LIEUX LUZERANS Investir l’épaisseur du hameau par les communs
ÉTUDIANT(S) TITRE UNIT RESP.
VALCARCE Maxime Lieux luzerans
UE101D - PROJ 10 - Le Risque d’Habiter DUGAVE C. ENCADREMENT ROUEFF B.
BARRIQUAND S., DUGAVE C., JOLY S., LANOIX C., ROUEFF B.
MASTER ARCHI
S10 19-20
FI
PROJ INTERDEM
1 © ENSAL
LIEUX LUZERANS Investir l’épaisseur du hameau par les communs
Maxime VALCARCE Notice de Projet de Fin d’Études École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon Directeur d’Études : Stéphane Barriquand 2020-2021 3
Remerciements
Tout projet étant le résultat d’influences collectives, je tiens ici à remercier les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la construction de ce Projet de Fin d’Étude. Tout d’abord, je tiens à remercier mon Directeur d’Études, Stéphane Barriquand, pour son accompagnement dans la conception du projet, ainsi que l’ensemble de l’équipe enseignante du DEM ATEC, pour cette année passionnante. Ce projet doit beaucoup à Emma Leroy-Emerand et Teva Blanc qui ont été les meilleurs compagnons d’atelier pour cette dernière année, à travers leurs conseils et leur bonne humeur. Antoine Sintes et Élisa Lefèvre pour leur regard sur le projet et l’architecture. J’ai une pensée pour l’ensemble des amis rencontrés au cours de ces études. Je tiens à remercier mes parents et mon frère pour le précieux soutien qu’ils m’ont accordé durant ces cinq années d’études. Enfin merci Chloé, pour la confiance et l’optimisme que tu m’as partagé tout au long de cette année. 5
Table des matières
INTRODUCTION, SITUATIONS ET INTUITIONS • Vallées alpines • Système de hameaux • Luzier, un type • Investigation
.08-29
LUZIER, PROPRIÉTÉ ET SOUVERAINETÉ • Communs • De l’enclosure au clos urbain • Rurbains et mutations • Déterritorialisation
.30-53
INTERLUDE, RISQUES ET PARTI-PRIS • Pratiques du territoire • La dissolution des lieux • Les lieux luzerans LIEUX COMMUNS, DÉFINIR DES LIEUX • Lieux communs • Politique et gouvernance • Spatialités des communs CONCEPTION, GÉOGRAPHIE DU PROJET • Choix d’un procédé constructif • L’architectonique • L’ossature et l’enveloppe CONCEPTION, TYPOLOGIE DES COMMUNS • Gabarits • Trame constructive et spatiale • Règles typologique CONCLUSION, MANIFESTE • Projet analogue • Conclusion • Retours personnels ANNEXES • Citations • Bibliographie
.54-61
.62-73
.74-93
.94-103
.104-115
.116-123
7
CHAPITRE I
INTRODUCTION, SITUATIONS ET INTUITIONS
Situations et intuitions
Feldkirch
Coire Interlaken
Andermatt
Brig
Sion Domodossola
CLUSES
Aoste Chambéry
Grenoble Briançon
Gap
Carte relief massif des Alpes
Saint-Moritz
Bellinzone Lugano
SALLANCHES
Zernez
0
1 000 000
Vallées alpines
Salzbourg Sankt Gallen Liezen
Innsbrück
Leoben
Brunico
Lienz
Wolfsberg
Merano Bolzano
Villach
Trente
11
Situations et intuitions
Vallées alpines Le territoire de projet s’inscrit dans la vaste géographie de l’Arc Alpin. Ainsi, il entre en résonance avec la culture d’habiter le fond de vallée alpin européen. Les vallées alpines s’étendent du bassin méditerranéen jusqu’au bassin viennois. Elles sont réparties sur huit pays comprenant Monaco, la France, l’Italie, la Suisse, le Liechtenstein, l’Allemagne, l’Autriche et la Slovénie. L’orographie accidentée des Alpes a défini des bassins culturels indépendamment des divisions administratives. En effet, les limites administratives des régions alpines se sont stabilisées relativement récemment. Ainsi la culture des populations vivant dans ces territoires renvoie plus à une dimension hyperlocale que nationale. Ainsi, on retrouve au sein d’une même entité nationale un paysage culturel d’une grande diversité. On retrouve d’une vallée à l’autre de grandes césures entre les modes de vie des habitants. Cette géographie alpine a influencé les systèmes de gouvernance des états. Les régions alpines de ces pays sont considérées comme des entités plus ou moins autonome d’un pouvoir central. La Suisse, en établissant une division territoriale par une confédération de Cantons, délègue les instances de décisions à l’échelle locale. Ce choix de gouvernance permet de conserver les spécificités culturelles territoriales, ces spécificités sont notamment marquées par la diversité de langues au sein d’une étendue géographique restreinte. On retrouve le français, l’italien, le suisse-allemand, et le romanche.
L’Autriche et l’Allemagne, se construisent autour d’une fédération d’États plutôt qu’autour d’un pouvoir centralisé. Ainsi, les capitales des Länders, comme Innsbrück, détiennent une véritable aura sur leur territoire local. Le fédéralisme semble être le choix d’organisation politique du territoire le plus cohérent afin d’affirmer les différences culturelles, tout en permettant la facilité d’échange entre les différents sous-états. L’Italie devient un État unitaire à la suite du Risorgimento de 1861. Le pays s’organisait historiquement en entités administratives locales ; duchés, républiques et royaumes. Les régions alpines italiennes se partageaient entre le royaume de Lombardie-Vénitie côté oriental et les États de Savoie côté occidental. Parmi elles, les Savoie sont rattachées à la France lors de l’annexion. Transférées dans un pays au pouvoir centralisé, les Savoie témoignent encore aujourd’hui d’une forte culture régionale. Des symboles forts marquent l’identité de ces lieux. Cette conjugaison orographie-politique, induit une relation forte entre le territoire et sa population. Les décisions politiques sont prises à l’échelle locale, elles sont donc en relations directes avec la population locale. Ce schéma d’organisation territorial s’inscrit dans l’héritage culturel des fonds de vallées. Elles sont caractérisées à la fois comme des lieux de passage denses permettant des connexions européennes et à la fois comme des lieux répondant à une forte culture identitaire.
0
500 000
Vallées alpines
Évian-les-Bains Thonon-les-Bains
Genève
La Roche-sur-Foron
Morzine
Samoëns
Bonneville Cluses
Sallanches Chamonix Annecy Megève
Carte de la Haute-Savoie
13
Situations et intuitions
Hameaux de fond de vallée Le territoire du projet s’inscrit à l’articulation entre une géographie supranationale européenne, et une culture identitaire hyperlocale de fond de vallée. C’est en résonance avec ce grand territoire que se trouve la Vallée de l’Arve. En recherche de singularités culturelles et identitaires définissant la Basse Vallée de l’Arve, l’arpentage du fond de vallée s’est orientée autour de l’architecture vernaculaire. Au-delà de l’objet architectural, ce sont les hameaux de fond de vallée qui permettent d’articuler intuitions de projet et problématiques liées au mode d’habiter le fond de vallée. La portion de territoire entre Bonneville et Cluses semble avoir atteint le point de saturation dans la consommation du foncier dédié à l’urbanisation. Résulte de ce phénomène une ville continue tapissant le fond de vallée. Néanmoins, on retrouve entre le verrou clusiens et la plaine sallancharde un réseau de hameaux traditionnels. Présent dans un resserrement géologique, ils s’identifient grâce aux mêmes caractéristiques. Les inondations fréquentes de l’Arve, en fond de vallée et les contreforts des massifs des Aravis au versant est et du Haut-Giffre au versant ouest, ne laissent que peu de places à l’établissement de bâtis. Les limites urbaines se définissent en retenue des risques de débordement de la rivière en aval et en protection des cônes de déjection en amont. C’est à l’articulation de cette géographie accidentée que se situent ces hameaux.
01. Living and building in the Alps, Walter Zschokke p.143-147. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.143.
‘‘ […] Valley communities have therefore always had countless opportunities to stay in contact with their neighbors and to undertake trade in cattle and other goods even over considerable distances. ’’ 01
0
250 000
Hameaux de fond de vallée
Marignier
Saint-Etienne
Châtillon-s.-Cl.
Thyez Bonneville
Ayse
La-Roche-sur-Foron
Cluses
Scionzier Brison
Mt-Saxonnex Nancy-s.-Cl. Romme Magland
Vurpillière Le Reposoir
Gravins La Moranche
Oëx
Lutz Arpennaz Luzier
Les Houches Sallanches
Échelle d’intérêt
Carte d’arpentage de la Vallée de l’Arve
15
0
Situations et intuitions
Cluses
Les Gravins
La Grangeat
Oëx
Les Vorziers LUZIER
Sallanches
Maquette du fond de vallée
750 000
0
300 000
Hameaux de fond de vallée
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 514.75.81.100
Profil topographique du fond de vallée
17
Situations et intuitions
Le choix de s’implanter dans l’un de ces hameaux, justifie la volonté d’inscrire le site de projet dans un système de situations de projet plus large. Pour justifier l’exportation des réflexions d’un site à un système de situations, il est nécessaire que chaque situation réponde aux mêmes critères. Il est possible d’identifier une typologie de hameaux de fond de vallée par une structure d’implantation, de forme urbaine, de rapport avec l’extérieur, d’architectures similaires. Ces hameaux définissent une typologie de situation en proie aux mêmes enjeux et aux mêmes risques. Ces lieux proposent à la fois une qualité de vie en milieu rural et à la fois une proximité avec des pôles urbains à rayonnement territoriaux ou internationaux. Ainsi, les formes urbaines reflètent l’attrait récent des habitants à habiter ces hameaux isolés. On retrouve une dualité entre un noyau vernaculaire et une urbanisation périphérique récente en clos urbain.
0
Hameaux de fond de vallée
5000
Les Gravins
Oëx
1990-2014 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 472.70.76.100
1950-1990 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 472.70.76.100
1920 - 1950 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
Les Vorziers
Luzier
1866 - CARTE D'ÉTAT MAJOR
Profil topographique du fond de vallée
19
Situations et intuitions
Plan d’arpentage de Luzier
0
1500
Luzier
Photographies de Luzier d’aval en amont
21
Situations et intuitions
Luzier, hameau type Dans ce système de situations, Luzier, hameau de la commune de Sallanches, semble faire converger un ensemble d’enjeux de projets. Du fait de son implantation d’abord. Le hameau s’inscrit à l’évasement du corridor géologique et s’ouvre sur la plaine de Sallanches bénéficiant donc d’un ensoleillement et d’un dégagement sur le paysage confortable. Ensuite, le hameau s’inscrit sur les contreforts du massif du HautGiffre, permettant de se mettre à distance des crues de l’Arve tout en favorisant l’établissement de plaines agricoles ou de pâtures couramment irriguées. Malgré sa proximité avec le massif montagneux, Luzier se dégage des cônes de déjections, donc des risques d’éboulements, en se situant sur une légère surélévation topographique. La proximité avec le torrent du Crève-Coeur a permis de dessiner les chemins amenant aux plaines d’alpages en amont du hameau. Du fait de sa situation favorable et de l’endiguement des crues de l’Arve, l’urbanisation actuelle de Luzier s’étend en périphérie de son cœur vernaculaire. L’arpentage du hameau met en avant une diversité de modes d’habiter dans un périmètre relativement dense. Ce paysage architectural interroge sur les modes de vie que l’on retrouve au sein du hameau. On retrouve une population hétérogène dans ce hameau. Pour expliquer cette diversité architecturale les données sociologiques02 nous aident à mieux comprendre le site. Le hameau est peuplé aujourd’hui de deux cents personnes. Les luzerans n’entretiennent plus de relations
02. Données Insee FiLoSoFi, 2015
avec les terrains de pâturages en aval au profit d’autres exploitants, puisqu’on ne retrouve plus d’agriculteurs/éleveurs aujourd’hui. La dynamique économique réelle du hameau s’organise principalement autour des deux entreprises du bois, la menuiserie et la scierie/ meniuserie. La population tend au vieillissement dans le centre vernaculaire luzeran tandis qu’on retrouve en aval une population de cadres, dont une grande part de frontaliers.
0
5000
Luzier
Orthophotographie
23
Situations et intuitions
Plan masse
GSEducationalVersion
0
2500
Luzier
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Situations et intuitions
Recherche sujet-projet Ce tableau de Luzier amène à croiser mes intuitions de choix de site avec des problématiques réelles liées à celui-ci. Une recherche par le projet permet d’interroger et de mettre en architecture celles-ci. Suite à l’arpentage du hameau, les intuitions de projet se sont orientées autour de deux thématiques principales : d’une part la co-habitation des formes pavillonnaires avec les modes d’habiter vernaculaire du hameau, d’autre part l’extrapolation des communs comme structure urbaine du hameau. Le premier projet interroge l’urbanisation diffuse des hameaux du fond de vallée. L’importation de la forme urbaine pavillonnaire conjuguée avec une topographie clémente de fond de vallée n’induit aucune limite quant à l’expansion de ces formes urbaines en périphérie des hameaux. Le projet offre la capacité de résoudre le risque de consommation du foncier tout en intégrant les caractéristiques fondatrices du pavillon individuel. Le rempart habité propose une ceinture d’habitats individuels, qui enceint littéralement le périmètre à urbaniser et limite l’expansion urbaine à ces frontières. On retrouve dans l’épaisseur du rempart la typologie de la forme urbaine pavillonnaire. Dans chaque pièce, on retrouve les caractéristiques de la maison individuelle : un jardin, un garage, une maison unifamiliale. Chaque maison est séparée de son voisinage par d’épaisses limites, le jardin d’une part, et un réseau de pièces tampons -sanitaires, distributions et chambres- d’autre part, donnant une épaisseur conséquente entre l’espace de vie et le voisinage.
Projet ‘‘Remparts habités’’ GSEducationalVersion GSPublisherVersion 468.71.77.100
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 468.71.77.100
0
2000
0
1000
Sujet-projet
aa’
Plan de sol
Coupe transversale aa’
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Situations et intuitions
Le deuxième projet interroge les communs de hameaux comme structure urbaine. L’infrastructure des communs propose de concevoir le hameau comme une maison constituée de pièces. Une trame de murs définie ces dernières. On retrouve dans les interstices urbains la capacité de créer de nouvelles pièces en plus des habitations existantes. Ces pièces s’inscriraient dans la filiation des communs. C’est-à-dire qu’elles proposeraient des espaces appartenant à la communauté où chaque membre du hameau serait libre de s’y rendre et de l’utiliser comme une extension de son chez-soi. Ainsi en plus de son espace privatif, l’habitant du hameau choisira dans quelle pièce il passera du temps en communauté. Là aussi, la question de la limite expansive de l’urbanisation est posée. En proposant une agrégation de pièces communes fonctionnant comme des noyaux, l’urbanisation future aura tendance à s’articuler autour de ceux-ci. La recherche par le projet permet de poser les fondements des problématiques à confirmer ou à infirmer par un corpus analytique du site de projet.
Projet ‘‘Superstructure des communs’’ GSEducationalVersion GSPublisherVersion 468.71.77.100
0
2000
0
1000
Sujet-projet
aa’
Plan de sol
Coupe transversale aa’
29
CHAPITRE II
LUZIER, PROPRIÉTÉ ET SOUVERAINETÉ
Propriété et souveraineté
Communs de hameaux Les communs dans leur définition actuelle s’articulent autour de trois notions clé, une ressource, une communauté et l’ensemble des règles qu’elle édicte à son entour pour inscrire sa gestion sur le long terme. Cette définition conjugue pratique du territoire et gouvernance citoyenne dans une perspective de gestion vertueuse des ressources d’un milieu. Les communs trouvent leur origine dans une pratique historique. Ils définissent une politique de la pratique du territoire. Concrètement, les biens communs sont des biens territoriaux et architecturaux « [...] appartenant à une communauté de personnes habitant un même hameau. Ce bien est inaliénable et ne peut être vendu ou cédé [...] sans l’accord de l’ensemble des habitants. La commune n’a aucun droit ou responsabilité sur ce bien. »03. L’héritage de ce droit coutumier régissant l’idée du commun, se retrouve, encore aujourd’hui, inscrit dans le Code Civil français où il est fait mention qu’ «il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous »04. De cette pratique du milieu habité, naît une utopie politique basée sur le Bien Commun. L’Allégorie du Bon Gouvernement, fresque murale de Lorenzetti Ambrogio au Palazzo Publico de Sienne, dépeint une photographie des vertus composantes de ce système. Les protagonistes principaux sont les vingt-quatres citoyens au centre de la composition. Ils relayent la corde descendant de la Justice passant par la Concorde, munie d’un rabot pour aplanir les discordes de la cité, pour la porter au Bien
03. ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.19. 04. Code Civil, Livre III, Article 714. 05. MARCHAIS Dominique, Nul homme n’est une île, Météore Films, Documentaire, 96min, 4 avril 2017.
Commun. Ce dernier est représenté comme l’unique forme de gouvernement capable de régir la cité. L’idée est que chaque citoyen est responsable et donc doit participer à sa cité. Il n’est pas question d’accuser un pouvoir politique venu d’en haut, mais de construire collectivement sans hiérarchie la pratique de son milieu habité. L’idée est de rendre à chaque citoyen la souveraineté sur son environnement. « Ils font du Bien Commun leur Seigneur. ».05
‘‘ Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous.’’ 04
Communs
Lorenzetti Ambrogio, Allégorie du Bon Gouvernement, 1338-1339, Palazzo Publico, Sienna
33
Propriété et souveraineté
La politique territoriale des biens communs est structurante de la culture rurale, notamment en Haute-Savoie. En terme de superficie, ces espaces couvraient une étendue considérable allant jusqu’à 50% du territoire06,07. La nature de ces biens varie. Les biens cultifs regroupe les « pâturages, champs, vignes, chènevières, jardins, près et pré-marais, bois, terres vaines et vagues.»08 les habitants y trouvaient leurs principales ressources de la vie quotidienne. Les produits de coupes issus de ces bois permettaient aux habitants de se fournir en bois de construction comme de chauffage. Les habitants les plus pauvres trouvaient leurs ressources alimentaires dans les terrains cultifs09. Les ressources du territoire se trouvaient en interaction directes avec l’habitant. Cette gestion territoriale est nécessairement inclusive, permettant de gérer et utiliser les ressources collectivement. On retrouve les traces de cet héritage dans la toponymie des lieux-dits. Les portions de territoire nommés «communs», «communal», «commune» etc. définissent, encore aujourd’hui, dans les étages alpins, des étendues de pâturages ou de forêt tandis qu’en plaine, les étendues des lieux-dits sont plus restreintes et se trouvent sur des terrains agricoles ou maraîs proche de l’Arve.
06. « La moitié de la superficie totale était dédié aux bien communaux. » DESPINE Charles-Marie-Joseph, Essai sur les biens communaux du Duché de Savoie, Chambéry, Imprimerie de Puthod, 1836, p.1. 07. « Vers 1750, lorsque commence à se poser, en Savoie, une « question des communaux », la propriété collective représente une grosse part de la superficie totale. » GUICHONNET Paul, « Les biens communaux et les partages révolutionnaires dans
l’ancien département du Léman » Études rurales, 1969, n°36, p.7‑36, p.8. 08. DESPINE Charles-Marie-Joseph, Essai sur les biens communaux du Duché de Savoie, Chambéry, Imprimerie de Puthod, 1836, p.2 09. BROSSAUD Claire, LAVAL Christian, « Aux racines des communs. » 03 mai 2018. Récupéré le 28 novembre 2020 de : https://metropolitiques.eu/Aux-racines-des-communs.html.
0
500 000
0
250 000
Communs territoriaux
Carte, toponyme lieux-dits ‘‘communs’’, Haute-Savoie Carte, toponyme lieux-dits ‘‘communs’’, Vallée de l’Arve
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Propriété et souveraineté
Les communs se déclinent également à l’échelle de la structure urbaine. Le hameau par définition, « est un groupe d’habitations en milieu rural trop petit pour être considéré comme un village. L’élément fondateur est très souvent une ferme.»10. La définition fait écho à la morphologie de Luzier. Elle est la résultante de l’agglomération autour de quelques éléments bâtis fondateurs. À l’origine, l’urbanisation échappe à une structuration par des alignements de bâtis affirmant des espaces publics comme la voirie ou la place. On parle plus facilement d’espace commun, comme d’espaces interstitiels sans délimitations claires, appropriables par la communauté. La morphologie de Luzier se structure par ces deux échelles de communs. En aval du hameau, on retrouve proche de l’Arve les terres incultes souvent inondées servant de zones de marais et de pâturage11. Quant au cœur du hameau, les établissements humains se structurent autour d’un réseau de communs architecturaux permettant de répondre aux usages quotidiens de la communauté luzeranne12.
10. RAULIN Henri, L’architecture rurale française, Savoie, Paris, Berger-Levrault, 1977, p.25. 11. « La deuxième forme correspond aux « étendues incultes ». D’une grande superficie, elles sont situées aux abords de l’écart, souvent en zones inondables, à proximité d’un cours d’eau. […] Il s’agit de zones de marais ou de pâtures utilisées pour le pacage des bestiaux. L’étendue inculte accueille généralement un plan d’eau commun aux habitants. ».
ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.20. 12. « […] Elle sert de cour de desserte aux habitants, d’espace supplémentaire pour le stockage et le travail de leur récolte agricole. L’aire accueille généralement un plan d’eau et un four à pain également communs aux habitants. » ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.21.
0
5 000
Communs de hameau
1920 - 1950 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1950-1990 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1866 - CARTE D'ÉTAT MAJOR 1920 - 1950 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1990-2014 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1728-38 - MAPPE SARDE
1866 - CARTE D'ÉTAT MAJOR
1728-38, mappe sarde
1866, carte d’état-major 1990-2014 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1950-1990 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1728-38 - MAPPE SARDE
1920 - 1950 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1920-1950, photographies aériennes
1950-1990 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1950-1990, photographies aériennes
1866 - CARTE D'ÉTAT MAJOR 1920 - 1950 - PHOTOGRAPHIES AERIENNES
1728-38 - MAPPE SARDE
1866 - CARTE D'ÉTAT MAJOR
photographies aériennes 1990-2014 - PHOTOGRAPHIES1990-2014, AERIENNES
1728-38 - MAPPE SARDE
Plans, évolution historique de Luzier
37
0
Propriété et souveraineté
Si l’héritage territorial des biens communs est difficilement identifiable aujourd’hui, les édifices collectifs subsistent dans le paysage urbain. Ces édicules sont des «fours, pressoirs, moulins» rythmant la vie quotidienne des habitants du hameau. La mutualisation de ces usages a amené une forte proximité des bâtis entre eux. Luzier trouve son origine urbaine autour de ces usages fondateurs de la vie commune. Lorsqu’aujourd’hui l’héritage des communs est lu comme un patrimoine endormi, ceuxci était le théâtre de la vie politique au sein du hameau. La gestion de ces biens par l’assemblée des communiers a fondé une gouvernance collective constituant « [...] le premier embryon d’administration locale.»13
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 489.70.75.100
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 489.70.75.100
1.Fontaines
2.Four communal
13. GUICHONNET Paul, « Les biens communaux et les partages révolutionnaires dans l’ancien département du Léman » Études rurales, 1969, n°36, p.7‑36, p.10.
Plan de repérage
3.Stockage
5000
0
100
Communs de hameau
1.
1.
5.
1. 3.
2. 4.
4.École communale
5.Chapelle
Relevé typologique, élévation des communs
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Propriété et souveraineté
Révolution de l’enclosure Le paradigme des communs est bouleversé avec la révolution de la propriété. Dès le XIIe siècle, se pose la question de la privatisation de ces biens communs. La révolution bourgeoise française les considère comme mal entretenus et mal gérés par la communauté, donc peu rentable. Il serait profitable de redistribuer ces entités entre l’État et le propriétaire privé. Nationalisation et privatisation des biens, éradiquent une pratique du territoire traditionnelle. Le parcellaire des communs est divisé en de longues lanières14 puis redistribuer en titres de propriété. La lecture de cette transformation administrative se prononce également concrètement dans les délimitations physiques des différentes parcelles agricoles ou habitées. C’est la politique de l’enclosure. À la suite de cette logique politique, les communs sont englobés dans la propriété et participent à une invisibilisation de cette pratique territoriale14.
Ainsi dans le hameau luzeran se définit différentes manières d’habiter. Lorsque le clos propose des épaisseurs privatives tant par l’espace que par les limites qu’il propose, l’espace urbain du hameau, lui, est amorphe, non-délimité et suggère son appropriation jusqu’au seuil de l’intime. Une lecture des modes d’habiter peut se comprendre au travers d’un dessin sensible des limites de propriétés.
Sur l’héritage de la politique d’enclosure s’inscrit aujourd’hui une nouvelle forme urbaine, le clos. Installée dans les longues lanières de parcelles agricoles, le clos tapisse le fond de vallée de l’Arve (Scionzier, Marnaz, Magland, Passy etc.) et s’inscrit aussi dans les hameaux comme à Luzier. La forme urbaine est caractérisée par son découpage parcellaire singulier. Longiligne, elle présente une voie d’accès privative, distribuant en peigne des habitats individualisés. Les pavillons sont séparés entre eux par d’épais jardins et sont définis par des limites franches15.
14 « Actuellement, ces anciens biens communs se sont tellement incorporés à la propriété privée que leur ancienne appartenance au patrimoine collectif s’est effacée de la mémoire populaire. On ne les décèle plus que par une structure cadastrale en longues lanières parallèles qui tranchent les champs savoyards, irréguliers et massifs». GUICHONNET Paul, « Les biens communaux et les partages révolutionnaires dans l’ancien département du Léman » Études rurales, 1969, n°36, p.7‑36, p.17.
15. « La distance comptée horizontalement de tout point d’une construction au point le plus proche de la limite séparatrice doit être au moins égale [...] à 4 mètres […] En tout état de cause les clôtures d’une hauteur de 2 m maximum doivent être constituées soit par des haies vives, soit par des grilles, grillages ou tout dispositif à claire-voie comportant ou non un mur bahut de 0,50 m maximum de hauteur. ». Commune de Sallanches, Règlement d’urbanisme, Zone Ud, Sallanches, 2021, p.39.
0
1500
Plan, parcellaire
L’enclosure
De gauche à droite Les communaux, La Roche-sur-Foron Le communal de Marlioz, Passy Les communaux, Sallanches Le communal de la plaine, Marignier Vers les communaux, Contamine-sur-Arve Le grand communal, Vougy Les mouilles de commun, Luzier
41 GSEducationalVersion GSPublisherVersion 518.67.73.100 GSEducationalVersion GSEducationalVersion GSPublisherVersion 518.67.73.100 GSPublisherVersion 518.67.73.100
Propriété et souveraineté
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 489.70.75.100
Plan, forme urbaine du clos
0
2500
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2000
Le clos urbain
Plan, forme urbaine du hameau
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Propriété et souveraineté
zone agricole zone vierge espace public espace privé espace commun limite franche limite souple limite poreuse
Plan de situation, limites GSEducationalVersion GSPublisherVersion 522.67.73.100 GSEducationalVersion GSPublisherVersion 522.67.73.100
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2500
0
2000
Le clos urbain
Coupes transversales
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ducationalVersion ublisherVersion 489.70.75.100
Propriété et souveraineté
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500
Rurbains Un nouveau type de population vient s’installer dans ces clos, les rurbains. L’arrivée d’une population exogène au hameau admet une perception singulière de l’environnement. Ces habitants d’origine urbaine perçoivent l’environnement comme un paysage, un tableau à contempler depuis chez soi. D’une posture inédite de l’homme envers son milieu, naît des morphologies architecturales spécifiques. La maison cherche à habiter le paysage. Elle s’établit au centre d’épais jardins.
Plan et coupe sensibles, le clos
Le voisinage est mis à distance. Les haies en aval ont tendance à s’abaisser pour faire entrer le paysage montagnard dans son espace privé. La formation urbaine du hameau est influencée par une perception historique tout autre de l’environnement. Le milieu montagnard est perçu comme un risque dont il faut se prémunir. Cette perception dicte l’agglomération et la proxémie du bâti afin d’offrir une continuité spatiale couverte et chaleureuse. La densité est augmentée par le phénomène de mutualisation
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Rurbains
des usages quotidiens. L’organicité du plan naît d’un besoin primaire de défense par rapport à l’environnement, et propose une urbanité spécifique au hameau. L’espace résiduel entre les constructions devient la source du commun urbain.
Plan et coupe sensibles, le hameau
47
Propriété et souveraineté
Déterritorialisation Les mutations de populations riment avec les mutations de mode de vie. Le rapport du hameau avec son territoire change avec des connexions récentes aux infrastructures territoriales et internationales. L’arrivée des rurbains à Luzier concorde avec le rattachement de l’autoroute A40 au hameau17. Il est désormais possible de conjuguer déplacement transfrontalier et habiter le fond de vallée. Le hameau existe dans une relation directe avec son grand territoire. Ainsi les luzerans n’ont plus la nécessité de travailler proche de leur lieu de vie, et le profil de frontalier s’affirme de plus en plus dans le hameau18. Installés dans les clos urbains, les frontaliers effectuent quotidiennement des aller-retour entre leur propriété privée et le grand territoire avec à la possibilité de rejoindre l’A40 située au pied du hameau. Les infrastructures territoriales amènent la possibilité de ne plus se rendre dans l’espace du hameau. Rajoutons que l’arrivée des infrastructures territoriales à Luzier concorde avec une augmentation du prix de l’immobilier et du foncier, dû au pouvoir d’achat et aux salaires élevés importé par les frontaliers19. Ainsi se creuse un écart de mode de vie entre les rurbains et frontaliers des clos urbains et les habitants du hameau traditionnel.
‘‘ I have given particular attention to the differences there are between a city population and a mountain population. For the former, nature represents beauty, an ideal close to that of paradise. However, the people who actually live with the nature are also aware of its cruelty. This can also be seen in the attitude to the space. City people long to look out over extensive views of nature, while the inhabitants of mountain landscapes, who live in close contact with nature, prefer an intimate space that is conductive to warmth and closeness.’’ 16
16. CAMINADA Gion, GILI Mónica, ORTEGA Luis, « Construir en las montanas », 2G, n°14, 2000, p.139. 17. « Contrairement aux générations précédentes qui ont exercé une activité de polyculture-élevage au cœur de l’écart et qui utilisaient les communs, les nouvelles générations ont une activité professionnelle qui les oblige à quitter l’espace villageois quotidiennement. » ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33,
p.26. 18. NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42. 19. NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
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Déterritorialisation
Carte, réseau viaire, Haute-Savoie Carte, réseau ferroviaire, Haute-Savoie
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Propriété et souveraineté
Ces connexions territoriales amènent des problématiques pour le hameau. Si on retrouvait des usages spécifiques (enseignement supérieur, commerces spécifiques) dans les pôles urbains avoisinant à l’époque traditionnel, c’est aujourd’hui la plupart des facilités du quotidien qui se densifient dans ces zones urbaines en dépit des hameaux de fond de vallée. La migration de ces usages quotidiens, amène un facteur risque pour la dynamique des hameaux. L’usage de la voiture permet aux habitants une pratique du territoire inédite. Les infrastructures territoriales ainsi que les moyens de transport permettant des déplacements à l’échelle du territoire ont permis la « libération du territoire ». C’est-à-dire que les habitants d’un lieu ne sont plus obligés de pratiquer quotidiennement l’épaisseur de son hameau pour subvenir à ses besoins. Les avancées techniques permettent aux habitants de vivre dans un lieu tout en effectuant des déplacements quotidiens de grande échelle pour travailler, accéder aux facilités du quotidiens, accéder aux divertissments, etc. Cette libération du territoire amène la possibilité de faire parti de plusieurs lieux à la fois, mais induit l’abstraction du milieu habiter. Cette libération du territoire amène un nomadisme quotidien. L’identification des ressources permettant la vie quotidienne est dissipée. Le territoire devient un espace abstrait indépendant d’un espace producteur de ressources spécifiques associées à un lieu. Ce processus d’abstraction du territoire est qualifié de déterritorialisation par Alberto Magnaghi. Ainsi, la notion de culture d’habiter un lieu se dissout et avec lui toutes ses composantes, ses ressources, ses modes d’habiter, ses cultures, etc.
20. « Il est clair que l’hybris de puissance de la technique jumelée à la surdétermination de l’économie a produit une sorte de « libération du territoire » ou bien de ses liens historiques : de la terre […], de la localisation de ses ressources énergetiques […], des temps de transport des personnes et des marchandises et de diffusion de l’information […]. Cette libération a produit un processus de déterritorialisation sans précédent dans l’histoire, avec la construction d’une seconde nature artificielle
‘‘ Cette libération a produit un processus de déterritorialisation sans précédent dans l’histoire [...] ’’ 20 : processus qui, après l’ère mécanique, continue dans des formes exponentielles à l’ère du digital. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017., p.58
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250 000
Déterritorialisation
1-3
3-5 Enseignements Commerces Divertissements
Carte, équipements de la vallée de l’Arve
Gares ferroviaires
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Propriété et souveraineté
Souverainetés La disparition des communs substituée à la partition du territoire en privatisation ou nationalisation amène une abstraction d’habiter un milieu. La dualité privée-publique imposée par la propriété a abstrait le territoire non comme une construction commune entre des ressources et une communauté locale, permettant la reproduction et la soutenabilité de celle-ci, mais à favoriser d’une part l’intérêt individuel, et d’autre part l’intérêt de l’État et de ses administrations locales. Hors l’intérêt public n’est pas représenté dans l’épaisseur du hameau. Les décisions politiques de gestion du territoire sont centralisées dans les pôles d’administration locaux. Ainsi le hameau et son milieu deviennent un sujet subordonné pour l’administration publique et un sujet propice aux intérêts privés. En cela, la révolution de la propriété a éteint la co-évolution de la communauté du hameau avec son milieu ambiant. Le territoire est voué à la dualité entre bien marchand ou bien public
se transforme en une agglomération d’individus indépendants les uns des autres. La disparition des communs induisant une souveraineté des individus sur leurs ressources spécifiques, amène la partition du territoire comme bien marchand ou bien sanctuarisé, et la disparition de toute vie politique à l’échelle hyperlocal. La communauté luzeranne perd sa souveraineté23 sur son territoire au profit de la partition entre intérêts privés et intérêts publics. D’une souveraineté de commun à une souveraineté de propriété.
Le territoire est partagé entre son exploitation liée aux intérêts économiques ou sa sanctuarisation par l’État. La centralisation induit la délocalisation des décisions. Ainsi les décisions sur l’aménagement, la gestion, et l’exploitation des ressources luzerannes ne sont plus prises par les habitants, concernés directement par leur milieu, mais par des instances abstraites « venues d’en haut »22. Il n’y a plus de lien direct entre décisions politiques et gestion concrètes du territoire. Ainsi, la vie politique accompagnant l’organisation et l’exploitation des ressources quitte l’épaisseur du hameau. La communauté
‘‘ L’agora et la politique s’éloignent à une vitesse vertigineuse de la vie quotidienne. ’’21
21. MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.61. 22. « De manière analogue avec l’avènement des États-nations centralisés, la commune, sur le modèle anglais devient « administration locale », ou bien perd le caractère de lieu de l’autogouvernement de la société établie pour devenir simple administration de services. ». MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.77.
23. « Anciennement agricole, Luzier abritait essentiellement des fermier et/ou agriculteurs qui travaillaient aux alentours. Ils étaient auto-suffisants et consommaient ce qu’ils produisaient (pain, cidre, viande…). Pour compléter leurs besoins, ils pouvaient marcher jusqu’au centre de Sallanches, lors des jours de marché par exemple. ». NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.46.
Souverainetés
Terrence Malick, A Hidden Life, 2015
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INTERLUDE
RISQUES ET PARTI-PRIS
Risques et parti-pris
Pratiques du territoire La pratique du territoire peut être lue à travers ses différentes épaisseurs de l’échelle privative à celle internationale. Les usages propres à la tradition du hameau s’effectuaient majoritairement dans l’épaisseur du hameau. On retrouvait les étapes de la vie quotidienne, cet espace était dédié au travail, l’agriculture, l’élevage, la transformation et le stockage des denrées. Se déroulait occasionnellement des moments de sociabilités, lors de fête ou d’instants cultuels24. L’habitat exprimé par la ferme traditionnelle permettait une flexibilité d’usages et une capacité d’accueil importante25. Le grand territoire quant à lui est rarement investi. La perception s’arrêtait à l’échelle de la commune lors d’achat occasionnel sur le marché. Rappelons que l’environnement était majoritairement craint et les infrastrucures de transports restreintes. Aujourd’hui une toute autre pratique régie les épaisseurs du territoire. L’habitat individuel, rassemble une pluralité d’usages du logement aux divertissements. Le temps passé dans sa propriété augmente considérablement. Les infrastructures territoriales et la voiture permettent de quitter son espace privé pour investir la grande échelle, ainsi, il devient aisé de travailler, de se sociabiliser et d’aller faire des courses ailleurs. L’épaisseur du hameau n’est plus pratiquée au profit d’un pont spatial entre l’épaisseur privative et territoriale.
24. « La disparition croissante des manifestations collectives (qu’elles marquent le temps social, agricole ou spirituel), témoignages de l’unité villageoise, constitute l’indice le plus visible de cette transformation des interactions sociales entre les habitants au sein des écarts.». ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p. 17‑33, p.30.
25. « Avant nous faisions des veillées, et nous allions chaque soir chez quelqu’un pour échanger, discuter... De nos jours, c’est impossible avec internet, les portables, la télévision… ». NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
Pratiques du territoire
ESPACE PRIVATIF - conséquence architectural la ferme collective
ESPACE PRIVATIF - conséquence arch gabarit réduit, esp
ESPACE COMMUN - conséquence architectural des programmes singuliers
ESPACE COMMUN - conséquence arch patrimoine culture
ESPACE TERRITORIAL -conséquence architectural peu de connections territoriales
ESPACE TERRITOR -conséquence arch connections territo
Transformation pain, cidre, fruit, eau Élevage vaches, mou tons, lapins, Commerce marché pour achat-vente
Agriculture culture de céréales, grain, avoine, pommes
Stockage greniers, stockage alimentaire outils
Logement logt-ferme habitat intergénérationnel
Commerce achats ponctuels
Éducation MaisonÉcole
Sociabilité Veillées, échanges, discussions
Divertissement Fêtes, évenements
Officiel mairie, enseign., etc.
Travail télé-travail, bureau, pièce en plus
Cultuel Chapelle
ESPACE PRIVATIF Habitat - conséquence architectural gabarit réduit, espace de jardin,
COMMUN uence architectural ammes singuliers
ESPACE COMMUN Hameau - conséquence architectural patrimoine culturel abandon des espaces communs Commune ESPACE TERRITORIAL -conséquence architectural connections territoriales
TERRITORIAL ence architectural nnections territoriales
nt me teronnel
Sociabilité Veillées, échanges, discussions
Commerce achats ponctuels
Éducation MaisonÉcole
Divertissement Fêtes, évenements
Officiel mairie, enseign., etc.
Commerce achats du quotidien, alimentaires
Stockage cave, grenier garage,atelier, outils Quotidiens cuisine, électroménager Logement etc. logement mono familial, unigénérationnel
at
Travail télé-travail, bureau, pièce en plus
sions
Habitat
Quotidiens cuisine, électroménager Logement etc. logement m familial, uni générationn
Artisanat ateliers de précisions
PRIVATIF uence architectural collective
Stockage greniers, stockage alimentaire outils
Commerce achats du quotidien, alimentaires
Stockage cave, grenier garage,atelie outils
Cultuel Chapelle
Travail frontaliers, artisans
ameau
Travail frontaliers, artisans
Propriété pr
Hameau
Territoire, inter
Public mairie, gare, enseign., etc.
Sociabilité internet, réseaux sociaux
Éducation écoles, collèges, lycées, sup.
Divertissement Jardin,télévision, jeu vidéo Sociabilité espace public, bar, restaurant
Propriété privée Hameau
Divertissement musée, cinéma, bibliothèque
ommune
Territoire, international
Diagrammes, usages traditionnels et actuels des épaisseurs du territoire
Espace territorial
Espace des communs
Espace privé
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Risques et parti-pris
Dissolution du lieu Les analyses orientées du territoire mettent en lumière un ensemble de risques mineurs plus ou moins identifiables. Le désinvestissement des hameaux, le mitage du territoire, la privatisation des ressources, l’abstraction perceptif du territoire trouvent un point de convergence dans la notion de dissolution du lieu introduit par Alberto Magnaghi26. Le territorialiste italien explicite le risque d’une déterritorialisation du mode d’habiter. Les individus ne s’identifient plus aux repères culturels, sociaux, culturels, matériels, symboliques de leur habitat. Cette notion entraîne une perte de souveraineté des communautés locales sur leur lieu de vie, le territoire local n’est plus connu donc n’est plus investi. Ce risque majeur joue un rôle structurant dans les raisons du projet d’architecture. Ce dernier essayera de répondre à la question, comment donner de l’épaisseur au hameau et à ses ressources en les investissant par la pratique de lieux communs.
26. MAGNAGHI Alberto, La biorégion urbaine, Paris, Eterotopia France, 2014, p.61.
‘‘ Le territoire local n’est plus connu, ni interprété ou mis en scène par les habitants comme un bien commun producteur des éléments de reproduction de la vie biologique (eau, sources, rivières, nourriture, énergie) ou sociale (relations de voisinage, conviviales, communautaires, symboliques) [...] En ultime analyse, la dissolution des lieux, et de leur devenir, dans le cadre d’un processus général de déterritorialisation de la vie, produit une perte totale de souveraineté pour les individus comme pour les communautés locales et aussi bien du point de vue des formes matérielles, sociales, culturelles que symboliques de leur existence. ’’ 26
Dissolution des lieux
Photographie, Lotissement le clos de l’île, Les Gravins
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Risques et parti-pris
Lieux luzerans Pour palier au risque de la dissolution des lieux, le projet d’architecture est force de proposition. Le projet propose la création de lieux, au sens où l’entend l’architecte des Grisons, Gion A.Caminada, « [...] des lieux de production de produits, de production de savoir et de production de sens.»27. Les lieux luzerans s’inscriront dans l’héritage des communs tant dans leur capacité à offrir différents usages adaptés aux usages de la communauté contemporaine de Luzier, que dans celle à induire une gestion politique locale de ces lieux et des ressources qu’ils mobilisent. Ces lieux ont pour ambition de conscientiser les ressources locales du hameau, de les mobiliser ou de les mettre en scène dans l’espace quotidien des habitants, pour leur donner l’impulsion de se les réapproprier, dans la perspective de retrouver une forme de conscience puis de souveraineté sur leur milieu habité.
27. CAMINADA Gion A., Conférence architecture / Gion A. Caminada / 21.09.12., 21 septembre 2012. Récupéré le 6 octobre 2020 de : https://www.youtube.com/watch?v=mk9XziQVZEY&t=2140s.
‘‘ Créer des lieux peut se résumer à quelques idées fortes, d’abord tout ce qui nous arrive de décisif se passe dans un espace circonscrit. […] Créer des lieux c’est aussi se rapprocher des choses. […] Lutter contre la destruction de la diversité, créer des lieux c’est aussi créer de la culture, sans différence il n’y a pas de culture.’’27
Lieux luzerans
Witte (de) Emmanuel, The interior of the Oud Kerk, 1650
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CHAPITRE III
COMMUNS LUZERANS, DÉFINIR DES LIEUX
Définition des lieux
Ressources, communauté, lieux Pour définir les lieux luzerans et répondre aux ambitions qu’ils portent il est nécessaire de s’inscrire dans la définition des communs actuels. Elinor Ostrom définit les communs au carrefour de trois entités : une communauté, une ressource et l’ensemble des règles qu’elle édicte à son entour pour inscrire sa gestion sur le long terme29. Ainsi les communs dépasse la seule réponse architecturale pour engager la communauté dans la bonne gestion de ses ressources. La définition d’Ostrom est utilisée comme une méthode de définition des lieux spécifique à Luzier. D’abord, il s’agit de définir et d’identifier les ressources du hameau. Luzier s’inscrit naturellement au carrefour de différentes ressources naturelles, parmi lesquels on identifie le Torrent du Crève-Coeur et la Cascade de l’Arpennaz. On retrouve également des ressources agricoles définit par les prairies de pâturage, les champs agricoles de fond de vallée, et les arbres fruitiers. La ressource matérielle est définie comme l’ensemble du matériel mutualisable des habitants. Au-delà des ressources tangibles, il est intéressant de révéler des ressources immatérielles qui permettraient de fédérer la communauté autour d’intérêts communs. Par là, on entend des ressources sociales avec la présence d’une diversité de populations, de leur savoir, de leur culture, de leur savoir-faire. Ces ressources identifiées permettent d’inscrire les communs luzerans dans une géographie spécifique.
Diagramme, méthode de définition des lieux
RESSOURCES
Ressources naturelles
Torrent de Crève-coeur Cascade de l’Arpennaz
Ressources agricoles
Arbres fruitiers Prairie luzeranes Agriculture fond de vallée
Ressources sociales
Luzerans Rurbains Extérieurs
Ressources matérielles
Matériel mutualisable
Lieux communs
POPULATIONS
LIEUX
Grenette
Lieu de vente alimentaire Lieu de consommation
Transformation
Lieu de transformation Lieu de conservation
Grenier commun
Lieu de mutualisation Lieu de sport
Bassins commun
Lieu bassin filtrant Lieu bains, vestiaires Lieu plage torrent
Maison commune
Lieu événementiel Lieu rencontre Lieu dépendance
Invités
Habitant luzerans
Randonneurs, touristes, extérieurs ponctuels
Exploitants fond de vallée
65
Définition des lieux
Après avoir défini et cibler ces ressources, il est nécessaire de comprendre quels acteurs vont entrer en interaction avec ces ressources afin d’en définir un usage adapté. Si les communs luzerans sont à porté directe des habitants du hameau, ils sont susceptibles d’accueillir et de servir à d’autres communautés comme les exploitants-agriculteurs, les invités, les randonneurs et extérieurs ponctuels. Finalement, l’articulation des ressources identifiées avec une communauté permet de définir cinq lieux communs. On retrouve la grenette, le lieu de transformation, la maison des communs, le bassin commun et le grenier commun. Ces lieux sont adaptés aux usages contemporains et pallient les espaces manquants du hameau. La méthodologie de définition de ces lieux, en interface entre ressources et communauté, permet d’adapter la définition des communs à la singularité de chaque site. Ainsi les communs n’ont pas tous la même échelle de résonance, certains usages du fait de leur singularité rayonneront plus à l’échelle interlocal tandis que d’autre plus banaux auront un rayonnement à l’échelle interprivative. Dans cette conception des lieux communs, on pourrait imaginer appliquer cette méthode de définition des lieux à chaque hameau du fond de vallée. L’exportation de cette méthode permettrait de construire un système de lieux interdépendants, tout en affirmant la singularité de chaque hameau. Ce système permettrait de renforcer l’ancrage de ceux-ci dans leur milieu habité tout en proposant un réseau d’échange interlocal entre eux.
28. EYNAUD Léa, « De quoi les communs urbains sont-ils le nom ? », 01 juillet 2019. Récupéré le 06 novembre 2020 de : https://metropolitiques.eu/De-quoi-les-communs-urbainssont-ils-le-nom.html. p.2.
‘‘ Elinor Ostrom, pense les communs au carrefour de trois entités : une communauté, une ressource et l’ensemble des règles qu’elle édicte à son entour pour inscrire sa gestion sur le long terme. ’’ 28
Système
Magland
Les Villards
Les Gravins
La Grangeat
Oëx
Les Vorziers
Blancheville
Luzier
Méribel
Sallanches
Organigramme, système de hameaux de fond de vallée
67
Définition des lieux
Système de lieux Après avoir défini les communs luzerans il s’agit de les mettre en résonance avec les ressources auxquelles ils se réfèrent. Le rôle de ces lieux est de permettre aux habitants de conscientiser les ressources de leur milieu. L’urbanisation de Luzier et sa proximité à ses ressources ont déterminé la soutenabilité de ses habitants29. Les établissements humains et les ressources du territoire sont indissociables. On l’a vu si la dissolution des lieux amène une abstraction du territoire, il est nécessaire que les communs induisent à redonner à voir ces ressources. La stratégie d’implantation des lieux a pour ambition de faire l’interface entre la communauté luzeranne et les ressources auxquelles les communs renvoient. L’ambition est de redonner de l’épaisseur aux ressources luzerannes, dans la quotidienneté des habitants. Les lieux d’intervention favorisent l’interaction entre les ressources ciblées et la population du hameau. Ainsi, les prairies de pâturages s’introduisent dans le hameau, par la continuité d’un pré-verger amenant à la grenette et au lieu de transformation. Les ressources agricoles sont mises en scène. Au sein de la grenette, la halle de vente et le réfectoire propose des vues sur le préverger ainsi que sur les terrains de pâturages. L’eau du torrent du Crève-Coeur apparaît sous diverses formes chaque intervention urbaine, fontaîne, source d’eau potable, arrosage du verger, et prend de l’épaisseur avec les bassins communs. Dans ce lieu, l’eau du torrent est mise en relation directe avec les habitants puisqu’ils peuvent désormais s’y laver, s’y baigner, et arroser. Le torrent existe aujourd’hui en lisière
29. « Luzier abritait initialement plus de vaches que d’hommes ! Il y avait des vaches, des moutons, des lapins... Nous cultivions des céréales pour faire notre pain, ainsi que du grain, et de l’avoine. Et des pommes pour le cidre ! Luzier était essentiellement agricole, mais la dernière ferme s’est arrêtée de fonctionner il y a 4-5 ans. ». NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
du hameau, avec ce nouveau lieu il prend de l’épaisseur dans l’espace quotidien des habitants. Le grenier commun s’insère dans le dense tissu pavillonnaire des clos urbains. En relation direct avec les habitants des clos, il trouve une position centrale a disposition de l’ensemble des habitants. La maison des communs elle aussi, trouve sa place au sein du noyeau vernaculaire, elle organise les temps de sociabilités et de communauté entre les habitants. La stratégie d’intervention répond à une même logique d’interface entre un lieu, une communauté et ses ressources. Ainsi les communs luzerans construisent un système d’interventions architecturales et urbaines interdépendant au sein de Luzier. Les communs se répondent. L’importance d’inscrire ces interventions architecturales en interface directe avec les ressources permet aux luzerans de prendre conscience en vu d’être responsable des ressources qu’ils disposent. Ces ressources n’existent que parce qu’une communauté entretient une activité avec elles. Si la communauté les déserte, ces ressources disparaissent30. Alors que la déterritorialisation a tendance à invisibliser les ressources du territoire, les communs ont pour ambition de réduire la distance entre les ressources et la communauté et au-delà de les mettre en scène dans le quotidien du hameau. Comme le suggère Caminada31, si les habitants sont en relation directs avec les ressources, ils s’en sentiront responsable, ce qui engage une organisation de la communauté en vu de la gestion de celles-ci.
30. « À la différence des biens naturels, qui préexistent à leur utilisation comme ressources, les biens communs territoriaux en tant que produits de l’action humaine, restent en vie seulement grâce aux soins collectifs qui leur sont prodigués […] ». MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2014, p.11. 31. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005,
Système
‘‘ Creating places means gaining proximity to things that define our lives. The distance is reduced when we understand processes and appropriate spaces of experience. We represent the conviction that humans are only able and willing to develop effective motivation out of what is clearly grasped and ultimately assume responsibility for the environnement and their own location. A location is more than an image.’’ 31
69
Définition des lieux
Politique et gouvernance Concevoir des communs suggère l’action de faire en commun32. En concevant les ressources comme une entité évolutive à co-construire il est nécessaire que les habitants établissent les règles de gestion de ces ressources. Ce chapitre décide de projeter une gouvernance plausible de la communauté luzeranne sur ses lieux communs et pardelà sur ses ressources. L’établissement de commun au sein du hameau amène à définir une organisation politique à l’échelle locale. Ainsi les habitants deviennent souverains du milieu qu’ils habitent en organisant les conditions de gestion et d’exploitation de ce dernier. En concevant les communs comme un bien appartenant à l’ensemble de la communauté il est nécessaire de faire appel à un système politique inclusif. Afin de gérer ces biens communs, on pourrait imaginer la création d’une coopérative de hameau. Le système de coopérative favorise au mieux l’intérêt collectif, car il n’est pas assujetti aux lois économiques, mais au seul fonctionnement des biens dont il dispose. Appliqué à la situation du hameau, les habitants seraient tous autant propriétaires des communs de Luzier. L’adhésion à cette coopérative du hameau serait ouverte à toutes les personnes voulant rejoindre l’intérêt collectif de gestion des communs. L’usage des lieux communs se ferait sous réserve de l’adhésion à la coopérative du hameau. Les membres de la coopérative sont appelés associés ou sociétaires.
32. « Cette co-obligation contenue dans le terme « commun » exprime donc véritablement le dynamisme, le ressort politique de la vie collective, et engage une perspective démocratique : la coexistence et la coactivité supposent également que nous décidions ensemble, que nous élaborions ensemble les lois et les règles de vie collective. »BROSSAUD Claire, LAVAL Christian, « Aux racines des communs. » 03 mai 2018. Récupéré le 28 novembre 2020 de : https://metropolitiques.eu/Aux-racines-des-
Les règles de fonctionnement de gestion des biens communs sont établies selon des principes démocratiques. En assemblée générale a lieu les votations des divers sujets selon le principe ‘un vote égal une voix’ attribuant autant de valeur à un membre qu’à un autre. Ainsi, les règles d’exploitations, de gestion, de financements de ces biens communs pourraient être adoptées lors de ces assemblées. La participation économique à la gestion des lieux communs du hameau est équitablement répartie entre chaque sociétaire. L’organisation de ces assemblées serait à la charge d’un représentant changeant bi-annuellement, afin de renforcer le principe de désintéressement individuel. Ce schéma de gouvernance politique semble le plus adapté à la logique de gestion de commun, car il propose une structure horizontale où tous les membres sont égaux et désintéressés, au profit d’un projet collectif. De plus la coopérative garantie une relative indépendance de ses membres quant aux décideurs extérieurs, qu’ils soient politiques ou économiques. Elle permet de trouver une alternative à dualité de propriété privée et propriété publique. Au sein de cette administration politique locale, se définiraient les règles d’usage de chaque commun du hameau. Ce principe de gouvernance induit des règles d’usage et donc une programmation singulière. Puisque les communs appartiennent à la communauté, il est nécessaire d’organiser
communs.html. p.1. 33. BROSSAUD Claire, LAVAL Christian, « Aux racines des communs. » 03 mai 2018. Récupéré le 28 novembre 2020 de : https:// metropolitiques.eu/Aux-racines-des-communs.html. p.3.
Gouvernance
des usages adaptés à ce principe de propriété. Les usages de ces communs proposent donc de donner une place réelle aux ressources que dispose Luzier dans l’épaisseur quotidienne des habitants33. Une relation directe s’établit entre habitants et milieu. L’usage des communs, en se fondant sur la conscientisation des ressources dans l’espace du hameau, permet de définir une culture d’habiter luzeranne singulière. Afin de continuer de proposer des lieux qui produisent du sens, la réponse architecturale elle-même doit s’inscrire dans une géographie singulière au sens large.
‘‘ Avec les communs, nous avons affaire à l’émergence d’une toute autre forme d’organisation sociale : celle où les gens participent directement à la définition, à l’élaboration et à la production des usages qui les concernent directement. ’’ 33
71
Définition des lieux
Maison des communs
Grenette
Transfor
La maison des communs est le lieu de la vie sociale et politique pour le hameau.
La grenette est un lieu de vente et de consommation alimentaire.
Le lieu de tr un espace dédié à l de denrée alimenta
Ce lieu propose de mettre à disposition des dépendances s’articulant avec des espaces communs, un réfectoire, une cuisine, des salons, des sanitaires, une blanchisserie. On retrouve également une salle événementielle à destination de fêtes, d’organisation d’événements, de rencontres, etc. ainsi qu’une salle de réunion ayant la capacité de recevoir l’ensemble des habitants du hameau lors d’assemblées.
La halle de vente est un espace dédié à la vente des denrées alimentaires. Agriculteurs et exploitants disposent d’un box individuel, afin de stocker, exposer, transformer sommairement les denrées qu’ils vendent. Ils disposent également d’étale de vente dans l’espace central.
Il est mis espace de press dédié à l’apicultu d’affinage, des esp alimentaire.
Le lieu est à destination des invités des luzerans, lorsque ces derniers ne disposent pas d’espace d’accueil chez eux. Les dépendances pourraient également être mises à disposition des randonneurs et extérieurs ponctuels. La disponibilité des dépendances est à définir lors des assemblées.
Le réfectoire commun est un espace de consommation des repas achetés lors des jours de vente. Des espaces d’eau sont mis à disposition pour préparer les repas. La grenette est accompagné d’un pré-verger. Les arbres fruitiers ainsi que la production du pré-verger est à la disposition de tous. Les exploitants des terrains de pâturage luzerans sont invités à faire paître leurs animaux dans le pré-verger.
Un ou plus est présent en perm
Les luzera de s’y rendre pour personnelle, le production pourra aux exploitants.
Gouvernance
Grenier commun
Bassins communs
ransformation est la transformation aire
Le grenier commun est un lieu de mutualisation de biens entre les habitants du hameau.
Le bassin commun est un lieu d’agrément.
à disposition un soir, un espace ure, un espace paces de stockage
La nature des biens est définie par leur capacité à être mutualisé et inapproprié par les habitants, par exemple on pourrait retrouver des biens d’usages ponctuels (matériel de bricolage, matériel de jardinage etc.), ainsi que des biens d’usage sportifs (matelas, filets, ballons, raquettes, etc.) Le grenier commun permet de stocker et de mettre à disposition les ressources nécessaires au chauffage des habitants, le bois de chauffage, le granulé à bois. Cette mise en commun limitera les déplacements des fournisseurs.
rmation
sieurs exploitants manence.
ans sont libres r leur production surplus de ait être revendu
Ce lieu met à disposition des vestiaires, des douches, des sanitaires, des douches extérieures, ainsi qu’un sauna. À l’extérieur, le lieu met à disposition un bassin d’agrément. Le bassin est alimenté par l’eau du torrent, filtré en premier lieu par un bassin de lagunage, puis redistribué dans un bassin d’oxygénation avant d’être relâché dans le torrent en aval. Ce lieu est à disposition des habitants du hameau, ainsi qu’aux randonneurs et extérieurs ponctuels.
Les biens disponibles sont soit mis à disposition par les habitants volontaires, soit acheté en commun sur décision lors d’une assemblée. La disponibilité des biens est à définir lors des assemblées.
73
CHAPITRE IV
CONCEPTION, GÉOGRAPHIE DU PROJET
Géographie du projet
Ressources projectuelles L’ancrage dans une géographie spécifique est un enjeu fort dans la définition du projet. La définition de la réponse architecturale commence par la volonté, là encore, d’inscrire le projet dans une co-construction entre architecture et ressource territoriale. Le projet architectural témoigne littéralement de la possibilité de coconstruire en transformant directement le territoire par la mobilisation des ressources locales. L’architecture n’échappe pas à la logique de bien commun, elle fait partie du bien commun territorial. Le projet d’architecture a la capacité de mobiliser directement, les ressources matérielles et immatérielles singulières d’un milieu. Si les architectures vernaculaires semblent s’inscrire dans la continuité du lieu, c’est parce qu’elle répondait à une logique économique. Cette économie se traduit par une économie d’énergie quant à la transformation et au déplacement des matériaux34. Les matériaux de construction étaient issus de l’environnement proche et transformer grâce à un savoir-faire spécifique lié à une ressource spécifique. Aujourd’hui c’est la même logique économique qui régit le monde architectural, hors logique économique contemporaine rime avec déterritorialisation. La normalisation, la standardisation et l’industrialisation du monde du bâtiment a permis de définir des systèmes constructifs efficaces, économiques et simples à mettre en œuvre. Également, cette logique économique a éloigné la dualité architecture ressource du milieu au profit d’une abstraction
34. « Mon père coupait les bois le plus haut et le plus près possible du chemin de l’alpage en hiver et au printemps. On montait les planches, on prenait les poutres au passage et, le soir même, le gros du chalet était en place. […] il y avait peu de choix dans les dimensions et le type de constructions, au moins en ce qui concerne la charpente […]. » RAULIN Henri, L’architecture rurale française, Savoie, Paris, Berger-Levrault, 1977, p.27.
des systèmes constructifs. En cela Bernard Quirot peut affirmer que l’architecture a quitté le monde concret de la matière35. La main d’œuvre n’a plus besoin d’être qualifiée, et l’économie de construction territoriale est décorrélé des projets d’architecture. Luzier est témoin de ses mutations de réponses architecturales. À travers un relevé typologique des différents paysages architecturaux du hameau on constate que l’assemblage de madriers de mélèzes est abandonné au profit d’un enduit mince sur moellons. Si la logique économique semble avoir détaché l’architecture de la culture du lieu, sur quelle logique devrait se fonder le projet des communs luzerans?
35. « L’architecture a alors cessé de devenir un bien commun. Nous avons perdu ce qui en faisait une culture partagée, perte dont nous subissons chaque jour les effets dans un environnement de plus en plus dégradé. Le monde dans lequel nous vivons n’a désormais plus besoin d’architecture car celle-ci a quitté le monde concret de la matière, elle n’est plus un langage, elle n’est plus une culture. » QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.22.
Ressources projectuelles
Inconnu, Chalet d’alpage, n.d.
77
Géographie du projet
Procédé constructif
Il est nécessaire de faire un pas de côté de cette logique économique en trouvant une autre entrée de projet : celle de la géographie du projet. L’ancrage du projet dans une géographie singulière nécessite de commencer avant même de dessiner le projet par choisir un procédé constructif. Car avec lui, le système constructif entraîne la mobilisation de ressources territorialisées singulières, accompagnées de savoir-faire savants et d’une économie locale36. Le choix de travailler uniquement en bois massif abouté et en assemblage bois-bois défini le degré zéro du projet. Le choix de travailler en bois massif permet de mobiliser au-delà du projet d’architecture une économie locale tournée vers les scieries du fond de Vallée de l’Arve et les techniques régionales de mise en œuvre par les artisans de la filière bois. La Haute-Savoie entretient une longue histoire constructive puis culturelle avec ce procédé constructif. Le choix de travailler avec des sections de bois massif peut limiter les performances structurelles, mais éviter l’emploi de colles, et l’exportation du procédé de fabrication à l’étranger. Ce procédé constructif porte en lui la volonté de maîtriser et de contrôler la chaîne de fabrication au sein de la Vallée de l’Arve. Cette dernière est riche en ressources de matières premières. Parmi le couvert végétal présent dans la Vallée de l’Arve, on retourne une diversité d’essences comme le chêne, le hêtre, le châtaignier, le robinier, le pin, le sapin, et l’épicéa, le mélèze et le douglas. Parmi ces essences nombres d’entre elles peuvent être mobilisés pour la construction notamment les résineux.
La visite de la Scierie Anthoine située à Magland a permis d’affirmer ce choix de procédé constructif. Si l’industrie du bois a fortement diminué dans la région, la scierie a à cœur de maîtriser toute la chaîne de production37. Le bois utilisé est en provenance à 70% de la HauteSavoie. Les scieurs travaillent principalement le mélèze, le sapin et l’épicéa. De la matière première au produit fini, la filière bois permet d’activer une économie et des ressources territorialisés. Au sein même du hameau luzeran on retrouve un savoir-faire de mise en œuvre du bois avec la menuiserie Allard et la scierie Rapin et fils.
36. « Commençons par choisir un système constructif et donc un matériau, cela constituera déjà une critique des conditions de production de notre société qui privilégie le simple assemblage de produits industriels ne nécessitant plus une main d’œuvre qualifiée. Essayons aussi d’exprimer la valeur du savoir-faire nécessaire à la mise en œuvre dans des bâtiments qui portent la trace du travail de l’artisan ou de l’ouvrier, de sa part dans l’acte constructif, y compris de ses erreurs. ».
QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.83. 37. « On a voulu s’arrêter de grossir en taille d’entreprise. Avec cette taille, on conserve et maîtrise l’ensemble de la chaîne de production. On va sélectionner directement en forêt les troncs. On définit la période de coupe, avant d’être acheminé jusqu’ici à l’atelier de transformation. » Entretien, Sébastien Anthoine, Scierie Anthoine, Magland, 2021.
Procédé constructif
Épicéa
Sapin
Sapin blanc
Douglas
Hêtre
Auteur, Scierie Anthoine à Magland, 2021
79
Géographie du projet
La mise en œuvre du procédé constructif en bois massif définit l’identité culturelle architecturale de la Haute-Savoie. Le bois massif est décliné à tous les éléments de construction architecturaux. En structure, la mise en œuvre du bois en Haute-Savoie est extrêmement diversifiée. Sans être exhaustif, l’on retrouve principalement une architecture de mur avec l’assemblage de madriers, une architecture d’ossature avec les systèmes de poteaux-poutres. Pour les charpentes, on retrouve le type charpente à colonnes, charpente dauphinoise, charpente à compensation de charge, et également la ferme classique. L’enveloppe architecturale propose une multitude de mises en œuvre. L’ancelle et le tavaillon sont des tuiles de bois utilisées comme couverture de toiture. L’enveloppe se matérialise principalement avec des bardages, à clair-voie, en planches clouées, à couennaux ou encore en tavaillons. La richesse de mise en œuvre du bois massif réside notamment dans le savant assemblage bois-bois38. Le travail de l’assemblage bois-bois nécessite une main d’œuvre qualifiée spécifique. Là encore, le choix du procédé constructif ancre le projet des communs dans une géographie spécifique. On retrouve dans l’architecture vernaculaire, l’assemblage de madriers pièce sur pièce maintenue soit par un système de moise-verrous, soit par un chaînage en queue d’arronde, également des assemblages tel que le tenon-mortaise, le mi-bois et autres. Le développement du projet se structure autour de ce choix de procédé constructif et répond aux ambitions des communs en étant garant des ressources territoriales qu’il choisit mobiliser. Au-delà de la mobilisation d’un procédé
constructif territorialisé les communs luzerans s’inscrivent dans un langage architectural singulier. L’architecture devient garante des ressources territoriales qu’elle mobilise, en les mettant en scène.
38. « L’aspect d’une construction subit fortement l’empreinte des détails d’assemblage. Les liaisons peuvent être des assemblages bois-bois, à broches, clouées ou vissées, à plaques de tôles noyées ou avec pièces métalliques visibles. ». HERZOG Thomas, NATTERER Julius, SCHWEITZER Roland, VOLZ Michaël et al., Construire en bois, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p.83.
39. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.138.
‘‘ The local economy is the basis of peripheral regions’ existence. As it is possible to build with local materials that tend to be inexpensive and environment-friendly the construction sector particularly important for their economy. Processing raw materials is labor intensive, as is the case everywhere. Yet providing jobs for the inhabitants of peripheral regions is important. It not only promotes the local economy but regional architectural methods too. ’’ 39
Procédé constructif
01.
02.
03.
04.
05.
Relevé, typologie de charpentes
Charpente à colonnes. Elle permet une tée grâce aux reprises de charges par Le toit a une faible pente, ce qui entrain accumulation de neige et implique une i gidité au niveau des pannes.
Charpente Dauphinoise. Le toit est t forte pente. C’est un toit à quatre pans, u non originaire de la région mais impor maison de type bourgeoise, déconnec liées à l’agriculture.
Charpente à compensation de cha térisée par des tirants qui débordent lesquels les arbalétriers irréguliers pre Ceux-ci sont donc en porte-à-faux. Le toiture qu’ils transmettent aux tirants e par les charges dans les combles : foin,
Ferme classique dont l’usage est coura Le toit présente une forte pente pour li grosses charges de neige. Les arbalétr sur l’entrait et soutiennent les pannes. Le porte le faîtage et rigidifie les arbalétrie nant un faux entrait.
Charpente en pierre. Bâtiment pour l’ vant à l’estivage. Fondation en pierre s voûte est en anse de panier, les murs l mètre 80 d’épaisseur servent de butée à
01. Charpente à colonnes 02. Charpente dauphinoise 03. Charpente ferme classique 04. Charpente à compensation de charges 05. Voûte en pierre
81
Géographie du projet
‘‘ […] timber is plentiful and often owned by the community; and that minimal transport and local processing keep income in the valley and hence amount to a self-determined form of regional subsidy. ’’ 40 40. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.144.
Procédé constructif
01.
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 580.72.78.100
02.
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 580.72.78.100
03.
01. 02. 03. 04.
04.
Assemblage en queue d’arronde. Assemblage tenon-mortaise. Poutre primaire à mi-bois, poteau moisé. Poutres primaires à mi-bois, poteau moisé.
Axonométries assemblage bois-bois
83
Géographie du projet
Architectonique Au-delà d’entrer en résonance avec un langage architectural territorial, le projet questionne son rapport aux communs vernaculaire. La conception de l’expression architecturale des projets s’est appuyée sur la réinterprétation des caractéristiques des communs vernaculaires. Ces édicules répondaient à un besoin primaire, c’est pourquoi ils témoignent tous d’une architectonique visible. Les composantes architecturales sont issues d’une économie réduite à son extrême nécessité. Leurs usages répondant aux besoins primaires, l’architecture propose un abri minimum aux aléas environnementaux. En cela, les édicules historiques présentent une lisibilité du système constructif de l’ensemble. Les efforts ne sont pas cachés derrière un enduit, mais chaque assemblage, franchissement, empilement est montré brut. Les matériaux sont intelligibles, les grès de taille, les galets de remplissage, les charpentes et couvertures de mélèze. Cette économie de l’éphémère cristallise tant les matériaux utilisés que le savoir-faire constructif entrepris pour leur mise en œuvre. Ils sont le témoignage d’une pratique, en cela, ces architectures du commun trouve leur spécificité architecturale mais aussi contextuelle.
0
200
Architectonique
Relevé, typologie des communs
85 GSEducationalVersion GSPublisherVersion 518.67.73.100
Géographie du projet
Le relevé typologique des bâtis luzerans ainsi que l’étude de l’architecture vernaculaire haut-savoyarde a permis d’identifier le langage auquel le projet devait entrer en résonance. Si les objets architecturaux sont divers, on peut néanmoins dégager une tendance dans leur mise en œuvre. Ces architectures présentent toute une dualité ossatureenveloppe. La structure des bâtisses est conçue en poteaux-poutres et l’étanchéité se fait à l’aide d’une couverture légère de bardage. Dans les parties supérieures des bâtisses, l’ossature des édifices est souvent matérialisée à l’extérieur par les pannes et les jambes de force reprenant la charpente et notamment les débords de toiture41. Ainsi, le projet répond de ce langage en s’écrivant avec cette syntaxe : ossature visible et couverture légère en second plan. Les différentes échelles de projet permettent de jouer des déclinaisons de cette syntaxe. On retrouve à la plus petite échelle de projet une structure poteau-poutre perpendiculaire à la façade et une enveloppe légère en panneau trois-plis. L’échelle intermédiaire propose une charpente en portiques, avec en soubassement une enveloppe lourde en panneau plein et en élévation des liteaux ajourés. Enfin, le grand gabarit propose un système de poteaux-poutres sur trois dimensions, avec une affirmation des poteaux en façade et une enveloppe légère menuisée.
41. « Structure : la structure est de type poteau-poutre sablière. L’ensemble repose sur la partie pierre qui abrite l’habitation. La fermeture du volume est réalisé par des planches posées verticalement chevillées ou clouées sur les sablières hautes et basses. / Couverture : Ancelles. / Habitation : située dans en rez-de-chaussée dans la partie pierre. » BERLIOZ Jospeh, BONNOT Michel, Le bâti ancien des Savoie, Paris, Électricité de France, 1985, p.47.
1.
C.
2.
B.
3.
A.
Architectonique
A1. Bardage planchés et litelés A2. Bardage en couennaux A3. Bardage en planches clouées ajourées B1. Assemblage de madriers à mi-bois B2. Assemblage de madriers en qeue d’arrond B3. Assemblage de madrires par moises-verrous C1. Occultation, volet bois C2. Encadrement et linteau de percement C3. Chaînage d’angle, pierre de taille et remplissage galets
Axonométrie, mise en oeuvre architectonique
87
Géographie du projet
B02
A02
A0
B03’
B0
B03
GSEducationalVersion Relevé typologique Luzier GSPublisherVersion 521.67.73.100
D0
G01
F01
F0
F03
G04
G0
I05
I06
I06
0
250
Concrétiser un site
03
A04
A05
04
B04’
B05
03
C04
E04
02
F02’
F04
05
G05’
G06
6’
H06
J07
89
GSEducationalVersion
0
Géographie du projet 01
a
b
c
d
e
f
g
h
i
j
k
Plan de repérage
02
03
04
05
06
07
2500 08
09
0
1000
Concrétiser un site
9
+590m
+550m
+530m
Tendances typologiques
91
Géographie du projet
Rendre visible l’architectonique permet de mettre en scène l’ensemble des ressources mobilisées par le projet afin de les donner à voir aux habitants du hameau. Les matériaux de construction tout comme le savoir-faire de transformation et la mise en œuvre des acteurs de la construction ayant participé à l’édification de ces architectures est assumé. Le projet d’architecture en plus de sa programmation offre aux habitants une mise en scène des ressources qu’ils disposent spécifiquement dans leur milieu habité. L’identification à ces ressources matérielles et immatérielles offre la capacité de développer une culture spécifique à un milieu habité. Le projet des communs luzerans opère une double résonance architecturale en s’identifiant autant à une géographie du site qu’à une typologie singulière par rapport aux autres édifices du hameau. Peut-on parler de typologie de communs ?
42. QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.30.
Trame facade
‘‘Non pas tant parce qu’il s’inspirerait des typologies locales, mais plutôt par sa capacité à entrer en résonance avec ces typologies, que ce soit par les matériaux, les tonalités, les proportions ou plus simplement parce qu’il serait capable de s’inscrire dans une géographie au sens large du terme. L’histoire et les savoir-faire, par exemple, font partie de cette géographie.’’42
0
50
Concrétiser un site
93
CHAPITRE V
CONCEPTION, TYPOLOGIE DE COMMUNS
Typologie
Pièces communes L’une des problématiques du projet est de répondre à la question, comment tenir ensemble des projets ne répondant ni aux mêmes usages, ni aux mêmes implantations, ni aux mêmes gabarits ? Car si les projets de communs luzerans revêtent chacun leur identité architecturale propre, ils doivent entrer en résonance dans l’espace du hameau. Par analogie, le hameau pourrait être considéré comme une grande maison constituée de pièces individuelles correspondant aux propriétés des luzerans. Les communs seraient des pièces spécifiques dans lesquels se déroulaient les temps de communauté entre les individus. On retrouve cette analogie avec le plan type des Chartreuses. Au sein d’un même ensemble est articulé des cellules individuelles en interaction avec des espaces communs où se déroulent les activités communautaires (l’église, le four, le potager, etc.). Cette image permet de construire l’analogie de pièces individuelles et pièces communes au sein de Luzier. Ainsi les communs forment un ensemble de pièces, au-delà de leur caractéristique propres, qui se détache des pièces individuelles. Architecturalement, cela induit d’établir un ensemble de règles et de principes permettant de tenir ensemble ce système de pièces dans l’espace urbain.
Maison théorique
Plan, Monastère Cartusien de Clermont, 1676
97
Typologie
De la trame aux gabarits Le degré zéro de la composition architecturale des communs réside donc dans le parti-pris de travailler en bois massif. Structurellement ce procédé constructif cadre les limites de travail. La longueur des poutres possible est limitée par la longueur des grumes, généralement les celles-ci ne dépassent pas huit mètres43. Ensuite les sections de bois massifs ne peuvent pas être trop importantes sans avoir recours à un procédé d’encollage. Ces sections, notamment de résineux (mélèzes, épicéa, sapin) sont normés et standardisé par la NF EN 338 - Bois de structure et classes de résistance. C’est avec ces sections que nous composerons les différents projets architecturaux. Allant du litelage aux poutres, les sections de bois massifs permettent d’adapter la trame constructive au besoin d’espaces. Pour définir les moyennes de portée, nous considérons que le rapport hauteur de sections, longueur de portée entretient un rapport de un pour vingt. Ainsi la section 225.225 cm la plus importante définit la longueur de portée maximale avec laquelle nous travaillerons soit 450 cm. La trame spatiale est définie en cohérence avec les sections de bois massif proposées. Travailler avec une trame de 360 par 360 centimètres permet d’articuler l’emploi de sections standardisées avec des spatialités minimum. Cette trame permet de partir de l’élément structurel, déclinable en espace d’agencement avec une largeur de mobilier de 45 puis de placard de 67, de définir des unités de passages minimum de 90, 180, et de définir des largeurs de pièces de 270, 360, 450. Lorsqu’il
43. « L’une des sections les plus courants en construction bois est la section en bois équarri. À cause de ses dimensions et celles des grumes, on ne dépasse pas des longueurs de 8m.» HERZOG Thomas, NATTERER Julius, SCHWEITZER Roland, VOLZ Michaël et al., Construire en bois, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p.98.
deviendra nécessaire de développer de plus grandes portées, on aura recours au principe de ferme ou d’arbalétriers, permettant, à partir de l’assemblage de plusieurs sections de bois massif, de franchir des espaces plus conséquent 720 et au-delà. Le choix d’un procédé a priori limité dans ses performances structurelles, nous offre néanmoins une vraie liberté de composition spatiale, assez riche pour pouvoir se décliner suivant les différents usages auxquels il répond. L’affirmation de cette trame et des déclinaisons de cette trame se répercute directement en façade grâce à la visibilisation de l’architectonique. Cette trame permet de composer en façade, une portée entre solivages de 180, 360, mais également les éléments menuisers hauteur de baies de 270, largeur d’ouvrants de 90, fixes et panneau plein, etc. On retrouve cette trame comme étant l’outil de composition minimum des différentes interventions architecturales. À l’échelle urbaine, les gabarits architecturaux sont définis avec la même logique. Dans le hameau vernaculaire, on propose de travailler avec le plot de 1440.1440, et d’un rapport longueur-largeur équivalent. En aval, quand la topographie le permet le projet prend un gabarit de grange de fond de vallée, soit parallèle aux lignes de topographie avec un rapport longueurlargeur de deux pour un. Enfin dans les clos urbains le projet s’inscrira perpendiculairement à la pente avec un gabarit de largeur minimum de 1080. Les projets par leur implantation et leur gabarit répondent à des logiques d’implantations en cohérence avec le topos.
0
Trame et gabarits
200
De gauche à droite, de haut en bas
Éléments Éléments de charpente Éléments de mobilier Éléments de mobilier
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 580.72.78.100
0.225m 0.450m 0.675m
Espaces Largeur couloir Largeur distribution Largeur pièce
0.90m 1.80m 3.60m
Gabarits des communs Gabarit interprivatif Gabarit local Gabarit interlocal
7.20 x 3.60m 9.00 x 10.80m 14.40 x 14.40m
Schéma, trame et gabarits
99
Typologie
Règles spatiales À partir du dessin d’une trame, les communs répondent à une syntaxe commune. Par-delà une définition constructive et géométrique des édifices, des syntaxes spatiales régissent leurs déclinaisons architecturales. Les spatialités que l’on retrouve dans les interventions suggèrent l’idée de commun. La logique compositionnelle en plan définit une articulation entre des blocs fermés correspondant aux espaces d’intimités minimum pour les usages et des espaces ouverts ponctués du système porteur principal renvoyant aux espaces communs dans lesquels peuvent se dérouler les moments collectifs. L’ambition de cette syntaxe est de faire coïncider la structure avec les statuts d’espaces suggérés. Dans l’espace du hameau, afin de donner de l’épaisseur aux projets, ces derniers sont accompagnés d’interventions urbaines. Ces interventions ont pour but d’introduire les communs luzerans mais de répondre elles-aussi au dessin d’un commun urbain. À l’image de Luigi Snozzi à Montecarasso avec le règlement sur la structure du lieu, ou de Gion A, Caminada avec le règlement du Excerpts from Vrin Council’s planning & building regulations. Les interventions au sein du hameau luzeran auront tendance à respecter des règles spatiales limitant l’expansion du hameau, affirmant la qualité des espaces communs urbains proposé par le hameau vernaculaire. Pour cela, des règles régissent les interventions urbaines.
44. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.139.
L’établissement d’une syntaxe, définissant les cadres d’interventions des communs permettent également la définition du langage des communs, autrement dit, chaque commun luzeran peut avoir son identité tout en entrant en conversation avec les autres édifices de son type. Il est légitime de parler de typologie des communs.
‘‘ Pia Soler goatherd : I think it is right that limits were established. That not just anyone can come along and build a house whatever way the fancy takes them. Vrin as a whole and in its landscape cannot tolerate too many changes. ’’ 44
01 02
Les statuts d’espaces sont marqués par des changements de sol.
03
Les dynamiques spatiales à l’échelle urbaine sont accompagnées par des systèmes de limites souples - avec la présence de murets en béton cyclopéen - et des limites poreuses changements de nature de sol -. L’espace a pour vocation de glisser de l’espace urbain à l’espace bâti par une succession de seuils.
06
Afin d’assurer une continuité spatiale organique entre l’existant et l’intervention urbaine, le projet reprend les lignes de force structurant les dynamiques du lieu. Aucune limite franche n’est établie entre le projet et l’existant. Les changements topographiques sont autorisés lorsqu’ils donnent l’opportunité de créer des espaces construits. Hormis la création d’architecture, les interventions urbaines s’inscrivent au mieux dans la continuité du profil naturel du site.
07
05
Les limites des interventions ne sont pas marquées par des limites franches ou épaisses.
04
Règles typologiques
Les interventions limitent l’extension du hameau en s’inscrivant au maximum dans les espaces interstitiels existants.
101
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Typologie
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Typologie Le type permet d’inscrire un objet architectural isolé dans un système d’objets renvoyant aux mêmes règles de composition. Une structure implicite tenant ensemble des éléments vient guider le dessin au-delà des accidents ponctuels du lieu, et des déformations dû aux usages. La présente planche témoigne que malgré les variations de gabarits, d’usages, d’implantation, de propositions, l’ensemble des communs définissent un même langage architectural et architectonique, la typologie des communs45.
45. « Comme on l’a vu le type caractérise un ensemble d’objets mais n’équivaut à aucun d’entre eux en particulier. Le type repose sur ce qui est général, ce qui unit une série de phénomènes au-delà de leurs différences respectives. ». MARTÍ ARÍS Carlos, GRASSI Giorgio MONEO Rafael, Les variations de l’identité. Le type en architecture, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2021, p.117.
ÉTUDIANT(S) TITRE UNIT RESP.
VALCARCE Maxime
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Lieux luzerans
UE101D - PROJ 10 - Le Risque d’Habiter DUGAVE C. ENCADREMENT ROUEFF B.
BARRIQUAND S., DUGAVE C., JOLY S., LANOIX C., ROUEFF B.
MASTER ARCHI
S10 19-20
FI
PROJ INTERDEM
© ENSAL
Lieux luzerans Typologie des communs 250
Règles typologiques
Abri bus
0
Vestiaires
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100 GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Grenier commun
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Transformation
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Bassins communs
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Grenette
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
GSEducationalVersion GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100 GSPublisherVersion 686.70.76.100
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100 GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Maison des communs
GSEducationalVersion GSPublisherVersion 686.70.76.100
Façade
Plan
Coupe ÉTUDIANT(S) TITRE UNIT RESP.
VALCARCE Maxime Lieux luzerans
UE101D - PROJ 10 - Le Risque d’Habiter DUGAVE C. ENCADREMENT ROUEFF B.
BARRIQUAND S., DUGAVE C., JOLY S., LANOIX C., ROUEFF B.
103 MASTER ARCHI
S10 19-20
FI
PROJ INTERDEM
© ENSAL
CONCLUSION
MANIFESTE
Conclusion
Projet analogue Cette iconographie de références fait office d’ouverture au projet. Elle a accompagné les étapes de construction du projet depuis le début de l’année. Cette méthodologie de définitions de projet permet de prévisualiser le projet avant de le dessiner, elle cadre les sujets de projet interrogés. Elles constituent un projet analogue au Projet de Fin d’Études. Le projet de fin d’étude s’identifie à ses images tout en trouvant son propre chemin de définition, pour exister comme un projet inédit à son tour. L’idée du projet analogue est de prévoir le projet à venir par ce qui est connu. Au-delà de leur dimension plastique, ces images renvoient à des sujets d’architectures qu’ils soient politiques, théoriques, de mise en œuvre ou encore de compositions. Ainsi, le projet de fin d’étude est déjà présent dans ses images quelque part à la croisée de ses référents.
‘‘ Le langage des images permet de comprendre ce qui est étranger sans qu’il cesse d’être étranger. ’’ 46 46. SZONDI Peter cité par STEINMANN Martin, « Images », dans STEINMANN Martin, Forme forte, Écrits 1972- 2002, Basel, Birkhäuser, 2003, p.165-172.
Projet analogue
Iconographie de références
107
Conclusion
01. Terrence Malick, A Hidden Life, 2015 Co-construire son milieu, une communauté et ses ressources.
02. GBAU, Musée du Salève, 2007 Ambiance d’une charpente de corps de ferme.
04. Witte (de) Emmanuel, The interior of the Oud Kerk, 1650 Concevoir des lieux cosmopolites, qui acceptent les différences plutôt que les effacent.
05. Peter Zumthor, Allmannajuvet Zinc Mine Museum, 2016. Les projets se renvoient les uns aux autres, pourtant chacun conserve sa propre identité.
07. Bernardo Bader, Schopfacker Haus, 2017. Le plot comme gabarit urbain.
08. Lorenzetti Ambrogio, Allégorie du Bon Gouvernement, 1338-1339. Les communs comme principe de gouvernance.
10. Jaccaud Spicher, La Forclaz, 2015. Le projet entre en résonance avec les typologies locales tout en les réactivant par une strate architecturale actuelle.
11. Inconnu, Monastère cartusien de Clermont, 1676. Organiser des pièces individuelles et des pièces communes dédiées au temps de communauté. Le hameau comme une maison.
13. Gion A. Caminad, Vrin, n.d. Créer des lieux, pour proposer une culture d’habiter singulière.
14. Yuri Ancarani, Il Capo, 2010. Travailler avec les ressources de son territoire, modifier son milieu en conscience.
16. Studio Caruso ETHZ, Building and place inventory, 2016 Travail sensible de relevé et de compréhension d’un lieu pour mieux s’y inscrire.
17. Gion A. Caminada, Stiva da morts, 1996. Structure en double-madriers. Mobiliser et dépasser les savoir-faire constructifs traditionnaux.
Projet analogue
03. Thomas Paturet, Zermatt, 2019. Trouver la juste politesse urbaine.
06. Peter Zumthor, Luzi House, 1997. Principe de plans des communs.
09. Gion A. Caminada, Walpen Haus, 2002. Pli de façade dans le socle, seuil d’entrée.
12. Luigi Snozzi, Montecarasso, n.d. Définir des règles, garantir un continuum architectural entre les projets.
15. Miller et Maranta, Markthalle, 1999. L’espace des communs.
18. Auteur, Luzier, 2021. L’ambiguïté des espaces urbains des hameaux.
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Conclusion
Critique de la propriété Le hameau pose les fondements manifeste d’une alternative à habiter le territoire. En s’inscrivant dans la filiation des communs, le projet de fin d’étude pose les conditions d’une critique de la propriété. Ainsi concevoir le territoire comme un bien commun permet de s’extraire de la dualité économique dans lequel est ancré celui-ci47. Cette nouvelle forme de propriété amènerait ainsi les habitants et le territoire à co-construire ensemble le milieu, en s’extrayant des lois du marché qui vise à partitionner le territoire comme un bien marchand ou comme un bien à sanctuariser. Les communs rappellent aux habitants d’un milieu leur souveraineté sur ce dernier et sur les ressources qui le compose. Cette notion de commun permet de concevoir l’aménagement du territoire par des ressources singulières et situées. On l’a vu à l’échelle territoriale et internationale, le fédéralisme amènerait à une coopération des communs, permettant de construire un paysage de diversité et d’échanges entre chaque milieu48. L’échelle du hameau propose ainsi une nouvelle façon de concevoir l’urbanité, l’organisation politique, et défini de nouvelles pratiques d’habiter le territoire. D’un risque de dissolution des lieux, le projet propose l’opportunité de construire une alternative à la culture d’habiter. L’échelle du hameau semble une échelle adapté pour développer un manifeste critique de l’aménagement du territoire actuel. Les métropoles et les villes ont quitté leur relation à leurs ressources et ne semblent plus trouver des
réponses aux problématiques contemporaines. Les systèmes de hameaux pourrait construire une échelle de projet maîtrisable et critique quant à la vision de la propriété et du territoire. La proximité entre la population et ses ressources, l’échelle réduite de population et sa capacité de fonder une administration hyperlocal, offre les conditions à la souveraineté des habitants sur leur milieu habité49. Ce nouveau système politique, permettrait de mettre en conversation une communauté pluridisciplinaire (agriculteurs, habitants, artisans, politiques etc.) autour d’enjeux localisés. C’est pourquoi les communs offre la possibilité de réinventer les décisions d’aménagement du territoire et de ses ressources. L’architecte fait parti et est responsable de concevoir ses projets en accord avec l’idée de penser le territoire en bien commun. On l’a vu le projet d’architecture doit répondre à un ensemble de choix déterminant les acteurs et les ressources mobilisées pour la matérialisation du projet. Une compréhension du territoire permet, à travers des choix de conception, d’activer une économie locale et d’affirmer son identité -ses savoir-faire constructifs, ses ressources de matériaux de construction, ses procédés constructifs50-. Le rôle politique est indissociable de la pratique de l’architecte, et ses choix de projets reflètent la société dans laquelle il souhaite évoluer.
47. « Dans la locution biens communs il est fait allusion à une idée de dépassement du débat entre étatisation et privatisation, entre bien publics et biens privés. [...] il est possible d’aller au-delà de la dichotomie entre l’usage public et l’usage privé du territoire et de la gestion de ses biens patrimoniaux, en réintroduisant le concept « tertiaire » d’usage commun de plusieurs de ces biens. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.126.
48. « Un processus et un projet qui sont inscrits dans l’horizon stratégique de la construction de formes de « globalisation par le bas », c’est-à-dire de sociétés locales qui, [...], construisent les conditions pour tisser les relations d’échange coopératif, fédératif et non-hiérarchique entre les « locaux » du monde reterritorialisé. ». MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.212.
Hameau manifeste
t02. Mobilisation des ressources par des choix de projet
t05. Réinvestissement des ressources comme un bien commun par la communauté
PROJET t03. Mise en scène par le projet des ressources territorialisées t04. Sensibilisation de la communauté aux ressources du milieu habité
Production de sens
Production de produits
t01. Désinvestissement des ressources matérielles et immatérielles du territoire
Production de savoir-faire
RESSOURCES
COMMUNAUTÉ LUZERANNE
49. « Pour cela, l’éloignement et la marginalisation des pouvoirs étrangers en faveur de l’autonomie de la vie quotidienne et de la reconstruction des lieux, grâce à la croissance de la consicence du lieu, constituent le trajet fondamental pour rendre aux habitants l’agora perdue, ainsi que pour restructurer les formes de la politique. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.132. Schéma temporalités de projet
50. « Enfin, les architectes devraient participer un peu plus à la critique des politiques territoriales et notamment, celle de la décentralisation qui a finalement favorisé le développement de métropoles régionales au détriment de l’ensemble du territoire. [...] notre devoir est maintenant de repeupler les villes moyennes et les campagnes en favorisant une économie solidaire de proximité. » QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.85.
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Conclusion
Conclusion En somme, le projet apparaît comme une proposition à vivre autrement au sein du hameau. Ne souhaitant pas aller contre des types d’habiter, mais plutôt être force de proposition, le projet invite à repenser les modes de vie des habitants, tout en s’inscrivant dans une tradition locale. Le projet de fin d’étude a l’ambition de répondre à la thématique du risque d’habiter, en choisissant de s’inscrire dans un sujet à la croisée entre risques sociaux, environnementaux et économique. Ces hameaux de fond de vallées sont assujettis au risque d’abandon aux lois de la consommation foncière. Loin des décisions centralisées dans leur commune d’appartenance, les hameaux sont livrés à une urbanisation en profonde rupture avec leur culture d’habiter. Il ne s’agit pas de continuer de vivre dans cette dualité, entre population récente et population traditionnel, mais de proposer des espaces de rencontres entre les différentes populations qui pratiquent le hameau pour qu’ils puissent construire ensemble une culture d’habiter spécifique à leur lieu. Les communs de hameaux fondent une véritable opportunité à penser la pratique de nos milieux par le bas et en relation direct avec notre milieu habité. Le projet prend le risque de s’intéresser à ce type de lieux qui a priori n’intéresse pas les politiques d’aménagements et pourtant propose un territoire d’expérimentation intéressant. Les hameaux forment un véritable laboratoire à réinventer notre rapport à notre milieu habité.
L’échelle du hameau propose une relation directe entre habiter et les ressources nécessaires cet acte. Cette proximité nous apporte la conscience de ces ressources dans notre quotidien et par la suite notre responsabilité de les concevoir comme un bien commun. Afin de répondre à cette siutation désertée par les politiques d’aménagements, le projet prend le risque d’imaginer sa propre programmation par l’intermédiaire des communs.L’ambition est de révéler par des projets d’architecture chaque ressource présente dans le hameau. Ce projet d’architecture n’est qu’un support qui accompagne les habitants dans cette démarche de reconnexion entre ressources et milieu habité. L’ambition du PFE se résume ainsi, conscientiser un milieu pour mieux l’investir.
Hameau manifeste
Inconnu, Cascade d’Arpennaz, n.d.
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Conclusion
Retours personnels Ce projet intervient à l’articulation entre la clôture du monde étudiant et l’entrée dans le monde professionnel. La thématique du DEM ATEC a permi de positionner et de concrétiser les reflexions qui m’apparaissaient structurante en tant qu’architecte. Le choix de travailler au sein du DEM ATEC et plus particulièrement au sein de la Vallée de l’Arve naît d’une volonté forte d’intervenir dans le milieu alpin. Ayant grandi proche du Vercors, ma relation au territoire alpin et à ses cultures d’habiter m’ont toujours été familière. L’opportunité de réaliser le PFE dans ce milieu m’a permi d’approfondir des intuitions de projet et de mieux comprendre les enjeux de ces territoires. Ce choix de domaine d’étude est aussi motivé par mon entrée dans le monde professionnel puisque je souhaiterais exercer dans les régions alpines suisses et autrichiennes. Également, la thématique du DEM ATEC m’a permis d’interroger la posture de l’architecte, plus précisément, comment l’architecte peut-il proposer, avec ses outils, le modèle de société dans lequel il souhaite évoluer. Il a été important de se rendre compte de la façon dont nos choix de conception peuvent influer sur l’économie, les ressources, les savoir-faire, etc. d’un territoire. Le projet d’architecture a la capacité d’activer une économie et des acteurs territorialisés par un ensemble de choix de conception. Ce terrain d’étude sera intéressant à confronter dans la réalité de l’exercice en agence. Il a été très intéressant d’échanger avec l’équipe pédagogique sur la responsabilité en tant
qu’architecte de tenir certains parti-pris et de transcrire un discours en architecture. Enfin, dans cette logique de posture d’architecte, l’exercice du PFE a permis de m’interroger sur notre capacité en tant qu’architecte à mobiliser les ressources matérielles et immatérielles nécessaires au développement de nos projets. Comprendre que le projet nécessite un ensemble de ressources, amène à réfléchir sur cette notion de bien commun. Il est nécessaire pour l’architecte de travailler avec les ressources de son territoire, pour mieux les comprendre et ainsi pouvoir les exploiter en conscience. Concevoir les ressources en bien commun s’est construire son milieu habité.
Retours personnels
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ANNEXES
Annexes 01. « […] Valley communities have therefore always had countless opportunities to stay in contact with their neighbors and to undertake trade in cattle and other goods even over considerable distances. » Living and building in the Alps, Walter Zschokke p.143-147. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.143.
02. Données Insee FiLoSoFi, 2015
03. « D’un point de vue juridique, le « commun de village » est un bien appartenant à une communauté de personnes habitant un même hameau. Ce bien est inaliénable et ne peut être vendu ou cédé (complètement ou pour partie) sans l’accord de l’ensemble des habitants. La commune n’a aucun droit ou responsabilité sur ce bien. » ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.19.
07. « Vers 1750, lorsque commence à se poser, en Savoie, une « question des communaux », la propriété collective représente une grosse part de la superficie totale. » GUICHONNET Paul, « Les biens communaux et les partages révolutionnaires dans l’ancien département du Léman » Études rurales, 1969, n°36, p.7‑36, p.8.
08. « Les biens communaux du Duché de Savoie peuvent être classés, relativement à leur nature, en six catégories principales, savoir : Les biens cultifs; les pâturages; les marais; les bois; les terres vaines et vagues, landes, glières, gravier, rocs, etc.; les maisons, moulins, artifices, etc. »
09. « […] Valley communities have therefore always had countless opportunities to stay in contact with their neighbors and to undertake trade in cattle and other goods even over considerable distances. » Living and building in the Alps, Walter Zschokke p.143-147. CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.143.
13. « L’assemblée des communiers constitua le premier embryon d’administration locale. »
14. « Actuellement, ces anciens biens communs se sont tellement incorporés à la propriété privée que leur ancienne appartenance au patrimoine collectif s’est effacée de la mémoire populaire. On ne les décèle plus que par une structure cadastrale en longues lanières parallèles qui tranchent les champs savoyards, irréguliers et massifs. »
GUICHONNET Paul, « Les biens communaux et les partages révolutionnaires dans l’ancien département du Léman » Études rurales, 1969, n°36, p.7‑36, p.10.
DESPINE Charles-Marie-Joseph, Essai sur les biens communaux du Duché de Savoie, Chambéry, Imprimerie de Puthod, 1836, p.2
GUICHONNET Paul, « Les biens communaux et les partages révolutionnaires dans l’ancien département du Léman » Études rurales, 1969, n°36, p.7‑36, p.17.
19. « Je vis à Luzier depuis une trentaine d’années, depuis notre mariage avec ma femme qui y est originaire. Je travaille à Genève mais avec des horaires irréguliers. C’est pourquoi le Léman Express ne m’intéresserait pas personnellement, donc je prend la voiture tous les jours. Les prix restent élevés, mais c’est un cadre agréable. Je connais cependant plus le vieux village que le nouveau, avec ces bâtiments qui datent de moins d’une dizaine d’années. » NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
20. « Il est clair que l’hybris de puissance de la technique jumelée à la surdétermination de l’économie a produit une sorte de « libération du territoire » ou bien de ses liens historiques : de la terre […], de la localisation de ses ressources énergetiques […], des temps de transport des personnes et des marchandises et de diffusion de l’information […]. Cette libération a produit un processus de déterritorialisation avec la construction d’une seconde nature artificielle : processus qui, après l’ère mécanique, continue dans des formes exponentielles à l’ère du digital. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017., p.58
15. « La distance comptée horizontalement de tout point d’une construction au point le plus proche de la limite séparatrice doit être au moins égale [...] à 4 mètres […] En tout état de cause les clôtures d’une hauteur de 2 m maximum doivent être constituées soit par des haies vives, soit par des grilles, grillages ou tout dispositif à claire-voie comportant ou non un mur bahut de 0,50 m maximum de hauteur. » Commune de Sallanches, Règlement d’urbanisme, Zone Ud, Sallanches, 2021, p.39.
21. « L’agora et la politique s’éloignent à une vitesse vertigineuse de la vie quotidienne. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.61.
Citations 04. « Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. » Code Civil, Livre III, Article 714.
05. « Sur ce mur il y a la partie allégorique […]. Ces cordes sont tenues par vingt-quatre citoyens. Tous sont au même niveau, le pouvoir est exercé par tous de façon égalitaire. Il dépend d’eux que la cité soit bien gouvernée ou non. Il n’est pas question que le pouvoir soit imposé d’en haut. L’idée est que le pouvoir est constitué par la concorde et l’activité de toute la cité. Ceux-ci portent la corde au Bien Commun, et c’est une invention picturale majeure : le Bien Commun est l’unique forme de gouvernement capable de régir toute la cité. » MARCHAIS Dominique, Nul homme n’est une île, Météore Films, Documentaire, 96min, 4 avril 2017.
06. « La moitié de la superficie totale était dédié aux bien communaux. » DESPINE Charles-Marie-Joseph, Essai sur les biens communaux du Duché de Savoie, Chambéry, Imprimerie de Puthod, 1836, p.1.
10. « Que les maisons soient relativement espacées comme dans le nord ou en ordre serré comme dans le sud, elles s’organisent autour d’une place, possèdent une fontaine et un bassin formant abreuvoir et des bâtiments collectifs : le four, le pressoir et plus récemment la pompe à incendie. » RAULIN Henri, L’architecture rurale française, Savoie, Paris, Berger-Levrault, 1977, p.25.
11. « La deuxième forme correspond aux « étendues incultes ». D’une grande superficie, elles sont situées aux abords de l’écart, souvent en zones inondables, à proximité d’un cours d’eau. […] Il s’agit de zones de marais ou de pâtures utilisées pour le pacage des bestiaux. L’étendue inculte accueille généralement un plan d’eau commun aux habitants. ».
12. « […] Elle sert de cour de desserte aux habitants, d’espace supplémentaire pour le stockage et le travail de leur récolte agricole. L’aire accueille généralement un plan d’eau et un four à pain également communs aux habitants. » ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.21.
16. « I have given particular attention to the differences there are between a city population and a mountain population. However, the people who actually live with the nature are also aware of its cruelty. This can also be seen in the attitude to the space. City people long to look out over extensive views of nature, while the inhabitants of mountain landscapes, who live in close contact with nature, prefer an intimate space that is conductive to warmth and closeness. »
17. « Contrairement aux générations précédentes qui ont exercé une activité de polyculture-élevage au cœur de l’écart et qui utilisaient les communs, les nouvelles générations qui ont une activité professionnelle qui les oblige quitter l’espace villageois quotidiennement. »
ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.20.
ORILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p.17‑33, p.26.
18. « Mon mari est artisan, dans le carrelage et les joints. Il y a beaucoup d’artisans dans Luzier. Quelques frontaliers aussi dont une infirmière qui habite plus proche de l’Arve. » NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
CAMINADA Gion, GILI Mónica, ORTEGA Luis, « Construir en las montanas », 2G, n°14, 2000, p.139. 22. « De manière analogue avec l’avènement des États-nations centralisés, la commune, sur le modèle anglais devient « administration locale », ou bien perd le caractère de lieu de l’autogouvernement de la société établie pour devenir simple administration de services. ». MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.77.
23. « Anciennement agricole, Luzier abritait essentiellement des fermier et/ou agriculteurs qui travaillaient aux alentours. Ils étaient auto-suffisants et consommaient ce qu’ils produisaient (pain, cidre, viande…). Pour compléter leurs besoins, ils pouvaient marcher jusqu’au centre de Sallanches, lors des jours de marché par exemple. ». NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.46.
24. « La disparition croissante des manifestations collectives (qu’elles marquent le temps social, agricole ou spirituel), témoignages de l’unité villageoise, constitute l’indice le plus visible de cette transformation des interactions sociales entre les habitants au sein des écarts.». 0RILLARD Marion « L’inventaire des villages à communs », Les Cahiers Nantais, n°1, 2017, p. 17‑33, p.30.
119
Annexes 25. « Avant nous faisions des veillées, et nous allions chaque soir chez quelqu’un pour échanger, discuter... De nos jours, c’est impossible avec internet, les portables, la télévision… ». NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
31. « Creating places means gaining proximity to things that define our lives. The distance is reduced when we understand processes and appropriate spaces of experience. We represent the conviction that humans are only able and willing to develop effective motivation out of what is clearly grasped and ultimately assume responsibility for the environnement and their own location. A location is more than an image. ». CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.283. 37. « On a voulu s’arrêter de grossir en taille d’entreprise. Avec cette taille, on conserve et maîtrise l’ensemble de la chaîne de production. On va sélectionner directement en forêt les troncs. On définit la période de coupe, avant d’être acheminé jusqu’ici à l’atelier de transformation. » Entretien, Sébastien Anthoine, Scierie Anthoine, Magland, 2021.
26. « Le territoire local n’est plus connu, ni interprété ou mis en scène par les habitants comme un bien commun producteur des éléments de reproduction de la vie biologique ou sociale [...] En ultime analyse, la dissolution des lieux, et de leur devenir, dans le cadre d’un processus général de déterritorialisation de la vie, produit une perte totale de souveraineté pour les individus comme pour les communautés locales et aussi bien du point de vue des formes matérielles, sociales, culturelles que symboliques de leur existence. » MAGNAGHI Alberto, La biorégion urbaine, Paris, Eterotopia France, 2014, p.61.
27. « Créer des lieux peut se résumer à quelques idées fortes, d’abord tout ce qui nous arrive décisif se passe dans un espace circonscrit. […] Créer des lieux c’est aussi se rapprocher des choses. […] Lutter contre la destruction de la diversité, créer des lieux c’est aussi créer de la culture, sans différence il n’y a pas de culture. »
32. « Cette co-obligation contenue dans le terme « commun » exprime donc véritablement le dynamisme, le ressort politique de la vie collective, et engage une perspective démocratique : la coexistence et la coactivité supposent également que nous décidions ensemble, que nous élaborions ensemble les lois et les règles de vie collective. »
33. « Avec les communs, nous avons affaire à l’émergence d’une toute autre forme d’organisation sociale : celle où les gens participent directement à la définition, à l’élaboration et à la production des usages qui les concernent directement. »
BROSSAUD Claire, LAVAL Christian, « Aux racines des communs. » 03 mai 2018. Récupéré le 28 novembre 2020 de : https://metropolitiques.eu/Auxracines-des-communs.html. p.1.
38. « L’aspect d’une construction subit fortement l’empreinte des détails d’assemblage. Les liaisons peuvent être des assemblages bois-bois, à broches, clouées ou vissées, à plaques de tôles noyées ou avec pièces métalliques visibles. ». HERZOG Thomas, NATTERER Julius, SCHWEITZER Roland, VOLZ Michaël et al., Construire en bois, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p.83.
CAMINADA Gion A., Conférence architecture / Gion A. Caminada / 21.09.12., 21 septembre 2012. Récupéré le 6 octobre 2020 de : https:// www.youtube.com/watch?v=mk9XziQVZEY&t=2140s.
BROSSAUD Claire, LAVAL Christian, « Aux racines des communs. » 03 mai 2018. Récupéré le 28 novembre 2020 de : https://metropolitiques.eu/Auxracines-des-communs.html. p.3.
39. « The local economy is the basis of peripheral regions’ existence. As it is possible to build with local materials that tend to be inexpensive and environment-friendly the construction sector particularly important for their economy. Processing raw materials is labor intensive, as is the case everywhere. Yet providing jobs for the inhabitants of peripheral regions is important. It not only promotes the local economy but regional architectural methods too. » CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.138.
43. « L’une des sections les plus courants en construction bois est la section en bois équarri. À cause de ses dimensions et celles des grumes, on ne dépasse pas des longueurs de 8m.» HERZOG Thomas, NATTERER Julius, SCHWEITZER Roland, VOLZ Michaël et al., Construire en bois, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, p.98.
44. « Pia Soler goatherd : I think it is right that limits were established. That not just anyone can come along and build a house whatever way the fancy takes them. Vrin as a whole and in its landscape cannot tolerate too many changes. »
45. « Comme on l’a vu le type caractérise un ensemble d’objets mais n’équivaut à aucun d’entre eux en particulier. Le type repose sur ce qui est général, ce qui unit une série de phénomènes au-delà de leurs différences respectives. »
CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.139.
MARTÍ ARÍS Carlos, GRASSI Giorgio MONEO Rafael, Les variations de l’identité. Le type en architecture, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2021, p.117.
Citations 28. « Elinor Ostrom, pense les communs au carrefour de trois entités : une communauté, une ressource et l’ensemble des règles qu’elle édicte à son entour pour inscrire sa gestion sur le long terme. » EYNAUD Léa, « De quoi les communs urbains sont-ils le nom ? », 01 juillet 2019. Récupéré le 06 novembre 2020 de : https://metropolitiques.eu/Dequoi-les-communs-urbains-sont-ilsle-nom.html. p.2.
29. « Luzier abritait initialement plus de vaches que d’hommes ! Il y avait des vaches, des moutons, des lapins... Nous cultivions des céréales pour faire notre pain, ainsi que du grain, et de l’avoine. Et des pommes pour le cidre ! Luzier était essentiellement agricole, mais la dernière ferme s’est arrêtée de fonctionner il y a 4-5 ans. »
34. « Mon père coupait les bois le plus haut et le plus près possible du chemin de l’alpage en hiver et au printemps. Dès que la neige était partie, tous les exploitants qui avaient un chalet sur cette montagne se mettaient à la disposition de mon père avec leurs luges et leurs mulets. On montait les planches, on prenait les poutres au passage et, le soir même, le gros du chalet était en place. Il y avait peu de choix dans les dimensions et le type de constructions, au moins en ce qui concerne la charpente […]. »
35. « L’architecture a alors cessé de devenir un bien commun. Nous avons perdu ce qui en faisait une culture partagée, perte dont nous subissons chaque jour les effets dans un environnement de plus en plus dégradé. Le monde dans lequel nous vivons n’a désormais plus besoin d’architecture car celle-ci a quitté le monde concret de la matière, elle n’est plus un langage, elle n’est plus une culture. »
RAULIN Henri, L’architecture rurale française, Savoie, Paris, Berger-Levrault, 1977. p.27. 40. « […] timber is plentiful and often owned by the community; and that minimal transport and local processing keep income in the valley and hence amount to a self-determined form of regional subsidy. » CAMINADA Gion A., DEGONDA Lucia, SCHOLRAUFER Bettina, Cul zuffel e L’aura dado, Lüzern, Quart Verlag GmbH, 2005, p.144.
46. « Dans la locution biens communs il est fait allusion à une idée de dépassement du débat entre étatisation et privatisation, entre bien publics et biens privés. [...] il est possible d’aller au-delà de la dichotomie entre l’usage public et l’usage privé du territoire et de la gestion de ses biens patrimoniaux, en réintroduisant le concept « tertiaire » d’usage commun de plusieurs de ces biens. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.126.
NICOLAS Sarah, Valoriser l’existant, Devenir habitant de Luzier, Projet de Fin d’Études, École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, 2020, p.42.
QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.22.
41. « Structure : la structure est de type poteau-poutre sablière. L’ensemble repose sur la partie pierre qui abrite l’habitation. La fermeture du volume est réalisé par des planches posées verticalement chevillées ou clouées sur les sablières hautes et basses. / Couverture : Ancelles. / Habitation : située dans en rez-de-chaussée dans la partie pierre. » BERLIOZ Jospeh, BONNOT Michel, Le bâti ancien des Savoie, Paris, Électricité de France, 1985, p.47.
47. « Un processus et un projet qui sont inscrits dans l’horizon stratégique de la construction de formes de « globalisation par le bas », c’est-à-dire de sociétés locales qui, [...], construisent les conditions pour tisser les relations d’échange coopératif, fédératif et non-hiérarchique entre les « locaux » du monde reterritorialisé. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.212.
30. « À la différence des biens naturels, qui préexistent à leur utilisation comme ressources, les biens communs territoriaux en tant que produits de l’action humaine, restent en vie seulement grâce aux soins collectifs qui leur sont prodigués […] ». MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2014, p.11.
36. « Commençons par choisir un système constructif et donc un matériau, cela constituera déjà une critique des conditions de production de notre société qui privilégie le simple assemblage de produits industriels ne nécessitant plus une main d’œuvre qualifiée. Essayons aussi d’exprimer la valeur du savoir-faire nécessaire à la mise en œuvre dans des bâtiments qui portent la trace du travail de l’artisan ou de l’ouvrier, de sa part dans l’acte constructif, y compris de ses erreurs. ». QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.83. 42. « Non pas tant parce qu’il s’inspirerait des typologies locales, mais plutôt par sa capacité à entrer en résonance avec ces typologies, que ce soit par les matériaux, les tonalités, les proportions ou plus simplement parce qu’il serait capable de s’inscrire dans une géographie au sens large du terme. L’histoire et les savoir-faire, par exemple, font partie de cette géographie. » QUIROT Bernard, Simplifions, Marseille, Éditions Cosa Mentale, 2019, p.30.
48. « Pour cela, l’éloignement et la marginalisation des pouvoirs étrangers en faveur de l’autonomie de la vie quotidienne et de la reconstruction des lieux, grâce à la croissance de la consicence du lieu, constituent le trajet fondamental pour rendre aux habitants l’agora perdue, ainsi que pour restructurer les formes de la politique. » MAGNAGHI Alberto, La conscience du lieu, Paris, Eterotopia France, 2017, p.132.
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Bibliographie
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Le Projet de Fin d’Étude s’inscrit dans les hameaux de fond de vallée de l’Arve. Luzier, articule qualité de vie rurale et connexion à l’échelle territoriale. De ces qualités naît le risque principal d’habiter ce milieu. La conjugaison de plusieurs facteurs dont, la disparition des communs de hameaux, l’importation du clos urbain et de la population rurbaine, les connexions récentes aux infrastructures territoriales et internationales, la désertion des commodités du quotidien, amène Luzier à être en proie au risque de la dissolution des lieux. Ce risque est défini par Alberto Magnaghi, comme une perte de souveraineté des habitants sur leur milieu. Le territoire local n’est plus connu, ni interprété ou mis en scène. Ainsi l’épaisseur du hameau n’est plus pratiquée au profit d’un pont spatial entre l’épaisseur privative et territoriale. Pour pallier ce risque, le projet propose de mobiliser et de mettre en scène les ressources spécifiques de Luzier à travers cinq lieux s’inscrivant dans l’héritage des communs -la grenette, le lieu de transformation, le grenier, les bassins, et la maison des communs-. Enfin, le choix du procédé constructif en bois massif révèle toute la géographie du projet, puisqu’il mobilise, interprète et met en scène les
The Master thesis project is part of the Arve valley bottom hamlets. Luzier, articulates rural quality of life and connection to the territorial scale. From these qualities arises the main risk of inhabiting this environment. The combination of several factors including the disappearance of hamlet commons, the importation of the urban enclosure and the rural population, recent connections to territorial and international infrastructures, the desertion of everyday amenities, causes Luzier to fall prey to the risk of the dissolution of places. This risk is defined by Alberto Magnaghi, as a loss of sovereignty of the inhabitants over their environment. The local territory is no longer known, interpreted or staged. Thus the thickness of the hamlet is no longer practiced in favor of a spatial bridge between the privative and territorial thickness. To mitigate this risk, the project proposes to mobilize and stage the specific resources of Luzier through five places that are part of the heritage of the commons -the grenette, the transformation place, the attic, the basins, and the house of the commons-. Finally, the choice of the constructive process in solid wood reveals the entire geography of the project, since it mobilizes, interprets and stages the material and immaterial resources of a located