Cosplay

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Premières recherches

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DĂŠfinition

Premières recherches

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Définition

Cosplay

Tanguy Chêne


J’ai fait un livre sur le cosplay, pourquoi ? À la base, il s’agissait d’un projet photographique documentaire de la communauté des cosplayers. La photo n’étant pas mon médium de prédilection (loin de là, même), la recherche autour du projet a bien vite pris le pas sur l’image que je devais produire. Et il s’est bien vite posé la question de rassembler les recherches que j’accumulais, notamment à cause du fait que je m’étais entretenu avec différents cosplayers et que je trouvais dommage que ces entretiens ne servent qu’à moi. Relativement familier avec le livre, j’ai pensé qu’il s’agirait du meilleur moyen de rendre compte du parcours de ce projet. J’espère que tout ce que j’ai appris sur l’univers du cosplay saura vous intéresser. Bonne lecture,


Sommaire

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Définition, premières recherches, histoire du portrait, photographie du cosplay, premiers contacts.

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Entretient avec Diane et Rudolph jeudi 25 février 2016

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Le cosplay dans les médias, représentation et reconnaissance du cosplay par le grand public, argent (ou la professionnalisation du cosplay).

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Entretient avec Camille mercredi 2 mars 2016

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Bilan, Galatée, argent (2), démarche, références.

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Entretient avec Morgane mardi 8 mars 2016

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Entre deux.

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Entretien avec Michaël vendredi 11 mars 2016

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Retour à la pratique, références (2), précision de la démarche(2), références (3), séance photographique chez Diane et Rudolph, Bits, séance photographique chez Michaël, résultat, conclusion.

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Crédits photographiques


Définition,

histoire du portrait, photographie du cosplay,

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premiers contacts.

Premières recherches

Définition

premières recherches,

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Il est vrai que je n’ai pas choisi le cosplay par hasard. Plus jeune, j’aimais particulièrement le manga et j’avais eu l’occasion d’aller dans différentes conventions (salons destinés aux passionnés de manga ou, plus généralement, de culture nippone) telles que la Japan Addict de Strasbourg, Polymanga à Lausanne ou la Japan Expo, à Paris. C’est dans ces conventions que j’ai découvert le cosplay, ces gens costumés en personnages de fiction. Pour prendre l’encyclopédie libre la plus connue au monde :

Le terme costumade a été proposé par l’Office québécois de la langue française en février 2010 pour traduire cosplay (« activité consistant à se costumer en personnage de fiction... «, voir GDT1). En France, le même terme recommandé par la Commission générale et terminologie et de néologie selon un Journal officiel d’octobre 2011, concerne uniquement le rassemblement suscité par cette activité. Les néologismes costumadier et costumédien ont aussi été proposés le même mois par l’OQLF comme équivalents français de cosplayer.

Le cosplay (コスプレ, kosupure ?), mot-valise composé des mots anglais « costume « et « play « (« jouer «), est un loisir qui consiste à jouer le rôle de ses personnages en imitant leur costume, leurs cheveux, à l’aide d’une perruque ou en réalisant la même coupe de cheveux que celle du personnage et leur maquillage. Les thèmes les plus courants sont les personnages de mangas, de bande dessinée, d’animation japonaise, de dessins animés, de tokusatsu, de films, de jeux vidéo et de comics mais viennent à inclure également les séries télévisées et toute sorte de costumes à thème. On appelle les pratiquants des cosplayers.

Très courante au Japon, cette pratique n’est pas rare aux États-Unis ou en Europe lors des conventions et autres festivals de mangas ou de sciencefiction. Cette pratique est née aux États-Unis(réf. nécessaire), créée par les fans de Star Trek puis de Star Wars qui se costumaient en personnages pour la sortie des films, mais a connu une très grande expansion au Japon, pays qui organise désormais un événement international, le World Cosplay Summit, à l’initiative de la chaîne Aichi Television Broadcasting et de la Japan expo à Paris. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cosplay

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Une autre chose que m’apprit Wikipédia fut que le cosplay ne venait pas du Japon mais des États-Unis :

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J’avais donc déjà entendu parler de cosplay, cet univers m’était familier. Je ne partais pas de zéro mais je savais que j’avais encore énormément de choses à découvrir. À vrai dire ce qui me plaisait dans le choix de ce sujet c’était à la fois le sentiment que je n’étais pas tout à fait étranger au phénomène mais que je restais pourtant un simple observateur, avec une certaine distance. Il y avait aussi une certaine nostalgie amusée dans ce renouement avec ce qui avait été l’univers de mon enfance et de mon adolescence. Je n’avais jamais pratiqué le cosplay, sa pratique ne m’intéressais d’ailleurs pas. Ce qui m’intéressait c’était d’apprendre à connaître des personnes passionnées par cela et, surtout, de comprendre ce qui les animait à aller au bout de cette passion.

C’est aux États-Unis qu’est née l’idée de reproduire des costumes de personnages fictifs. On considère que le pionnier en la matière fut Forrest J Ackerman qui, en 1939, se présenta à la première convention américaine de science-fiction, le WorldCon, dans un costume d’» homme du futur « crachant des étincelles.

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Les tokusatsu (特撮?, contraction de tokushu satsuei (特殊撮影) qui signifie « effets spéciaux «), sont des séries télévisées japonaises très riches en effets spéciaux. Elles dérivent des films de kaij, les films de monstres, comme Godzilla. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tokusatsu

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La Masquerade était née et devint le premier concours de « cosplay «. Elle connut son apogée dans les années 1970 et 1980, à l’émergence de deux œuvres-phares de la science-fiction, la série originale Star Trek et la trilogie de films Star Wars, des centaines de candidats participaient alors à la Masquerade.

La plupart des cosplayers mettent un point d’honneur à créer leurs costumes eux-mêmes (y compris les accessoires tels que bijoux et armes) et à ne les utiliser qu’une seule fois. Il est d’ailleurs souvent mal vu, dans le cadre des concours, de présenter un costume qui a déjà été présenté lors d’un autre concours ou dont certains éléments ont été achetés plutôt que fabriqués.

Aujourd’hui, le cosplay semble plus volontiers tourné vers la création de costumes relativement originaux, avec l’existence de concours se basant souvent sur la qualité, l’originalité du costume ou même sur la prestation scénique (durant approximativement entre une et deux minutes, mais souvent plus en hors-concours).

Si le costume a été acheté en partie, le cosplayer n’a en général pas le droit de participer aux concours, mais peut faire ce que l’on appelle du ‘cosplay libre’, c’est-à-dire se promener librement sur les lieux, c’est-à-dire généralement dans les allées d’une convention, ou de passer sur une scène spécifique au ‘cosplay libre’.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cosplay

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cosplay

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Heureusement, ma sœur, également bercée par l’univers du manga depuis petite, continuait d’aller dans des convention et connaissait donc un peu mieux que moi le monde du cosplay. Elle me transmit le contact d’une de ses amies qui pratiquait le cosplay ainsi que de cosplayers plus ou moins connus dans la région. L’amie en question portait le surnom de Raiko Naooly. Je choisissais de ne pas encore contacter les autres cosplayer, me disant que Raiko les connaissait peut-être et qu’elle pourrait m’introduire par la suite.

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Évidemment, je ne pouvais pas me baser uniquement sur les jugements de valeurs transmis par Wikipédia (même si je n’avais pu m’empêcher, dans un premier temps, de comparer la page française à la page anglaise) et j’avais besoin de croiser cela à d’autres sources, dont la meilleure serait pour moi la confrontation à de vrais cosplayers.

Par ailleurs, j’avais eu l’habitude de croiser des cosplayers lors de conventions. Par contre je n’avais que rarement assisté à des concours, ce qui semblait pourtant être un aboutissement pour bien des cosplayer, notamment en Europe. En Europe (plus particulièrement en France et en Italie et aussi en Allemagne), le cosplay prend une dimension plus théâtrale : la qualité des costumes est un point très recherché, mais par les concours où les cosplayers se retrouvent en face d’un public devant lequel ils miment des combats, récitent des dialogues ou chantent (seuls ou en groupe), un certain jeu d’acteur est apprécié. On appelle cela le « Roleplay «.

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Bien que les cosplays soient généralement présentés comme des compétitions, le but des participants est plutôt d’exprimer une passion personnelle que, véritablement, de remporter une victoire. L’ambiance de ce genre de manifestation est très bon-enfant, et certains cosplayers ne participent jamais aux concours.

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Pour me rapprocher du medium central de ce projet, je décidais de me renseigner sur la place de la photographie dans le monde du cosplay.

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En attendant sa réponse, j’en revenais à mon sujet photographique (puisqu’à la base, c’était de cela qu’il s’agissait) et tapais, très simplement, le mot « cosplay « sur Google Images. Une chose me frappa tout de suite : il n’y avait que des portraits. Dite comme cela, la remarque pouvait paraître très évidente mais il m’était alors venu l’idée de replacer le cosplay dans une histoire du portrait, liée à la représentation de l’individu dans notre société. Cette idée découlait de questionnements tels que : Notre société actuelle n’était-elle pas intimement liée au fictif, n’avait-on jamais autant consommé de fiction ? Ainsi le portrait d’aujourd’hui ne serait-il pas (en plus des selfies, qui nous placent aussi dans une vision fantasmée, au-delà du réel), celui des personnages que nous rendons presque réels ? Encore une fois, j’usais en premier lieu de Wikipédia. Je m’intéressais un peu à l’histoire du portrait, aux portraits de Fayoum, à André Adolphe Eugène Disdéri, qui pouvait être considéré comme un ancêtre de la photo d’identité. Mais je m’attaquais là à un gros morceau. Je me rendais vite compte que mon projet ne devait pas prendre une échelle si vaste que la société, voir même les sociétés au cours du temps, et que l’envergure d’un tel contexte, et des questionnements précités, ne conviendrait pas à un projet photographique de quelques mois. Je devais me centrer plus sur l’individu, surtout ceux que j’allais rencontrer prochainement.

La première était la photographie en convention, là encore on pouvait éventuellement faire une distinction. Il y avait d’une part la photographie par le fan pour le fan, celle prise par le visiteur de la convention pour communiquer son admiration envers le cosplayer (et le cosplay), pour se montrer avec, pour l’envoyer à ses amis ou sur les réseaux sociaux. Il s’agissait avant tout de photographie pour soi, prise avec son téléphone portable, au format portrait, très souvent, et sans réelle maîtrise de la photographie en tant que medium. D’autre part il existait un type de photographie plus professionnelle regroupant les reporters et la presse, mais aussi des photographes pro ou semi-pro, spécialisés dans le cosplay, venus cueillir quelques jeunes talents du cosplay et se retrouvant dans un coin isolé de la convention pour un rapide shooting improvisé (ou même parmi les visiteurs). Concernant ce premier type, l’attention était véritablement focalisée sur le cosplay et le cosplayer, qui, même en imitant la posture du personnage incarné, était tout de même identifié comme homme ou femme déguisé€ au sein d’une convention. (Excepté peut-être pour le shooting improvisé qui formait un bon entre-deux avec le second type).

Photographie du cosplay

histoire du portrait

Je remarquais assez rapidement qu’on pouvait trouver deux types de photographies en cosplay :

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Le deuxième type allait plus loin dans l’imitation, il s’agissait des photos de shooting. Généralement réalisées par des photographes semi-professionnels ou professionnels, ces séances photo dénotaient une approche plus réfléchie de la photographie de cosplay, avec notamment le choix d’un lieu mettant en valeur le costume, et souvent en lien avec l’univers du personnage. Le cosplayer lui-même mettait plus de zèle à rentrer dans la peau du personnage. L’idée était véritablement de recréer un part de fiction dans la réalité, au travers du média photographique. Et évidemment, le but était aussi de réaliser de belles photographies, publicité à la fois pour le cosplayer et pour le photographe.

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De ces différentes constatations je tirais cette conclusion : mon approche photographique devait être autre, elle ne devait pas imiter une pratique photographique pour le cosplay, déjà existante, mais se faire observation d’aspects sous-jacents du cosplay. J’étais de toute façon déjà engagé dans une approche plus humaniste, par la volonté de rencontrer et de m’entretenir avec des cosplayers. Par ailleurs, j’avais obtenu une réponse de Raiko Naooly, m’indiquant qu’elle en était encore à ses balbutiements dans le cosplay. Elle me fournissait trois noms de cosplayeuses connues à Strasbourg. Ce fut les mêmes que ceux transmis par ma sœur et je décidais donc de les contacter sans plus tarder. Les trois réagirent d’une part assez rapidement, d’autre part avec un engouement qui m’encouragea dans ma démarche et je réussis rapidement à convenir d’un rendez-vous avec l’une des trois. Je rencontrais donc en premier Aishi Cosplay, de son vrai prénom Diane, accompagnée de son compagnon Rudolph, aussi cosplayer.

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Photographie du cosplay

On aurait pu me dire que j’oubliais la photographie de concours de cosplay, mais je considérais celle-ci uniquement comme complémentaire de la captation vidéo (et plus rare), se plaçant dans une logique d’archivage, de souvenir.

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jeudi 25 février 2016

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Définition

Entretient avec Diane et Rudolph

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diane et rudolph

T : Diane, tu fais un peu partie d’une communauté de cosplayers ?

Diane  : Alors moi je m’appelle Diane, j’ai 21 ans et actuellement je ne fais rien, façon de parler. Je fais du cosplay depuis 2013, donc ça fait trois ans. Moi je suis plus dans la couture et je fais aussi un peu de bricolage.

D : Oui, après chez nous on a plein d’amis qui font du cosplay, on est comme une grande famille chacun se donne ses petites idées, s’entraide, quand on ne sait pas on demande à quelqu’un.

Rudolph : Moi je m’appelle Rudolph j’ai 30 ans, je fais des conventions depuis 2006. À l’époque j’étais encore à l’armée, je ne faisais pas encore de cosplay, je n’avais pas trop le temps par rapport au métier que je faisais. Et au fur et à mesure, vers 2007/2008, j’ai commencé à m’y intéresser, à venir costumé. Au lieu de venir les mains dans les poches en tant que visiteur, autant participer en ayant un costume. J’avais commencé à créer mon premier costume vite fait, le personnage à l’époque c’était Punisher. J’étais assez fan du comic de Marvel et j’avais reproduit la tenue du film Punisher war zone. Puis j’ai voulu évoluer et je me suis spécialisé dans les Star Wars. Ça me plaisait bien, j’avais pu trouver une ou deux associations où je m’étais inscrit. C’est à partir de là qu’on peut prendre des renseignements pour avoir de l’aide quand on ne connait pas trop l’univers de la fabrication du cosplay et puis après on est aidé, ça vient de partout les gens vous donne des astuces, des trucs et ça, ça aide grandement

T : Ça passe plus par le net ? D  : Oui généralement c’est par internet mais on peut se faire des petites soirées ou des ateliers avec des amis cosplayers ou chacun fait ses costumes. T : J’aimerais bien que chacun de vous deux me donne sa définition du cosplay. D : Alors pour moi le cosplay c’est avant tout de l’amusement, parce que quand on met un costume on peut être content de l’avoir fait soi-même ou de l’avoir acheté. Et après il y a aussi toute une partie sur le caractère du personnage, la manière dont on le représente en convention. R : Pour ma part la vision que j’ai du cosplay, ça reste lié à la création, une création personnelle. Il y a beaucoup de cosplays qui sont achetés, certes le mot cosplay veut dire « costume playing «, mais quelqu’un qui vient costumé avec quelque chose fabriqué à la chaîne ça ressemble à rien parce que la personne ne s’est pas investie. La personne vient pour porter quelque chose, pour représenter

un personnage mais c’est tout. Après il y a les vrais cosplayers, ceux qui vont, pour le dire grossièrement, se sortir les doigts du cul, en mettant de l’investissement, du temps de la passion dans un projet. Parce qu’il ne faut pas croire, il y a des moments où on est saoulé, on est gavé, on n’arrive pas, on doit produire quelque chose donc il ne faut pas aller trop vite. Parfois on est pressé par le temps parce que certaines conventions arrivent très vite. Certaines personnes, par rapport à leur vie professionnelle ou personnelle, n’ont pas forcément le temps non plus. Malgré tout, sortis du boulot ils vont se mettre à crafter à fond. C’est le résultat qui compte, certaines personnes mettent beaucoup plus d’investissement et de temps à créer un costume et ça c’est appréciable, là on peut dire que la personne elle a construit quelque chose de ses mains, elle s’est investie. Alors que d’autres portent juste un costume mais elles n’ont pas le mérite d’avoir créé quelque chose ou de s’être investis.

diane et rudolph

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Tanguy : Pour commencer, je vous propose de vous présenter.

T : J’avais vu le terme cosplay placard. R : C’est ça, c’est les trucs bidon. Achetés vite fait sur internet. Et ça, mettons, quand il y a des concours de cosplay, ces personnes ne devraient pas y participer.

En anglais, to do crafts veut dire faire des travaux manuels.

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T : Mais justement, il n’existe pas des concours où ça ne doit être que de la création ? R : Oui c’est ça, c’est ça.

diane et rudolph

D : Il y a des concours tels que le World Cosplay Summit qui sont vraiment focalisés sur la création.

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R : Là on peut dire que c’est du haut niveau. Moi ce n’est pas mon truc de participer à ce genre de concours, je pourrais participer à un petit concours. Je l’ai fait, il y deux semaines je l’ai fait pour une petite sortie pour la journée spéciale Japon de la bibliothèque de Brumath. J’avais fait mon premier manga, j’avais jamais fait de manga, j’avais plutôt l’habitude de faire du Star Wars. Mais là j’avais un personnage de manga qui me plaisait bien, là j’ai des photos et

je suis assez content parce que moi qui n’ai pas de machine à coudre j’ai cousu le costume à la main. Je me suis démerdé à faire quelque chose et justement, certaines personnes se donnent les moyens, elles se forcent et là c’est appréciable, quelque soit le résultat. De toute façon, il y a toujours quelque chose à améliorer, il y a certains cosplays un peu faits à l’arrache et d’autres où les finitions sont superbes même si on peut toujours améliorer son costume. T  : Il y un peu cette notion du Do it Yourself finalement dans le cosplay, non ? D : On réapprend toujours comment faire du cosplay, que ce soit au niveau de la couture, ou d’autres techniques.

Le fait de faire un costume en entier, au début j’ai regardé comment faisait ma mère puis je me suis débrouillée toute seule et puis j’ai regardé un peu sur internet des patrons même si j’ai toujours eu le don de changer les patrons. Et au fur et à mesure des cosplays qu’on crée, on voit le progrès qu’on a fait, on fait une meilleure finition, on s’habitue. R : C’est ce que moi j’appelle le souci du détail. Au début quand on crée, on n’est pas forcément méticuleux, on va faire ça sans voir les rabats, la couleur, la finition de la couture n’est pas forcément bonne. Parfois je vois d’anciennes photos, je me dis : « ah mais merde, ce que j’ai fais c’est vraiment mes débuts «. Entre temps il y a eu de l’amélioration, il y a des choses qui se sont ancrées dans la gestuelle, on a le souci d’observer ce qui n’est pas bon dans la finition. T : Tu as aiguisé ton œil en fait. R : C’est ça, c’est comme la création artistique, au début l’artiste il peut très bien faire des choses qui ne marchent pas très bien mais au fur et à mesure de ses créations il va aussi se démarquer sur d’autres projets. Moi je sais qu’en électronique, je ne suis pas un as mais j’arrive à faire certaines choses alors que certaines personnes font que de l’électronique mais sont des quiches en couture. Moi je ne suis pas un pro en couture mais je sais qu’en travaillant certaines choses j’arriverai

à m’améliorer. En costume il y a plein de choses qu’on peut crafter, qu’on peut créer soi-même, on ne sera pas forcément plus à l’aise dans un domaine particulier. T : Est-ce que vous vous êtes rencontrés dans le milieu du cosplay ? D  : Oui, la toute première fois qu’on s’est rencontrés c’était il y a 3 ans à la Japan Addict à Strasbourg. C’était mon tout premier costume, je ne savais pas coudre, j’avais fait un costume de geisha avec une amie et puis on avait fait notre première prestation sur scène, c’était tout nouveau pour nous. On s’était rencontrés dans la cour, lui était en Sith avec son sabre laser à double lame et il s’amusait dehors, nous on était complètement admiratives. « Comment tu fais ? C’est toi qui l’as fait ? « Et c’est parti comme ça, sur son sabre laser ! T : Donc souvent les conventions de mangas, ça empêche pas qu’on croise des personnages de comics ou autres. Le WCS, qu’est-ce ? Eh bien en 2003, TV Aichi (petite chaine de télévision régionale japonaise) a décidé d’organiser une rencontre (un sommet) entre cosplayeurs de plusieurs pays. Au début, il n’y avait que 5 pays : Japon, Allemagne, Italie, USA et France, bien sûr. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, ils sont plus de 20 pays, et le WCS se clôture par une grande compétition internationale qui permet de rapporter chez soi le titre de World Cosplay Summit Grand Champion (que la France a reçu en 2007). Page Facebook de la World Cosplay Summit. Rassemble une culture du « fait à la main «.

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D : Non.

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D : Il y a souvent un thème à une convention mais ce n’est pas une obligation de venir dans le thème, ça fait juste qu’il va y avoir une majorité dans ce thème là. Ce week-end il y avait des pokémons de partout mais Rudolph était en Kakashi (NdR : personnage de la série Naruto) et moi j’vais des petites oreilles de chat.

R : On n’était pas dans le thème mais on était venus costumés. Moi je pars du principe que quand je fais une convention je viens costumé. Je ne vais pas payer l’entrée pour venir en visiteur ça ne m’intéresse pas, autant être dans le thème, s’infiltrer un petit peu et se faire prendre en photo.

avec des yeux émerveillés pour nous prendre en photo.

R : Quand quelqu’un fait un cosplay, qu’il s’est investi un peu et qu’on lui demande une photo on sait qu’il y a une certaine reconnaissance. La personne est admirative déjà du personnage en lui-même et après du cosplay. Même moi, mon personnage que j’ai fait, je ne pensais pas qu’il allait avoir du succès alors que c’était les vingt ans de Pokémon. Le nombre de photos que j’ai fait avec des gens qui étaient admiratif du perso pour mon premier cosplay de manga j’étais super content quand même !

R : Ce n’est pas le but du cosplay mais c’est quand même la reconnaissance de porter son costume et d’avoir une création de soi.

T : Et est-ce quand vous faites un cosplay et que vous vous baladez avec dans la convention vous essayez de jouer le caractère du personnage, d’imiter sa démarche ? R : Oui, il y a quelque chose de théâtrale, même beaucoup. Pour les photos généralement, quand quelqu’un est admiratif, on va essayer de reproduire une gestuelle ou une mimique du manga. Ce week-end j’étais en ninja, donc par rapport au personnage j’avais un masque, un œil spécifique et dès qu’une personne le reconnaissait et voulait prendre une photo j’essayais de prendre une position propre au personnage. Et ça, ça plaît. D  : Et on est toujours content quand quelqu’un nous regarde

D : C’est sûr, après il y en a toujours qui n’ont pas d’expérience en costume ou pas les moyens d’en faire soi-même. Je ne dis pas que c’est mal, il y a toujours une polémique sur les costumes achetés, mais quand même quand on l’a fait soi-même, on est assez fier de l’avoir fait, de le montrer, de dire « Regarde j’ai perdu mes mains ou péter les plombs pour faire ce truc ! « R : Pour un gilet que j’ai fait, que j’ai cousu à la main, j’ai récupéré une doublure d’un vieux gilet pare-balle évidé, j’ai tout retaillé et recoupé aux ciseaux et refait les doublures en tissu. Puis j’ai cousu à la main, parce que je n’ai pas de machine à coudre. Et le nombre de fois que l’aiguille m’a traversé le doigt, mais bon on continue. Et un truc en plus que j’ai fait sur ce costume et qui a beaucoup plus, j’ai reproduit un système électronique avec son et lumière par rapport à une attaque qui est spécifique au personnage, j’ai réussi à refaire une carte son électronique avec des sons du personnage et les gens étaient assez émerveillés parce que c’est le truc en plus qui apporte une autre dimension. Et ceux qui me connaissent et qui savent que je

diane et rudolph

diane et rudolph

R : Par exemple, là pour les vingt ans de pokémon de la Japan Addict on était inscrits à un groupe de cosplay mais je n’avais pas les moyens et puis j’ai abandonné finalement. On s’était lancés mais je n’avais pas envie de faire plus.

T : Donc le fait d’être pris en photo vous intéresse aussi ?

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fais du sabre laser savent très bien que j’ai ajouté une touche d’électronique à mon personnage et que c’est ma touche personnelle. T : Diane, est-ce que tu étais fan de manga à la base et ça t’as donné envie de faire cosplay ?

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D : Oui c’est ça, quand j’ai découvert le manga, j’ai vraiment aimé ça puis je suis tombée par hasard sur google image, sur des photos de cosplay et j’étais assez admirative. Je me suis dis pourquoi pas se lancer là-dedans. R : Pour revenir au gilet, c’est vraiment du fait-main, la couture ce n’était vraiment pas ma spécialité donc j’ai pris du tissu j’ai fait un patron à l’arrache en faisant un gabarit. Tu vois la finition ce n’est pas top non plus à l’intérieur. D : Généralement quand on fait du cosplay c’est ça, c’est beau à l’extérieur et à l’intérieur il ne faut pas regarder. C’est du bricolage, quand on n’arrive pas très bien l’important c’est de faire beau à l’extérieur ! T : Est-ce que vous avez déjà fait des prestations sur scène lors de concours ? D : Moi j’en ai déjà fait.

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R : Moi Star Wars une fois, en combat, pour la Japan Expo. C’était une prestation à partir d’une vidéo qu’on a remis en action.

T : D’accord, donc souvent ça tient presque du spectacle, du théâtre. D : Oui, après ça dépend du personnage qu’on met en scène. On peut très bien faire une prestation comique en présentant le personnage et en riant de ses défauts ou on peut faire quelque chose de plus sérieux, avec de l’action, des scènes de combat épiques. Seul ou à plusieurs, c’est assez varié, ça dépend du personnage et de ce qu’on veut faire. R : Certains le prennent très au sérieux, quand ils vont se préparer pour faire une chorégraphie ils ont fait ça pendant cinq/six jour. Puis deux heures avant la prestation ils répètent encore les mouvements dans les loges. D : Oui après il faut quand même s’entraîner pour faire quelque chose de jolie.

cosplayers sont sponsorisés, moi j’ai déjà poussé une gueulante làdessus. Ils sont sponsorisés par exemple par wizard par rapport à certains costumes et quand tu vois leur page facebook il y a un petit bouton où ils vendent leur photographie à 20 ou 40 dollars. Pour moi ce n’est pas ça le cosplay, ils sont en train de tuer le cosplay, ce n’est pas des cosplayers. Parce qu’en fait ils font peut-être des choses eux-mêmes mais par moments ils sont aidés par une équipe et, de plus, ils vendent leurs photos. Pour moi ce n’est pas ça le cosplay. Les vrais cosplayers ça reste les personnes de base qui auront fait leur truc et qui seront heureuses de le porter, sans pour autant commencer à vendre des trucs par derrière. Moi c’est un truc que je vois beaucoup et ça m’horripile. Après on voit

des jeunes de dix, douze ans qui sont émerveillés et ça casse un peu le mythe du cosplay. Le but du cosplay ce n’est pas de gagner de l’argent c’est d’avoir une reconnaissance personnelle du travail qu’on a fait et c’est un plaisir à porter, c’est surtout ça l’esprit du cosplay. Ce n’est pas de se faire sponsoriser et de vendre des photos. Il y en a certains qui ne partent de rien, qui n’ont pas les moyens. Il y a beaucoup d’étudiants. Moi j’ai un boulot, j’ai une petite rente qui me permet d’acheter du matos. Mais quand je vois quelqu’un qui n’a pas de travail, qui est étudiant, qui a peut-être une bourse minable et pas de revenu et qui arrive quand même à produire quelque chose, pour moi c’est ça un vrai cosplayer. Il a réussi à avoir un objectif tout en ayant trouvé les

T : Quelle place prend le cosplay par rapport à votre vie professionnelle ou dans votre vie privée ? D : Moi j’aime bien travailler le bois et donc j’essaie de me réorienter dans cette filière-là, et finalement le cosplay c’est intimement lié, avec les armes en bois, des trucs comme ça. R : Ça c’est un truc que je dis beaucoup, malgré qu’il y ait certains grands cosplayers connus mondialement, pour moi le cosplay ça doit être festif, pour moi ce n’est pas un métier. Alors certains

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moyens d’avoir un matériel sans beaucoup d’argent à la base. T : Pour toi le côté do it yourself est hyper important et quand on passe une certaine limite où c’est monétisé ça ne compte plus.

T : Mais pourquoi le cosplay ne pourrait-il pas être un bon moyen de faire de la publicité pour les entreprises ? R : Le problème c’est que le cosplayer qui fait ça il est rémunéré alors que l’étudiant qui fait une armure à partir de rien il n’a rien et c’est dégueulasse. Certains sont idolâtrés parce qu’ils ont réussi à faire un cosplay magnifique alors que, certes ils ont fabriqué et peint leur armure, mais le système électronique ou le châssis en imprimante 3D n’a pas été fait par cette personne-là, ça a été fait par quelqu’un d’autre, également sponsorisé le plus souvent, et au final ça devient une mini-entreprise. Pour moi le cosplay ça doit être fait soi-même. D : Après tu peux être aidé par des amis.

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R : Oui voilà moi ça me gêne pas si quelqu’un à besoin d’électronique

T : Donc tu as aussi une autre activité de fabrication de sabre laser ? R : C’est personnel, quand je peux, quand j’ai les moyens parce que c’est extrêmement cher. C’est ma passion aussi, j’aime bien fabriquer des sabres laser. Je fais partie d’une communauté, la forge du sabre laser, on est tous des fans de Star Wars, de construction, français. On partage notre savoir-faire, le but c’est de mettre en commun notre savoir faire et quand on a un souci on va être guidé pour apprendre à trouver la solution, on va tout nous servir sur un plateau d’argent. On partage nos idées, nos conseils techniques, nos liens, tout ça c’est gratuit. C’est l’idée d’une communauté, c’est fait pour s’entraider, on peut se faire des critiques constructives. Ce n’est pas destructif contrairement à certains sites de cosplayers qui se disent communauté mais quand tu arrives tu poses une question, tu postes ton projet de cosplay,

directement tu te fais lyncher on te dit que c’est de la merde. D : Il y a un aussi un gros problème par rapport à la morphologique de la personne. Par exemple, si je veux faire un personnage noir alors que je suis blanche sans me mettre le make up, il y a des gens qui peuvent te lyncher pour ça. Pareil pour les problèmes de poids, il y a des personnes qui ont un peu de poids mais qui vont adapter le cosplay à leur morphologie et ça va donner quelque chose de magnifique. R : Moi je dis qu’il y a des cosplay qui ne sont quand même pas adaptés par certaines personnes. Moi j’ai fait un cosplay parce que le personnage me plaisait mais on m’a dit que physiquement j’avais le gabarit. Certaines personnes on voit qu’elles font leur personnage alors qu’elles n’ont pas le physique pour. Elles le font quand même après si elles ont fait un truc bien même si ça leur va pas elle se sera donnée les moyens et c’est ça qui compte. Ce n’est pas de la critique, c’est personnel. D : Je connais deux amies, elles avaient fait en duo un costume d’un personnage qui est presque à poil, et elles ont réadapté le costume pour elles, on pouvait voir presque toute les fesses et tout le devant et elles ont adaptés pour que ça ne choque pas et c’était bien fait. Si on suit trop la référence, notamment pour les costumes très dénudés, qui tiennent par magie...

R : ...ça tient plus du tout ! Surtout si la personne elle a dix douze ans. C’est beaucoup vu en convention il y a beaucoup de photographes qui sont assez pervers et qui prennent que des photos de filles, de fillettes qui sont dénudées et qui n’ont pas peur. À un moment faut pas abuser, la gamine elle a treize quatorze ans et elle se fut à moitié à poil c’est choquant. Ça on le voit beaucoup en convention. T : J’avais entendu parler d’une polémique de personne qui venait en duo, l’une attachée en laisse... R : ça c’est un truc qu’on voit souvent. Un exemple connu que j’ai déjà beaucoup vu sur des photos américaines, c’est les Leia Slave dans Star Wars. C’est une tenue du désert et elle est enchaînée parce qu’elle est esclave mais elle reste assez sexy. C’est pour

Marque de plastique thermoformable servant à la fabrication, notamment, de fausses armures ou de fausses armes.

diane et rudolph

diane et rudolph

R : Oui ça ne compte plus. Il y a beaucoup d’Américains ou d’Allemand, je ne vais pas citer leur nom. Mais je le dis clairement, tous ceux qui sont sponsorisés par exemple par worbla ce n’est pas des vrais cosplayers.

ou de points de soudure, c’est le but de l’entraide, mais je ne vais pas demander dix ou quinze euros pour souder quelques fils et mettre quelques lumières. Par contre si quelqu’un me demande un sabre laser ou autre là c’est propre au projet sabre laser, ce n’est pas du cosplay là, c’est un projet différent donc oui, ça demande de la main d’œuvre donc je vais demander rémunération. Mais en tant que cosplayer on peut toujours aider.

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R  : Pour des concours de haut niveau, par exemple en Amérique, les lots c’est des trucs de taré.

T : Ah oui, ça peut être intéressant quand on veut faire d’autres cosplays ensuite.

D  : Il y a parfois même des voyages. Généralement, si on

R : À la Japan il y avait eu aussi une rétribution ?

D : Il y a aussi le problème de la compétition au lieu de l’amusement, de gagner un concours à tout prix. Et c’est vraiment dommage parce qu’il y a des cosplayers qui font des cosplays magnifiques mais qui ne jurent que par la compétition et qui crachent dans le dos des gens pour gagner.

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D : Il y a eu une Japan Addict ou ils avaient gagné 70 € en espèce et des goodies. R : Voilà ce n’est pas fou mais c’est de bonne guerre.

T : Et quel est le comportement de vos proches ou de votre famille par rapport à cette pratique du cosplay ?

D  : Alors qu’en Allemagne ils gagnent pour le premier prix des matériaux ultra chers et, pour l’année suivante, le ticket de la convention et l’hôtel offert. Ça dépend de la portée de la convention. Vous prenez la Japan Addict de ce week-end, ils ont juste gagné un petit diplôme tout mignon avec le personnage dessus.

D : Ça c’est la bonne question, ça dépend. Pour ma part, ma mère a toujours été fascinée par la société japonaise, elle est comme moi par rapport à ça. Alors que mon père c’est vraiment le contraire, il déteste tout ce qui est japonais, pour lui le cosplay c’est un truc de tafiole, on va dire. Ça dépend vraiment de la personnalité. Il y en a qui comprennent que c’est une passion comme les autres et il y en qui ne le comprennent pas et qui ne voient pas ça d’un bon œil.

R : Certains c’est plus pour le fun qu’ils font ça.

T : Et est-ce que tes proches font du cosplay ?

D : Ça dépend, pour la World Cosplay Summit il faut quand même un peu de sérieux parce que c’est quand même un gros truc. Mais généralement quand on fait une prestation, tout seul ou en groupe, c’est plus pour le fun, pour avoir une sorte d’interaction avec le public, le faire rire, montrer son beau costume. On veut quand même le montrer si on fait le costume c’est quand même pour le montrer. Et puis après quand on gagne un prix on est content mais sinon tant pis. Moi j’ai toujours fait des concours toute seule j’en ai jamais gagné aucun. Mais je n’ai pas pour autant pleuré dans mon lit parce que j’avais rien gagné, ceux qui ont gagné le méritent aussi, ils travaillent aussi.

D : Mes proches ? Oui, la plupart de mes proches, pas dans la famille mais quasiment tous mes amis font du cosplay, sauf ceux peutêtre que je connaissais avant de me lancer dedans.

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T : Et ce type de compétition ça aboutit à quoi comme prix ?

prend la World Cosplay Summit, il y a des présélections pour chaque pays et ils sont par deux, et lorsque qu’ils passent la sélection, ils ont un temps donné pour refaire un costume pour la World Cosplay Summit qui se déroule au japon, c’est-à-dire qu’ils ont le voyage compris etc. Et après au concours même tu peux gagner de l’argent et les prix, premier prix, deuxième prix, sont vraiment reconnus mondialement. Après pour les plus petits concours, ça dépend, moi je fais des conventions françaises et des conventions allemandes. En France, généralement, on a un petit diplôme pour les toutes petites conventions mais on peut aussi gagner des matériaux.

ça que maintenant Disney, qui a repris Star Wars, veut bannir ce personnage et les photos liées à ce personnage parce que forcément Disney c’est lié à l’enfance et il ne faut pas montrer cette image de la femme, sexualisée.

R : Pour ma part, j’ai toujours eu un esprit un peu débrouillard et bricoleur. Donc en faisant de l’électronique je me suis mis à bricoler mes premiers sabres laser. Après avec mes parents on n’est pas trop proches je les vois pas souvent mais ma mère suit

Les goodies regroupent les produits dérivés d’univers fictionnels ainsi que les cadeaux publicitaires pouvant être fait par des marques.

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pourrais mettre ma tenue dans un film. Et nous on fait ça pour représenter l’ordre Rebel, pour représenter le monde Star Wars et lorsqu’on fait des sorties costumées, c’est pour des œuvres caritatives. La Rebel Legion et la 501e Legion, ça peut être pour aider des enfants malades, pour des hôpitaux, pour des crèches. Lorsqu’on fait ça on reçoit rien, on n’est pas rémunérés, on reçoit des dons sous forme de chèques reversés ensuite aux structures. T : C’est pour ça que tu supportes encore moins les cosplays sponsorisés ? R : C’est tout à fait ça. À part mon site où je monnaye rien et c’est des créations personnelles, quand je suis en jedi c’est pas pareil. Après une personne qui a besoin de conseils je peux lui en donner, pour faire quelque chose de plus réaliste mais après c’est pas mon but de faire des concours en jedi. C’est vraiment pour le plaisir d’aider des enfants. Porter le sabre laser et prendre des enfants avec des yeux

émerveillés, c’est pour les gens et pour les enfants. Et je distingue ça du cosplay, qui n’est pas caritatif. La Rebel et la 501e, ça vient des États-Unis à la base, l’association ne touche rien, les dons sont directement reversés. T : Revenons à la question de la photographie, vous êtes donc pris en photo par des gens en festival mais après il y aussi des shooting ? Vous en avez faits ? D  : Moi j’en ai déjà organisés, par exemple je vis à la campagne alors il y une belle forêt pas loin, du coup un shooting photo en forêt ça rend mieux. Parce que c’est vrai que des photos en convention c’est bien mais c’est plus joli avec un paysage derrière, ça donne plus de réalisme au personnage. R  : Pareil, j’ai un shooting ce week-end, dehors à la Japan, il y a généralement des photographes en convention, ils aiment bien trouver un coin tranquille pour prendre la photo du personnage.

reconnue et elle m’avait dit qu’elle se rappelait de tel costume que j’avais fait, qu’elle suivait ma page facebook, ça m’est arrivé que deux fois mais j’étais super contente, ça fait vraiment plaisir. Pareil l’autre fois j’étais dans une convention en Suisse, à Bâle, et une demoiselle super mignonne vient et me dit en anglais que je fais des trucs super beaux et ça donne toujours un côté important à la chose et ça fait plaisir. T : Moi j’ai fait le tour de mes questions je ne sais pas si vous avez encore une anecdote ? D : Oui, moi j’avais fait un moment un cosplay d’un garçon et une amie était en fille mais dans la logique du manga moi je devais être plus grande qu’elle mais en réalité c’était l’inverse.

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ma page facebook elle aime bien savoir tout ce que je fais vu que je ne donne pas trop de nouvelles ça lui permet de voir un petit peu certains de mes projets. Sinon ça les dérange pas plus. Après ils savent que je suis doué sur certaines choses, ils ont aucune opinion là-dessus, ils trouvent que c’est sympa. Après quand je fais du cosplay c’est pour moi c’est du bricolage, après quand je fais du Star Wars c’est différent. Je suis costumé en Star Wars ce n’est pas vraiment du cosplay, vu que je fais partis d’une association, la principale, la Rebel Legion. C’est différent, on est costumés par rapport à une charte spécifique régie sous Disneyland. On n’appartient pas à Disney mais on a des contraintes de costumes, des chartes spécifiques à l’inscription, et après on est évalués aux États-Unis, il y a un jury. Moi mon jedi, c’est un jedi générique, ce n’est pas pour moi, je ne vais pas faire des concours de cosplay avec. Je l’ai construit moi-même mais selon une charte très précise, mon descriptif de tenue a été validé par les américains, je

T : Avec la position, etc. On joue plus le personnage ?

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D : C’est ça, on donne vraiment du réalisme au personnage, on est contents de voir le résultat généralement. On le poste sur facebook. D’ailleurs, j’avais fait un costume Star Wars, une sœur de la nuit et ça fait toujours plaisir d’être reconnue. J’avais croisé une mère de famille qui m’avait

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R : Parfois on fait des photos assez drôles par moment. Quand on fait des photographies avec des semiprofessionnels ou professionnels, ils voulaient faire des photos dehors parce qu’ils ne voulaient pas des photos intérieures. Là on avait fait des photos sérieuses, propres au personnage, et quand il fait froid dehors et qu’on est à moitié dénudé et qu’il commence à pleuvoir on a moins envie de rigoler. Mais après on peut faire des photos plus drôles, ça c’es plus à l’intérieur, de la déconne entre amis. On peut faire deux types de photos dans le cosplay : on est sérieux parce qu’on veut représenter le personnage mais après entre nous on se lâche.

T : Donc il y a une photo où on est le personnage et une photo où on est soi-même dans un costume ? D : Voilà c’est ça ! Il y a une photo ou on se lâche, surtout quand on joue un personnage sérieux au bout d’un moment on a envie de faire les cons ! T : O.K. Merci beaucoup à vous deux pour votre temps et j’espère qu’on pourra se revoir bientôt !

diane et rudolph

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Alors on le voit pas sur les photos mais elle faisait vraiment une position de gymnastique où elle était à moitié accroupie au moment de la photo, c’est ça qui est marrant. Mais ça se voit pas, il faut avoir un amie qui prend la photo. C ‘est ça qui est marrant aussi, autant parfois on fait les choses au détail près et parfois on fait de ces trucs...

D : Ah mais j’en ai une en plus elle est marrante !

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représentation et reconnaissance du cosplay par le grand public, argent (ou la professionnalisation du cosplay).

Premières recherches

Définition

Le cosplay dans les médias,

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Hors de l’entretien, Diane m’a aussi parlé d’une polémique qu’il y avait eue par rapport à Anim’est, elle me transmet l’article qui parle de lui-même : Annuler ne leur a pas semblé tenir de l’évidence. Les organisateurs issus de l’école des Mines et de Telecom se sont réunis à 7 h 30, samedi matin, pour décider du sort de leur convention sur la culture japonaise et les mangas, qui a réuni 7.000 personnes, l’année dernière. « On était partagés. On sait qu’on a un public fidèle, et on ne voulait pas entrer dans le jeu des terroristes en nous privant de notre liberté de nous rassembler, en restant dans la peur « rapporte Maxime Genay, coprésident de l’association organisatrice Anim’Est. Des membres de l’association sans nouvelles d’amis parisiens ont fait savoir qu’ils ne seraient pas de la partie.

Les jeunes gens qui se pressaient hier par centaines pour pénétrer dans la convention manga, moyennant un prix de 10 € la journée, 15 € les deux jours, ne se posaient guère de question, ou si peu. « Il ne faut pas jouer le jeu des terroristes «, lâchait Olivier, en costume d’Aladin, traînant à sa suite une jeune fille déguisée en infirmière Silent Hill , blouse blanche maculée de faux sang et visage défiguré par un masque gore. Les deux jeunes gens, et les centaines d’autres qui les entouraient, semblaient inconscients du décalage extrême entre leur joie, leurs costumes, et les massacres de Paris. Ils étaient évidemment incapables d’en tirer une conclusion. Philippe MERCIER

Armes factices interdites

Le cosplay étant issu de l’univers du manga ou du jeu vidéo, il était malheureusement évident de constater que ses pratiquants étaient encore incompris par de nombreuses personnes. Sans compter l’absurdité de ce pseudo-journaliste dans ses propos, rapprochant les attentats de Paris à un événement festif et inoffensif. (Mais si je me mettais à commenter les propos d’un journal de droite j’allais rapidement dériver...)

Les étudiants ont décidé de maintenir leur convention en apportant quelques aménagements : renforts de police devant le centre Prouvé, fouilles poussées des visiteurs à l’entrée du centre des congrès, et interdiction de porter des armes factices dans l’enceinte de la convention, sauf sur scène, durant le concours de Cosplay, concours de costumes de héros de séries japonaises faits soi-même.

Par ailleurs, j’étais heureux de découvrir cet attachement du fait-main qui n’était pas nécessairement évident pour moi au début. Le mot « costume playing « étant très attaché à la prestation et à l’incarnation du personnage, j’en avais presque oublié la fabrication du cosplay, que je ne pouvais m’empêcher de rapprocher de la création artistique, ou tout du moins artisanale.

Une minute de silence aux victimes des attentats a également été respectée, en début d’après midi. « J’ai été confronté au même problème le 11 septembre 2001 « confie un père de famille qui amenait ses enfants à la convention. « J’organisais un congrès de géologie au palais des congrès de Nancy. Il y avait beaucoup de participants américains. Après avoir vérifié qu’aucun collègue n’était touché personnellement par le drame, on avait décidé de continuer « se souvient Raymond Michels, géologue au CNRS.

Pour appuyer ce propos, je tombais aussi sur un dossier rédigé hitek.fr : UNE ARRIVÉE TARDIVE EN EUROPE, MAIS UN DYNAMISME IMPORTANT

le cosplay dans les médias

le cosplay dans les médias

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2015/11/15/nancy-les-mangas-desarmes

« On aurait pu annuler totalement. Financièrement, ça n’aurait pas mis en péril la convention, parce que nous avons une clause de cas de force majeure dans notre contrat avec le centre des congrès «, poursuit Maxime, qui n’a reçu aucune consigne d’annulation de la préfecture de Meurtheet-Moselle.

Il faudra attendre le milieu des années 90 pour voir l’Europe s’intéresser au phénomène cosplay. France, Italie et Allemagne sont les pays les plus actifs. La scène européenne s’illustre non seulement par son fort attachement à la fidélité et par la réalisation intégrale du costume. Un soin tout particulier est accordé à la réalisation des armes et des nombreux accessoires. Notez que dans les concours, les cosplay intégrant des parties directement achetées en magasin et non confectionnées par le cosplayer lui-même, ne sont pas autorisés à participer à la compétition. L’une des marques de fabrique du cosplay européen est sa dimension spectaculaire. Ainsi, les adeptes ne contente pas de défiler en costume, ils se livrent des combats virtuels, reproduisent des dialogues célèbres ou des scènes cultes. http://hitek.fr/actualite/dossier-cosplay-histoire-origines 2190

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Entre temps, on me conseilla de voir The Cat, The Reverent & the Slave, d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita, pour la partie sur les furries mais aussi pour le rapport à Second Life et aux univers virtuels (auxquels les cosplayers avaient aussi un rapport tout particulier). J’avais en réalité déjà vu ce film et, en revoyant des extraits de celui-ci, je compris une chose : comme beaucoup d’autres, et comme le pseudo-journaliste cité ci-dessus, la personne qui m’avait conseillé ce film percevait les cosplayers comme des marginaux. Dans mon sens il ne s’agissait que d’une passion parmi tant d’autres, et ces pratiquants étaient sûrement plus nombreux que pour d’autres loisirs de niche. J’essayais même de trouver des chiffres pour prouver cela : à défaut de trouver un nombre de cosplayers en France, je m’apercevais que la Japan Expo comptait plus de 247 473 visiteurs pour son édition 2015 (pas tous des cosplayers mais quand même) contre 145 000 pour le salon mondial de l’horlogerie de Bâle, pourtant bien plus prestigieux. Cette comparaison pouvait sembler absurde mais elle me permettait d’appuyer que le cosplay était quelque chose de beaucoup plus répandu qu’on ne pouvait le penser. L’indication de cette référence filmographique révélait autre chose  : on assimilait parfois les cosplayers aux excentriques croisés dans les rues de Tokyo ou de Londres, comme nous le montraient les livres de Masayuki Yoshinaga & Katsuhiko Ishikawa. Alors que, comme me l’avaient indiqué Diane et Rudolph, le cosplay prenait bien place dans un cadre très précis. J’observais alors le besoin d’extraire le cosplay à cette image d’adolescent/ d’adulescent bizarre ou marginal, pour en faire quelque chose d’aussi noble qu’un artisanat, ou au moins d’aussi normal qu’aller dans un club de foot le dimanche.

Le terme Furry possède différentes significations dépendant du contexte dans lequel il est utilisé. De manière prédominante, le furry est utilisé pour désigner le fandom furry, c’est à dire tout ce qui est en rapport avec les animaux anthropomorphiques et qui est organisé ou créé par la communauté furry. Il peut être aussi utilisé dans les sens suivants: Personne: Un/Une Furry, désigne la personne présentant un intérêt pour le furry et souhaitant faire partie du fandom furry . Personnage: Un/Une Furry, peut désigner un personnage comportant des caractéristiques furry (animal anthropomorphe), il est préférable de le garder couplé avec le mot personnage dans ce cas: Un personnage Furry. Dans le cas de personnage n’ayant pas été créé dans le Furry il est préférable d’utiliser le mot adéquat selon le contexte (toon, personnage, animal..). Dans le cas d’un personnage appartenant à un Furry, le mot fursona est parfois aussi utilisé. Adjectif: désigne la caractéristique furry, c’est à dire se rapportant au sujet des animaux anthropomorphiques, par exemple des dessins furry. http://fr.wikifur.com/wiki/Furry Chiffres tirés de http://www.jeuxactu.com/japan-expo-2015-voici-le-nombre-de-visiteurs-cetteannee-99640.htm & http://www.chronotempus.com/guide/salon-baselworld/

représentation et reconaissance du cosplay par le grand public

représentation et reconaissance du cosplay par le grand public

Dans tous les cas, cet entretient m’encourageait à poursuivre une démarche documentaire en rencontrant d’autres cosplayers.

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représentation et reconaissance du cosplay par le grand public

Par ailleurs, et toujours sur M6, était passé un documentaire sur le cosplay dans l’émission 66 minutes, que le site internet cosplay-France décrivait de la manière suivante :

L’émission Cousu main, présentée par Cristina Cordula, dépoussière l’image de la couture et surfe sur la tendance du «do it yourself» en mettant à l’honneur des couturiers amateurs qui vont développer leur savoir-faire. Dix passionnés de 24 à 60 ans et de tous horizons se retrouvent autour de leur passion : la couture. A travers les différentes épreuves qui vont leur être proposées, ils devront prouver qu’ils sont capables de confectionner des vêtements de qualité et tendance, voire de transformer de manière inédite et spectaculaire certains vêtements basiques. Ils seront accompagnés et jugés lors des différentes étapes de création par des professionnels de la couture : Amparo Lellouche et Julien Scavini, qui évalueront leur maîtrise technique et l’originalité de leurs créations

66 minutes, c’est le rendez-vous télévisé hebdomadaire qui décrypte notre société pour Monsieur et Madame Toulemonde. Cette semaine la Famille Toulemonde est donc parti en voyage au pays des photos payantes, des fans costumés et du business Geek. Un reportage très complet à mille lieux des habituels cliché : ici le ton est respectueux et ça fait du bien.

http://www.m6.fr/emission-cousu main/concept.html

Ainsi, dans la saison 2, une des participantes, Nadia, était cosplayeuse. Un blog, pas du tout orienté vers le cosplay, la présentait de la manière suivante : Cousu main saison 2 c’est 12 candidats en compétition : voici Nadia âgée de 29 ans, elle travaille comme webmaster. C’est une passionnée depuis son enfance pour la couture. Elle participe à de nombreux concours dans le cosplay, c’est une vraie perfectionniste. Nadia a un fort caractère qu’on va découvrir dans Cousu main chaque samedi sur M6. http://www.nouveautes-tele.com/26443-nadia-cousu-main-saison-2-m6.html

Je noterai un peu plus tard que Nadia serait la gagnante de cette émission. Ce qui ne pouvait que favoriser la valeur du cosplay dans ses exigences manuelles.

Les équipes ont suivi les (super)héros de ce reportage sur plusieurs jours, plusieurs semaines et même plusieurs mois dans le cas de Valérie, alias Lucioles, cosplayeuse reconnue dans la communauté cosplay française. Ils se présentent, décrivent leur parcours et donnent à la communauté des fans français une image plus mûre, plus à l’aise dans leurs baskets et en phase avec la vie réelle. Un mot sur la sécurité en convention est le bienvenue, notamment à propos des répliques d’armes et du plan Vigipirate. Quelques erreurs se sont bien sur glissées dans le reportage mais l’ensemble reste plaisant et très éducatif. Le business des conventions, la venue des acteurs américains, la participation à un concours de cosplay, l’installation d’un stand mais aussi la Fédération Française de Sabre Laser et beaucoup d’autres sujets sont abordés de façon simple et accessible. Ce reportage est un véritable souffle d’air frais au pays des comptesrendus télévisés de conventions où se mêlent normalement les mots « adulescents «, « bizarres « et même « déconnectés de la réalité «. Exit le sensationnel, ici ce sont la passion et l’investissement qui habitent ces fans et ont changé leur vie qui sont mis en avant. La preuve qu’avec un peu de curiosité et pas mal de professionnalisme il est possible de présenter les amateurs de Pop Culture sous un angle plus respectueux et plus proche de la réalité. http://cosplay-france.com/cosplay-m6-lucioles-66-minutes/

représentation et reconaissance du cosplay par le grand public

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Heureusement, il arrivait que le cosplay obtienne un début de reconnaissance, j’évoquais ici l’émission Cousue Main de M6, décris de la manière suivante par la chaîne :

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Une autre information qui m’avait marqué durant ce premier entretien résidait dans cette aversion pour le cosplay qui fait gagner de l’argent. Essayant moi-même de gagner de l’argent par ma passion, je restais relativement perplexe quant au fait de renier les personnes, dans ce milieu, qui tentaient de gagner de l’argent avec leur passion pour le cosplay. Je repassais d’abord rapidement sur Wikipédia où il me semblait avoir survolé quelque chose sur le sujet : De plus, depuis quelques années, certains voient le cosplay comme un moyen de se faire de la publicité à peu de frais. Ainsi, des cinémas font rentrer gratuitement les spectateurs qui viennent déguisés lors de la sortie d’un « gros titre « (comme Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux). D’autres enseignes, telles que la Fnac et les Galeries Lafayette en France, organisent même des concours ou des animations autour du cosplay. Le cosplay se développant est de plus en plus catégorisé. On voit désormais des distinctions nettes entre cosplayers expérimentés, cosplayers classiques et cosplayers libres. Sont considérés comme cosplayers expérimentés, les cosplayers ayant une certaine renommée sur les réseaux sociaux, régulièrement invités en tant que juges dans des conventions internationales et un palmarès important dans les concours internationaux tel que le WCS (world cosplay summit), l’ECG (European cosplay gathering) ou en tant que membres représentants de leurs pays respectifs. Les cosplayeurs sont souvent appelés cosplayers pros mais c’est un raccourci mal employé pour les désigner, puisque le qualificatif de «pro» renvoie à des personnes gagnant leur vie grâce à cette activité. Ce qui n’est pas le cas en France. C’est pourquoi le terme «expérimenté» est préféré au terme «pro» qui, selon les cosplayers expérimentés, a une connotation péjorative. Sont considérés comme cosplayers classiques, les cosplayers débutants ou confirmés participant à des concours cosplay généraux. Sont considérés comme cosplayers libres, les cosplayers ne participant pas aux concours généraux ou internationaux. C’est également parmi eux que se comptent le plus de cosplayers pratiquant ce que le reste de la communauté appelle le cosplay placard (cosplay acheté ou conçu à l’aide de vêtements existants). Cette manière de pratiquer le cosplay étant la moins considérée et très mal acceptée par la communauté. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cosplay

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J’avais toujours du mal à comprendre ce problème avec le fait d’être « pro » et de gagner de l’argent par le cosplay...Était-ce un sentiment d’injustice pour ceux qui n’en faisaient qu’une passion ? Cela me semblait un peu déplacé, la passion provenant quand même d’un choix de vivre son activité. C’était finalement comme si un peintre du dimanche

reprochait à un peintre professionnel de gagner sa vie. Le décalage avec cette comparaison tenait peut-être du fait que les rares cosplayers réellement professionnels ne faisaient pas leur cosplay eux-mêmes : mais dans ce cas que faisaient-ils ? J’avais l’impression qu’on pouvait par exemple prendre des modèles professionnels exécutant une prestation rémunérée incluant le port d’un costume comme des cosplayers, alors qu’au contraire il ne s’agit « que « de modèles. Le cosplayer professionnel serait-il justement cet artisan du costume de fiction, faisant tout lui-même et gagnant sa vie en participant à des concours ou à de l’événementiel. Pure fantaisie ou cas extrêmement rare ? Ou alors il y avait une sorte de dualité inconsciente entre les honnêtes cosplayers faisant du cosplay pour la beauté de l’art ou la charité (comme nous l’avais expliqué Rudolph dans le cas de ses cosplays sur Star Wars avec la Rebel Legion) et les malhonnête cosplayers se faisant de l’argent sur...sur quoi finalement ? Sur leur passion ? Sur le fait que des gens les soutenaient, comme cela pouvait être le cas de n’importe quel artiste ? Le cosplay semblait se tenir dans une situation plus compliquée que je ne le pensais et j’avais besoin de creuser le sujet. Par ailleurs, je trouvais l’idée de la pub à moindre frais par le cosplay pas plus gênante que de faire gagner des places de cinéma en imprimant un jeu concours sur des paquets de chips, et sûrement plus amusante. Enfin, dernière chose concernant le texte Wikipédia, je pensais qu’il était dommage de hiérarchiser le cosplay, et cela me semblait aller à l’inverse des valeurs d’amusement et de festivité que défendait Rudolph. J’allais sûrement rencontrer d’autres cosplayers « confirmés « et je redoutais de trouver d’une part cet aversion pour la monétisation de leur pratique (bien que je n’étais pas non plus d’accord pour une monétisation abusive) et d’autre part ce mépris pour le cosplay placard (qui pouvait être une chouette expérience sur le plan du jeu théâtrale en convention - même si évidemment il ne devait pas être jugé au même titre qu’un costume faitmain sur le plan de l’investissement et de la créativité). J’allais rencontrer Akemi Cosplay dans quelques jours et, en attendant, je creusais la question de l’argent sur un site plus spécialisé : POURQUOI LES COSPLAYEURS TRAVAILLENT GRATUITEMENT ? – KOTAKU Un article publié sur Kotaku Australia a attiré l’attention de nombreux cosplayeurs et fans de cosplay à travers le monde. Mais qu’est-ce qu’ils en pensent du coup, chez Kotaku, des cosplayeurs professionnels ? Hayley Williams, auteur de l’article de Kotaku, s’attaque au mythe de la cosplayeuse professionnelle qui se fait des millions en portant des costumes sexy dans les conventions du monde entier tous frais payés. Dans un article illustré par des photos de cosplayeurs payés par des marques pour les représenter elle dresse un état des lieux du marché du travail cosplayesque. Des différentes façons de gagner de l’argent grâce au cosplay en passant par les tarifs des babes en convention, tout est passé au crible.

argent (ou la professionnalisation du cosplay)

argent (ou la professionnalisation du cosplay)

Malheureusement le reportage n’était plus disponible en replay et je n’ai donc pas eu l’occasion de m’en faire ma propre opinion.

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argent (ou la professionnalisation du cosplay)

Le problème que pose les réactions des entreprises qui s’attendent à ce que les cosplayeurs soient fiers de les représenter, la réalité d’un job de cosplayeur pro (6 heures d’affilée dans un espace bondé, sur talons et dans un costume généralement inconfortable...), les soucis que rencontrent les cosplayeurs qui se professionnalisent... Cet article répond à beaucoup de ces questions que les fans de cosplay ne se posent même pas toujours quand il est question de la professionnalisation du milieu. Bref un papier à lire absolument qui se fini par une vidéo de Stella Chuu, cosplayeuse et artiste burlesque, qui explique ce que c’est que d’être une « cosplayeuse pro «, combien d’argent on se fait et de quelle façon. Pauline http://cosplay-france.com/pourquoi-les-cosplayeurs-travaillent-gratuitement-kotaku/

Voilà une mise en bouche fort intéressante et qui piquait mon intérêt de part sa pertinence (ou sûrement parce qu’il rejoignait les questions que je m’étais posées ci-avant). L’article nous invitant à lire un autre article en anglais, je le laissais en suspend le temps de rencontrer Camille, qui officiait sous le pseudonyme d’Akemi.

Premières recherches

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Ici il est même question d’aborder enfin le sujet qui fâche, le tabou ultime concernant la professionnalisation du cosplay : les cosplayeurs eux-même sont en partie la raison pour laquelle on n’entend pas les rémunérer pour leurs services. En effet la Communauté Cosplay est peut-être l’une des seules à refuser aussi catégoriquement que certains fassent de l’argent grâce à ce hobby. Un sujet qui fâche quand on l’aborde et qui cristallise toute la frustration d’une génération de cosplayeurs qui s’accrochent encore à une tradition d’amateurisme qui n’a jamais réellement existé (il suffit de voir le nombre de cosplayeurs qui sont aussi artistes, stylistes, couturiers et j’en passe dans le monde entier et depuis plus de 15 ans).

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Entretient avec Camille

DĂŠfinition

Premières recherches

mercredi 2 mars 2016

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Tanguy : Pour commencer, je veux bien que tu te présentes en deux mots. Camille : Je m’appelle Camille, je viens d’avoir 18 ans et je suis élève en terminale littéraire au lycée La doctrine chrétienne à Strasbourg.

C  : C’est une passion, c’est quelque chose que je fais depuis longtemps, que j’adore faire. Clairement si je n’en fais pas je ne me sens pas bien. C’est vraiment quelque chose qui m’a permis de rencontrer pleins de gens, de développer de la créativité et de découvrir plein de choses. T : Comment en es-tu venue au cosplay ? C : De base j’étais fan de mangas et puis petit à petit, avec internet j’ai découvert le cosplay, et puis les conventions aussi. J’y suis allée avec une amie, j’ai vue plein de gens déguisés et je me suis demandé ce que c’était. Je me suis renseignée et j’ai trouvé ça super cool donc j’ai voulu essayer. T : C’était quoi ton premier cosplay ?

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C : C’était Misa Amane dans Death Note mais ce n’était rien de cousu, juste des habits que j’avais pris. Je m’étais fait deux couettes mais c’était il y a longtemps. Le premier vrai costume que j’ai cousu c’était Danearys de Game of Thrones.

C : Non, il suffit que le personnage me plaise. C’est juste des personnages de fiction que je choisis de reprendre. T  : Donc dans les conventions, même orientées manga, les cosplays qu’on voit ne sont pas forcément issus de ces univers ? C : Non, mais s’il y a des thèmes j’essaie d’être dans le thème ça peut être sympa. Même si généralement il n’y a pas de restriction, on peut faire ce qu’on veut. T : Et est-ce que tu as déjà participé à des concours de cosplay ? C : Je fais des concours depuis à peu près deux ans et demi, j’en fais dès que je peux. C’est avant tout pour m’amuser plus que pour gagner parce que c’est l’occasion de passer sur scène de montrer tout ce qu’on a fait. Généralement c’est sympa et il y a une bonne ambiance. T : Comment ça se passe les coulisses d’un concours de cosplay ? C : C’est très bruyant ! On est tous à l’arrière, on se prépare, on met nos perruques, nos costumes et puis après on a un ordre de passage défini. On passe sur scène durant un temps donné, différent si on est en solo ou en groupe, et on fait ce qu’on veut. On peut créer une bande son, prendre une musique, danser, on peut recréer

des scènes des animés. C’est comme on veut du moment que il n’y a rien de too much bien sûr, mais c’est totalement libre et le principal c’est de s’amuser. T : Et il y a des prix ? C  : Oui, après ça dépend des conventions mais généralement il y a trois prix et des fois des prix coup de cœur. Le costume est pris en compte bien sûr mais aussi la prestation. Un super costume qui a une presta pourrie n’aura pas le premier prix comme l’inverse. Il y a beaucoup de critères mais généralement c’est juste. T : Qu’est-ce que tu entends par prestation ? C : Ça va de la danse au chant, il y a de tout.

camille

Définition

T : Qu’est-ce que c’est pour toi le cosplay ?

T : Tu ne fais pas juste du manga ?

T : Qu’est-ce que la pratique du cosplay t’a appris ? C : La couture ! T : Est-ce que tu y serais venue autrement que par le cosplay ? C : Franchement, je ne sais pas. Je ne pense pas parce que c’est vraiment ça qui m’a lancé. Au début je ne faisais que des cosplays, maintenant je fais aussi des tenues pour moi. Je pense que sans le cosplay je ne me serais pas intéressée à la couture, pas autant que maintenant en tout cas. Nom donnés aux dessins animés japonais.

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T : Quelle place prend le cosplay dans ta vie ? C : Une place assez importante, même si les études passent avant bien sûr. Mais dès que j’ai du temps libre ou que je n’ai pas cours si j’ai un costume à faire ou que j’ai envie d’en faire un, je vais utiliser ces heures- là. Mais une fois que j’ai fini mon travail. Globalement ça va je n’ai pas trop de charge de travail donc c’est assez conciliable.

C : Au début j’y pensais, je voulais travailler dans la couture mais après je me suis rendue compte qu’avec le bac que j’avais fait le métier que je visais aurait été vraiment trop dur à atteindre. Il y aurait eu trop de choses à refaire et finalement il n’y a pas beaucoup de sécurité de l’emploi. J’ai discuté avec pas mal de gens que je connais qui font ce genre de métier qui m’ont dit : « méfie-toi ce n’est pas toujours facile « donc je me suis dis que j’allais garder ça à coté. Et j’avais aussi peur qu’en en faisant mon métier je perde la passion et n’aie plus la même envie de faire donc finalement je vais faire dans le notariat, je pense. T  : As-tu déjà remporté des concours de cosplay ?

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C : Oui, je n’ai pas forcément eu le premier prix mais j’ai souvent

T : Qu’est-ce qu’on peut recevoir comme genre de prix ? C  : Ça dépend des conventions et ça dépend des concours. Par exemple l’ECG, European Cosplay Gathering, c’est la finale européenne de cosplay, la finale se fait à Paris et il me semble que les gagnants remportent un chèque de 400 € et des bons d’achat. Ou les présélections du World Cosplay Summit, il y a la finale à Paris et les gagnants partent au Japon représenter la France. Là c’est mondial et il y encore un concours après. Mais ça dépend des concours sinon. C’est des petits prix généralement : des bons d’achat, des goodies, des mangas des trucs comme ça, ça dépend. T : Finalement c’est le Japon le pays qui représente le plus la culture du cosplay non ? C : Je dirais que l’univers japonais est très présent dans le cosplay mais il y aussi des films ou des dessins animés d’autres provenances qui sont représentés. Niveau convention c’est plus les américains qui représentent les plus grosses conventions.

Après le niveau est élevé partout. Même si c’est l’univers japonais, même dans des conventions américaines, qui est le plus présent. T : Comment tes proches qui ne pratiquent pas le cosplay réagissent à ta passion ? C : Ma famille prend ça bien, souvent mes parents viennent me voir lors de conventions, quand je fais des prestations, ils aiment voir ce que je fais, donc dans ma famille c’est assez bien pris généralement. T : Le cosplay est parfois assez mal vu, est-ce que tu as déjà fait face à de mauvais jugements de la part d’autrui ? C : Oui, ça on y a toujours droit de toute façon, d’ailleurs ça vient souvent de l’intérieur de la communauté du cosplay. Ça se fait beaucoup de parler sur les autres, d’être jaloux, de vouloir rabaisser. Il y a des personnes qui sont spécialisées là-dedans. Ça ne fait pas toujours plaisir mais bon on finit par être habitués et on les entend même plus. T : Donc malgré la passion, il y a souvent une certaine concurrence entre les cosplayers ? C : Oui, c’est ça. Il y en a beaucoup qui préfèrent faire ça pour s’amuser mais il y en malheureusement qui font ça pour la compétition et c’est vraiment dommage parce que ça peut rendre l’ambiance

d’un concours assez lourde. Surtout dans les grands concours on ressent tout de suite en rentrant dans les vestiaires que certains ne sont pas là pour s’amuser et je trouve ça franchement dommage. T : Et t’arrive-t-il de faire du cosplay dans d’autres contextes que celui de la convention ? C : Pour les shootings, principalement. Pour avoir de belles photos c’est mieux de faire ça dans un lieu défini et on est plus tranquille aussi. T : Est-ce que les photographes avec qui tu fais tes shooting sont des professionnels ? C : Ça dépend, il y en a qui le sont et il y en a beaucoup qui font ça comme hobby mais ça ne les empêche pas d’avoir un très bon niveau quand même. À force d’aller dans les conventions, c’est comme les autres cosplayer, on finit par les connaître et puis on a des affinités, on se propose des shootings. Ce qui est bien c’est d’en connaître plusieurs parce que selon les costumes qu’on fait il y en qui vont avoir une meilleure vision pour celui-là ou pour l’autre, je trouve que c’est assez intéressant de travailler avec plusieurs photographes.

Convention de manga (et plus globalement, de culture asiatique) prenant place à Épinal.

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T : Est-ce que tu voudrais rattacher le cosplay à quelque chose de professionnel ?

des prix à la Japan Addict. Et l’an dernier à la Senyu j’ai eu un prix coup de cœur. Mais comme dit je n’y vais vraiment pas pour les prix, j’y vais avant tout pour m’amuser et le prix, forcément, ça fait plaisir mais c’est avant tout pour passer un bon moment sur scène et c’est ça le prix.

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C : Voilà, ou via facebook mais la majorité en convention. Il peut arriver que j’en contact parce que j’ai entendu parler d’eux.

plus gros. Mais oui il y en a qui réussissent, pas beaucoup, mais il y en a qui arrivent à en vivre. Des fois il y en a qui font aussi autre chose à côté, relié au cosplay mais ils ne font pas que ça, c’est plus rare.

T : J’ai vu que tu faisais également du Walt Disney...

T : Qu’est-ce qui peut-être relié au cosplay ?

C : Oui, j’aime beaucoup Disney, je suis une grande enfant et j’aime beaucoup les princesses Disney. Je compte en faire encore et j’aime bien les tenues et le meilleur c’est quand on va en convention et qu’il y a les enfants qui te voient arriver en princesse Disney et ça c’est énorme. Souvent quand je fais la Reine des Neiges il y a beaucoup de petites filles qui viennent me voir et franchement ça fait plaisir. C’est aussi pour ça que j’aime beaucoup faire du Disney.

C  : Je crois avoir vu une cosplayeuse qui est sponsorisée mais à côté elle est dans le design, il me semble qu’elle design des tenues lié à l’univers geek. Il en a qui font modèle photo, il y a Yaya Han qui est assez connue et en plus d’être cosplayeuse elle est modèle photo, il me semble que c’est ça aussi qui lui fait des revenus.

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T  : Généralement, tu les rencontres en convention ?

T : Donc tu te fais aussi prendre en photos en convention ? C : Voilà, oui. T : Est-ce que tu penses que certains cosplayers vivent de leur métier ?

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C : Oui, mais c’est surtout grâce aux sponsors, généralement ils sont sponsorisés par une compagnie qui leur fournit les matériaux ou qui leur donne des revenus ou alors en Amérique ou dans d’autre pays, c’est grâce aux revenus quand ils gagnent des concours parce que là-bas les chèques sont

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T : Tes cosplay, c’est aussi en groupe que tu les fais ? C : Oui !

T : Comment est-ce que tu diffuses les photos de tes cosplay ?

T : T’est-il déjà arrivé d’aller à des conventions dans d’autres pays ?

C  : Par facebook, des fois sur deviantart, je les mets parce que ça touche aussi des gens et c’est surtout parce que la qualité des images est meilleure que sur facebook où la qualité est compressée. Il y a World Cosplay aussi qui est beaucoup utilisé, là aussi il y a une bonne diffusion et une bonne qualité d’images. Mais à part ça il n’y a pas grand-chose.

C : Pas encore non mais j’aimerais bien ! T : Et est-ce que le rapport au cosplay est différent de celui qu’on a en France ? C  : Je n’ai pas encore pu expérimenter des conventions étrangères mais apparemment dans d’autres pays le cosplay est mieux respecté. Justement Diane,

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qui était dans des conventions allemandes, m’a dit que les gens ont pas du tout le même respect pour les cosplayers, ils font attention aux costumes alors qu’en France il y a des conventions où on risque notre costume à chaque fois. Je suis allée à Japan Expo, j’ai porté un costume il n’a pas duré plus longtemps qu’une journée, je me le suis fait déchirer, et me suis faite insulter en plus, donc ce n’était pas top. Mais ça m’apprend que malheureusement c’est comme ça dans cette immense convention. Ça donne pas envie de sortir des gros costumes parce qu’on se dit qu’ils vont être déchirés par des gens qui ont aucun respect. T : Et c’était accidentel ? C : Accidentel oui. Parce qu’il y a beaucoup de monde. Mais ça fait quand même pas plaisir, quand on marche et qu’on entend quelque chose qui se déchire, on dit « ah super, c’est dix heures de boulot qui partent en fumée d’un coup ! « Ce n’est pas top. T : Les gens ne se rendent pas forcément compte du temps qui peut être passé en couture. C  : Les non-cosplayers, ils ne se rendent pas compte généralement, ce n’est pas fait méchamment mais ils se disent que ce n’est pas grave, qu’on le recollera. Alors qu’ils ne savent pas que, non, parfois on ne peut pas juste recoller, on est obligé

de tout refaire. Ça dépend des pays mais généralement il n’y a pas le même rapport au cosplay dans d’autres pays. T : Et comment tu transposes des personnages de l’ordre du dessin animé dans notre réalité ? C : C’est beaucoup de réflexion sur les tissus, les manières de faire. Les tenues dessinées ce n’est pas forcément faisable dans la vraie vie, des fois c’est impossible donc on doit s’adapter mais généralement il y a toujours moyen de bidouiller, de se rapprocher du design d’origine. T : Voilà je suis arrivé au bout de mes questions, peut-être une dernière  : pour toi le cosplay reste une passion, est-ce que tu connais d’autres personnes qui sont dans une démarche plus professionnelle ?

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C : Généralement je fais ça avec mes amis parce que l’ambiance avant et sur scène est meilleure mais il peut arriver des fois si on voit qu’un autre cosplayer a fait un costume qui irait bien avec le nôtre et qu’on se dit qu’il est bien fait, on peut essayer de le contacter. Mais généralement je fais quand même ça avec des gens avec qui j’ai de l’affinité parce que je trouve que quand on s’entend pas dans un groupe ça se voit directement sur scène et puis de toute manière je n’ai pas envie de faire des groupes avec des gens que je n’aime pas, ce qui est logique. Je préfère faire ça avec des amis.

C  : Je n’ai pas énormément de fans anglais, ou du moins ils ne se manifestent pas trop en commentaire mais oui je préfère écrire en anglais, ça touche plus de gens. Il y a des gens pour qui, même s’ils ne parlent pas anglais, c’est plus pratique. Imaginons quelqu’un qui est italien, il ne comprend pas le français, le fait de l’avoir en anglais ça peut le toucher. Je suis pas mal de cosplayer qui sont étrangers et le fait qu’ils postent en anglais est pratique pour comprendre ce qu’ils disent. Mais quand ça concerne une convention locale, je ne vais pas le mettre en anglais parce que je ne vais pas dire à quelqu’un qui habite en Amérique « hésite pas à venir me voir « alors que c’est à Strasbourg. Malgré tout c’est une bonne manière de toucher plus de personnes.

T : Du coup comment est-ce que tu rencontres d’autres cosplayer ?

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T : J’ai vu sur ta page tu écris aussi en anglais, est-ce que tu as des fans ailleurs qu’en France ?

C : Non pas trop la plupart des gens que je connais font ça pour s’amuser ! T  : Très bien merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions. C : Merci !

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Bilan, Galatée,

Définition

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démarche, références.

Premières recherches

argent (2),

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Juste à la fin de l’entretien avec Camille, une étudiante de mon école m’aborda. Nous ayant entendus parler de cosplay elle m’indiqua qu’un de ses camarades de promo travaillait sur le cosplay et avait même fait son mémoire dessus. Quelle aubaine! Ce dernier s’appelait Michael Markasis et, aussitôt rentré chez moi, je me renseignais sur lui. Je passais évidemment en premier lieu par facebook. Je tombais très rapidement sur un projet nommé Galatée, c’est moi ! soustitré « Un récit dans le monde du cosplay ! ». S’agissait-il de son mémoire on d’un texte écrit en parallèle ? Dans tous les cas je prenais contact avec Michael afin de savoir si nous pouvions nous rencontrer.

En attendant, je retournais à la question de la professionnalisation et de la monétisation du cosplay que j’avais laissé en suspend. Je remarquais que Camille ne semblait pas plus émue par un lien plausible entre argent et passion et j’embrayais sur l’article de Kotaku qui m’avait été proposé : Why Cosplayers Work For Free HAYLEY WILLIAMS, 2 FEBRUARY 2016, 2:00 PM If you’re at all interested in cosplay then you’ve probably heard the rumours of so-called «professional cosplayers» - people like Jessica Nigri and Yaya Han who make costumes and fly around the world, presumably making bucketloads of cash from it. Yet the reality is that the number of people actually making a living from cosplay can probably be counted on one hand, for one simple reason - cosplayers are expected to work for free.(...) For those on the outside, there’s an assumption that well-known cosplayers with big follower numbers are somehow making money off that number. Unfortunately, the main social media channels for cosplayers like Facebook, Twitter and Instagram don’t hand on any of their money on to their users. In fact, Facebook is more likely to ask for money from people running cosplay pages. Before we get further into it, I should point out that there are two types of ‘professional’ cosplayers. The first are the craftspeople - like Volpin Props or God Save The Queen Fashions - professional fabricators and sewists who make and sell costumes, props and armour, and likely also subsidise that main income by offering classes, tutorial books and patterns for sale. The second type is the personality - like Yaya Han or Jessica Nigri - who market themselves as much as they do their skills.

argent (2)

bilan, galatée

L’interview de Camille fut plus concise mais me permit de confirmer certaines choses vis à vis du cosplay. Déjà, les cosplayers, même étant fans de manga et étant venus à la fabrication de costume par le manga, ne restaient pas cantonnés à l’univers du manga. Par ailleurs le rapport au fait main, à l’apprentissage manuel et à la passion étaient aussi bien présents. J’étais par contre malheureux de constater que la compétition, le concours prenait un aspect si négatif alors que, dans le cadre d’une passion, il aurait dû se montrer motivant. Était-ce lié à cette hiérarchisation du cosplay? Ou alors du rapport au jeu vidéo et aux mangas, où il s’agissait toujours de gagner en expérience et où était mis en scène un constant dépassement de soi? C’était peut être allé bien vite en déduction, surtout qu’il semblait qu’une minorité de personnes avait une attitude négative. De plus, cette hiérarchisation du cosplay semblait moins tenir à cœur à Camille. Elle vivait réellement le cosplay comme une passion et cela me donna bon espoir quant aux autres cosplayers que je pourrais rencontrer.

As it stands, there are a couple of ways for this type of cosplayer to make money. One is print sales, which are pretty self-explanatory, but also hard to properly monetise without a huge, devoted following and a solid sales plan. Another is crowdfunding, which is a different beast altogether, with its own collection of controversies and naysayers. The last consists of paid appearances - which could be anything from huge gaming expos like E3 to tiny local store openings. The problem with this last, and often largest, method for cosplayers to make money however, is that almost everyone expects cosplayers to work for free.

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This isn’t a new problem. Cosplayers themselves contribute to this expectation more than any others, as there has always been a huge community backlash against the idea of anyone making money from cosplay. No other community been so strongly opposed to the idea of ‘selling out’ since the punk music scene of the 70s. Every gruelling step cosplay has taken towards being something that you can make a living out of - Facebook pages, selling prints, crowdfunding, promotional appearances - has been consistently condemned and disowned.

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Unfortunately the idea that cosplayers shouldn’t get paid has become so ingrained that companies are taking notice - why would they pay upwards of $50 an hour for a professional promotional model when they know a cosplayer will do it for free, and provide their own costume to boot? Promotional models in Australia can earn up to $70 per hour at trade events - and they don’t come with the product knowledge, enthusiasm and self-supplied costumes that cosplayers have. While trade expos like E3 have long held to the tradition of booth babes, many companies are starting to realise that they don’t work - but cosplayers do. So why does the industry not value our time like they do their booth babes’? It’s simple: they know they can always find a cosplayer who will work for free.

Most often, companies will play to a sense of pride and accomplishment your cosplay was so good that we noticed it and we want you to represent us. It’s all very exciting for a while, but after an hour or so of acting the spokesmodel on a convention floor, you start to realise: this is work. Not just work, but hard work. While cosplay is a fun hobby to be involved with, there’s really nothing fun about standing in 6-inch heels and a heavy wig, smiling incessantly and handing out advertising material for four hours straight. Professional cosplay can be just as hard work as a retail job.

While for most of us cosplay is never going to be a full-time profession, we can at least make sure that our time and effort is respected as it should be. If we don’t value our own time, after all, who will? http://www.kotaku.com.au/2016/02/why-cosplayers-work-for-free/

Cet article, accompagné de la vidéo de Stella Chu, me permettait de comprendre les enjeux d’une professionnalisation du cosplay plus en profondeur. La première chose qui retint mon attention fut le fait que beaucoup de cosplayers travaillent gratuitement, et je ne pu m’empêcher de faire la comparaison avec les fameux « gratuistes « de ma profession, ces pseudo-graphistes travaillant pour le fun ou pour très peu, ce qui a pour conséquence de niveler vers le bas les tarifs des vrais professionnels. Au-delà de la comparaison, j’arrivai bien à comprendre la différence entre participer à un concours et fabriquer son costume pour le plaisir et sans pression, mais ne pas être payé. Et porter un costume imposé, parfois peu confortable, des heures durant dans un endroit bondé, et être payé. Les deux situations me paraissaient assez différentes pour justifier une rémunération de la seconde. Mais une fois de plus, et c’est le cas pour beaucoup de métiers étant issus de passions, on pouvait facilement prendre sur le dos du « Tu aimes faire ça alors pourquoi on te paierait ? «.

argent (2)

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It’s hard to tally the number of times I’ve been ‘offered’ an opportunity that has consisted of me giving up my time for no real reward. One store wanted me to work a three hour grand opening in exchange for a $50 gift card for their store. Conventions have asked me to be a guest, host three panels and a cosplay comp with only a free entry ticket in return. Local game-related institutions are always looking for cosplayers to turn up to day-long commercial shoots for their advertisements - you’ll get to see yourself in costume on the cinema screen when this ad is released!

of money I’ve made in my entire cosplay ‘career’ is around the same as the cost of two average costumes - and I’ve made 35 costumes in that time. Stella Chu is another example of a ‘part-time’ professional cosplayer, who recorded her thoughts about paid cosplay in a recent vlog(...)

There are some situations where asking for pay would just be inappropriate, of course. The well-known Star Wars costuming group the 501st Legion, for example, appear at charity events for free, and ask commercial events they work at to donate to a charity in their name. Unless it is a charity gig, however, it’s worth asking yourself if the people who want you to donate your time and skills for free are going to be making money off your generosity. Are they advertising for a game? Making money. Opening a store? Yup, making money. Sometimes you’ll be offered a free ticket for a convention or gaming expo - but you should carefully weigh up whether or not it’s worth it. If you’re only working one or two hours each day in exchange for an $80 weekend ticket, then sure, go for it. But spending your weekend at PAX working for free? Not worth it.

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Even though cosplay is making great leaps and strides towards being a legitimate profession, it’s still incredibly difficult to make any sort of decent money from it. Most cosplayers don’t rely on it as their main source of income either, but it can be nice to receive a little bit back for the amount that we spend on cosplay. To give you a rough idea, the amount

https://www.youtube.com/watch?v=Q8DbuTqeEGM

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Et là le problème était encore plus profond et plus général puisqu’il attraiyait à cet te assimilation du travail avec le labeur, avec le pénible, hérité de siècles passés et encore ancré dans nos esprits. Mais encore une fois je m’égarai. De plus, j’avais encore du mal à saisir d’où venait cette aversion souvent manifeste des cosplayers confirmés envers les cosplayers « pro «. Alors qu’à mon sens il était nécessaire d’encourager cela et qu’en plus, payer le cosplayer amènerait une meilleure reconnaissance de celui-ci dans la société, sans pour autant empêcher d’autres personnes de le pratiquer en hobby. Je décidais pour le moment de laisser ces interrogations de côté pour revenir à la question de la représentation du cosplay par les médias, il arrivait que les cosplayers restent très méfiants vis-à-vis des médias, comme pouvait en juger ce post sur la page facebook Cosplayers and co :

Je soulignais une phrase en particulier, qui me semblait résumer à merveille ce que je souhaitais transmettre au travers de ma démarche photographique : Le cosplay est une activité artistique et ludique. Certains ont même choisit d’en faire leur métier mais vous ne les verrez pas préparer la salade le soir en rentrant du boulot, en tenue de guerrier de l’espace... les cosplayers portent leurs costumes pour des événements bien précis et en rapport avec cette passion. J’avais alors envie de recréer cette scène banale du cosplayer qui prépare son repas le soir, et à partir de laquelle on ne pourrait deviner qu’à un ou deux détails son appartenance à la communauté du manga (un poster sur un mur, un morceau de tissu et un dé à coudre qui trainent sur la table). Cette phrase avait vraiment renforcé ma réflexion sur ce que je voulais montrer, et je m’intéressais alors à des photographes montrant de la banalité, ou des personnes dans leur environnement intime. J’orientais en premier lieu mes recherches autour d’un lieu qui reflétait bien souvent un univers personnel : la chambre. Quelle soit le territoire de l’adolescent, ou celui du jeune adulte en colocation, renforçait pour moi ce qu’elle pouvait transcrire chez un passionné de cosplay. Photographiquement, je trouvais peu de travaux satisfaisants sur ce sujet et je ne retins qu’une série d’une très jeune photographe, les Chambres d’Ado de Naomi Sem. De part le focus apporté sur la personne et le flou de son environnement, qui paraissait alors comme un prolongement du sujet, je me sentis proche de la démarche de Naomi. Mais il était évident que j’avais besoin d’élargir mes champs de recherches pour trouver d’autres échos dans des univers différents.

démarche, référence

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L’émission C’est mon choix revient... et s’intéresse aux cosplayers. Plusieurs de nos membres ont été contactés pour participer à cette émission mais tous ont refusé. La raison ? Ce genre de «show» n’est pas forcément objectif et nous ne souhaitons pas prendre le fort risque de passer pour ce que nous ne sommes pas, en enfonçant en même temps les cosplayers en général. Les cosplayers sont simplement des personnes (et pas forcément des djeun’s au collège ou au lycée) qui aiment incarner leurs personnages favoris, en confectionnant souvent eux-même leurs costumes ou en les achetant sur des sites spécialisés ou encore à d’autres cosplayers. Le cosplay se pratique lors de salons, conventions, défilés, concours, shootings, vidéos... bref, lors d’événements précis et dans des lieux appropriés. On peut apparenter le cosplay à du théâtre : voyez-vous les comédiens vivre au quotidien dans leurs costumes de scène et croire qu’ils sont leurs personnages ? NON. Le cosplay est une activité artistique et ludique. Certains ont même choisit d’en faire leur métier mais vous ne les verrez pas préparer la salade le soir en rentrant du boulot, en tenue de guerrier de l’espace... les cosplayers portent leurs costumes pour des événements bien précis et en rapport avec cette passion. Pourquoi ne pas y aller pour défendre notre passion vous nous direz ? Et bien les médias et la télé en général montre ce qu’elle veut bien montrer et comme elle veut bien le montrer. Le droit de regard et de validation avant diffusion est quasiment nul. Certains de nos membres ont déjà participé à des reportages, certains très bien, et d’autres réorientés façon «Mon conjoint fait du cosplay, il prend de la place et ne pense qu’à çà... il me délaisse et notre couple est en danger. Il a une pièce où il met tous ses costumes et va chez notre boucher en cosplay de Reine des Neiges, ne n’en peux plus» Bref, nous nous méfions de ce genre d’émission où l’animateur/trice et son public chercherons très certainement à déstabiliser les cosplayers, à se moquer d’eux pour ensuite faire un montage à leur sauce, sur lequel nous n’aurons rien à dire.

Si des cosplayers ont répondu présents pour passer dans cette émission nous leur souhaitons bonne chance, ne vous laissez pas déstabiliser et bon courage pour répondre objectivement aux questions qui vous seront posées Lourde est cette tache et en la Force des mots croire vous devrez

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La prison, par exemple, était un univers bien éloigné de celui du cosplay, et pourtant, j’étais sensible au traitement de la lumière opéré par Grégoire Korganow. Par ailleurs le fait d’intégrer le personnage au décor pour en renforcer l’attachement me semblait une option tout aussi intéressante que la première que je venais de dégager. Je passais par les mises en scène léchées de Lucie & Simon, qui, bien que démontrant une technique hors pair de la photographie, m’émurent moins. Je découvrais le travail de Lee Friedlander, dont le côté vivant me convainquit. J’appréciais les couleurs un pue fades de Hermine Bourgadier tout autant que je trouvais les concepts de Hans Eijkelboom très amusants. Bref, je m’étais un peu éloigné de mon sujet. Mais, à regarder tous ces travaux, je prenais conscience de toutes les options qui s’offraient à moi pour transcrire le message que je voulais faire passer au travers de mes photographies et il s’agissait alors de choisir le bon angle d’approche.

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démarche, référence

démarche, référence

La rencontre avec Melaynis, de son vrai nom Morgane, me permettrait peut-être de faire des choix.

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Entretient avec Morgane

DĂŠfinition

Premières recherches

mardi 8 mars 2016

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Tanguy : En premier lieu j’aimerais que tu te présentes. Morgane : Je m’appelle Morgane, j’ai 21 ans, je suis en première année de master à la fac de Lettres, en recherche et je me destine à l’enseignement, au lycée ou à l’université. Je fais de la recherche sur Baudelaire, Les Fleurs du mal.

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T : Est-ce que tu pourrais me donner ta définition du cosplay ? M : Le cosplay, pour moi avant tout c’est la fabrication et le partage qu’il y a autour de cette fabrication. Il y a tout un aspect technique, plus on fait, plus on apprend et puis il y a ce côté « partage « parce qu’on échange des techniques, on rencontre des gens en convention, des photographes, des autres cosplayers donc c’est vraiment un univers où on est en contact avec les gens plus qu’un sport traditionnel. T : Donc tu compares le cosplay à un sport ?

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M : Oui c’est sportif le cosplay ! Enfin c’est avant tout chronophage parce qu’il faut être là pour préparer le costume, se déplacer en convention, il faut faire des shootings photo si on veut immortaliser le costume avec des bonnes prises de vue donc c’est vraiment une passion à temps plein. C’est dur d’être dans la demi-mesure.

T : Sauf pour ceux peut-être qui ne fabriquent pas leur costume eux même. M  : J’aime beaucoup quand les costumes sont fabriqués. Je comprends que certaines fois, au début, on n’a pas le niveau pour faire certaines choses mais moi je suis vraiment très classique : j’aime que les costumes soient faits de A à Z. C’est comme ça que j’apprends de nouvelles techniques, en fonction de mes besoins. Avant le cosplay il y a toujours une phase de recherche, cette phase peut s’étaler du moment où on a l’idée du costume jusqu’au moment où on achète les premiers matériaux puis elle évolue constamment. Pendant la fabrication on va se rendre compte qu’il y a des techniques qui ne marchent pas, qu’il faut revoir, etc. La phase de recherche est immense, elle prend un temps fou, il m’arrive souvent de faire ça en cours même... Je vais bidouiller pour faire des recherches. Le choix des tissus et des matériaux, c’est hyper important donc il ne faut surtout pas se lancer là dedans sans avoir fait des recherches et pris des notes.

en prépa donc j’ai vraiment ralenti le rythme pendant deux ans parce que je n’avais pas le temps de m’atteler au costume et après la prépa j’ai vraiment commencé à m’y mettre à fond au point d’en faire tous les jours. T : Est-ce que tu peux me citer différents cosplay que tu as faits ? M : J’ai commencé par un de Black Butler, qui était un manga que je regardais quand j’étais plus jeune et donc j’ai eu envie de faire un costume du personnage de Queen Victoria. Je l’avais fait avec l’aide de ma maman puisque j’avais l’idée déjà d’une grande robe et donc elle m’avait filé des astuces. Après j’ai fait Zelda The Twilight Princess, j’aime beaucoup la sé-

T : Ça fait combien de temps que tu fais du cosplay ? M  : J’ai commencé en 2011, à l’époque je savais à peine coudre du coup mes premiers cosplay c’était un peu du test de techniques. Puis je suis entrée

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T  : Donc tu as déjà fait des concours de cosplay ?

T : Donc pour toi aussi le cosplay ne s’arrête pas aux mangas ? C’est étendu à tout personnage fictif ?

T  : Qu’est-ce que tu fais lors de ces concours ?

M  : Oui voilà. C’est vraiment une question de coup de cœur sur les tenues, j’aime les grosses robes, c’est une attirance de petite fille après je peux faire de tout il faut juste que ça me plaise, soit la tenue ou alors l’histoire du personnage. T : Et en plus de la tenue est-ce que tu essaies d’incarner le personnage ?

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M : J’essaie mais c’est compliqué. Par exemple pour Regina, être méchante tout le temps, ce n’est pas évident, tirer la tête, non, en convention j’ai envie de sourire. Mais sur scène il n’y a pas de soucis parce que justement je connais mon personnage, je ne ferais pas de personnage que je ne connais pas du tout.

M : Oui, le plus gros que j’ai fait date d’il y a pas longtemps, en février, c’était la World Cosplay Summit à la Japan Expo Sud. Là c’était un très gros concours avec un grand niveau, il y avait beaucoup de cosplayers que j’admire pour leur travail. Une scène super, un staff super, donc c’était ma meilleure et ma première expérience d’un très grand concours à vocation internationale.

M : Pour ce genre de concours normalement on ramène un décor pour aller avec la prestation et la prestation doit faire deux minutes trente maximum. On doit bien sûr faire quelque chose en lien avec notre personnage, comme c’est un concours un peu plus sérieux on peut faire de l’humour mais il vaut mieux quand même rester dans le caractère du personnage. On ne va pas s’amuser à faire danser Link de la série Zelda. Il y a de l’humour dans les plus petit concours mais dans les gros concours les gens ont tendances à être plus sérieux. Mais bon, ce n’est pas une véritable règle.

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rie, et Kouglof de l’illustratrice Sakizou, c’est super intéressant elle fait des dessins magnifiques, j’y connais rien en dessin mais j’ai eu le coup de cœur sur les tenues. Dans le monde du cosplay il y a beaucoup de cosplayeuses qui aiment faire ça parce que c’est plein de froufrous et de détails, moi j’adore ça. J’ai aussi fait Belle de Disney, mon dernier cosplay c’était un animé : PriPara, et aussi Regina de Once Upon A Time.

T : Est-ce que tu danses ou est-ce que tu chantes ? M : Alors je ne chante pas parce que je chante comme une casserole !

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Mais pour mon dernier costume j’ai fait du playback parce que les personnages étaient des petites chanteuses en herbe, du coup on fait semblant de chanter, on connaît la musique, on fait du playback et on danse en même temps, puisque ça correspond au personnage. Après ceux qui ont des scènes de combat ils vont se battre, ça dépend vraiment du personnage. T : Donc il y a de la scénographie ou de la chorégraphie qui est mise en jeu dans ces prestations ?

T : Est-ce que tu as déjà gagné des prix ? M : Oui, j’ai déjà gagné des prix dans les petites conventions strasbourgeoises, j’ai gagné des prix à Anim’Est, vu que je fais plutôt des conventions dans l’Est de la France. Je n’ai pas gagné de prix à Marseille par exemple parce que le niveau était tout autre.

T : Et quels sont les prix qui sont donnés dans ce genre de convention ? M : Ça dépend vraiment beaucoup des conventions. Il va y avoir des prix qui sont plus orientés, du genre « prestation «, « costume «, « coup de cœur «, c’est ceux qui reviennent le plus, et après il y a le classique premier, deuxième, troisième prix. Ça dépend vraiment des conventions. Anim’ Est c’est le système de classement qui mélange un peu prestation et costume. Moi le prix qui me fait le plus plaisir c’est le prix costume puisque c’est ça que je travaille le plus ! T : Comment tu en es venue au cosplay ? Par le manga ? M  : C’est plus un ami qui m’a conseillé de venir à une petite convention où on pouvait faire du cosplay. Comme moi je regardais un manga à l’époque et j’avais toujours eu envie de faire une petite ou une longue robe, je me suis dis que j’allais me lancer. Puis j’ai découvert là-bas qu’il y avait un univers du cosplay et ça m’a donné envie de me lancer à fond dedans. T : Donc le cosplay t’as permis de rencontrer des gens ?

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M : J’ai beaucoup de très bons amis qui viennent du monde du cosplay, j’ai forcément plus d’affinité avec les cosplayers parce qu’on parle technique etc. Mais j’ai aussi

des très bons contacts avec les photographes, professionnels ou amateurs, et comme ils sont intéressés par les collaborations avec des cosplayers il y a moyen de faire des belles choses aussi. Puis on rencontre aussi des gens qui suivent notre page et ça, ça fait plaisir. T  : Tu as une communauté de fans ? M : On ne va pas dire des fans, des fois c’est des cosplayers qui débutent et qui suivent un peu la page et qui sont contents de parler, d’échanger, mais ça c’est le cas pour beaucoup de cosplayers qui ont une page facebook un peu conséquente. T : Comment tes amis et ta famille hors du cosplay réagissent ? M : Je ne dis pas tout de suite à tout le monde que je fais du cosplay, les gens que je ne connais pas je ne sais pas forcément comment ils vont réagir. Après c’est souvent plus facile de dire que je fais des costumes, des grandes robes de princesses que des animés ou des mangas, ça passe moins. Mais mes amis proches le savent totalement et l’acceptent, de fois ils peuvent se demander pourquoi je mets une perruque rose mais ça ne leur pose pas de soucis. Et mon copain lui-même, avec qui je vis, il n’est pas cosplayer donc c’est encore plus difficile pour lui parce qu’il doit

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M  : Il y a beaucoup de travail de scène, oui. Évidemment, on peut toujours se décider au dernier moment, je l’ai fait

ce week-end parce que je n’avais pas eu le temps de voir mon partenaire avant. Mais pour les gros concours on fait nous même la bande son, le montage audio, on sait vraiment ce qu’il se passe et il n’y a pas une seconde d’hésitation.

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supporter le bazar, le bruit de la machine à coudre jusqu’à minuit. Mais il a vite compris que c’était une vraie passion et pas juste de mettre un costume. Il y a vraiment tout l’avant aussi, je trouve que faire son costume c’est vraiment le meilleur moment, plus que de le porter en fait.

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T  : Mais le porter n’est pas quand même une espèce de consécration ? M  : Ouais mais ce n’est pas ce qui me fait le plus plaisir. Après quand on a des belles photos, que le costume est mis en valeur c’est bien. Mais ce que je préfère c’est vraiment échanger avec un autre cosplayer sur les coutures, la fabrication, avoir des retours, etc. T : Pour en revenir au proches, comment réagit ta famille par rapport à ta pratique du cosplay ? M : Au début ils ne comprenaient pas trop mais maintenant ils ont compris que c’était important. Puis j’ai emménagé en début d’année avec mon copain donc ils sont contents de plus avoir le bazar à la maison ! T  : Tes parents viennent voir tes prestations ?

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M  : C’est arrivé au début mais comme en ce moment je délaisse un peu les conventions strasbourgeoises pour des plus importantes

ils ont plus eu trop l’occasion de venir mais ils m’ont dit qu’ils viendraient parce que je vais en faire des petites à Strasbourg au mois de mai et juin. Ils viendront pour me voir en Cendrillon. Comme il fallait énormément de tissu pour ce costume ils ont financé une partie à Noël sinon je ne pouvais pas me le payer seul. T : Je voudrais que tu me parles de ton rapport à la photographie. Comment se passent les collaborations avec des photographes dans le milieu du cosplay ? M  : Il y a des rencontres qui se font en convention, avec des professionnels ou des amateurs mais ensuite ils te retrouvent et te recontactent via ta page facebook en te demandant si une collaboration t’intéresse. Alors il faut faire attention parce que dans le milieu du cosplay il y a pas mal de photographes qui utilisent la photo pour approcher des filles, c’est triste mais c’est le cas donc il faut toujours un peu se méfier. Mais si on voit la page du photographe et qu’il a un véritable travail et que ce n’est pas juste intéressé on fixe un shooting et lors de la première fois on vient accompagné. On travaille différemment avec chaque photographe, il y en a qui vont beaucoup guider, demander tel type de pose et il y en a qui vont laisser le cosplayer comme un véritable modèle, être libre de ce qu’il a envie de faire.

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T : Et au niveau du choix des lieux ça se passe comment ? M : Ça dépend des personnages, de l’accessibilité, par exemple si le photographe a une voiture on y va ensemble, sinon on essaie de se débrouiller. Ça dépend des lieux qu’on peut avoir, si ce n’est pas trop cher pour y aller. Mais sinon, on essaie de trouver des coins à Strasbourg, le bouche à oreille fonctionne pas mal. C’est comme ça qu’on y arrive.

T : Mais ça arrive ? M : Je sais qu’il y a des tout petits créateurs qui font des choses pas très compliquées, des tenues d’écolières japonaises, j’ai une amie qui en fait. Moi je n’ai pas le temps donc je ne propose pas. Mais j’ai des amies qui arrivent à avoir quelques commandes sur l’année mais elles se font pas de l’argent véritablement, on passe toujours plus de temps que prévu pour faire les choses bien, comparé à ce qu’on avait calculé.

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M : Je pense que ceux qui gagnent de l’argent avec du cosplay sont vraiment très peu nombreux, c’est beaucoup de cosplayers américains hyper reconnus. Mais en générale quand on revend un costume c’est à peine le prix des matériaux utilisés, toute la main d’œuvre on oublie. Le seul moyen de gagner véritablement de l’argent avec le cosplay ce serait de faire un costume pour quelqu’un sur demande et du coup là il faudrait quand même que la personne paie, et le prix peut vite s’avérer exorbitant car tout est fait-main et sur mesure donc ça prend du temps. Je ne pense pas que beaucoup de gens soient prêts à payer pour cela.

T : Et qu’est-ce que tu penses de la manière dont les médias retranscrivent le cosplay ? M  : Alors ça c’est une catastrophe, ils nous font passer pour des gros débiles qui se déguisent les dimanches et qui sont totalement inconscients de la réalité. Par exemple, il y avait un article qui avait fait polémique. Le lendemain des attentats de Paris, on avait une convention, Anim’Est, et beaucoup de gens n’étaient pas venus car ils avaient peut-être des proches qui avaient étés touchés ou ils n’avaient pas le cœur à ça. Nous on était sur

T : Revenons-en au cosplay, justement. Tu disais avoir une véritable passion pour les robes, est-ce que tu pourrais me donner un exemple de cela ? M : Oui, en ce moment je suis en train de faire la robe de Cendrillon et j’ai eu besoin, juste pour le bas, de 95m de tissu. Par ailleurs, je crois que j’ai déjà bien dû mettre 400 € dans cette robe !

T : Niveau budget, est-ce que tu réussirais à faire une moyenne de ce dont tu as besoin comme apport financier pour faire un cosplay ? M : Je fais plutôt des costumes assez longs du coup j’y passe énormément de temps et donc j’ai un budget un peu plus important que si je faisais plus de costumes plus rapide. 400 € c’est quand même un de mes plus gros budgets, j’en avais eu un autre mais c’est parce que je m’étais trompée et j’avais dû recommencer des choses, mais Cendrillon c’est mon plus gros budget. Sinon je tourne autour de 150 €, parfois ça peut monter jusqu’à 200. T : Et quand tu les revends, c’est à combien du pourcentage du prix des matériaux utilisés ? M  : C’est ridicule, des fois on n’est même pas rémunérés au prix du matériel de base, parce que si je vends déjà une robe ou un costume à 150 € il y a peu de gens qui vont l’acheter. Surtout que le costume est adapté à ma morphologie, donc il faut trouver quelqu’un de grand, qui fasse du 38, qui a tel tour de taille. Des fois c’est vraiment fait sur-mesure donc c’est difficile de trouver quelqu’un qui fait ta taille et qui soit prêt à investir autant que le prix de revient pour un costume. T : Donc tu parlais de morphologie, comment tu fais la passerelle entre ton corps et celui du personnage ?

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T : Est-ce que tu penses qu’on peut gagner de l’argent avec le cosplay ?

place quand même donc on y est allés et on a eu un photographe qui d’ailleurs m’a prise en photo et m’a parlé très gentiment mais qui a fait un article dans l’Est républicain où il disait que les cosplayers se déguisaient pour s’amuser et étaient inconscients de la réalité. Nous on n’a juste pas voulu annuler notre convention et rentrer, parce qu’on s’est dit que c’était leur donner raison mais il ne faut pas croire qu’on n’avait pas le cœur grossi comme tout le monde. Mais la vision des journalistes qui n’y connaissent rien et qui essaient de nous faire passer pour des ahuris juste pour avoir des gens qui les lisent, ça c’est un peu gros à encaisser. Il y a peu d’articles qui montrent ce que c’est vraiment le cosplay.

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T : Du coup toi il t’arrive de faire du dessin ? M : Je dessine très mal mais je dessine toujours les costumes ou les pièces que je fais, mais c’est vraiment pour moi parce qu’il n’y a que moi pour comprendre mes graffitis. Je dessine les pièces parce que ça fait du bien de les poser à plat, de les décortiquer sur un papier. Quand c’est enchevêtré dans un personnage, on ne se rend pas vraiment compte de la manière dont c’est fait. Du coup on déshabille le personnage de A à Z, comment on pourrait faire telles pièces, les séparer les unes des autres, comment on les fixe. Souvent ce qui est dur c’est de les fixer, il faut que ça tienne et que ça tienne joliment. Et il faut se demander si c’est portable, confortable, ça c’est aussi un travail. T : Est-ce qu’il t’arrive de faire des commandes groupées de matériaux avec d’autres cosplayers ? M : Oui, on fait ça régulièrement. Pour les lentilles de couleur par exemple, on commande sur un site anglais, on fait des commandes groupées pour avoir les frais de port gratuits. Et les perruques aussi très fréquemment, il y a une excellente marque américaine, Arda Wigs, qui fait des perruques magnifiques mais, frais de ports et les frais de douanes obligent, on se met à plusieurs pour payer moins.

T : Donc ça se passe comment, tu es dans des groupes de cosplayer sur facebook ? M : C’est des amis, après il y a des gens qui peuvent laisser des contacts sur les groupes de cosplay, de demandes de commande groupée, mais je préfère commander avec des gens que je connais parce qu’il y a des fois des gens pas sérieux sur facebook qui se désistent au dernier moment quand la commande est déjà faite... T : Est-ce que c’est dur de définir à l’avance la quantité et le type de matériau dont tu as besoin ? M : Au début, si on ne connaît pas c’est dur, mais avec l’expérience quand on sait comment se travaillent les choses c’est beaucoup plus simple, on y arrive plus rapidement. J’arrive à décortiquer un costume assez rapidement et à savoir combien il faut de tissu, donc à déterminer le budget, puisque je connais le prix des tissus. Au début on prend bêtement ceux en magasin et on n’imagine pas que sur internet il y en a des beaucoup moins chers et de meilleures qualités. Mais c’est en faisant qu’on apprend et que ça va plus vite.

il y a des choses qu’on sait pas faire, puis au final c’est du gâteau. Et sur chaque costume on tombe toujours sur quelque chose d’un peu plus compliqué à faire et on apprend et une fois qu’on le maîtrise on peut facilement le reproduire. T : Est-ce qu’il y a de conférences ou des ateliers liés au cosplay ? M : Il y en a un petit peu mais pas beaucoup dans l’Est. C’est dommage, il y a des vendeurs de matériel de cosplay qui organisent des ateliers plus pour travailler sur ce qui est armure, avec des matériaux type worbla, thermoformable, mais il y en pas dans l’Est pour l’instant. T : Et ça se passe où généralement ? M : Surtout en région parisienne, ça fait un peu cher d’y aller juste pour un atelier.

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M : Il faut adapter. Déjà, on regarde 5000 fois ses images de référence, sous tous les angles, pour savoir comment est faite la tenue mais quand c’est à la base un dessin, une illustration, un manga, on ne peut pas retranscrire parfaitement. Par exemple, les jupes des filles sont tellement courtes que ce n’est pas possible, on est toujours obligé de rallonger et d’adapter sur soi. Quand c’est issu d’un film c’est un peu plus simple parce que c’est des tenues qui ont étés faites véritablement, en théorie, donc c’est plus facile à imiter fidèlement, au centimètre près. Mais quand on coud on doit faire un travail de modelage sur soi, c’est-à-dire travailler avec ses propre mesures. Il y a différentes méthodes un peu farfelues pour le faire, par exemple s’enrouler de cellophane recouvert de scotch pour avoir son propre patron. Et sinon c’est beaucoup de travail de patronage à partir de patrons déjà existants qu’on réadapte ou de la couture floue, c’est-à-dire qu’à partir du mannequin on pose le tissu et on l’ajuste en fonction de ce qu’on veut obtenir.

T : C’est payant ? M : Oui mais les prix sont accessibles. T : Et quels sont les organismes qui organisent ce genre d’atelier ?

T : Donc c’est un apprentissage constant ?

M  : Ce sont des entreprises de vente de matériel de cosplay. Il y en deux ou trois en France. Ils sont spécialisés là dedans,

M : Oui, pour rigoler on dit qu’on level up à chaque costume parce qu’au début, quand on commence,

Signifie « gagner un niveau «, référence à l’univers des jeux vidéos.

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ils s’appellent CosplayMat, ou Handicraft Cosplay. Et ils vendent du matériel spécifique au cosplay. C’est assez récent et c’est pas mal. Mais du coup c’est presque de la triche parce que quand j’ai commencé le cosplay on n’avait pas tout ça on se dépatouillait pour chercher le matériel. Là on peut faire une commande groupée, si on a besoin de perruque, de lentilles, on peut en commander là. Ça se développe énormément et même si je fais du cosplay depuis 2011, il y en a qui en font depuis plus de 10 ans, et qui faisaient leur cosplay sans perruque, les cheveux n’importe comment. Maintenant il y a un véritable progrès, il y a des nouvelles matières thermoformables qui sont découvertes, qu’on peut exploiter pour des armures, des astuces pour faire des broderies plus rapidement. Alors qu’avant c’était plus difficile, je pense, de faire un beau cosplay. T : Donc c’est un phénomène qui prend de l’ampleur ? M : C’est une mode qui est en train de venir, il y a beaucoup plus de cosplayers qu’avant et ça augmente toujours. T : C’est quoi l’âge moyen des cosplayers ?

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M : Alors il y a toujours les cosplayer qui mettent juste une perruque et qui court partout dans la convention. Ça pour moi ce n’est pas du cosplay,

ce sera plutôt des adolescents de douze/treize ans. Je dirais que la moyenne d’âge des cosplayers ce sera plutôt la vingtaine parce que c’est quand même quelque chose d’assez difficile de faire un bon costume, fidèle, et du coup on c’est déjà compromis quand on n’a pas un minimum de salaire, de technique. On n’apprend pas à coudre du jour au lendemain donc je dirais que c’est plutôt les plus de vingt ans. En tout cas chez mes amis cosplayers, à part Camille qui est assez jeune puisqu’elle a dix-huit ans, la moyenne d’âge est en début de vingtaine, mais il y en a qui ont plus de 35 ans et qui font encore du cosplay. T : Merci Morgane pour le temps que tu m’as accordé. M : Merci à toi !


Entre deux.

Cet entretien m’apprenait encore beaucoup de choses et me mettait face à de nouvelles problématiques de cet univers décidemment complexe du cosplay. Je trouvais notamment assez amusant ce rapport à la performance sportive et, à la fois, aux grandes robes. En tout cas j’étais une nouvelle fois heureux d’avoir rencontré une véritable passionnée, d’obtenir beaucoup de détails techniques et pratiques - en plus d’avoir du ressenti - et de constater qu’elle non plus, n’avait pas de problème avec le cosplay en tant que métier. Peut-être le premier entretien et mes premières lectures avaient dramatisé la situation ?

Définition

Je n’avais même pas le temps de poursuivre mes recherches que, quelques jours plus tard déjà je rencontrais Michaël Markasis.

entre deux

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Entretien avec MichaĂŤl

DĂŠfinition

Premières recherches

vendredi 11 mars 2016

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Tanguy : Pour commencer je veux bien que tu te présentes de manière très générale.

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Michael : Moi c’est Michael Markasis, je suis étudiant en Art, en cinquième année, aux Arts Décoratifs de Strasbourg.

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Donc ça fait maintenant à peu près six ans que je baigne dans les arts plastiques et ce qui m’intéresse particulièrement c’est la vidéo, la photographie, et notamment l’autoreprésentation  : Comment on se représente ? Comment on joue avec son image, son corps ? Comment on se modifie ? Mais tout ça quand ça reste dans un rapport à l’artifice, à l’illusion. Je n’inclus pas les choses qui vont être de l’ordre de la chirurgie, ce qui m’intéresse ce sont des maquillages, créer des prothèses et modifier de manière éphémère son corps. Puis jouer avec cette image modifiée de manière éphémère et qui, par la vidéo ou la photo, reste figée, ou en tout cas permet de conserver un personnage dans une durée illimitée puisque souvent je fais des boucles. De plus ce qui m’intéresse énormément c’est de reprendre des personnages existants, soit de la mythologie, ou en ce moment je m’intéresse aussi beaucoup à des personnages

de la culture populaire d’où la relation avec le cosplay. Comment tout ça peut aussi s’entrechoquer ? Parce que les mythes sont des choses qui reviennent et dont la culture populaire s’empare. Quand tu prends des personnages comme la Méduse ou la Gorgone, ce sont des choses qu’on peut très facilement retrouver dans des jeux vidéo, des mangas, des séries, ou dans des films. Et ce qui est intéressant c’est de voir comment tout ça peut être réinterprété. Donc les questions que je me pose en ce moment, c’est le rapport à l’image, comment on se transforme, comment on joue de son image dans notre société d’aujourd’hui. Finalement tout le monde se met en scène, que ce soit dans notre rapport aux réseaux sociaux, la photo de profil, le selfie. Comment tout ça est manipulé pour arriver à une image qui est celle qu’on veut voir et qu’on veut montrer, mais qui est peut-être aussi artificielle ?

T : Et donc dans ce travail-là quel est ton rapport au cosplay ? M : Le cosplay m’intéresse dans le sens où il y a un ensemble d’enjeux et de questions qui sont liés au fait de jouer, de s’identifier à un personnage qu’on n’est pas, de se l’approprier, de créer son costume et finalement de jouer pendant un temps donné un personnage autre, c’est-à-dire de prendre son identité. Ça rejoint ce que dit Roger Caillois au niveau des jeux dans son ouvrage Les Jeux et les Hommes, il parle du mimicry : c’est le fait, pour l’enfant, d’imiter l’adulte, mais ça ne veut pas dire que jouer signifie être. Quand il joue au policier il ne va pas devenir policier mais il se donne un cadre, un lieu, un espace et pendant ce temps là il est policier. Chez l’adulte ça consiste à se projeter dans des personnages fictifs et à les

incarner mais tout en ayant conscience du jeu, donc c’est agir en conséquence de manière à ce que le personnage existe mais tout ne sombrant dans une espèce de folie où finalement l’identité du personnage prend ton identité. Et ça c’est intéressant parce que le cosplay c’est exactement ça, je crée mon costume, une fois que je l’endosse je joue le personnage, puis je retire mon costume. Et il y a aussi des espaces propices à ce jeu comme les conventions. Dans mon travail c’est ces questions là que j’essaie de mettre en place. Pas forcément que par le cosplay, mais en tout cas j’ai besoin de passer par des enjeux que je trouve présent dans le cosplay. Comme si le cosplay nourrissait mon travail, pas formellement même si récemment j’ai fait une vidéo où je me travestis en le Joker de Batman et je joue devant le miroir ce personnage

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de fiction qui est quand même un pirate dans un film d’aventure alors que là ce ne serait pas présent, et donc ça ferait de nouveau référence à la mythologie grecque. An final je suis plus à la recherche de certains types de personnages, qui sont joués par le cosplay, et de la manière dont je peux détourner ces personnages de la culture populaire pour les ramener vers des choses plus anciennes, ou en tout cas vers leur mythe d’origine. Voilà des choses que j’essaie en ce moment d’intégrer dans mon travail.

T : Donc tu es cosplayer à la base ou tu as fait du cosplay parce que ça nourrissait ton travail ? M : À la base, j’ai fait du cosplay dès 2012, j’étais en première ou deuxième année à L’ESI (École Supérieure de l’Image) à Poitiers et je faisais cela en parallèle de mes études. Au début je n’ai pas intégré le cosplay dans mon travail, ça fait un an que j’essaie de l’intégrer. C’est plutôt que je me suis rendu compte que dans ce que j’avais engagé dans mon travail plastiquement, au début c’était

beaucoup des autoportraits, il y avait un ensemble d’enjeux qui étaient aussi présents dans le cosplay. Donc le cosplay me permettait de mieux définir mon travail plastique, mais juste du point de vue des enjeux, comme si j’avais besoin de passer par une étape pour revenir à mon propre travail, et ensuite petit à petit c’est devenu très présent. C’est vraiment un phénomène qui m’intéresse parce qu’il est aussi quelque chose de très contemporain, et je me suis rendu compte qu’il y avait des enjeux qui sont dans le cosplay et que je reprends dans mon propre travail mais qui donnent des formes qui sont pas du tout du cosplay : des autoportraits, des mises en scène. Le jeu devant les miroirs aussi parce qu’il y a un rapport à l’image, de projeter ce qu’on veut dans le miroir, qui n’est pas juste un lieu de découverte mais aussi d’imagination totalement fou. Mais en même temps je me suis dis que ça pouvait être intéressant de prendre ces personnages de la culture populaire et de les ramener dans le champ de l’art contemporain, parce que c’est aussi des problématiques assez intéressantes parce que risquées, en tout cas ça

peut poser problème, cette sorte de transgression. Par exemple là je vais faire une vidéo sur Narcisse et en face il y aura celle sur Davy Jones. J’ai fait aussi une vidéo sur Bacchus, et peut-être qu’en face il y aura le personnage d’Alice au Pays des Merveilles, mais prise d’un jeu vidéo, pas celle de Lewis Caroll. Donc j’ai aussi envie de confronter différent type de mythologies pour voir aussi comment ces personnages se répondent. Je trouve qu’il y a du bon et du mauvais partout et du coup je trouve ça aussi intéressant de se demander comment on peut aujourd’hui se réapproprier ces mythes et qu’est-ce qu’on peut en dire. Et comment l’un peut nourrir l’autre je ne suis pas du style à dire qu’il y a que la mythologie grecque qui va nourrir la culture populaire parce que le fait d’apporter un nouveau regard sur le mythe peut apporter des nouvelles lectures de l’ancien.

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qui semble se découvrir et qui est dans une espèce de rapport animal. En fait j’essaie de m’imaginer une fiction  : par exemple le Joker qui se découvre, qui découvre son image, dans un miroir. Et puis il y a aussi ce rapport aux mythologies  : comment des personnages de la culture populaire, donc qui ont une existence dans leur fiction, tu les ramènes dans notre monde en tant que cosplay, ce qui est un premier décalage  ? Le fait de les jouer et de les incarner c’est aussi une manière pour moi de revenir aux premiers mythes, aux mythes d’origine. Je peux prendre un exemple d’un projet que j’ai envie de faire : Davy Jones, de Pirate des Caraïbes. Lui c’est une reprise du mythe de Charon, de la mythologie grecque, c’est le passeur qui amène les morts dans l’autre monde. Et en fait c’est intéressant car il y a aussi, dans la version de Disney, un rapport à la malédiction. C’est quelque chose qui m’intéresse parce que c’est le type de personnage qui est prisonnier de ce qui l’est. C’est un personnage qui erre sur les mers et il n’a plus vraiment de but, c’est quelque chose que je trouve intéressant vis-à-vis de Charon, et je me demande comment ça peut être détourné ? C’est-à-dire que j’aimerais faire une vidéo où, vu que j’ai fait le costume de Davy Jones, je fais juste un personnage qui erre dans un lieu comme s’il était un peu maudit. Et en même temps ça détourne le personnage

T : Finalement, après avoir écrit un mémoire dessus, tu donnerais quelle définition au cosplay ? M : C’est vrai qu’après avoir écrit un mémoire dessus on arrive à mieux le définir !

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l’endosser, pour ensuite incarner un personnage, ce sont ces règles qui, une fois comprises et définies, permettent de mieux préciser ce qu’est le cosplay. Et pourtant il y a plein d’événements qui tournent autour du travestissement, donc une des bases de mon mémoire c’est de me dire que le carnaval, les Queers, les transgenres font partie de cette énorme histoire du costume et le cosplay c’est une toute petite branche et cette branche est définie par des règles très précises : il faut prendre un personnage de la culture pop, ou surtout d’une fiction, mais il faut que cette fiction existe par l’image. Si c’est de la littérature ça ne pourra pas marcher, parce qu’il y a ce besoin de reconnaissance, et il faut qu’on puisse reconnaître le personnage, ça se fait plus par l’image, qui a une sorte de véracité. Tandis que dans la littérature

chacun peut se faire sa propre image. Donc la fiction doit avoir une existence par une image fixe ou animée, mais pas de l’ordre de l’image mentale. Tout ça pourrait déjà suffire à bien définir le cosplay, si je rentre encore plus dans la définition il y en a pour des heures ! T : Donc tu renvoies vers ton mémoire ! M : C’est ça, oui, pour le coup j’inviterais à lire le mémoire que j’ai écrit ! T : Justement, il traite de quoi plus précisément ? M : C’est ni plus ni moins un mémoire qui a pris le cosplay comme une base et comme un prétexte pour à la fois parler du cosplay mais parler d’un ensemble de pratiques qui tournent autour, que ce soit aussi des artistes, de la philosophie, des personnes qui ont pu définir des choses en rapport avec les jeux, ou encore de la sociologie sur le rôle du costume. Et comment tout ça a nourri un ensemble de champs qui ont des résonances dans mon travail plastique et qui permettent aussi de poser des questions sur ce qu’est le cosplay, comment on le définit. C’est aussi peut-être, et c’est issu d’une discussion avec mon jury de mémoire, de dire que le cosplay est quelque chose de très réglé et qu’il serait donc intéressant de le dérégler. Par exemple de l’amener dans d’autres lieux

que des conventions pour peutêtre lui apporter un aspect plus politique, plus engagé. Parce que c’est vrai qu’en soi c’est intéressant, ça s’écarte des normes de la société parce que tu viens habillé dans des tenues assez extravagantes qui ont peut-être un rôle dans la fiction et donc, amenées dans notre réalité, elles créent tout de suite un décalage. Mais vu que ça se fait dans des lieux où beaucoup de personnes sont costumées, je ne peux pas dire que ça s’annule mais ça fait partis d’une norme commune, c’est accepté. Alors que si demain un mec se balade une semaine dans la rue en cosplay peut-être que ça peut créer autre chose. Cela peut être intéressant de déplacer certaines règles du cosplay, même s’il n’y a pas une règle qui dit qu’on doit venir costumé en en convention c’est quand même une sorte de...convention. Les seuls cas où on voit des personnes costumées dans la rue, dans le métro, c’est quand les gens vont à la convention et sont déjà un peu costumées. Mais je ne connais pas encore le cas de figure que je viens d’évoquer et je pense que ce serait quelque chose d’intéressant à essayer. En tout cas, c’est quelque chose qui avait surgi de la discussion lors de la soutenance de mémoire. Et donc ce mémoire c’était une manière à la fois de définir la discipline du cosplay mais en même temps de poser un ensemble d’interrogations sur des questions qui m’intéressent et comment le cosplay se nourrit

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En fait pour moi c’est une forme de travestissement avec des règles très précises. Par travestissement j’entends vraiment le mot dans un sens très général, c’est-à-dire le fait de se déguiser, de se costumer, de modifier son apparence, de jouer avec des codes esthétiques et de mode. Donc le fait de modifier son apparence, par le costume, c’est une des premières règles : il faut ou pas créer son costume. Admettons, en Europe c’est assez important de créer son costume, en Asie ça l’est un peu moins j’ai l’impression. Au Japon, le costume placard ça marche ou en tout cas ils ont des lieux spécialisés où tu peux acheter des costumes bien faits de personnages de manga. Ce qui est moins le cas ici, où si tu achètes des costumes ce sera des costumes un peu bas de gamme. Donc pour moi le fait de porter un costume, qu’on crée ou non, pour

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de cela et comment d’autres sources le nourrissent. Le cosplay est finalement un élément qui sert de connecteur. T : Je vais de nouveau être très terre à terre mais, qu’est-ce que tu as déjà fait comme cosplay et pourquoi ?

de l’humain, on va plus vers l’animalité. Mais je suis vraiment attiré par des personnages monstrueux, hybrides, qui modifient complètement l’apparence de mon corps. Ça c’est quelque chose dont je me suis rendu compte : c’est des personnages qui existent et qui me font complètement oublié, c’est-à-dire que je suis sous une parure de latex, de silicone, ce qui fait qu’on ne voit quasiment plus aucun bout de chair, de ma peau et ce qui m’intéresse c’est aussi de me dire que c’est l’objet qui devient vivant, c’est l’objet costume que j’anime et qui devient vivant par ma présence et par le fait que je l’incarne, et finalement on m’oublie complètement. C’est quelque chose qui m’intéresse énormément, de me dire que pour certains le cosplay correspond au fait de s’embellir, c’est-à-dire que tu mets juste une perruque, un manteau, et puis ton visage tu le maquilles, ça embellit ton visage ou en tout cas ça le modifie alors que moi je vais totalement disparaitre sous une espèce de peau de latex. T : C’est vrai que pour pas mal de personnes, il y aussi l’intérêt d’être reconnu soi-même en tant que cosplayer de tel personnage. Toi ça ne t’intéresse pas d’être reconnu ?

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M : Exactement, on reconnait le personnage, mais moi on ne me reconnaît pas et c’est drôle parce qu’il m’arrive de dire que c’est moi qui ait fait ce costume et les gens

me répondent « ah, c’était toi làdessous ?! «. Après je suis aussi très difficile pour choisir des personnages parce qu’il faut qu’il y ait une attirance physique, c’est-àdire qu’il faut qu’ils en imposent, esthétiquement, mais il faut aussi que leur histoire me plaise un minimum. L’un des prochains aussi que je voudrais faire c’est Voldemort, je trouve intéressant cet espèce de personnage hybride, entre l’homme et le serpent, qui garde encore beaucoup de caractéristiques humaines mais qui a juste ce qu’il faut de dérangeant. Juste le nez en moins, plus de sourcils. Ce sont des transformations assez légères par rapport à d’autres types de monstruosités, mais qui néanmoins sont saisissantes et effrayantes parce que, justement, de l’ordre du détail.

Et donc il y a des personnages qui m’intéressent pour cet aspect mais j’aime aussi jouer des personnages qui véhiculent une certaine cruauté, j’aime incarner du méchant alors que je ne pense pas être foncièrement méchant. C’est aussi aller à l’opposé, parfois, de ce que je suis. Davy Jones aussi a une part de cruauté mais son histoire

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M  : Pour le moment je me concentre surtout sur des personnages qui ont des allures monstrueuses parce que souvent ce sont des personnages

hybrides. Le premier que j’ai fait c’est Davy Jones, qui est entre le poulpe et l’humain. Ensuite j’avais fait un personnage de La Planète des Singes, là aussi les caractéristiques étaient assez proches de l’humain. Et enfin j’ai fait Groot, des Gardiens de la Galaxie, avec lui on est moins dans l’humain mais il reste quand même un personnage hybride, avec une morphologie humaine. Et l’un des prochains que je veux faire c’est le Faune du Labyrinthe de Pan, donc là on s’écarte un peu plus

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T  : Et quand tu es costumé, tu t’appliques aussi à jouer le personnage au niveau de son caractère ?

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M : Ça c’est quelque chose qui est hyper intéressant dans le cosplay. Quand tu portes le costume tu es dans un ensemble de champs qui se répètent, tu joues, tu ne joues plus, etc. Là je parle d’expériences personnelles faites en conventions. Admettons, tu vas avancer en étant toi-même, puis on va t’arrêter pour faire une photo donc tu joues le personnage, puis tu avances de nouveau, puis on t’arrête. Et donc tu es

dans une phase de jeu/non-jeu et il s’agit plutôt de mini-incarnations. Après il y a aussi tout l’aspect concours ou prestation, le fait de pouvoir jouer sur scène et là par contre c’est un autre type de jeu. Parce que dans les couloirs d’une convention quand on fait des photos ça va plus être un jeu expressif, de pose, de gestuelle. Alors que sur scène on peut plus être libre vis à vis de la parole, c’est un type de jeu qui se rapproche plus du théâtre. T : Tu as déjà fait des prestations ? M : J’en ai déjà fait une ou deux et là cette année il y en a une grosse qui m’attend, on va mettre en scène Davy Jones avec Bill le Bottier, c’est le personnage de Pirates des Caraïbes avec l’étoile de mer sur la tête. On va faire une mise en scène avec ces deux personnages, c’est la première prestation que je vais faire en étant un peu le chef de bord parce que les autres j’étais dans des groupes alors que là c’est issu de ma volonté et c’est ma copine qui m’a rejoint sur le projet. T : Et donc avant tu faisais plutôt tes prestations dans des groupes ? M : En fait à chaque fois il y avait ma copine dedans et c’était des groupes formés avec ses amies à elle qui font aussi du cosplay, c’était plutôt des mangas. Ce n’est pas moi qui avais fait les costumes, c’était pour les suivre et plutôt pour éprouver la scène.

Au contraire là c’est le premier projet où c’est ma volonté et j’étais super content qu’elle me suive et qu’elle soit aussi très motivée, du coup on va faire des décors aussi. T : Donc elle fait du cosplay aussi ? M : Oui, c’est elle qui m’a « embrigadé » ! Elle en faisait avant moi et elle m’a transmis cette passion. T : Et comment tes proches qui ne font pas de cosplay réagissent à cette passion ? M : Je ne sais pas si c’est dû à la quantité de travail que je fournis sur mes costumes, mais en tout cas c’est plus du respect que « j’impose ». Je n’ai jamais subi de moquerie, généralement ça fascine et, via la manière dont j’en parle, j’arrive à transmettre de l’intérêt et j’en suis assez content. Je me dis que même si les gens n’aiment pas au moins elles ne sont pas ennuyées quand on en a parlé. Souvent, des personnes aiment beaucoup mon travail parce que, vu que c’est lié à l’industrie des effets spéciaux, du maquillage, ce sont des choses qui sont un peu moins communes en France, comparé aux ÉtatsUnis où et c’est quelque chose qui est plus facilement accessible. Ce fait il y a pas mal de personnes qui apprécient le fait qu’on introduise ce genre de costume. En France on fait plus de la couture ou des armures, voire des mascottes mais ce qui est de l’ordre

du monstre avec du latex ou du silicone, quand on se dirige plus vers des effets spéciaux, il y en a un peu moins, ou en tout cas j’en ai pas vu énormément. Et puis je prends le temps et la patience de faire les choses méticuleusement et de manière à ce qu’elles soient réussies, les gens sont assez réceptifs et se disent que c’est un travail à part entière. De plus c’est souvent des personnages qui appartiennent à une culture moins adolescente que des cosplays de manga, même s’il y a énormément de choses différentes dans le manga, mais là je parle de ceux qu’on voit le plus souvent et qui sont très populaires, du genre Naruto, où même quand il y a eu la Reine des Neiges ce sont des choses qu’on voyait sans arrêt.

Ce qui intéresse les gens c’est donc aussi la difficulté du travail, et les choses pas énormément faites et qui sont assez difficiles à entreprendre en tant que travail de matière. Pour être autodidacte, il y a des choses pas évidentes. Mais à l’inverse j’ai énormément d’admiration pour ceux et celles qui font de la couture parce que ce sont des choses que je ne maitrise absolument pas et du coup quand je vois certains costumes

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est plus subtile, chez lui c’est aussi un amour qui l’a déçu. Pour La Planète des Singes ce serait un peu le même genre que Voldemort, celui que j’avais fait provenait de la version de Tim Burton, c’est le méchant de l’histoire, il veut tuer la race des humains. C’est le côté « bonne contre mauvaise race «, comme Voldemort, je trouve ces personnages extrémistes assez intéressants. Par contre Groot c’était mon premier personnage très gentil, je me suis dis que ça pourrait aussi être intéressant d’aller vers un autre caractère complètement inoffensif, ce personnage un peu naïf et généreux. Et le Faune, c’est plus l’aspect mythologique que j’aimerais creuser, de plus je trouve que c’est un personnage un peu ambigu, dans la fiction du Labyrinthe de Pan il a un côté un peu gentil et en même temps un peu fourbe.

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T : Et donc je vois que tu as fait un livre Galatée c’est moi !... M : En fait c’est mon mémoire, je le présente plus comme étant un livre sur le cosplay mais qui n’est pas qu’un livre sur le cosplay. Je me suis dis que si je le présentais plus comme un livre, les gens seraient plus intéressés, après je leur explique souvent qu’en école d’art en terme de mémoire on est très très libre sur la forme. Et moi je reprends les codes des Livres dont vous êtes le héros, donc il y a possibilité de faire des choix. Après c’est sûr que c’est plus restreint, c’est-à-dire que les chemins qu’on empreinte sont plus sur des types de réflexion, il y a des chemins qui vont plus aborder la question du genre, d’autres plus la question du costume, donc c’est en fonction des intérêts

qu’on a. Et il n’y a pas non plus des milliards de choix possibles mais ça me semblait intéressant de reprendre ces codes liés au jeu de rôle, d’être immergé dans une histoire et d’avoir le sentiment de pouvoir intervenir, même si dans les Livres dont vous êtes le héros il y a souvent deux choix et tu aimerais en faire un troisième.

C’est aussi ça qui est intéressant, qu’on t’impose des choix et qu’en même temps c’est toi qui construis à partir d’un ensemble de facteurs. T : Je vais en venir à ton rapport à la photographie. Est-ce que tu as déjà fait des shootings par exemple ? M : Oui et ce qui m’intéresse c’est d’être des deux côtés de l’objectif, c’est-à-dire que je fais du cosplay en étant photographié et je photographie des cosplays aussi. Dans le premier cas, ce qui m’intéresse c’est de trouver la bonne pose, c’est d’être au plus proche du personnage, mais tout de même rester dans le simulacre, c’est une copie qui se fait passer pour et de toute manière, c’est ce qui assez drôle dans le cosplay, c’est une imitation qui est toujours vouée à l’échec. Il y aura toujours cette sensation d’aller vers le personnage, d’essayer de le devenir, mais finalement le personnage n’existe que dans sa fiction et tu ne seras qu’une copie. Et ça c’est aussi intéressant parce que ça duplique les modèles, tu pars d’un modèle et tu en recrées un autre, il y a une sorte de boucle, tu pars d’une image pour redevenir toimême une image, la photo du cosplay, mise en scène. L’un des aboutissant du cosplay c’est de se transformer en image, de revenir avec une image de son cosplay, de soi en étant autre, et je trouve que cette boucle est très intéressante. Et inversement quand

je prends de la photographie j’essaie d’adopter plusieurs points de vue c’est-à-dire qu’il y a à la fois celui où je fais des photographies de cosplayers en essayant de reproduire ce que moi-même j’aimerais en tant que cosplayer, comme saisir le personnage à travers l’être qui l’incarne ou l’être qui se transforme en personnage, ça dépend. Et inversement il y aussi tout un projet que je mène en vidéo et photographie où c’est plus lié à ma pratique plastique et artistique où il s’agit de détourner les personnages. En tout cas ce qui m’intéresse dans l’objet photo c’est cette idée de boucle, encore une fois, de partir d’une image de référence. Et souvent ce que les photographes ou les cosplayers aiment bien faire, c’est comparer les deux images, la référence et la photographie. Parfois ces images sont très troubles parce que tu les regardes et tu ne sais plus où est l’image de référence, où est la fiction.

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et la beauté et la manière dont tout est très bien fini, la ligne, les courbes, je me dis qu’il y a certains costumes que je serais incapable de faire. C’est aussi peut-être le fait que ça paraisse inaccessible qui rend la chose attirante. Il y a aussi plein de gens qui disent n’avoir jamais osé le latex, j’essaie de les encourager parce que je ne vois pas pourquoi je réussirai plus que quelqu’un d’autre. J’ai appris tout seul, c’est juste qu’il faut se donner le temps, avoir de la patience mais ça c’est aussi très lié à la passion. Et aussi étendre les choses dans le temps, je fais un costume par an généralement, donc je me donne du temps.

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un point de vue très subjectif et en aucun cas ça définit la communauté des cosplayers. C’est plus un ensemble d’observations que j’ai pu faire, un ensemble de témoignages, de choses que j’ai entendues, j’avais aussi demandé à certains cosplayers de me parler de leur pratique, pourquoi tel personnage, etc. Et encore je sais qu’il y a plein de choses que je n’aborde qu’en surface et qui seraient encore à construire dans la réflexion. Pour moi c’était vraiment d’essayer d’aborder un maximum de champs, et en creusant des questions qui m’intéressent plus, d’autres moins, et d’autres choses qui sont encore à découvrir parce que je n’ai pas pu tout voir, ce n’était pas possible, mais je sais que j’aimerais encore écrire dessus.

T  : Oui mais c’est ça qui est intéressant, j’ai eu une approche totalement différente avec toi qu’avec d’autres cosplayers dans le sens où tu as une approche artistique et un rapport à la recherche, alors que les autres cosplayers ont un rapport beaucoup plus immédiat. C’est bien, ça me fait voir des aspects différents.

M : Malheureusement non, je pars plus d’observations, de ce qu’on a pu me dire là-dessus. Notamment, de ce que je sais, aux États-Unis il y a moins cet aspect de concours mais il me semble qu’il y a plus un aspect de parade, ils jouent mais il n’y a pas vraiment de scène. Si en Europe il y a plus de scènes je pense que c’est lié à notre histoire. C’est assez important de pouvoir faire une prestation sur scène, en Europe, c’est aussi lié à l’histoire du théâtre qui est assez imposante surtout en France,

M : C’est ça, et c’est pour ça que j’assume totalement, dans mon mémoire, le fait que j’adopte

en Italie, en Espagne. C’est quelque chose qui s’inscrit plus dans notre culture, mais ce n’est qu’une intuition. Après en Asie, notamment au Japon, on sait que là-bas il y a des magasins spécialisés et si tu leurs dis que tu as fait un costume ça les fera presque rire, eux ce qui leur importe c’est plus l’image. Des images très retouchées mais en même temps ça passe très bien parce que c’est dans une esthétique qui est totalement assumée et qui, elle aussi, veut être très proche du manga. Par exemple ils utilisent des techniques pour se grossir les yeux avec du maquillage.

T : Je voudrai savoir si tu as déjà eu l’occasion de voir comment le cosplay était perçu ailleurs qu’en France.

Il y a des choses comme ça qui sont aussi intéressantes, ils maquillent en blanc la paupière en dessous de l’œil pour grossir un peu le regard et imiter le dessin de manga. Ce sont des techniques qui encore une fois sont utilisées pour se rapprocher le plus du personnage, pour être dans cette incarnation visuelle plus juste. Après il y a des endroits où je n’ai aucune information. Est-ce qu’en Afrique ils font du cosplay ?

Je sais qu’en Amérique du Sud ils en font aussi. Il faut se dire aussi que c’est très lié à la culture populaire donc automatiquement, en France, on fait pas mal de cosplay parce que le manga marche très bien en France, je sais qu’on est le deuxième pays après le Japon. Puis tout ce qui est séries, films, comics américains, ce sont des gros moteurs à créer des cosplayers, ou les jeux-vidéos aussi. Donc ça dépend aussi des endroits où ça marche parce que souvent c’est de l’ordre du fan, c’est le fan qui va faire d’un univers dont il est fan, du cosplay. Donc c’est là où ça marche qu’il va y avoir des cosplayers. Par exemple, en France, il y a pas mal de cosplay de League of Legend parce que c’est un jeu qui marche du tonnerre, aux États-Unis c’est pareil, il y en a des milliers. Et en Australie ou Océanie je ne sais pas trop mais je pense que ça se rapproche de l’Europe ou des États-Unis.

Mais en tout cas je sais qu’en Europe c’est important de faire son costume, aux États-Unis pareil, en Asie un peu moins. Mais après il faudrait aussi rentrer dans chacune des cultures pour comprendre, il y a aussi des modes au Japon, et puis notamment le rapport à l’androgynie qui est très présent

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Et ça c’est intéressant parce que tu sais que l’un est parti pour aller vers l’autre mais il y a parfois quelque chose qui peut même se renverser, on a parfois l’impression que c’est un dessin qui a été fait à partir d’un personnage réel. Et c’est pour cela que je parle de simulacre. J’ai vu certaines photos où je me suis vraiment posé la question de quelle était l’image de référence. Tu es tellement fan que tu ressens le besoin de t’approprier le personnage dans toutes ses caractéristiques au point de le devenir à la couture et à l’éclairage près. C’est réaliser une sorte de fantasme, pour moi le cosplay est très lié au fantasme, c’est fantasmer à être un autre et en même temps ça appartient au jeu, c’est un fantasme contrôlé. Là-dessus je suis hyper passionné, et du coup quand j’en parle j’essaie de le rendre le plus intéressant mais donc tout ce que j’ai dit c’est aussi très personnel.

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T : Donc finalement ce serait moins des monstres dans ce cas-là ? M : Pas forcément, il y a une de Final Fantasy, le jeu, qui s’appelle Garuda. Comment la décrire...c’est

une espèce d’ange blanc, mais entre l’ange et le démon, elle a le visage très blanc, des yeux très noirs et en même temps elle a des ailes blanches qui sont très belles et pourtant ses jambes se finissent en sabots et elle a des griffes très acérées. Je parlerais d’inquiétante étrangeté, tu sais ce monstre qui t’attire et qui te repousse en même temps. C’est très ambigu. Donc des personnages monstrueux féminins ça pourrait être aussi intéressant. T : Je ne sais pas si tu as encore une remarque ? M : Non, enfin après il y aurait encore plein de choses mais je crois qu’on a déjà bien fait le tour ! T  : Très bien, merci pour tous ces éclaircissements !

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avec des personnages qui sont très enfantins et ambiguë entre l’homme et la femme. Quand tu vois les personnages représentés dans le cosplay, le fait que les personnes aient envie de se projeter, de ressembler à ces personnages ça dit des choses. En France il y a un peu moins ce rapport androgyne, quoique je connais pas mal de personnes qui pratiquent du crossplay. C’est encore un jeu de mots entre cross-dressing qui veut dire travestissement en anglais, et le cosplay qui est déjà un jeu de mot de « costume playing «. Et donc c’est le fait de créer, et de jouer, le costume d’un personnage du sexe opposé. Et justement c’est quelque chose que je trouve extrêmement intéressant puisque qu’il y a du coup une sorte de double travestissement et le genre est vraiment mis en question dans cette pratique, et la sexualité aussi parfois

mais encore une fois c’est très ambigu et c’est toujours sous couvert du jeu. C’est-à-dire qu’une femme peut jouer un homme qui aime un autre homme alors qu’elle-même aime les hommes mais dans son personnage elle joue un homosexuel. Finalement, ça joue avec des schémas qui sont renversés et c’est pour ça que je trouve que le cross-play est une des choses les plus intéressantes du cosplay. Et je pense que ce sont des choses que je garderai pour plus tard, des personnages féminins qu’il m’intéresserait d’aller titiller. J’ai déjà une ou deux idées de personnages féminin qu’il m’intéresserait d’incarner.

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Retour à la pratique,

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Bits,

précision de la démarche(2),

séance photographique chez Michaël,

références (3),

résultat,

séance photographique chez Diane

conclusion.

Premières recherches

Définition

références (2),

et Rudolph,

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Comme j’avais pu le dire lors de l’entretien, ce dernier m’avait permis une approche tout à fait différente de celles que j’avais eues avec des cosplayer dont le cosplay était un hobby. Mêlée à la recherche et au milieu de l’art, cette discussion m’avait apporté tout un tas d’éclaircissements qu’il était inutile de paraphraser, mais qui se révélait aussi dense que riche.

Je n’avais toujours pas produit une seule photo mais j’avais réussi à créer des liens avec différents cosplayers et cela me permettrait de transmettre le plus justement possible une image subtile de leur vision du cosplay au sein d’un lieu qui leur serait propre, sans pour autant montrer le cosplay. J’étais alors en train de me mettre d’accord avec Diane et Rudolph pour venir les prendre en photo chez eux. En attendant je me renseignais d’une part sur des photographes dont l’esthétique m’intéressait, d’autre part sur ceux qui avaient travaillé le cosplay (mais sans être spécifiquement des photographes de cosplay). Je tombais évidemment en premier lieu sur Martin Parr dont les flashs abusifs et les couleurs me séduiraient de suite. Je voulais tester ce genre de cachet bien que je savais qu’il faudrait aussi que je me l’approprie.

Par ailleurs les environnements crées par Sarah Jones me fascinaient également mais j’avais peur que des mises en scène si millimétrées ne tuent la spontanéité qui devait paraître dans mes images pour rester crédibles. J’essayais aussi d’expliquer ma démarche à Diane et Rudolph, en leur disant : « L’idée c’est que je vienne avec mon appareil photo, qu’on discute, éventuellement que tu me fasses visiter ton chez-toi, puisque je travail à rapprocher la personne avec son lieu de vie, et que je prenne des photos, il faut juste que ça reste très naturel, la composition des photos se fera en discussion et de toute façon c’est plus une phase de repérage en premier lieu, je travaille sur la banalité, le quotidien, donc tu n’as pas besoin de te «préparer» pour être pris en photo ou quoique ce soit, après, et c’est en lien avec mon thème, je pense qu’il est nécessaire de ne pas trop planifier. »

précision de la démarche (2)

Retour à la pratique, références (2)

Dans tous les cas, avec ce petit bagage théorique, je ressentais le besoin d’aller vers la pratique, étant beaucoup plus sûr de ce que je voulais transmettre (une image de la banalité qui finalement revalorise le cosplay en le plaçant dans le quotidien). Tous ces entretiens m’avaient permis d’être plus à l’aise dans ma démarche au sein de ce travail photographique, bien que je ne puisse pas y cristalliser les nombreux aspects que j’avais observés.

Malgré cela, mes potentiels modèles semblaient à tout prix vouloir savoir ce qu’ils avaient à faire, je pensais alors que d’être pris en photo dans le cadre d’un projet artistique ne devait pas être une chose facile et je tentais de les rassurer :

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« Ne réfléchis pas à cela, justement c’est quelque chose qu’on va trouver sur le moment, en fonction de l’appartement je vais peut-être avoir des idées de mise en scène, bref c’est vraiment qqch que je ne peux pas planifier...(...) »

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Je leur transmettais aussi la phrase que j’avais retenue de la page facebook Cosplay&Co et il me sembla que la chose était plus claire, nous convînmes d’un rendez-vous.

Définition

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Ainsi nous arrivions au 3 avril et j’allais chez Rudolph et Diane. Je sentais que l’espace n’avait pas été maquillé pour l’occasion et cela était une première remarque positive faite à moi-même. Nous discutions et à un moment je sortis l’appareil photo. Je remarquais qu’ils ne changèrent pas de comportement à ce moment là et qu’ils surent garder un véritable naturel face à l’objectif  : peut-être leur habitude à la photographie de cosplay, bien que le principe soit différent ? Dans tous les cas cette deuxième rencontre avec eux me permit de constater une nouvelle fois une véritable passion qui animait ce couple de cosplayers. Rudolph fut, encore une fois et à mon grand plaisir, très bavard et il me montra un grand nombre de ses créations. Nos discussions allaient et venaient entre des détails techniques, des expériences de leur part et des réflexions plus générales sur le cosplay.

séance photographique chez diane et rudolph

Entre temps je trouvais des photographes approchant le cosplay de manière inédite, d’abord Sacha Goldberger, dont les Super Flemish tenaient plus du détournement anachronique et du portrait que du cosplay, puis Dominique Sécher, avec sa série The Secret Life of Superheroes. L’approche de cette dernière était différente de la mienne dans le sens qu’il s’agissait de l’intimité fictionnelle de super héros qui ne quitteraient jamais leur condition (et donc leur costume), mais le rendu, ou plutôt l’ambiance qui se dégageait de ces photos, était assez proche de celui que je voulais obtenir. Le lieu parlait autant que le personnage, et devenait comme une extension de celui-ci. Il me semblait qu’il fallait que j’aille dans cette direction.

Photographiquement, cette discussion en continu me permit de faire oublier l’appareil que j’avais en main. Je m’étais assigné pour cette première séance de photo un protocole très simple : la scène me paraissait intéressante, je prenais une photo. Bien que j’essayais de trouver le bon angle, je choisissais de ne pas m’attarder sur la composition de l’image et, de plus, j’utilisais constamment le flash, pensant que ces deux éléments me permettraient d’obtenir un type de photographie très brute, et donc plus proche du banal.

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Cette croyance avait été un peu naïve et bien qu’à l’issu de l’aprèsmidi (et de quelques deux-cent photos) j’étais fier de certaines images, je sentais tout de même que quelque chose clochait. Il y avait quelque chose d’exagéré dans ces photographies, et on avait souvent du mal à entrer dans la scène et à la comprendre. De plus le cosplay était finalement trop présent dans cette première série de photos. Je sentais que ce qui avait été intéressant sur le moment, car dans le contexte de la discussion, devenait brouillé avec le recul, et ne servait plus forcément la photographie. Peut-être aurait-il finalement fallu dissocier la discussion de la photographie pour que les deux se répondent plus efficacement ?

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En effet, comme le cosplay, la photographie était illusion et je devais me réapproprier l’illusion au lieu de me faire croire que les images dans ma tête correspondraient à celles prises sur le vif. De par mes observations et mes discussions avec les cosplayers je devais recréer les scènes de leur banalité. Je devais mettre à profit le travail documentaire que j’avais effectué et ne pas seulement en laisser planer le spectre. J’abandonnais le flash et la spontanéité. Je ne devais pas, par la facture photographique, rajouter une couche à la scène qui se voudrait déjà banale. Je n’aurais pas l’occasion de revoir Diane et Rudolph mais j’essayais de voir avec Michaël pour une éventuelle séance photo. Du côté de Morgane, il semblait plus difficile de concilier nos emplois du temps. Pris par d’autres projets en attendant ma deuxième rencontre avec Michaël, j’eus à peine l’occasion de regarder une vidéo sur le cosplay, et cela parce que le titre, croisé sur youtube, m’avait intrigué. Il s’agissait d’une des émissions Bits de arte dont le sujet était « Les cosplayers s’identifient-ils à leur héros ou annoncent-ils quelque chose d’eux ? ».

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Au final je trouvais un décalage entre ce qu’annonçait la vidéo en matière de militantisme et de revendication du cosplayer et ce que j’avais pu observer depuis le début du projet. Bits plaçait le cosplay comme un acte militant en faveur du droit à l’imagination, revendiquant une culture populaire tout aussi valable que n’importe quelle culture qui aurait été validée par l’académie, par l’état ou par tout autre institution traditionnelle. J’étais d’accord avec l’idée, et j’avais même déjà évoqué cette validité du cosplay comme art, comme passion, comme culture. Cependant je trouvais que ce court documentaire poussait trop cet aspect quasi-exhibitionniste du cosplay, le comparant presque à la gay pride, alors que le cosplay prenait place en convention mais rarement dans la rue et qu’il ne militait pas pour des droits fondamentaux. Par ailleurs Michael avait évoqué dans son entretien l’idée de transposer le cosplay ailleurs

Le 26 avril, j’arrivais donc chez lui et j’eu la chance de rencontrer sa copine, qui l’avait introduit dans l’univers du cosplay. J’essayais de tirer parti des remarques que je m’étais faites à l’issu de la séance réalisée chez Diane et Rudolph et j’avais avec moi un appareil et un pied photographique. La discussion fut moins animée qu’avec Rudolph et cela me permit en fait de bien observer avant de choisir les scènes à reproduire. J’ajoutais de la mise en scène, mais à partir de ce qui se déroulait durant l’après-midi. La petite amie de Michaël travaillant sur son cosplay, la chose fut encore plus aisée. Michaël, quant à lui, me présenta certaines de ses créations en latex et m’en expliqua la confection. La séance fut très enrichissante et, au lieu de faire plus d’une centaine de photographies sur le vif, je prenais le temps de créer environ une dizaine de scènes (même si chacune était prise en photo avec des variations de paramètres). Rien que pendant la séance, cette approche plus douce me sembla aussi plus juste car mieux pensée. Je quittais le couple avec le sentiment d’avoir saisi une part de leur manière d’aborder le cosplay.

séance photographique chez michaël

Alors que je réfléchissais à ce qui me permettrait de remettre ma démarche sur les bons rails, afin qu’elle transmette réellement le message souhaité, j’appris que Martin Parr composait énormément ses images. Sa photographie de l’incongru banal ne laissait en réalité aucune place au hasard, et c’est peut-être pour cela qu’il le reflétait avec une telle maîtrise, parce que la photo était maîtrisée.

qu’en convention pour le rendre plus engagé, ce qui me semblait prouver que celui-ci restait pour le moment dans un espace de jeu défini. Je n’allais pas creuser cet aspect-là, pour la simple et bonne raison que c’était plutôt les coulisses du cosplay qui m’intéressaient et que j’allais bientôt être accueilli par Michaël.

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Je ne ferais pas de commentaire sur mon propre travail, surtout que j’en avais déjà assez fait sur ma démarche, mais l’idée germait à ce moment là de retranscrire les différents entretiens que j’avais menés. Je trouvais effectivement dommage qu’un tel matériel, pouvant intéresser d’autres personnes qui travailleraient sur le cosplay, ne se retrouve dans un coin de mon ordinateur sans jamais pourvoir être exploité. Par ailleurs j’avais aussi le besoin de rassembler toutes les recherches que j’avais effectuées afin de voir ce projet sous une meilleure clarté et de pouvoir en tirer une réelle conclusion. Comme dit dans la préface, le livre m’apparut rapidement comme une solution évidente, permettant de synthétiser, de cristalliser et de tourner une page, mais une page toujours disponible, et consultable à la moindre demande.

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Et pour terminer le projet je m’attelais encore à la lecture du mémoire de Michaël, qui me permettait de voir qu’il y avait énormément d’aspects que j’avais à peine effleurés dans mon recueil de recherches. Ainsi je vous laisse avec le conseil de vous tourner vers son ouvrage et vous donne en avant-goût (et en conclusion de mon recueil) deux extraits de Galatée c’est moi ! :

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Les prémices de cette démarche remontent en 1939, lorsque Forrest J. Ackerman, éditeur de magazines de science-fiction, arrive déguisé lors de la première édition de la World Science Fiction, un salon dédié à la littérature de science-fiction. Des personnes vont alors suivre ses pas et créer leurs propres costumes. Ces derniers ne font pas réfé rence à des personnages précis, mais s’articulent autour de thèmes issus d’un univers de fiction. Le cosplay évolue dans les années 60/70, lorsque deux fresques immenses de la science-fiction font leur apparition au cinéma : Star Trek (1960) et Star Wars (1977). Les fans vont venir costumer en copiant ces personnages de fiction et le cosplay va évoluer vers la définition qu’on lui donne aujourd’hui. C’est un Japonais, Nobuyuki Takahashi, qui invente le terme de « cosplay « pour définir cette démarche en 1983 (que l’on prononce phonétiquement en japonais Ko-su-pu-re), alors qu’il se rendait à une convention à Los Angeles. Cosplay signifie littéralement costume playing. Ce phénomène va prendre de l’ampleur au Japon, et s’immiscer dans la culture du pays. Le cosplay semble indissociable de l’archipel et il n’est pas anormal de le voir mêlé à cette culture, alors même qu’il a connu son émergence en parallèle de l’essor de la culture populaire, à travers le manga dans les années 90 (Dragon Ball, Saint Seyia...). Le cosplay constitue une pratique contemporaine dont s’est emparée la génération qui a grandi à partir des années 90.


Règles du cosplayer Rappel : le cosplay est une discipline qui consiste à porter un costume, créé par vos soins ou non, d’un personnage de fiction. Il nécessite de réaliser un ensemble de procédures qui sont déterminées par des choix et régies par des règles.

II. Après avoir choisi votre personnage de fiction, il s’offre à vous plusieurs manières de fabriquer votre costume. 1. Passer par une tierce personne 2. Vous prendre en main Le choix fait en II détermine votre niveau d’implication dans la confection du costume. Si vous avez choisi le II.1, votre volonté à créer un costume n’est pas forte. Vous souhaitez avant tout vous amuser sans passer par un travail manuel. La confection du costume n’est donc pas une chose qui vous importe, et vous chercherez un moyen d’en trouver un, soit en l’achetant dans un magasin spécialisé, soit en trouvant une personne qui aura le temps de vous le confectionner. Votre recherche s’arrêtera au moment où vous aurez trouvé l’une de ces deux solutions. Si vous avez choisi le II.2, vous accordez une plus grande importance quant à la confection du costume. Cela vous permet d’avoir un gage d’authenticité, et ce, même si toutes les techniques ne sont pas maîtrisées.

V. Le choix de réalisation est donc d’une importance capitale, car un costume qui ne pourrait être porté n’aurait pas de sens dans votre démarche de cosplayer. De même, si sa confection semble primordiale, le fait de le faire réaliser par une tierce personne n’engage toutefois pas votre qualité de cosplayer, car il ne faut pas oublier que le jeu d’acteur est aussi important que le costume.

conclusion

conclusion

I. Choisir un personnage, issu de n’importe quel univers de fiction, avec une image de référence. Il peut appartenir à un manga, une bande dessinée, un jeu vidéo, une série, un film ou tout autre univers de fiction, à condition que celui-ci soit représenté par des images, qu’elles soient fixes ou animées.

IV. Le choix fait en III est à considérer en fonction de l’argent que vous voulez ou pouvez investir dans la création de votre costume, et des compétences personnelles que vous mettez en jeu. Si vous avez choisi le III.1, votre budget sera moins élevé. Vous réutilisez d’anciens vêtements, accessoires ou autres, pour vous confectionner un costume plus ou moins proche de l’image de référence, avec une technique plus ou moins poussée. Si vous avez choisi le III.2, votre confection sera plus longue et plus onéreuse, car vous partez de rien, ou de très peu. Cependant, toutes les techniques développées vous permettent de créer un costume au plus proche de l’image de référence, tout en l’adaptant à votre propre corps, dans une démarche quasi professionnelle. Il s’agit d’acheter ses propres matériaux, en connaissant leurs propriétés, et de les mettre en forme grâce à votre savoir-faire.

III. En choisissant le II.2, vous avez montré une réelle détermination à vouloir vous impliquer dans la création de votre costume. Plusieurs possibilités s’offrent alors à vous. 1. Récupérer des fonds de placard et construire un costume à partir d’éléments de récupération 2. Acheter tous les outils qui vous permettront de créer un costume au plus proche de l’image de référence, avec une possibilité plus grande de développer des techniques personnelles

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Crédits photographiques

11

Phil Vanegas, Nippon Fest 3, 2013.

36

Sora-Kun Photographie, Hyouka, 2016.

12

Inconnu, Godzilla Raids Again Behind the scenes, 1955.

39

Pat Loika, Cosplay Shoot BTS, 2013.

43

Photogas, 28 RAM.

43

ZZ Bottom, LL viewer interface.

43

Masayuki Yoshinaga & Katsuhiko Ishikawa, Gothic Lolita (couverture du livre).

49

Greyloch, Plug-suit Rei, 2013.

51

Sora-Ku Photographie, Akemi.

52

Bax, Death Note.

52

Caro Photographie, Danearys.

56

GabboT, Yaya han 09.

57

Kate antalgiques, Anna.

61

Anne-Louis Girodet, Pygmalion et Galatée, Salon de 1819, Huile sur toile, 253x202cm, Louvre, Paris.

67

Naomi Sem, Stella.

13

14

Ricardo, World Cosplay Summit, 2009.

16

Inconnu, Mummy portrait of a young woman, IIIème siècle, Louvre, Paris.

16

17

André-AdolpheEugène Disdéri, Duc de Coimbra, 1855-65. Glasseyes view, Shooting stars for one day, 2010.

19

Terry Robinson, Ariel, 2014.

24

Caro Photographie, Kakashi Anbu, 2016.

29

Smite, 2015.

31

Andrew Guyton, Dragon Con, 2008.

32

122

Alan Light, Forrest J Ackerman at the Ackermansion, 1990.

Ricardo, World Cosplay Summit (Brasil), 2011.

123


68

Gregoire Korganow, Prisons, 2014.

68

Lee Friedlander, Bill Russell and Louis Keppard, 1969.

69

69

Lucie & Simon, Vertiges du quotidien, 2006-2009.

Vincent Diamante, School Uniform (used?), 2006.

101

Tuxteam.

103

Anastasiya Shpagina.

82

S. Ladic, protection avec du film plastique.

103

Riot Games, League of Legend.

90

Le Caravage, La Méduse, 1595-96.

104

91

Michael Markasis, Edes as Joker, 2016.

Kyle Nishioka, Dragon Con 2011 - Marvel Crossplay, 2011.

105

Square Enix, Garuda.

108

Paulus Bor, Bacchus, 1630-35.

Martin Parr, Granny 1.

109

Electronic Arts, Alice Madness Return, 2011.

Sarah Jones, The Bedroom (i), 2002.

110

Wilou Photography, Groot, 2015.

Sacha Goldberger, Super Flemish.

110

Dominique Secher, The Secret Life of Superheroes.

80

Hermine Bourgadier, Les Joueurs, 2010. 92

69

71

Hans Eijkelboom, With my family, 1973. Raza raza, Casual Shooting, 2016.

93

93

73

Emilien A., Zelda.

74

Sakizou, Kouglof, 2010.

74

Machetepixer, Kouglof, 2015.

96

Guillermo Del Toro, Faune, 2006.

74

Suède Manser, Belle, 2014.

68

74

Tamago Photographie/ Illustration, Regina.

Warner Bros, Voldemort dans Harry Potter et la Coupe de Feu, 2005.

100 76

Songriku, Pripara WCS Japan Sud, 2016.

79

Sora-Kun Photographie, Cendrillon KamoCon, 2016.

Ian Livingstone, Iain McCaig, Le Labyrinthe de la Mort, Folio Junior Un Livre dont vous êtes le Héros - Défis Fantastiques - nouvelle présentation, Gallimard Jeunesse, Paris, 2013.

96

124

Disney, Davy Jones.

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Pour leur grande contibution à ce projet, merci à Aishi World Darth Rudeus Akemi Cosplay Melyanis Cosplay Michaël Markasis

Colophon Imprimé à la Haute École des Arts du Rhin, à Strasbourg, sur Papier Glossy 110 g, en juin 2016 Couverture en sérigraphie. Typographies : Bagnard Certa Sans Merci à : Léa Matterer Claire Martha pour leur relecture Armelle Exposito Léonie Koelsch Fabien De Souza pour leur aide Laura Henno Amélie Lecocq pour leur suivi

Écriture conception graphique, réalisation : Tanguy Chêne maxencer.com


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