ville et fonctionnent en autarcie à coté de l’agglomération. Loin de rechercher la relation au village, ce que l’on cherche est le paysage, la vue, le cadre de vie,... Si bien que ces opérations destructrices de lieux vernaculaires liés au village comme d’anciennes fermes, d’anciens vergers,... prennent le nom de ce qu’elles ont détruit ainsi nous avons la résidence de «la clairière aux écureuils», le clos de la «chênaie»,...31 Comme le critique Le Corbusier :«On partit loin des ville, vers des oasis de nature ravissants, de champs, des bocages,...mais lorsque chacun y eut construit sa petite maison, champs et bocages avaient disparu. Au lieu du calme et de la solitude rêvée, ce fut la promiscuité des voisinages immédiats.»32


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Source : Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, la Rurbanisation ou la ville éparpilliée, Paris, ed. du Seuil, 1976 Détail du plan d’un village traditionnel : Routot, Eure - Détail du plan d’un néo-village : Pré-Saint-Germain-Val-Fleury, Essonne De l’espace public à l’accès routier


24 2 : une production industrielle uniformisée

Ce processus est issu de commandes privées à des constructeurs et promoteurs immobilier . Lié à la production de logements types, ce sont des formes architecturales d’inspiration anglo-saxonne et ne correspondent la plupart du temps à aucune forme propre à l’architecture traditionnelle de leur commune d’implantation ou en sont de piètres imitations. Source : Yann Sinic, Un monde pour soi, France Télévisions Distribution, 16 novembre 2010 Lotissement pavillionnaire

Source : Pierre Donadieu, Campagnes urbaines, Arles, ed. Actes Sud/ENSP, 1998 Région d’Angers : Le Buisson Duplication d’un modèle

Ces modèles sont choisis sur catalogue par leurs futurs habitants selon quelques modèles imposés par les promoteurs adeptes du «traditionnel», ou du «moderne». Chaque maison a des caractéristiques communes, des standards industriels tels que les fenêtres, les tuiles, les appentis, les allées, les clôtures,... Réalisations pouvant être exécutées n’importe où, elles forment un ensemble homogène déconnecté du reste du centre bourg et ne s’intègrent pas au paysage. Ces maisons sont accompagnées de leur jardin, un carré de «nature» privatif. Ce dernier est le plus plat possible et gazonné. Parfois clôturé de façon sommaire, c’est un grand espace visible et sans réelle utilité. Il devient momentanément un terrain de football, un lieu pour quelques barbecues annuels,.... Ou, il est protégé du regard des indiscrets par de grandes haies, de hauts murs,... Ou encore c’est une mise en scène d’une nature rêvée ou les géraniums côtoient des cactus mis en valeur par une collection de nains de jardin,.... Ce jardin est un espace de représentation ou de définition d’un périmètre privé, une mise à l’écart de la voie d’accès33 et de ces voisins. La construction de ses maisons est si rapide et en nombre que ceux qui les critiquent disent «qu’elles poussent les unes à coté des autres». Image rappelant celle des champignons, le soucis n’est pas la prise en compte du contexte où elles s’implantent mais de répondre à des stéréotypes du confort moderne véhiculés par les médias : volets roulants, parquet chauffant, portail électrique, fenêtres blanches, murs clairs, toit d’ardoise,... Si bien que ces codes architecturaux sont devenus aujourd’hui, les idéaux standards du logement dans l’esprit d’une grande majorité de la société34. Ainsi, le pavillon représente l’aspiration près de 77% de la population française par rapport au logement collectif apparenté à une image négative.

33/ Yann Sinic, op. cit

C : «Un monde pour soi»

34/ Ariane Doublet, La maison neuve, Arte France, 2005

1 : Un idéal individualiste...

35/ Yann Sinic, op. cit

35

Le rêve de la grande maison au grand jardin fermé est dans la société aujourd’hui un symbole d’autonomie, de liberté individuelle. Chacun vit et réalise sont projet


25 à coté des autres. La maison pavillonnaire est un symbole de la sphère privée familiale et intime. Dans une ville aujourd’hui qui manque d’espace public et où l’on se déplace en voiture, c’est dans cette cellule privée qu’on reçoit ses amis, sa famille,...Ainsi, ce sont des nouveaux lieux où se retrouvent «les clans», la maison de campagne rassemble ses membres d’une même communauté qui pour un temps veulent vivre dedans, entre soi, c’est à dire couples, enfants, amis, le tout loin de la vie sociale.»36 En effet, les relations entre ces habitants sont typiques de l’évolution des rapports de voisinage entre citadins. De type associatif et non communautaire comme les villageois locaux37. Les relations sont de l’ordre de l’entre-aide mais chacun reste chez soi et il existe peu de véritable contact avec le cercle social de la commune. D’ailleurs dans une grande partie des agglomérations accueillant des nouvelles populations en logement pavillonnaire, très peu participent à la vie communale (associations, fêtes,...).

2 : ... réservé à une population homogène

Les lotissements, par le loyer et le type de logements proposés sont habités par des classes sociales similaires. Ces habitants en témoignent et se considèrent comme des gens « à peu près tous du même niveau, à peu près tous pareil (éducation), (ayant) à peu près des revenus identiques»38. D’ailleurs, ces logements ne semblent pas adaptés à chacun. Dans ces lotissements sans espaces publics, se créent des lieux de rencontres, des lieux pour ne pas rester seul. Des arrêts de bus deviennent des lieux de rendez-vous entre adolescents ou s’organisent, à la demande des habitants, des clubs du troisième âge. Aussi, lorsqu’une personne se retrouve seule dans un pavillon à la suite d’un divorce, d’un décès,... cette dernière déménage, recherchant la promiscuité, une aide éventuelle,... . Les jeunes adultes partent pour aller faire leurs études, aller travailler en ville, se rapprocher de leur cercle social,... Un autre facteur contribuant à l’uniformisation des habitants est le coût de revient d’un tel mode de vie. Le mode de vie en villa individuelle est devenu de plus en plus cher : par le prix du logement lui-même (prix à la vente ou loyer), conséquence directe de l’augmentation des prix du foncier et du coût de construction, par l’augmentation des coûts du transport et du chauffage, conséquence de l’augmentation du prix de l’énergie. Une personne ayant de faibles revenus ne peut entretenir de telles bâtisses ou payer le carburant des trajets quotidiens en voiture. Du paradis privé à une ile fermée, cette forme d’habiter est un isolement spatial

Source : La Dépêche du Midi, 11 Mai 1974

Source : Yann Sinic, Un monde pour soi, France Télévisions Distribution, 16 novembre 2010 Lotissement pavillionnaire, chacun dans sa parcelle, chacun dans sa maison

36/ Jean Urbain, op. cit p196 37/ Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, op.cit 38/ Ibidem,p.61


26 et social. En autarcie loin de la ville ou du village, le collectif y est réduit à néant pour un espace privé partagé. Dans ce monde où tout le monde se voit mais ne se côtoie pas, ne serait-il pas possible de susciter l’intérêt de chacun autour de pratiques et d’espaces partagés? D’y créer du bien(s) commun(s) ?


3: La campagne aujourd’hui, Un

territoire Privé

27

?

«Tout ce qu’on voit est le produit de l’histoire et de l’histoire des rapports sociaux»39

A : La perte d’un modèle de vie communautaire La vie en communauté fut longtemps le moyen en milieu rural de maintenir les communes paysannes avant l’urbanisation des années 60. En milieu rural, ont perduré des relations de solidarité, de gratuité, mutualisation ,... face à la ville moderne et individualiste. Ces relations ont permis de construire des outils techniques et économiques indispensables et pris des dimensions très significatives tels que les crédits agricoles, les coopératives,...). Face à ce monde du chacun chez soi chacun pour soi marqué par l’évolution de la société, de l’urbanisme industriel et du rendement individuel au XIXe siècle, le développement local venait des projets de communauté, des ressources locales et faisait partie du patrimoine commun. De nombreux villages marquent maintenant une situation de «crise sociale» et politique caractérisée par une «perte de projets partagés»40. Entre anciens citadins, ruraux locaux agriculteurs ou non, nous traversons une période de crise du sens collectif. Nous vivons les uns à coté des autres mais pas ensemble.

B : La campagne, d’un espace partagé aux espaces privés L’espace rural, est le témoin par excellence de l’évolution juridique et sociale de l’homme. Lieu de production, d’élevage et par conséquent de vie, il fut au cours de l’histoire la construction même de ce que nous qualifions aujourd’hui de public, collectif, partagé mais aussi de privé, possédé, individuel,... Alain Testart, anthropologue dans son ouvrage « L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac », avance l’hypothèse que l’évolution de la société est caractérisée par trois périodes ou «mondes» de propriété suivant une évolution et la croissance de la richesse41 à savoir : - 1 les sociétés sans richesses qui n’ont que la propriété usufondée - 2 les sociétés avec richesses et propriétés usufondées - 3 les sociétés avec richesses et propriété Ces trois périodes sont en concordance avec l’avènement du capitalisme et de l’individualisme de notre société occidentale actuelle.

39/ Yann Sinic, op. cit 40/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op. cit, p.80 41/ Alain Testart, Avant l’histoire. L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac, Paris, ed. Gallimard, 2012


28 1 : Le rural, les origines du bien public et du bien privé, Usages et possessions Le premier monde d’Alain Testart, correspond à notre société primitive, de chasseurs cueilleurs. Les Hommes vivaient en tribus nomades se nourrissant de ce que la terre pouvait apporter. Dans ce grand espace commun, nous ne possédons que le fruit de nos récoltes et la notion de propriété privée au sens spatial n’existe évidemment pas. C’est la période Néolithique avec la sédentarisation de l’Homme, que la notion de possession apparait. Nous sommes au deuxième monde selon Alain Testart. Ainsi, la notion de propriété existe à cette période seulement par des faits et des actions. Nous possédons seulement la terre que l’on cultive, dont on a l’usage. Si cette terre demeure inutilisée pendant un certain temps, elle n’est plus associée à aucune forme de possession. N’ayant pas de forme propriété foncière possible, c’est une société qui fonctionne sur une forme d’occupation de sol antécédente à «la propriété usufondée». En effet, la production est collective, pour la survie de la tribu et n’installe pas de formes d’inégalité. Au Néolithique il s’agit d’une appropriation collective du sol dans une société égalitaire42. Cette première forme de propriété bien qu’ayant évoluée perdure jusqu’à l’Age de Fer particulièrement en Germanie et se verra opposée à une autre forme de propriété commune, issue du droit romain43 de différente nature.

a : le modèle germanique, la possession communautaire

42/ Alain Testart, Propriété et non propriété de la terre, Paris, ed. Gallimard, 2012 43/ Karl Marx, le Capital, Livre1, Paris, ed. Presses Universitaires de France (PUF) ,17 octobre 2009 44/ Pierre Dardot, , Christian Laval, Commun, essais sur la révolution au XIXe siècle, Paris, ed. La découverte, 27 mars 2014 45/ Ibidem, p. 242 46/ Ibidem, p. 242

Chez les peuples Germains et Celtes de l’âge de fer, la société s’organise en petites communautés agricoles. Ces communautés agricoles sont formées de familles possédant de manière individuelle des terres44. À coté de ces terres individuelles qui sont des possessions privées, ces communautés revendiquent l’usage d’autres terres. Ces terres sont usées de manière collective mais sont exclusivement réservées à la communauté de propriétaires individuels. Ainsi, loin que l’appartenance au domaine public «c’est la propriété individuelle de la famille qui conditionne l’accès aux biens communaux, ces derniers étant la propriété commune de plusieurs familles qui se connaissent membres d’une même tribu».45 Les familles se rassemblent autour d’objectifs et d’un mode de vie commun où la propriété est régie par des relations mutuelles. Ce qui est «individuel» au sens de la communauté est dissocié de ce qui est «privativement individuel»46. Le commun à l’usage exclusif de la communauté est un prolongement de l’appropriation


29 individuelle, c’est une forme de possession qui n’est pas garantie par l’Etat à l’inverse du droit romain. Ces terres communales sont des lieux pour des activités telles que la chasse, le pâturage, l’abattage de bois,... Les oeuvres de La guerre des Gaules de César et La Germanie Tacite47 retranscrivent une distinction entre les terres cultivées et une abondance de terres non cultivées rendant possible ce type de partage. Par ailleurs, chaque année se déroule une redistribution de ces terres effectuée par le chef de village (cela ne fait pas du village le propriétaire des terres). Suivant le principe «Si chacun n’a aucun droit sur la terre qu’il ne cultive pas, chacun a en même temps un droit de posséder une terre pour la cultiver.» 48 Bien que, les terres soient attribuées en fonction des besoins et du rang social, ce n’est pas un système d’héritage. C’est un système régit par une communauté, un village, une tribu où il n’y a pas de pouvoir de fonction.

b : le modèle romain, la possession d’Etat

À L’inverse des Germains, le droit romain n’est pas régi par des usages mais par une première forme officielle de propriété. Ici les notions de propriétés sont considérées à l’intérieur du cadre juridique de l’État. Comme l’explique Karl Marx dans Le Capital, Livre1, les romains pour assoir leur pouvoir, installent leurs colonies en confisquant des terres aux peuples vaincus. Ces terres deviennent alors la propriété du peuple romain. Découpées en lots, elles sont louées aux romains de la plèbe « sous forme de droit d’usage privé, ce sont des possessions et non une propriété»49. Ainsi, nous pouvons dire que le romain est propriétaire en sa qualité de citoyen romain tout en ne possédant réellement individuellement aucune terre. Par conséquent la notion de commun et de public est bien différente de celle des germaniques chez les romains. Le droit romain, lui met en évidence deux formes de public. « Le public de l’usage et le publique de propriété publique»50. Le premier inappropriable, le second propriété de l’État pour des appropriations de types privées.

c : L’accession à la propriété individuelle comme un droit et un désir de richesse

Le troisième monde d’Alain Testart arrive avec l’évolution intellectuelle du XIXe siècle. Nous assistons à la naissance du droit de propriété individuelle avec des principes tels que «Chez tous les peuples quelques grossiers qu’ils soient, on trouve donc la propriété comme un fait d’abord puis comme une idée, idée plus ou moins claire suivant le degré de civilisation auquel ils sont parvenus mais toujours invariablement arrêtée»51. Les arguments issus de la bourgeoisie reposent sur l’idée que la propriété est une faculté individuelle et que le travail individuel est la seule

47/ cité in Pierre Dardot, , Christian Laval, op. cit, p. 241 48/ Alain Testart, Propriété et non propriété de la terre, op.cit, p.431 49/ Pierre Dardot, , Christian Laval, op. cit, p 241 50/ Ibidem 51/ Adolphe Thiers, De la propriété, Paulin, Paris, ed. Lheureux et Cie,1848, p.25


30 source de richesse. Ainsi, dans cette conception de la propriété ce n’est plus la communauté ni l’État mais l’individu qui est mis au centre. C’est avant tout autour d’une approche utilitariste et du développement de la politique économique que la propriété individuelle est plébiscitée. Car cette «institution inséparable du marché» a fait ses preuves d’efficacité économique depuis plusieurs siècles comme «meilleur système d’allocation des ressources jamais inventé par les hommes»52. En effet, l’exploitation individuelle est plus rentable que la production collective car l’individu s’y consacre davantage. Par ailleurs, plusieurs écrits portant sur la propriété considéreront dès lors que toutes formes de «res communes»53, terres n’appartenant à personne et par conséquent appropriables par tous sont dans «un ancien état de communauté négatives»54. Appartenant à une forme sociale du passé, elles sont en attente de propriétaires. L’effacement progressif du commun le relaie à des choses dites «naturellement communes» et inappropriables (eau, vent,...). Ceci est lié à la conception binaire du public et du privé. Cette forte distinction appuie l’idée du propriétaire individuelle et termine de dissocier l’usage de la terre et la propriété elle-même.

2 : l’Exemple anglais, l’enclosure témoin spatiale de la privatisation de l’espace rural a : Une transformation de l’agriculture traditionnelle

52/ Pierre Dardot, , Christian Laval, op. cit, p 256 53/ Robert-Joseph Pothier, Le traité du droit de domaine de propriété, 1777, cité in Pierre Dardot, , Christian Laval,op. cit., p. 256 54/ Ibidem 55/ Patrick Verley, La révolution industrielle, Paris, ed Solar,1 décembre 1985

Le mouvement des enclosures débute en Angleterre dès le XIIe siècle et marque profondément la modification de la propriété et des usages de certaines régions d’Angleterre au cours du XVI et XVII siècle.55 Il marque la transition d’un système rural de communauté et de partage de la terre un système de propriété privée. Les enclosures sont le témoin de la fin du droit d’usage tels que les communaux pour l’affirmation de riches propriétaires individuels. Parmi les raisons des enclosures, nous pouvons citer avant tout les raisons juridiques. Les potentats locaux pour conserver l’exclusivité des terres, en l’absence de cadastre souhaitent rendre physique leur limite foncière. Mais aussi de protection contre l’extérieur, comme dissuader les individus non tolérés sur la propriété de s’approprier les terres, de retenir les animaux et se protéger des bêtes errantes.

b : d’un espace partagé à un espace disputé

Au XIII ème siècle, est appelé en Angleterre les «commons» la propriété d’une personne (membre de la noblesse, clergé, autre propriétaire foncier) faisait l’objet d’un usage collectif par des paysans nommés les communaux. Leurs pratiques


31 consistaient surtout en un droit d’usage étant généralement de l’assolement afin que les paysans sans terre puissent subvenir à leurs besoins. Il demeure en Angleterre une indéfinition des limites foncières (pas de cadastre) et des droits entre propriétaires fonciers et pratiquants du commun dans un territoire vaste et non limité caractérisé par les openfields.56 Par ailleurs, cette époque est marquée par des réformes sociales et d’ouverture des espaces privés ruraux. Nous pouvons citer le Forestlaw57, loi ou droit de la forêt. La première charte du genre, parait en 1215 et garantit la dédomanialisation des anciennes forets royales, privatisés pour être des domaines de chasse (entre autres). Ces terres rendues à l’usage publique sont l’occasion d’installer des droits d’usages dans les forets royales en terme de culture, de fourniture en matériaux, cueillette,.. Ainsi, Peter Linebaugh dans l’ouvrage The Magna Carta Manifesto: Liberties and Commons for All, fait référence à des pratiques agro-pastorales de droits coutumiers tels que : agistment, pannage, chiminage,etc... donnant le droit d’user de l’espace forestier pour son propre intérêt. Cependant, ce régime prend fin vers le XIVe siècle. Après une importante épidémie de peste, on assiste à «la disparition progressive des rapports directs entre seigneur féodal et vassal» provoquant «une mutation de la nature même des tenures féodales»58, en raison de la disparition progressive des rapports entre seigneurs fonciers et paysans. Ainsi, au XVe siècle, naissent des communautés rurales aisées. Ces dernières acquièrent des terres arables de paysans pauvres et usurpent parfois des terres communes pour agrandir des pâturages. Dès lors le commun ou droit commun évolua avec les mentalités. En effet, l’occupation excessive de terres communes par le bétail engagea une politique de mise en place de clôtures au XVIIe siècle59 alors que cette pratique fut longtemps réprimée auparavant. Cela engagea même une évolution de la Common Law. Alors que le Common Law, est un héritage de traditions, «les plus ardents défenseurs, de la Common Law sont enclins à présenter celle-ci comme le résultat d’un processus historique spontané d’accumulation qui serait foncièrement irréductible à toutes codifications formelles»60. Face à la tombée dans l’oubli des articles des droits coutumiers des paysans de la Charte de la foret, Les riches propriétaires fonciers confrontés à «une détérioration de leur situation économique, eurent fréquemment recours à des mesures qui violaient les droits établis depuis des générations en faveur des paysans»61. Ils s’inspiraient d’une foi proclamée par des réformateurs religieux tels que Luther, Zwingli,Tomas Muntzer, qui donna lieu à une nouvelle et véritable réforme juridique.

56/ Peter Linebaugh, The Magna Carta Manifesto: Liberties and Commons for All, Oakland, ed. University of California Press, 1er juin 2009 57/ Jane Winters, Forest law, Institute of Hitorical Research, www. earlyenlishlaws.ac.uk, 1984 58/ Harold-J Berman, Droit et revolution, Aix-en-Provence, ed. Librairie de l’Université Aix,1 mars 2002 p546-547 59/ Ibidem 60/ Pierre Dardot, , Christian Laval, op. cit, p 286


32 Les siècles suivants, le système prit tant d’ampleur qu’il se propagea dans le pays entier. «L’enclosure ouvrit alors les portes d’une agriculture commerciale et aboutit à la révolution agricole britannique.»62

c :Une leçon sur le statut du commun à retenir

L’Angleterre avant le mouvement d’enclosure était ainsi marquée par La coutume qui est avant tout liée au lieu, au local. Liée à une région, elle pouvait avoir différents degrés de signification et d’importance comme le rôle d’exploitants, les traditions orales ou écrites usages et pratiques. Toutes uniques et en évolution elles ne sont pas inscrites dans des arrêtés63, mais «établies par un long usage et le consentement» des ancêtres et ont été longuement pratiquées. Ce non respect de la coutume entraina l’émergence du mouvement des blacks, du blacking pour conserver les droits coutumiers des forêts. Ainsi, de nombreux conflits armés entre propriétaires et paysans témoignent des conflits d’usage des terres et contribuèrent à la mise en place de lois contre la chasse, l’intrusion de personnes déguisées ou armées en forêt,... Entre 1727 et 1815, le Parlement adopta plus de 5000 lois autorisant les enclosures. Les parcelles autrefois de grandes terres en openfields se transforment en un paysage de bocage fermé, délimité par des haies taillées ou simples clôtures. Cette transformation radicale du paysage montre alors un parallèle entre système social et forme d’exploitation. Alors que l’augmentation du rendement agricole évolue lentement, les enclosures favorisent les gros exploitants agricoles. Les paysans sans terre entament un exode rural, et rejoignent les classes ouvrières en ville.

61/ Ibidem 62/ Francis Demier, Actes d’enclosures, Universalis, encyclopédie en ligne, texte en ligne sur www.universalis.fr 63/ Pierre Dardot, , Christian Laval, op. cit, p 313 64/ Ibidem,p. 324 65/ Ibidem,p. 324

L’exemple Anglais, souligne donc que «le commun n’est pas d’abord affaire de gestion, d’une chose, il consiste en une activité qui ne se construit que dans et par le conflit»64. Face au rendement et aux conflits d’usages, nous pouvons constater que la longévité et l’ancienneté ne sont pas garantes du droit et que la condition du commun n’est pas dans la durée mais basée sur des pratiques sociales, «il reste à se demander quelle est la nature d’une telle pratique et quels en sont les sujets»65.

C : Le Bien commun, Moteur possible d’un urbanisme contemporain? 1 : Facteur essentiel de la société

Aujourd’hui il est difficile de parler de bien commun dans la société contemporaine66.


33 Bien que le milieu rural soit caractérisé par les relations entre les hommes et leur territoire et les hommes entre eux grâce à la proximité et la faible densité urbaine. «Dans notre société nous sommes en train de perdre le sens de «être et faire ensemble», le sens du «bien commun». La priorité a été donnée aux itinéraires individuels (ma formation), aux stratégies de survie individuelle (mon emploi, mon revenu) aux «biens individuels» (ma voiture, mon PC) considérés comme l’expression fondamentale de la liberté»67. Cependant, Pour naître, se développer, une société a besoin de se fonder sur plusieurs «biens communs» comme le sentiment d’appartenance à un groupe humain distinct par son mode de vie, l’habitat, la religion,... résultant ou pouvant être à l’origine d’une volonté de vivre ensemble. «Le territoire est à la fois cause et objet des relations qui s’établissent entre les hommes qui l’habitent. Ces relations permettent de prendre en charge simultanément les intérêts individuels et l’intérêt commun dont dépendent notamment la pérennité du territoire et la survie du groupe.»68 L’objet du bien commun est la richesse commune. C’est l’ensemble des règles, des institutions et des moyens qui permettent de promouvoir et de garantir l’existence de tous les membres d’une communauté humaine selon les concepts de la reconnaissance du respect et de la tolérance.

2 : Une problématique urbaine

La dimension du bien commun prise dans le cadre d’une démarche de projet en milieu rural serait alors un moyen de créer le dialogue entre «anciens et nouveaux ruraux», à faire naitre des initiatives et responsabiliser les acteurs, élus et habitants. En effet, l’événement et l’identité vécue, défendue et promue par tous, que l’histoire soit courte ou longue devient un patrimoine commun sous forme de principes, règles, traditions, intuitions et espaces construits. De plus, plus les moments et faits du vivre ensemble sont, nombreux plus ils sont des signes d’appartenance, l’identité d’un groupe social. Plus la cohésion est forte plus la solidarité est génératrice d’une pratique de l’intérêt général. C’est pour cela, qu’aujourd’hui un désir de questionner le statut du et des biens communs est partagé par de plus en plus d’urbanistes, paysagistes, architectes, sociologues et acteurs locaux pour concevoir les établissements humains et leur territoire à partir du local. C’est à dire du patrimoine, des ressources du territoire et du savoir-faire commun. Ainsi, sont énoncés les enjeux de protections écologiques du territoire, de conservation du patrimoine, de relations avec les habitants et leur territoire, de politique économique locale et participatives. Ceci grâce à une «approche

66/ Ricardo Petrella, Le Bien commun éloge de la solidarité, Lausanne , ed. Page deux, 1997 67/ Ibidem, p. 13 68/ Michel Mollard, Une gestion en bien commun de leur milieu de vie par des hommes responsables, élément clef du retour à l’équilibre de notre société, article en ligne sur www.globenet.org, 2006


34 anthropo-biocentrique» , basée sur des soutenabilités au niveau social, économique, environnementale et territorial 69 autour de la création d’un bien commun70.

3 : Des hypothèses de projet

Nous sommes aujourd’hui dans un climat où les politiques publiques peinent à obtenir des résultats concluants malgré des politiques de développement de tourisme, d’économie agricole et de développement résidentiel. Car des problèmes de segmentation des institutions et du territoire en raison de la décentralisation contribuent à une approche sectorielle des problématiques rurales. Sous la direction de Xavier Guillot, le réseau «Espace rural et projet spatial», a été créé autour de la réflexion sur l’espace rural et sur les nouvelles manières de concevoir l’espace en milieu rural sur le plan des acteurs de projets, des méthodes de concevoir les établissements humains de demain. Les problématiques abordées par ce réseau sont autant sur l’aspect de l’urbanisme de planification que sur l’urbanisme opérationnel. Parmi elles, les contraintes liées à l’aménagement en espace rural notamment en terme de budget, de perte de vitesse économique et de la nécessité aujourd’hui de proposer des solutions adaptées au mode de vie contemporain et rural et intégrées dans le paysage. Mais aussi la nécessité de mettre en oeuvre des stratégies d’urbanisation à échelles intercommunales ou régionales. Notamment par la constitution de stratégies intercommunales tels que les SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) , les PLH (Plan Local de l’Habitat) et les PDU (Plan de Déplacements Urbains)... La recherche d’établir des projets locaux vise à mobiliser et faire participer les acteurs locaux, à bousculer les rapports maitres d’ouvrage, maitres d’œuvre, habitants pour que le projet devienne un événement collectif, participatif et finalement assimilé dans la culture et les usages locaux dans le long terme.

69/ Alberto Magnaghi, op. cit. 70/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op. cit,

Ainsi, quelques projets émergent aujourd’hui en milieu rural. Encore expérimentations de petites échelles en terme d’urbanisme opérationnel, ils entament des démarches où la dimension participative, la compréhension opératoire et culturelle entre acteurs, habitants, concepteurs et des nouveaux arrivés font partie de la conception et de la mise en oeuvre. Ces démarches autour de pratiques partagées questionnent la manière d’habiter, de vivre dans le milieu rural, pour la création d’un bien commun entre nouveaux habitants et habitants locaux.


35

2

PArtie : La campagne aujourd’hui, Quelles Réalités

Possibles ?

Beaumont, Les Bogues du Blat Fourneaux, La Ferme de Vernand

Source : Atelier Construire, Les Bogues du Blat Île- de-France. Vue sur une habitation

Source : Agence Fabrique, La ferme de Vernand Vue sur un cicuit tracé dans les près lors du festival Polyculture.


La campagne aujourd’hui,

36

Deux

Expériences de Projet

A : Deux projets, deux Campagnes Beaumont est situé dans le Sud de l’Ardèche, dans les coteaux Cévenol. C’est un village à flanc de montagnes et marqué par l‘exploitation agricole intensive en terrasses aujourd’hui délaissées et enfrichées. Beaumont est dans un contexte reculé, à près d’une heure de voiture de la ville la plus proche, Aubenas et est accessible par des routes étroites et escarpées serpentant dans la montagne. Le réseau de transports en commun est peu développé. Les transports scolaires concernent l’école de Beaumont, le collège de Joyeuse et le lycée d’Aubenas. Des cars a Joyeuse et Largentière assurent la liaison avec Aubenas vers la gare TGV. Le village de Fourneaux, situé dans le département Loire, dans la région RhônesAlpes est situé dans un contexte de vallées à la topographie prononcée. La richesse de ses sols a permis au fil de l’histoire l’installation d’une économie agricole marquant le paysage par des open fields. Avant les années 50 les exploitations étant de nombreuses petites structures en polyculture se sont amoindries, agrandies et spécialisées au moment de la mécanisation de l’agriculture. Situé dans un contexte rural moins éloigné des pôles d’activités urbain, les agglomérations les plus importantes les plus proches, sont Roanne à 23minutes et Lyon à 55 minutes en voiture.

B : Deux Villages, Une solidarité nécessaire

71/ www.copler.fr

Beaumont et Fourneaux font tout deux partie d’une communauté de commune. Établissement Public de Coopération Intercommunales, c’est une structure juridique qui regroupe des communes volontaires leur permettant de fonctionner ensemble et de proposer des compétences et services afin d’accomplir des actions pour le bénéfice de la population.71 Les compétences assurées par ces communautés de communes sont indispensables au maintient et à la viabilité de ses villages éloignés des importantes aires urbaines. Beaumont fait parti de la Communauté de communes du Pays Beaume Drobie regroupant 17 autres villages de moins de 2000 habitants et Fourneaux fait partie de la Communauté de communes du Pays entre Loire et Rhône (CoPLER) fonctionnant avec 15 autres villages peuplés de 280 à 1800 habitants. Ces EPCI assurent une grande diversité de compétences propre à la gestion


37 Chamary

Sarrabasche

Le Fraysse

Le Maze

Pradier

JeanJean Brousson

Centre bourg

Le Travers Isaac Le Bazalet

Le Palais

Flacouse

La Porte L’Oustal Nau La Garingale

L’Elze

L’Arrifont Le Serre

Le Blat

Le Chateau

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv Localisation de Beaumont et du hameau des Bogues du Blat

Montcizerand

Les coines

La Barbinelle

Centre bourg

Vernand La Rivière

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv Localisation de Fourneaux et de la ferme de Vernand


38

urbaine des municipalités qu’elles regroupent. La CoPLER, par exemple exerce des compétences obligatoires en matière d’urbanisme telles que: « 1- Schémas et plans de référence : Réalisation d’études et élaboration de plans de développement pluriannuels et de schémas d’aménagement du territoire de la CoPLER (du type «charte Intercommunale de développement et d’aménagement, Schéma de cohérence territoriale et de secteur) 2- Gestion de l’espace : Restauration, aménagement et entretien des parcours et itinéraires de loisirs et de randonnée équestre, pédestre et VTT, (...) 3- Aménagement et gestion de sites économique, touristiques, culturels, d’intérêt communautaire.»72 Des actions de développement économiques obligatoires comme : « 1 – Aménagement de zones d’activités d’intérêt communautaire (...) 2- Opérations d’immobilier d’entreprises d’intérêt communautaire. Sont d’intérêt communautaire, les bâtiments existants (en TPZ) et les projets neufs ou d’aménagement de bâtiment vacant (...). 3 -Gestion de politiques contractuelles, actions collectives et gestion de programmes intercommunaux d’étude et de soutien aux collectivités, et de développement des activités économiques (agricoles, industrielles, de services, artisanat, commerce), touristiques, de loisirs et culturelles du territoire de la CoPLER. 4 -Promotion économique, touristique et culturelle et signalétique touristique (...). 5-Mise en réseau des entreprises, commerçants et artisans du territoire.»73 Et des compétences optionnelles telles que la politique du logement et du cadre de vie , la protection et la mise en valeur de l’environnement (collecte des déchets, programme intercommunaux de protection de l’environnement, Agenda 21,...); une politique culturelle, touristique, professionnelle et des prestations de services et délégations de la maîtrise d’ouvrage.

72/ CoPLER, Statut de la communauté de communes du Pays entre Loire et Rhône, document pdf en ligne sur www.copler.fr, 2008, p1 73/ Ibidem, p 1-2

Le fonctionnement en intercommunalité attribue des compétences aux maires de ses communes membres. Ainsi, Le maire de Beaumont, Pascal Waldschmidt est le deuxième vice - président de la communauté de commune Pays Beaume Drobie et est en charge de l’aménagement de l’Espace, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’agriculture. Et Claude Janin, maire de Fourneaux jusqu’en 2014 était président du conseil communautaire. La représentation des communes au Conseil Municipal est effectuée par des délégués, au minimum de un par commune et de un délégué supplémentaire par tranche de 500 habitants.


39

Source : Fond cartographique, www.coppler.fr Carte de la communautĂŠ de commune du Pays de Beaume Drobie, Fourneaux est localisĂŠ en orange


40 C : Deux Campagnes, Deux exodes Les villages de Beaumont et de Fourneaux bien qu’enregistrant des tendances démographiques différentes au cour de l’histoire selon le recensement INSEE marquent depuis 15 ans une augmentation faible mais en progression constante de la population. Le village de Beaumont a été fortement touché par l’exode rural sa démographie de 1367 personnes en 1841 est descendue à 220 en 1962 74 . Ce phénomène caractéristique de l’exode rural de l’Ardèche a contribué à la constitution d’un désert rural de régions autrefois surpeuplées75. Beaumont compte 240 habitants et près de 150 résidences secondaires76, ceci entraine à la venue des beaux jours et des congés le triplement des effectifs de fréquentation de la commune. En parallèle à cela, depuis une quinzaine d’années la population marque une augmentation constante d’environ 5 personnes par an. 74/ L’École des hautes études en sciences sociales, Des villages de Cassini aux communes d’aujourd’hui, www.ehess.fr 75/ Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, op. cit. 76/ Pascal Waldschidt, Beaumont de 1998 à 2020

maire

de

77/ Jean-Pierre Houssel (dir.), Grande encyclopédie des communes du Forez et de la Loire, Lyon , ed. Horvath 1984 78/ Sources Insee 2012 79/ www.conseil-general.com/local/ mairies-villes-communes/mairiefourneaux-42470.htm 80/ Fiches Insee - Populations légales de la commune pour les années 2005 , 2006 , 2010 81/ Carte de l’état-major (1820-1866), www.geoportail.gouv.fr

Contrairement à Beaumont, Fourneaux n’a pas subit l’exode rural massif des campagnes des années 50. En effet entre les années 60 et 7077, l’économie locale a développé l’industrie textile existant dans la région depuis le XIXe siècle. Si bien qu’une opération immobilière donnant naissance à la première extension urbaine moderne du village. Sa population actuelle est de 642 personnes78 dont 19 personnes implantées en résidences secondaires79. Elle est en augmentation significative et constante de depuis 199080 de l’ordre de 10 personnes par an.

D : Deux Villages, Deux Enjeux d’urbanisation Le village de Beaumont n’a pas connu d’opérations de création immobilière véritable avant le projet des Bogues du Blat depuis le XIXe siècle81. Les propriétés agricoles et hameaux laissés à l’abandon suite à l’exode rural ont longtemps constitué une réserve de foncier à réhabiliter pour la commune. Autrefois, accessibles à bon marché aujourd’hui elles sont convoitées pour leur charme et aspect vernaculaire propre aux Cévennes. Beaumont recense aujourd’hui très peu de projets de créations de logements par réhabilitation. N’ayant encore vu à ce jour qu’une construction antérieure au XVII eme -XIXeme sortir de terre, la question de la création de logements neufs


41

Source : Base Cassini de l’EHESS et base Insee Démographie de Beaumont

Source : Base Cassini de l’EHESS et base Insee Démographie de Fourneaux


42 s’impose pour accueillir de nouveaux habitants. Depuis 2005, un projet de logements sociaux, initié par le maire et ses députés s’inscrit dans une politique menée depuis 15 ans pour enrayer le déclin de l’agriculture et le vieillissement de la population82. Cette politique d’urbanisme a conduit la municipalité à lancer une études pour la création d’un PLU et l’achat de deux terrains à bâtir.83 Source : Atelier Construire Vue d’un hameau à Beaumont, architecture vernaculaire

82/ Construire, Les Bogues du Blat, Construire, habiter, vivre ensemble autrement à Beaumont, Ardèche , dossier pdf en ligne, sur www. legrandensemble.com, Septembre 2010 83/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 84/ Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015 85/ Fiches Insee, op.cit. 86/ www.conseil-general.com/local/ mairies-villes-communes/mairiefourneaux-42470 87/ Recensement agricole 2010, Principaux résultats par communes, document excel téléchargeable sur agreste.agriculture.gouv.fr, 26/04/2012

Après la création d’un lotissement pavillonnaire les années 1965-1967 entre la limite du village historique et la Nationale 7, le village de Fourneaux n’enregistre pas de nouvelles constructions groupées pour l’accueil de nouveaux habitants. Aujourd’hui, Il n’existe à Fourneaux quasiment pas de foncier libre, abandonné ou sous occupé et la politique urbaine actuelle est favorable à la construction d’habitations pour répondre à la demande croissante de logements. Le village ne possède pas encore de PLU mais établit un SCOT avec la communauté de communes du Pays entre Loire et Rhône qui sera adopté en 2015 ou 2016. Sur les villages comme Fourneaux, la stratégie est de déterminer des taches urbaines où concentrer les population pour éviter le mitage urbain. Seulement, Le SCOT prévoit de réduire la capacité actuelle de création de logements et la consommation des sols aujourd’hui de 153 hectares à 50 hectares par an84 et nuit aux intentions du maire en matière d’opération foncière. En parallèle aux enjeux d’accueil des nouveaux habitants à Fourneaux existe un autre enjeu concernant le domaine de l’agriculture. En effet, la population autochtone et nouvellement arrivée dans la région est de moins en moins liée en terme de mode de vie à l’exploitation agricole du territoire et entraine des incompréhensions et intolérances de la part de ses habitants envers les agriculteurs. En effet, avec une population d’environ 500 personnes en 1988 et de 617 personnes en 200085, et une population active majoritaire de 75% (contre 5,8% de chômage et 19,5% de retraités)86, le recensement agreste montre une baisse du nombre d’exploitations agricoles qui étaient au nombre de 37 en 1988 et de 15 en 201087.

E : Deux Villages, Deux Projets En 2005, la municipalité de Beaumont qui veut lancer une opération de création de logements sociaux, entre en contact avec la Fondation de France qui propose alors au village de faire partie du programme Nouveaux Commanditaires. Ce projet, nommé Hameau des Bogues du Blat est alors présenté comme un aménagement de création architectural, artistique et culturel. Les élus désirant créer un véritable


43

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv 2015 Beaumont

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv

1821 Beaumont

N7

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv Zoom sur le village historique de Fourneaux 1946

N7

N7

1984, costruction de la Nationale 7 et du lotissement

2015, quelques constructions en plus


44 projet communautaire entre les habitants du village et les nouveaux arrivant, la Fondation de France met en contact Beaumont (après une première tentative infructueuse avec un artiste américain) avec l’atelier Construire et Patrick Bouchain. Ces derniers sont connus pour les projets qu’ils ont mené conjointement au sein des actions Contruire ensemble le Grand Ensemble dont les projets ont la particularité de mener des créations ou des réhabilitations en milieux urbains de logements sociaux faisant participer les futurs occupants sous forme d’événements, de coconception, de réunions pédagogiques et d’autoconstruction. Ce projet d’habitat coopératif, construit sur la base du commun, du partage et d’un projet de vie communautaire prend place dans une ancienne châtaigneraie en terrasse. Ancien site d’exploitation agricole partagé c’est un terrain qui fait partie des 25 hectares de terrain agricole qu’a acquis la commune après réfection de son PLU en prévision (entre autre) d’acquérir des surfaces à bâtir.88 Le projet de logement, prévoyant à l’origine la construction de 8 bogues d’habitation n’a vu aujourd’hui seulement la mise en oeuvre de 3 et le projet futur de concevoir 3 autres de ces habitats courant 2015.

88/ Construire, op. cit 89/ www.fabriques-ap.net

À Fourneaux, le projet d’étude est celui de la ferme de Vernand. Exploitation agricole biologique, elle s’est vue transformée par le projet de diplôme des frères Janin étudiants respectivement en architecture et en paysagisme conçu en 2007. Ce projet porte avant tout sur la réflexion de l’espace agricole contemporain, son exploitation et son ouverture aux nouveaux usages qu’occasionne le milieu rural. Aujourd’hui travaillent conjointement en agence sur des projets liés au milieu rural à l’agriculture et à des enjeux patrimoniaux bâtis ou naturels, le site de la ferme de Vernand «sert depuis de support et d’expérimentation pour la construction progressive d’un projet d’architecture et de paysage agricole contemporain» 89 Tenue par la mère de la famille Janin depuis les années 80,elle s’étend sur une centaine d’hectares, fait vivre deux personnes à plein temps, une à mi-temps et accueille une biennale d’art contemporain depuis 2009 organisée par l’association polyculture par la famille. Le site principale de la ferme situé à Fourneaux, représente 56 hectares et comprend de l’élevage de vaches et de moutons pour de la production de viande. La production est certifiée agriculture biologique depuis 1992 et la ferme produit son propre fourrage pour l’alimentation des animaux. La viande est vendue en directe depuis 1989, au détail et sur le marché de Roanne ou livrée sur commande dans un rayon de 80 km. Les autres sites de la ferme sont répartis en estives sur des terrains en altitude ou en frange urbaine lyonnaise.


1

Axe : La campagne aujourd’hui, quelle

diversité d’habitants ?

45

A : La campagne du XXe siècle, transformation du monde rural 1 : de la surpopulation au désert

Le phénomène de l’exode rural qui toucha en grande partie la France à partir de la moitié du XXe siècle a contribué à la transformation du monde rural et agricole. À Beaumont, La vallée de la Drobie, qui a connu la surpopulation au XXe siècle comptait 1826 habitants et une occupation totale des ses terres agricoles. Mais le développement du prolétariat, deux guerre mondiales successives, le développement du transport et plus particulièrement dans cette région d’Ardèche la venue de trois importantes maladies agricoles qui ont marqué la fin du XIX e siècle et le début du XX e siècle a favorisé un exode rural de masse90. De la campagne où la terre arable était précieuse et où une exploitation agricole employait parfois plus de dix personnes, la population s’est vue diminuer jusqu’à ne plus recenser que 170 habitants en 1950 et a former des déserts ruraux. Cette fuite de la campagne a marqué le déclin des écoles communales (5 à Beaumont à l’époque), l’enfrichement des terrasses agricoles et l’abandon de nombreux bâtiments agricoles voir des hameaux entiers. Seuls les parents, grands parents et quelques rares jeunes sont restés dans ces communes rurales. En 2000 le village de Beaumont ne comptait plus que 8 petits exploitants agricoles91.

2 : Du monde paysan au monde agricole

Fourneaux qui n’a pas connu de véritable exode rural comme a vécu Beaumont a vu pourtant elle aussi son paysage et économie agricole modifié au cours du XIXe siècle. En effet, jusque dans les années 1980, les exploitations agricoles de Fourneaux étaient encore caractérisées par un fonctionnement sur le modèle de la paysannerie92. Lorsque la famille Janin reprend la ferme de Vernand, cette dernière est encore exploitée de manière manuelle et emploie six personnes toutes membres de la même famille. Comme beaucoup d’exploitations encore elle fonctionnait sur un système d’élevage en polyculture, c’est à dire de l’élevage de troupeaux (vaches, moutons,...) et de culture. Avec la diminution du nombre d’exploitations, la mécanisation puis l’industrialisation de ces dernières, le monde paysan s’est rapidement transformé en industrie agricole. Le tracteur et l’usage des produits chimiques ont totalement changé l’échelle de l’exploitation paysanne pour en faire une exploitation agricole. Les

Source : Atelier Construire Vues du site du projet des Bogues du Blat, une châtaigneraie ancienne exploitation agricole laissée à l’abandon

90/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 91/ Construire, op. cit, p8 92/ www.vernand.fr


46 dernières petites fermes avec l’évolution des moyens techniques et économiques ont toutes évoluées en ce spécialisant (élevage laitier, culture céréalière,...) et en agrandissant le surfaces agricoles, contribuant à une uniformisation du paysage rural et a une privatisation du domaine agricole93.

B : Pourquoi venir habiter la campagne ? 1 : Différentes vagues migratoires, idéologie et économie

Source : www.vernand.fr Photographies de la famille Salot - Janin à la ferme de Vernand dans les années 1940. Exploitation familiale et vie sociale

93/ Entretien avec Remi Janin, le 12/02/2015 94/ Entretien avec Loïc Julienne de l’atelier Construire le 23/12/2014 95/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 96/ Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015

Les villages de Beaumont et de Fourneaux, enregistrent tous deux vagues de retour de population au village. Ainsi le village de Beaumont recense l’arrivée de nouveaux habitants au cours des années 1969-70. Liée au mouvement de mai 1968, la population venant s’installer à Beaumont en majorité jeune et citadine et dispose d’une importante réserve foncière, en ruine mais très abordable. Mais ces nouveaux habitants ne restent pas longtemps au village après les premiers hivers et lourds travaux à effectuer94. Parmi ceux qui sont restés et ont su s’adapter au mode de vie des Cévennes, nous pouvons citer le maire Pascal Waldchmidt, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et le 3eme adjoint Jean-Rémi Durand Gasselin venus s’installer pour démarrer une vie nouvelle ou fuir la ville95. En revanche, à Fourneaux la venue de nouveaux habitants dans les années 60 est due à l’essor d’une économie extérieure à l’agriculture, l’industrie textile. Ce village qui n’a pas véritablement connu l’exode rural ne possède pas de logements vacants comme à Beaumont. C’est donc à ce moment que la commune met en oeuvre la seule opération immobilière d’extension du village et qui n’a pas de rapport avec l’agriculture. Un lotissement pavillonnaire d’une trentaines maisons construites en tre les années 60 et les années 80 pour loger des personnes du village et de ses environs venus travailler aux usines aujourd’hui disparues96.

2 : des nouveaux habitants et une Campagne métissée

Contrairement aux précédentes, la période de croissance actuelle, démarrée depuis la fin des années 90 et le début des années 2000 à Beaumont et à Fourneaux présentent toutes deux des similitudes et dressent un portrait métissé de la campagne car elles ne sont pas caractérisées seulement par la venue de citadins à la campagne. En effet, les personnes désirant s’installer dans ces villages sont issues de milieux divers mais avec des attentes bien précises de la vie en milieu rural. La demande de logement est de plus en plus forte et concerne autant les


47

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv 1947 : Fourneaux et le site actuel de la ferme, de petites surfaces d’exploitation

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv 2015 : Fourneaux et le site actuel de la ferme, agrandissement et remembrements agricoles sont accompagnés de l’enfrichements de certaines parcelles non mécanisables

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master théories et démarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 Vue du site d’exploitation dans les années 1950 Vue du site d’exploitation en 2006


48

97/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 98/ Ibidem Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op.cit 99/ Jacqueline Mielle 1ere adjointe à la mairie de Beaumont le 13/02/2015 100/ Entretien avec Remi Janin, le 12/02/2015 101/ Philippe Lalleman, Didier Froehly, Nicolas Druet, Olivier Beghin, , Agriculteurs, entre passion et colère, Zone interdite, M6,01 mars 2015, 1h 51 min

personnes ayant déjà une situation financière et professionnelle stable de la ville, que les jeunes actifs locaux ou urbains, des personnes touchant le RSA, des retraités, d’autres retournant au pays de leur enfance ou de leurs ancêtres ou cherchant à s’établir durablement dans une région où ils ont toujours vécu ou sont venus en vacances,...97 En premier lieu, les personnes retraitées, ils viennent s’installer le plus souvent dans leur résidence secondaire au moment où ils cessent de travailler. En second, les jeunes actifs, venus des villages alentours ou de contextes en rapport avec la ville, ils désirent s’établir à la campagne pour y élever leur enfants et y établir un projet de vie. Souvent les jeunes de la région partent étudier en ville puis reviennent dans leur région après avoir trouvé un compagnon, mis de l’argent de coté voire avoir eu un enfant.98 Parmi ces jeunes venant habiter à Fourneaux et à Beaumont surtout nous pouvons compter de nombreux citadins français ou étrangers qui cherchent en venant vivre dans ces villages un mode de vie éloigné de la ville et proche d’une idéologie écologique. Par exemple Jacqueline Mielle, 1ere adjointe à la mairie de Beaumont reçoit régulièrement des demandes de ce type : «Monsieur le Maire nous sommes un couple Belge, âgés de 30 et 37 ans avec deux jeunes enfants et sommes désireux depuis plusieurs années de nous installer en France afin d’y mener un «eco - mode de vie». Notre projet est le suivant nous aimerions trouver une commune où les élus ainsi que les villageois sont sensibles aux causes environnementales, à une commune qui serait ouverte à un projet de permaculture et de construction d’habitat autonome et bio climatique. Nous sommes des personnes respectueuses,.... conviviaux ... Nous ne souhaitons pas construire un bâtiment qui serait dénaturant. Nous sommes pour les échanges locaux, donner un coup de main aux villageois. ...»99

3 : Les nouveaux ruraux une autre vision de l’agriculture

Les citadins s’installant en exploitation sont souvent animés de désirs et d’idées idéalisant la campagne, ils viennent avec une idée de nature. Ce phénomène est caractéristique des citadins s’établissant comme exploitants agricoles.100 En effet, ces derniers viennent en milieu rural avec des idées sur l’exploitation agricole et le territoire rural allant à l’inverse de ce qu’est l’agriculture traditionnelle aujourd’hui. L’agriculteur avec l’évolution de la paysannerie lui conçoit la campagne comme terrain de ressource et de rendement économique. Loin de la paysannerie, l’exploitation agricole aujourd’hui est industrielle, régie par les lois du marché et les prix fixés par les coopératives agricoles et les grandes surfaces.101 La terre est un moyen de subsistance et la nature changeante est quelque chose qu’il


49 faut dompter, maîtriser, stimuler, accélérer pour produire102. Alors que la nature vue en ville est quelque chose de sanctifié, quelque chose de précieux et de vivant. C’est pourquoi ces nouveaux exploitants recherchent un modèle d’agriculture de plus petite taille que les exploitations traditionnelles et un type de gestion biologique comme en témoignent quelques autres exploitations dans les environs de Fourneaux103. L’idée principale est d’agir dans le sens de la nature, de faire des compromis avec le climat, la géographie, les sols,... La vente des produits de ces fermes de polyculture se fait le plus souvent en vente directe sur le marché ou le site de la ferme et se spécialisent parfois dans la production de produits de qualité ou de produits rares 104. Ces formes d’exploitations recherchées aujourd’hui par des citadins et quelques ruraux pour le label qu’elles présentent et leur volonté de respecter l’environnement suscitent de l’incompréhension et de suspicions de la part des agriculteurs traditionnels sur la viabilité de ces exploitations et leur capacité à nourrir la population comme le témoigne le maire de Fourneaux issu du milieu agricole.

Source : www.agriculture.gouv.fr

c : Une campagne victime de son succès ? 1 : Une campagne recherchée

Le phénomène de retour à la campagne souvent considère les communes à proximité des villes comme principales concernées105 et les campagnes reculées comme des zones en perte démographique106. Pourtant, Beaumont qui enregistre une croissance démographique et une forte demande de logements est un village éloigné géographiquement des pôles urbains de la région Rhône- Alpe et est accessible par des routes étroites et escarpées à flan de montagnes. Beaumont est convoitée comme d’autres communes reculées et éloignées des services et commerces. La croissance démographique de Beaumont est due à l’attrait que constitue la qualité de vie en matière de vie sociale et de cadre de vie.107Par ailleurs, la vague migratoire qui a commencé au début des années 2000 à Beaumont est caractérisée par le redressement de l’économie agricole, la création de services intercommunaux, la réhabilitation de ruines en résidences permanentes ou secondaires et aujourd’hui une demande de plus importante de foncier à bâtir et a conduit à la constitution d’un PLU et à la réalisation d’un SCOT à Fourneaux. En effet, Beaumont à la différence des années 70 ne possède plus de foncier disponible, les ruines ont été réhabilitées, des bâtiments comme une ancienne école communale transformée en logement et Fourneaux restreinte en terme de construction de compte qu’un logement vide en location.

102/ Entretien avec Remi Janin, le 12/02/2015 103/ Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015 104/ Philippe Lalleman, Didier Froehly, Nicolas Druet et Olivier Beghin, op.cit 105/ Jean Viard, op. cit Gérard Bauer, Jean-Michel Roux, op.cit 106/ Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), op. cit 107/ Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015


50 2 : les résidences secondaires, village vide et vieillissement de la population

108/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, société et modes de vie, op.cit 109/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 110/ Ibidem

Mais l’attrait rural dont font preuve Beaumont et Fourneaux ne représentent pas que des avantages. En effet, Beaumont victime de son succès touristique, dénombre près de 150 résidences secondaires et quelques gîtes ruraux pour une centaine de résidences permanentes. Pour un nombre total d’habitants permanents de 240 en 2015, le village récence environ 600 personnes en période estivale pour les vacances. La question des résidences secondaires pose problème auprès des deux communes. En effet, ces habitations vides pendant une grande partie de l’année réquisitionnent des logements vacants alors que les communes cherchent à loger des habitants permanents pour le maintient de la vie locale (écoles, associations,..). De plus les personnes en résidence secondaire recherchent et demandent aux communes des services de proximité que l’on trouve en ville (poste, commerces de proximité, équipements de loisirs,...) et que ces dernières par manque de moyen et du fait de leur contexte géographique et urbain ne peuvent offrir malgré leur communauté de communes. D’autre part, ces logements choisis pour le cadre de vie par leurs propriétaires s’inscrivent dans un schéma de vie très répandu aujourd’hui dans le monde rural108. En effet, à Beaumont comme à Fourneaux, ces résidences secondaires deviennent des résidences permanentes au moment de la retraite de leur occupant, le lieu de vacances devient le lieu où l’on veut finir ses vieux jours. Ce phénomène contribue au vieillissement de la population et pose des problèmes concernant les équipements de proximité pour le maintien de la vie locale. Mais aussi du manque d’aide pour les personnes âgées qui deviennent des personnes dépendantes dans des régions où le climat rude et l’éloignement de la ville nécessite aux habitants des villages de devoir réaliser eux même des gros travaux tel que l’entretien des bâtisses, ou de voitures enlisées,...109 D’autant plus que, le succès de l’architecture vernaculaire dans le cas de Beaumont et du cadre de vie rendent les biens immobiliers très prisés et par conséquent contribue à l’augmentation des prix sur le marché110. Ainsi peu de jeunes actifs peuvent prétendre à acquérir des propriétés de 400 000 euros111. Aujourd’hui, les deux communes sont favorables à la venue de nouveaux habitants veulent favoriser la venue des personnes jeunes de la région et ayant un travail afin d’enrailler le vieillissement de la population112 et de ne pas perturber l’équilibre local.

111/ Ibidem 112/ Construire, op. cit, p25

3 : La campagne, des problèmes de voisinage contemporains


51 Aujourd’hui se pose à Fourneaux la question du partage de la campagne entre des villageois de moins en liés à l’agriculture et le monde agricole. En effet, comme cité plus tôt la population est de moins en moins liée en terme de mode de vie à l’exploitation agricole et entraine des incompréhensions et intolérances de la part de ses habitants envers les agriculteurs. En effet, aujourd’hui, avec la disparition de la paysannerie, la mécanisation et l’essor des secteurs secondaires et tertiaires, les exploitations sont de plus en plus grandes et les agriculteurs de moins en moins nombreux. La campagne n’est plus peuplée que par une minorité d’exploitants de la terre, soit 10% de la population à Fourneaux. Selon les chiffres de l’INSEE, en 1988, la population était d’environ 500 personnes puis et de 617 personnes en 2010113, alors que le recensement agreste montre une baisse du nombre d’exploitations agricoles qui étaient au nombre de 37 en 1988 et de 15 en 2010114 avec une baisse d’employés de 5 à 2 personnes en moyenne travaillant dans une exploitation. Bien que Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux souligne le fait que la connaissance du milieu agricole est importante lorsque des personnes extérieures au monde rural viennent vivre à la campagne. Il existe aujourd’hui une ignorance de la part des habitants locaux et nouveaux habitants sur le monde agricole115. D’autant plus que l’agriculture est un milieu de plus en plus fermé et s’oppose à une population ayant de moins en moins de rapport avec elle et qui vivent la campagne complètement différemment116. Le monde rural, implique un partage et une présence forte de l’agriculture, cela comprend les nuisances sonores des engins motorisés, le partage des routes avec ces véhicules plus lents que les voitures, les odeurs dues au lisier,... Le travail de la terre et de la maitrise de la nature, s’oppose au cadre de vie et aux aspects récréatifs qu’il occasionne. D’ailleurs la famille Janin a fait face dès la reprise de l’exploitation à des conflits d’usages mettant en cause la venue de personnes étrangères à la ferme dans l’espace des cultures pour y faire du footing, de la randonnée, du quad,... C’est pourquoi à Fourneaux, nait une volonté partagée par les élus, certains habitants et agriculteurs, d’établir un contact entre ces deux visions de la campagne.

d : Témoignages du Neo-ruralisme L’expérience de projet sur les communes de Beaumont et de Vernand ont toutes deux la particularité d’être issue de l’expérience néo-rurale de leur initiateurs. Les élus de Beaumont et la famille JANIN issus du monde citadin, ont créé un projet à partir de leur expérience et de leurs idéologies néo-rurales.

113/ Fiches Insee, op.cit. 114/ Recensement agricole 2010, Principaux résultats par communes, document excel téléchargeable sur agreste.agriculture.gouv.fr, 26/04/2012 115/ Entretien avec Remi Janin, le 12/02/2015 116/ Ibidem


52 1 : Beaumont, Une Utopie communautaire

Pascal Waldchmidt, Jacqueline Mielle et Jean-Rémi Durand Gasselin, sont venus s’installer à Beaumont suite à la première vague de nouveaux arrivants des années 1969-70, liée au mouvement de mai 1968. Fuir la ville pour Jacqueline Mielle et la volonté de concevoir un projet de vie pour Pascal Waldchmidt et Jean-Rémi Durand Gasselin, déçus par les évènements de Mai 1968117 , ces deux derniers se considèrent comme des néo-ruraux venus vivre à Beaumont à la fin de leurs études pour «refaire le monde».

117/ Pascal Waldchmidt, le 13/02/2015 Entretien avec Loïc Julienne de l’atelier Construire, le 23/12/2014 118/ Bertrand Hervieu et Danièle Hervieu - Léger, Les années 68 : événements, cultures politiques et modes de vie ,Lettre d’information n°24, Séance du 28 avril 1997, Les communautés rurales de l’après 68 : utopies rêvées, utopies pratiquées, p 3 119/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015

Les cas de Pascal Waldchmidt, et Jean-Rémi Durand Gasselin et plus tard Jacqueline Mielle ne sont pas isolés. En effet, l’utopie du néo ruralisme combinée au rejet du capitalisme de Mai 1968 a poussé une population jeune, d’étudiants fraichement diplômés et possédant une culture élevée vers les régions désertées pour y créer une «société en fusion» 118 . Les personnes concernées par cette forme d’exode urbain recherchent loin du capitalisme et d’une société hiérarchique, des relations d’égalité entre individus de cette société et sont motivées par le collectif, le projet communautaire119. Cette venue dans le désert agricole est une volonté de table rase, un retour à la terre pour reconstruire une société sur la base de l’observation, de l’écoute, d’interconnaissance, de solidarité et de convivialité avec les habitants locaux. Un des souhaits de ces nouveaux ruraux est celui de la relation au travail comme étant un plaisir et en lien étroit avec cette recherche de mode de vie. Le foncier dans ces villages en ruine est accessible à très bon marché et représente de grandes propriétés à condition de les réhabiliter. L’intégration au village de Pascal Waldchmidt et Jean-Rémi Durand Gasselin fut appuyée par le fait qu’un certain nombre de jeunes du pays étaient restés vivre à Beaumont et leur ont permis de concevoir des projets mêlés d’idéalisme rural et de connaissance du terrain. «Ceux qui sont restés, qui ont surmonté les difficultés (problèmes matériels, froid de l’hiver), sont passés de l’utopie communautaire à l’utopie de couple et de l’utopie à l’installation avec une relative normalisation agricole, artisanale ou salariale. Ils ont fini par constituer des relais très forts pour les projets d’animation et d’aménagement dans ces régions, compte tenu de leur capital culturel et


53 de leur âge. Dans ces régions très vieillissantes et découragées, il y avait des places à prendre. Certains notables ont eu une politique très active d’intégration et d’association de ces nouveaux arrivants pour tenter de revitaliser la vallée française.» 120

2 : Fourneaux, Un idéal agricole

Claude et Isabelle Janin, ingénieur agronome et laborantine lyonnais reprennent la ferme de Vernand en 1983. Après leurs études et une courte première expérience agricole sur une autre exploitation, Claude et Isabelle Janin, les parents de Rémy et Pierre Janin s’établissent à Vernand. Claude Janin étant déjà venu travailler à la ferme durant son enfance, reprend avec son épouse l’exploitation de la famille Salot sans héritier. Bien qu’ayant toujours eu des rapports familiaux avec le milieu agricole et la ferme de Vernand, Claude et Isabelle Janin et leurs parents sont issus du milieu urbain lyonnais. Ils viennent à Fourneaux avec une autre vision sur l’exploitation agricole que leurs voisins agriculteurs conventionnels. La ferme initiale s’étendait sur 24 hectares, répartis en terres labourables, prairie de fauche, pâturages et prairies,... L’exploitation recensait plusieurs productions animales et faisait vivre les six membres de la famille Salot121. A l’inverse de leurs voisins, de petites exploitations paysannes qui se sont spécialisées et industrialisées le plus souvent en élevage laitier, la famille Janin décident de garder le système de polyculture en petite exploitation. Ils commencent par moderniser les lieux en construisant de nouveaux bâtiments, habitation, bâtiments agricoles et acquièrent des terres supplémentaires. Puis ils s’orientent vers l’élevage de moutons et de vaches pour vendre la viande en directe aux particuliers ou sur les marchés. La ferme devienne une exploitation biologique en 1992 et ouvre ses portes pour des séances pédagogiques aux enfants et clients pour devenir aujourd’hui le centre d’intervention d’une association culturelle, Polyculture et d’une biennale d’art contemporain. Selon Rémi Janin, le choix d’une telle agriculture est avant tout une question culturelle. Les autres fermes à proximité de Vernand, en culture biologique, sont exploitées par des personnes issues du milieu urbain. Ces choix de production et de pédagogie sur le site de l’exploitation ne sont pas en lien avec l’idée de revenir au modèle ancien de production paysanne, mais de chercher une manière de produire en lien avec les enjeux contemporains de l’espace rural en matière de

Source : www.vernand.fr Photographies de la famille Salot - Janin à la ferme de Vernand dans les années 40 (deux premiers clichés) et le près à vache dans les années 60. La ferme un lieu de vie

120/ Bertrand Hervieu et Danièle Hervieu - Léger, op. cit p5 121/ www.vernand.fr


54 conscience environnementale, du souci de la provenance des produits achetés et de la conscience du fonctionnement d’une exploitation agricole. Aujourd’hui la famille Janin est intégrée à la vie du village. Le père Claude Janin fut maire et président de la communauté de communes du Pays entre Loire et Rhône, Isabelle son épouse, est membre d’associations locales et leur trois enfants scolarisés au sein de la commune,... Cependant, ils sont moins bien acceptés par les autres agriculteurs122. En effet, la question de la production biologique fait peu d’adeptes auprès des agriculteurs issus du monde paysan qui subissent des pressions de rendement auprès des coopératives agricoles. Leurs pratiques sont bien différentes de celles des agriculteurs conventionnels notamment en ce qui concerne la conservation d’une exploitation en polyculture. Cette conservation du système d’origine à ce jour cause des suspicions sur la viabilité de telles fermes si ce type d’exploitation se généralisait. Enfin surtout, l’ouverture de la ferme à des activités pédagogiques, la vente en directe ou l’intervention d’artistes au sein même de l’exploitation sont très loin de leur perception du monde agricole et rural.

E : S’intégrer au village Source : www.vernand.fr Photographies de la famille Janin Les estives du Mont du Forez Les bandes cultivées de la ferme de Vernand

Lorsque l’on vient vivre à la campagne, la question de l’intégration à la vie locale et au mode de vie des habitants locaux est très importante. Elle conditionne le fait d’être «nouveau» ou membre à part entière de la commune. Cette distinction de statut va au-delà d’une temporalité. Elle conditionne une adaptabilité nécessaire au milieu rural de Beaumont et Fourneaux pour y vivre et y trouver sa place dans la communauté. Parmi ces personnes venues s’installer à Beaumont et à Fourneaux, certaines ont su s’intégrer au point de faire partie des élus et personnalités locales. C’est le cas pour la commune de Beaumont, qui compte parmi ses adjoints, un homme de Lyon et une femme de l’Oise venus s’établir au village au moment de la retraite, et de Claude Janin qui fut maire de Fourneaux pendant près de 20 ans et Isabelle Janin une des principales militantes de la culture biologique du village et ses environs.

122/ Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015

1 : Un projet de vie locale


55 Le premier facteur d’intégration dans un contexte rural et au village, est une installation motivée par un projet de vie locale. Vivre dans des contextes comme Beaumont et Fourneaux implique de s’affranchir de la dépendance de la ville et avoir la capacité de fournir ses propres services de proximité et de créer son propre emploi. Cette importance fait par ailleurs partie des principes du projet des Bogues du Blat, «Habiter et travailler : habiter en milieu rural relève d’un projet de vie. Il faut prévoir, à proximité, ateliers relais, jardins potagers, terres agricoles.»123 Le projet de vie locale ne peut pas seulement être une motivation, un idéal. S’installer à la campagne nécessite une capacité d’adaptation à son milieu de vie et de ténacité. En effet , le pays Beaume Drobie et le pays entre Loire et Rhône ont un climat rude de type montagnard et continental. Ainsi, selon Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, les personnes venant s’installer, s’adaptent ou disparaissent, le climat étant rude, les travaux d’entretien des bâtisses sont lourds et nécessitent un réel investissement humain. C’est pourquoi, la venue de personnes dépendantes ou vulnérables comme les personnes âgées ou les familles monoparentales pose problème car habiter dans ces milieux ruraux nécessite une bonne forme physique. Le travail manuel d’entretien de bâtiments, ou autre problème mécanique,... est conséquent en raison de l’éloignement des services.

2 : Le travail, condition vitale et sociale

Le travail est essentiel à l’intégration, c’est la condition pour vivre à Beaumont et Fourneaux. Il est fortement lié au mode de vie, en lien avec le lieu d’habitation et permet d’y trouver un équilibre. Selon Pascal Waldchmidt, par le travail un jeune aura un rendement social plus fort qu’en ville . Il sera dans une société à l’écoute. L’expérience du maire et du 3eme adjoint de Beaumont l’illustre bien, le travail, l’entre-aide entre habitants crée du lien social et une solidarité nécessaire. Cette importance d’intégration par le biais du travail est partagée par Jean-François Neyrand. Les recensements faits à Fourneaux, malgré la déprise agricole, prouvent que les emplois en milieu rural existent. Sa population est à 75% active, la disponibilité des emplois dans les environs de Fourneaux est de l’ordre de 0, 8 pour une personne. Mais comme écrit précédemment, les emplois ne sont pas disponibles partout et les services éloignés, aussi le nouvel habitant doit pouvoir se créer son propre

123/ Construire, op. cit. p 3


56 travail. À ce jour les habitants des Bogues du Blat, installés depuis 2013 ont réussi à s’intégrer professionnellement. L ‘une fait le ménage à l’école et à la mairie, une seconde donne des cours de gymnastique à Beaumont et dans les communes voisines, un troisième s’est établi comme menuisier ébéniste, et un autre encore fait de la distribution à domicile et des animations dans les écoles et fêtes locales....

3 : La vie associative, lien social du village

La vie sociale des deux villages passe aujourd’hui par les activités associatives et les services communaux, l’école par exemple y joue un rôle très important. Elles sont recherchées et plébiscitées par les habitants et les élus et contribuent à mettre en contact les habitants et intégrer les nouveaux arrivés. Cependant, leur nombre est très variable en fonction des contextes ruraux et des capacités de moyens des communes. Ainsi , Fourneaux possède un grand nombre d’activités associatives telles que le comité des fêtes, un club de Scrabble, un club de théâtre, un club de 3eme âge, un club de vélo, un club de boulistes, une chorale, un groupe de musique, ... alors que Beaumont recence deux associations. La première étant le club des ainés et la seconde, intercommunale proposant des activités liées aux loisirs et à la culture. Une salle communale est mise à la disposition des habitants est très prisée pour des activités sportives, de loisirs, artistiques,... Par ailleurs, ces associations, vecteurs d’intégration en raison d’une activité commune et d’une situation de partage, deviennent dans le cas de Fourneaux, des motivations de demande de logement de la part de personnes extérieures au village124. Cependant, l’activité associative ne fait pas tout. En effet, à Beaumont, malgré le fait que chacun des nouveaux habitants travaille, les élus regrettent que ces derniers ne s’impliquent pas plus dans la vie sociale et associative du village. Entre l’éloignement du hameau des Bogues du Blat du village et un sentiment d’impuissance de la municipalité, la question se pose pour ces nouveaux habitants, sur la véritable intention et l’utilité de faire l’effort de participer à la vie du village. Aujourd’hui il semblerait que seule la fête de l’école mobilise tous les villageois.

4 : Organisation spatiale du village et modes de déplacements, des entraves aux Échanges 124/ Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015

À notre époque de grande mobilité, il semblerait que les déplacements locaux à l’intérieur des communes ne soient pas si aisés. En effet, aujourd’hui, l’automobile est le principal outils de déplacement pour la


57

Chamary

Montcizerand

Sarrabasche

Le Maze

Les coines

La Barbinelle Le Fraysse

Pradier

Centre bourg

JeanJean Brousson

Centre bourg

Le Travers Isaac Le Bazalet

Le Palais

Flacouse

La Porte L’Oustal Nau La Garingale

L’Elze

Vernand

L’Arrifont Le Serre

Le Blat

La Rivière

Le Chateau

Source : Fond cartographique, www.geoportail.gouv Beaumont et Fourneaux, hameaux et maillage urbain, groupement d»habitations et distances spatiales, un sytème urbain hérité de l’exploitation agricole


58 plupart des habitants alors qu’à l’origine l’organisation du village était conditionnée par les déplacements à pied et l’activité agricole. La configuration des communes est organisée en hameaux. Les déplacements autrefois à pied d’un bout à l’autre du village étaient fréquents et liés au travail de la terre, les habitants se croisaient fréquemment 125 mais aujourd’hui ces hameaux éloignés entre eux et les déplacements se faisant en voiture, les habitants ne se croisent plus et beaucoup de terres agricoles autrefois partagées sont aujourd’hui des jardins privés, sites clôturés ou désignés comme «propriétés privées». De plus dans cette mouvance individualiste de la campagne contemporaine, certains propriétaires demandent aux communes la fermeture de chemins communaux ou de randonnées passant sur leurs terres.

F : Des pistes de réponses contemporaines Les municipalités de Fourneaux et de Beaumont sont très favorables à l’installation de nouveaux habitants. Leur politique urbaine actuelle du village est favorable à la venue de nouveaux habitants afin de renouveler la population mais surtout d’accueillir des familles originaires des lieux et y ayant un travail.

1 : Accéder au logement

À Beaumont, le foncier n’est plus aussi accessible que dans les années 70. Les ruines se font rares et le coût à l’achat d’une propriété est élevé pour des jeunes actifs. Aujourd’hui c’est avec une volonté d’enrayer le déclin de l’agriculture et le vieillissement de la population que la commune est impliquée dans une politique d’accession au logement pour les jeunes actifs et les familles originaires du pays ou non qui ont un projet de vie local.

125/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 126/ Construire, op. cit. p 25

Afin de faire perdurer l’échange et les relations qu’ont pu entretenir le maire et ses adjoints à leur arrivée, la commune souhaite venir en aide à l’implantation de nouvelles familles et de répondre à la forte demande de nouvelles constructions. La municipalité aujourd’hui favorable à la venue de nouveaux habitants permanents, a mis en place en 2005 un Plan Local d’Urbanisme et un Plan d’Aménagement et de Développement Durable « qui lui permet, tout en préservant cette qualité de vie qu’elle offre à ses habitants, d’accueillir de nouvelles familles sur son territoire en veillant à la mixité sociale et générationnelle de sa population et au développement de son économie rurale et agricole.»126 Pour cela, la commune a mis en place un projet d’aménagement du territoire communal suivant plusieurs axes :


59 - La création de logements locatifs avec aujourd’hui six logements créés. Trois étant dans une école désaffectée, et trois autres dans des maisons en ruines qui ont été achetées par la commune. Le projet des Bogues du Blat s’inscrit dans ce projet. - Dans son PLU, la commune a défini deux nouvelles zones à urbaniser dans la continuité de hameaux pour la construction individuelle. Ces futurs programmes de logements d’opération privée ont dans leur programme la réalisation de programmes semi-collectifs au travers de la conception des espaces publics, des voies et des places. - La volonté de dynamiser l’activité agricole et économique aujourd’hui en déclin. Avec la définition des espaces résidentiels, la commune souhaite résoudre les problèmes de conflits d’usage des espaces cultivés souvent sur le trajet notamment d’enfants. Elle repose également sur le fonctionnement du village et le mode de vie de ses habitants, en particulier sur leur capacité de créer leur propre emploi dans la commune ou les environs avec la création par exemple en 2009 d’une ferme communale. D’ailleurs, la vie associative au village étant peu développée est encouragée par la municipalité et incitée à se tourner vers les autres villages de la vallée en raison du faible nombre d’habitants. Ainsi les activités liées à la vie sociale locale sont encouragées, tel que le maintien de l’école communale de 15 à 20 élèves, les activités culturelles du centre social intercommunal de Valgorge, la médiathèque intercommunale et les associations sportives, de loisirs ou culturelles. Concernant la population âgée, le conseil municipal met en place des mesures de manière à ce que cette population puisse rester vivre au village. Les conditions de vie, nécessitant du travail manuel d’entretien des maisons rendent les personnes âgées vulnérables et peu autonomes. C’est la raison pour laquelle Beaumont projette de mettre en place «de nouveaux dispositifs permettant leur intégration dans le tissu social culturel et économique par la création de logements locatifs communaux qui seront destinés aux personnes âgées qui ne souhaitent pas être isolées et qui désirent rester vivre sur la commune. Ces logements seront réalisés dans le cadre d’une opération prévoyant d’autres types d’habitats afin de diversifier les populations et de veiller à l’intégration intergénérationnelle.»127

127/ Ibidem, p25


60 2 : Accéder au monde agricole

Dans le cas de Fourneaux, nous ne parlons pas, dans ce mémoire, d’urbanisme conventionnel mais de pratiques partagées entre exploitants et non exploitants mais aussi d’urbanisme agricole.128 Le fait d’ouvrir la ferme de Vernand aux clients d’abord puis au public par le biais de l’association Polyculture, permet de créer un lien entre le monde agricole, rural et urbain autour de projets culturels et spatiaux communs. La ferme de la famille Janin, est un exercice, une expérimentation sur l’espace agricole lui même. Il s’agit de concilier la gestion de l’exploitation tout en y proposant une ouverture à des pratiques autres que l’agriculture. Pierre et Rémi Janin questionnent la pratique de l’espace, la propriété privée et la possibilité de donner à l’espace de la ferme un caractère semi-collectif.

128/ www.fabriques-ap.net


2

Axe : La campagne aujourd’hui, quels

NOUVEAUX PROCESSUS DE PROJET ?

A: Beaumont, Les Bogues du Blat, création de logements coopératifs 1 : Avant les Bogues

Avant d’initier le projet aux hameaux, dans le cadre de sa politique urbaine, Beaumont a récupéré près de 25 hectares de biens agricoles et vacants. Ceci, afin de réaliser des opérations d’aide à l’installation de nouveaux habitants en créant 6 logements locatifs dans une ancienne école et une ferme communale. Jusqu’à présent, la commune parvient à maintenir une école avec 20 élèves en classe unique alors qu’en 1978 cette dernière ne comptait que 5 élèves, on recensait au XIX ème siècle 5 écoles seulement sur Beaumont. En 2005 après une étude paysagère et l’intervention et l’aide d’un artiste, la commune se dote d’un Plan Local d’Urbanisme et d’un Plan de Développement Durable afin de concevoir des projets d’urbanisme, de souligner et mettre en valeur le patrimoine et le capital paysager du village.

2 : Les Nouveaux commanditaires, art, architecture et projet collectif

C’est en 2005 que les élus de Beaumont rencontrent la médiatrice de la Fondation de France et se voient proposer de participer au programme « Nouveaux Commanditaires ». L’action « Nouveaux commanditaires », permet à des citoyens et collectivités « confrontés à des enjeux de société ou de développement d’un territoire, d’associer des artistes contemporains à leurs préoccupations en leur passant commande d’une œuvre.»129 Ce programme met en relation l’artiste ou concepteur, le commanditaire, le médiateur culturel agréé et des partenaires publics et privés autour d’un projet. Parmi les artistes appelés par la Fondation de France, beaucoup de célébrités et artistes interessés par le projet collectif sont mentionnés, tels que Yona Friedman, Tadashi Kawamat, Matali Crasset, Xavier Veilhan,... «La production d’une œuvre élaborée dans le cadre des Nouveaux commanditaires réunit de nombreux partenaires, acteurs privés et publics d’un même territoire. Les communes sont les plus nombreuses, aux côtés du Ministère de la Culture et de différents autres services de l’Etat, des entreprises privées, des conseils généraux, des conseils régionaux, des associations...»130. Après une tentative de création de logements troglodytes qui n’a pas abouti avec l’artiste américain Vito Acconci pour des raisons de budgets (matériaux high tech, honoraires de l’avocat,...) et d’ignorance des contraintes de ce qu’est la création de

129/ www.fondationdefrance.org 130/ Ibidem

61


62 logements sociaux de la part de l’artiste, La Fondation de France saisissant mieux les désirs de la municipalité la met en relation avec Patrick Bouchain. C’est à partir de cette rencontre de l’architecte et l’atelier Construire avec les élus, que les aspirations de projet communautaire exprimées par le maire et ses adjoints trouve un réel échange et une dimension opérationnelle. La rencontre avec Patrick Bouchain et notamment des projets menés par le groupe Construire ensemble le grand ensemble a abouti à l’idée d’une forme d’habitat coopératif et co-produit avec la commune, les habitants, les architectes, un artiste, une agence de médiation culturelle et un organisme de recherche sur l’habitat et l’accession au logement.

3 : Nécessité de poser les premières règles du projet

Patrick Bouchain et l’Atelier Construire fixent rapidement une commande préalable et fixent le choix du lieu d’implantation du projet dans la châtaigneraie récemment acquise par la commune. C’est un terrain de 9800 m2, en terrasse, bien exposé et offrant un panorama sur la vallée. Les premiers grands axes de la commande mentionnent: - «La création d’un groupe de 5 à 8 d’habitations avec la possibilité de créer des logements allant du F2 au F4 à préciser suivant la demande des habitants. - Laisser le plus de liberté possible pour l’aménagement des espaces extérieurs, possibilité de d’aménager une extension, cloisons mobiles,... - Concevoir pour les habitations des espaces extérieurs tels que des terrasses, espaces privatifs,... - Concevoir des espaces collectifs dont une salle commune destinée en premier lieu aux enfants - Concevoir des aires de stationnement collectif le moins visible possible - Prendre en compte, pour le choix des matériaux et pour l’isolation des habitations, les fortes variations climatiques - Mener une réflexion sur les énergies renouvelables et l’assainissement collectif avec des équipes situées en Rhône-Alpes qui ont déjà développé une recherche dans ces domaines - L’enveloppe budgétaire pour la réalisation doit s’aligner sur le coût du logement social. Il s’agit de prouver que des logements innovants peuvent être construits avec des budgets modestes.»131

131/ Construire, op. cit. p 9


63 l’Arrifont le Serre la Garingale le Blat le Château

Source : Fond cartographique www.geoportail.gouv et Atelier Construire Le hameau des Bogues du Blat. Sont signifiées en vert les habitations réalisées à ce jour.

Source : Association Art3, Fondation de France, Construire, Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 1ème étape, mars 2009 Plans de principes des maisons avant discussion avec les futurs habitants


64 4 : Une démarche de travail basée sur le travail collectif

Source : Association Art3, Fondation de France, Construire, Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 3 ème étape, mars 2009 Réunion publique avec les habitants et futurs habitants de Beaumont. Débat autour d’une maquette où les maisons en terre cuite ont été réalisées au cour d’un atelier artistique avec les habitants.

131/ Ibidem, p11 132/ Ibidem, p9 133/ Ibidem, p9

Les architectes intègrent dans leur démarche des phases de construction mettant en contact les futurs habitants, habitants, élus et concepteurs autour de temps forts tels que : «Le dialogue participatif permet d’associer tous les habitants à l’acte de construire - La manipulation : Il se déroule principalement autour du travail de maquettes à grande échelle, de prototypes, à la recherche de matériaux archaïques ou novateurs ayant pour objectif l’économie, le respect de l’environnement et la beauté - La construction a pour objectif de permettre à chacun de gérer son habitat en fonction de l’évolution de ses besoins dans le temps - La politique des 1% permet d’ouvrir le champ de l’expérimentation : le 1% culturel peut s’appliquer à un objet singulier de l’habitation ou à un objet d’usage collectif, le 1% social et éducatif met en oeuvre des chantiers de formation et d’insertion, le 1% économique et juridique est associé à la recherche de l’optimisation des coûts, mais aussi des formes que peut prendre la prise en compte de l’effort d’auto-finition - La période du chantier est structurée autour de plusieurs temps forts pour la communauté : fête de la levée des charpentes, chantier collectif des aménagements intérieurs et des espaces extérieurs, pendaison de crémaillère.»132 Suite aux premières réunions publiques avec les habitants de Beaumont, les élus et les architectes, ont dessiné en 2009 une première esquisse pour 8 habitations individuelles. Soumis à discussion avec la commune, ils donnent d’autres perspectives et ouvertures du projet à des commandes telles que : -Étamine, organisme de Lyon pour une « Étude de faisabilité énergétique et environnementale » et plus particulièrement sur les points suivants : isolation du bâti, systèmes de chauffage, éclairage naturel et son optimisation, gestion des eaux d’assainissement et des eaux pluviales . - Stéphane Gruet»133 créateur du bureau AERA (Action Etude et Recherche sur l’Architecture, l’habitat et la ville) «pour le montage juridico-financier et la programmation coopérative - l’association « Local à louer », pour un appui logistique et méthodologique pour la constitution du groupe d’habitants - Jean Lautrey pour l’atelier citoyen d’architecture avec les enfants, les habitants de la commune et les futurs occupants du hameau.» 134


65 5 : Remettre en question l’urbanisme opérationnel en construisant ensemble

Une telle démarche n’est pas seulement propre au projet du hameau du Blat, elle est le fruit du travail de Patrick Bouchain etde l’atelier Construire qui ont créé ensemble l’action Construire ensemble le Grand ensemble. En s’associant, ils s’interrogent et s’appliquent à construire autrement l’habitat social,« Le bureau Construire instaure un processus associant étroitement population, entrepreneurs, futurs habitants, architectes et artistes afin de faire de la construction un acte culturel.»135 Construire ensemble le Grand ensemble, action menée sur la création ou la réhabilitation de logements sociaux, vise à «dénormer le logement social»136. Elle répond aux principes d’ouvrir l’accession au logement pour les plus démunis, permettre l’autofinancement du logement par le travail, associer les maires aux projets via une décision politique, «faire du projet un acte culturel, impliquer l’habitant dans la réalisation et la gestion de son cadre de vie»137, utiliser les ressources matérielles et humaines en place et favoriser l’échange et le partage entre les habitants. Chacun de ces projets est parrainé par une équipe culturelle. À Nantes, ce sera le Lieu Unique, à Marseille, la Friche la Belle de Mai, et à Tourcoing, l’Atelier Electrique. Chacun des trois premiers projets sera géré par une institution différente : une SEM (Société d’Economie Mixte) à Nantes et à Tourcoing, une SCIC (Société Coopérative d’intérêt Collectif) à Marseille.

Source www.aera-cvh.org Logo de AERA, (Actions, Etudes et Recherches sur l’Architecture, l’habitat et la ville) association loi 1901

Source : OMPC Local à Louer, association de médiation culturelle

Cette démarche tend à faire appel à davantage au savoir faire des habitants qu’au savoir faire des ingénieurs et techniciens grâce à l’approche sensible qu’ont les artistes et les habitants . Ils ont également pour ambition de transmettre des savoirs, d’enrichir les démarches constructives vers une vie collective moins normée et plus créative. Construire ensemble le Grand ensemble transforme les normes, le remet en question en termes de surface, d’espaces communs, de la place de l’automobile, la réversibilité de l’occupation des espaces pour les adapter au mode de vie des futurs utilisateurs. L’autoconstruction, le travail des habitants, a pour but de les impliquer au projet et d’offrir aux plus démunis c’est à dire Rmistes, chômeurs longue durée, mais aussi travailleurs précaires et employés contraints au sous-emploi une forme de revenu grâce à des financement spécifiques. «Le projet s’efforce donc d’adapter l’idéal

135/ bidem, p11 136/ www.legrandensemble.com 137/ Ibidem


66

Source : www.strabic.fr Réunions publiques de manipulation de maquette et de visite de terrain lors du projet Construire Ensemble à Tourcoing

Source : www.strabic.fr Réunions publiques de manipulation de maquette et de visite de terrain lors des projets Construire Ensemble à Beamont et à Tourcoing


67 de l’auto construction au contexte socioprofessionnel du 21e siècle. Les futurs occupants seront bien plus que des locataires. Ils seront à la fois les gestionnaires, les aménageurs et éventuellement les constructeurs de leur lieu de vie.»138 Construire ensemble le Grand ensemble remet également en cause la question de la propriété et désire expérimenter dans ces projets d’autres moyens d’appropriations. L’objectif est de permettre à des personnes d’occuper un logement de manière durable sans qu’elles en soient propriétaires. Le chantier ouvert au public se veut être un événement, un acte communautaire, culturel et social. Remettant en cause la valeur impersonnelle de la construction, de l’attribution des lots; les chantiers de Construire ensemble le grand ensemble sont l’occasion de faire appel au savoir des moyens humains en place (les habitants, associations locales,...) «Les acteurs d’un tel projet ne pourraient en aucun cas être ceux de l’industrie actuelle du logement : entrepreneurs obnubilés par le profit, techniciens incapables de mesurer l’importance de leur tâche et la nécessaire remise en cause des procédures. Le chantier impliquera des acteurs associatifs compétents en matière d’immigration, d’exclusions, et d’inégalités. Leur savoir-faire, comme celui de dizaines d’intervenants anonymes auprès des plus défavorisés, sera le fondement d’un projet qui vise avant tout, à apporter des solutions concrètes à des problèmes bien réels.»139

Source : www.strabic.fr Patrick Bouchain débat avec les élus et les habitants des solutions formelles du projet

Source : www.legrandensemble.com Visite de terrain avec Patrick Bouchain, l’Atelier Construire les élus et les futurs et habitants de Beaumont

6 : La concertation, hiérarchie horizontale des acteurs

Les réunions publiques ont pris rapidement place après la définition des premiers enjeux entre les élus et les architectes. Les premières réunions principalement entre les élus et Patrick Bouchain, dont une nommée «formation méthodologique»140 consistèrent à préciser les bases du projet afin de mieux cadrer les réunions avec les futurs habitants mais aussi d’apprendre aux élus ce qu’est un habitat coopératif et la co-conception dans une démarche de production de logement social. Puis des réunions publiques dont les dates étaient affichées en mairie et dans le village, ont eu lieu afin d’informer la population de Beaumont sur le projet et son processus de conception. Par la suite la municipalité a fait passer une annonce par emails et affichages publics entre les communes de la vallée de la Drobie et au-delà afin de trouver des personnes susceptibles de vouloir prendre part au projet en tant que futurs habitants.

138/ Ibidem 139/ Ibidem 140/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015


68 Ces réunions de concertation ont alors lieu tous les 15 jours de mars 2010 à janvier 2012 (16 réunions) et son animées par une association médiatrice culturelle, Local à Louer de l’Organisme de Médiation et de Programmation Coopérative et ont pour objectif de débattre des partis pris architecturaux, environnementaux voire des montages juridiques et financiers potentiels. Prenant place tous les 15 jours, elles font participer les élus, les futurs habitants, les habitants de Beaumont et de communes voisines. L’OMPC via LACLA (Local à Louer) est un laboratoire qui questionne la ville et plus largement l’habiter et cherche à mettre en place des équipes pluridisciplinaires autour des projets qu’elle encadre. «Entre la forme architecturale et juridique, notre rôle était d’accompagner et de révéler les projets individuels et collectifs de ceux qui viendront habiter et écrire ce projet expérimental. Pour mener à bien ce projet, nous avons été formés par Stéphane Gruet – AERA - sur la mise en œuvre des coopératives en SCIAPP (Société Civile Immobilière pour l’Accession Progressive à la Propriété). LALCA a accompagné la constitution du futur groupe de coopérateurs selon des principes définis par la méthodologie, la création d’un plan masse, d’une programmation collective, d’un règlement intérieur et d’une charte et selon des règles établies collectivement»141 L’AERA intitiée par Stéphane Gruet, se dit être une structure alliant «verticalement la recherche la plus ouverte à l’expérience participative locale dans le domaine de l’architecture et la ville, et horizontalement les aspects formels architecturaux et urbains aux aspects politiques, culturels et sociaux dont ils sont nécessairement l’expression.»142 L’AREA en plus de proposer une méthode et des outils pour animer, accompagner des démarches «de programmation participative de projets d’habitats collectifs et d’équipements partagés.»143 notamment pour des logements coopératifs, propose des montages d’accession sociale à la propriété. 141/ OMPC, Les Bogues du Blat à Beaumont en Ardèche, Médiation, concertation et programmation pour la création de huit maisons collective dédiées à l’habitat social,07 mars 2012, p2 142/ www.aera-cvh.org 143/ Ibidem 144/ Ibidem

La SCI APP (Société Civile Immobilière d’ Accession Progressive à la Propriété), envisagée longtemps comme montage juridique pour le Hameau du Blat, est un «mode d’accession solidaire à la propriété crée en 2007 à coûts réduits, grâce aux aides de l’Etat, des collectivités et à la participation des intéressés à la conception, à la gestion et à l’entretien des logements et services communs de leur immeuble. Ce principe, dit d’accession progressive à la propriété permet aux locataires– coopérateurs d’acquérir un logement sur une longue durée par le versement d’une mensualité équivalente à un loyer HLM + 20 % .»144 Mis en vigueur grâce à la loi ENL le 1er Janvier 2007, les loyers versés par les habitants deviennent des


69 parts du capital social initialement constitué par l’apport de la mairie et du maitre d’ouvrage. Ce choix aurait permis la responsabilisation des habitants dans la gestion et la maintenance du parc de logements est un gage de simplification des tâches d’entretien pour la commune.»145 La méthode d’AREA concernant la participation des habitants est caractérisée par un système de cooptation. C’est à dire que les réunions sont des moments de présentation de l’avancement du projet, de montage des dossiers administratifs de chaque foyer prétendant au logement mais également de séances de vote pour que les futurs habitants se choisissent entre eux avec la participation de la mairie au vote. Les critères informels reposant sur les affinités entre individus, l’engagement dans la démarche, la participation aux réunions... Ce système de vote étant le même en ce qui concerne la forme des espaces collectifs, leurs usages et l’élaboration de la charte de copropriété «Vivre ensemble au Blat» est sous la forme telle qu’une famille, la mairie ou l’architecte représentent chacun une voix (les habitants de Beaumont ne pouvant être que de simples spectateurs). En plus de concevoir les parties communes de la coopérative, les réunions consistaient à réaliser des habitats sur mesure. Patrick Bouchain et l’Atelier Construire expriment dans Les Bogues du Blat, « Construire, habiter, vivre ensemble autrement à Beaumont » le souhait de « Construire pour quelqu’un : construire un logement détermine, pour partie, la vie de celui qui va l’habiter, et de ceux qui habitent autour. Il faut démonter l’habituelle hiérarchie maître d’ouvrage / architecte / entrepreneurs / futurs habitants ; la remplacer par une synergie où chacun apporte sa part, en y associant artistes et population : faire de l’acte de construire un acte culturel fondateur.»146 Par ailleurs ce système de réunion a fait intervenir un artiste Jean Lautrey en 2 étapes durant le projet. Une première consistant à faire participer les jeunes de Beaumont au chantier (selon leurs moyens) en coopération avec les artisans, futurs habitants et entreprises, la seconde à l’habillage «en céramique de l’espace environnant le poêle masse.»147 Des projets qui finalement prirent la forme d’un atelier de maquettes en céramiques auprès des enfants de l’école communale.

7 : L’habitat coopératif, concilier intérêts publics et intérêts privés

Ces réunions ont permis à l’OMPC de retranscrire par les comptes rendus de réunion, les précisions des attentes des coopérateurs concernant les espaces collectifs et individuels et d’établir des règles et principes nécessaires au fonctionnement du

Source : Association Art3, Fondation de France, Construire, Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 2ème étape et 3ème étape, mars 2009 Réalisation de maquettes en argile avec les habitants encadrée par l’artiste Jean Lautret

145/ Construire, op. cit. p 19 146/ Construire, op. cit. p 3 147/ Construire, op. cit. p 12


70 futur hameau émises par les élus, les architectes les habitants de Beaumont et les futurs locataires,... Ainsi la situation de la châtaigneraie malgré sa beauté, peut ne pas être attrayant pour certains habitants du fait qu’il est éloigné du centre du village et accessible par des routes étroites. La nécessité est donc de le rendre le plus possible autonome par l’investissement des futurs habitants en terme d’entretien et de déplacements. Ainsi parmi les principales obligations : «- Installer en majorité des jeunes, actifs et porteurs d’un projet d’activité économique, en privilégiant les familles avec jeunes enfants nés ou à naître. - Favoriser une mixité générationnelle en intégrant quelques candidats plus âgés. - Créer du lien social en permettant les conditions d’appropriation du hameau par les habitants eux-mêmes, dans une démarche participative (entretien et gestion d’espaces collectifs, d’une maison commune). - L’absence de clôtures physiques ou minérales autour de chaque maison sauf en cas de nécessité - L’entretien régulier du terrain de façon collective - Le compostage individuel ou obligatoire - L’acheminement des poubelles aux conteneurs de tri municipaux - La réalisation d’un système d’assainissement autonome semi-collectif - La collecte et le stockage des eaux pluviales dans une cuve enterrée d’une capacité minimale de 1m3 pour 10 m² de toiture - Le stationnement des véhicules au lieu prévu à cet effet - La réalisation de 1 à 1.5 places de stationnement par logement» 148 Les objectifs du projet proposé par l’équipe Construire et Patrick Bouchain sont de réaliser des unités d’habitation, matérialisant l’espace privé sur un terrain matérialisant l’espace partagé. Cet espace partagé géré par les coopérateurs est soumis à des règles stipulées dans le Règlement intérieur des Bogues du Blat rédigé par eux même. Ainsi cet espace regroupe les équipements collectifs tels que les stationnements, collecteurs, composteur, récupération des eaux de pluies, jardin partagé ou encore une maison commune.

8 :Une autre forme d’habitat individuel

148/ OMPC, op. cit., p3

Loin de la forme d’habitat collectif et social habituel qui est le plus souvent groupé et de la maison individuelle associée au pavillon en milieu rural, les architectes ont opté pour une autre forme de logement. Le but était de réaliser un hameau avec des maisons individuelles s’intégrant à la


71

Source : Atelier Construire Plan soumis à la concertation concerant les arbres à abattre

Source : Atelier Construire Plan des réseaux et équipements techniques, un maximum d’équipements ont été regroupés pour des raisons économiques et écologique


72 particularité du terrain et en l’impactant au minimum (coupe d’arbres, fondations, etc…). c’est pourquoi outre l’intérêt économique collectif, que la construction en bois a été choisie. L’espace des Bogues du Blat devait rappeler celui des anciens hameaux, sans clôture en proposant la maison individuelle comme toit familial et intime prenant place sur un terrain partagé et libre d’accès. Toutefois, certaines clôtures sont possibles. Elles sont acceptées seulement en cas de cas de nécessité, si cela profite à chacun et ne va pas à l’encontre du respect de l’autre. Ainsi : «- Il ne pourra pas être édifié de clôtures physiques minérales ou végétales autour de chaque maison, sauf en cas de nécessité, notamment les personnes possédant un chien, pour une aire aménagée de 50 m² maximum attenante à la maison. Ceci n’exclut pas les aménagements ou plantations au-delà de cette surface pourvu qu’ils soient autorisés simultanément par l’ensemble des membres de la coopérative et ne fassent pas l’objet d’une interdiction par la commune. - La clôture autour de la maison dans les conditions précitées sera en bois ou végétalisée si un grillage y est implanté. - Une clôture périphérique de l’ensemble pour la protection contre les sangliers pourra être mise en place, sans portail d’accès.»149 En terme de formes spatiales, les habitations dessinées par Patrick Bouchain et l’atelier Construire sont des maisons évoquant le grenier, le toit la bogue de la châtaigne. Cette dernière est conçue de manière à pouvoir abriter un ou plusieurs foyers tout au long de sa vie avec tous les changements familiaux possibles.150 C’est à dire qu’ils sont livrés avec des possibilités d’évolution. Ces logements sont livrés avec l’aménagement seul du rez-de-chaussée équipé d’une cuisine, d’un poêle d’une chambre, d’une salle de bain d’une pièce à vivre, le reste des étages sont conçus suivant les besoins des locataires ou fermés de manière à ce qu’ils puissent être aménagés dans le futur moyennant une hausse de loyer.

9 :Un Projet expérimental à perfectionner Source : Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 1ème étape, Association Art3, Fondation de France, Construire, mars 2009 Recherches formelles, sur l’idée de la bogue, fruit du chataigner

149/ Règlement intérieur, Les Bogues du Blat, Le 3 Novembre 2010 150/ OMPC, op. cit., p3

Un des premiers obstacles auxquels la municipalité a du faire face est la demande de création de logements sociaux. En effet, La création de logements sociaux nécessite de répondre à de critères précis en terme d’accessibilité, de proximité aux transports en commun aux services ainsi qu’aux lieux de travail éventuels qui donnent priorité à la ville. C’est grâce à l’argumentation du maire et à son statut de deuxième vice-président à la communauté de communes du Pays Beaume Drobie qu’il réussit à obtenir


73

Source : Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 3ème étape, Association Art3, Fondation de France, Construire, Juillet 2009 Bordereau d’estimation des prix pour la réalisation des trois premières maisons réalisées. Le but étant de construire des logements économique en mutualisant le plus de choses possibles pour réduire les coûts.


74

Source : Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 1ème étape, Association Art3, Fondation de France, Construire, mars 2009 Principe de l’habitat évolutif

Source : Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 1ème étape, Association Art3, Fondation de France, Construire, mars 2009 Forme type d’une habitation, personnalisable à l’extérieur par le traitement de la façade et du matériau de toiture


75 l’autorisation auprès du Préfet. Ensuite, le système de SCI APP lié au logement social ne fut finalement pas mis en place en raison de la contrainte que représente de telles mesures auprès des bailleurs sociaux. En effet, l’acquisition progressive de parts par les habitants les rendent majoritaires. Cet état de fait pose problème aux bailleurs qui pourraient alors se voir imposer des travaux et aménagements supplémentaires. En outre, la recherche d’un bailleur social fut vaine en raison du petit nombre de logements à réaliser (3 maisons pour 4 logements) de l’éloignement du village par rapport aux services et la gestion qu’impose un logement social à un bailleur social.151 C’est pourquoi, aujourd’hui c’est la municipalité elle-même qui est propriétaire du hameau et des logements aujourd’hui en location et proposés à l’achat à leurs occupants après équilibrage des sommes déjà versées au bout de dix ans. Une autre contrainte fut le temps et une trop grande liberté laissée aux futurs habitants. En effet la réalisation des trois premières maisons ont donné lieu à de nombreuses remises en question lors des concertations. Notamment concernant les matériaux de toit qui étaient juste des bâches à l’origine et qui ont posé problème pour des raisons esthétiques, écologiques et de durabilité face à une solution économique. Certains coopérateurs ont eu des exigences allant au delà de la réalisation d’un habitat social comme par exemple le désir de faire des bâtiments complètements écologiques ou d’installer un jacuzzi. Ces demandes engendraient de trop grands écarts de coûts. Les remises en question du projet ont été à un moment tellement importantes que les premiers futurs habitants choisis se sont tous désistés et ont été rapidement renouvelés152. Ainsi, pour la réalisation prochaine de trois autres maisons, les élus garantissent un encadrement plus fort pour ne pas se laisser dépasser par les demandes des postulants.

Source : Atelier Construire Discussion des choix esthétiques et auchitecturaux avec les habitants autour d’une maquette type.

Source : www.nouveauxcommanditaires.eu Discussion des choix esthétiques et auchitecturaux avec les habitants autour d’une maquette type, le toit.

151/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 152/ Ibidem


76 B: Fourneaux,La ferme de Vernand, ouverture de l’espace agricole En 2007, Pierre et Rémi Janin, étudiants respectivement en architecture et en paysagisme décident après des premières tentatives d’ouverture de la ferme à des activités pédagogiques et à la vente en directe de porter leur projet de fin d’étude sur l’exploitation familiale. En pensant l’architecture et le paysage comme deux disciplines complémentaires, leur démarche se porte sur le dessein du paysage agricole contemporain, productif et porteur de formes et usages nouveaux de l’espace rural. La ferme de Fourneaux constitue un terrain d’expérimentation porté sur le paysage rural et agricole contemporain. Ce travail a permis à Pierre et Rémi Janin de mener une recherche propre à leur démarche de travail au sein de l’agence Fabrique sur la question de l’urbanisme agricole.

1 :Vernand, étude d’une forme d’exploitation agricole contemporaine La ferme de Vernand, tenue par Isabelle Janin fait vivre aujourd’hui deux personnes à temps plein, et un boucher à temps partiel. Le domaine s’étend sur dix hectares de cultures exclusivement destinés à l’alimentation animale (5 hectares en seigle et triticale, 5 hectares en prairies artificielles), le reste étant en prairie dont quarante hectares servant également à la production de fourrages, et 3 hectares en bois. Les troupeaux comptent 80 à 100 bovins (veaux et génisses limousines), 2 à 3 taureaux, 85 brebis, 3 béliers, 15 vaches highlands ainsi qu’un taureau, une jument, trois ânes, quelques chiens de troupeau, des lapins et basse-cour. L’exploitation est aujourd’hui répartie sur quatre sites d’une superficie totale de 110 hectares. Le site principal, la ferme de Vernand sur 56 hectares rassemble la plupart des bâtiments (logements, bâtiments d’élevage et de stockage, transformation de la viande et vente directe). Les trois autres sites, sont un terrain de pâturages et prés à foin en location, des pâturages dans le Rhône à d’Eveux à 40 km dans un contexte périurbain à 20 km de Lyon et un site d’estive pour génisses de 13 ha dans les Monts du Forez.153 Avant le projet des frères Janin, les cultures étaient constituées de deux grandes parcelles d’une surface de 5 hectares en culture alternée (3 ans en triticales et seigle et 3 ans en prairies temporaires pour de réazoter le sol). 153/ www.fabriques-ap.net


77

Source : Fond cartographique www.geoportail.gouv Localisation du site principal de l’exploitation de Vernand

Source : www.fabriques-ap.net Localisation du site principal de l’exploitation de Vernand et toponimie


78 a: Comprendre l’espace agricole

«La démarche de projet a été de saisir, de révéler et d’optimiser d’abord un projet d’espace agricole, en comprenant ses dynamiques et ses processus de constructions.»154 L’étude paysagère et rurale s’est portée sur l’analyse du terrain, par l’histoire de la ferme et des exploitations voisines mais aussi par l’expérience de terrain. Ainsi, la mise en place de laboratoires d’observation photographique a permis d’établir les temps d’occupation des différents espaces de la ferme (abris des animaux, stockage, prés et pâturages) pour l’exploitation et de mettre en évidence des temps libres dans les emplois du temps de ces lieux155. L’analyse typologique des espaces d’exploitation a permis de dresser un portrait détaillé et une boite à outils pour une meilleure gestion de la production mise en lien avec la particularité géographique du site de la ferme.

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master théories et démarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 L’ancienne étable transformée en lieu de stockage en hiver et en salle pour d’autres éventuelles activités à partir du printemps

154/ Ibidem 155/ Remi 12/02/2015 156/ Ibidem

Janin,

entretien,

le

b : De la compréhension au projet

L’analyse a mené à repenser le corps bâti de la ferme, à réutiliser et à transformer les bâtiments délaissés au fur et à mesure des évolutions agricoles (anciennes étables entravées, anciennes granges, appentis inutilisés). Le but de Pierre et Rémi Janin a été de mettre en lien les bâtiments d’élevage et de stockage avec les espaces extérieurs avec lesquels ils fonctionnent. Le système actuel de plein air pour les bovins (les vaches restent dans les pâturages toute l’année), a supposé également d’éclater les bâtiments de stockage de foin, en le stockant là où il est produit l’été et donné l’hiver aux troupeaux au lieu de le ramener sur le site central, créant ainsi des sortes de «fabriques agricoles».156 Ces fabriques agricoles lorsqu’elles sont inutilisées, deviennent alors des espaces propices à des activités culturelles telles que des interventions artistiques ou concerts menés par l’association Polyculture. L’analyse spatiale a conduit les frères Janin à repenser l’organisation des espaces de la ferme dans un soucis de rentabilité, de strates paysagères mais aussi de partage de l’espace rural avec des usages autres que ceux de l’agriculture. Avant de dessiner le projet définitif, les frères ont effectué des recherches sur les modes d’exploitation propres à la région possibles de la ferme et la création de quels paysages ces derniers pouvaient engendrer. Ce travail nous montre que l’agriculture n’est pas homogène et que l’agriculture peut être une fabrique de paysage une fois acquise une connaissance des savoirs faire et des moyens de gestion nécessaires.


79

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master théories et démarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 Laboratoire d’observation mené par Pierre et Rémi Janin sur la ferme de Verand


80

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master théories et démarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 Outils graphiques développés par les frères Janin, typologies de terrains et d’exploitation

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master théories et démarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 Outils graphiques développés par les frères Janin, étude de types d’exploitations sur la ferme


81 Ainsi, pour le projet de Vernand, l’espace de production céréalière a été redessiné en neuf fines bandes parallèles aux courbes de niveaux pour permettre de limiter l’érosion tout en maintenant un espace ouvert, graphique et changeant. (pas de retour) Des arbres isolés ont été plantés sur les limites des bandes, perchoirs à oiseaux contre les nuisibles, aucune haie n’a été à l’inverse installée pour conserver le rapport aux horizons. Des chemins d’exploitation provisoires sont mis en place, permettant au printemps de rejoindre la vallée où sont mises les vaches alors que les versants les plus hauts servent à la production de fourrages. Ils deviennent temporairement de nouvelles traversées dans la campagne, connectés aux chemins de randonnée.

Source : www.fabriques-ap.net Les près bois, bois pâturés, création d’un bois ouvert et récupération d’espaces non mécanisables

Les bois sont mis en pâture partiellement, en créant des pré-bois et des clairières pouvant être des abris pour les bovins qui restent toute l’année dehors. Des limites de prés sont redéfinies par la mise en place de bassins sur les talwegs permettant des passages secs pour les bovins»157 L’implantation des animaux et de leurs prés est alors pensée par rapport aux caractéristiques des sols et de paysages que produisent la mise en pâturage de tel espace pour tel animal (vaches ou moutons). Ainsi, les vaches occupent les versants de la vallée de la ferme et le site de la Mule, les moutons sont répartis sur les crêtes et versants secs, les vaches higlands adaptées aux milieux humides paissent dans les fonds de vallée.158 «L’ensemble du projet se veut ainsi d’optimiser un espace agricole tout en affirmant des images nouvelles et contemporaines d’architectures et de paysages agricoles. Il se base sur une logique d’économie en valorisant des éléments souvent issus de la récupération propres aux logiques agricoles (baignoires, pneus, planches de bardages, tuyaux béton, etc.). La volonté est dans ce sens de construire et mettre en valeur un espace agricole contemporain, conçu à partir de ses logiques productives»159. C’est à partir de cela que cet espace peut être support d’appropriations extérieures et notamment urbaines. L’exploitation agricole peut être un générateur de formes paysagères avec un vocabulaire diversifié et propre à la gestion de la ferme.

Source : www.fabriques-ap.net Récupération de matériaux “urbains” pour l’exploitation

157/ www.fabriques-ap.net 158/ www.vernand.fr 159/ www.fabriques-ap.net


82

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master thĂŠories et dĂŠmarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 Description de la ferme actuelle


83

Source : Fond cartographique www.geoportail.gouv , images www.fabriques-ap.net Des chemins tondus à travers les champs relient les sentiers qui traversent l’exploitation. Ils ont un but économique et permettentà des promeneurs de traverser l’exploitation.

Source : Agence Fabrique, Pratique paysagiste et agricole, Master théories et démarches du projet de paysage, diaporama, 5 Novembre 2014 Les bandes cultivées au fil des saisons


84 2 :Vernand, introduction à la recherche sur un urbanisme agricole

Le système agricole conventionnel actuel, se referme sur lui-même dans un contexte urbain qui ne les comprend plus. Les agriculteurs doivent faire face à une demande qui est extrêmement forte sur des questions environnementales, de production et sociale. La forme d’agriculture que propose les frères Janin est une des figures de la transition urbaine s’opérant en milieu rural. Le désir de trouver une forme de production contemporaine doit faire comprendre aux personnes extérieures à l’agriculture qu’elles se trouvent non pas dans la nature mais sur un site complètement construit, modifié par l’agriculture, vivant, permettant un échange avec les personnes vivant à la campagne et que son fonctionnement soit compréhensible.

Source : www.fabriques-ap.net Une bergerie aujourd’hui, Lot

Ainsi, l’agence Fabrique, travaille essentiellement sur des problématiques liant l’espace rural et périurbain et leur usages contre la marginalisation de l’agriculture. Contre l’isolation du projet agricole dans le projet urbain, les frères Janin oeuvrent sur un urbanisme agricole. « Il supposerait ainsi de définir les possibilités d’un nouveau projet agricole à l’échelle d’une société extrêmement urbaine, polyvalent, productif et affirmé comme pleinement contemporain, l’enjeu de l’agriculture étant très certainement de se donner les moyens d’effectuer sa révolution urbaine.»160 et capable de proposer des nouvelles formes d’urbanisme. Cette recherche passe par la définition d’espaces et d’un champ lexical propre à lier des enjeux agricoles et urbains.

Source : www.fabriques-ap.net Enrubannage Saône et loire

Source : www.fabriques-ap.net Etable en stabulation ,Soane et Loire

a : «Paysages agricoles contemporains»161

Source : www.fabriques-ap.net Elevage de volaille, Bresse

160/ www.fabriques-ap.net 161/ Ibidem 162/ Remi 12/02/2015

Janin,

entretien,

le

Né du travail mené sur Vernand, la notion de paysage contemporain vise à concevoir des projets agricoles pouvant proposer une vision et des espaces nouveaux. En effet, aujourd’hui les projets de paysages agricoles sont souvent associés à un retour à d’anciennes formes paysagères ou caricaturales du monde rural. Certains Conseil en Architecture Urbanisme et Environnement par exemple préconisent des aménagements rapportés à l’image stéréotypée des bocages bretons 162. Visant à rétablir des paysages ruraux déstructurés et uniformisés par l’industrie agricole, de telles pratiques contribuent à accentuer cette homogénéisation, à installer des systèmes paysagers erronés et dissociés des systèmes d’exploitation. En effet, l’agriculture n’est pas la même sur tout le territoire et malgré la mécanisation, les formes paysagères agricoles récentes présentent une diversité non négligeable, liée à des formes productives et une spécialisation régionale accrue (entre espaces


85 très ouverts de grandes cultures, espaces entièrement voués à l’élevage, à l’arboriculture, etc.), mais aussi à une diversité de déclinaisons à l’intérieur de ces systèmes agricoles en fonction des contextes. L’agriculture actuelle présente ainsi un intérêt typologique de formes paysagères»163 qu’il faut intégrer aux projets de paysages agricoles adaptés aux formes d’exploitations actuelles.

b : Bâtiments agricoles Anciens et contemporains réhabilitations et identifications

Le monde agricole assiste aujourd’hui à la constitution de «friches bâties agricoles»164. En effet, l’évolution des moyens et activités agricoles laisse derrière elle des bâtiments à l’abandon même construits après les années 60. Ces derniers, ne sont actuellement pas considérés d’intérêt patrimonial pourtant leur diversité et l’espace qu’ils proposent sont aux yeux des frères Janin des potentiels fonciers. À l’image du bâti agricole antérieur aux années 60 aujourd’hui très largement réhabilité en habitations, il serait un futur patrimoine rural pour accueillir de nouvelles populations. Ainsi d’anciennes porcheries deviendraient des lofts, des étables en équipements publics,... Cela induit qu’il faut questionner les nouvelles constructions agricoles en typologies et possibilités de réversibilités d’occupations. Par ailleurs, Pierre et Rémi Janin, ont fait des études sur l’impact des pratiques agricoles et des bâtiments d’exploitation sur le paysage avec l’Association de Coordination des Techniques Agricoles. Cette étude aujourd’hui est ré-exploitée dans leurs projets comme boite à outils de typologies architecturales agricoles. Loin d’être uniformisées, elles permettent de rendre lisible la production à laquelle est liée le bâtiment et mettre en place des distinctions liées à chaque contexte, un bâtiment d’élevage laitier est différent en Normandie et en Rhône Alpe. Enfin, dans leur projet, ils s’appliquent à porter une importance à l’intégration du bâtiment agricole et son paysage, à l’intégrer dans un projet spatial et esthétique par le choix de matériaux, de formes,... non pour être dissimulé mais identifié par tous.

c : «projet agricole urbain» 165

Au travers cette notion, les frères Janin estiment que dans le contexte actuel où l’espace agricole diminue de plus en plus166, que la demande d’alimentation est grandissante, la politique agricole européenne trop effacée pourrait être relayée par les régions ou communautés urbaines. Ceci pour développer leur autosuffisance. Ce projet « suppose ainsi d’analyser les territoires de ces agglomérations pour

Source : www.fabriques-ap.net Bâtiment avicole des années 1980 en Charente

Source : www.fabriques-ap.net Etable en stabulation entravée des années 1970 inutilisée en Saone et Loire

Source : www.fabriques-ap.net Bergerie des années 1970 inutilisée

163/ www.fabriques-ap.net 164/ Ibidem 165/ Ibidem 166/ Jean Viard, Nouveau portrait de la France, ociété et modes de vie, op. cit.


86

Source : www.fabriques-ap.net, Typologie du bâtiment agricole récent et contemporain pour l’Intitut de l’élevage Exploitation de chèvres laitières, Alpe-de-Haute-Provence Exploitation pour vaches laitières dans le Loiret

Exploitation pour vaches laitières, Ile-et-Villaine

Source : www.fabriques-ap.net, Typologie du bâtiment agricole récent et contemporain pour l’Intitut de l’élevage Espaces intérieurs d’une étable en stabulation Espaces intérieurs d’une chèvrerie, Loiret pour vaches laitières Rhône

Espaces intérieurs d’une étable en stabulation pour vaches laitières loiret

Source : www.fabriques-ap.net, Pôle régionale de manifestation agricoles, Aumont- Aubrac Quand le bâtiment agricole devient un projet achitectural est non plus seulement technique


87 appréhender leur potentiel productif et mettre en place suite à cette analyse des systèmes d’exploitation adaptés et viables capables de valoriser les espaces urbains ou périurbains.»167 À partir de cela, ils développent une déclinaison d’espaces et acteurs liant agriculture et projet urbain, tels que des bergers urbains, des parcs agricoles, estives urbaines, pâturages urbains, ou encore lotissements agricoles.

b : «Parc agricole»168

Selon l’agence Fabriques, la présence d’enclaves agricoles en milieu urbain ouvertes au public et parfois mises en pâturage comme au parc de Gerland à Lyon ou dans d’autres villes d’Europe (Barcelone, Milan,Berlin,...) seraient des possibilités d’espaces publics. Projet agricole à l’échelle d’une agglomération, le cas du parc de Gerland sur lequel les frères Janin ont travaillé est un exemple de parc agricole. Cette notion de parc agricole existe d’ailleurs en Allemagne, comme ceux d’Emscher Park et du Barnim en périphérie de ville depuis les années 2000. «Hétérotopies nouvelles»169, elles ont pour objectif d’allier «une agriculture soutenable à la détente des citadins»170. Pas seulement mise en valeur de résidus de terres arables, ces espaces publics témoignent par leur fréquentation d’un intérêt sociétal et de la création de lien social et d’un intérêt porté par chaque génération. Ainsi, « Ces parcs pouvant être crées sur des espaces agricoles préexistants ou non (enclaves agricoles ou « naturelles ») auraient pour principe d’être d’abord pensés pour leur forme et leur vocation productive tout en ayant une valeur d’espace public à part entière (...) tout en étant polyvalents et en pouvant accueillir des usages extérieurs. Les pâturages pourraient permettre lors de leur temps de non utilisation d’autres évènements, les axes de circulation pourront servir de chemins d’exploitation comme de randonnée, les bâtiments l’été pourront héberger d’autres usages, etc.»171. Conçus pour l’alimentation de leur agglomération, ils permettraient d’installer une proximité entre l’agriculture et les personnes extérieures au monde agricole.

Source : www.fabriques-ap.net Expérimentation d’un berger urbain à Lyon dans le parc de Geyrland, 2007

Source : www.fabriques-ap.net, Entrez sans frapper, Fabriques Expérimentation d’un berger urbain dans le quartier d’Empalot à Toulouse, 2011 167/ www.fabriques-ap.net 168/ Ibidem 169/ Corinne Jacquand, Les parcs agricoles de Berlin-Barnim, Quelques fondements historiques d’une hétérotopie contemporaine, Cahiers Thématiques de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille n°11, ed.FMSH, Décembre 2011 170/ Ibidem 171/ www.fabriques-ap.net


88

Source : www.fabriques-ap.net Simulation d’un parc agricole pour valoriser un Simulation d’un parc agricole pour valoriser un Systèmes de traversées ouvertes au public ponctuelles espace en clavé dans le développement urbain, espace céréalier enclavé dans le développement des pâturages de fond de vallée à Vernand urbain, étude PNRLV-PNRVA-Grand Clermont étude PNRLV-PNRVA-Grand Clermont

Source : www.fabriques-ap.net Les parcs de la ferme de Verand, pâturages temporaires


89 d : Une autre forme de rurbanistion le «Lotissement agricole»172

Le concept de lotissement agricole est né dans le cadre du diplôme commun des frères Janin. Lié à l’exploitation de Vernand, il est le fruit de problématiques mêlant enjeux périurbains et agricoles. Ce type d’urbanisme dans le cadre du diplôme a été conçu pour un site d’estive à proximité de Lyon dans la commune d’Eveux à 40 kilomètres de la ferme et fut repris en 2011 pour un promoteur voulant réaliser «la construction d’un quartier avec logements semi-collectifs et individuels sur une pâture à moutons en Haute-Savoie. Tous les ans c’est près de quarante moutons et dix génisses qui viennent y paître. Mais Eveux touchée par les symptômes de la rurbanistion connait depuis les années 1950 un important développement de lotissements pavillonnaires et les quelques terrains encore libres d’urbanisation sont les pâturages de la ferme de Vernand. En plus d’être soumis aux pressions foncières, la cohabitation de l’élevage et de lotissement est sujette à des problèmes de voisinage. En effet, les bergeries proches des habitations attirent les mouches lorsqu’il fait chaud et les intrusions fréquentes des chiens domestiques dans les pâtures entrainent des attaques et des pertes parmi le bétail (jusqu’à 15 bêtes sur 40 et 15 autres blessées). De plus, le site non alimenté en eau potable implique des problèmes d’acheminement en eau. Alors que ce terrain est important au fonctionnement de l’exploitation par rapport à la disponibilité en herbe (pâturage à plus faible altitude et poussant plus tôt) et en espace (le bétail devant vivre en extérieur l’été) son éloignement est problématique pour sa bonne gestion. C’est à partir de ces problématiques contemporaines touchant l’espace agricole et les franges urbaines que les frères Janin imaginent «une forme hybride permettant à la fois l’urbanisation partielle de ces terrains tout en conservant leur usage agricole. Les habitations seraient regroupées sur les bordures s’organisant autour d’un vaste pâturage central planté d’arbres fruitiers (largement présents sur le site). Le pâturage serait occupé par les moutons pendant la période estivale, le reste du temps il serait ouvert et deviendrait un espace collectif ayant un usage de parc partagé, les surfaces extérieures non productives des habitations étant ainsi limitées au maximum mais s’ouvrant toutes sur ce pâturage central.» Cette forme urbaine pourrait assurer d’ailleurs une surveillance du pâturage par la présence en nombre d’habitants et installer des formes de gestions compatibles. Ainsi, les eaux pluviales récupérées pourraient alimenter les abreuvoirs à moutons, la bergerie éloignée du village et à proximité de jardins partagés pourrait faire bénéficier aux habitants d’une zone de dépôt de fumier en libre accès.

172/Ibidem


90

Source : www.fabriques-ap.net Esquisse d’un lotissement agricole en Haute Savoie


3

Axe : La campagne aujourd’hui, quels

Biens communs possibles ?

91

Gaston Fressard, décompose le bien commun en 3 sous-ensembles173 1 Le bien commun de la communauté: les biens publics ou autres mis en commun. 2 La communauté de bien : le caractère effectif de l’accès de chacun aux biens communs. 3 Le bien du bien commun : la nature et l’équilibre de la relation entre l’individu et la communauté. Nous analyserons ainsi les projets de Bogues du Blat et de la ferme de Vernand.

A : partager l’espace rural Aujourd’hui, la campagne s’est diversifiée et n’est plus habitée par une majorité d’exploitants de la terre. De nouveaux usages sont apparus depuis l’exode rural et l’avènement de notre société contemporaine mobile à partir des années 1960. L’espace rural se partage entre agriculteurs, habitants locaux ne faisant pas ou plus partie du secteur agricole et visiteurs occasionnels venus souvent du milieu urbain. La campagne n’est plus qu’un espace économique lié à des enjeux de survie, c’est un cadre de vie, un paysage où la nature est fantasmée, choisie pour sa tranquillité, l’espace et la proximité. La campagne ainsi accueille des usages propres à la résidentialisation, aux loisirs, tels que la promenade, la course à pied, la moto,... «la propriété privée n’est pas incompatible avec le commun,(...)»174 «la propriété ne doit pas être commune(...) mais devenir commune, comme entre des amis, par son usage et aucun des citoyens ne doit manquer de moyens de subsistance» 175

1 : Les Bogues du Blat, habiter sur un espace privé, collectif et partagé

Le projet des Bogues du Blat est constitué aujourd’hui de trois habitations individuelles prenant place dans une châtaigneraie. Ce terrain appartenant à la commune possède dans la théorie du projet un statut d’espace partagé. Il est aux coopérateurs mais ouvert à tous et son entretien lors de «journées chinoises» festives met à contribution habitants et autres villageois. Son statut collectif, semi-privé, vise à garder un espace ouvert et libre d’accès et de passages propices aux échanges. Mais aussi à faire en sorte que les coopérateurs

173/ Gaston Fressard, Autorité et bien commun, Ed. Montaigne, Paris, 1944 174/ Pierre Dardot, Christian Laval, op. cit 175/ Aristote, Les Politiques, ed. Garnier-Flammarion,Paris,1993, p. 481


92 aient une portion de terrain pour des pratiques partagées telles qu’un jardin potager pour tous, la centralisation des stationnements et du stockage d’ordures et un projet de maison commune.

a : La maison commune, une réponse au désir de partager?

Cette maison commune qui n’a pas été construite et n’est toujours pas prévue dans la seconde phase de mise en oeuvre du projet (réalisation de trois maisons supplémentaires à partir de 2015) est assez proche de la cabane de chantier chère à la démarche de Construire ensemble le Grand Ensemble. C’est un espace collectif pour tous, équipé d’une kitchenette, c’est un lieu de rencontre, de partage entre entrepreneurs, ouvriers, maîtres d’ouvrage, maître d’oeuvre, habitants, actuels ou futurs et visiteurs. Cet espace est pensé par l’atelier Construire comme un lieu culturel où des expositions, des conférences en lien au projet peuvent prendre place ou encore un lieu de transmission de savoir. La cabane à l’inverse de la maison commune propre à la vie collective de la coopérative, est conçue autour du chantier.

176/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 177/ Ibidem

Les espaces partagés pour la vie en communauté tels que la maison commune et les jardins partagés n’ont dans la réalité du projet pas pris place ou été pris en compte avec autant d’importance que dans la démarche de projet. En effet, la cabane de chantier qui fut tout de même construite, par les futurs habitants et des habitants du village ne fut pas perçue au moins par les élus comme un véritable lieu culturel et d’échanges au rôle important.176 Pourtant, ces équipements furent utiles surtout à l’équipe de charpentiers venus du Mans pour entreposer leur nourriture et matériel et aux temps forts du chantier comme les réunions, la fête de la levée des charpentes, la pendaison de crémaillère,... toujours accompagnés de repas et apéritifs. Les raisons pour lesquelles cette maison commune ne voit pas le jour sont liées au peu de participation des habitants du hameau à la vie sociale du village mais aussi au fait que la commune vient d’installer un équipement similaire dans un presbytère devenu un jardin public. Il s’agit de ne pas venir en concurrence à cette salle commune par l’installation d’une seconde au sein de la châtaigneraie où la présence de personnes extérieures à la copropriété est à ce jour tolérée.

b : L’espace résidentiel semi-collectif fonctionne-t-il dans la réalité du projet?

Des problèmes de tolérance entre coopérateurs et visiteurs non invités existent.177 Les visites de nombreux promeneurs sur le site, venus observer ce hameau comme


93

Source : Fond cartographique www.geoportail.gouv et Atelier Construire Le hameau des Bogues du Blat. Sont signifiées en vert les habitations réalisées à ce jour, en orange les chemins.

Source : www.construire.cc Source : www.construire.cc Clôture sur la chemin qui borde la parcelle du hameau Balcon privé


94 une curiosité, posent problème aux habitants en matière de protection de leur intimité et de relations sociales souvent peu courtoises avec les visiteurs. Pourtant, bien que le terrain du hameau soit partiellement clôturé, il est parfaitement libre d’accès. Concernant la définition des limites espace privé - espace public, soumises à de fortes réglementations dans le règlement intérieur des Bogues du Blat, aucune clôture au sol n’a été réalisée, bien que des habitants possèdent un chien. En effet l’espace privé reste lié à la maison, et est matérialisé par les terrasses de palier, les escaliers extérieurs et terrasses derrière les bâtisses orientées vers la vallée. Cependant de nombreux objets personnels tels que des jeux d’enfants, barbecue, ustensiles de jardin, ... sont entreposés en extérieur dans l’espace collectif sans réelle réglementation.

c : le logement coopératif, remise en question de la propriété privée

Au delà des espaces eux -mêmes, une démarche de projet telle qu’emploie Construire Ensemble le Grand ensemble, remet en cause la notion de propriété privée par le collectif et la forme de possession qu’est la copropriété.

178/ www.legrandensemble.com 179/ Ibidem 180/ Ibidem

En effet, le désir de créer un projet de logement social pour et avec les futurs habitants dans le but de leur permettre une insertion professionnelle et sociale induit de créer un hybride mêlant «le statut locatif avec les avantages de celui de la propriété privée. Introduire dans une collectivité locative l’esprit d’initiative et de liberté. Faire en sorte que l’habitant se sente libre de transformer son lieu de vie, en sachant que le plus qu’il apporte ne sera pas perdu.»178 Le système locatif adopté par la mairie de Beaumont susceptible de rester comme tel si aucun habitant fait une demande d’accession à la propriété de son logement n’est pas acquis patrimonialement par ses occupants. On y préfère «le droit d’user face à celui de posséder179». Les projets Construire Ensemble le Grand Ensemble, s’attaquent à la «mentalité héritée du 19e siècle qui encourage la propriété individuelle au détriment des propriétés collectives, ou d’usage. Le Construire ensemble- le grand ensemble veut favoriser le principe d’utilisation contre celui de possession. Il s’agit donc de réhabiliter un modèle en s’attaquant à des a priori. Redonner envie de vivre en collectivité, en démontrant que la propriété n’est pas la seule forme d’occupation compatible avec une appropriation durable.»180


95 2 : La ferme de Vernand, ouvrir l’exploitation À des formes d’appropriations extérieures

L’agriculture ne peut plus être seule à occuper l’espace rural, la fermeture des chemins de randonnée dans les exploitations, la grandeur des exploitations, la spécialisation et la marginalisation des agriculteurs entrainent des intolérances et des incompréhensions de voisinage181. Aujourd’hui, dans cette quête de la population du bio, du naturel, face à l’industrie alimentaire et à la mondialisation, cette dernière veut aller voir ce qu’elle mange, et jouir de la campagne comme cadre de vie et de loisir alors qu’à l’inverse les agriculteurs victimes d’intrusions sur les espaces d’exploitation et de plus en plus de vols de matériels et de récoltes, se protègent et s’enferment182.

a : L’espace agricole privé, pouvant devenir collectif ?

L’espace agricole a souvent eu un statut flou dans la conscience collective. Différent suivant les régions et coutumes. Régi par des propriétaires défini et divisé par systèmes d’héritage ou partagé en rotation de culture entre paysans selon une organisation sociale collectiviste. Ces espaces appartenant tous à un propriétaire aujourd’hui depuis le XIXème siècle (à vérifier) sont soit loués, exploités ou abandonnés et enfrichés. L’exploitation de la famille Janin, entretient ce partage informel de l’espace. En altitude, l’exploitation possède des terres mises en estive l’été dans des stations de ski. Ces terres peuvent accueillir des usages extérieurs tels que la randonnée qui se manifeste par des chemins traversant l’espace agricole. Les chemins sont entretenus par les moutons et des règlements de partage dans le pâturage sont communiqués, comme la tenue des chiens en laisse à proximité des troupeaux. Ce système ne présentant à ce jour selon la famille Janin aucun inconvénient. Comme énoncé précédemment, l’approche de l’espace d’exploitation conçue par les frères Janin est portée vers l’ouverture de l’espace agricole pour une campagne partagée dans un objectif de rendre ce paysage dynamique et propice des appropriations extérieures. Dans les années 1980-1990, Fourneaux et ses environs commençaient à accueillir des usages extérieurs de plus en plus nombreuses venant prendre place parfois dans l’espace agricole. Avant le remaniement de l’exploitation, les espaces de la ferme étaient parfois empruntés par des promeneurs, parfois des quads qui rentraient dans l’espace de culture et engendrait des conflits d’usages d’espaces. Entrainant alors la demande des agriculteurs au près de la municipalité la clôture

Source : Agence Fabrique,

181/ Remi Janin, entretien, le 12/02/2015 182/ Philippe Lalleman, Didier Froehly, Nicolas Druet et Olivier Beghin, op. cit


96 de certains chemins de terre, une privatisation de ces derniers. Les frères Janin ont ainsi fait le choix de penser et de multiplier les chemins d’exploitation de manière à les laisser ouverts, en continuité avec les chemins communaux et parcours de randonnées mais aussi de manière à optimiser la gestion de l’exploitation et ceci sans clôtures (excepté les zones de pâturage pour le bétail). La ferme des Janin tente de gagner un statut semi-public au travers des espaces de culture en montrant le fonctionnement de l’exploitation, en permettant l’usage de certains prés et abords d’étangs en espaces dédiés au pique-nique, à la pêche, la flânerie,... L’aménagement de certaines bâtisses permettent par roulement d’occupation en lien avec le rythme de fonctionnement de la ferme, d’être des espaces de stockage de fourrage puis devenir aux beaux jours une salle de fêtes propices aux activités proposées par l’association Polyculture.

b : La culture, vecteur du partage et créateur de nouveaux espaces

Source : www.polyculture.fr Détournement d’équipements propres à l’exploitation et circulation dans un près pour le festival Polyculture

Plus que les tentatives de ferme pédagogique pour l’accès au grand public, c’est la dimension artistique qui a apporté des hypothèses d’événements, d’espaces et manières d’appropriations,... Le temps fort de l’hybridation des espaces de la ferme est au printemps, avec la libération des bâtiments et le déplacement des vaches en fond de vallée et la biennale d’art contemporain. Polyculture fédère un groupe de gens autour de la ferme qui s’impliquent de plus en plus et participent à la conception et la mise en oeuvre du projet. La biennale contemporaine bien que n’étant pas un événement visant à l’explication du travail à Vernand, permet d’attirer un plus grand nombre de visiteurs. Cette manifestation suscite alors la curiosité de ceux-ci sur ce qu’est la gestion de l’exploitation. La biennale d’art contemporain est l’occasion d’inventer de multiples appropriations. Le matériel propre à la ferme, les animaux et pâturages sont mis à contribution. Ainsi les râteliers inutilisés deviennent des kiosques d’entrée ou des tables de pique-nique, les baignoires abreuvoir des bains dans les près, une bétaillère une chambre temporaire,...


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Source :Polyculture Cycle d’art contemporain de Verand 2013 (quatrième édition) , images: www.fabriques-ap.net Des chemins tondus à travers les champs relient les sentiers de randonnée qui traversent l’exploitation. Ils ont un but économique et permettent à des promeneurs de traverser l’exploitation.

Source : www.fabriques-ap.net Les parcs de la ferme de Verand, pâturages temporaires


98 B : Créer et agir ensemble, constitution d’un patrimoine commun Les projets menés à Beaumont et Fourneaux sont nés en grande partie d’actions communes, d’écoute et de partage constituant à terme un patrimoine immatériel mais de l’ordre du bien commun. Ainsi, Riccardo Petrella explique dans « Le Bien commun éloge de la solidarité », que plus les moments et faits du vivre ensemble sont, nombreux plus ils sont des signes d’appartenance, l’identité d’un groupe social. Et cette identité, vécue, défendue et promue au cours de l’histoire courte ou longue devient un patrimoine commun sous forme de principes, règles traditions institutions et espaces construits. Cette identité, constituée autour d’un groupe où plus la cohésion est forte plus la solidarité est génératrice d’une pratique de l’intérêt général. «Le territoire est à la fois cause et objet des relations qui s’établissent entre les hommes qui l’habitent. Ces relations permettent de prendre en charge simultanément les intérêts individuels et l’intérêt commun dont dépendent notamment la pérennité du territoire et la survie du groupe.»183

1 : Les Bogues du Blat, Un projet co-produit a : La co-conception, vecteur de lien social

La co-conception d’un projet signifie penser, agir ensemble, être à l’écoute de l’autre, apprendre et enseigner à ce dernier. Les réunions de concertation sont elles-mêmes des moments de vie collective, de partage et de constitution d’un patrimoine commun.

183/ Michel Mollard, Une gestion en bien commun de leur milieu de vie par des hommes responsables, élément clef du retour à l’équilibre de notre société, article en ligne sur www. globenet.org

La co-conception au travers des étapes de projet a permis l’émergence de temps forts sur le plan social. Les réunions de concertations, la confection d’habitat sur mesure et la fabrication de maquettes ont permis d’installer un échange entre la maitrise d’oeuvre et la maitrise d’ouvrage et les habitants. Ces derniers grâce à la manipulation, au débat, à la pédagogie offerte par Patrick Bouchain, l’atelier construire mais aussi par l’artiste Jean Lautrey ont pu s’approprier le projet et y apporter leur pierre à l’édifice. Le caractère festif des étapes de projet fait conjuguer nouvelles constructions et nouveaux habitants avec la vie sociale du village. En plus de la constitution d’un


99 groupe autour d’un événement commun elles mettent en contact des individus aux intérêts divergents pour la mise en oeuvre d’un projet au profit de tous (en théorie). Cela élabore alors un patrimoine commun immatériel, culturel et matériel.

b : L’ouverture du chantier au public, partage et appropriation

Au delà de la conception, le chantier lui-même est production de bien commun. En effet, le chantier ouvert au public se voyait plébiscité par la cabane de chantier ayant pour but de montrer les travaux, de faire visiter le site et expliquer la phase de construction ponctuée d’événements festifs et significatifs de l’avancée du chantier comme la levée des charpentes. La démarche de l’atelier Construire et de Patrick Bouchain en ouvrant le chantier au public a pour but l’auto-construction et la mise en valeur de l’ouvrier comme une personne importante détenant un savoir faire à transmettre. Cependant cette manière de construire implique un suivi de chantier et l’intervention d’équipes qualifiées et formées aux tâches du chantier. En effet, parmi les futurs habitants seul l’un d’eux possédait déjà un savoir-faire propre à son métier d’élagueur. Après une formation auprès de l’équipe de charpentiers, ce dernier a pu prendre part à la mise en oeuvre des charpentes.184 Cette même équipe forma par la suite les coopérateurs au montage des bardages de façade pour que ces derniers dans un souci d’économie et d’appropriation participent à cette phase de projet. L’idée est de faire de l’acte de construire un acte communautaire, culturel et social, un événement rythmé de coutumes et de fêtes185 afin d’assurer la pérennité du projet. Cette manière d’opérer remet «en question la valeur impersonnelle des attributions de lots aux entreprises grâce à la concertation sur les taches à effectuer. Le chantier ouvert au public est l’occasion de faire appel au savoir-faire des ressources humaines en place (futurs habitants associations locales).»186 Ainsi, la participation des habitants du hameau et du village au chantier, peut devenir l’occasion d’un partage, d’une transmission de savoir propre au milieu et origines de chacun, mais aussi d’insertion à la vie locale grâce au travail en commun. Cette démarche occasionne la persistance après le chantier du partage d’un projet collectif et d’un objectif concret entre villageois et futurs habitants.

construire ensem

Source : Association Art3, Fondation de France, Construire, Beaumont, Le hameau du Blat, Etude préalable 2ème étape et 3ème étape, mars 2009 Les réunions, des moments festifs et de partage

Source : www.sabinebuis.fr Inauguration du hameau

184/ Entretien avec Pascal Waldchmidt maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015 Entretien avec Loïc Julienne de l’atelier Construire le 23/12/2014 185/ www.legrandensemble.com 186/ Ibidem


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Source : www.construire.cc Barbecue sur le chantier avec les ouvriers, les habitants et les élus de Beaumont

Source : www.nouveauxcommanditaires.eu Les charpentiers sur le chantier

Source : www.strabic.fr Participation des habitants au chantier

Source : www.construire.cc Participation des habitants et fête de la levée des charpentes


101 2 : La ferme de Vernand, le contact entre agriculteurs et personnes extérieures, un nouveau regard sur l’agriculture Bien que les activités proposées par la ferme ne fassent pas partie intégrante de la vie sociale et associative du village parce qu’éloignée du centre urbain et éloignée culturellement des traditions agricoles du pays, elles génèrent un groupe croissant d’individus venus de milieux différents autour d’elle.

a : La culture moyen d’intégration en milieu rural et vision partagée de l’espace agricole

Ce sont les premières activités de ventes en directe et sur les marchés qui ont généré la venue de personnes des villes et villages voisins. Succédées par des manifestations pédagogiques auprès des groupes scolaires cette ouverture de l’exploitation au monde extérieur a donné naissance à l’association Polyculture, initiative des enfants Pierre et Remi Janin. Rendue populaire par ces temps forts, le festival d’art contemporain faisant intervenir des artistes de toutes origines, elle génère aujourd’hui un groupe de près de 60 personnes. Ouverte à tous, elle a pour vocation de créer un groupe et une dynamique locale autour de l’exploitation et permet l’intégration d’habitants de Fourneaux ou venant de bien plus loin (Lyon, Paris) qui ont un même désir de s’impliquer dans un projet culturel. Parmi les adhérents de l’association on compte quelques villageois locaux ou nouvellement arrivés, des agriculteurs biologiques, des photographes, des graphistes, des architectes, des artistes, des jeunes, des retraités,... l’intérêt commun étant de porter un nouveau regard sur l’exploitation agricole.

Source : www.polyculture.fr Association Polyculture, la pêche aux canards 2013

Les artistes viennent hybrider certaines pratiques agricoles avec des éléments que l’on qualifierait venant du monde urbain. Des vaches lèchent des pierres à sel aux allures de confiseries géantes et deviennent le centre d’un jeux de loto particulier. Les pâturages se transforment le temps d’un week end en terrains de cricket entretenus par des moutons portant des bijoux de laine,... La biennale prend place désormais avec un appel à projets sélectionnant des projets d’artistes de la région ou non, le critère de sélection étant d’apporter des actions en lien avec un regard original porté sur la ferme et son exploitation. Source : www.polyculture.fr De l’influence des rayons gamma sur la croissance des marguerites / Grégory Lelay 2013


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Source : www.polyculture.fr Les évadées, Le cabinet écolo du docteur sapiens sapiens sapiens, 2011

Source : www.polyculture.fr Sabrina Ghigonetto, Sweet Vernand, 2010

Source : www.polyculture.fr Association Polyculture, Golf agricole, 2013

Source : www.polyculture.fr Benedetto bufalino, Poulailler urbain, 2013

Source : www.polyculture.fr Source : www.polyculture.fr Laurence Lacour et Maud-Emilie Moreno, Ruminant, Association Polyculture, Loto-bouse 2013 ruminons, 2011


103 b : Des pratiques collectives, bénéFIces mutuels et solidarité

Avant 1983, l’exploitation représentait 6 personnes pour 3 hectares aujourd’hui cette dernière fait 100 hectares au total pour 2, 5 personnes. L’exploitation en polyculture manuelle répartie en petites surfaces nécessitait un grand nombre d’intervenants par rapport à aujourd’hui. Avec trois tracteurs partagés avec d’autres exploitations voisines, deux personnes à temps plein sur une exploitation comme Vernand est beaucoup par rapport à l’agriculture conventionnelle. Cependant, l’agriculture biologique et la vente directe nécessite un plus grand nombre de taches à exécuter à la main. Aussi les activités de la ferme peuvent donc accueillir des personnes extérieures à l’exploitation (mais dans des conditions précises). Bien qu’il soit illégal de faire travailler des adhérents de l’association polyculture, certain temps forts comme par exemple le déplacement des génisses en estive, le défrichage de prairies, ou la confection d’aménagements propres au partage de l’espace d’exploitation telles que des passerelles des pontons,... permettent la participation de ceux-ci à l’activité de la ferme.

c : Le partage, S’impliquer et vivre ensemble Le partage et la volonté de vivre ensemble implique de mettre en commun des biens, des usages mais aussi des connaissances. «La propriété privée n’est pas incompatible avec le commun,(...)» l’usage collectif , «l’usage résulte de la législation et de l’éducation»187 «Les termes communis commune communia,.. sont formés sur l’articulation de cum et munus désignant ce qui est mis en commun, ceux qui ont les charges en commun. Le commun implique une obligation de réciprocité liée à l’exercice des responsabilités publiques»188 «La solidarité implique un partage organique de la richesse d’un pays dans le but de créer la richesse commune, en termes d’infrastructures, de biens et de services considérés comme nécessaires et indispensables au bon fonctionnement et au bon développement de la société.»189

Source : www.fabriques-ap.net Systèmes de traversée des paturages de fond de vallée par des gens extérieurs à l’exploitation. Palette et parpaings récupérés, planches récupérées sur pneus récupérés. 187/ Pierre Dardot, Christian Laval, op. cit, p24 188/ Émile Benveniste, Vocabulaire des institution indo-européennes, vol.1, ed. Minuit, Paris, 1969,p96-97 189/ Riccardo Petrella, Le Bien commun éloge de la solidarité, ed. Page deux, Lausanne, 1997,p.26


104 1 : Les Bogues du Blat, une utopie résidentielle communautaire a : Reconsidérer la façon d’habiter autour d’un projet de vie collectif

«Pendant des siècles, les maisons ont été construites collectivement, entre membres d’une même famille, entre collègues ou entre voisins. Seule l’époque industrielle et son impératif de standardisation a rompu avec cette pratique. Il est peut-être temps de revenir au mode collectif en l’adaptant à la donne sociale du 21e siècle. Cela doit se faire avec une envie réelle d’expérimenter des modèles de vie moins contraignants, moins assistés, et plus responsables. Construire ensemble-le grand ensemble sera une solution négociée entre tous les acteurs impliqués. Ce qui en sortira sera par conséquent le produit d’un accord inattendu, capable de restituer à la ville la sensibilité et la sensualité qui lui font défaut. Reconsidérer l’acte d’habiter n’est pas un geste isolé, mais une tentative globale de relier les divers aspects de la vie : l’éducation, le travail, la transmission, le loisir, le congé, la création, l’absence, le désir, le plaisir. Voilà en quoi pourrait se résumer l’idéal incarné par l’acte de Construire ensemble- le grand ensemble.»190 La démarche des Bogues du Blat à Beaumont est un projet basé sur un désir de vie collective. Les réunions de concertations mises en place reconsidérent la hiérarchie commanditaire, concepteurs et habitants. Ces temps de co-conception sont des «moments forts sur le plan humain»191, ils nécessitent l’attention et l’écoute de chacun aux désirs, avis et idées des autres. Ce projet commun, communautaire contre l’individualisme d’aujourd’hui a pour but d’installer une vie sociale basée sur le partage avec des pratiques communautaires telles que la réalisation d’un jardin partagé, d’un four à pain, le co-voiturage, l’échange de savoirs,...

b :Vivre ensemble implique des règles

190/ www.legrandensemble.com 191/ Construire, op. cit. p 19 192/Ibidem 193/ Ibidem

L’acte de «vivre avec ces voisins»192, va au-delà d’installer dans des conditions de proximités directes des personnes choisies sur une liste d’attente. En effet un projet communautaire, doit installer comme en société des règles de vie pensées dans le respect mutuel de chacun et le partage des espaces communs. L’atelier Construire dans sa démarche a mis en place une participation des habitants qui se choisissent entre eux et définissent ensemble «leurs règles de vies, les devoirs et les droits au sein de la coopérative, les limites entre vie privée et vie publique, leur insertion à la vie du village permet de fonder un futur « vivre ensemble » où chacun donne et reçoit.»193 Ces règles ainsi édifiées par les futurs habitants, les élus, les concepteurs et rédigées par la compagnie Local à Louer donnent naissance à la charte de la Coopérative: Le


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Source : Construire, Les Bogues du Blat, Construire, habiter, vivre ensemble autrement Ă Beaumont., p.28


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194/ Charte de la coopérative, Le Serrolhet à Beaumont en Ardèche 195/ Ibidem 196/ Ibidem 197/ Coopérative du Hameau du Serre, Règlement intérieur, Les Bogues du Blat, Le 3 Novembre 2010

Serrolhet et au règlement intérieur : Les Bogues du Blat. Cette charte traite des principes de mise en commun des «espaces et services susceptibles de réaliser des économies en coûts, en temps,»194 en moyens humains de manière équitable et dans le respect de tous. Elle explique ainsi les règles de vie, avec pour thème la solidarité, le respect de la vie privée, la neutralité religieuse et politique, les comportements environnementaux entre les coopérateurs. Mais aussi des règles d’ «ouverture sur l’extérieur»195, c’est à dire l’accueil de personnes extérieures à la coopérative mais aussi la participation des habitants des Bogues du Blat à la vie sociale du village. «9—OUVERTURE SUR L’EXTERIEUR La coopérative accueille naturellement dans ses murs et de la façon la plus ouverte, toute personne de l’extérieur lorsqu’elle y est invitée par un coopérateur, aussitôt que celle-ci est prête à y respecter ses valeurs et ses règles. 9.1— Nous coopérateurs, tendrons, chaque fois que ce sera possible, à ouvrir les évènements de la vie collective qui se déroulent dans les espaces collectifs de notre coopérative à des personnes venant de l’extérieur de cette coopérative. 9.2— Nous nous engageons d’autre part à ce que la vie collective de la coopérative se développe en complète intégration avec la vie sociale extérieure et en particulier avec celle de la commune de Beaumont à laquelle nous appartenons. Tout sera fait de sorte à permettre à ceux d’entre nous qui le souhaitent de s’engager pleinement dans des activités sociales et culturelles extérieures à la coopérative.»196 Cette sous-partie met en exergue l’existence d’une sous-communauté créée dans le projet coopératif dont l’intégration dans la commune de Beaumont ne va pas forcément de soi et où la venue de toutes personnes extérieures est tolérée si elles se plient aux règles définies par la communauté. Par ailleurs, au delà de la Charte, aujourd’hui dans la réalité du projet, cet aspect intérieur- extérieur se ressent au travers le témoignage des élus de Beaumont. Les habitants, constitués de quatre foyers, s’entraident et se soutiennent de manière matérielle et morale entre eux mais ne participent pas assez à la vie sociale du village. Cette charte secondée par le règlement intérieur des Bogues du Blat pose la question de la place de la liberté individuelle parmi les obligations de l’habitat communautaire. En effet, dans un soucis de respect de chacun et des espaces partagés ou visibles par tous , les règles mises en place sont fixées depuis l’implantation et le choix de clôtures, la manière de stationner, l’entretien du site, l’élagage des arbres ou encore l’affichage des informations au compostage obligatoire.197


107 Sur le lieu de la Châtaigneraie, les règles sont fixées et à respecter dans le domaine partagé par les adultes et les enfants et chacun peut rappeler ses obligations à un autre coopérateur dans ces espaces.

2 : La ferme de Vernand, communiquer l’espace agricole

Le partage et les actions menées entre les exploitants et les personnes extérieures à la ferme prennent place en majeure partie au sein de l’association Polyculture. Centre de partage d’idées de divers horizons sociaux elle se veut créatrice de nouveaux paysages de nouvelles formes sociales et appropriations et possède son propre site internet. Ce site internet publie les actions de l’association et les rend publiques bien au delà du cercle des adhérents et de Fourneaux. Par ailleurs c’est par le biais de cette association culturelle de la loi 21 que l’exploitation en elle même est devenue un centre d’intérêt. Si bien, que l’agence Fabriques entretien depuis plus d’un an un autre site internet dédié à Vernand. Instrument de communication contemporain lié à une culture urbaine, il est conçu dans un but pédagogique de partage de connaissances. Les publications régulières présentent expliquent les activités de la ferme au fil des saisons, l’histoire de la ferme, les modalités de la vente des produits, les personnes y travaillant, la composition du cheptel,... Ceci au moyen de photographies et articles. Des reportages en lien avec le laboratoire d’observation mené sur la ferme relatent la transformation de l’espace agricole au fil des saisons. D’ailleurs, cette communication permet à l’association Polyculture d’exister mais surtout de réaliser ses temps forts, les biennales d’art contemporain. En effet, bien que l’association soit ouverte à tous, l’adhésion est payante comme l’entrée au festival. Ainsi c’est grâce aux dons que la ferme peut financer les artistes, intervenants et matériels pour les oeuvres ou l’aménagement des espaces partagés. Enfin, le succès rencontré par les biennales permet de produire des artistes locaux ou internationaux (exemple pour la biennale de 2013, beaucoup d’artiste venaient de Lyon mais aissi de Berlin ou de Norvège) et de faire bénéficier à la ferme d’une publicité (vente directe de viande). Mais aussi, de faire participer en partenariat des entreprises locales de restauration, de scierie, de location,...198

Source : www.fabriques-ap.net Site internet d’agence Fabriques

Source : www.vernand.fr Site internet de la ferme

Source : www.polyculture.fr Site internet de l’association

198/ Polyculture, Cycle d’art contemporain de Vernand, quatrième éditions, livret de programmation du festival d’art contemporain, 2013


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Conclusion Aujourd’hui s’oppose donc encore une vision binaire du territoire. La ville ou la campagne. La ville moderne, active, surpeuplée, étouffante. La campagne, exil stéréotypé d’une recherche de nature, d’identité traditionnelle passive, peuplée par des paysans dans des paysages de verdure calmes et paisibles. Cette campagne qui n’est finalement pas qu’un lieu repeuplé par des citadins s’oppose à la réalité du monde rural. La vie communautaire du village se greffe et se développe en parallèle de la commune un urbanisme d’individualité depuis les années 60. Urbanisme de modèles types disséminés aux abords des villes, dans les campagnes métropolitaines ou isolées,... L’agriculture n’est plus l’activité majoritaire en milieu rural et laisse place à une économie de résidentialisation. La vision idéalisée de la nature s’oppose à l’agriculture intensive, la maison pour soi à la vie collective la proximité du village. Entre incompréhensions et rêve résidentiel individualiste, le dessein d’une campagne privée, limitée, clôturée touche à sa fin. Les expériences de Beaumont et de Fourneaux, nous montrent qu’il ne convient plus aujourd’hui de conserver un discours généralisé sur l’espace rural. En terme d’exode, de recherche de mode de vie, qui n’est pas un mode de vie citadin idéalisé ou encore d’activités touristiques mais aussi la question de l’espace agricole dans l’urbanisme opérationnel. L’urbanisme industrialisé, de grands modèles, n’est pas adapté à tous les contextes. Le contexte rural n’est pas une toile de fond pour des standards généralisés. C’est une source de formes diverses et uniques d’habiter où le partage, l’intégration, le patrimoine commun et des formes de solidarités sont la condition pour la vie de la communauté, le maintien des services et de la vie locale dans les petites communes. Ainsi, il convient d’envisager l’urbanisme en milieu rural en pensant globalement l’évolution de ses territoires mais en s’empreignant des spécificités locales pour créer des processus d’urbanisation. Ceci dans le but d’y dégager des problématiques et des compétences singulières afin d’engager une réflexion visant à mieux comprendre la spatialité pour y créer de nouvelles formes sociales et spatiales. Cela sous entend donc une autre approche que le modèle urbano-industriel de planification. C’est-à-dire de mener des projets dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires ouvertes, pour un partage de savoirs, de compétences,… De reconsidérer la place du maitre d’œuvre et dans les cas de Beaumont et de Fourneaux de le placer comme un médiateur. Un médiateur, possédant une connaissance du territoire en terme s d’activités professionnelles, de vie sociale, de formes d’appropriations spatiales,… Qui au terme d’un diagnostic approfondi avec la maitrise d’ouvrage doit être dans la


109 mesure d’identifier les ressources locales, de savoir comment les valoriser. Mais aussi se poser la question de la responsabilité civile dans le cadre de la transformation d’un lieu et y concerter la population, la prise en compte de leur opinion, leur attachement ancestral à leur lieu de vie, pratiques, et usages,… Les deux expériences expliquées dans ce mémoire trouvent écho aujourd’hui à de plus grandes échelles urbaines. En effet, plus particulièrement dans les Parcs Naturels Régionaux, la problématique urbaine en milieu rural soulève de nouvelles réflexions, de nouvelles relations, concertations auprès des collectivités et de la population. Par exemple nous pourrons citer les Parcs Naturels Régionaux du Nord- Pas de Calais ou le Parc Naturel des Monts d’Ardèche. Ces démarches de prise de conscience de la question urbaine en milieu rurale est associée à la mise en place progressive des SCOT (Schémas de Cohérence Territoriale), la confection des PLU (Plan Local d’Urbanisme) et des PADD (Plans d’Aménagement et de Développement Durable) dont les communes rurales sont encore en majorité dépourvues. Ainsi, l’ENRx (Espaces Naturels Régionaux en Nord- Pas de Calais) a lancé en 2011 le projet RENOUER (Renouvellement Urbain et Écologique des territoires ruraux et périurbains) en partenariat avec les trois Parcs naturels régionaux du Nord-Pas de Calais. et financé par le Ministère de l’Ecologie dans le cadre d’un appel à projets auprès des PNR de France sur la maitrise qualitative et quantitative de la périurbanisation. Opération de rénovation urbaine de bâtisses dont l’architecture est typique de la région. Elle a pour but de répondre à la demande de logement contre l’étalement urbain, l’insertion de nouveaux logements et l’intégration de programmes de proximités et partagés entre nouveaux résidents et locaux. Les Parcs Naturels des Mont d’Ardèche a initié un projet ayant pour but la reconnaissance d’un territoire et d’un patrimoine commun spécifique. Il s’agit de préserver le patrimoine naturel , agricole, bâti et paysager, le développement durable de l’économie locale et l’éducation des publics. Les Bogues du Blat Beaumont, situé dans le Parc des Monts d’Ardèche est un exemple pour le parc. Le parc a d’ailleurs développé des outils de sensibilisation en partenariat avec le CAUE de l’Ardèche par des publications de recommandations architecturales, des formations d’urbanisme durable auprès des communes et bureaux d’études. Enfin, le parc en 2008 a accueilli des démarches de travaux d’étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure de Saint Etienne et l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles en terme d’aménagements prospectifs mais également des écoles de sociologie, d’écologie. Ce désir de rapprocher l’université des demandes sociétales et économiques locales contribue à l’enrichissement mutuel et la progression des réflexions sur la manière de vivre et d’habiter le territoire.


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ANNEXEs

Source personnelle


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Entretien avec Pascal Waldchmidt Maire de Beaumont, Jacqueline Mielle 1ere adjointe et Jean-Rémi Durand Gasselin 3eme adjoint le 13/02/2015

- Maud Nunez : Le projet vient de «vous» les élus de Beaumont ? - Pascal Waldchmidt : Oui et non, à l’origine du projet on voulait établir un PLU de la commune et parallèlement on avait acheté le terrain sur lequel sont construites les maisons aujourd’hui. Donc dans le cadre du PLU on avait l’idée d’y implanter des logements. J’ai rencontré le maire de la commune voisine ainsi qu’une médiatrice de la fondation de France, qui m’a proposé de profiter d’un programme de la Fondation de France nommé « Nouveaux Commanditaires ». Il consiste à aider des associations ou des communes à faire intervenir des artistes. L’idée c’était de faire intervenir un artiste, de façon à ce que dans le PLU , on n’ai pas juste une vision de technocrate ou de technicien mais aussi une vision d’artiste. Ici on a à la fois un paysage et du patrimoine bâti remarquables et on voulait également une vision d’artiste. Mais bon c’était un peu un belle idée et théorique. La médiatrice nous a proposé un artiste américain : Vito Acconci. Il est venu ici et il a été sidéré parce qu’il n’a jamais vu de paysage comme ça. Tout de suite ça lui a plu mais il n’avait pas une vision sur l’urbanisme mais plus sur les deux projets qu’il y avait dans notre PLU. Donc à la fois d’aménager un théâtre de plein air et de faire un petit ensemble de logements sociaux. Et donc on est parti sur le fait de lui faire nous proposer un projet. Il nous a proposé un projet très original, en tubes composites modernes qui étaient intégrés dans la montagne, qui suivaient la courbe de niveau, presque des maisons troglodytes. Il y avait l’idée de bénéficier de l’inertie thermique du terrain. Ça nous a plu mais sur le plan des prix, des honoraires ça n’a pas marché. Il y a eu des désaccords avec l’avocat d’Acconci et l’avocat de la fondation de France. - Jacqueline Mielle: Oui puis il fallait trouver un architecte opérationnel en France, il fallait trouver un architecte qui accepte de s’occuper des idées d’un autre ce qui n’est pas toujours évident. - Pascal Waldchmidt : Et il avait des exigences. Il voulait pouvoir faire faire les études librement. On avait peur que ça explose (prix), parce que lui n’avait aucune idée de ce que c’est que du logement social, et là avec les matériaux, l’innovation et tout ça,... et puis la Fondation de France avait eu une expérience avec lui où il y avait eu justement des problèmes financiers. Finalement au bout de 6 mois de tentative avec lui on a abandonné. Et puis la médiatrice de la Fondation de France nous a proposé Loïc Julienne et Patrick Bouchain. Et donc Patrick Bouchain est venu, ce n’était pas Loïc, je ne sais plus... On a fait connaissance, puis on s’est rendu compte qu’on était complètement sur la même longueur d’onde et ils nous ont apporté beaucoup de choses. Ce sont eux qui ont donné à ce projet cette dimension avec les principes qu’ils ont. C’est à dire, on construit pour quelqu’un donc il faut savoir avant de faire le projet qui va venir habiter et construire avec lui. Et puis il nous ont orienté vers AREA de Toulouse qui a inventé une démarche de cooptation entre habitants et de travail autour de Chartes de copropriété. Ils nous ont apporté tout ça ce qui était exactement ce qu’on voulait même si on ne l’avait pas complètement formulé. Et ce qui a changé un peu c’est que nous on avait l’idée d’un habitat regroupé et d’essayer d’inventer quelque chose qui densifie un peu mais qui fasse aussi qu’il y ait une vie commune et que chacun ait quand même ses espaces. Donc eux sont partis sur ces maisons là. - Jacqueline Mielle : Au départ pour rejoindre le projet qui est là, on a fait une réunion publique avec les habitants du village et tout au début avec les architectes,....

- Pascal Waldchmidt : Donc en 2005 on a eu le projet avec l’artiste américain, puis en 2008, l’équipe Construire a repris le projet du Hameau du Blat - Maud Nunez : Au 19e siècle il y avait plus de 1000 personnes à Beaumont. La démographie a diminué, puis augmente petit à petit aujourd’hui. Il y a eu une vague significative d’habitants venus s’installer au début des années 70 et vous en faites partis ? - Jacqueline Mielle : oui 68 - Jean-Rémi Durand Gasselin : Oui enfin après 70 - Jacqueline Mielle : oui le temps qu’ils réagissent, après 70. - Pascal Waldchmidt : Oui effectivement, il y a eu un exode rural massif à partir de 1850. Il y a eu à cette période 3 maladies agricoles. On était arrivé à une saturation totale des terres cultivables, puis il y a eu la guerre de 14,... et on est arrivé à 150 habitants,... - Jacqueline Mielle : Parce qu’il y avait beaucoup de gens qui étaient du coin qui sont revenus et on était en résidence secondaire. Bien avant qu’ils viennent s’installer en résidence principale, on a avait des nouveaux arrivants mais en résidence secondaires donc on ne comptait pas dans les habitants. Oui enfin dans les années 70 il y a eu aussi l’arrivée des néo ruraux. - Maud Nunez : Et du coup ces gens venaient de la ville ? Et qu’est ce que vous êtes venus chercher ici ? Pourquoi ici ? - Jacqueline Mielle : On ne vient pas toujours chercher quelques chose - Jean-Rémi Durand Gasselin : Non moi personnellement ce n’était pas quitter, c’était venir chercher un mode de vie. - Pascal Waldchmidt : À postériori c’était en 68, on avait voulu refaire le monde puis on n’avait pas réussi alors on s’est dit on s’en va et on va refaire notre monde ici. - Jacqueline Mielle : Oui enfin c’était quitter le monde, la ville. - Pascal Waldchmidt : Non ce n’était pas quitter le monde c’était en refaire un nouveau. Bon voilà là en communauté. - Maud Nunez : Et du coup ces gens qui sont venus s’installer ici se sont logés où ? Parce qu’en regardant la carte d’état Major, les cartes historiques, il n’y a pas vraiment de nouvelles constructions , c’est vraiment par de la réhabilitation ? - Pascal Waldchmidt : Eh bien parce que dans les années 70, après le premier exode rural, il y avait plein de bâtisses à revendre. Par exemple moi j’ai acheté un hameau de 3 propriétés avec un terrain qui fait 30 hectares pour 30 000 francs. Ce qui fait à peu près 5000 euros. Voilà il y avait plein de ruines et pour peu cher ce qui a changé avec l’arrivée de la pression du tourisme. Aujourd’hui tout est réhabilité sauf les maisons qui ne peuvent être raccordées au réseau. C’est pour ça qu’il y a eu de nouvelles constructions pour le projet du Blat. Nous on veut qu’il y ait des jeunes parce que la population vieillit. On veut des jeunes, qui ont des enfant etc,... . Et du fait qu’il y a de la demande pour les maisons, eh bien elles valent trop cher pour les jeunes d’ici. Et on ne peut plus avoir ce phénomène qu’on a eu dans les années 70-90 où les maisons ne valaient pas cher. Donc la seule solution c’est de construire du logement locatif.


119 Pour en revenir à l’immigration, il y a eu une première vague qui correspondait à l’après 1968 puis qui s’est un peu tassée et qui reprend depuis 15 ans environ, ... On le voit, plein de jeunes quittent la ville pour la campagne. Donc il y a vraiment un retour.

- Pascal Waldchmidt : Pas en fonction de leurs revenus, on fait un appel à candidature, et justement on fait un tri sur le critère de ceux qui s’impliquent le plus dans les réunions du projet. C’est la rencontre plus que le dossier.

- Maud Nunez : Et en général ces gens ils ont quel âge? Ils ont des enfants ?

- Jacqueline Mielle : Les réunions de cooptations ont duré très longtemps en raison des règles que nous imposaient les services de l‘État. On a eu des désistements. Par exemple pour la dernière maison on a eu des gens qui s’étaient impliqués dans leur maison et leurs aménagements.... Enfin là c’était pour les trois premières maisons mais pour les prochaines ces démarches là dureront beaucoup moins longtemps.

- Pascal Waldchmidt : Alors il n’y a pas de généralité. On voit à la fois des jeunes qui sont au RSA, qui ont 20 ans, 25ans,... Qui ont parfois des enfants en bas âge. Il y a de tout puis il y a aussi des gens qui ont 4045 ans, qui ont une vie professionnelle et qui arrivent avec de l’argent pour acheter. On a des maisons qui se vendent 400 000 euros. Voilà, il y a tout quoi. Puis on a aussi beaucoup le phénomène de résidences secondaires qui viennent passer leur retraite ici. - Jacqueline Mielle : Oui puis il y a eu des gens d’ici qui sont revenus. Lors de l’exode rurale, les ardéchois qui sont partis, ils laissaient les vieux qui restaient ici, ils ont gardé leur maison et aujourd’hui on a tous les enfants, les héritiers qui viennent vivre dans leur maison. Il y en a quelques unes qui ont été vendues mais ce phénomène est particulier à notre commune. Il y a eu d’autres cas dans les communes voisines où ça s’est beaucoup plus vendu et donc là il y a un retour des personnes. Et nous pour accueillir des nouveaux on a mis l’accent sur le logement social. On a commencé par réhabiliter et louer nos écoles parce qu’avant on avait 5 écoles puis quand il n’y a plus eu d’école à réhabiliter, on a réhabilité les ruines. Puis on a eu ce projet de logements. - Maud Nunez : C’était donc dans l’idée d’avoir une mixité sociale ? - Pascal Waldchmidt : Non ce n’était pas forcément la mixité sociale, nous on voulait des jeunes. - Jacqueline Mielle : Et accueillir des gens qui n’ont pas les moyens d’acheter une maison à 400 000 euros. - Jean-Rémi Durand Gasselin : À faire de la sociologie, il y a un truc qui m’importe c’est de préciser que les jeunes qui cherchent un logement social ce n’est pas qu’un phénomène rural qu’en France. Les jeunes en ville attendent 30-35 ans pour avoir une qualité de vie. Avant, ils alternent entre chômage et activité, ils restent plus longtemps chez leurs parents. Aujourd’hui, les jeunes sont calés dans leurs projets de vie pas avant 30 ans et c’est ce qui se passe ici. On voit des gens qui arrivent ici et c’est une preuve de ténacité, les jeunes qui viennent vivre ici ne font pas les choix les plus faciles. - Maud Nunez : Et alors justement en venant vivre ici quels sont les projets professionnels? - Jean-Rémi Durand Gasselin : Est-ce qu’on pose la même question à un garçon ou à une fille en ville ? Ici ce n’est pas plus facile qu’en ville. - Pascal Waldchmidt : Oui c’est ça que disent la plupart des gens, quand on crée des logements sociaux. C’est pourquoi est ce qu’on vient enterrer les gens ici, et justement ce n’est pas notre point de vue. Parce qu’un jeune ici peut se trouver un travail et en plus il aura un rendement social plus fort il sera dans une société qui est à l’écoute et justement la difficulté ici c’est qu’on ne cherche pas du travail, on crée du travail. Ici il faut des gens qui créent leur travail et qui en plus ont un projet de vie ça suppose de ne pas rentrer dans une logique de consommation. C’est un mode de vie - Maud Nunez : Et comment vous avez choisi les gens ?

- Pascal Waldchmidt : Dans le cas de Beaumont je pense que lorsqu’il y a eu des néo-ruraux comme nous qui sommes arrivés il y avait encore des jeunes du pays et avec eux il n’y avait pas le problème comme il y en a eu dans la commune d’à coté où il n’y avait plus que les vieux. Là-bas il y a eu un fossé, nous on était des jeunes de 20 ans qui débarquaient,... et nous quand on est arrivé on a rencontré des jeunes de notre âge qui étaient partis faire des études en ville. Il y avait beaucoup moins ce fossé. Et on a pu faire des choses ensemble ce qui a été très riche. - Maud Nunez : L’intégration était plus facile ? - Pascal Waldchmidt : Ce n’est pas une question d’intégration, c’est une question de travail entre eux et nous. Nous on arrivait avec plein d’imagination, d’utopies, ... et on a rencontré des gens qui faisaient des études (les neo-ruraux) et eux (les locaux) n’avaient pas ça mais une connaissance du terrain et le mélange des deux était très riche . - Maud Nunez : Aujourd’hui quel est le nombre d’habitants permanents? - Pascal Waldchmidt : 240 - Maud Nunez : Il y a beaucoup de maisons secondaires aujourd’hui ? - Pascal Waldchmidt : Oui il y en a encore une centaine. - Maud Nunez : Loïc Julienne m’a dit que l’été la population pouvait monter à 600 personnes - Pascal Waldchmidt : Oui c’est vrai, on ne sait pas exactement, mais d’une part il y a 120 maisons secondaires, donc l’été il y a des maisons où il y a 15 personnes. Même «nous» dans les résidences permanentes, on reçoit de la famille, des copains,... Puis en plus on a des gites, des chambres d’hôte, des campings etc,... - Maud Nunez : Est ce qu’au moment de la rencontre avec la Fondation de France ou Local à Louer il y a eu une formation au près des élus pour vous apprendre à animer des réunions publiques, savoir ce qu’est l’habitat coopératif ? - Pascal Waldchmidt : Oui et non, il n’y a pas eu vraiment de formation. Il y a eu des mails. Après on a eu une réunion avec 12 élus et avec Patrick Bouchain où c’était une réunion publique et ils nous ont expliqué leur démarche. - Jacqueline Mielle : Oui il y a eu plusieurs réunions qui ont duré des matinées, uniquement avec les élus, avec lui (Patrick Bouchain). - Pascal Waldchmidt : Dont une qu’il a appelé formation méthodologique


120 . Oui on a été formé. - Maud Nunez : Avant d’appeler l’atelier Construire et de fixer une forme au bâtiment, comment est venue l’idée de faire un habitat coopératif plutôt que juste de l’habitat social ?

et qui a semé la pagaille, il remettait en cause le projet, il voulait se faire leur maison de rêve pour pas cher à la campagne,...Voilà ça a duré 3 ans comme ça et on n’avait pas assez cadré. - Jacqueline Mielle : Oui bon notre animateur a fait un maximum, mais on aurait du plus cadrer.

- Jacqueline Mielle : C’est Patrick qui nous a présenté ses projets...

- Maud Nunez : Il remettait le projet en question ?

- Pascal Waldchmidt : C’est moi aussi, c’est mon passé aussi. On est arrivé en communauté et j’ai toujours eu ce fond même si on sait que la communauté ce n’est facile. Mais j’ai toujours eu cette idée, un esprit communautaire, l’idée sociale du village.

- Jacqueline Mielle : Oui oui tout pratiquement oui. - Pascal Waldchmidt : À un moment oui. - Jean-Rémi Durand Gasselin : Pas tout mais trop de choses quoi et ce n’était pas possible. Mais il y a eu des moments où ça pouvait être utile. Le moment où ils ont contesté la toiture, ils ont poussé à mieux étudier la question du toit et des bardeaux en bois et du coup les architectes ont fait une étude économique et là c’était vraiment chiffré. Mais il y a eu des moments où c’était beaucoup plus idéologique. Par rapport à la composition de la bâche, ils se sont demandés si ils n’allaient pas avoir du goudron sur la tête,....

- Maud Nunez : Loïc Julienne m’a donné ce document là et je vois que vous avez eu le soutien de la région Rhône Alpe, de la région de l’Ardèche et du Parc Naturel des Monts d’Ardèche, comment sont-ils intervenus dans le projet et à quel moment ? - Pascal Waldchmidt : Pour ce qui est de la région et du département, on a eu des subventions, avec le PNR, on a eu des subventions avec le programme européen LEADER pour la démarche participative. Le PNR était très intéressé par notre idée, mais on ne peut pas dire qu’on ait eu un gros soutien technique. - Jacqueline Mielle : Oui puis il y a eu aussi la participation de l’école, pour que les enfants sachent un peu ce qui se faisait avec les maisons ,... Un plasticien est allé à l’école, faire ses maquettes, pour expliquer aux enfants et ils ont travaillé autour du projet. - Maud Nunez : Comment est venue cette forme architecturale particulière ? - Pascal Waldchmidt : À bah ça vient de l’imagination de Patrick Bouchain. - Jacqueline Mielle : Ça fait référence aux bogues. - Jean-Rémi Durand Gasselin : Le premier dessin c’était en référence aux dômes en pierre que l’on nomme les capitoles avec un toit en Lauze, c’est une forme archaïque du logement. L’ architecture vernaculaire. - Pascal Waldchmidt : Puis il y a avait la bâche en plastique qu’il voulait tester. - Maud Nunez : J’ai vu dans les réunions que cette bâche posait problème. - Pascal Waldchmidt : Oui ça fait partie des problèmes qu’on a eu avec les candidats, c’était pas écolo,... et nous on n’a pas su assez poser les limites et du coup quand on les a invités à participer au projet, à la négociation, ils ont cru qu’ils allaient pouvoir aménager toute la maison comme ils le souhaitaient. Et puis une maison hyper écolo ça cout cher. Ils voulaient que les installations électriques soient gainées,... qu’il y ait des panneaux solaires,... - Maud Nunez : Parce que du coup ça coutait plus cher que ce que ça devait ? Vous avez réussi à limiter quand même ? - Jacqueline Mielle : Oh ça a coûté plus cher ! - Pascal Waldchmidt : Bah au départ on avait pas de prix très fixé. - Jacqueline Mielle : Oui mais entre le budget de départ et le budget d’arrivée il y avait beaucoup d’écart. - Pascal Waldchmidt : Puis il y en a un dans l’équipe qui a fait le leader

- Maud Nunez : Il y a eu un moment où tous les demandeurs sont partis et comment vous avez fait pour en avoir d’autres ? - Pascal Waldchmidt : Ce n’est pas difficile, parce qu’au départ on prenait tout le monde. - Jacqueline Mielle : Mais il y a eu quand même une élimination en fonction des participations aux réunions. Au départ on a repris quand même contact avec un couple , «Pascal». - Pascal Waldchmidt : ils faisaient partie de l’équipe de départ mais avaient laissé tomber. - Jacqueline Mielle : Ils sont venus immédiatement. Pour la dernière maison ça a été autre chose. - Pascal Waldchmidt : La première maison, ils étaient là depuis le début et au moment de signer le bail ils ont lâché. - Jacqueline Mielle : Oui puis ils avaient des exigences terribles en terme d’aménagement. Ils voulaient un jaccuzi. Ça a été très difficile ! Ils voulaient finalement qu’on leur donne la maison pour rien. Il nous on fait un peu de chantage, comme c’était les seuls qui étaient restés depuis le début, pour eux, eux, ils nous ont soutenus alors ils fallait tout leur donner, ... - Pascal Waldchmidt : Ils tenaient beaucoup à l’accession à la propriété, ça leur a fait peur à la fin, à elle surtout parce qu’elle avait peur en cas de décès de son conjoint de comment elle allait vivre sans voiture, sans permis …. - Jacqueline Mielle : Puis après il a fallu passer une annonce sur internet , le bon coin. Et l0 en 4 jours pour une maison particulière on a eu 65 réponses. Et pour répondre à ta question de tout à l’heure, on a une maison logée à deux tiers. Chacune pour deux femmes seules. - Pascal Waldchmidt : Il y a beaucoup de femmes seules et ici c’est un problème. Parce qu’ici il y a beaucoup de manuel dur.une voiture coincée, du bois à couper, réparer le toit. - Jacqueline Mielle : Dans la deuxième maison, ce sont deux logements avec femme seule avec enfant. - Maud Nunez : Les anciens participants sont partis quand de l’aventure? - Pascal Waldchmidt : Juste avant le chantier, les nouveaux ont pu participer à des choix pour la maison et d’ailleurs participer au chantier.


121 Un des futurs habitants était élagueur et a travaillé avec l’équipe de charpentier mais il a été obligé d’arrêter pour des raisons de santé. - Maud Nunez : Durant les réunions avec tous les participants animées par Local à louer, est-ce que et comment les habitants du village ont pris part ? - Pascal Waldchmidt : Par rapport à la population on a fait deux ou trois réunions publiques, auxquelles on a invité la population pour expliquer le projet. Sinon les réunions de chantier étaient ouvertes, les gens savaient qu’il y avait réunion. Les gens savaient qu’ils pouvaient venir, bon ils ne venaient pas systématiquement . - Jacqueline Mielle : Mais ils n’avaient pas le droit d’intervenir. Alors il y avait les nouveaux habitants; les gens de la mairie Pascal et moi. Oui il y avait nous de la mairie, il y avait les futurs habitants, nous, on venait en petit nombre pour ne pas noyer les personnes. Et quand on votait, parce tout se décidait par vote, nous la mairie on avait une voix et un foyer représentait une voix. - Maud Nunez : Les habitants de la communes participaient au vote? - Jacqueline Mielle : Non non non autrement on n’aurait jamais fini. Après la presse du village relatait cela. - Pascal Waldchmidt : Oui mais bon on aurait pu aussi le faire - Jacqueline Mielle : Oui Oui mais ça faisait trop, ... puis après les gens n’ont pas besoin de voter ils disent ce qu’ils ont à dire. Puis ils venaient à chaque moment festif autour du chantier. Et les habitants sont venus lors du nettoyage du terrain, ( les journées chinoises) - Pascal Waldchmidt : Oui on a fait les journées chinoises, c’est le fait de se mettre à beaucoup pour travailler ensemble. - Maud Nunez : Et elles ont encore lieu aujourd’hui ? - Pascal Waldchmidt : Oui mais ça se fait moins. - Jacqueline Mielle : Mais c’est toujours un événement festif. On fait la journée chinoise et on sait qu’après on se rassemble , on boit un pot chacun fait quelque chose. - Maud Nunez : Et tous les événements en lien au projet, d’abord les réunions, ensuite tout ce qui était en lien avec les étapes du chantier, vous communiquiez ça comment ? Par tableau d’affichage ? - Pascal Waldchmidt : Par tableau d’affichage, puis on a une liste de contacts internet de la commune. - Jacqueline Mielle : On fait un appel auprès de la population. Le carton d’invitation aussi qui a été distribué, là on a fait un effort de le distribuer par la poste pour que tout le monde l’ai. Puis ça dépend, l’inauguration c’était en septembre, la levée des charpentes c’était en été. Autrement chacun apporte à manger puis on partage. - Maud Nunez : Et avant la réalisation du projet il y avait déjà un PLU ou c’était un POS ? - Pascal Waldchmidt : Non, il n’y a pas eu de modification de la loi. Quand on a fait notre PLU on avait déjà prévu de faire les bâtiments. Le PLU est consultable sur le site de la Communauté de Communes du Pays Beaume-Drobie. - Jacqueline Mielle : Tiens voici un message typique comme on en

reçoit tous les jours. « Monsieur le Maire nous sommes un couple Belge, âgés de 30 et 37 ans avec deux jeunes enfants et sommes désireux depuis plusieurs années de nous installer en France afin d’y mener un «eco - mode de vie». Notre projet est le suivant nous aimerions trouver une commune où les élus ainsi que les villageois sont sensibles aux causes environnementales, à une commune qui serait ouverte à un projet de permaculture et de construction d’habitat autonome et bio climatique. Nous sommes des personnes respectueuses,.... conviviales ... Nous ne souhaitons pas construire un bâtiment qui serait dénaturant. Nous sommes pour les échanges locaux, donner un coup de main aux villageois. ... Une grande motivation nous anime..... » Oui des messages comme ça on en reçoit beaucoup. Des projets d’agriculture, sans produit chimique, ... Le coin dans lequel se situe votre village est magnifique, ... Enfin des annonces comme ça ou des annonces de logements, c’est très courant - Maud Nunez : Et là vous êtes en train de relancer la partie pour les 5 derniers logements ? - Pascal Waldchmidt : Non pas 5. On se limite à 3. On a enfin obtenu l’accord de l’Etat. - Maud Nunez : Et par rapport au logement social. Vous n’avez pas eu des problèmes avec le préfet? Parce qu’il faut quand même rentrer dans des critères précis pour créer du logement social, notamment en terme d’accessibilité , d’activités, de commerces à proximité.... - Pascal Waldchmidt : Oui eh bien l’Etat pour eux ils ne voient pas l’intérêt de créer du logement social ici et ils ont une enveloppe limitée. De plus ils réservent ça aux zones tendues ce qui ne correspond pas à ici. (...) - Maud Nunez : Et comment vous avez réussi du coup à obtenir le droit de faire du logement social ? Pascal Waldchmidt : Eh bien par réseau de connaissances à la fois au conseil général, au Préfet. Pour le dernier le Préfet va venir nous voir / nous recevoir. - Maud Nunez : Et pour trouver un bailleur social ? - Pascal Waldchmidt : Eh bien c’est le même problème, les bailleurs sociaux ils ne peuvent pas. Parce qu’ils construisent et ensuite ils gèrent. Et lorsqu’il y a une chaudière en panne ils doivent venir,... puis il faut qu’il y ait un minimum de logements, Je crois que c’est 6 ou 10. Donc on en a contacté plusieurs mais ça n’a pas été concluant, - Maud Nunez : D’accord donc il n’y a pas de bailleur social ? - Pascal Waldchmidt : Non, c’est la mairie qui joue ce rôle, qui finance et gère les logements. Et est qui propriétaire aujourd’hui des maisons. - Maud Nunez : Donc au départ vous vouliez faire de l’accession progressive à la propriété, et finalement j’ai du mal à comprendre comment ça fonctionne aujourd’hui. Parce que les gens sont en location pendant 10 ans et qu’ensuite .... - Pascal Waldchmidt : Alors au départ on voulait faire de l’accession à la propriété mais de l’accession comme les SCIAPP, alors c’est un système qui date de 2008. Ce sont des gens qui deviennent copropriétaires via une SCI d’une


122 propriété collective et donc de là les trois maisons seraient la propriété d’une SCI dont les propriétaires seraient les habitants. Donc c’est un truc, collectif, coopératif, communautaire,... les gens sont propriétaires ensemble, donc ils sont tous propriétaires des maisons,... Et ce système là il est très réglementé, donc au départ le maitre d’ouvrage qui est la commune a 100% des parts, et au fur et à mesure que les locataires paient leur loyer, ils acquièrent des parts de la SCI. Du coup avec le temps leurs parts augmentent jusqu’au jour où les habitants remboursent 100% des parts. Donc c’est ce qu’on voulait faire mais on n’avait pas le droit, parce que dans les cas comme ça il n’y a que les HLM, les logements sociaux ou offices publics qui ont le droit de faire ça Donc a chercher un bailleur social mais ils n’ont pas voulu. Parce que dès que les habitants acquièrent des parts ils deviennent majoritaires, et ça ça leur fait peur parce que du coup les habitants peuvent imposer des travaux, des aménagements. Donc voilà on a dû abandonner le projet de SCI APP et maintenant on propose aux locataires, l’accession à la propriété classique. Alors l’histoire des 10 ans, avec le raisonnement des services de l’État cela signifie que nous on subventionne, et ensuite ça devient de la propriété privée. Ça pose problème parce que l’État ne peut financer de la propriété privée. Donc bon ça peut devenir propriété au bout d’un certain temps mais il y a la règle... Et dans 10 ans, alors là on leur aura déjà proposé de signer une sorte d’engagement à ce que dans 10 ans on commence à proposer un système de location- vente mais pour l’instant il n’y en a aucun qui nous en parle. - Jacqueline Mielle : Alors que les autres étaient vraiment intéressés par ça. - Pascal Waldchmidt : Oui actuellement ce n’est pas dans leur soucis, ils sont locataires, ils ont les APL... - Jacqueline Mielle : Mais les APL ça ne paie pas le loyer. - Maud Nunez : Certains ne se voient pas rester ici ? - Pascal Waldchmidt : Le couple qui est revenu voulait à l’origine une autre maison située plus haut. Mais pas encore construite et ils sont venus dans l’attente de concevoir la maison qu’ils désiraient au départ. - Maud Nunez : Comment se sont déroulés les chantiers ? Il y avait une maison de chantier ? - Pascal Waldchmidt : Hum une petite cabane de chantier que les habitants ont fait eux-même avec nous. Mais qui n’a pas finalement eu un rôle très important. - Jacqueline Mielle : Il y avait un frigo, parce qu’il y avait une entreprise, de charpente qui vient de loin, du Mans, c’est la seule de l’extérieur et donc les ouvriers pouvaient l’utiliser. Après à chaque réunion de chantier, chacun ramenait un plat et on mangeait tous ensemble, les futurs habitants, les entreprises, les élus. - Maud Nunez : Est ce qu’il y a beaucoup d’habitants de la commune de Beaumont qui sont venus participer au chantier ? - Pascal Waldchmidt : Non on ne peut pas dire beaucoup, il y en a eu quelques uns mais pas beaucoup. - Maud Nunez : On peut dire que le chantier a été vécu comme un événement dans le village ?

- Pascal Waldchmidt : Oui, parce que c’était un important chantier pour la commune et puis à la fois il y a eu un partage de savoirs par les réunions, la fabrication des maquettes,... On en a parlé à la TV, dans les journaux; - Maud Nunez : Est ce qu’aujourd’hui les habitants de la commune peuvent profiter des espaces collectifs ? - Pascal Waldchmidt : Bah il n’y a pas trop d’espaces collectifs, - Maud Nunez : Le jardin partagé ? - Pascal Waldchmidt : Oui bah voilà. Non pas trop puis le projet de la maison commune n’existe pas tellement aujourd’hui, pour le moment c’est surtout une cabane à outils, ... - Jacqueline Mielle : Et puis les habitants en ont marre de voir des gens extérieurs débarquer comme ça. Oui c’est leur espace. Ils en ont assez qu’il y ait des gens qui viennent visiter, et ils mettent un holà. - Pascal Waldchmidt : Oui ils sont chez eux et ça se comprend, pour des raisons de visibilité,... d’intimité. - Jacqueline Mielle : C’est pour ça que ce serait bien s’il y avait trois maisons de plus. Pour qu’ils ne se sentent pas non plus propriétaires exclusifs du terrain. - Maud Nunez : Ils sont perçus comme une curiosité ? - Pascal Waldchmidt : Oui c’est vraiment ça ce n’est pas courant. Mais après c’est vrai que des fois on leur demande plus de tolérance parce qu’il faut qu’ils se rendent compte qu’ils ont quand même de la chance. Ils ont conscience de ça et en échange il faut qu’ils acceptent aussi de partager. Après oui il y a toujours des gens qui ne disent pas bonjour qui prennent des photos,... - Maud Nunez : Et est-ce que maintenant vous allez faire évoluer la méthode de participation au projet avec les habitants ? Y-a-t-il plus ou moins de liberté à donner aux habitants ? - Pascal Waldchmidt : Oui, puis ce sera plus facile là avec les maisons existantes - Maud Nunez : Et par rapport au projet de vivre ici et de trouver du travail, j’ai vu dans les compte- rendus de réunion qu’il y avait une zone économique prévue à 100m du hameau, pour pouvoir installer les activités économiques des coopérants. Elle a vu le jour ? - Pascal Waldchmidt : Il y a des terrains prévus dans le PLU puis c’est tout. Après la difficulté c’est l’argent. Dans la théorie on avait prévu oui. Une personne de la commune serait intéressée d’ailleurs. - Maud Nunez : Mais pour le moment eux en aurait besoin ? Ou ils ont trouvé du travail ici,...? - Pascal Waldchmidt : hmmmm. je ne sais pas trop - Jacqueline Mielle : Bah ils ont le portage, elle (une des habitantes) est dans une association, elle donne des cours de nia. (gymnastique danse). Elle fait ça ici et dans les communes voisines. - Pascal Waldchmidt : Autrement il (un autre habitant) faisait du


123 jonglage, il faisait des spectacles , des animations. - Jacqueline Mielle : Oui sinon on a une jeune femme on l’a embauchée comme femme de ménage à la mairie, à l’école. On a une autre personne, qui garde des enfants, elle travaille à la crèche et lui vient de s’installer comme menuisier ébéniste. Avant il était salarié dans une boite. Et là il est tout seul en auto entrepreneur . - Maud Nunez : Est ce qu’il y a une vie associative importante à Beaumont et est-ce que les habitants des Bogues du Blat y prennent part ? - Pascal Waldchmidt : Non on ne peut pas dire que , ... Il y a deux associations dans la commune, la première qui s’appelle le club des ainés. Ils se voient un après midi par semaine, ils organisent un voyage par an jouent à la belote. Ici on a aussi des difficultés, c’est que ça fonctionne en hameaux. Avant les gens artisans se croisaient, s’entraidaient mais aujourd’hui on a de la difficulté à faire en sorte que les gens se croisent. Ils sont en voiture et les gens ne s’arrêtent pas, ne se connaissent pas. Puis il y a une autre association qui s’étale sur beaucoup de communes et là ils font de la gym, des sorties, de la cuisine, des promenades, des fêtes traditionnelles ,... et c’est bien suivi - Jacqueline Mielle : Nous on essaie d’aider les associations à vivre, on a aussi une salle communale qu’on prête aux gens de la commune. On a aussi des jeunes qui viennent, la salle est beaucoup demandée. - Pascal Waldchmidt : Et les nouveaux habitants ne participent pas tellement à part le nia. On regrette un peu de ne pas trop les voir. Mais là ça commence. Oui enfin ça c’est général et c’est un gros problème qu’on a c’est que nous on fait des efforts pour faire venir des jeunes mais ils ne viennent pas participer à la vie du village. - Jacqueline Mielle : il y a un moment où tout le monde se retrouve par contre c’est la fête de l’école, Le Mai. Et là ça fait venir beaucoup de monde. - Pascal Waldchmidt : Mais je pense que c’est aussi un phénomène générationnel et que c’est lié à un sentiment d’impuissance. - Jacqueline Mielle : Oui ils ont l’impression que ça ne sert à rien. - Maud Nunez : En lisant le règlement de l’habitat coopératif, j’ai remarqué que «nous» était très utilisé, est-ce que les habitants se mélangent aux autres villageois ? - Jacqueline Mielle : C’est un peu ça mais pas qu’avec ceux des bogues. C’est avec tous les jeunes de la commune. Moi j’habite Sarabache et en face de chez moi il y a des logements sociaux. Il y a une femme seule avec 4 enfants, mais bon on a beaucoup de relations mais ils ne participent pas vraiment, c’est difficile de les faire venir. Ils sont à l’écoute quand on leur demande de faire quelque chose. Pour faire des animations... - Pascal Waldchmidt : Mais par rapport à ça je m’étais dit avec le Préfet qu’il n’y avait pas beaucoup de jeunes qui s’investissent dans la vie publique. Et que ce projet là ça pourrait inciter les jeunes à participer parce que c’est grâce à la municipalité qu’ils vivront là. - Maud Nunez : Et justement il y avait le projet d’une maison commune sur ce terrain là, elle projette d’exister ?

- Pascal Waldchmidt : Non non parce qu’on a pas les sous. Mais je pense qu’un jour elle verra le jour. Mais elle n’est pas dans le projet des 3 futures maisons. - Jacqueline Mielle : Mais dans le presbytère qu’on a acheté, il y a une maison commune, un grand parc et là tout le monde peut venir. C’est très sympa , mais là on aimerait y faire plus de manifestations puis y faire des événements liés à la culture. - Pascal Waldchmidt : Oui et puis je craignais trop que ce soit la maison commune des habitants (et pas du village). Puis s’il y avait quelque chose là bas, ça ferait concurrence et peut être qu’on verrai encore moins les habitants.


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Source : Atelier Construire Plan des réseaux et équipements techniques, un maximum d’équipements ont été regroupés pour des raisons économiques et écologique


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Source : Construire, Les Bogues du Blat, Construire, habiter, vivre ensemble autrement Ă Beaumont., p.32


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Source : Construire, Les Bogues du Blat, Construire, habiter, vivre ensemble autrement Ă Beaumont., p.33 -34


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Source : Construire, Les Bogues du Blat, Construire, habiter, vivre ensemble autrement Ă Beaumont., p.35-37


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Entretien avec Remi Janin, Paysagiste ingénieur le 12/02/2015 à la ferme de Vernand

- Rémi Janin : Le site de la ferme fait surtout 60 hectares la ferme est surtout sur la vallée, donc il y a l’étang qu’on devine qu’est là-bas et puis on a les prés à vaches qui sont vers les fonds de vallées puis après on a quelques prés autour des bâtiments. Ici l’espace de culture qui est en face et puis là, ici près de l’étang on a aussi quelques prés de fond de vallée où on met une partie des vaches, puis après on a des près à moutons qui sont un peu plus haut. On a également un autre site en location qui est vers Fourneaux, on a un autre site qui fait à peu près 30 hectares par là et là c’est que des prés à vaches et des près qui nous servent à la production du foin. On a trois bâtiments pour l’exploitation. À coté on a deux autres sites qui sont vraiment éloignés, d’une dizaine d’hectares qui sont vers Lyon et qui sont vraiment en situation périurbaine donc là c’est presque un fonctionnement d’estive. On y emmène une partie des moutons et des vaches l’été. On a aussi une estive qui est dans les monts du forez du coté du Puit de Dôme à 60 km qui est vraiment en altitude et on y met une dizaine de génisses l’été. Donc voilà tu as 4 situations, 2 ici dont le site principal puis une situation périurbaine et une autre qui est vraiment en altitude. - Maud Nunez : Justement dans mon mémoire j’hésite à parler de votre travail frange urbaine. - Rémi Janin : Bah là où on a commencé à faire plus de choses et à mettre en oeuvre c’est vraiment le site principal (la ferme de Vernand à Fourneaux). Après tu vois ce site en frange urbaine nous aide plus dans notre réflexion parce qu’on est dans une situation urbaine physiquement plus forte. Du coup, il y a avait des questions d’usage, de pression foncière qui étaient plus forte mais ils nous ont quand même pas mal aidé a poser notre projet, et aussi à hybrider la ferme vers des usages extérieurs alors pas complètement urbain mais ... euh du coup de se dire qu’on allait vers une ouverture de l’espace agricole. Donc ces questions, de l’espace physiquement plus en lien avec la ville, nous ont pas mal servi pour aussi savoir comment transformer cet espace. Je peux te faire un historique de la ferme ici, parce que du coup au départ la ferme c’était cette maison et le bâtiment en face, qui servaient d’étable et de grange. Ils y avait une dizaine de vaches et un bout de jardin derrière. Mais il y avait que ces deux bâtiments, et ils avaient en gros les près autour puis un ou deux prés par là. Il y avait 20 hectares, exploités par la famille. Il y avait 3 frères et soeurs et il n’ y avait pas d’héritier. Mon père, lui c’était de la famille à lui, il venait souvent quand il était enfant, avec la famille, ils venaient travailler l’été. Il avait rencontré ma mère et voulaient tous les deux s’installer en agriculture. Ils avaient commencé à le faire ailleurs et du coup comme ses cousins ont vu qu’il voulait s’installer ici comme agriculteur, ils lui ont dit nous on a pas de repreneur et si vous voulez, reprenez la ferme. Donc c’est comme ça qu’ils sont arrivés ici, tout en sachant que mes parents n’étaient pas directement du milieu agricole au départ. Mes grands parents travaillaient d’un coté à la banque de France et d’un autre coté à la SNCF même si mon grand père avait des moutons à coté. Donc il y avait un petit lien qui le reliait à l’agriculture mais mes parents étaient plutôt du milieu urbain. - Maud Nunez : Cela m’intéresse beaucoup, dans mon mémoire car je souhaite écrire sur ceux qui viennent habiter à la campagne et pourquoi et de quel horizon social et métier ils viennent. - Rémi Janin : Oui enfin tu vois c’est aussi surtout une question culturelle. Par exemple, mes parents ont fait le choix de la culture biologique, depuis 1992. Et quand tu vois tous ceux qui sont en agriculture

biologique, enfin pratiquement tous ceux qui y sont, sont des gens qui viennent du milieu urbain, pratiquement tous. - Maud Nunez : Justement pourquoi avoir fait le choix de l’agriculture biologique ? C’est l’influence du milieu urbain ? Pour avoir vraiment un retour à la terre, à l’authenticité ? - Rémi Janin : C’est compliqué comme question. Nous, je sais qu’on l’analysait plus comme,... enfin quand on voit tous ceux qui sont autour, qui sont au fond des descendants directs des paysans, ont tous des fermes, enfin aujourd’hui il en reste plus que deux , des éleveurs laitier. Avant il y avait plein de fermes. On les avait connus un peu aussi en étant enfant. Elles ont toutes arrêté. Et là il reste plus qu’une exploitation laitière, toutes les autres fermes au loin ne sont plus qu’en élevage laitier. Mais eux (des descendants directs des paysans) quand tu vois leur parcours, ils sont pratiquement tous partis dans un schéma qui est le même. C’est à dire se spécialiser dans un élevage en fonctionnant dans des systèmes de coopératives où le lait est récupéré de manière collective, les exploitations n’ont aucun lien ensuite avec la commercialisation derrière. C’est comme tout le massif central avec d’autres paysans où c’est la production de viande. Ils ne font qu’élever des veaux qui ensuite partent en Italie. Donc ils sont dans une certaine vision qui est une modernisation de l’agriculture qui date des années 60-70 . Mais qui est celle d’un agriculteur actuel, conventionnel qu’on connait. Mais qui est quand même dans un lien à la nature qui est particulier, qui est plutôt une vision de la nature, qu’on peut transformer, dominer, qui est plutôt productiviste dans un sens. C’est une vision où l’on peut dominer la nature, facilement. C’est à dire que l’homme peut facilement modifier le milieu qui est autour de lui et qui est une vision assez scientifique, en tout cas très productiviste. Les gens qui sont à l’inverse sortis du milieu urbain, qui n’ont plus ce rapport à la nature, et la voient complètement différemment. C’est à dire que quand tu es paysan ou agriculteur, tu sais que la nature n’est ni bonne ni mauvaise mais tu dois la modifier pour produire et que ce n’est pas toujours simple. La nature n’est pas faite pour l’homme, il faut la tenir et c’est une sorte de combat, positif mais par rapport au milieu naturel pour pouvoir produire. Quand tu es dans une position urbaine, tu n’es pas dans ce rapport là à la nature. C’est un retour à la campagne et à la nature, qui n’est pas la position d’agriculteur au départ. Mes parents, par exemple.... En milieu urbain la nature est parfois fantasmée, vraiment idéalisée. C’est comme la question des parcs naturels, régionaux, nationaux, tu sens que ce sont des sanctuaires qu’on crée et on a besoin de l’idée de nature, plus sauvage, non dominée, de savoir que la nature a une certaine liberté, qu’elle peut s’exprimer, qui n’est pas du tout le rapport d’agriculteur au départ. Tous ceux qui viennent du milieu urbain et qui veulent revenir à l’agriculture, ont envi de revenir à cette de forme de nature. Pas une nature sauvage mais libre qui doit pouvoir s’exprimer dans un respect de cette idée de nature. Nous on le ressent un peu comme ça du coup c’est un rapport complètement différent des agriculteurs par rapport au milieu rural. Par exemple la question du désherbant pour que le maïs puisse pousser seul,... la question du milieu naturel, ils (les agriculteurs) l’envisagent complètement différemment . Et du coup le bio, je pense correspond plus à des gens qui viennent du milieu urbain, parce qu’il est plus dans une envie de fonctionner avec la nature et pas contre. Culturellement je pense que ça correspond beaucoup plus aux gens qui viennent de la ville qui ont une attente complètement différente de l’idée de nature. Ce qui fait que le rapport est beaucoup plus compliqué. Parce qu’ici on est en élevage, on élève des animaux pour les vendre en viande. Après


129 on essaie d’être dans un respect maximum de l’animal mais la question de tuer des animaux pour nous n’est pas simple. Par exemple pour ma mère, ce n’est pas très simple de se dire qu’on élève des animaux pour les tuer et ensuite les consommer. Je pense que le schéma culturel qui est un rapport urbain quand même extérieur à la nature , est de plus en plus compliqué par rapport à la question agricole parce qu’il y a cette question du vivant qu’on est quand même obligé de devoir dominer pour pouvoir se nourrir et qui n’est pas évidente. D’où toutes ces questions de perméaculture,... Ces choses là viennent vraiment de l’idée de produire avec la nature, dans l’idée d’écosystème, de la toucher le moins possible. Aujourd’hui on est dans un contexte extrêmement urbain et ce schéma culturel est majoritaire. - Maud Nunez : En pensant à la transformation du monde paysan en monde agricole, une hyper mécanisation et une industrie de l’agriculture ; est ce que ta famille est venue pour reprendre la ferme avec un mode d’exploitation plus proche du monde paysan que du monde agricole ? - Rémi Janin : Oui, si tu veux c’est là où ce n’est pas évident, même pour la question « du paysan ». Les personnes comme nous qui sont venues ici, plus dans un rapport « paysan » et pas « agriculteur ». Après c’est aussi une idéalisation, c’est à dire que les paysans avant quelque part ils avaient les moyens qui n’étaient pas ceux de la mécanisation aujourd’hui, mais je pense que culturellement ils sont beaucoup plus proches des agriculteurs conventionnels que des agriculteurs bio aujourd’hui. Les agriculteurs bio fantasment aussi un peu ça, par rapport aux paysans d’avant. Ils pensent qu’ils étaient dans un rapport beaucoup plus respectueux avec la nature, mais c’est aussi parce qu’ils n’avaient pas les mêmes outils, et que ces mêmes paysans du moment où on leur a mis dans les mains des tracteurs, des engrais chimiques,… enfin d’autres moyens, ce sont eux qui ont développé cette agriculture productiviste. Mes parents, quand ils sont venus ici se sont dit on va revenir à une forme agricole précédente. Alors que mon frère et moi, nous à l’inverse, on estime que c’est une forme d’agriculture complètement nouvelle qui n’a pas forcément existé et qui est une vision qui vient d’un mode urbain. Tous ces gens qui développent ce type d’agriculture sont pratiquement tous issus de ce milieu urbain qui a transformé leur rapport aux choses et notamment à la nature. Ils pensent revenir à une agriculture qui se faisait avant et qui n’est pas quelque chose qui a vraiment existé. C’est une forme d’agriculture nouvelle, qui est aujourd’hui dans un contexte urbain complément généralisé. Comme ici, on est en vente directe, on vend ici, à Lyon, à Roanne,… Je vois ma mère qui va dans le centre de Lyon pour voir des clients, on a aussi des gens qui viennent ici. Tous ces gens qui habitent autour ici sont des gens qui travaillent à Lyon, ce sont des gens qui le week-end font du footing dans la campagne, qui se promènent, qui font de la randonnée, ils sont dans un contexte complément différent que celui des paysans il y a 50 ans. - Maud Nunez : Ces personnes vivent la campagne comme un lieu de loisir ? - Rémi Janin : C’est peut-être plus une envie de mode de vie. C’est à dire qu’ils travaillent plutôt dans les centres urbains pour la plupart,… En revanche, ils ont envie d’être dans un mode de vie qui est celui qu’ils perçoivent,… plus comme la campagne ou la nature je ne sais pas exactement mais en tous cas ce contexte là donne une certaine quiétude, c’est plutôt récréatif aussi. Enfin dans ce contexte, les agriculteurs sont peu nombreux alors que tu vois là on est en milieu rural, il y a à peine 10% de la population qui sont des agriculteurs et

tout le reste de la population ce sont des gens qui n’ont plus de contact avec l’agriculture ou très peu. Même s’ils la connaissent pour certains, par ce qu’il y a leur famille, qu’ils ont encore des fermes, mais qui vivent la campagne complètement différemment. C’est plutôt en terme de cadre de vie et récréatif oui. Nous (les frères Janin), c’est un peu le constat qu’on se faisait c’est que l’agriculture productiviste a permis depuis 50 ans avec la modernisation qu’on arrive à une population extrêmement urbaine et qu’un nombre d’agriculteurs réduit suffise à nourrir l’ensemble du reste de la population qui est 90% non agricole. Et en même temps ces agriculteurs là se retrouvent dans un contexte urbain qui ne les comprend plus. Aujourd’hui, ils ont une demande sociale en face d’eux qui est extrêmement forte. Sur des questions environnementales, sur des questions de production,… . Et on sent que dans cet acte de retour ils ne comprennent pas vraiment ce qui se passe et que culturellement parlant, ils ne suivent pas le même schéma. Finalement, ces formes d’agricultures biologiques, sont à la fois plus à même de répondre culturellement et aussi en terme de durabilité à cette sorte de transition urbaine qui est en train de se passer. Enfin, nous c’est un peu le sentiment qu’on avait, se dire comment une ferme aujourd’hui ici en milieu rural peut proposer des formes de productions nouvelles et affirmer qu’on se trouve dans un espace productif. Justement qu’on est pas dans la nature, on est dans une espace complètement construit, et modifié par l’agriculture et que cela soit compris. C’est-à-dire faire comprendre aux gens qui viennent qu’ils sont dans un espace agricole et que ce n’est pas la nature. C’est un espace vivant et particulier parce qu’ici on est dans l’élevage, donc il y a des pâturages, des cultures pour pouvoir alimenter le troupeau. Cela construit un espace particulier mais qui est avant tout productif. Il faut qu’il puisse avoir une certaine durabilité et réflexion par rapport au milieu dans le quel il est : son environnement mais on est dans un espace productif. - Maud Nunez : Comment ta famille s’est intégrée aux habitants locaux ? - Rémi Janin : Mon père connaissait ce coin là parce qu’il venait souvent et qu’il y avait sa famille ici. Par rapport aux agriculteurs conventionnels on partage pas mal d’outils avec eux donc on fonctionne avec les autres agriculteurs. Ce sont des contacts, nous on sent que ces agriculteurs là sont marginalisés et que mes parents se sont intégrés progressivement au village. Mon père a été maire pendant un peu moins de 20 ans ( fin 2014), il a été président de la communauté de commune, il a eu des responsabilités d’élu local. Mes parents étaient dans le milieu associatif et impliqués dans la vie ici. Ils ont été facilement intégrés, alors que nous pensons que c’est moins le cas pour les agriculteurs autour. - Maud Nunez : Qui vient visiter la ferme? Participer au festival, aux ouvertures pédagogiques ? - Rémi Janin : La ferme pédagogique date des années 2000, on fait ça pendant 10 ans. Mes parents étaient tous les deux sur la ferme pendant 10 ans , après mon père est parti faire une formation à Grenoble et faire un travail à l’extérieur. Ma mère s’est associée à une autre personne. Ils ont développé l’agriculture biologique, ça a duré 5 ans. Puis elle s’est associée avec deux autres personnes. Ils ont développé les marchés, ils vendaient des cartons de 5 -10-15 kilos ... aux particuliers. Elle a arrêté cette 2e association au début des années 2000 et depuis


130 il y a un salarié à temps plein sur la ferme et un boucher à mi-temps. Et ils ont commencé à développer la ferme découverte au début des années 2000, pour accueillir des classes,... ce que l’on fait moins maintenant. Mais depuis la vente directe dans les années 90 il y a toujours eu des clients qui venaient sur la ferme. Dans les années 2000 des classes découvertes sont venues aussi. On a fait notre diplôme sur la ferme avec mon frère en 2005-06, moi en paysage lui en architecture. Dans les années 2000 on faisait aussi des portes ouvertes et il y avait des clients qui venaient. On organisait des journées ou il y avait des parcours pour qu’ils puissent se balader sur la ferme. Puis en 2007 des clients plasticiens de Roanne qui nous ont dit qu’ils étaient intéressés par la ferme comme espace et par ce que nous on commençait à transformer après le diplôme. Notamment les cultures en bande, les passages dans les fonds de vallées,… A ce stade, il y avait des clients qui venaient, certains qui avaient envie d’un peu plus de s’impliquer et on s’est dit qu’on allait monter une association, l’association Polyculture. Et avec des gens du coin, des clients, des agriculteurs,.. on a formé un groupe d’une trentaine de personnes au départ. Assez vite on s’est dit qu’il fallait développer quelque chose sur le plan culturel qui prendrait forme autour d’un événement. Au début tous les ans puis tous les 2 ans. On a donc invité des artistes ou d’autres paysagistes architectes pour qu’ils proposent des installations. C’est à partir de là qu’on a développé, non pas un projet associatif mais un groupe un peu plus resserré autour de la ferme pour faire un projet collectif culturel autour de ça. Ce qui est intéressant pour nous .... le prochain weekend est au mois de Mai le weekend end de Pentecôte. En fonction des années on a entre 1000 et 1500 personnes qui viennent. On demande aux artistes d’avoir un regard positif sur l’exploitation positif et l’agriculture, car les paysages d’agriculture conventionnelle sont souvent critiqués ou mal perçus par les personnes extérieures. Les paysages agricoles sont assez dégradés et perçus comme une uniformisation du paysage. - Maud Nunez : Mais justement l’espace agricole ne permet -il pas de préserver le paysage de l’urbanisation ? - Rémi Janin : Justement la question de la préservation pour nous c’était un question un peu compliquée. La question c’est que préserver ? C’est à dire est ce qu’on considère que le paysage dessiné par les paysans était le bon paysage ou à l’inverse pourquoi on préserverait ces paysages là. Parce que oui il y a ce discours même de la part des paysagistes, qu’il faut replanter, conserver, protéger des paysages,... Alors déjà quels types de paysages ? Souvent c’est la question de la haie, du bocage, mais en même temps on peut être capable de faire des choses nouvelles, créer de nouveaux paysages dans une continuité historique sans retourner à l’état d’ « avant ». On est aujourd’hui dans un contexte complètement inédit, on souhaite créer un paysage productif et ouvert et partagé par des gens qui ne sont pas agriculteurs qui pratiquent la campagne, qui la traversent,... Du coup l’agriculture peut proposer d’autres types de paysages, qu’ils soient durables, productifs, environnementaux et qui soient dynamiques et partagés. Après la question de la conservation est compliquée. C’est qu’est ce qu’on conserve, est ce que ça a un intérêt de les conserver ou pas et est ce qu’on ne peut pas aujourd’hui faire d’autres paysages ? Polyculture nous permet de regarder l’espace agricole différemment et de créer à partir de ça. C’est-à-dire créer des nouvelles choses en terme de paysage, de nouvelles formes sociales et d’appropriations,

d’événements et de l’assumer. C’est l’intention qu’on avait avec Polyculture, d’emmener les gens dans l’espace agricole pour les faire regarder, traverser, dans les près les cultures, à l’intérieur de l’espace agricole,… pour qu’ils ne restent pas en dehors et à partir de ça de créer un regard partagé. La dimension artistique nous permet d’ouvrir de nouvelles portes, de chercher de nouvelles manières de se l’approprier. - Maud Nunez : Et par rapport aux espaces vous-avez fait une étude des espaces, quel terrain pour quel exploitation,... ? - Rémi Janin : Dans notre diplôme on a développé le propos sur 3 axes. En temps que paysagiste, tous projets agricoles est un projet de paysage, d’espace. On ne fait pas du décor, c’est comprendre le projet agricole et par nos outils (d’axonométrie, diagramme,..) améliorer son fonctionnement, son intégration le tout par rapport au contexte. Pour les problèmes d’érosion (les bandes), pour les circulations on a fait beaucoup de chemins pour raccourcir les déplacements en tracteur (les traverser plus facilement). On a ouvert des espaces délaissés (enfrichés) de l’exploitation. Pour que la lumière rentre on a fait des près-bois, ça permet d’avoir des surfaces de pâturage en plus et d’avoir des abris pour les vaches car on les laisse dans les près toute l’année. Ici les près de fond de vallées sont des espaces qui sont très grands, on s’est rendu compte que les vaches délaissaient les bordures,… Par conséquent, on a découpé ces surfaces en faisant des près plus petits, en défrichant partiellement les limites en faisant des principes de près bois où l’herbe rentre. Comme ça on a récupéré beaucoup de surface dans l’espace qu’on avait à disposition. Plutôt que de trouver de nouveaux terrains pour s’agrandir, on a trouvé des solutions dans ce qu’on avait parce qu’on avait des endroits mal utilisés. Pour les bâtiments, c’est pareil, certains bâtiments qui n’étaient plus utilisés (2/3 des bâtiments) comme l’étable, on les a transformés de manière simple mais pour qu’ils puissent servir. Par exemple la grange on y a supprimé le plancher entre l’étable et le grenier. On a obtenu un grand volume où on stock le foin puis quand le bâtiment est vide au printemps on s’en sert de lieu de spectacle, de concert,... mais c’est dans un vide agricole, ce n’est pas un bâtiment à coté, c’est dans le fonctionnement de l’exploitation. - Maud Nunez : Donc la question de départ était la question du sol, comment maximiser et avoir une gestion optimale de la terre et la question d’ouvrir les espaces aux gens, de les avoir comme lieux à usage mixte est venue quand dans votre diplôme ? - Rémi Janin : Justement la question des 3 axes était : - Améliorer un projet agronomique - Adopter une forme nouvelle de l’agriculture qui doit être associée au fait de produire des paysages contemporains. Dans cette approche par de nouvelles formes, il fallait rendre ce paysage dynamique, propice à des appropriations extérieures, «campagne partagées» (En montrant une vue aérienne) par exemple ça c’est un chemin de randonnée et un chemin public mais aussi un chemin d’exploitation. Il y avait pas mal de gens qui passaient ici mais restaient éloignés de l’espace agricole. Parfois, il y avait des quads qui commençaient à rentrer dans des espaces de culture et ils commençaient à y avoir des frictions. Dans cette campagne qui commençait à accueillir des usages extérieurs, on commençait à subir ces pratiques intruses de plus en


131 plus nombreuses. Au lieu de faire le choix de se protéger au maximum comme pourraient faire les agriculteurs conventionnels (ils ne veulent pas qu’il y est de chemins de randonnée qui soient ouvert, ...), on s’est dit qu’on allait faire l’inverse. Il faut que l’agriculture puisse s’ouvrir et porter le fait qu’on est dans une sorte d’urbanisation de la campagne, avec tous ces nouveaux gens qui arrivent. On s’est dit qu’on allait organiser les choses pour que la ferme puisse faire cette ouverture et avoir le statut semi public. diapo : ( En montrant un diaporama de présentation du projet de Vernand) Là, c’est la ferme des années 40 où tu vois les espaces de polyculture, élevage,... Ici, c’était il y a 6 ans, c’est le même cadrage et endroit. On voit un espace qui s’est bien spécialisé en élevage et du coup tu vois des parties qui se sont enfrichées ou boisées, avec le tracteur, t’avais du coup des parties de terrains qui étaient difficilement mécanisables, par conséquent l’espace s’est fermé et est moins cultivé. Avant on avait plus de culture aujourd’hui plus de pâturages Là, c’est l’observatoire qu’on avait développé sur le terrain en bande. Ca nous a permis de montrer que le paysage agricole était un paysage à la fois construit et vivant et vraiment en mouvement ; ce qui fait la richesse de l’agriculture, on a un paysage en mouvement permanent, en respiration. Là, on s’est rendu compte que la bergerie était vide et inutilisée pendant 4 mois on l’utilise différemment en intersaison. Pour faire l’observatoire on avait mis 30 points de vue sur la ferme. On a créé des outils graphiques pour montrer comment l’espace s’est construit et pour quelles raisons, pour montrer les différences entre un pâturage à moutons et un pâturage à vaches,… tu vois il y a des différences de clôtures, tu n’as pas le même espace, la taille d’abroutement des arbres,... plein de choses comme ça qui créent des espaces différents. Si tu transformes un près à vaches en prés à moutons, tu n’auras pas du tout le même type de paysage qui va se créer. Les cultures c’était pareil, elles font 10 hectares et ne sont que pour l’alimentation des animaux, on essaie d’être autonome. Cela nous permet d’avoir de la litière pour les moutons. On fonctionne en rotation. C’est un concept en bioagriculture on tourne, pendant 3 ans on cultive en céréales, pendant 3 ans en prairie temporaire (légumineuses) qui ont la propriété d’enrichir naturellement le sol en azote. Jusqu’au diplôme on avait que deux grandes parcelles qui étaient aussi en rotation et on avait beaucoup de problèmes d’érosion. On ne voulait pas du tout fermer cet espace, on voulait l’ouvrir en permanences. On a résolu le problème de l’érosion par un lanièrage très fin. On a un paysage et des bandes qui changent tout le temps, c’est aussi un jeu graphique. De plus, là où on a deux parcelles cultivées qui se touchent on laisse un chemin enherbé qui devient un chemin d’exploitation laissé ouvert aux personnes extérieures. C’est connecté avec les chemins de randonnées qu’il y a autour ça raccourci nos déplacements aussi. - Maud Nunez : Aujourd’hui les gens comprennent le fonctionnement de la ferme ? - Rémi Janin : On ne met aucun panneau ni balisage et Polyculture le fait par ces événements. C’est à dire que le public, ceux qui viennent vraiment du coin comprennent qu’ils peuvent venir ici, visiter les fonds de vallées. Le but c’est de le rendre le plus lisible, les traversées,... Dans les fonds de vallées avec des arbres isolés, il n’y a pas de mécanisation. On a des micros paysages sur la ferme, au lieu de planter

des haies systématiquement comme des bocages qui n’ont pas de lien ici avec le paysage agricole de la région. Le but aussi est de diversifier, de venir installer de l’arboriculture,... Par l’approche paysagiste, on a surtout adapté l’exploitation au site à son contexte. Pour les fonds de vallées ce sont des pâturages à vaches, on est venu travailler sur les limites; talus haies existantes affirmées. Là, on a un prés à vaches mais qui est sec les vaches n’aiment pas mais on va le transformer pour les moutons. Tu vois on ajuste. Ici, la nature des sols fait que c’est propre à l ‘élevage,… En temps que paysagiste, on fait en sorte d’adopter des postures productives propres au site. Et par exemple les CAUE et les départements, quand on regardait les documents de préconisation sur les paysages agricoles la plupart disent qu’il faut planter des haies, intégrer les bâtiments agricoles par des couleurs sombres,… Finalement c’est la même chose dans tous le département ce qui contribue à une uniformisation du paysage agricole. Alors que quand tu regardes la Beauce, depuis les romains ça a toujours été un espace ouvert, d’openfields liés à des formes sociales plutôt collectivistes. Alors que le bocage est un système individualiste venu du Moyen Age. Par exemple, la Bretagne qui a un système de bocage extrêmement dense est issu d’un système d’héritage particulier partagé avec tous les enfants où il a fallu découper des parcelles, on est venu les enclore. En France, on a des paysages très différents et on ne peut pas appliquer à ces paysages des réponses uniformes propres au bocage. - Maud Nunez : Cela correspond à une idée pré-conçue de la campagne? - Rémi Janin : C’est là qu’on voit que la question de la nature est floue, c’est une idée de la nature. Le bocage on estime que c’est une alliance avec la nature, les paysans. Car c’est équilibré avec les haies qui font plus sauvages à priori. Il peut y avoir des paysages très variés car les contextes sont différents, en fonction des projets agricoles qui dans chaque endroit peuvent donner aussi des micros paysages en comprenant la nature de la production par rapport au contexte. - Maud Nunez : Quel est le but du site internet de la ferme ? - Rémi Janin : Il est assez récent on l’a fait il y a un an. Aujourd’hui on a trois sites internet, celui de Polyculture, de l’agence et de la ferme. Mais l’idée avec la ferme oui c’est ça et que ça serve de ressources aussi pour les artistes. On y parle plus de ce qui s’y passe, des pratiques qu’on a ici, … C’est de la communication, sur un projet agricole, sur la manière dont il évolue, … Polyculture n’est pas à but lucratif, contrairement à avant, on faisait les journées portes ouvertes on invitait les clients sur la ferme, on leur expliquait ce qu’il s’y passait,… Alors que Polyculture est plus ouvert. Avec Polyculture on n’avait pas vraiment ce but d’expliquer la ferme. C’était beaucoup plus riche avec un événement comme Polyculture, les gens revenaient vers nous en nous posant des questions sur les cultures, sur les végétaux, comment les prés fonctionnent,… Les questions de plus en plus nombreuses, le site de la ferme permet d’y répondre. Et finalement les clients qui viennent de Roanne, ou autre, nous identifient beaucoup plus, ainsi que l’espace de la ferme, et du coup on a une clientèle plus nombreuse et plus solide. Maintenant pour polyculture on fonctionne en appel à projets, c’est un


132 moyen pour les artistes qui ne peuvent pas forcement venir. - Maud Nunez : C’est pour inciter les gens à venir vivre ici? - Rémi Janin : En ce moment il commence à y avoir de plus en plus de gens extérieurs qui viennent vivre à Fourneaux. Mais c’est aussi une richesse localement. Polyculture c’est aussi un peu le but de créer une dynamique, un groupe. Par exemple dans le groupe de gens associés à la ferme il y a un couple venant de Lyon, lui est graphiste elle travaille à l’hôpital. Polyculture leur permet d’intégrer un groupe autour d’un projet culturel et d’être portés dans leur désir de vivre ici et de voir des gens. Polyculture rassemble des gens locaux, des gens arrivés ici récemment qui aiment vivre ce projet culturel. Il y a des gens du village qui viennent mais ce n’est pas la plus grosse partie du public qu’on a. Ce n’est pas évident par ce qu’on n’est pas dans le village non plus et un peu à l’écart. Donc on a quelques gens d’ici, puis des gens venus de Lyon (ou extérieur) qui n’ont pas non plus les mêmes attentes du point de vue culturel ou par rapport à la ferme ou encore d’anciens artistes des biennales d’art contemporain de Polyculture. Dans l’association, dans ceux qui sont de la région et des communes autour, tu as quelques agriculteurs mais qui sont aussi en bio dans des démarches environnementales. Il y a des personnes retraitées vivant depuis longtemps ici, tu as des personnes plus jeunes et des personnes qui sont là depuis peu de temps plutôt proche du milieu artistique, des photographes,...Et de plus loin tu as des architectes,…. des gens de Paris En adhérents on est 60 aujourd’hui et en bénévoles, une petite centaine au moment de la biennale de Polyculture. On communique surtout par internet et sinon à l’échelle locale on a des flyers. - Maud Nunez : Est ce que l’association peut demander à des membre de l’association , des gens extérieurs de la ferme à participer à l’exploitation? - Rémi Janin : Ici c’est le cas et de plus en plus après tu as aussi les questions de la responsabilité civile quand quelqu’un se blesse,… On n’a pas le droit au travail dissimulé. On dissocie vraiment les choses après quand on fait des travaux, défrichage, ponton, ça on l’affiche vraiment comme projet associatif. Le projet de l’ouverture de la ferme est vraiment porté par l’association. Et les gens participent en bénévolat C’est là qu’on retrouve la question du bien commun aussi. C’est à dire qu’on le fait ensemble, ceux qui veulent y participer, on le conçoit ensemble, par exemple pour l’étang, il y en a qui veulent installer des pontons et ça mobilisera quelques personnes. L’association est ouverte à tout le monde et est une bonne forme pour ce projet là car ça lui permet d’avoir un statut et du coup ça devient collectif, une pensée collective. Avec la ferme on provoque cette ouverture par des espaces toujours ouverts, n’importe qui peut y aller quand il veut et c’est le projet associatif qui permet de créer du collectif, de le porter, de lui donner forme à partir d’un projet agricole. Et nous on est conscient que l’agriculture ne peut plus être seule dans cet espace là et que l’usage ne peut plus être le seul fait des agriculteurs. Dans les moments comme les estives, le déplacement des vaches, des

génisses,… Il y a de plus en plus de personnes qui viennent avec nous. Donc nous ça nous aide dans la ferme dans les moments où il faut être plusieurs ça arrive qu’il y ait des gens qui viennent. Mais ce n’est pas un projet économique, ce sont vraiment les gens de la ferme qui en vivent ( a mère et deux salariés). C’est ce projet culturel qui permet de porter la ferme vers quelque chose de plus en plus collectif. - Maud Nunez : Qu’en est-il par rapport aux droits de propriété, aux usages semi collectifs ? - Rémi Janin : C’est compliqué l’espace agricole a un statut flou. C’est de l’espace privé qui est loué ou exploité. Je crois que les agriculteurs sont les propriétaires de leur terrain depuis le 19 e s. Avant il pouvait y avoir des principes collectifs sur la même pâture. Que l’espace soit privé c’est assez récent. Nous ces espaces en montagne, ces principes d’estives, dans les stations de ski, pouvant accueillir des usages extérieurs, comme les randonnées ce sont des chemins traversant les espaces agricoles et par eux il y a cette sorte d’acceptation, de partage, le fait que les chemins de randonnée soient tolérés. Par exemple il y a quelques années la commune a décidé de rouvrir un chemin communale et qui passe là en plein milieu d’un espace agricole, et certains agriculteurs font tout pour qu’il ne soit pas ouvert soit ils négocient que les communes leur clôturent le chemin. Nous on a décidé de ne pas mettre de clôture, le chemin est entretenu par les moutons, après dans les estives il peut y avoir des règlements comme chien en laisse et le partage se passe très bien. Aujourd’hui il y a une volonté des gens d’aller voir ce qu’ils mangent et nous on est pas dans cet optique là de se barricader comme font certains agriculteurs. L’espace agricole a un statut particulier car il est perçu comme un milieu particulier par le public.


Entretien avec Jean-François Neyrand, maire de Fourneaux, le 12/02/2015

- Maud Nunez : Vous êtes Maire de Fourneaux depuis combien de temps ? - Jean-François Neyrand : Depuis le mois de Mars 2015, avant c’était Claude Janin, avant c’était mon père, avant Joseph Magua et encore avant c’était mon grand père. - Maud Nunez : Vous êtes originaire du village ? - Jean-François Neyrand : Je suis du village mais j’ai vécu beaucoup en dehors du village. - Maud Nunez : Combien il y a t-il d’habitants actuellement à Fourneaux? - Jean-François Neyrand : 650 - Maud Nunez : Y-a-t-il des résidences secondaires ? - Jean-François Neyrand : On est en plein recensement actuellement mais pour le moment, on estime les résidences principales majoritaires. Dans le village, il y a une résidence secondaire et à l’extérieur il y en a quelques unes aussi, on ne les cherche pas trop et si on pouvait les éviter ce serait mieux. Par ce que les résidences secondaires ce sont des bâtiments inoccupés et qui ne consomment pas sur place qui demandent des services et qui, quand ils sont en zone rurale sont beaucoup plus exigeants sur la qualité du service que serait un agriculteur du pays. Sauf si se sont des résidences secondaires qui deviennent un jour des résidences principales et que les gens s’impliquent d’un moment à l’autre dans le village. Mais on est pas une zone résidentielle ici. - Maud Nunez : (En regardant une photo aérienne de Fourneaux) Avec l’arrivée de la nationale 7 il y a des constructions qui ont vu le jour (plus qu’avant) notamment aux abords de la nationale. - Jean-François Neyrand : Oui dans les années 40 ici on a l’ancienne nationale 7 et ici l’ancienne route royale. Parce que Fourneaux était traversée par une route royale, une voie romaine, la nationale 7 ici qui jusqu’à la moitié du 19e, puis par la nationale 7 actuelle. Sur le bord de la nationale 7 il y a avait des hameaux qui existaient mais qui étaient liés à des implantations au hasard. La choix politique qui a été fait en 1965-67 a été de créer en dehors du village ici un lotissement. Et ce lotissement on en retrouve la trace là, puis il a progressivement rayonné vers le haut, le long de cette voie de façon à avoir une continuité. Le long de l’ancienne route nationale il y a des usines, ces usines ont fermé et ont été désaffectées. Et là il n’y a pas de construction parce que le terrain est difficile mais il s’en est fait ici par ce que cette partie là est devenue adhérente au village alors qu’avant la Nationale passait en bas cette partie là était coupée du village. En fait, c’est le lotissement qui a provoqué cet agrandissement et par contagion ici aussi. - Maud Nunez : Et dans ces lotissements qui sont les gens qui sont venus y habiter ? - Jean-François Neyrand : Ce sont des gens qui travaillent ici. Fourneaux et toute la région a une caractéristique importante c’est qu’il y a de l’emploi dans les villages, il y a de l’industrie répartie dans les villages. Si j’élargis au territoire du SCOT c’est à dire centre du département de la Loire on a 0,8 emploi par habitant. L’essentiel des personnes qui sont venus habiter ce sont des gens qui

133 travaillaient sur place à l’époque. On avait 110 à 130 emplois industriels sur le village (dans usines disparues) sur le village. Et si ici ça ne s’est pas construit (trou central dans le village historique) c’est parce qu’il y a un propriétaire qui demande sur ce terrain là, un prix qui n’est pas compatible avec celui du marché sur le territoire. Et du coup aucune opération n’a pu être montée ici, et on s’est beaucoup battu mais on n’est jamais arrivé à un accord. - Maud Nunez : Ce serait une zone à urbaniser ? - Jean-François Neyrand : Dans le cadre du SCOT on va être amené à revoir complètement notre emprise urbaine. On va fonctionner par taches urbaines et l’objectif est d’avoir des taches urbaines comme sur des villages de la taille de Fourneaux à peu près continues et éviter la diffusion dans la campagne. La partie en bas est inconstructible, mais là je ne suis pas sûr qu’on la conserve en zone à urbaniser. On la mettra en zone verte. Notre urbanisation future va tourner autour de ce secteur là pas autre chose, le long des axes routiers existants. - Maud Nunez : Du coup vous seriez favorable à de nouvelles constructions d’habitations ? - Jean-François Neyrand : Oui très favorable, notre problème c’est de renouveler les générations. On a eu une vague de gens qui se sont installés avec des enfants, ces enfants grandissent et aujourd’hui on a une très forte baisse de la scolarité due à la diminution du nombre d’enfants sur le territoire, pas seulement chez nous mais également dans les villages voisins. C’est un effet de génération, ça ne s’est pas renouvelé, pour différentes raisons parce que les constructions ont manqué, parce qu’il y a (eu) le chômage. Et donc aujourd’hui les constructions ont baissé sur le village, il y a peu de maisons construites ces derniers temps. En ce moment, avec l’adoption du SCOT la capacité des logements à construire sera diminuée. L’Etat nous demande de réduire la consommation foncière. Sur le territoire du SCOT on a consommé 153 hectares par an ces dernières années et l’état voudrait qu’on descende à 50. - Maud Nunez : Est ce qu’à Fourneaux il y a du foncier qui est à l’abandon ou sous-utilisé? - Jean-François Neyrand : Non, dans les maisons existantes il y a très peu de maisons inhabitées. Il y en a quelques unes de circonstance, (autour de la place) celle-ci la dame est dans un maison de retraite. Il y a un appartement à louer. Une maison à vendre mais un peu chère. Le reste du village est habité, restauré, repris. Il a très peu de choses disponibles et après en campagne il reste très peu de maisons. Et il y a très peu de mouvements. - Maud Nunez : Et les gens qui viennent habiter à Fourneaux, ils viennent de la campagne environnante ou de la ville ? - Jean-François Neyrand : Il n’y a pas d’étude statistique. Un certain nombre vient de la région, quelques personnes viennent de plus loin, ils travaillent sur Tarare, de Lyon,... - Maud Nunez : Est ce que il y a eu une hausse de la population sur Fourneaux ? - Jean-François Neyrand : la population avait beaucoup diminué et elle est remontée de 480 à 650, ces 10-15 dernières années. - Maud Nunez : Et cette population là, a-t-elle réussi à s’intégrer ?


134 - Jean-François Neyrand : Oui totalement, il y en a même au conseil municipal, sur 15 membres du conseil il en a quatre qui ne sont pas originaires de la région. - Maud Nunez : Par ce qu’elles ont trouvé du travail ici ? - Jean-François Neyrand : Oui on a notre boulanger qui vient de Roanne. On a la 4e adjointe qui n’est pas d’ici et depuis qu’elle est à la retraite avec son mari elle est dans le village, elle était dans l’Oise. Le deuxième adjoint, il était de Lyon, il y travaillait. Il habite une résidence secondaire qu’il est venu habiter à temps complet quand il a pris sa retraite. Rien que dans les adjoints, il y en a deux sur quatre qui sont des gens extérieurs qui se sont intégrés. Après dans le conseil, c’est pareil, on a beaucoup de gens qui sont de l’extérieur, on en a quelques uns qui sont d’ici. Ils se sont intégrés au village, on est pas dans un système où les touristes, les lyonnais seraient arrivés et auraient pris le pouvoir ce n’est pas du tout ça. Ils sont entrés dans le fonctionnement du village. - Maud Nunez : Parce que dans les lectures que j’ai faites pour mon mémoire, on parle beaucoup des citadins qui viennent vivre à la campagne,... puis finalement il y a ceux qui s’intègrent et ceux qui ne s’intègrent pas. Il y a en qui continuent à avoir un train de vie en lien avec la ville,... - Jean-François Neyrand : Je n’ai pas ce sentiment là ici, ça se passe comme ça en région parisienne. Nous ce n’est pas la problématique ici. Ou ils s’intègrent ou ils disparaissent. Parce que le climat est un peu rude, il n’y a pas d’activités intenses. Le village n’a pas un charme particulier. Les villages où il y a eu de l’industrie textile, les usines ont disparues en à peine un demi siècle. Il n’y a rien de très chouette ou qui attire particulièrement les gens. Je n’ai pas le sentiment que des gens restent sans être intégrés. - Maud Nunez : Est ce qu’il y aurait dans le cadre d’une urbanisation future, une volonté d’attirer des gens de la ville ou des jeunes actifs venant de la ville? Et par conséquent proposer de nouvelles activités ou commerces ou programmes pour les accueillir ? - Jean-François Neyrand : Nous notre volonté c’est de plutôt permettre aux jeunes du territoire de rester sur le territoire. Ce serait surtout d’aider les gens du coin à s’implanter ici. On ne cherche pas à faire venir des gens de l’extérieur qui modifieraient le territoire local. L’idée c’est de permettre aux personnes de s’intégrer et de prendre des gens extérieurs qui s’intègrent car ils sont pris dans une masse plus grande. Sinon on va déséquilibrer le fonctionnement actuel. - Maud Nunez : La volonté c’est vraiment d’inviter des gens qui viennent prendre part à la vie du village ? - Jean-François Neyrand : La volonté c’est d’avoir des gens qui s’intègrent au village et qui relèvent le défi d’avoir le même esprit de fonctionnement. - Maud Nunez : Et du coup les gens qui ne s’intègrent pas et qui disparaissent il y a eu quelques cas comme ça ? - Jean-François Neyrand : Je les ai oubliés mais oui il y a des gens qui passent qui achètent leur maison puis qui la revendent.

- Maud Nunez : Et au niveau de la vie associative, comment la ferme de la famille Janin est perçue? - Jean-François Neyrand : D’abord Isabelle et Claude sont connus, les enfants étaient à l’école ici. De 1995 à 2014, Claude était maire, ça crée une présence. Et Isabelle, elle est membre de plusieurs associations elle est assez connue. Quant à leur ferme, ils ne sont pas très intégrés dans le milieu agricole, ce n’est pas une exploitation classique. - Maud Nunez : Parce qu’ils ont des pratiques particulières ? - Jean-François Neyrand : Oui parce qu’ils ont fait le choix du bio. Parce ce qu’il se passe certaines choses qui modifient l’ordre des choses, parce qu’Isabelle est une militante dans son domaine et que ça heurte parfois d’autres personnes. Je pense d’ailleurs à une ferme pédagogique qui eux se sont parfaitement intégrés à Cordelle pas loin d’ici. Parce que tout le monde les connait, dans le village avec tout... Mais ils ne sont pas en bio aujourd’hui ils y seront demain mais aujourd’hui ils n’y sont pas. Et Claude et Isabelle ont un peu fait leur affaire contre le monde rural autour. Donc ça a laissé des traces. Après ici ce qu’il font ce n’est pas un des sujets fondamental ici, on n’ y pense même pas . - Maud Nunez : Et les événements comme là cette année, il va y avoir le festival d’art contemporain, les gens du village ne prennent pas part à ce festival là ? - Jean-François Neyrand : Ils y vont mais ce n’est pas massif. - Maud Nunez : Pour eux ça ne fait pas partie intégrante de la vie du village ? - Jean-François Neyrand : Non, pour un certain nombre d’entre eux en tous cas c’est pas,... Les gens qui ont les esprits ou la pensée ouverte oui, mais les autres ce n’est pas fondamental. - Maud Nunez : Parce ce que c’est loin aussi ? - Jean-François Neyrand : Oui puis ce n’est pas un sujet fondamental. C’est plus intellectuel, donc ça aura certainement plus d’impact sur des gens qui s’intéressent à un certain nombre de sujets sur l’agriculture mais ici ce n’est pas fondamental. C’est mon sentiment, c’est dommage mais c’est mon sentiment. Vernand est loin du village, c’est à 5 km. C’est dommage qu’ils laissent accessibles des prés et des chemins et que les gens du village n’en profitent pas. Le travail n’est pas à faire au niveau du village, il doit être fait au niveau de l’intercommunalité. Au niveau des chemins de randonnée, ils y a un travail à faire pour inciter les gens à venir traverser la ferme et les autres. Il y a un mois et demi on a essayé de leur (les habitants) présenter les différentes formes de cultures pour aider à l’intégration des agriculteurs dans les difficultés qu’on rencontre avec les habitants qui viennent s’installer à la campagne qui ne sont pas forcement des gens des villes mais qui ne sont plus des agricoles. Ces derniers ont une mauvaise connaissance du monde agricole qui déclenche des intolérances comme les cloches des vaches qui font du bruit,... ils ne supportent pas qu’il y ait des moissons la nuit, de l’épandage de lisier. On a besoin du lisier et quand on en répand ça ne sent pas bon pendant 2 jours c’est comme ça quand on habite la campagne. Si on ne veut pas de la vie à la campagne, on ne vient pas vivre à la campagne. Ici on partage la route avec les tracteurs,...


135 En tous les cas quand on accueille des gens nouveaux, il y a un problème d’intégration. Il faut leur faire comprendre ce qu’est la vie agricole. Parce que sinon ils ne comprennent pas et ils sont très intolérants. - Maud Nunez : D’où le souhait de vouloir établir un contact ? - Jean-François Neyrand : Et le fait de faire une ferme pédagogique je trouve ça très très bien, et que ce soit la ferme d’Isabelle Janin ça me parait très bien aussi parce que c’est une ferme qui a une manière de travailler différente. Mais on ne pourra pas tout résoudre par le bio sinon on aura des problèmes. Mais c’est un sujet intéressant qui mérite d’être travaillé et plus on fera comprendre aux gens ce travail là, il y a un apprentissage à faire. - Maud Nunez : Vous travaillez sur le SCOT en ce moment du coup il sera commencé quand ? - Jean-François Neyrand : L’objectif du SCOT c’est d’être terminé , et adopté pour le 31 Décembre 2016. Aujourd’hui un SCOT c’est accompagné d’un PADD,Plan d’Aménagement et de Développement Durable. Le PADD il est à peu près écrit. C’est un SCOT compliqué à faire, dans le département du centre de la Loire il n’ y a pas de grosses agglomérations à proprement parlé. Il y a beaucoup de villages entre 500 et 1500 habitants qui fonctionnent en réseau de maillage, ce n’est pas du tout comme fonctionnent les aires urbaines avec la ville centre et les villes autour. C’est un document d’urbanisme, les deux sont étroitement liés , Le PADD c’est un projet, c’est le projet d’aménagement du territoire dans les principes. Fourneaux n’a pas de PLU, on avait une carte communale. On passera directement à un PLU ce sera plus pratique. Le PLU va respecter le SCOT c’est à dire se concentrer sur la tache d’urbanisation constatée sur le village, éviter l’urbanisation des campagnes. On laisse quand même un peu de souplesse pour les campagnes pour les agrandissements et aménagements (des fermes) globalement éviter les constructions en zone rurale de toute façon. - Maud Nunez : Dans ce que vous me dites on a vraiment l’impression que le village veut se protéger des nouvelles constructions, du pavillon, de l’urbanisation,... - Jean-François Neyrand : Non je n’ai pas dit ça. On nous impose de diminuer la consommation foncière, ça veut dire qu’il faudra concentrer les constructions sur la zone urbaine. Et dans certains villages on considère qu’on pourra faire de la concentration foncière car il faut regrouper les populations. La loi aujourd’hui vise à rapprocher les gens de leur emploi et de lieux de consommation, c’est à dire que dans les villes rurales comme nous on fait des villages plus gros avec du commerce et de l’emploi. Alors ce que j’ajoute moi c’est d’éviter le mitage rural parce que cela a des conséquences lourdes sur l’espace agricole. - Maud Nunez : C’est propre au milieu rural d’avoir plusieurs métiers? - Jean-François Neyrand : Oui il faut être polyvalent. Il y en a en milieu agricole, dans le milieu de l’agriculture Pour l’intégration avec le mode rural, il y a deux choses. L’agricole et le rural. Bon l’agricole n’est jamais dans le milieu urbain. Mais après il y a du rural non agricole et une bonne partie du village est non agricole parce que certains habitants ont perdu le lien avec le monde agricole. Ils l’avaient il y a 40 ans mais aujourd’hui ils ne l’ont plus. Il y a des gens qui viennent habiter au village, ils veulent habiter en zone rurale, mais ils ne s’intègrent pas au milieu agricole.

Le milieu agricole ne représente plus que quelques individus et a tendance à se fermer. Donc dans le village ça ne pose aucun problème en revanche quand on est sur des zone agricoles, là on ne s’intègre pas, c’est un choc frontal. Donc dans ce sens là avoir des fermes pédagogiques c’est très bien mais ça ne changera pas fondamentalement l’intégration à l’intérieur d’un village, l’intégration à l’intérieur d’un village est due aux réseaux sociaux qui existent, à la capacité d’accueil. Ici elle est bonne, ça fonctionne peut être parce qu’on n’a pas d’arrivages massifs. Les difficultés qu’on a dans certains villages, c’est un peu comme en région parisienne, dans certains villages, par exemple dans le Veccin on a certains villages où il n’y a plus de vie locale, elle est morte. Comme dans le Var quand j’étais enfant il y avait la fête du village,... on connaissait les gens, il n’y avait pas beaucoup de gens, pas beaucoup de rues. Il y avait une vie du village des coutumes, ici il reste les traditions qui sont fortes. Il reste un historique du village, les gens qui arrivent sont suffisamment peu nombreux pour qu’ils s’intègrent facilement, il n’y a pas d’arrivées massives. L’école est aussi un lieu d’intégration, parce que les parents font connaissance au travers de l’école (des manifestations à l’école). Les parents viennent, rentrent dans des cercles,... Quand il n’y a plus d’école, plus de commerce l’intégration est plus difficile, il n’y a plus rien. Et du coup ceux qui ont un pouvoir d’achat plus fort balaient ceux qui ont un pouvoir d’achat plus faible. Nous on ne veut pas que notre village soit un village dortoir pour Lyon. Les gens de Lyon qui ont un pouvoir d’achat plus fort que les habitants, vont les tuer car ils ne pourront plus payer leur maison, ça faut éviter. L’intégration de nouveaux gens ne doit pas nuire aux jeunes travaillant sur place qui ont un plus faible pouvoir d’achat. - Maud Nunez : La vie associative est importante ici ? - Jean-François Neyrand : Eh bien oui. Il y a toutes sortes d’associations. La première grosse association, c’est le comité des fêtes qui organise la fête annuelle et les manifestations secondaires qui remplissent les caisses et qui font du bien dans le village. On a un club cyclo, le théatre, la chorale, musique, les boulistes, le festival de rock, les cocottes girls (des travestis pour les entrées de fête),... Tous ces éléments là contribuent à la vie du village et facilitent l’intégration. La Maison de Jeunes et de la culture a une vie difficile, un club de Scrabble,... Ces éléments attirent des gens d’autres villages. Un Club du troisième âge. La mairie n’a pas de site internet elle est sur le site de la Coppler qui est la communauté de communes.


136

Source :Polyculture Cycle d’art contemporain de Verand (quatrième édition) Des partenaires locaux et une démarche expliquée


137

Source :Polyculture Cycle d’art contemporain de Verand (quatrième édition) Plan des installations et animations lors du festival. L’art et la fête investissent les espaces de l’exploitation agricole


138

Table des matières Avant-propos Introduction

p.6 p.8

PARTIE 1: La campagne aujourd’hui, quels faits, quelles idées ?

p.12

1: La campagne aujourd’hui, Un milieu repeuplé par des citadins ?

p.12

A : La fin de l’exode rural

1: Le retour à la campagne

a : Des facteurs liés à l’évolution des modes de vie de la société après les années 1950 b : Une campagne rêvée c : Une campagne intermittente ? b : Une campagne ÉLITISTE ?

B : La campagne, un territoire en mutation

1: Des campagnes , différents enjeux urbains

2: Une ruralité qui n’est plus synonyme d’agriculture

a : La campagne des villes b : Les nouvelles campagnes c : Les campagnes fragiles

a : Baisse de l’agriculture b : Naissance d’une activité économique résidentielle

p.12 p.12 p.12 p.14 p.14 p.15 p.16 p.16 p.16 p.16 p.18 p.18 p.18 p.19

2: La campagne aujourd’hui, Une seule manière d’habiter ?

p.21

A : Vers une urbanisation de la campagne

p.21 p.21

1 : Les conséquences d’une évolution basée sur l’industrialisation

B : Le lotissement pavillonnaire, un modèle dupliqué

p.22 p.24 p.24

C : «Un monde pour soi»

p.24 p.24 p.25

1 : Une greffe urbaine contre les processus de construction traditionnel 2 : une production industrielle uniformisée 1 : Un idéal individualiste... 2 : ... réservé à une population homogène

3: La campagne aujourd’hui, un territoire privé? A : La perte d’un modèle de vie communautaire B : La campagne, du bien commun au bien privé

1 : Le rural, les origines du bien public et bien privé, Usage et possession

a : le modèle germanique, la possession communautaire b : le modèle romain, la possession d’Etat c : L’accession à la propriété individuelle comme un droit et un désir de richesse 2 : l’Exemple anglais, l’enclosure témoin spatiale de la privatisation de l’espace rural

p.27 p.27 p.27 p.28 p.28 p.29 p.29 p.30


139

a : Une transformation de l’agriculture traditionnelle b : d’un espace partagé à un espace disputé c :Une leçon sur le statut du commun à retenir

C : Le Bien commun, moteur possible d’un urbanisme contemporain ?

1 : Facteur essentiel de la société 2 : Une problématique urbaine 3 : Des hypothèses de projet

p.30 p.30 p.32 p.32 p.32 p.33 p.34

PARTIE 2 : La campagne aujourd’hui, quelles réalités possibles ?

p.35

La campagne aujourd’hui, deux éxpériences de projet, Beaumont, Les Bogues du Blat,

p.36

A : Deux projets, deux campagnes B : Deux villages, une solidarité nécessaire C : Deux campagnes, deux exodes D : Deux villages, deux enjeux d’urbanisation E : Deux villages, deux projets

p.36 p.36 p.40 p.40 p.42

Fourneaux, La Ferme de Vernand

1: La campagne aujourd’hui, quelle diversité d’habitants ?

p.45

A : La campagne du XXe siècle, transformation du monde rural

p.45

Axe

1 : de la surpopulation au désert

B : Pourquoi venir habiter la campagne ?

1 : Différentes vagues migratoires, idéologie et économie 2 : des nouveaux habitants et une campagne métissée 3 : Les nouveaux ruraux une autre vision de l’agriculture

C : Une campagne victime de son succès ?

1 : Une campagne recherchée 2 : les résidences secondaires, village vide et vieillissement de la population 3 : La campagne, des problèmes de voisinage contemporains

D : Témoignages du neo-ruralisme

1 : Beaumont, Une utopie communautaire 2 : Fourneaux, Un idéal agricole

E : S’intégrer au village

1 : Un projet de vie locale 2 : Le travail, condition vitale et sociale

p.45 p.46 p.46 p.46 p.48 p.49 p.49 p.51 p.51 p.51 p.52 p.53 p.54 p.55 p.55


140

3 : La vie associative, lien social du village 4 : Organisation spatiale du village et modes de déplacements, des entraves aux Échanges

F : Des pistes de réponses contemporaines

1 : Accéder au logement 2 : Accéder au monde agricole

Axe

2: La campagne aujourd’hui, quels NOUVEAUX PROCESSUS DE PROJET ?

A: Beaumont, Les Bogues du Blat, création de logements coopératifs

1 : Avant les Bogues 2 : Les Nouveaux commanditaires, art, architecture et projet collectif 3 : Nécessité de poser les premières règles du projet 4 : Une démarche de travail basée sur le travail collectif 5 : remettre en question l’urbanisme opérationnel en construisant ensemble 6 : La concertation, hiérarchie horizontale des acteurs 7 : L’habitat coopératif, concilier intérêts publics et intérêts privés 8 :Une autre forme d’habitat individuel 9 :Un Projet expérimental à perfectionner

B: Fourneaux, La ferme de Vernand, ouverture de l’espace agricole

1 :Vernand, étude d’une forme d’exploitation agricole contemporaine

2 :Vernand, introduction à la recherche sur un urbanisme agricole

Axe

a: Comprendre l’espace agricole b : De la compréhension au projet

a : «Paysages agricoles contemporains» b : Bâtiments agricoles Anciens et contemporains réhabilitations et identifications c : «projet agricole urbain» b : «Parc agricole» d : Une autre forme de rurbanistion le «Lotissement agricole»

3: La campagne aujourd’hui, quels Biens communs possibles ?

A : partager l’espace rural

1 : Les Bogues du Blat, habiter sur un espace privé, collectif et partagé

2 : La ferme de Vernand, ouvrir l’exploitation À des formes d’appropriations extérieures

a : La maison commune, une réponse au désir de partager? b : L’espace résidentiel semi-collectif fonctionne il dans la réalité du projet? c : le logement coopératif, remise en question de la propriété privée a : L’espace agricole privé, pouvant devenir collectif ? b : La culture, vecteur du partage et créateur de nouveaux espaces

B : créer et agir ensemble, constitution d’un patrimoine commun

1 : Les Bogues du Blat, Un projet co-produit

a : La co-conception, vecteur de lien social b : L’ouverture du chantier au public, partage et appropriation

p.56 p.56 p.58 p.58 p.59 p.58 p.61 p.61 p. 62 p.62 p.64 p.65 p.67 p.69 p.70 p.72 p.76 p.76 p.78 p.78 p.84 p.84 P.85 p.85 p.87 p.89 p.91 p.91 p.91 p.92 p.92 p.94 p.95 p.95 p.96 p.98 p.98 p.98 p.99


141

2 : La ferme de Vernand, un nouveau regard sur l’agriculture

a : La culture moyen d’intégration en milieu rural et visions partagées de l’espace agricole b : Des pratiques collectives, bénéfices mutuels et solidarité

C: Le partage, S’impliquer et vivre ensemble

p.101 p.101 p.103

1 : Les Bogues du Blat, une utopie résidentielle communautaire

p.103 p.104 P.104 p.104

2 : La ferme de Vernand, communiquer l’espace agricole

p.107

a : Reconsidérer la façon d’habiter autour d’un projet de vie collectif b :Vivre ensemble implique des règles

Conclusion

p.108

Bibliographie

p.110

Annexe

p.117


142


143 La campagne d’il y a cinquante ans a bien changé. Exil citadin idéalisé de verdure, de calme et de tranquillité, l’idéal résidentiel s’oppose à une industrialisation des exploitations agricoles et la disparition du monde paysan. Les lotissements pavillonnaires, un des avatars de notre société de plus en plus individualiste grignotent chaque année les terres agricoles cédées ou délaissées par un corps professionnel en baisse d’effectif. De la maison individuelle à la campagne à la ville active, la voiture amenuise les parcours et contribue à approfondir les distances sociales entre anciens citadins et ruraux. De la relation associative des «rurbains» à la relation communautaire des ruraux, ces nouveaux habitants de la campagne ne semblent pas partager les coutumes et la vie locale. Vivant les uns à coté des autres dans des campagnes dortoir, leur conception du monde agricole et de la campagne est loin de la réalité et relève d’une vision passéiste. De l’absence d’espaces publics dans les lotissements pavillonnaires aux conflits d’usages entre loisirs et exploitation agricole, il semblerait aujourd’hui que ces deux mondes cohabitent mais ne partagent plus rien. Du champs fermé à la maison avec jardin clôturée, le futur de l’espace rural est-il de vivre et se regarder chacun depuis son espace privé?


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