La Maison Radieuse de Rezé - Maxime Roussel - Mémoire d'initiation à la recherche - ENSAP-Lille

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SÉMINAIRE D’INITIATION À LA RECHERCHE ARCHITECTURE CONTEMPORANÉITÉ COMPLEXITÉ // ENSAP-LILLE

LA MAISON RADIEUSE DE REZÉ, Une vision corbuséenne du logement issue des CIAM et de l’Avant-garde

Maxime Roussel S o u s l a d i re c t i o n d e : Fra n ck Vermandel et Jean-Christophe Gérard


I N I T I AT I O N R E S E A R C H S E M I N A R ARCHITECTURE CONTEMPORANEITY COMPLEXITY // ENSAP-LILLE

LA MAISON RADIEUSE DE REZÉ,

A corbusean vision of housing from CIAM and Avant-garde Maxime Roussel Under the direction of : Franck Vermandel and JeanChristophe Gérard


DÉDICACE À TOI, QUE JE COMBATS CHAQUE JOUR, PREUVE QUE RIEN N’EST IMPOSSIBLE…

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SOMMAIRE

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Avant-propos

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Introduction 1.

À l’ère machiniste, le modernisme est face au défit de la reconstruction 2. Nantes, une ville dévastée comme une table rase à reconstruire 3. L a m a i s o n r a d i e u s e d e R e z é , u n e expérimentation socioarchitecturale?

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Le Corbusier & Cie, la Ville Radieuse avec des Maisons Radieuses 1.

L’unité d’habitation de grandeur conforme, une histoire de maturation urbanistique et architecturale 2. Paroles des CIAM et d’ailleurs, Le Corbusier synthétise 3. Le Corbusier, l’ARCHITECTE qui cache ses collaborations.



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Le logis, centre l’univers corbuséen

de

1.

Standardisation et rationalisation du logis, un besoin d’outil: le Modulor 2. N o u v e a u x d i s p o s i t i f s s p a t i a u x e t constructifs importants pour l’époque 3. Après l’Homme Modulor comme modèle, Le Corbusier repense l’espace pour l’archétype féminin 4. Métro, boulot, dodo et LOISIRS

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L’architecture et la vie des habitants, constitution d’une communauté 1.

Le financement coopératif comme moteur dans la création d’une communauté 2. L’appropriation de l’espace collectif par le relationnel 3. Un moteur d’ascension sociale en HLM et une gentrification de la copropriété dans l’œuvre de Le Corbusier

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Conclusion & Remerciements

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Annexes Voir table des matières page 78



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01// AVANT-PROPOS



“D’un côté du gouffre, on trouve le système décrépi de la pensée européenne - un éclectisme non fondé, qui dispose toujours de milliers de recettes artistiques prêt à puiser la vérité n’importe où, pourvu que ce soit dans le passé. De l’autre côté s’ouvre une voie nouvelle qu’il faut coloniser. La conception se forge au contact de l’époque pour que s’élaborent les nouvelles méthodes de la pensée architecturale.“ Guinzburg, Moseï, « Sovremennaia Architettura », 1926 ; Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style, mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988, p. 3
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À l’issue de mon rapport de fin de cycle licence sur Comment le design peutil participer à la conception d’un habitat minimal?, beaucoup de questions n’ont malheureusement pas pu être abordées, notamment l’origine de ce que j'ai appelé « habitat minimal ». Je l’ai située vaguement à travers les années 1960, d’après les représentations picturales et architecturales de Archigram, qui constituait un des exemples majeurs de mon étude. C’est à partir de ce constat d’approximation historique que j’ai choisi d’interroger, pour mon mémoire d’initiation à la recherche, la filiation de « l’habitat minimal ». Faute de temps et de moyen pour étudier in situ l’architecture domestique japonaise, j’ai recentré ma recherche sur des réalisations européennes. Mon intention de départ était de comparer des modèles architecturaux identifiés, issus de mon rapport ou de réalisations abordées1 lors des cours d’Histoire de l’architecture de M.Gilles Maury, ou encore du cours de Spatialité et urbanité au Japon de M.Franck Salama. Ainsi que de mon travail d’écriture: La collaboration sous domination réalisé dans le cadre du cours la Conception en question, évoquant les relations de travail entre Le Corbusier et Charlotte Perriand, notamment sur l’Unité d’habitation de Marseille. À partir de là, j’ai décidé de recentrer ma recherche sur cet architecte, non pas par attrait pour ses réalisations, mais pour une expression qui m’a interpellé lors de mes lectures sur les Unités d’habitation. Le caractère « de taille réduite » lorsque est évoqué le cas de Rezé a résonné en moi comme signe d’un caractère « minimal » par rapport à mon mémoire de fin de cycle Licence. La Maison Radieuse de Rezé sera donc le support physique de mon mémoire. Ce travail de recherche se situe au sein d'une démarche personnelle visant à interroger ma propre pratique et idéologie de l’architecture. Il me semble déterminant aujourd’hui, bientôt à mi-chemin de ma formation universitaire, de poser un regard critique et théorique sur la pratique architecturale moderne. Par là même de reconnaître des filiations entretenues consciemment ou non. Identifier les philosophies, les modes de pensée et d'action qui nourrissent ma pensée architecturale. Ce mémoire s'enrichit de réflexions sur l’architecture, le paysage, le design, le temps et leur éventuelle synthèse. L’objet ici est de construire un socle théorique et idéologique, possible support à un exercice pratique de l’architecture. Ce travail de recherche ne vise en aucun cas à critiquer ou approuver la forme architecturale que Le Corbusier a réalisée à Rezé et dans d’autres Unités d’Habitations. Mais simplement il vise à comprendre les ressorts idéologiques, techniques et sociaux qui ont permis à la réalisation nantaise de « faire habiter » depuis 1955. Et de comprendre ce que Le Corbusier imaginait pour le « bien-être des Hommes par le confort du logement et l’accès aux loisirs : la science et la technique au service du bonheur des êtres humains à travers l’équilibre des constructions et des lieux. »2, dans un contexte de reconstruction et d’avènement de la société machiniste.

1 Erskine, Ralph, The Box (1941-42), 1964, Photographie, Suède, in ; « The Box, a tiny house built by architect Ralph Erskine for his family of four », Small House Bliss, 28 septembre 2013, <https://smallhousebliss.com/ 2013/09/28/the-box-tiny-house-by-architect-ralph-erskine/>, consulté le le , 28 février 2017. Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier  : Pratiques sociales et théorie architecturale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 (Le sens social), p. 19‐51. 2


Figure 2: Herron (Ron), Free Time Node: Trailer Cage, montage, format d'origine: 54,5 x 40 cm, Londres 1964, reproduite dans ( Herron (Ron) et Snowden (Barry), « 2-3 day working week / the city obsolete », Metropolis: Archigram Magazine, n°5, 1964 (date de publication et date de l’oeuvre discordante), numero de page inconnu, DR à Herron Ron

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02// INTRODUCTION



“Table rase des traditions architecturales, des styles, des techniques de construction fondées sur l’emploi des matériaux d’un autre âge alors qu’existent le béton armé, l’acier, le verre, etc.; mais table rase aussi des anciennes habitudes humaines et de l’ancien mode de vie, c’est l’homme ancien, tapi dans les sombres recoins du désert de pierres des villes, ventripotent, amateur de bistrots et d’apéritifs qui doit céder la place à l’homme nouveau de Le Corbusier, avide de lumière, de soleil et d’air pur.“ Kopp (Anatole), Quand le MODERNE n’était pas un style, mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988, p.3
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1.l’ère machiniste, le modernisme est face au défi de la reconstruction Le Corbusier3 s’inscrit dans un monde radicalement différent du précédent enclin aux transformations importantes: sciences, techniques, progrès de l’humanité, bouleversements politiques et économiques. La Maison Radieuse de Rezé est la vitrine dans laquelle est exposé le logis de l'âge moderne pour « “l’Homme nouveau“ animé d’un “Esprit nouveau“ »4, Habitat selon Le Corbusier de la « société machiniste »5 qu’il tend à faire habiter. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France se trouve dans la nécessité de reconstruire le pays et souhaite aussi le moderniser. Elle crée pour cela le Commissariat Général Du Plan6 pour organiser la reconstruction de logements, d’équipements et d’infrastructures. Ce dernier élabore pour cela un « “plan national d’aménagement du territoire“7 qu’il définit comme “la recherche, {…} d’une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et des activités économiques“»8. Anatole Kopp souligne qu’à cette occasion, en 1949, c'est l’État français, par l’intermédiaire de Raoul Dautry9, Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, qui a chargé Le Corbusier d’expérimenter ses théories urbanistiques et architecturales (habitat, techniques de construction, politique sociale, urbanisme) à travers le concept de l’Unité d’Habitation de Grandeur Conforme10 (UHGC) à Marseille. Ce concept, dont Le Corbusier souhaitait le développement, permettra la réalisation de cinq autres unités. En s’inscrivant dans une vision « socio

Le Corbusier, de son vrai nom Charles-Édouard Jeanneret, a d’autres particularités dans son parcours. Il est Suisse d’origine, né en 1887 et mort en 1965. Il est naturalisé français en 1930. Il étudie l’horlogerie dans la ville de La Chaux-de-Fonds, mais devient un architecte, urbaniste, peintre et théoricien. Le Corbusier a voyagé pour apprendre (en Allemagne avec Peter Behrens; en URSS chez les constructivistes; à la Chartreuse d’Emma; par l’usage des Paquebots transatlantiques), on a l'impression qu’il a voyagé pour diffuser ensuite ses théories, puis pour construire (au Japon, en Inde, en Argentine…). Son œuvre bâtie et projetée, pour l’essentiel menée en association avec son cousin Pierre Jeanneret dans leur atelier 35 Rue de Sèvres à Paris, concerne tous les programmes qui ont marqué le XXe siècle, notamment le design (en collaboration avec Charlotte Perriand), l’habitat individuel et collectif, l’urbanisme, les bâtiments publics, culturels, sacrés ou industriels. Il fait partie des fondateurs des CIAM (Congrès internationaux d’Architecture Moderne) en 1928 et pose en 1941 (de façon anonyme pendant le régime de Vichy, pour la première édition) par la Charte d’Athènes, les fondements du « Mouvement Moderne ». Le Corbusier est un architecte qui explique sa démarche dans le même temps de sa conception par le biais de documents qu’il fait paraître. Il expose dans ces diverses publications ses réflexions à des principes forts de sens et d’applications; Biographie issue de mes recherches et d’informations issues de « Fondation Le Corbusier - BIOGRAPHIE », <http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx? sysId=13&IrisObjectId=6716&sysLanguage=fr-fr&itemPos=81&itemCount=300&sysParentId=15>, consulté le 25 avril 2018. 3

4 Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015, p. 8. 5 Opcit, Kopp, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause, p. 3.

“Le Commissariat général du Plan (CGP) était une institution française qui a existé entre 1946 et 2006 et qui était chargée de définir la planification économique du pays, notamment via des plans quinquennaux.“ , in Kerherve, Alain, Commissariat généal du plan, rubrique « De Gaulle de 58 à 69 », <http://www.gaullisme.fr/2011/08/02/commissariat-general-du-plan/>, consultable sur le site http:// www.gaullisme.fr, mis en ligne 2 août 2011, consulté le , 2 avril 2018. 6

7 « Document de planification issue du Commissariat général du plan »

Barancy, Olivier, Misère de l’espace moderne, La production de Le Corbusier et ses conséquences, “Contre-Feux”, Marseille, Agone, 2016, p. 9. 8

9 “Polytechnicien, Ingénieur aux chemins de fer du Nord puis directeur général les chemins de fer de l'État,

Raul Dautry incarne aux yeux de Le Corbusier le modèle du technicien éclairé dont il faut se doter pour que le XXe siècle européen demeure une civilisation alerte et inventive {…} Après l'armistice de 1918, il réalise plus qu'une trentaine de cités-jardins pour loger le personnel cheminot du réseaux des chemin de fer du Nord repérant dans la question du logement les risques accru des conflits sociaux. … Il devient, en 1921, le président de la Ligue contre le taudis. {…} À la libération, Raoul Dautry devenu Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme et de nouveaux en contacts avec Le Corbusier. Il lui confie le plan de reconstruction et d'aménagement de la Rochelle-La Pallice et l'unité d'habitation de Marseille.“ in Le Corbusier une encyclopédie, “Monographie”, Paris, Éditions du Centre Pompidou et CCI, 1987. 10 Voir Annexe n°… Terminologie, p. ° pour avoir la signification de ce terme d’après Le Corbusier.


Figure 4: Le Corbusier et Eugène Claudius-Petit, Construction site, Unité d’Habitation, Marseille, Fondation Le Corbusier, Paris, (FLC L1.16.2; © F.L.C./ADAGP, Paris/Artists Rights Society [ARS], New York 2014), http://jsah.ucpress.edu/content/ 74/1/13.figures-only, Le Corbusier and Postwar America, Bacon (Mardges), mise en ligne en 2015, consultable sur le site http:// jsah.ucpress.edu, consulté le 02 avril 2018.

architecturale »11 définie par une démarche humaniste, égalitaire, progressiste, qui marque sa pensée spécifique solutionnant la nécessité d’un habitat social, tel que l’expose Habiter Le Corbusier. Elle devait résoudre la crise du logement, mais également ancrer chez les habitants, une nouvelle façon de vivre. Le Corbusier est, au même titre que Walter Gropius, Adolf Loos, Auguste Perret, Ludwig Mies van der Rohe, Oscar Niemeyer, Robert Mallet-Stevens et les collectifs (les Constructivistes russes, l’Avant-garde, le Bauhaus, le Novembergruppe et l'Arbeitsrat für Kunst), un grand nom du Mouvement Moderne. Ils se regroupent sur les principes de rationalisme, de libéralisme humanitaire, pluralisme réformiste, l’investissement dans la science et les techniques, l’industrialisation, d’humanisme vaguement utopiste social, etc. Ce que Le Corbusier nomme modernisme. « Cet homme savait que la naissance imminente d’une architecture nouvelle dépendait d’un phénomène social. Ses plans montraient une grande facilité. Ils étaient la conséquence de cent ans d’évolution architecturale »12. Extrait des propos de Tony Garnier qui raconte les tendances socialistes utopiques de Le Corbusier et sa sensibilité vis-à-vis d’une approche typologique.

Expression utilisée par Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier  : Pratiques sociales et théorie architecturale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 (Le sens social), à travers la question Comment les habitants perçoivent-ils le fait de vivre dans une curiosité socio-architecturale ?, par laquelle j’entends une relation de conception particulière entre la sphère sociale, humaniste, progressiste, égalitariste et la sphère physique de la construction. 11

Garnier, Tony, « Rencontre avec Le Corbusier », in Frampton, Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, Philippe Sers, 1985. 12

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2. Nantes, une ville dévastée comme une table rase à reconstruire Nantes et son agglomération dans l’après-guerre sont dévastées suite aux bombardements alliés. Le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme charge donc Michel Roux-Spritz13 de cette lourde entreprise. Mais les plans qu’il conçoit inquiètent le jeune avocat, Gabriel Chéreau14 ami de Le Corbusier. Ce professionnel du barreau, qui avait suivi auparavant des études aux Beaux-Arts où il avait pris connaissance de La Charte d’Athènes, tel que le remarque Gérard Monnier. Lors de la déclaration ville sinistrée de Nantes il se positionne dans la vie politique en participant à l’étude « Destin de Nantes » en août 1944 avec l’appui de Le Corbusier et des travaux de l’ASCORAL (Association des Constructeurs pour la Rénovation Architecturale). La ville de Nantes sera finalement reconstruite sous la direction de Roux-Spitz en 1945. La collaboration entre Le Corbusier et Gabriel Chéreau reprend trois ans plus tard, selon Dominique Amouroux, lorsqu’un projet ambitieux de logement émerge au sein de Maison Familiale, société coopérative d’HBM (habitation à bon marché). En effet, une crise du logement se profile, au vu de la démographie galopante, ce qui pousse les dirigeants de Maison Familiale et le Maire de Rezé, à confier l’étude à Le Corbusier après la visite de l’unité l’habitation à Marseille. Les auteurs de Habiter Le Corbusier soulignent l’enthousiasme des visiteurs sur le plan architectural, social, et environnemental, remarquant « l’axe qualitatif »15 chez Le Corbusier. Ce sont eux qui vont être à l’initiative du projet d’unité d’habitation de grandeur conforme (UHGC) à Rezé.

3. La Maison Radieuse de Rezé, une expérimentation socio-architecturale? Concrètement, le projet corbuséen des UHGC entend mettre en application tous les préceptes de la modernité en vue de faire habiter la classe populaire dans la nécessité de l’après-guerre. Le modèle mis en oeuvre à Rezé est le fruit d’une élaboration longue, théorisée et expérimentée dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture. C’est à partir de 1949 et jusqu’en 1955 que Le Corbusier élabore et construit, sous l’impulsion de la société HBM Maison Familiale, l’unité d’habitation de Rezé dans la proximité de Nantes. Elle est conçue comme logement social et financée pour une partie par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et par un système de location coopérative permettant, après 65 ans de cotisation, aux habitants de devenir propriétaires du logis, mais également, en indivision, de tous les espaces communs. L’unité de Rezé servira de modèle à d’autres réalisations françaises et berlinoises de Le Corbusier. Celles-ci réalisent la vision avantMichel Roux-Spritz, (1888-1957) est un architecte, Grand prix de Rome et personnage connu dans les services de l’administration. 13

« Quarantaire, ami de Le Corbusier et adepte de ces idées, il le défend et gagne dans le procès que lui fait la Société pour l’Esthétique de le France, en août 1949 pour interdire l’achèvement de l’Unité d’Habitation de Marseille. » 14

Monnier, Gérard, Le Corbusier, les unités d’habitation en France, “Les destinées du patrimoine”, Paris, Belin-Herscher, 2002, p. 35. 15


Figure 5: SOCOTEC, Vue de la façade sud, Photographie, dimension d’origine 21 x 29,7cm, Rezé, Date inconnue, Collection « Dossier technique Sonisol et reportage photographique » conservé aux archives municipales de Rezé, Photographie du document originel par Maxime Roussel.

gardiste que l’architecte a élaborée depuis le début du siècle et dont la Charte d’Athènes écrite pendant les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM) se veut le guide. À la vision d’Ebenezer Howard des cités-jardins horizontales, qui favorise l’étalement territorial, relevé par Kopp, Le Corbusier oppose le concept de « village vertical »16 composé de logis qui vont du studio au T7, desservis par des « rues intérieures ». Il construit au-delà du logis, ce qu’il appelle des prolongements dans et sur l’unité : équipements de service comme buanderie, terrains de sport, bureau de poste, école17 maternelle, etc. L’ensemble se complète par un parc et le toit-terrasse offrant une vue sur l’agglomération nantaise. De façon brève, l’unité d’habitation de Rezé est, selon ma première vision, conçue pour permettre de faire vivre et permettre le développement d'une sociabilité et d’un épanouissement des habitants. L’objet construit est, selon les mots de l’architecte, de créer une véritable « machine à habiter »18 Quand, en 1955, l’unité d’habitation de Le Corbusier à Rezé voit s’installer ses premiers habitants, il s’agit d’une expérimentation en matière d’habitat social en France. Nous interrogerons ici comment cette forme d’habitat nommé logis, a rencontré les modes de vie de ses habitants constitués en association. D’emblée baptisée « Maison Radieuse » par ses habitants, elle est la réponse engagée de Le Corbusier pour faire face à la crise du logement.

16 Opcit., Denèfle, Sylvette et al., « Chapitre IV. Vie sociale dans le “village vertical” », p. 175‐246. 17 Voir Annexe n°8.2, Photographies d’époque de l’école et de l’architecture du toit-terrasse. 18 Ibid.

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*** En partant du constat de Frampton sur le caractère « économique » et de « taille réduite » de la Maison Radieuse, l’hypothèse de travail est de démontrer que le rôle de l’approche corbuséenne des interactions entre espaces théoriques, conçus et vécus, sera confrontée aux points de vue historique et points de vue spatial - retraçant tous deux la vision architecturale de Le Corbusier d’un point de vue sociétal . La recherche tentera de retracer la Maison Radieuse en essayant de la situer dans trois chronologies parallèles : une première relatant la maturation chez l’architecte de l’idée d’habitat collectif, une seconde, la situant dans un mouvement architectural et idéologique plus large, hérité des avant-gardes et ensuite partagé au moment des CIAM. Et une troisième qui évoque le rôle fondamental des différents acteurs collaborants à la conception et à la réalisation de Rezé. Dès lors, ma recherche consistera à mettre en évidence les dispositifs du logis comme éléments moteurs de la vision corbuséenne des modes de vie, par l’intégration de la standardisation, de nouvelles techniques de construction et de structuration de l’espace. Dans cette partie seront observées les interactions intérieures et extérieures qu’entretiennent le logis et ses occupants, notamment les femmes et les loisirs dans l’unité d’habitation de Rezé. Puis, le mémoire visera à mettre en évidence la constitution d’une communauté complexe issue de différents phénomènes d’appropriations souhaités ou non par l’architecte, ce qui modifie encore aujourd’hui la perception et le vécu de l’espace réel de l’édifice corbuséen. En somme, la recherche sollicitera de manière pertinente le travail bibliographique, le travail de documentation aux archives de Rezé et au sein de la Fondation Le Corbusier, ainsi que le travail d’exploration et de témoignage in situ. Cet ensemble polyvalent de sources permettra d’analyser, de comprendre et de situer l’approche corbuséenne de l’habitat collectif historiquement, localement et socialement. Ce sera l’occasion de se demander : Dans quelle mesure la Maison Radieuse témoigne-t-elle de l’approche expérimentale et synthétique de la transformation des modes de vie pour le logement collectif chez le théoricien, architecte et urbaniste, Le Corbusier au regard des thèses des CIAM et de l’idéologie architecturale et sociale de l’entre-deux guerre ? ***


Figure 6: Maison Familiale, L’Unité d’habitation de Nantes-les-Rezé - Monographie de présentation, Croquis, dimension d’origine 21 x 29,7cm, Rezé, 1952, Référence N5-10-87-005, conservé à la Fondation Le Corbusier.

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03// LE CORBUSIER & CIE, LA VILLE RADIEUSE AVEC DES MAISONS RADIEUSES



“ Je pense pour ma part que c’est la pensée utopique de Le Corbusier - celle qui le rattache à toute la lignée de ceux qui ont voulu reconstruire simultanément et la société et son environnement bâti - {…} qui est la clef principale à la compréhension de son oeuvre architecturale et urbanistique ; C’est elle qui fait de lui, plus que de Gropius, de Taut, de Hannes Meyer et même des constructivistes russes, un homme pour lequel une architecture nouvelle est inséparable d’une transformation radicale de la société, selon lui immédiatement possible. C’est là, la dimension politique d’un homme qui se voulait (et se croyait) en dehors de la politique. “ Opcit., Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style, mais une cause, p. 136.
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1. L’unité d’habitation de grandeur conforme, une histoire de maturation urbanistique et architecturale a. Premiers pas, entre rencontres et voyages Charles-Édouard Jeanneret a, pour l’UHGC de Rezé, une approche que je peux personnellement qualifier de synthétique de son parcours personnel et professionnel. Le Corbusier utilise le voyage comme source initiatique de sa profession. Il découvre à travers ses expériences in situ de l’architecture, des sources importantes d’inspiration. C’est le cas en 1907 lorsqu’il visite la Chartreuse d’Emma en Toscane ou encore dans le paquebot transatlantique et le phalanstère de Charles Fourier, dont il tire un idéal de vie où l’individu et la communauté vivent en symbiose. Il en extrait une formule simple « Un Homme = Une Cellule, Des Hommes = Une Ville »19. Il voyait, selon Frampton, à travers cette organisation, le dessin de l’ordre social qu’il préconise et qui réunit, dans un ensemble harmonieux, le particulier et le collectif, « le modèle socio-physique de sa propre ré-interprétation des idées socialistes utopiques »20. Le Corbusier profite de ses déplacements pour travailler auprès de grands noms de l’architecture, comme le révèle la Fondation Le Corbusier. Il intègre successivement les ateliers d’Auguste et Gustave Perret en 1908, ainsi que l'atelier de Peter Behrens à Berlin. Il en profite pour échanger avec Mies Van der Rohe, Walter Gropius et Tony Garnier qui relève les tendances socialistes utopiques de Le Corbusier et sa sensibilité vis-à-vis d’une approche typologique21. En 1911, il rencontre Heinrich Tessenow (membre de la Neue Sachlichkeit), qui avec Hermann Muthesius et Richard Riemerschmid réalisent la cité-jardin d'Hellerau, influencée par ces prédécesseurs anglais. Ce projet sera la base physique des réflexions d'Ernst May et Bruno Taut pour l’aménagement de Berlin et de Frankfort dans les années 1920, mais également le contre-pied en matière d’urbanisme, selon Le Corbusier, pour les UHGC. Puis la guerre éclate, Le Corbusier prend conscience selon Frampton, des destructions massives de la guerre, et imagine le système de la Maison Domino en 1917, qui rationalise la construction vers plus d’harmonie géométrique, en utilisant le plan libre et la préfabrication comme principes premiers. Cette approche de l’habitat marque une étape vers le collectivisme de sa réponse architecturale des UHGC.

19 Titre de sa sixième conférence, le 14 octobre 1929 20 Frampton, Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, Philippe Sers, 1985. 21 Garnier, « Rencontre avec Le Corbusier » in ; Frampton, L’architecture moderne, une histoire critique.


Figure 8: Le Corbusier, Plan et Coupe d’une cellule de la chartreuse de Galluzzo, 1907, Format d’origine: 21 x 27cm ; , in « Galluzzo, le cheminement d’une émotion », Le Divan Fumoir Bohémien, [s. d.], <http://florizelle.net/dfb/2015/9/2/certosa>, consulté le 25 avril 2018

b. Début des réflexions urbanistiques et architecturales Après cette période, il décide de s’installer à Paris et commence sa recherche théorique, particulièrement en urbanisme. Pour Le Corbusier, la pertinence de ses principes urbanistiques modernes dérive en majorité de la critique de la ville du 19e siècle qu’il juge malade. Les voies de communication héritières de plusieurs siècles ne sont plus adaptées au « brassage quotidien frénétique »22 ni au développement du machinisme23 en ville. Il propose donc, au Salon d’Automne de 1922, une solution de désengorgement et d’accroissement des populations des centres des villes par l’augmentation des moyens de communication et des surfaces vertes à travers la Ville contemporaine de trois millions d’habitants. Celle-ci traduisant matériellement des modèles spatiaux et bâtis conçus dans l’optique de réalités sociales prochaines. Ce qui en 1925 trouvera une potentielle application: le « Plan Voisin » pour Paris qu’il retravaillera jusqu’en 1937. Simultanément, Le Corbusier élabore sa vision de la construction en série dont il exprime les principes en publiant en 1923 Vers une architecture. Il commence à parler de « standardisation » et de « besoin-type, objet-type »24 que nous aborderons dans une autre partie25. Il introduit la notion de «  Machine à habiter »26. Dans le même temps, il réalise pour la première fois ces principes pour un logement ouvrier en série, grâce à la commande de l’industriel Frugès par la construction des lotissements de Lège (1924), puis de Pessac (1925). Pour lui, la construction en série accorde « “des dispositions larges et rythmées et permet de faire de la véritable architecture “ qui, de surcroît, concernera tout autant les maisons ouvrières que celles des riches »27.

C’est aussi en 1925 que s’ouvre l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs à Paris, où le pavillon de l’Esprit nouveau est construit. C’est un prototype Le Corbusier, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, Paris, Vincent, Fréal & Cie., 1960, p. 28. 22

Monnier, Gérard, « La Ville radieuse, un espace machiniste », in, Le Corbusier : la ville, l’urbanisme, Les rencontres de la Fondation Le Corbusier, Paris, Fondation Le Corbusier, 1995. 23

24 Le Corbusier, L’Art décoratif d’aujourd’hui, Paris, Crès, 1925 (L’esprit Nouveau), p. 69. 25 Voir la sous-partie ; Standardisation et rationalisation du logis, un besoin d’outil: le Modulor

logis, centre de l’univers corbuséen

dans 04//Le

La thématique de la machine est récurrente à cette période. On décrit un livre comme une « machine à lire » selon Amédée et un tableau, « une machine pour nous émouvoir » selon Ozenfant ; in Jencks, Charles, Mouvements modernes en architecture, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1973, p. 35 (Architecture + Recherches). 26

27 Le Corbusier, « Maisons en série », L’esprit nouveau, no. 13, décembre 1921.

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d’une cellule d’habitation de l’immeuble-villa dans lequel Le Corbusier expose ses principes directeurs pour un habitat collectif. Selon lui la « cellule {…} devient l’élément constitutif d’une conception urbaine »28 où « l’architecture influence les vies de ceux qui l’habitent ou l’utilisent. Cela ne veut pas dire que l’architecture peut, par elle-même, changer la société - une idée actuellement discréditée appelée “déterminisme architectural“ -, mais plutôt qu’elle a un effet sur les gens, faible, mais significatif »29. L’avant-Seconde Guerre mondiale est, pour l’architecte, une période riche de conceptions théoriques, mais où il n’obtient pas la reconnaissance politique pour ses solutions visionnaires. La Seconde Guerre mondiale coïncide avec son départ pour Vichy. Cette période d’une année et demie reflète l’opportunisme30 de Le Corbusier auprès des autorités à ses concepts urbains et architecturaux. Malgré ces idées de transformations radicales, il n’est pas entendu pour les reconstructions des espaces dévastés. Après la guerre, il renouera contact avec Raoul Dautry (ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme 1944-48); puis avec Eugène Claudius-Petit (ministre de 1948-53) avec lequel il entretient de bonnes relations31. Cette démarche personnelle lui ouvrira la commande publique, et notamment celle de l'expérimentation avec l’UHGC de Marseille, le ministère reconnaissant la nécessité de la construction en série pour la maîtrise budgétaire et l’amélioration du confort et de la qualité architecturale, selon Kopp. Cette commande intervient dans une volonté d’expérimentations urbanistiques et architecturales 32 à l’intérieur de la politique de reconstruction de ce qui existait. c. Nécessité de mettre en pratique pour reconstruire la France Malgré l’échec de la création d’une « cité radieuse »33 suivant les principes fonctionnalistes de la Charte d’Athènes à Saint-Dié. La dernière partie de la vie de l’architecte fut celle de son « épanouissement »34, selon Jencks, car il commence la série de ses UHGC. Nonobstant les problèmes aussi bien f inanciers, techniques qu’administratifs, l’UHGC de Rezé fut imaginée avant même la fin de Marseille, début 1949, et trouve sa concrétisation dans la nécessité de logements de la reconstruction et de salubrité. Elle marque, selon moi, une réflexion dans toutes ses dimensions : sociales (habitabilité, confort), financières, urbanistiques (habitat, services, équipements), techniques, etc. L’UHGC est un élément de la cité radieuse et doit permettre l’accueil de 1000 à 2000 habitants selon Le Corbusier dont Wogenscky dit qu’elle « n’est pas

28 Opcit., Kopp, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause, p. 146. 29 Opcit., Jencks, Mouvements modernes en architecture, p. 33. 30 Je me positionne sur cette période de la vie de Le Corbusier, sur les écrits de Olivier Barancy.

Dans une lettre de 1959 pour la construction de l’Unité d’Habitation de Firminy, Le Corbusier débute par « Cher ami » ; in Chaslin, François, Un Corbusier, Paris, Seuil, 2015 (Fiction & Cie), p. 420. 31

32 Les architectes participant à cette démarche politique d’expérimentation se voient attribuer des villes à

reconstruire. C’est pour cela que Jean Prouvé fut chargé du plan du Havre et d’Amiens et Le Corbusier de ceux de Saint-Dié et de La Palisse (La Rochelle) ; informations extraite de Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause. « Elle est composée de quatre immeuble de grande hauteur, surélevé par des pilotis et peut abriter 6 000 habitants. Cette forme d’habitat libère l’espace au sol pour les activités de détente et de services. » 33

34 Jenger, Jeanet, in ; Le Corbusier: L’architecture pour émouvoir, Paris, Gallimard, 1993.


arbitraire, mais correspond à une juste échelle de groupement collectif, à une unité de caractère sociologique tel que le village ou la petite ville »35. L’unité de Rezé est, comme celle de Marseille, basée sur le même socle théorique où l’architecture et l’urbanisme ne sont pas dissociés, mais conçue de façon dégressive. Il explique sa vision conceptuelle de développement de la société au cours de la conférence intitulée « Un homme = une cellule, des cellules = la ville »36. À travers cette double équation se manifeste le rudiment corbuséen37 de concert entre l’individuel et le collectif, entre la cellule et l’organisme. À la lecture de La Ville radieuse38, Le Corbusier répète avec conviction que le respect de « la liberté individuelle » est le fondement d’un nouveau contrat social. « Dans la ville, la liberté individuelle constitue la pierre angulaire de la doctrine. »39 Avec ce projet, Charles-Édouard Jeanneret se différencie des modèles d’équilibres libéraux et bolcheviques. Il publiera de nouveau à ce sujet dans l’article 2 de la Charte d’Athènes : « Juxtaposée à l’économique, au social et au politique, les valeurs d’ordre psychologiques et physiologiques attachées à la personne humaine, introduisent dans le débat des préoccupations d’ordre individuel et d’ordre collectif. La vie ne s’épanouit que dans la mesure où s’accordent les deux principes contradictoires qui régissent la personnalité humaine : l’individuel et le collectif. »40

Le Corbusier est un penseur de modèle de la société, qu’il se garde bien de définir, et pour qui il conçoit un environnement bâti idéal, qu’il ne remet pas en question ce qui peut-être préjudiciable par la suite. Par l’UHGC de Rezé, il tente de répondre au basculement fondamental et multiple d’un ensemble social en quête de confort et de mode de vie nouveaux, qui pour sa défense n’est pas encore défini. L’architecte répond par son travail au long cours, à une vision humaniste, progressiste et universelle à l’évolution de l’ensemble des conditions de vie qui seront considérables dans l’avenir. Mais Le Corbusier n’est pas à l’origine de toutes ces réflexions, qu’il va rechercher ailleurs.

35 Ragot, Gilles et Dion, Mathilde, Le Corbusier en France Projets et réalisations, Paris, Le Moniteur, 1987. 36 Opcit., Le Corbusier, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, p. 141.

« Le point de départ de la Ville Radieuse est précisément l’habitation; ce n’est pas celle qui doit s’adapter à un dessin urbain donné, mais il faut faire découler d’elle le nouveau dessin de toute la ville. Les cellules d’habitation égales et rapprochées forment un corps de bâtiment de longue indéfinie, à plier à angle droit pour profiter de deux orientations: est-ouest (pour les logements traversants avec rue intérieure de desserte) et nord-sud (pour les logements orientés uniquement au sud avec une rue extérieure au nord). … Un bâtiment de 11 étages (comme dans la théorie de Gropius) … ces bâtiments et les autoroutes, qui quadrillent le sol tous les 400m, sont portés par des pilotis, libérant complètement le terrain, qui devient ainsi un parc que les piétons peuvent parcourir en tous sens, où sont implantés les écoles, les jardins d’enfants, les théâtres, les terrains de sport. », in ; Benevolo, Leonardo, Histoire de l’architecture moderne, 2. Avant-garde et mouvement moderne (1890-1930), Rome, Dunod, 1979 (Espace & Architecture), p.281. 37

Le Corbusier, La Ville Radieuse, Boulogne-sur-Seine, Éditions de l’Architecture d’Aujourd’hui, 1935 (Collection de l’équipement de la civilisation machiniste). 38

39 Ibid., p. 95. 40 Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Paris, Édition de Minuit, 2016, p. 20 (Essai).

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2. Paroles des CIAM et d’ailleurs, Le Corbusier synthétise a. Bouleversement dans une société en quête d’un avenir meilleur C’est à travers la lecture d’Anatole Kopp et des ouvrages de Leonardo Benevolo que l’on comprend le contexte et la pensée particulière du début du XXe siècle, dans laquelle évolue Le Corbusier. Anatole Kopp relève l’expression « société machiniste »41. Elle est ici porteuse de valeur synthétique regroupant les causes et les effets sociaux apparus par la révolte de la masse populaire sous une appellation commune. Source selon moi des propositions socio-architecturales que Le Corbusier allait formuler et que je trouve intéressantes d’explorer. L’avènement de cette société machiniste a structuré une catégorie sociale d’ouvriers, d’employés, de petits fonctionnaires qui se concentrent à proximité des lieux de travail en milieu urbain. Ce qui influence les villes et leurs logements. Anatole Kopp relève ainsi plusieurs démarches individuelles dans différents lieux, qui se construisent alors et servent de modèle aux opérations suivantes42. Héritière d’une démarche aristocratique victorienne, selon Tomás Maladonado43, suite à l’impact social dévastateur de la première phase de l’industrialisation, constatée par Engels44. Toutes imaginent un transfert d’une certaine manière de vie, une standardisation du confort de l’habiter à des classes prolétaires pour normaliser les modes de vie de ces populations, afin de les garder sous un certain contrôle45. Le Corbusier comprend très tôt cette nécessité de confort dans l’habitat destiné à la classe des travailleurs et le revendique. « Les droits de l’homme ont été proclamés. Nous devons songer à loger bien tous les hommes. Après 150 ans d’attente, ceux-ci, énervés de plus en plus, pourraient bien réclamer sauvagement la matérialisation de ces droits {…} Loger bien chacun. »46 Les profondes modifications sociétales, économiques, politiques et urbaines suivant la fin de la guerre (1914-1918) ont inspiré les populations démunies, comme le remarque Kopp. Elles croient en un bouleversement profond pour l’avenir par la prise du pouvoir comme en Russie avec la révolution d’octobre 1917. « C’est la révolution {…} qui {…} a constitué le support principal de la nouvelle architecture {…} conçu à la fois comme préfiguration et comme le moule de l’avenir »47. Ce sont ces événements qui changent les modes de vie de la société et la poussent à se questionner.

41 Opcit., Kopp, p. 3.

On retrouve dans ces cas les maisons de l’aire industrielle du Nord de la France que l’on nomme communément « maison 1930 », elles avaient pour vocation de loger une main-d’œuvre « volatile » à proximité des usines. 42

Maldonado, Tomás, L’idée de confort, Milan, Feltrinelli, 1987 ; in Côme, Tony et Pollet, Juliette, L’idée de confort, une anthologie, Du zazen au tourisme spatial, Paris, B42 et Cnap, 2016. 43

Engels, Friedrich, La situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845) ; in M. J., Daunton, House and Home in the Victorian City, Londres, Edward Arnold, 1983 ; in Côme, Tony et Pollet, Juliette, L’idée de confort, une anthologie, Du zazen au tourisme spatial, Paris, B42 et Cnap, 2016. 44

Ces avancées pour le logement de la masse populaire en matière de confort de l’habitat étaient des démarches individuelles de classe sociale entrepreneuriale à des fins autoritaires et industrielles. Une démarche que l’on retrouve aussi chez Jean-Baptiste André Godin avec son Familistère de Guise en 1883. 45

46 Opcit., Le Corbusier, La Ville Radieuse, p. 121. 47 Opcit., Kopp, p. 19.


« En quoi consiste aujourd’hui notre tâche, que devons-nous apprendre en premier lieu, vers quoi devons-nous tendre? Il faut apprendre à bien travailler - avec précision, avec propreté, avec économie. Nous avons besoin de développer la culture du travail, la culture de la vie, la culture du mode de vie »48 b. L’URSS : changement politique et architectural L’idéologie socio-architecturale commence majoritairement à travers des réalisations en URSS qui ont « foi dans les vertus pédagogiques de l'environnement bâti considéré comme un instrument de la transformation sociale — comme un condensateur social diront les architectes de l'avantgarde soviétique —, mais surtout foi dans l'immanence de changements sociaux. C'est là l’un des points essentiels de l'idéologie progressiste des années vingt : le monde va changer radicalement et bientôt une société plus juste, plus fraternelle, plus égalitaire va s'édifier sur les ruines de l’ancienne »49. Les architectes travaillent donc à de nouvelles approches des modes de vie en lien avec le travail et la relation entre individus. Cette nouvelle approche est orientée vers la classe ouvrière, « considérée à juste titre comme sa clientèle potentielle (par les architectes), non pas en tant qu’individu, mais en tant que groupe social »50.

Figure 9 : Dom Narkomfin in Moscow, 1929, Photographie, Format d’origine inconnu ; in Vanrapenbusch, Anne, « Le Narkomfin, symbole soviétique en réhabilitation », Archicree - Créations et Recherches Esthétiques Européennes, 28 mai 2017, <https:// archicree.com/actualites/news/le-narkomfin-symbole-sovietique-en-rehabilitation/>, consulté le 10 mai 2018. Figure 10 : Wieber Matthew, Dom Narkomfin, 1929, Perspective coupée, Format d’origine inconnu ; in « Housing Case Study: Narkomfin Apartments | Matthew Wieber », Archinect, Date inconnue, <https://archinect.com/mwieber/project/housing-casestudy-narkomfin-apartments>, consulté le 10 mai 2018.

La Dom-Kommuna ou Maison-Commune51 fait partie de ces nouvelles approches architecturales, étudiées et instaurées par le Stroikom (Comité pour les constructions de l’État), tournées vers l’avenir. Cette forme d’habitat groupé pour la population ouvrière soviétique est, au-delà du logement collectif, une idéologie sur la « culture des modes de vie » en imaginant la vie sociale dans ces structures. Différents dispositifs sont alors testés comme le rôle ménager de la femme par une unique cuisine et salle de repas pour faciliter leur vie domestique par exemple. Le Stroikom met au point en 1929 un type de logement minimum de 27 ou 30 mètres carrés (la cellule F52), organisé dans d’importants immeubles proposant une collectivisation quasi complète de la vie familiale (sanitaires, cuisines collectives, laveries, etc.). Ils sont accompagnés de clubs ouvriers qui ressemblent à des centres de diffusion de la culture de la société communiste. Le Narkomfin de Moisei Trotski (Léon), Les questions du mode de vie (Questions of every day’s life), publié pour la fois dans la Pravida en 1920, Union Générale d’Éditions, Paris, 1976 ; in Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988, p. 9. 48

49 Opcit., Kopp., p. 6. 50 Ibim., Kopp, p. 3. 51 Ibim., p. 10.

Cellule F est un logement de l’ère communiste dans un Dom-Kommuna qui comporte une pièce à tout faire (séjour, bureau, kitchenette) et des chambres. Il existe une variant cellule K disposant d’une cuisine plus importante de 4m2. 52

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Ginzbourg et Ignaty Milinis achevé en 1932 en sera un parfait exemple. « Ces deux registres sont très précisément connus par Le Corbusier, qui rapporte de Moscou, le numéro de Sovremennja Arhitektura contenant le travail du Strojkom, et les tirages de plans du Narkomfin. »53 dont la coupe du bâtiment n’est pas sans rappeler ses croquis pour la Ville Radieuse. L’architecte de l’unité d’habitation de Rezé retiendra plusieurs choses de ses voyages en URSS : la disponibilité du sol, les clubs ouvriers dans leurs fonctions premières d’occupations du temps libre des ouvriers, le système de circulation du bâtiment par des « rues intérieures », mais prendra tout de même garde à l’excès de collectivisme de la vie familiale quotidienne. L'ensemble de ces informations se retrouve confirmé par l’ouvrage Le Corbusier, La mystique de l’URSS54. c. L'Arbeitsrat für Kunst et ses inspirations anglaises À partir du même contexte à la fin de la guerre, les architectes allemands de l'Arbeitsrat für Kunst (Assemblée des travailleurs pour l’Art) travaillent sur le fonctionnalisme de l’espace bâti. En effet, la situation existante du logement en ville est celle des Mietskasernens5556 (casernes locatives) qui derrière des façades cossues aux ornements de stuc, se cache bien souvent des logements insalubres et surpeuplés57 pour le prolétariat. En réponse à cette situation, l’architecture allemande s’oriente vers le courant du Neues Bauen qui proposait une nouvelle manière de bâtir, par l'emploi de nouveaux matériaux de construction et de décoration, employés rationnellement58. Ce courant prônait un ordonnancement intérieur dépouillé et la responsabilité sociale de l'architecte face aux conditions de vie (plus de soleil, d'air et de lumière à l'opposé des Mietskaserne), prenait une place centrale. « Le terrain d’action privilégié du Neues Bauen est le logement populaire, c’est aussi parce que les conditions de logements et plus généralement les conditions de vie des ouvriers {…} étaient épouvantables dans l’Allemagne d’avant-guerre »59

53 Le Corbusier une encyclopédie, Paris, Éditions du Centre Pompidou et CCI, 1987 (Monographie)., p. 103

Cohen, Jean-Louis, Le Corbusier et La mystique de l’URSS, Théories et projets pour Moscou 1928-1936, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1987. 54

Auteur inconnu, « Architecture de Berlin, architecture éclectique, architecture de la fin du XIXe et début du XXe siècle, style wilhelmien, Eclectisme, Historicisme, Néo-Renaissance, Néo-Baroque, NéoGothique, Pittoresque », Date inconnue, <http://www.berlin-en-ligne.com/berlin_en_bref/architecture/ architecture_eclectique.html>, consulté le le , 8 mai 2018. 55

Ils fonctionnent sur le principe de cours successives organisant le logement composé d’une simple chambre et d’une Wohnküche (cuisine, pièce à tout faire), ce qui limite le renouvellement d’air et l’entrée de lumière. 56

57 Ils pouvaient héberger parfois jusqu'à 1000 personnes (soit 4,5 habitants par pièce).

«  L’une des thèses du Neues Bauen concernait la possibilité de produire industriellement non plus seulement des éléments du logement mais la totalité du logement lui-même. » Le rapprochant de Le Corbusier sur le point de l’industrialisation du logement. in Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988, p. 18. 58

59 Ibim., p. 22.


Figure 11 : Parti social-démocrate allemand, Nous bâtissons un monde nouveau, env 1930, Affiche électorale, Berlin ; in ; Kopp, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause.

C'est selon ces dispositifs que furent aménagés de nombreux lotissements Siedlungen, souvent entrepris dans les municipalités à majorité socialedémocrate. Ces Siedlungens selon Kopp sont proches des cités-jardins d'Ebenezer Howard. Cette nouvelle forme de construction de la ville et de l’urbanisme trouve un apogée dans le travail d’Ernst May dans le cadre de l’extension de Francfort par la réalisation de « 15 000 unités d'habitations {…} en série suivant les traces des immeubles-villas de Le Corbusier - avec du mobilier encastré et des équipements multiples »60. {…}61 Cette vaste stratégie de logements sociaux démontrera les qualités de la construction en éléments préfabriqués (appelée le “Système May“). {…} Son sujet était l’Existenzminimum, c'est-à-dire l'habitat de taille et de prix minimaux »62 conçu par l’Homme moderne pour l’Homme moderne. Ernst May complète : « Nous ne pouvons pas nous passer de l’aide des hygiénistes, des ingénieurs, des physiciens, si nous voulons faire du logement pour le minimum existentiel un produit parfait {…}. Seule la prise en compte des conditions biologiques et sociologiques de l’homme {…} et nous rapprocherons peu à peu du but consistant à construire des logements qui, pour un loyer supportable, répondent aux besoins matériels et spirituels de leurs habitants »63 D’autres architectes, comme Walter Gropius, y travaillent et posent la problématique : « “Le problème du logement minimum (Minimalwohnung) consiste à définir le minimum élémentaire d’espace, d’air, de lumière et de chaleur, requis par l’homme pour développer pleinement ses fonctions vitales, sans limites dues au logement même, à savoir un modus vivendi 60 Opcit., Jencks, Charles, Mouvements modernes en architecture, p. 41.

« Certains de ces équipements ont pour but la socialisation de certaines tâches ménagères habituellement réservées aux femmes, de manière à permettre à ces dernières de prendre leur place dans la production et d’échapper à la condition féminine prédominante à l’époque et définie par les “3K“ : Kinder, Küche, Kirche (enfants, cuisine, église) » ; in Jencks, Charles, Mouvements modernes en architecture, p. 41. 61

62 Idem, p. 41.

May Ernst, Die Wohnung für das Existensminimum ; in Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988, p. 55. 63

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Figure 12 : Willi Baumeister, « Die Wohnung werkbund ausstellung 1927 », Affiche, The Charnel-House, 30 juillet 2013, <https:// thecharnelhouse.org/2013/07/30/foreignarchitects-in-the-soviet-union-during-the-firsttwo-five-year-plans/willi-baumeister-diewohnung-werkbund-ausstellung-1927/ #main>, consulté le 10 mai 2018. Figure 13: Karl Ludwig Straub et Werkbund Ausstellung, « Die Wohnung (Werkbund exhibition—The Dwelling) (Poster for exhibition organized by the Deutsche Werkbund at the Weissenhofsiedlung, Stuttgart, Germany) », Lithographie, MoMA, 1927, <https:// www.moma.org/collection/works/6353>, consulté le 10 mai 2018.

minimum, au lieu d’un modus non moriendi.“64 {…} Il s’agit donc d’étudier le rapport entre une forme physique et un ensemble d’exigences vitales “non seulement économiques - écrit-il deux ans après -, mais surtout psychologiques et sociologiques“65 » Le Corbusier semble prendre conscience de ces idéologies socioarchitecturales par le biais de son ami Walter Gropius et lors de l'exposition de 1927, "Die Wohnung" (l'appartement) à Stuttgart, organisée par Mies van der Rohe pour l’aménagement de La Weißenhofsiedlung. Le Corbusier et Pierre Jeanneret y participent avec la construction d’une maison de type « Citrohan » et d’une maison double, comme 17 autres architectes66. Ce rassemblement de la scène architecturale européenne de la fin des années 1920 semble à mon avis exposer la proximité des recherches et des expérimentations individuelles porteuses des mêmes idéologies utopiques sociaux-démocrates. L’exposition servira de premier réseau à la formation des CIAM. d. Les CIAM, des réunions de démonstration et de collectes d’expériences Les CIAM semblent être l’occasion pour Le Corbusier de synthétiser la pensée commune de tous ses confrères. Afin de réaliser cet objectif, Le Corbusier met la main sur la production écrite qui sort de la réflexion commune. En 1928, à La Sarraz , pour la déclaration d’engagement des architectes signataires, c’est lui qui rédige et utilise donc ses expressions comme dans « Conscient des perturbations profondes causées par le machinisme, ils reconnaissent que la transformation de la structure sociale et de l'ordre économique entraîne fatalement une transformation correspondante du phénomène architectural. {…} Les académies, conservatrices du passé, en négligeant le problème du logis au bénéfice d'une architecture purement somptuaire, entravent le progrès social.»67 Le CIAM 268 nait de l’invitation des architectes allemands à la célébration de l’achèvement des 15 000 logements d’Ernst May. J’émets l’hypothèse69 64 Gropius Walter, Die soziologischen Grundlagen der Minimalwohnung ; in Benevolo, Leonardo, Histoire

de l’architecture moderne, 2. Avant-garde et mouvement moderne (1890-1930), Rome, Dunod, 1979, p. 271 (Espace & Architecture). Gropius Walter, Flach-,Mittel-, oder Hochban?  ; in Benevolo, Leonardo, Histoire de l’architecture moderne, 2. Avant-garde et mouvement moderne (1890-1930), Rome, Dunod, 1979, p. 271 (Espace & Architecture). 65

66 Walter Gropius, Hans Scharoun, Bruno et Max Taut, etc… 67 Opcit., Jencks, Mouvements modernes en architecture. 68 Ce CIAM sera analysé plus profondément dans la partie Le Logis, centre de l’univers corbuséen

Supposition que je ne peux pas affirmer car je ne peux pas lire Die Wohnung für das Existenzminimum, livre issu du CIAM de Francfort-le-Main. 69


Titre des articles principaux de la Charte d’Athènes écrit par Le Corbusier selon le CIAM 4 et publié à partir de 1941. « La plupart des villes étudiées offrent aujourd'hui l'image du chaos : ces villes ne répondent aucunement à leur destinée qui serait de satisfaire aux besoins primordiaux biologiques et psychologiques de leur population. Cette situation relève, dès le début de l'ère machiniste, l'addition incessante des intérêts privés. La violence des intérêts privés provoque une rupture équilibre désastreuse entre la poussée des forces économiques d'une part, la faiblesse du contrôle administratif et la puissante solidarité sociale d'autre part… La ville doit assurer, sur le plan spirituel et matériel, La liberté individuelle et le bénéfice de l'action collective. Le dimensionnement de toute chose dans le dispositif urbain ne peut être régi que par l'échelle humaine. Les clés de l'urbanisme sont dans les quatre fonctions : habiter, Travailler, se récréer (dans les heures libres), circuler. Les plans détermineront la structure de chacun des secteurs attribués aux quatre f o n c t i o n s c l e f s e t i l s fi x e r o n t l e u r emplacements respectifs dans l'ensemble. Le cycle des fonctions quotidiennes : habiter, travailler, ce récréer (récupération), sera réglé, par l'urbanisme, dans l'économie de temps la plus stricte, l'habitation étant considérée comme le centre même des préoccupations urbanistiques et le point d’attache de tous les mesure…


Il est de la plus urgente nécessité que chaque ville établisse son programme, édictant des lois permettant sa réalisation. Le programme doit être dressé sur des analyses rigoureuses faites par des spécialistes. Il doit prévoir les étapes dans le temps et dans l'espace. Il doit rassembler en un accord fécond les ressources naturelles du site, la topographie de l'ensemble, Les données économiques, les nécessités sociologiques, les valeurs spirituelles… Le noyau initial de l'urbanisme est une cellule d’habitation (un logis) et son insertion dans un groupe formant une unité d'habitation de grandeur efficace. C'est un partir de cette unités–logis que s’établiront dans l'espace urbain les rapports entre l'habitation, les lieux de travail et les installations consacrées aux heures libres. Pour résoudre cette grande tâche, il est indispensable d'utiliser les ressources de la technique moderne. Celle-ci, par le concours de ces spécialistes, épaulera l’art de bâtir de toute les sécurité de la science et l'enrichira des inventions et des ressources de l’époque… L'échelle des travaux à entreprendre d'urgence pour l'aménagement des villes, d'autres par l'État, infiniment morcelées, de la propriété foncière, son de réalité antagonistes. La périlleuse contradiction constatée ici posé l’un des problèmes les plus périlleuses de l'époque : l'urgence de régler, par un moyen légal, la disposition de tous sol utile pour équilibrer les besoins vitaux de l’individu en pleine harmonie avec les besoins collectifs. »


qu’elle sert à Le Corbusier d’observatoire des formes et des contenus domestiques des habitats telles la cuisine de Francfort ou la construction en série. Le CIAM 3 de Bruxelles correspond avec la publication de Le Corbusier intitulé Précisions sur l’état présent de l’Architecture et de l’Urbanisme. Ce travail d’écriture publié après le congrès est le travail préliminaire de l’architecte pour formuler des propositions à l’ensemble du corps architectural. Il regroupe des propositions de concentration de ces logements sur le plan technique et social, ce que Le Corbusier énoncera sous l’appellation de « village vertical », expression utilisée par les habitants de l’Unité d’Habitation de Rezé pour décrire l’atmosphère interne à l’immeuble. La ville fonctionnelle est le sujet pour le CIAM 4, organisé à l’initiative de Le Corbusier, sur un paquebot entre Marseille et Athènes en 1933. Le travail commence par une analyse fine de 33 cas où sont repérés les contextes, les enjeux et les développements potentiels. C’est l’occasion pour l’architecte de décrire sa vision de la ville moderne, ce qu’elle a de plus que ses premières tentatives70. Il expose la ville face aux machinismes comme une association de règles et missions différenciées : habiter, travailler, se recréer et circuler. Le Corbusier écrit à la suite le texte regroupant les réflexions multiples des autres participants dans La Charte d’Athènes, qu’il fait publier en 1941 sous le régime de Vichy, car il n’y a pas à l’issue du CIAM une publication officielle. Les titres des articles sont l’expression même de la pensée corbuséenne (voir volet intercalaire). Mais dans l’intervalle entre le CIAM 4 et la publication de la Charte d’Athènes, Le Corbusier fait publier La Ville Radieuse, ouvrage engagé et synthétique des premiers CIAM. On y retrouve sa future pratique socio-architecturale71. Il cite les rassemblements des CIAM et reformule les expressions comme « existenzminimum » par le Logis Minimum qui dans l’hypothèse que je porte regroupe le Logis comme abri pour la vie familiale et Logis comme condition d’existence digne pour les habitants. Le CIAM 5 se déroule à Paris et a pour sujet « Logis et Loisirs ». C’est Le Corbusier qui choisit ce thème, car il le rattache dans un premier temps à toute une lignée de penseurs socio-architecturaux, porteurs d’idées humanistes, progressistes et hygiénistes comme Charles Fourier72, Robert Owen73, etc…

70 Ville contemporaine de trois millions d’habitants, Plan Voisin pour Paris.

Il exprime clairement le béton et le fer comme immense liberté pour le concepteur, la reconnaissance d’un contexte machiniste, l’abandon obligatoire de la production traditionnelle de l’architecture et l’exigence de mettre en œuvre de nouveaux dispositifs, l’importance de l’industrialisation par la standardisation pour des réalisations aux exigences de l’hygiène moderne. La nécessité de rationaliser la construction pour répondre aux problématiques du logis. 71

Charles Fourier (1772-1837) est l’auteur d’une doctrine sociale originale qui a marqué l’histoire du socialisme au XIXe siècle. Sa théorie part d’une critique féroce de la société, marquée par la révolution industrielle naissante. Il y oppose un projet social qui s’appuie sur une nouvelle organisation des relations individuelles  ; in « Charles Fourier (1772-1837) · Les premiers socialismes - Bibliothèque virtuelle de l’Université de Poitiers », <http://premierssocialismes.edel.univ-poitiers.fr/collection/charlesfourier>, consulté le le , 9 mai 2018. 72

Owen (1771-1858) gallois, grandit dans les filatures et l’industrie textile : il devient en 1800 le propriétaire de la filature écossaise New Lanark (1000 employés). Il lutte pour améliorer la condition ouvrière (hygiène, conditions de travail, refus d’employer des enfants de moins de 12 ans, magasins pour les ouvriers) et applique ses principes dans son usine qui devient rapidement un modèle, grâce notamment à ses innovations pédagogiques comme les jardins d’enfants ou les cours du soir. Owen veut généraliser ces avancées et intervient auprès du pouvoir. Il part aux Etats-Unis en 1824 pour réaliser son projet de communautés autonomes de travailleurs (500 à 2000 personnes), comprenant édifices publics, cuisine, réfectoire, école, église, bibliothèque… et fonde New Harmony, dans l’Indiana. Les principes fondateurs en sont l’égalité et l’autonomie, l’objectif revendiqué est une existence meilleure et plus digne. De retour en Angleterre, il met en place un réseau de coopératives, puis un système de bourses du travail, une union syndicale… mais sans succès. Il présente sa doctrine dans Le Livre du nouveau monde moral (Book of the New Moral World, 1834-1845) et participe à l’émergence du socialisme. Il reste l’un des fondateurs du " socialisme utopique " ; in « Biographie - Owen (Robert) », <http://expositions.bnf.fr/utopie/cabinets/rep/bio/ 7.htm>, consulté le 9 mai 2018. 73

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Puis dans un second temps représentant le point d’entrée pour la compréhension de son œuvre architecturale et urbanistique ; c’est cet enchevêtrement résultant du travail d’accumulation de l’architecte qui fait de lui un homme pour lequel une architecture nouvelle est inséparable d’une transformation de la société et dont il souhaite que son travail soit cette formulation. Il énumère ses nécessités : cité-jardin verticale, bâtiments aux rues intérieures, toitures plates, implantation indépendante du réseau routier, disponibilité du sol, indépendamment de la propriété privée sans interventions politiciennes contrairement aux Allemands et aux Russes. Les autres réunions des CIAM74 ne semblent pas au vu des informations de prime abord présentant un impact sur la vision progressiste et humaniste de Le Corbusier qui s’est exprimé dans l’architecture de Rezé.

Le Corbusier nous montre à travers ses productions (écrite ou construite) son esprit synthétique (avec les inspirations qu’il laisse entrevoir), progressiste et humaniste, pour répondre aux problématiques de la société machiniste, en quête de renouvellement de son mode de vie. Son travail d’UHGC représente la partie construite d’un processus de réflexion mené à plusieurs et nourri des expériences (empruntées ou vécues) de chacun. Comme l’exprime Charles Jencks : « En fait, les idéaux qui l’ont inspiré remontent beaucoup plus avant et reposent, en définitive, sur une série de traditions diverses que Le Corbusier a mises sens dessus dessous et a synthétisées d'une manière créatrice. »75 La filiation de ces idéaux d’architectes reconnus, même si elle n’est pas forcément exprimée par Le Corbusier, ce qui est regrettable je trouve, est en filigrane de sa pratique telle que le démontre le regroupement d’informations des historiens de l’architecture : Jencks, Kopp, Benevolo et Frampton, mais la traçabilité semble, pour ma part, moins vraie dans le cas de ces collaborateurs.

74

Les CIAM 1, 2, 3, 4, 5 ont été le coeur de ma recherche, ce qui peut expliquer ce constat.

75 Opcit., Jencks, p.15


3. Le Corbusier, un ARCHITECTE cache ses collaborations.

qui

« Je tiens à vous répéter toute ma satisfaction sur le projet du chantier. C'est un admirable chantier qui nous change des atermoiements et des hésitations de Marseille. Tout marche dans l'exactitude. Il n'y a pas de fautes et c'est le résultat extraordinaire dû à la qualité des jeunes qui sont responsables de cette affaire, de ceux du 35 rue de Sèvres et de ceux des entreprises, aussi bien les jeunes ingénieurs que les trois jeunes chefs de chantier. C’est dû encore à la qualité de nos jeunes entrepreneurs qui sont de « la famille». C’est dû encore à la grande valeur de nos clients, c'est-àdire vous autres. Vous le premier qui avez été l'âme de l'affaire et qui aviez su soulever magnifiquement des types comme Raulo & Cie. (…) je dis à ceux qui grognassaient un peu contre la rudesse de l'exécution : j'aime cette rudesse. C'est cela que j'aime, c'est cela mon apport dans l'architecture moderne : la remise à l'honneur des matériaux primaires, la rudesse de l'exécution conforme au but poursuivi, c'est-à-dire abriter les vies, non pas de rupins ou de grandes « Horizontales », mais les vies de foyers qui sont dans la bagarre quotidienne où le tragique voisine avec les joies (…). J'ai dit énergiquement à Gauducheau qui levait le nez devant les aspérités du ciment : attendez donc que ce soit fini et qu’au lieu de n'avoir à regarder qu’un raccord de ciment raté (ce qui est très humain et quotidien), vous regarderez les visages de gosses ou celui d'une femme. À ce moment-là vous apprécierez le travail de Rezé »76. Cette lettre de Le Corbusier à Gabriel Chéreau lors du printemps 1954 est envoyée dans une optique de remerciement et de valorisation de l’entreprise menée sous son chapeautage qui, au moment de l’envoi de cette lettre, est aux deux tiers achevée. C’est un point d’entrée de la compréhension des rapports au sein de l’atelier 35 rue de Sèvres et sur le chantier, mais également des rapports entretenus avec les commanditaires. L’UHGC de Le Corbusier à Rezé est une oeuvre collective, qui doit sa réussite à l’engagement personnel et au grand professionnalisme d’un nombre important d’acteurs. Mais la reconnaissance du travail collectif est masquée par l’aura et la renommée de l’architecte, celui-ci dissimule la plupart d’entre eux, voir les anonymise. Nonobstant ce fait, relevant de sa propre volonté ou non77, il faut mettre en évidence le rôle décisif joué par un collectif sans lequel la Maison Radieuse ne serait pas menée à terme. Cet aspect de la réalisation de Rezé est en tout cas l’une des interrogations de Marilyne Monnier et Dominique Amouroux dans leurs textes respectifs.

76 Monnier, Marilyne, Le Corbu 1955-2005 Rezé-les-Nantes, Paris, Édition Marilyne Monnier, 2005, p. 22. 77 Voir annexe n°1, Guelton, Bastien et Roussel, Maxime, « La collaboration sous domination », 2017.

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Figure 14: Willy, Rizzo, Le Corbusier et ses collaborateurs dans l’atelier 35 rue de Sèvres à Paris, 1956, Photographie, © FLC/ ADAGP, Format d’origine inconnu ; in « Fondation Le Corbusier - BIOGRAPHIE », [s. d.], <http://www.fondationlecorbusier.fr/ corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=6716&sysLanguage=fr-fr&itemPos=81&itemCount=300&sysParentId=15>, consulté le 25 avril 2018 ; Mentionné sous le titre « Les grands anonymes », in Monnier, Marilyne, Le Corbu 1955-2005 Rezé-lesNantes, Paris, Édition Marilyne Monnier, 2005.

Figure 15: Artiste inconnu, Être architecte. Hommage à André Wogenscky, [s. d.], Photographie, © FLC/ADAGP, Format d’orgine inconnu ; in « Fondation Le Corbusier - Accueil - Être architecte. Hommage à André WogensckyParis, Fondation Le Corbusier14 avril - 25 juin 2005 », [s. d.], <http://www.fondationlecorbusier.fr/ corbuweb/morpheus. aspx ?sysId=13&IrisObjectId=7651&sysLanguage=f r-f r&itemPos=3&itemSor t=f rfr_sort_string1&itemCount=9&sysParentName=Home&sysParentId=11>, consulté le 25 avril 2018. Figure 16: Artiste inconnu, Charlotte Perriand, 2016, Photographie, © Yerta Royée/AChP-ADAGP, Format d’orgine inconnu ; in « Un nouvel ouvrage sur Charlotte Perriand et la montagne | ActuMontagne », [s. d.], <http://www.actumontagne.com/culture/ un-nouvel-ouvrage-sur-charlotte-perriand-et-la-montagne_11414>, consulté le 25 avril 2018.


a. L’architecte adjoint, le chef de projet Dans un premier temps, il nous faut présenter l’architecte adjoint de Le Corbusier sur cette opération: André Wogenscky. Selon Jencks, il intègre l'atelier Le Corbusier en 1936 et participe à la construction de la Maison du Fada78 de Marseille et à d’autres projets notamment l’unité de Firminy qu’il finira à la mort de Le Corbusier. Il est l’autre personnage derrière ce concept d’habitat collectif à la vision humaniste et progressiste, car c’est lui qui va proposer les solutions techniques pour que la construction puisse tenir dans le cadre des crédits H.L.M79, comme le souligne Marilyne Monnier80. Il conteste l’idée première de l’administrateur , Émile Decré, de garder le mobilier dessiné par Charlotte Perriand, mais de supprimer les doubles vitrages. Wogenscky pense l’inverse. Il met en perspective le problème de la dépense annuelle en chauffage pour les futurs habitants si le choix d’Émile Decré se concrétise. Par cette action, il sera gardien d’un respect du confort et des innovations81. Au début de l’année 1953, après 15 mois de conception, les commanditaires lui demandent de modifier le projet dans une optique d’économie et de forcer auprès des entreprises pour qu'elles revoient leur offre à la baisse. Mais, Wogenscky mentionne l’importance du « facteur qualité qui dans quelques années sera seul en cause et revêtira à ce moment-là une importance capitale pour la gestion de l'immeuble »82 83. Il gère et échange avec les différentes entreprises grâce à un lien relationnel qu’il créait avec eux84, pour leur faire respecter l’enveloppe budgétaire et le projet. b. Les premiers soutiens Le maire de Rezé est un soutien déterminant de la Maison Radieuse. En effet, Georges Bénezet (1892–1970) est un homme de conviction gaulliste et ambitieux pour sa commune. Comme le souligne Gabriel Chéreau sous la plume de Marilyne Monnier : « Monsieur Bénezet était un homme d’entreprise, il n'avait pas l'air de rien, mais il avait finalement les projets considérables et s'ils présentaient une nouveauté étonnante, il y participait immédiatement dans un sens positif. »85 Il est mis au courant en 1949, comme le révèle Dominique Amouroux, que la CAF de Loire-Inférieure à travers une société anonyme coopérative d'habitation à bon marché à capital variable, la Maison Familiale, a acquis un terrain de 2,5 ha au lieu-dit La Bouvardière en vue de la construction d’un

78« Autre appellation de l’unité d’habitation de grandeur conforme de Marseille »

Ce qui sera notamment le cas lors du premier appel d’offres qui fait émerger un budget prévisionnel très au-delà des crédits disponibles pour la Maison Radieuse, comme le relèvent les auteurs de Habiter Le Corbusier. 79

80 Opcit., Monnier, Marilyne, p.17.

Ce qui est le cas lors d’une réunion de chantier où il parle au nom de Le Corbusier : « Monsieur le Corbusier, conformément à l'idée qu'il se fait de ses conceptions et de sa responsabilité d'architecte, ainsi qu'il l’a déclaré au commencement de la séance, considère comme indispensable de réaliser en plus de l'insonorisation évidemment prévue, un renforcement spécial de l'isolation phonique, renforcement qu'il considère comme un élément d'importance capitale sur le plan social de l’habitation (…) ainsi la sonorisation réalisée portera non seulement sur les parois verticales, mais également sur les planchers (…) pratiquement jamais réalisé dans les constructions H.L.M. traditionnelles » ; in Monnier, Le Corbu 1955-2005 Rezé-les-Nantes, p. 17. 81

82 Idem, p. 25 83 Marilyne Monnier souligne qu’il fait approuver à la maîtrise d’ouvrage qu’«il serait possible de donner la

préférence à une entreprise qui ne ferait pas le prix le moins cher, si la qualité du travail le justifie »

Exemple le nombre de lettres, consultable à La Fondation Le Corbusier, entre Wogenscky et Charles Barberis, responsable du lot Bois et Menuiserie. 84

85 Ibid., p. 26.

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Jacques Gauducheau

Jacques Gauducheau, Maire de Rezé

Eugéne Claudius-Petit et Gabriel Chéreau

in, Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE LoireAtlantique, 2015, p. 27.



immeuble de logement. Georges Bénezet convie alors son conseil municipal d’aider la réalisation de l’unité d’habitation en garantissant des emprunts bancaires de la Maison Familiale auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), au titre de collectivité territoriale, suite au refus du conseil général. Cette démarche est d’envergure, car la première garantie de 540 millions de francs est largement supérieur aux capacités de remboursement de la ville86. Il affirme cette posture au moment de l'inauguration en appuyant sur le fait qu'il préfère procurer du travail aux ouvriers que de leur verser des indemnités de chômage. Il poussera même à la réalisation de l’école sur le toit-terrasse, équipement collectif non financé par la Maison Familiale que la mairie commandera à Yannis Xenakis.87, confirmé par Florian Riffet lors de la visite. Simultanément, le rapporteur de la commission logement à la CAF, Gabriel Chéreau, crée un lien occasionnel avec le ministre de la reconstruction, Eugène Claudius–Petit, qui se trouve être un fidèle soutien de Le Corbusier. Il vante auprès du ministre la situation du terrain : «À proximité de la zone industrielle sud de la Loire, zone d'avenir du port de Nantes »88 et lui transmet la volonté d'y construire «un immeuble de grande capacité »89. Le choix du site de Rezé est aussi fait pour s'éloigner de la zone où la puissance réglementaire de Roux-Spitz s’exerçait. Il sera le lien entre les différents acteurs de la réalisation, c’est lui qui adresse le programme détaillé du projet et le budget à respecter impérativement à Le Corbusier. Dominique Amouroux souligne qu’il réfutait pour des raisons économiques l'idée d'établir une importante école d’une dizaine de classes sur le toit-terrasse. Il s'investit grandement dans l'accueil des premiers habitants et dans la création des conditions d'une vie collective réussie dans la maison radieuse, en intégrant des représentants de l’association des habitants de l’unité d’habitation de Rezé dans le conseil d’administration de la Maison Familiale. Le projet renvoie à l'idéologie des sept anciens représentants de la CAF arrivés à la direction de la Maison Familiale. Parmi eux, Jean Raulo90 en devient le président, Gabriel Chéreau le vice-président et Émile Decré l'un des administrateurs. Ils se regroupent tous dans la Confédération des travailleurs chrétiens (CFTC), selon Marilyne Monnier, grâce à leur sensibilité catholique et progressiste de la pensée économie et humaniste, fondée par le père Lebret (1897–1966). Celui-ci avait la conviction de mettre l'économie au service de l’homme.

86 Documents en attente de disponibilité auprès de la ville de Rezé, cote 7_OW_3_01.

87 « Yannis Xenakis naît le 29 mai 1922, à Braïla (Roumanie), au sein d’une famille grecque et meurt à Paris le 4 février 2001. Il s’installe en France, où il travaille pendant douze ans avec Le Corbusier, en tant qu’ingénieur, puis en tant qu’architecte. Il travaille notamment à la réalisation du Pavillon Philips pour l'exposition universelle de Bruxelles de 1958. Il est compositeur de musique et s’en inspire pour composer les façades de l’école du toit de Rezé. » ; Biographie issue de mes recherches et d’informations issues de « Iannis Xenakis  : biographie courte », <https://www.symphozik.info/biographie-courte-iannis+xenakis, 260.html>, consulté le 27 mai 2018. 88 Opcit., Amouroux, La Maison Radieuse de Rezé, p. 26. 89 Ibid.

90 « Jean Raulo est un typographe, né en 1914, qui devient secrétaire–adjoint de l'union nantaise du syndicat des travailleurs chrétiens en 1937. Puis il accède aux fonctions de secrétaire de l'union départementale de Loire–inférieure en 1945. Il aura à gérer l’une après l’autre, la reconstruction des syndicats après la libération, les grèves insurrectionnelles de 1947–1948, l’organisation des lois sur la sécurité sociale. Il donnera l'impulsion au logement social et livrera bataille en 1953 contre le recul de l'âge de la retraite. » ; Biographie issue de mes recherches et d’informations issues de Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015.


c. L’instigateur du mode coopératif Contrairement à ce que l’on pourrait croire en raison de ses origines suisses91, ce n’est pas Le Corbusier qui introduit le caractère coopératif de l’UHGC de Rezé. C’est en réalité Jacques Gauducheau. Il choisit une direction plus humaine et surtout plus sociale suite à son parcours d’étude. Cette approche méthodique est très novatrice, elle pousse la CAF à lui commander une étude sur la question du logement à Nantes. «Lorsque je leur ai fait part de mes conclusions, ils m'ont dit que ce n'était pas le tout de décrire la situation, mais qu'il fallait maintenant trouver des solutions. Ils m'ont demandé un deuxième rapport dans lequel j'ai conclu que la meilleure formule à utiliser était la coopérative HLM »92. Il veille pendant la réalisation du bâtiment, à garder le cap de l’efficacité budgétaire, rappelant à plusieurs occasions à Le Corbusier et André Wogenscky que la possibilité de se loger pour un candidat est liée au coût du loyer, lequel est généré par le coût de construction de chaque appartement (2 millions de francs)… En 1968, Jacques Gauducheau met en application la fin à la location coopérative, suite à la décision de suppression du ministre de l'Équipement et du Logement Albin Chalandon93.

Au regard du nombre d’acteurs passés sous silence sur cette réalisation, il est difficile de croire que Le Corbusier n’a pas un rôle dans l’anonymat de ses collaborateurs pour l’opération de Rezé. Et notamment pour Charlotte Perriand qui voit son travail d’optimisation du mobilier au contexte de Rezé, supprimé en majorité, pour l’économie générale de l’opération. Cette thèse est pour autant vraisemblable après la lecture de l’article ci-joint en annexe n°1. Le Corbusier a toujours eu cette démarche de culte de sa personne ( il multiplie les conférences, les publications ; l’utilisation d’un nom d’usage ; son obsession pour la peinture) et de sa production (une construction, voire une réflexion est égale à une publication). Il peut pour cela être qualifié d’opportuniste, utilisant ses amitiés avec Eugène Claudius-Petit pour obtenir le projet de l’UHGC de Marseille et de Firminy (où Claudius-Petit est maire). Il va même jusqu’à l’extrême selon moi, en participant en tant que conseiller de la reconstruction durant le régime de Vichy pour obtenir des commandes d’État, ce qui n’aboutira pas et verra son départ un an et demi après. Le Corbusier joue avec ces politiciens et les provoque : « Le choix de fabriquer des maisons ou des munitions est avant tout politique »94, dans l’optique d’obtenir une commande, et ainsi éprouver la performance de son modèle.

L’habitat coopératif est l’une des particularités du parc immobilier suisse, qui existe la-bas depuis le début du XXème siècle dans la banlieue de Genève. 91

92 Opcit., Monnier, Le Corbu 1955-2005 Rezé-les-Nantes, p. 25. 93 Auparavant le ministre était promoteur par ailleurs des maisons à bas coûts surnommés “ chalandonnettes “. 94 Opcit., Le Corbusier une encyclopédie, p. 103.

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Figure 17 : Le Corbusier, Des Canons, des munitions ? Merci, des logis s.v.p., 1938, Collage, Format d’origine inconnu, Boulogne-sur-Seine, Éditions de l’Architecture d’Aujourd’hui, 1938 (Collection de l’équipement de la civilisation machiniste).


*** La Maison Radieuse semble être la réalisation la plus en relation avec l’idée originelle de l’architecte, idée confirmée par Florian Riffet. Malgré des logis de dimension plus réduite par rapport à Marseille, l’unité a su « loger les hommes {…}, les mettre à l’abri des intempéries et des voleurs, mais surtout aménager autour d’eux la paix d’un foyer, {…} une vie décente »95. Les prolongements du logis conçu et construit ont participé à la réussite de l’unité comme l’homogénéité de la population instaurée par le mode coopératif. La réussite de la Maison Radieuse, que l’on peut constater aujourd’hui, est le fruit de la construction de Le Corbusier en tant que penseur d’architecture pour une société. Société machiniste qu’il a observée dans ses bouleversements, lors de voyages initiatiques et informatifs dans d’autres pays. Ils lui ont permis d’embrasser la vision humaniste de Charles Fourier, le progressisme d’Ernst May, le fonctionnalisme de Gropius ainsi que le collectivisme des propositions des architectes russes et bien d’autres. L’ensemble correspondant aux attentes-mêmes de cette nouvelle société en quête de nouveaux modes de vie. La Maison Radieuse résulte aussi d’un ensemble de démarches réflexives publiées ou construites, qui se nourrit des rencontres internationales d’architecture, dont il devient un acteur de premier plan pour son intérêt. Son intérêt passe aussi par son seul nom face aux noms de ses collaborations, de manière involontaire ou non. Fort de précédente recherche, je penche personnellement volontiers vers la seconde. Le Corbusier a tendance à omettre qu’il n’est pas le seul acteur de sa création et en particulier à Rezé où il ne s’est déplacé que trois fois96 selon Gérard Monnier. Son concept de duplex traversant formant le logis des habitants est aussi à prendre en compte dans le succès de la Maison Radieuse, mais il est le corollaire d’un vaste univers de références et de réflexions qui reste à questionner. * * *

95 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p.139

Une première pour la première pierre, une deuxième pour appuyer une allocation financière et la dernière pour l’inauguration ; informations extraites de Monnier, Gérard, Le Corbusier, les unités d’habitation en France, Paris, Belin-Herscher, 2002 (Les destinées du patrimoine). 96

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04// LE LOGIS, CENTRE DE L’UNIVERS CORBUSÉEN


“Le logis, c’est le temple de la famille. Il permet d’y vouer toute sa ferveur, toutes les ferveurs.❞ Le Corbusier, Les plans de Paris 1956-1922, in Amouroux Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, p.7

“Donnez-nous un terrain suffisant pour y dresser une “unité d’habitation“; dans une “unité“, tous les problèmes peuvent s’exprimer : urbanisme, industrialisation du bâtiment, recherche des standards, application des nouvelles techniques - acoustique, isothermie, isolation, etc. esthétique générale, éthique du logis et de la ville.“ Le Corbusier, Quand les cathédrales étaient blanches, in ; Ville de Rezé, La Maison Radieuse, Le Corbusier Architecte, Paris, Ville de Rezé, 2005, p.2
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1. Standardisation et rationalisation du logis, un besoin d’outil: le Modulor Comme nous le verrons dans les parties suivantes, la vie quotidienne des habitants, le rapport à la nature, les nouvelles façons de vivre la famille et la collectivité, se voient modifiées face aux propositions architecturales expérimentales de la Maison Radieuse. Mais pour comprendre ces processus, il nous faut selon moi revenir sur la constitution même de la Maison Radieuse, en allant voir sa composante de base: la cellule. À travers la publication de Vers une architecture, Le Corbusier délimite sa vision de l’Architecture en la distinguant de l’ingénierie. Il remarque cependant qu’elles partagent entre elles un rapport fondamental à la rationalité et aux mathématiques, par le biais des volumes, des surfaces et des plans. Elle trouve son expression par l’ordre et la mesure qui définit la maîtrise plastique du projet. Le Corbusier voit à travers ce processus opérationnel, « le rôle fondamental de la raison qui trouve, à travers la géométrie, l’expression même de la beauté, sa certitude que l’Humanité s’exprime par sa capacité à mettre de l’ordre dans le monde et que l’Architecture est par essence au fondement de cette démarche »97. À partir de cela, il parvient à mettre en place des tracés régulateurs qui forment une harmonie sensible à l’œil98. C’est pour répondre à ce besoin de mesure harmonique par rapport à l’échelle humaine pour l’Architecture, qu’il met en place le système du Modulor dès 1947 et publie à ce sujet en 1950 puis en 1955. L’image de l’Homme du Modulor, 1m83 au bras levé (2m26) avec toutes ces digressions permet à son auteur, de concevoir le Logis99 de celui-ci pour le confort de tous. Le Modulor qu’il applique dans ces réalisations, se rapproche de l’analyse du corps en activités de Ernst Neufert. Le Corbusier utilise la conception standardisée pour l’architecture et l’aménagement de ses logis avec l’aide de Charlotte Perriand. Ils remplacent le mobilier ancien100 par des équipements essentiels à la vie quotidienne. La standardisation résulte de l’analyse et de l’élaboration pour former une production reproductible voire industrialisée, potentiellement personnalisables, source d’économie importante par la masse produite et fonctionnellement efficace101. « Nos meubles répondent à des fonctions

97 Opcit., Denèfle, Sylvette et al.

« le tracé régulateur est une satisfaction d’ordre spirituel qui conduit à la recherche de rapports ingénieux et de rapports harmonieux. Il confère l’eurythmie » ; in Ibidem, 98

99 Voir Annexe n°… : Terminologie

Mobilier ancien, d’héritage, hors de mesure qui selon, l’architecte n’a plus sa place dans le logis de l’homme moderne. 100

« La standardisation permettait d’établir scrupuleusement le modèle le plus parfait de chaque élément. », Discours d’inauguration ; in, Ph. Boudon, Pessac de Le Corbusier, Dunod, Paris, 1969, p. 147 101


constantes, quotidiennes, régulières. Tous les hommes ont les mêmes besoins, aux mêmes heures, chaque jour, toute la vie. »102 Par les UHGC, l’architecte tente d’offrir, à l’ensemble de la population, le fruit de ces recherches en urbanisme (village vertical, orientation bio-climatique), en architecture (Modulor, les 5 points de l’architecture moderne), mais également en confort d’usage et en équipements techniques. Le Corbusier démocratise à l’intérieur de ces logis, des équipements techniques innovants et quasi inaccessibles pour la classe des prolétaires de l’époque103. L’isolation par béton cellulaire, les ascenseurs, la ventilation mécanique, le chauffage par le sol, le double-vitrage et le raccordement aux réseaux électrique, gaz, eau et téléphonique dans chaque logis, font partie de ces équipements modernes que l’immeuble d’habitat collectif offre à ces occupants, grâce à la rationalisation des coûts. En sortant de l’après-guerre, où la population était soumise à des privations, notamment matérielles, les familles en 1955 qui accèdent à des logements modernes dans la Maison Radieuse en apprécient le confort grâce à l’approche des nouveaux standards de Le Corbusier. Il prévoit pour ces populations, un minimum d’équipement domestique, tels que les meubles de cuisine dont le meuble passe-plat, l’évier, le vide-ordure, le meuble glacière, la cuisinière électrique ou au gaz, les armoires à linge et penderies dans toutes les chambres, les armoires, placards et casiers lingerie, une partie des appareils d’éclairages. La concrétisation de la pensée de Le Corbusier en ces éléments matériels et techniques se révèle être constitutive de la dignité à laquelle il aspire pour tout individu. Elle permet selon lui et les expériences qu’il a pu visiter, l’évolution intellectuelle et culturelle indispensable pour le bien-être physique et moral des habitants de l'UHGC de Rezé. C’est par cette conception morale, sociale, philosophique et physiologique appliquée à la famille que Le Corbusier et André Wogenscky matérialisent dans l’espace de chacun des 294 appartements. En fonctionnant tel un paquebot sur le principe Logis minimum que je partage avec Le Corbusier, la Maison Radieuse se veut simplificatrice de la vie domestique et gain de temps et d’argent pour l’occupant, en répudiant le gaspillage104 et le superflu. Mais Le Corbusier n’avait pas imaginé, dans son modèle de cellule de vie, l’accès pour tous, à la consommation « de masse ». Apparue dans les premières années de la reconstruction et démocratisée après 1954, selon les auteurs de Habiter Le Corbusier, les familles ont accédé à de multiples biens 102 Le Corbusier, L’Art décoratif d’aujourd’hui, Paris, Crès, 1925 (L’esprit Nouveau). 103 « Mes parents, ils habitaient dans une pièce cuisine, comme beaucoup de gens. Et quand le Corbusier

s’est construit il y a quand même plein de gens qui se sont précipités sur le Corbusier quand même […] bah pour eux, c’était le luxe, le grand luxe. Il y avait quand même une douche, hein. Même si la douche était dans le sol, même s’il y avait un trou dans le sol, il y avait une douche, un lavabo, même une salle d’eau. Les waters n’étaient pas sur le palier. Oui, pour eux c’était le luxe. » Mme Brun.; in Opcit., Denèfle, Sylvette et al.

« Le paquebot fonctionne dans ses mesures étonnantes parce que les services communs il sont organisés, parce que le logis y est débarrassé des éléments parasites, parce que la vie sur un paquebot (et je ne prends à dessein que la classe de grand luxe pour servir d’appui à ma thèse d’équipement du logis populaire) est régie par des innovations intelligentes qui permettent, de trouver solution au problème, et qui répudient, d'autres part, le gaspillage. » in, Le Corbusier, La Ville Radieuse, Boulognesur-Seine, Éditions de l’Architecture d’Aujourd’hui, 1935 (Collection de l’équipement de la civilisation machiniste), p. 117. 104

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d’équipement ménagers qui montrent l’accroissement de leurs niveaux de vie. Mais cela a créé des problèmes de manques de places dans les pièces de services (cuisine, salle de bains) aux habitants. La rationalisation de l’espace ne permet pas la généralisation de l’intégration d’un machinisme (lavevaisselle ou le congélateur), que Charles-Édouard Jeanneret n’avait pas prévu, mais qui est ressenti comme un empêchement.

Pour rapprocher sa pensée architecturale de la construction, Le Corbusier s’est construit un outil de concepteur : le Modulor. Celui-ci regroupe sous une forme de type standard, les dimensions métriques, physiologiques de l’Homme, fonctionnelles, rationnelles et économiques pour une construction vivable et efficace. Ce système de mesure et d’ordre n’a pas pu évolué dans le temps, c’est donc les usages qui ont changé. On retrouve fréquemment des appartements sous-peuplés pour pouvoir dédier une pièce au salon par exemple. Les réaménagements des logis ont été progressifs mais plus lisibles chez les propriétaires et symbole d’ascension sociale. Les processus d’ascension sociale sont aussi passés par la démocratisation du confort et de l’équipement, même si pour des raisons économiques, le mobilier type de Charlotte Perriand a été sacrifié, sauf la cuisine et son passe-plat. Les nouveaux dispositifs spatiaux sont l’attrait principal à la Maison Radieuse, et la Maison Familiale l’a bien compris pour occuper l’immeuble.


Figure 17 : Le Corbusier, Perspective d’un appartement supérieur, Perspective, dimension d’origine 5157 x 3256 dpi, 1953, Rezé, Référence 01656, conservé à la Fondation Le Corbusier, Paris.

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2. Nouveaux dispositifs importants pour l’époque

spatiaux

La Maison Familiale a utilisé l’image de Le Corbusier pour communiquer sur l’opération nantaise de celui-ci, à travers divers médias locaux. Elles avaient pour but d’engranger des adhésions massives à un nouveau modèle de société et d’habitat, mais également de financer l’opération en elle-même. La presse et le service d’adhésions se sont donc appuyés sur les nouveaux dispositifs spatiaux que Le Corbusier a développé. À cette ambition de confort pour tous dans l’habitat collectif, doit se greffer une exigence d’intimité qui se traite à l’échelle du logis. Elle s’appuie sur la nécessité d’une cellule de reconstitution physique et spirituelle de l’animal humain. L’« Homme » universel n’est pas solitaire : il vit « en famille ». Le Corbusier décide de marquer l’intimité à l’intérieur du groupe familial par la délimitation d’un espace propre et met donc fin à la pièce commune des logements anciens105. Il instaure aussi un rapport d’intimité avec l’extérieur par l’utilisation de béton cellulaire et de platine en plomb pour l’isolation acoustique lors de la construction, mais également par une organisation spatiale. La transition de la rue intérieure avec le logis se fait par un vestibule pour se dévêtir et un sas à double ouverture pour les livraisons du service de ravitaillement. La conception de l’UHGC de Rezé en barre ainsi que le parc qui l’entoure permettent de ne pas avoir d’intrusion du regard extérieur dans les logis. Le Corbusier sépare les pièces de réceptions, des pièces de nuit par un changement de niveau. La cuisine ouverte est en connexion avec l’entrée et le séjour. Les chambres et les sanitaires sont au niveau inférieur ou supérieur selon la configuration du duplex. Cette exigence de l’architecte, d’équilibrer l’astreinte du collectif par celle, de garantir la vie intime du logement familial représente selon lui une manière de faire habiter correctement la population : « La vie ne s’épanouit que dans la mesure où s’accordent les deux principes contradictoires qui régissent la personnalité humaine : l’individuel et le collectif […] Un plan est sage lorsqu’il permet une collaboration fructueuse tout en ménageant au maximum la liberté individuelle »106. « L’insonorisation, en diminuant les causes de tension, facilite le développement d’une vie collective meilleure. »107 Le Corbusier comme on a pu le voir, a une démarche de démocratisation en particulier au niveau des sanitaires. Pour rappel en 1954, en France, « seul un logement sur dix dispose du chauffage central, un sur dix également, d’une baignoire ou d’une douche, et 26,6 % de WC intérieurs. Plus de 40 % des habitations n’ont pas encore l’eau courante »108. Le Corbusier intègrera donc dans le logis pour la classe prolétaire, des WC séparés, une salle d’eau avec une douche que je qualifierais aujourd’hui d’italienne avec de l’eau chaude à Pièce à tout faire que l’on peut retrouver dans les Mietskasernens allemandes, ou encore dans les logements surpeuplés de l’agglomération nantaise de l’époque. 105

106 Opcit., Le Corbusier, Vers une architecture, p. 20-21

Chombart de Lauwe, P.H., Famille et habitation, tome II. Un essai d’observation expérimental, Paris, CNRS, 1967, p. 253. 107

108 INSEE, « Études sur le logement », Rezé, INSEE, 1955.

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la demande. C’est en cela, que l’approche corbuséenne prend du sens en solutionnant les besoins matériels de l'habitant. À travers ces prescriptions, dans Vers une architecture, Le Corbusier mettait au premier plan ses préoccupations pour la lumière et l’ensoleillement pour des raisons hygiénistes et esthétiques. Il revendiquait un nombre minimum d’heures d’ensoleillement pour chaque logis, même durant la saison hivernale. Par une étude précise, il détermine l’orientation et l’épaisseur du bâtiment pour une pénétration optimale de la lumière, qu’il met en relation avec le Modulor. Avec le principe de la fenêtre bandeau des 5 points d’une Architecture Moderne, Le Corbusier joue les contrastes avec le clair-obscur de la rue intérieure, pour donner une sensation d’espace par la lumière, au logis. Par les baies, véritables façades de l’UHGC de Rezé, les logis entrent en relation avec le paysage alentour et s’ouvrent vers l’extérieur, pour accentuer la sensation d’espace. Le Corbusier porte aussi une réflexion sur l’appropriation de l’occupant à travers l’espace sans affectation au niveau des chambres et des sanitaires. Dans sa conception, il s’agit d’un espace de rangement pour tout le logis, mais le manque d’argent sur les fonds HLM n’a pas permis l’aménagement de celui-ci. C’est donc l’usager qui a défini la fonction de cet espace intermédiaire. La richesse de cet espace est large, elle dispose d’une arrivée d’eau, car proche des gaines techniques. Certains des habitants ont donc pu y matérialiser leurs besoins. Cet espace est tantôt des buanderies, une lingerie, un atelier de travail créatif, un bureau, une seconde salle d’eau, une chambre d’appoint ou encore un salon. Chaque logis est donc différent du voisin et rayonne avec la personnalité du foyer.

La stratégie de communication pour l’adhésion à la Maison Radieuse a fonctionné, grâce aux dispositifs spatiaux du logis. Ceux-ci ont rencontré une population en quête de nouvelles pratiques du logement qui répondent à leurs besoins. À travers elle, Le Corbusier a pu démocratiser les équipements sanitaires et apaiser les relations de voisinage par l’insonorisation. Même si à notre époque, elle serait à revoir suite aux transformations individuelles, pour égaler les normes d’aujourd’hui, mais également car cela signifie que s’ils entendent leurs voisins, il est possible pour autrui d’entendre ce qui se passe à l’intérieur de leur appartement. La conception corbuséenne du logis avec des contraintes d’ensoleillements minimaux fait écho au « existenzminimum » d’Ernst May et marque bien son approche hygiéniste et paternaliste du logement. L’espace habitable est remarquable, selon moi. Il est lumineux et cela donne dans l’appartement témoin (avec le mobilier Le Corbusier/Charlotte Perriand) une réelle sensation d’ampleur, qui contrebalance la description de « taille réduite » qu’évoque Frampton. La dimension surfacique du logement permet même une appropriation spatiale de l’occupant, il en fait donc son foyer, son logis. Le Corbusier, après la normalisation et la démocratisation, travaille pour imaginer la domesticité de la maitresse de maison.


3.Après l’Homme Modulor comme modèle, Le Corbusier repense l’espace pour l’archétype féminin Les sociétés occidentales, et en particularité la société française, voient arriver, dans l’après-guerre, une période de « Baby-boom », ce qui correspond à la combinaison d’une forte nuptialité de jeunes couples qui commencent à constituer des familles importantes, et de la natalité forte à cette période, aidée par les progrès médicaux. Les hommes reprennent le travail et pour la plupart, les femmes, quant à elles, restent au foyer pour se dévouer à l’éducation de leurs enfants et remplir le rôle de maîtresse de maison. Les auteurs de Habiter Le Corbusier relatent qu'il existe une contestation féministe de ce modèle familial, qu’elle indique comme étant inégalitaire par rapport au partage entre les sexes du travail domestique. Le mouvement de contestation, soulevé, souhaite éviter la double journée (tâches professionnelles et tâches domestiques) aux mères actives. Ce mouvement de grande échelle réclame à travers la mise à disposition de divers services : crèches, garderies, mais aussi laveries, cantines ou restaurants de quartier, de quoi avoir une collectivisation des tâches ménagères et maternelles. L’utopie féministe revendicatrice est connue de Le Corbusier qui préconise sous certaines formes, dès les années 20, ce qu’il appelle des « prolongements du logement », à travers la publication de La Ville Radieuse, prenant la forme de services intégrés dans les immeubles collectifs. En effet, il est confronté lors de ses voyages en URSS à des systèmes utopiens109 de collectivisation à l’outrance de la vie domestique du foyer comme dans le cas de la DomKommuna, réduisant le logement à l’espace nuit, ce qui était de trop pour permettre la constitution du foyer, selon Jencks. Malgré les enseignements de l’utopie collectiviste russe, la mise en place de service de crèche et d’aide ménagère ne sera pas viable ou pas réalisée pour des raisons financières, mais également, du fait du manque d’intérêt pour ces services, des acteurs de l’époque. Le Corbusier n’a pas de conviction féministe (de mon point de vue d’étudiant en architecture en 2018), il ne désapprouve pas la division sexuelle des rôles dans la vie domestique du foyer. Mais son concept d’unité d’habitation est aussi une recherche rationnelle sur les moyens pour remédier aux tâches ménagères incommodantes : « L’allègement des charges domestiques, accablant jusqu’ici la mère de famille, s’opère par diverses innovations : installation d’une régie de ravitaillement dans chaque unité d’habitation ainsi que d’une régie de service domestique hôtelier à domicile, équipement d’une unité santé, faite de salles de culture physique, d’installation d’hélio et d’hydrothérapie, d’un service de médecine préventive, avec dispensaire, petite clinique d’urgence, etc. »110. Ces principes de rationalisation de la vie domestique sont pour la plupart restés des utopies, car, en raison de leurs coûts importants, toutes ces innovations ne sont pas présentes dans les unités d’habitation. Mais l’architecte structure les logis de la Maison Radieuse dans l’objectif d’une forme d’organisation rationnelle des tâches par le “Selon le sociologue et philosophe français Henri Lefebvre, il existe une différence entre l’utopie projection et réalité. “Il faut distinguer les utopistes des utopiens, autrement dit l’utopie abstraite de l’utopie concrète (...). La pensée utopiste explore l’impossible; la pensée utopienne dégage le possible”, Lefebvre, Henri, New Babylon. Le nomadisme et le dépassement de l’architecture, in ; Constant, Une rétrospective, Paris, Rmn, 2001. 109

110 Le Corbusier, Manière de penser l’urbanisme, Paris, Denoël/Gonthier, 1977, p. 64.

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Figure 20: Artiste inconnu, The Frankfurt Kitchen: view toward the window, 1926, Photographie, Moma, Format d’orgine inconnu ; in « MoMA | Counter Space: the frankfurt kitchen », [s. d.], <https://www.moma.org/interactives/ exhibitions/2010/counter_space/the_frankfurt_kitchen>, consulté le 26 avril 2018.

Figure 21: Auteur inconnu, Plan of the Frankfurt Kitchen indicating its labor saving features, 1927, Plan, Moma, Format d’orgine inconnu ; in « MoMA | Counter Space: the frankfurt kitchen », [s. d.], <https://www.moma.org/ interactives/exhibitions/2010/counter_space/the_frankfurt_kitchen>, consulté le 26 avril 2018.


confort domestique. Le chauffage central et les boîtes à double entrée permettant la livraison de produits alimentaires (pain, lait, viande) allègent les corvées d’approvisionnements quotidiens, avant que la démocratisation de l’automobile permette le développement d’hypermarchés, ne permettant plus la rentabilité du système. La vision rationalisatrice du logis de Le Corbusier l'a intégré dans une cuisine relativement restreinte issue de la réflexion de sa collaboratrice Charlotte Perriand. Celle-ci s’étant limitée à rendre les corvées culinaires moins désagréables par l’analyse des gestes et leurs interactions avec les éléments de cuisine, comme l’avait fait en 1929 à Frankfort, Margarete SchôutteLihotzky avec sa cuisine minimale. Les habitants relèvent dans Habiter Le Corbusier que l’espace y est étroit, mais qu’il permet une efficacité dans la préparation des repas. Tout comme l’architecture de Le Corbusier, ici Charlotte Perriand a une influence importante et régulatrice des modes de vie des habitants, car en rationalisant à la manière de la production industrielle, elle limite les possibilités du travail domestique et change la manière de vivre la cuisine. Même si la maîtresse de maison semble avoir le monopole de cet espace, l’ouverture de la cuisine sur le séjour par la mise en place du passe-plat permet d’inclure la femme dans la vie sociale de la famille lors des repas et réceptions, voire même solliciter la participation, telle que l’explique Marie-Françoise Nicolas. Cette ouverture est aussi utile au niveau de l’éducation des enfants en bas âges, car elle permet la surveillance des enfants qui ont l’habitude de jouer dans le séjour111, faisant de cet espace le foyer du logis. Un choix de matériaux nouveaux avait aussi été réalisé pour optimiser le temps de la ménagère en permettant un nettoyage plus rapide de ces surfaces « modernes ». Pourtant, à la Maison Radieuse, le « dalami » (sol plastique avec des motifs en relief difficile à entretenir) est employé dans les rues intérieures et dans les logis. Cela a entraîné, dans les premières années, une forme d’organisation collective avec l’achat de cireuses par l’association des habitants.

Le Corbusier montre de cette manière, une facette de la conception architecturale qui n’est pas courante, car elle est à la frontière entre l’architecture et le design, dont on ne retrouve pas, je trouve, la même qualité rationalisante dans d’autres productions communes exception faite du Pavillon suisse et de la Maison du Brésil. Il développe avec l’aide de Charlotte Perriand, un espace de vie familiale et domestique où les interactions entre les membres de la famille sont possibles. Cette démarche le rapproche d’un art total comme Victor Horta112 et d’autres architectes de l’Art Nouveau. Mais je ne suis pas sûr qu’il en soit l’instigateur au vu de ses rapports de collaborations. Il n’est peut-être que le signataire. Ce dont on est sûr, c’est qu’il a une conception particulière du loisir au sein de sa création.

111 Opcit., Chombart de Lauwe, p. 153. 112 la Maison Horta (1898-1901) ou encore l'Hôtel Tassel (1893)

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4. Métro, boulot, dodo et LOISIRS «  Avec cinq ou sept heures de travail, nous aurons du temps disponible  ; pour son emploi, aménageons-nous ce qu'il faut pour notre santé physique, pour notre santé morale et répondons aux profondes aspirations tout simplement humaines. Vivre! Respirer. Vivre! Habiter. La dignité, l'action, la santé, la sérénité, la joie peuvent être avec nous dans la ville radieuse. »113

Rézé-Les-Nantes batiment d'habitations Le Corbusier (Pierre Jeanneret) M505084_3505LECORPP02601 3505 LECOR p Sujet(s) : Le Corbusier - 1887-1965. Bâtiment d'habitation collectif Auteur(s) : Cardot Véra
 - Joly Pierre Mention Edition :1949-1953 Support : M505084_000575_E_2

Figure 22: Cardot, Véra, Joly, Pierre, Rezé-Les-Nantes bâtiment d’habitations Le Corbusier (Pierre Jeanneret), 1949-1953, Photographie,Centre Pompidou/ Bibliothèque Kandinsky, Format d’orgine inconnu ; in « Affichage médias », <http:// i b l i o tPompidou, h e q u e k aBibliothèque n d i n s k y . cKandinsky entrepompidou.fr/cataloguedoc/fondsphoto/cgi-bin/image.asp? ©bCentre ind=3505LECORP&no=3505LECORp&id=3505LECORP>, consulté le 27 avril 2018.

113 Opcit., Le Corbusier, La Ville Radieuse, p. 118.


Le Corbusier conçoit les UHGC pour faire habiter des familles prolétaires. L’architecte constate selon P. H. Chombart de Lauwe114, l’appétence des ménages de l’époque à la «  vie de famille  » et aux loisirs, telle qu’elle est devenue possible par les évolutions machinistes du monde du travail, et songe à leur accorder un espace tel qu’il le décrit dans La Ville Radieuse. Cette démarche de prime abord bienveillante de Le Corbusier peut s’apparenter à une volonté d’organiser et de réguler la vie prolétaire dans ce monde en mutation par sa manière de concevoir la ville et le logement sans espace de manifestation d’opinion, tout en amenant sa « machine à habiter ». Pour Le Corbusier, les villes doivent être recomposées afin de solutionner les nouvelles questions d’aménagement global et d’habitat. Il souhaite pour cela proposer une réponse totalement nouvelle pour le bonheur des hommes. À travers La Charte d’Athènes, le concept d’unités d’habitation qu’il entrevoit, s’inscrit dans un projet fonctionnaliste à échelle urbaine, mais aussi architectural. En élaborant le plan d’une cité qui se veut idéale, Le Corbusier souhaite assurer les fonctions essentielles de la vie urbaine : habiter, travailler, circuler, se récréer. Cette section traite en particulier la fonction « se récréer » à l’échelle du logement dans un premier temps et à l’échelle de l’unité par la suite. En dépit des réalités qui éloignent les « chefs de famille » du foyer : le travail ou le temps dans les transports. Les sociologues de l’époque évoqués dans Habiter Le Corbusier, prennent acte du souhait, pour la société, mais particulièrement chez les « employés » et les « professions intermédiaires », de faire partie intégrante du foyer, en particulier auprès de leurs enfants. Cette aspiration paternelle à faire partie du foyer dominé par la « mère au foyer » correspond à la valorisation du modèle familial de l’époque. Elle rencontre aussi la conception de Le Corbusier, qui organise le séjour comme un espace de rencontre au quotidien entre la mère, le travailleur et leur progéniture dans l’idéal de la famille nucléaire unie et harmonieuse. Même si l’homme ne participe que très peu aux tâches ménagères, selon Dominique Amouroux. Les tâches maternelles ne les accaparent que peu, car dévolues à la mère, mais ils manifestent la priorité de leur présence auprès de leurs enfants. Selon des études menées en 1957 par des chercheurs et relevés par P.H. Chombart de Lauwe que : « C’est à Nantes que les jeux sont le plus suivis par les chefs de famille. L’organisation du logement qui incite à laisser plus souvent qu’ailleurs les enfants jouer dans la salle de séjour explique peut-être le fait »115. L’homme n’a pas dans l’espace du logis un espace individualisé. Il ne peut que manifester de sa co-présence qu’aux courts de moments de loisir, ainsi qu’en participant à la vie familiale au travers des jeux des enfants. Les thèses de Le Corbusier, qu’il décrit dans ses écrits théoriques116, sur l’aménagement de la proximité lors du regroupement en logement collectif semblent être confirmées par l’évaluation des habitants, voire par les évolutions sociales récentes de la Maison Radieuse. Certes, pour l’architecte, l’aménagement d’espaces verts en contact direct des UHGC doit non seulement assainir les villes, preuve de sa vision hygiéniste : « Il faut planter des arbres! [...] L’arbre, en tout état de cause, s’offre pour notre bien-être

114 Chombart de Lauwe, P.H., Famille et habitation, tome II. Un essai d’observation expérimental, Paris, CNRS, 1967, p. 14. 115 Opcit., Chombart de Lauwe, p. 153.

Le Corbusier, La Ville Radieuse ; Le Corbusier, La Charte d’Athènes ; Le Corbusier, Vers une architecture ; Le Corbusier, Urbanismes. 116

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physique et spirituel »117. Mais encore servir à aménager les jeux des plus jeunes, les éléments de repos et les équipements sportifs pour tous comme prolongements des logements, « offrant mille occasions de saine activité ou d’utile délassement à l’habitant de la cité  »118. Il imagine pour cela des aménagements divers : «  Les terrains de sport sont au pied des maisons : football, basket, tennis, jeux, etc.… promenades, ombrages et pelouses. »119. C’est le parc de la Maison Radieuse qui remplit cette dernière fonction, comme j’ai pu le constater, en proposant aux habitants un lieu pour la détente, le sport ou les jeux des enfants qui seront un réel support de socialisation. Dès l’origine en 1955, le parc de la Maison Radieuse est aménagé de ces divers éléments. Au pied de l’immeuble, les pilotis chers à Le Corbusier se fondent dans l’eau d’un petit étang, espace de vie pour les canards et les poissons qui font la joie des enfants. Le parc protégé de toute circulation comme le relève Dominique Amouroux et les auteurs de Habiter Le Corbusier, est agrémenté d’aménité telle que des bancs pour permettre la surveillance des enfants lors de leurs jeux. Le parc de la Maison Radieuse a un caractère privé, car géré par la copropriété, mais il a toujours été ouvert au reste du quartier. La « verdure » dans la Maison Radieuse, marque la pensée corbuséenne dans ses objectifs hygiénistes. Les anciens habitants120 ont partagé dans Le Corbu en 8 ou 2 chapitres121, leurs souvenirs de fêtes, de pique-nique, de compétition de pêche et de football122… Pour eux, le parc a été vécu comme un lieu déterminant dans la vie collective et comme une nette amélioration des conditions de vie pour la famille. Le parc de la Maison Radieuse dans les premières années est perçu par les locataires-coopérateurs comme un réel prolongement de leurs logis et un espace important de socialisation tel que relevé par P.H. Chombart de Lauwe. Dans la mesure où, la ville de Rezé est encore à l’époque dénuée d’équipements de loisirs, de structures sportives ou culturelles et que même si les déplacements vers Nantes sont possibles, ils restent pendulaires. L’évolution de la société machiniste vers une consommation de masse permet aux familles même modestes d’acheter une télévision. Le temps libre des enfants se voit modifié par cet équipement, mais également par ailleurs par des institutions de type «  centres de loisirs  » qui commencent à s’organiser dans la ville. La sociabilité des enfants s’en trouve modifiée et leur présence se remarque moins dans le parc. Comme le remarquent les habitants à travers Habiter Le Corbusier, l’encadrement du temps libre des enfants est devenu important, car il est désormais nécessaire d’organiser ce temps par rapport à un objectif éducatif qui impose que des espaces leur soient propres. Si, au moment de la réalisation, l’espace du parc pouvait être perçu comme un terrain de jeux idéal, appropriable par les nombreux enfants, les nouveaux loisirs sollicitent au contraire des installations autres qui ne sont plus dans les compétences de la Maison Radieuse. Le constat est encore vrai aujourd’hui, lors de ma visite du site, un samedi matin (10 h 20 à 15 h), aucun enfant n’était présent dans le parc. 117 Opcit., Le Corbusier, Urbanismes, p. 70‐71. 118 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p. 38. 119 Ibim. 120

Rares sont les habitants de la première génération qui ont habité dès la construction, mais il est encore possible de parler avec des habitants qui ont passé leurs enfance à l’unité d’habitation. 121 Le Corbu en 8 ou 2 chapitres, Rezé, Bibliothèque de Rezé, 2015

Entre jeunes et adolescents de la Maison Radieuse mais aussi entre les différents quartiers de la ville notamment les jeunes du bourg, du châteux-de-Rezé et de pont-rousseau. 122


Si le parc a vu, ses usages se renouveler au fur et à mesure des années, certains sont encore d’actualité comme la promenade des jeunes enfants par les mères, surtout chez la population locative actuelle (plus jeune que la population propriétaire de l’immeuble). Elles s’accordent à dire l’importance de cet espace non seulement comme équipement de loisirs, mais aussi comme l’élément naturel. La possibilité d’élever ses enfants dans ce cadre verdoyant est apprécié par les familles. Il leur offre ainsi un espace pour dégager « les vues les plus belles »123 ou procurer « l’air le plus salubre »124. Les usages du parc évoluent vers de nouvelles activités profitant de ce vaste espace pour se développer dans les endroits délaissés : le jardinage au sein d’une association de jardin partagé occupe un fond du parc pour des plantations agraires et d’agréments. Pour certains parents de la Maison Radieuse, la fréquentation de ce parc par les résidents et par la population de la ville semble être une source de problème dû au mélange social qui s’y croise. Ceux-ci sont quelquefois inquiets des réseaux de sociabilité qu’entretiennent les plus jeunes. Des problèmes liés aux chiens, comme ceux posés par les adolescents, trahissent l’existence de quelques formes d’incivilités dans la Maison Radieuse et dans son parc. L’unité d’habitation se voit stigmatisée dans son image et qualifiée de « quartier », ce qui accentue une récente relégation sociale.

Dans ces circonstances, les modifications d'usage du parc et des loisirs en général, semblent éloigner la vision humaniste et égalitariste de la modernité que défend Le Corbusier. Les évolutions de la seconde moitié du XXe siècle ont changé les perspectives que caressait le projet de l’architecte, car Le Corbusier ne pouvait pas imaginer le développement d’une telle civilisation individualiste. Ce qui a échoué à la Maison Radieuse, du fait des évolutions de statut et donc de populations, c’est l’idéologie progressiste du loisir corbuséen comme moteur d’ascension sociale que présageaient les trente glorieuses. Un élément d’adaptation s’est quant à lui imposé dans la vie de l’unité, c’est l’Association des habitants de la Maison Radieuse, qui a permis de créer une certaine communauté.

123 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p. 23. 124 Ibid.

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*** À la suite de la reconstruction, la Maison Radieuse a pu par le biais de ses locataire-coopérateurs, faire face à un groupe social en ascension qui recherche par l’approche corbuséenne le confort d’un foyer et le modernisme qu’il incarnait à l’époque. Le Corbusier, pour dimensionner au plus juste de la rationalité, de l’économie, et de l’habitabilité, la vie collective, la vie familiale et la vie individuelle dans ces UHGC, s’est doté du Modulor. Véritable outil de concepteur selon moi, il relève de l’ordre et de la mesure, mais également de l’étude des comportements et de l’échelle humaine. À travers la création d’un archétype de l’Homme, Le Corbusier entame la standardisation et la démocratisation pour l’habitat. Il définit par là-même un essentiel d’équipements, de technologies pour une vie digne que l’on peut distinguer sous la formulation Logis, qu’il utilise dans la Charte d’Athènes. Le Corbusier instaure aussi comme standard l’insonorisation du logement par l’usage innovant de matériaux qui évitent la résonance. Par ce biais il évite les problématiques de bruit que rencontrent souvent les habitats collectifs. Ces démarches lui viennent de son approche paternaliste, hygiéniste et fonctionnaliste, mais aussi de pratiques qu’il a pu observer ailleurs. Grâce à ses voyages, il évite les écueils d’une collectivisation forcée et imagine comme services communs, les prolongements du logis. Vécues comme espace de socialisation entre les habitants, elles ont permis le développement du bienêtre par le loisir et la pratique sportive à travers le parc, mais également l’éducation avec l’école sur le toit-terrasse entre les enfants et les parents. La vie familiale est modifiée par l’organisation spatiale et par l’évolution de la société du machinisme. La femme voit son quotidien domestique simplifié par les aménagements de la cuisine et des sanitaires. Le Corbusier par son passe-plat, crée une relation physique et visuelle pour la femme avec le séjour et optimise la préparation du repas. Le travail domestique est quand à lui localisé entre les chambres dans l’espace de dégagement. L’homme est plus présent dans le logis mais Le Corbusier ne prévoit pas d’espace individualisé pour son usage exclusif. Ce constat marque selon moi, les moeurs d’une époque. La possession de l’homme sur l’espace domestique qu’il a financé, et la femme qui revendique un espace pour marquer sa présence dans celui-ci et son implication dans la vie du ménage. Le Corbusier est par son approche, un réformateur de la société, mais pas des moeurs. Précurseur du mouvement moderne en France sur les sujets de l’habitat, Le Corbusier à travers la Maison Radieuse, se positionne sur son approche sociale, morale, hygiéniste et fonctionnaliste appliquée à l’échelle du logement. Par la qualité de sa conception du logis, menée avec André Wogenscky, je constate sa volonté d’offrir un cadre d’épanouissement à la vie familiale des classes prolétaires pour une ascension sociale. Les pratiques constatées et relatées de sociabilité montrent le résultat de son travail. Les populations s’investissent dans les conditions d’acceptation du modèle corbuséen par la création d’une communauté de vie dont nous allons exposer l’originalité de sa formation et de son fonctionnement dans le chapitre qui suit. ***


Figure 23: Le Corbusier, Le Modulor, Date inconnue, Reproduction dessins, Format d’orgine inconnu, Lieu inconnu, Fondation Le Corbusier ; in Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015.

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05// L’ARCHITECTURE ET LA VIE DES HABITANTS, CONSTITUTION D ’ U N E COMMUNAUTÉ


“ Susciter une vie sociale entre les habitants d’un même immeuble a été à la base de nombreux dispositifs. Des “pièces collectives“ sont proposées {…} tout en soulignant qu’ils sont un élément important de la réussite d’une “communauté d’habitation“ “ Eleb-Vidal, Monique, Chatelet, Anne-Marie et Mandoul, Thierry, Penser l’habiter, Le logement en questions, Liège, Pierre Mardaga édition, 1988, p. 31.
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1. Le financement coopératif comme moteur dans la création d’une communauté Jacques Gauducheau est l’instigateur du mode de financement de l’UHGC de Rezé125. En effet l’État par l’intermédiaire de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) ne finance qu’à hauteur de 85 % du montant total et demande la garantie d’une collectivité locale, que Georges Bénézet, maire de Rezé endossera à hauteur de 900 millions d’anciens francs au total. Jacques Gauducheau remet dont à la CAF, un rapport où il préconise comme solution pour répondre à la pénurie de logements, la formule coopérative inspirée par le mouvement Économie et humanisme126. Il utilise la Maison Familiale (MF), Société Coopérative Privée d’Habitations à loyer Modéré, fondée en 1911, pour porter ce projet qui correspond tout à fait aux aspirations de Le Corbusier : « Par le système de location-vente, {…} On ne paie pas de location ; on possède un capital action qu’on libère en vingt ans (à Rezé, c’était 65 ans) et dont l’intérêt représente un loyer infime »127. Elle a pour but de « favoriser par les moyens les plus divers l’accession à la propriété de leurs logements par les travailleurs de Loire-Inférieure »128. En marge de cette solution financière, il a fallu que la société coopérative trouve les 15 % restant du financement du projet. L a MF a donc mis en place une stratégie de promotion pour inciter le plus tôt possible les futurs sociétaires à s’y investir et d’y consacrer un apport financier en capital action pour réserver leur logement. Elle instaure dès 1952, une brochure d’information et de promotion129, qu’elle diffuse par le biais de la CAF et des syndicats ouvriers. La MF profite aussi de supports médiatiques130 locaux qui relayent les avantages de ce type d’habitat inconnu à l’époque du paysage nantais. Dans les premières semaines de construction, la MF installe un appartement témoin au premier étage pour permettre d’aider à visualiser. L’idée d’apport initial y est expliqué car il représente des sommes de 3000 à 400 000 ancien francs selon les auteurs de Habiter Le Corbusier131. Le Locataire-coopérateur paie son loyer et ses charges individuelles et collectives. Il est aussi soumis à payer des frais fixes au moment du dépôt de son apport initial, qui pour moi à notre époque peut sembler impromptu. Un droit d’entrée de 1000 F qui correspond en partie à ce que l’on pourrait appeler une enquête de moeurs132 et en second à une aide au financement pour le matériel de l’association, s’ajoutent les frais d’études et de surveillance Selon l’entretien réalisé le 10 octobre 2003 avec Jacques Gauducheau ; in Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier  : Pratiques sociales et théorie architecturale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 (Le sens social). 125

126 Puel, H., Économie et humanisme dans le mouvement de la modernité, Paris, 2004. 127 Opcit, Vers une architecture, p.209 128 Opcit. Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier 129 Un travail aux archives de la ville de Rezé et à la Fondation Le Corbusier a été nécessaire pour retrouver

ces documents qui informent la population sur ce qu’est l’UHGC mais aussi sur le modèle financier de l’opération. 130 Voir Annexe n°… pour retrouver les articles de presse en question.

Les valeurs peuvent différer selon les ouvrages et selon les typologies d’appartements. La sommes évolue aussi en fonction de la date d’achat. 131

L’enquête tend à savoir si le ménage est un bon foyer, si ils sont en capacité de payer leurs loyers et si les enfants ne sont pas des délinquants . Une attention particulière est portée sur l’orientation politique, car comme le soulève François Chaslin dans Un Corbusier, p. 407, il faut éviter « la propagande des partis totalitaires » 132


Figure 25 : La Maison Familiale, Brochure d’adhésion, Dépliant, dimension d’origine A5, 1953, Rezé, Référence N5-19-1-001, conservé à la Fondation Le Corbusier, Paris.

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que la MF a engagé pour initier le projet ce qui correspond à 1,5 % du montant du logement. Ainsi que des frais et intérêts intercalaires correspondant aux dépenses engagées par la MF pour la construction en attendant l’entrée au capital des coopérateurs. Par ce dispositif d’accession aux logements, le profil social des premiers habitants en mars 1955 est donc homogène comme le relève Habiter Le Corbusier. Ce sont des ouvriers et des employés qualifiés d’entreprises nantaises , voire des fonctionnaires et se trouvent dans cette aspiration ascendante des travailleurs de l’époque. Ils sont prêts à investir et s’approprier ce modèle coopératif. Il permet de faite un engagement « moral décisif »133 entre l’habitant et le logis. À partir de l’hiver 1954, certains futurs coopérateurs se réunissaient pour former un groupe de réflexion, qui deviendra l’AHMR, pour l’organisation et la gestion de leur future vie collective au sein de la coopérative. Cette démarche est pour eux une manière d’émettre un point de vue auprès de la MF et de l’architecte sur les services et prolongements du logis de UHGC de Rezé, ainsi que de forger l’identité collective « des Corbus » selon les auteurs de Habiter Le Corbusier.

Au-delà de l’argent, c’est tout le système de propriété individuelle qui a été questionné comme seul modèle valable d’organisation sociale. Le mode de financement coopératif a permis la constitution d’une communauté sociale homogène en ascension liée par le projet de société et de propriété collective auquel ils ont adhéré quand ils sont devenus locataires-coopérateurs de la Maison Radieuse. Ce statut a selon moi lié les habitants avec l’UHGC de Rezé, car elle réunit dans l’édifice une appropriation individuelle et collective, ainsi qu’une vie sociale intense avec la création de l’AHMR. L’identité collective forte des « Corbus », qui s’est formée a perduré jusqu’à aujourd’hui, même si elle a été mise à mal par la Loi Chalandon de 1971.

133 Ville de Rezé, La Maison Radieuse, Le Corbusier Architecte, Paris, Ville de Rezé, 2005, p.20.

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2. l’appropriation de l’espace collectif par le relationnel Ce travail de recherche a mis en évidence l’existence de formes condensées de sociabilité parmi les habitants de la Maison Radieuse. Les relations de voisinage, d’échanges se retrouvent être en même temps identiques, à d’autres ensembles d’habitations, et spécifiques. Elles semblent similaires, à des relations de voisinage que l’on peut appréhender dans un village quelconque134. Elles sont aussi spécifiques du fait d’un contexte urbain dominant et de l’organisation verticale de la construction qui, dans d’autres cas, serait la cause du manque de relation de voisinage. Comme dans d’autres ensembles d’habitations, la sociabilité générée par les enfants, l’école et les loisirs est présente, mais ici la présence de l’école sur le toit de l’Unité d’Habitation susciterait des pratiques socialisantes spécifiques entre les enfants, entre les parents et avec les autres personnes pratiquant la Maison Radieuse. Le réflexe de politesse « bonjour-bonsoir » est la « plus petite des obligations dans la sphère de co-présence »135, ce qui semble favoriser une pacification des relations de voisinage. Mais ici, et selon mon ressenti après une seule visite de l’Unité d’Habitation, il est vécu comme marque de convivialité particulière au sein de la Maison Radieuse, comme le soulignent les auteurs de Habiter Le Corbusier136. Cette sociabilité mêlant distance et proximité, relève de la conception même du bâtiment par Le Corbusier à travers ses espaces communs et intermédiaires entre privé et public (le hall, le parc, les rues intérieures, etc.) où la vie sociale a pu se développer, comme dans le cas des ascenseurs où les rencontres peuvent se nouer. Le hall se retrouve dans le même cas, lieu de passage obligé pour entrer dans l’immeuble, il est animé tous les mercredis par un micro marché137 (fruits/légumes, pains, produits locaux). La vie sociale au sein de La Maison Radieuse était et, est encore, importante, car elle résulte d’un processus d’appropriation individuelle et collective. Elle est double, car dépendante à l’époque de l’inauguration du statut de locataire-coopérateur des habitants. L’appropriation individuelle est passée par le choix de l’adhésion (payement de la cotisation pour intégrer l’Unité d’Habitation) à cette forme de logis spécifique. L’appropriation collective s’est elle concrétisée par le biais d’une organisation des habitants en association. a. AHMR, association des corbuséens à but social L’Association des Habitants de la Maison Radieuse (AHMR) va se constituer avant même la fin des travaux. Elle fut la première forme de l’appropriation relationnelle entre les habitants et l’architecture du lieu, car c’est eux qui donneront le nom de Maison Radieuse138. Comme me l’a expliqué MarieFrançoise Nicolas, l’AHMR a encore actuellement pour objectif de réaliser la partie sociale, au-delà du bâtiment et du parc, du projet de l’architecte : veiller

J’entends par cette phrase, des relations de voisinage « peu engagées » ( telles que le décrit Céline Barrère dans son cours d’initiation à la sociologie de Licence 3 à l’ENSAP-Lille), que je peux pratiquer auprès de certains de mes propres voisins dans une optique de bonne entente du voisinage et de petits services de dépannages sporadiques. 134

135 Joseph, Isaac (1943-2004), La ville sans qualités, La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 1998, p. 100. 136 Opcit., Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier : Pratiques sociales et théorie architecturale 137 Anecdote rapportée par Florian Riffet, guide durant la visite — Voir en annexe n°6. 138 Jordan, Pierre-Yves, « La Maison Radieuse de Rezé - Raconter - “historique” », 2003 ; in , « Site officiel de

la Maison Radieuse Le Corbusier de Rezé : découvrir la cité radieuse. », <http://www.maisonradieuse.org/ decouvrir/decouvrir.html>, consulté le le , 29 avril 2018.


et contribuer au bien-être des habitants. Il semble qu’actuellement l’activité est de maintenir une dynamique de l’esprit corbuséen et le développement des sociabilités. Les activités que propose encore l’AHMR sont une réponse au projet hygiéniste de Le Corbusier, à travers des animations collectives à destination de tous, mais en particulier vers les nombreux enfants avec la mise en place d’activités d’animation socioculturelle et sportive pour occuper leur temps périscolaire. « Dans l’immeuble vivent 600 enfants de moins de 12 ans (en 1957) dont nous sommes collectivement responsables et à qui nous devons assurer, dans les prochaines années, des loisirs sains.»139 Pour cela, elle s’est approprié les espaces prévus ou non par l’architecte140. Tous ces événements de rencontre autour d’une activité collective, qui ont varié selon les périodes, ont forgé du relationnel entre les habitants, mais également une affection de ceux-ci pour la Maison Radieuse. Malgré la diminution du nombre d’enfants141 et donc de la vie associative qui en découle, au sein de l’Unité d’Habitation de Rezé, elle renouvelle ses pratiques avec des activités plus culturelles (bibliothèque/ludothèque), sur des registres contemporains d’aménagements environnementaux ( jardin partagé 142) et de patrimonialisations143 (transmission de la mémoire collective, trentenaire et cinquantenaire de la Maison Radieuse). L’AHMR144 parvient ainsi à maintenir le lien entre les habitants, la vie collective, en s’adaptant aux évolutions sociétales.

Assemblée générale, « Rapport moral », 21 juin 1957 ; in Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier : Pratiques sociales et théorie architecturale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 (Le sens social).(contenu contextuel ajouté par Maxime Roussel) 139

Des espaces résiduels dus à la conception en duplex des logis, servent de locaux associatifs, mais également d’autres non prévus par l’architecte comme l’appartement 127 et le hangar pour des rassemblements et des activités plus importants, tels que des fêtes (de familles, de voisins, etc…) et du recyclage/bricolage avec Tritou 140

141 Visible dans le nombre d’enfants fréquentant l’école Le Corbusier sur le toit de l’immeuble.

« Avec le club-nature, le projet des jardins familiaux est revenu au goût du jour en 2003. Les habitants ont commencé par se réapproprier et nettoyer l’espace au fond du parc qui avait été réservé au milieu des années soixante-dix pour le stationnement des caravanes. {…} Il a été bêché collectivement et divisé en un nombre de parcelles équivalant au nombre de familles intéressées par l’activité, plus une pour l’école. Une vingtaine de petits carrés d’environ 4 mètres sur 4 sont dessinés et attribués. D’un côté, on voit sortir de terre des rangs de légumes bien alignés, la majorité des habitants optant pour un potager classique. De l’autre, quatre familles décident de regrouper leurs parcelles pour faire un jardin commun, mais un jardin d’agrément. Elles commencent par faire du terrassement, elles creusent des chemins et aménagent des monticules sur lesquels elles plantent et sèment un mélange de fleurs et de légumes. Quelques échanges avec les uns et les autres permettent de repérer que ces familles sont plus jeunes, plus diplômées que les autres et propriétaires. Les premiers sont plus âgés, plutôt locataires ou anciens habitants. Leur différence de pratique fait l’objet d’échanges, de moqueries « bon enfant », de part et d’autre, chacun prodiguant des conseils à sa façon. Dans cette pratique, on peut lire la différenciation sociale, mais il est surtout intéressant et rare de pouvoir observer leur cohabitation, leur proximité. Les habitants eux-mêmes la perçoivent, mais ils n’en font pas une lecture idéologique en termes d’opposition de classe, soit parce que le fait qu’ils appartiennent au même monde social leur apparaît évident, ou alors parce que, en tant que membre de l’association, ils sont porteurs d’un système de valeurs communes égalitaires. » ; in, Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier : Pratiques sociales et théorie architecturale 142

Au milieu des années quatre-vingt-dix, L’Unité d’Habitation de Rezé commence à bénéficier d’une reconnaissance patrimoniale. Le Corbusier et son architecture font l’objet d’une reconnaissance qui modifie au fur et à mesure le caractère social de la Maison Radieuse en une oeuvre emblématique du mouvement moderne. 143

144 Voir Annexe n°8.1 pour la liste des clubs proposés.

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Dans cette optique, des associations de solidarité ouvrent leurs portes comme Tritou ou encore La Frip’ qui collectent des objets et des vêtements grâce aux dons et les donnent aux familles en difficulté de la Maison Radieuse depuis plus de 50 ans maintenant145. Ces formes diverses associatives sont l’héritage de la société coopérative d’habitat de la Maison Familiale, qui fut rendue illégale par l’abolition du statut juridique de la coopérative d’habitants, qu’impose la loi Chalandon en juillet 1971.

Figure 26: Auteur inconnu, « Pas le temps de s’ennuyer à la Maison Radieuse », Ouest-France, 27 mars 2018, <https:// w w w . f a c e b o o k . c o m / m a i s o n . r a d i e u s e . r e z e / p h o t o s / a . 582813128433581.1073741828.582677051780522/1700376353343914/?type=3&theater>, consulté le 20 mai 2018.

crée en 1959, sous le nom de « Club-vétement », l’association fait cohabiter des pratiques (échange de vêtements selon l’âge des enfants, échange de vêtements de maternité et de bébés, etc…), des valeurs et des raisons d’agir toutes aussi différentes. Les membres de l’association sont là pour apporter leur aide charitable, des autres se situent plus au niveau de la solidarité entre habitants et pour finir les « bénéficiaires » de cette entraide. Denèfle, Sylvette et al., révèlent qu’il y a des clivages dus fait de l’hétérogénéité sociale actuelle entre aidants et aidés, in Habiter Le Corbusier  : Pratiques sociales et théorie architecturale, p. 175‐246. 145


b. Un relationnel modifié par les conséquences d’une loi La fin obligatoire du statut pour les occupants de la Maison Radieuse de locataires-coopérateurs est un moment de basculement dans l’organisation de la vie collective. L’ouverture à la différence de statut (propriétaire, locataire, locataire HLM, habitant en location attribution) entre les habitants va renouveler la vie associative, va altérer le relationnel au sein de l’oeuvre de Le Corbusier et également avec les structures de gestion qui se complexifient (le bailleur HLM Loire-Atlantique Habitat, l’organisme de location attribution et les propriétaires), car chacun a un interlocuteur différent. De fait LoireAtlantique Habitat (LAH) devient le gestionnaire de l’immeuble, car elle est le propriétaire majoritaire (55% selon Marie-Françoise Nicolas) et l’interlocuteur des locataires HLM. Comme le relatent les auteurs de Habiter Le Corbusier, ce changement et cette perte de repère ont été mal vécus par les habitants. Ils remarquent l’étiolement des comportements en matière de vie commune. Dans ces années 1975, la plupart des anciens locataires-coopérateurs sont encore très actifs dans l’AHMR. Ils constatent qu’avant la loi Chalandon, les espaces communs étaient considérés par les habitants comme faisant partie de chez eux. Mais cela n’est plus, les nouveaux habitants (quels que soient leur statut et leur classe sociale) ont un rapport différent à l’immeuble, dicté par la nécessité. « L’hétérogénéité de la population {…}peut être classée selon deux grandes catégories: ceux qui viennent vivre au Corbusier par choix et ceux pour qui vivre dans l’unité d’habitation découle d’un besoin d’habitation »146.

Au moment de l’inauguration, le modèle de l’Unité d’Habitation de Grandeur Conforme de Rezé défendu par Gabriel Chéreau et par Le Corbusier, depuis leurs visions « socio-architecturale », a rencontré, grâce à ses locatairescoopérateurs, un groupe social, dont les prétentions en matière de confort de vie correspondent au projet corbuséen. Les espaces intermédiaires, comme les rues intérieures, le parc, et même l’école maternelle, jouent un rôle important dans l’indistinction espace privé et espace public et sont des véritables prolongements du logement. Le flou de cette frontière favorise l’appropriation collective par le relationnel. L’appropriation individuelle, établir son foyer dans un logis de la Maison Radieuse, semble représenter l’accès à un nouveau mode de vie désirable emplie de confort symbole de modernisme et d’ascension sociale.

146 Jouenne, Noël, La vie collective des habitants du Corbusier, Paris, L’hermattan, 2005, p. 47.

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4. Un moteur d’ascension sociale en HLM et une gentrification de la copropriété dans l’œuvre de Le Corbusier Comme nous avons pu le voir précédemment, la population et donc le profil sociologique au sein de la Maison Radieuse a évolué et s’est renouvelé progressivement. Les jeunes couples avec enfants des années 1950, ne représentent plus, à l’heure actuelle, la majorité des occupants. Ils ont vieilli en profitant des évolutions sociétales et du développement technique et économique des Trente glorieuses. Celle-ci a permis aux classes prolétaires d’accéder aux biens de consommation (électroménagers, voitures, vacances, etc…), autrefois réservés à une minorité socialement élevée. Le niveau de vie des habitants du « Corbu » s’est amélioré et a modifié la vie dans l’Unité. Mais il faut également noter que la modification du statut de locatairecoopérateur, a insufflé de façon nouvelle, dans l’UHGC ,une mixité sociale comme on l’a vu plus haut. Elle a aussi permis d’activer de nouvelles trajectoires résidentielles internes à l’immeuble147. Les auteurs d’Habiter Le Corbusier, racontent qu’avec l’évolution de la composition de la famille, certains ont changé soit de type d’appartement, soit de rue. Certains jeunes, ont quant à eux profité des studios HLM libres dans l’immeuble, pour quitter l’appartement parental comme nous le raconte Marie-Françoise Nicolas avec son fils148. L’ensemble contribuant à renforcer l’identité collective et l’image de village au sein de la Maison Radieuse. Mais elle introduit aussi diverses hétérogénéités (sociale, appartenance, génération, composition familiale) qui marque la distinction entre les propriétaires et les locataires nouvellement arrivés. Même si la dynamique associative, et les dispositifs spatiaux favorisant les relations de voisinage peuvent permettre d’aller au-delà de réserve chez certain habitant, l’intégration à la vie collective de l’immeuble n’est pas forcée. C’est à ce point précis que la distinction se fonde entre les propriétaires engagés et les locataires qui relèvent plus d’une attitude « semidistante » voire passive dans leur rapport à l’autre occupant. Cette attitude n’est pas exclusive aux locataires, mais elle y est plus remarquable. En effet, ces populations ne sont plus dans le même schéma de vie. Toute l’ambivalence de la situation se situe dans la représentation sociale hiérarchique associée entre propriétaire et locataire qui relève d’un mécanisme de différenciation selon J.C Chamboredon et M. Lemaire149. Même s’il y a un brouillage dans la répartition des logements privés et loués. La proximité dans le même immeuble de deux statuts, crée des difficultés relationnelles pour certains jeunes propriétaires qui se retrouvent confrontés à la réalité à laquelle ils désirent s’extraire, et pour les locataires de côtoyer un rêve d’accession auquel ils ne sont pas encore parvenus.

Suite au départ important de locataires-coopérateurs en 1976 après la publication de l’arrêté préfectoral d’application de la loi Chalendon, imposant la suppression de ce statut et imposant le choix entre être propriétaire ou locataire en HLM 147

148 Voir Annexe n°7 pour retrouver l’entretien de Marie-Françoise Nicolas.

Chamboredon, J. C., Lemaire, M., « Proximité spatiale et distance sociale Les grands ensembles et leur peuplement », Revue Française de Sociologie, XI, 1970, p. 3-33 149


Pour contre-balancer le problème, Loire Atlantique Habitation a eu, de façon répétée dans le temps150, des politiques de ventes à des conditions préférentielles de ses logements, auprès de locataires HLM. Ainsi des personnes logées par des bailleurs sociaux peuvent à des conditions intéressantes accéder à la propriété et rentrer dans un processus d’accession sociale. Ce double statut d’occupation et l’appropriation collective de la Maison Radieuse est vécu selon moi et selon Florian Riffet comme une protection contre le vandalisme et la stigmatisation sociale que peut avoir d’autres immeubles d’habitat social rezéen. Mais également être un rempart contre les phénomènes de gentrification que subissent les centres urbains recherchés proches des commodités et des institutions, les oeuvres d’architectes reconnus et les surfaces atypiques tels que peut l’être la Maison Radieuse. La gentrification n’est pas absente, bien au contraire mais ces effets sur la partie propriétaire sont d’une moindre mesure qu’à Marseille, selon Marie-Françoise Nicolas151 Le Classement au titre des Monuments Historiques est aussi entré en jeu pour l’évitement de la stigmatisation par la reconnaissance sociale et culturelle selon les auteurs de Habiter Le Corbusier et de la gentrification. En effet les futurs propriétaires qui s’inscrivent dans un processus de gentrification, se dissuadent, même avec les subventions, au vu des coûts de rénovation exigeante à mettre en oeuvre suite aux obligations de maintien de l’image et de l’état de l’oeuvre, dues au classement.

*** Comme nous avons pu le voir, la co-habitation des statuts d’occupation a été pour la Maison Radieuse, une source de renouvellement, de développement et d’accélération de l’ascension sociale pour ses habitants. Elle a permis l’accès à une situation stable et à un riche relationnel grâce aux différents supports de socialisation. Si Le Corbusier a travaillé pour faire vivre les locataires-coopérateurs, l’AHMR a permis qu’il fasse « bon vivre » en évoluant avec la mixité sociale dans la Maison Radieuse. Par cette caractéristique, les phénomènes de dénigrement social et de gentrification se voient limités, par la reconnaissance de la spécificité historique de l’UHGC nantaise. ***

Démarche qu’elle a, à l’heure actuelle ,interrompu pour avoir la majorité lors de prise de décision pour les rénovations importantes et couteuses au titre des monuments historiques de l’UHGC de Rezé. 150

151 Voir annexe n°8 pour retrouver son entretien.

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06// CONCLUSION La Maison Radieuse, réalisation plutôt anonyme des UHGC de Le Corbusier, est un espace remarquable réalisé grâce à une conception théorique et empirique sur les liens entre architecture et société. À Rezé, il expérimente un modèle d’organisation coopératif en parallèle d'une forme condensé de son habitat collectif. Au-delà de la forme architecturale de l’immeuble qui s’en doute peut être critiqué et pour laquelle je vous conseille Misère de l’espace moderne, La production de Le Corbusier et ses conséquences de Olivier Barancy. Ce mémoire tend à la définition d’une approche corbuséenne de l’habitat collectif pour une population en quête de renouveau suite aux horreurs et privations de la guerre. Le Corbusier par son approche que j’identifie en trois axes, marque une singularité dans sa production par le cas de Rezé qui semble selon les mots de Frampton être une version de « taille réduite » par rapport à l’UHGC de Marseille. Par le modèle des UHGC, Le Corbusier avait décrypté, sous l’aspect architectural et urbanistique, les changements de paradigmes de la société machiniste et essayé d’y apporter des solutions, selon moi, par un exercice de synthèse. Sans positionnement de politiques urbaines, Charles-Edouard Jeanneret a constitué son référentiel par l’observation, le voyage et la pratique. L’architecte a pu murir longuement sa vision corbuséenne de l’habitat moderniste. Il y intègre les réussites constatées et évite les excès d’ailleurs. Les rencontres et les CIAM sont pour lui, un moment d’échange sur la manière de faire l’habitat collectif, mais aussi une reconnaissance de sa stature dominante sur les autres. Le Corbusier est un théoricien, l’ensemble de son parcours est ponctué d’étapes de publications et de maturation pour fixer un discours et ainsi séduire les forces politiques en charge de l’habitat et de la ville. La synthèse de ses démarches constitue une approche de l’habitat collectif qui a pour objectif d’être intégrante pour les populations des classes populaires nantaises, en ascension sociale. Le Corbusier leur conçoit donc un foyer digne qui se traduit par l’approche du logis, première pierre vers l’urbanisme.


Construit grâce à la commande de la Maison Familiale, la Maison Radieuse est forte de ses propositions progressistes, hygiénistes et fonctionnalistes qui répondent aux aspirations des français et à leur mode de vie familiale. Le logis est par sa conception une constante de l’univers corbuséen. L’architecte le proportionne à partir d’un l’outil : le Modulor. Fruit de l’ordre, de la mesure et de l’analyse du corps humain, Le Corbusier organise spatialement tout l’UHGC de Rezé à partir de celui-ci. L’architecte définit par le logis, selon moi, par le confort et l’équipement, un minimum existentiel qu’il souhaite démocratiser sous l’appellation Logis. Je juge, à partir de notre point de vue en 2018, que cette conception du standard pour « faire habiter » est limitant, car elle reflète l’époque de sa conception. Les évolutions normatives de l’habitabilité au cours des décennies n’ont que difficilement pue être imputées, car non-imaginées. Pour faire face, la qualité actuellement du logement reconnu passe à Rezé par des logements plus grands pour des familles moins nombreuses. La qualité des grands principes d’aménagement, de lumière, volume, plan libre, duplex, loggia, terrasse des logis n’a jamais dans l’histoire de l’unité était remise en cause. Mais pour des raisons budgétaires, le mobilier Le Corbusier / Charlotte Perriand n’a pu être fourni à la Maison Radieuse, ce qui a joué dans l’appréciation du logis. C’était pourtant une source , selon moi, de compréhension de l’espace corbuséen. Le rapport d’harmonie, de mesure et d’ordre passe par l’appréhension du logis témoin. C’est à travers de celui-ci que l’on comprend le travail de Le Corbusier à Rezé. La mutation des rôles des sexes et ses conséquences spatiales, des modes de consommation, des modèles familiaux et de la perception de l’environnement, visible dans la société française depuis la fin de la guerre ont marqué l’unité de peuplement de l’UHGC de Rezé. Elle se voit à travers les usages du logis, des équipements et des services qu’à l’habitant, mais également dans les rapports de sociabilité entretenus, depuis maintenant 63 ans. Les prolongements du logis , tels que les logiques de service, le parc, le confort du chauffage, de l’eau, des ascenseurs et l’école sur le toit-terrasse sont particulièrement bien perçus. Elles facilitent la vie quotidienne des populations, même si elle peut limiter l’appareillage ménager des foyers. Le lien social et l’intégration des populations dans l’unité communautaire de l’habitat collectif, est le dernière axe de l’approche corbuséenne. Comme l’exprime Les auteurs de Habiter Le Corbusier, la Maison Radieuse de Rezé est une « éprouvette sociale », dans laquelle mute à l’intérieur d’une constance architecturale des populations au début homogènes suite au mode d’adhésion à la Maison Radieuse et tantôt hétérogènes socialement grâce à la loi Chalandon. À la suite des lectures et visites de cette expérimentation, on comprend les évolutions sociétales de l’immeuble. Passant de son l’engouement des premières années d’autogestion, à la ghettoïsation de l’habitat social et son rejet relaté de 1980, puis à la valorisation social d’un patrimoine suite au classement en Monument Historique. Par son approche particulière Charles-Édouard Jeanneret, favorise l’appropriation spatiale privatif par des conditions de confort. Il limite les conflits de voisinage par des dispositifs architecturaux, qui encouragent à la socialisation dans les lieux communs, grâce à la forces associatives. Son PAGE 73


approche est même très actuelle, car elle est recherchée par une population plus aisée, ce qui contribue à la gentrification des architectures remarquables et des centres urbains. La mixité encore active aujourd’hui est vécue comme une valeur d’intégration à défendre au sein de la Maison Radieuse. Même si la stigmatisation sociale des grands ensembles et l’expression de l’insuffisance surfacique se sont exprimé et s’expriment dans une moindre mesure depuis les années 80. À travers des formes diverses, la vie collective, s’expire grâce à l’action de l’AHMR. Elle fait perdurer les liens de sociabilité, par des clubs aux caractères culturels, parfois sportifs ou encore qui perpétuent les logiques de valorisation patrimoniale. Elles reflètent la civilisation des loisirs et l’objectif de se « recréer » de Le Corbusier, en utilisant les espaces communs. Cette réalisation architecturale est remarquable parce qu’elle est l’image d’un mouvement de pensée ayant foi dans la mutualisation des ressources pour le bien-être de l’individu et de sa famille, même si ce courant idéologique européen peut soulever des critiques, notamment sur son expression architecturale. L’analyse de la réalisation sur le plan de la maturité théorique, des modes de vie et sur les pratiques sociales qui y sont observables même soixante trois ans après l’inauguration nous renseigne que cette richesse conceptuelle n’est qu’accompagnement des évolutions sociales pour les classes populaires. Bien sûr, cette méthodologie de conception théorique ne réussit pas toujours. Néanmoins, Le Corbusier a fait habiter ce groupe social qui par leurs engagements dans l’acte d’habiter au sein d’un collectif, ceux sont épanouis dans le confort d’un foyer. C’est grâce à ce plan d’approche que Le Corbusier a réalisé un lieu de vie innovant en adéquation avec les besoins de l’époque et de la société machiniste.


REMERCIEMENTS

Je remercie Franck Vermandel, Jean-Christophe Gérard pour leurs suivi et soutien tout au long de cette année. Je remercie également Giulia Soncin, dont les conseils, recommandations et pistes de recherches sont devenus indispensables à l’élaboration de ce mémoire. Je remercie particulièrement le service des archives et du patrimoine de la ville de Rezé pour leur accueil et leur gentillesse qui m’ont apporté lors de ma visite de la Maison Radieuse, ainsi que Marie-Françoise Nicolas pour ces donations de documentations ci précieuses. Je remercie Sylvie Savels pour son organisation, sa disponibilité et son travail envers les personnes dyslexiques pour leur permettre de poursuivre leurs études supérieures. Je remercie Colette Tailliez, ma scribe et relectrice pour son travail d’accompagnement formidable. Sans oublier Dominique et Isabelle Roussel, Mélanie Burkat, Carla Michel et Alban Siner et tous ceux qui m’ont soutenu et écouté.
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07// ANNEXES

01 La collaboration sous domination

02 Terminologie

03 Bibliographie

04 Tables des illustrations


05 Grille méthodologique

06 Transcription Questions

de

la

visite

et

des

07 Échange avec une habitante

08 Archives personnelles durant mes recherches

récoltées PAGE 79


01// LA COLLABORATION SOUS DOMINATION P. Boudon, Pessac de Le Corbusier, édition DUNOD, Paris, 1969 J. Barsac, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, NORMA, Paris, 2017 À travers cet article, nous observons les rapports que nous qualifions de difficiles, mais respectueux dans la collaboration entre l’atelier Rue de Sèvres (Le Corbusier, Pierre Jeanneret) et Charlotte Perriand. Cette collaboration est difficile, car selon nous, Le Corbusier impose sa domination dans l’atelier, mais également sur sa vision de l’architecture152. Il en dessine les grandes lignes de bases et délègue à ses collaborateurs, la formalisation de ses idées en les qualifiant par écrit comme de simples « salariés »153, dessinateurs. Ce qu’il fait par exemple pour la réédition des meubles LC1, LC2, LC3 et LC4 par l’éditeur Cassina, en omettant de les citer comme coauteurs de ces productions. La collaboration entre Charlotte Perriand et Le Corbusier peut être conflictuelle, mais la designer a toujours du respect pour le « maître »154. Par le biais de plusieurs lettres, et récits extraits du livre sur Charlotte Perriand ainsi que de la critique de Pessac par Philippe Boudon, on s’aperçoit que la collaboration entre les différents associés de l’Atelier Rue de Sèvres est compliquée. Elle l’est d’abord par la structure. Fondée par Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret, l’entité ainsi formée est associée avec Charlotte Perriand pour la conception partagée d’aménagements intérieurs et de mobiliers. La collaboration est déjà une frustration, pour Charlotte Perriand, elle l’exprime ainsi : « qu’en tant que créatrice d’aménagements intérieurs, de ne pas toujours pouvoir intervenir dans le projet dès le départ, “quand le béton n’est pas encore fait”»155. Elle souhaite intervenir dans la masse, car pour elle la collaboration va vers l’imbrication des conceptions. Le travail en atelier lui permet de voir chaque échelle et ainsi de croiser les disciplines. Elle en tire une satisfaction qui lui permet de supporter le comportement de Le Corbusier. Cette collaboration a permis la réalisation de nombreux projets, tels que les LC1 à LC4, l’aménagement du Pavillon du Brésil à l’Université de Paris, habitations à Pessac, etc. Mais ces réalisations ont été menées dans le conflit comme nous le raconte Charlotte Perriand: « Corbu en avait marre de nos stériles plaisanteries. "Ce que tu fais, fais-le ′′ » est un proverbe du Jura suisse. Prise à partie, je fis face. J’emportai les calques et m’absentai de l’atelier le temps de faire fabriquer les prototypes par mes artisans déjà très impliqués dans mes réalisations personnelles »156. Le Corbusier demandait à ses collaborateurs d’agir suite à ses directives, « Pas de paroles, de l’action »157. Mais sa présence est castratrice, Charlotte Perriand pour la réalisation du « panier à coussins »158, quitte temporairement l’atelier pour se réfugier chez elle afin de pouvoir penser, expérimenter et faire fabriquer, avec l’aide de ses équipes, le prototype. Le prototype ainsi fait, Charlotte Perriand invite Le Corbusier et Pierre Jeanneret à manger chez elle. C’est à ce moment-là que Le Corbusier découvre avec « Choc », le prototype. On voit aussi le conflit dans les désaccords de conception avec les propos de Henry Frugès par rapport à Pessac : « J’avais beau lui demander de se mettre un peu à la place des futurs acquéreurs dont le regard est habitué au décor, ne serait-ce que le plus discret...»159.

Interprétation de la citation : « On peut construire des immeubles admirablement agencés, à condition bien entendu, que le propriétaire modifie sa mentalité » Citation de Le Corbusier, in ; Boudon, Philippe, Pessac de Le Corbusier, Paris, Dunod, 1969, p. 113. 152

153 “Expression utilisée par Jacques Dumas pour parler de Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret”, Dumas,

Jacques, « Lettre à Roggio Andreini, Polytec », 16 février 1966, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017. 154 Barsac, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, p. 9. 155 Ibid., p. 8.

Perriand, Charlotte et Le Corbusier, Une époque pionnière, Une Vie de création, Paris, Odile Jacob, 1998, p. 192. 156

157 Ibid., p. 224. 158 Barsac, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, p. 126. 159 Frugès, Henry, in ; Boudon, Philippe, Pessac de Le Corbusier, Paris, Dunod, 1969, p. 9.


Le Corbusier est omniprésent dans ses réalisations, considérant l’œuvre comme son œuvre il cherche à occuper le maximum de fonction, le mettant en conflit avec ses collaborateurs, urbanistes, décorateurs, ingénieurs... Ce comportement est notamment expliqué page 62 du livre Pessac160. Le conflit est pour Le Corbusier, moteur de créativité avec ses collaborateurs, mais finit par user ses équipes. Après la fin des travaux du Pavillon du Brésil et la livraison des derniers meubles par l’éditeur Steph Simon, Charlotte Perriand mettra fin à sa collaboration. La collaboration pose des problèmes de paternité du design des meubles, dû au cadre de production. En effet, ce travail est mené dans l’Atelier Rue de Sèvres, les inspirations sont multiples et parfois en reprise de recherches pour tels ou tels projets. Par exemple pour « Éléments-Blocs de rangement, Charlotte Perriand » ont puisé ses sources dans les recherches de Le Corbusier mises en pratique en 1925 dans le pavillon de l’Esprit nouveau et dont Corbu le résume comme : « Des casiers, des chaises, des tables »161. Il est plus facile d’identifier sa production lors d’autres collaborations, mais avec Le Corbusier, Charlotte Perriand semble s’écraser face à la figure de son « maître ». Elle dessine le mobilier, choisis les couleurs et les revêtements du sol au plafond, en passant par les textiles d’ameublement, mais rien n’est à son nom, car elle n’est que simple collaboratrice. Alors que dans la collaboration avec G. Rey- Millet pour Les Arcs 1600, c’est elle qui est en tête d’affiche face au succès de cette réalisation. La collaboration peut être un jeu de dupe entre ces différents membres. Il en est question quand Le Corbusier a volé ses collaborateurs, en montant « une structure juridique dans laquelle il n’apparaît pas »162. Polytec est créé dans le but de passer un contrat d’édition avec Heidi Weber le 1er décembre 1959 et dont « Polytec disposera desdits modèles comme choses lui appartenant » 163. Le Corbusier par ce procédé « ne reversera jamais de droits ni à Charlotte Perriand ni à Pierre Jeanneret »164. Ce contrat est contesté par Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret en 1965, « Heidi Weber refuse de les considérer comme tels et prétend que Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand travaillaient à l’époque comme salariée chez Le Corbusier »165. Leurs droits ont été après la mort des deux protagonistes restitués par l’éditeur. Il en est aussi le cas dans le Pavillon du Brésil à l’université de Paris, Lucio Costa (architecte du projet) confie la charge de l’aménagement à Charlotte Perriand dans le cadre de L’Atelier Rue de Sèvres.
 Mais Le Corbusier fait ici preuve de sa malice, en exécutant une partie de la charge de travail de sa collaboratrice dans le but de récupérer à son compte une partie de la rémunération. Dans une lettre qu’il envoie à sa collaboratrice, il précise : « Ma chère Charlotte. À/ J’ai établi les plans exacts d’ameublement de chacune des pièces communes et chambres d’étudiants. B/ Il s’agit donc exclusivement de faire acheter ou fabriquer cet ameublement et il en est de même pour les rideaux, appareils d’éclairage, etc. C’est là ton travail qui est d’une importance capitale. C/ J’ai déjà décidé et donné les ordres pour toute la polychromie du bâtiment, la nature des sols, du plafond et l’emplacement de tous les éclairages. D/ Tu viendras discuter avec moi pour me réserver la part d’honoraires concernant le mobilier qui est affecté au travail fait ici, ceci de manière à ce que personne ne soit lésé»166. Par cette lettre, on peut interpréter cette démarche comme un manque de respect et de considération flagrant pour sa collaboratrice. Il la prend pour une simple exécutante. Cette malice n’est même pas une contrariété pour elle, car elle signe Le CorbusierCharlotte Perriand avec le prestataire, l’éditeur Steph Simon, pour la fabrication du mobilier. Mais Charlotte Perriand est face à un « maître » dont elle a le plus grand respect. Elle en parle à Pierre Jeanneret en ces termes : « Notre Corbu, je pense que nous ne pouvons pas nous en détacher, pas plus toi que moi - et ses manières avec nous peuvent nous causer de la joie ou de la peine, c’est ainsi, et c’est rassurant »167.

160 Ibid., citation d’un acteur du projet anonyme, p. 62.

Le Corbusier, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017, p. 64. 161

Barsac, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Extrait du chapitre Réédition du mobilier Le Corbusier, Jeanneret, Perriand. 162

Le Corbusier, « Lettre à Polytec », 1 décembre 1959, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017, p. 125. 163

Andreini, Roggio, « Lettre à Heidi Weber », 15 novembre 1965, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017, p. 188. 164

Dumas, Jacques, « Lettre à Roggio Andreini, Polytec », 16 février 1966, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017, p. 193. 165

Le Corbusier, « Lettre à Charlotte Perriand », 29 mai 1958, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017, p. 364. 166

Perriand, Charlotte, « Lettre à Pierre Jeanneret », 6 avril 1964, in ; Barsac, Jacques, Charlotte Perriand, l’œuvre complète Volume 3 1956-1968, Paris, NORMA, 2017. 167

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Comme nous l’avons vu, Le Corbusier a sa propre manière de collaborer. Elle se fait pour ses collaborateurs, de différentes manières : la frustration, le conflit sur la conception, comme sur la réalisation des projets. Ce qui mène à des problèmes de paternité du mobilier dans le cas de Charlotte Perriand. Le Corbusier n’est pas en reste, car il participe activement, en jouant la duperie à ses collaborateurs par des montages juridiques pour s’enrichir personnellement au détriment des autres. La domination est encore plus importante, car, dans le cas de Charlotte Perriand, malgré toutes les actions de Le Corbusier contre elle, elle a encore du respect pour lui.

Bastien Guelton et Maxime Roussel


02// TERMINOLOGIE Ce répertoire terminologique réunit un ensemble des définitions ou citations portant sur le vocabulaire de Le Corbusier, récoltées pour ce travail de recherche. Cet ensemble de définitions accrédite l’idée que Le Corbusier s’est constitué une terminologie à la suite de rencontres es de voyages. Celle-ci a pour but d’exprimer des notions, des principes, des concepts et des dispositifs.

– Logis – Le mot « logis » est très utilisé dans le vocabulaire de Le Corbusier. Le théoricien nomme des chapitres de certains ouvrages avec ce terme : « Le Logis minimum »168 et « Construire des logis »169. Le Corbusier nuance l’usage du mot « logis » en l’utilisant de deux façons. Une première normale, avec laquelle il désigne le lieu où habite, demeure un ménage. Là où il peut établir, son « foyer, c’est-à-dire l’abri d’une famille, constitue la cellule sociale { …} abrite les joies et les douleurs de sa vie quotidienne »170 . Le Corbusier jongle entre le terme de logis et de foyer pour éviter les répétitions et les possibles contresens avec logis. Il préfère ce mot à logement ou habitat. Une seconde en italique pour exprimer le logis sous la forme de principe dérivé de la notion « d’existenzminimum »171 d’Ernst May. Celui-ci qualifie par ce terme les logements qu’il vient de construire à Frankfort et qui serviront de support au CIAM de 1929. Il regroupe sous cette forme écrite son expression de l’habitation « minimum vital »172 respectant les « conditions de nature »173 pour l’occupant tel que le décrit Ernst May. Ce travail est déjà une évolution par rapport à celui des constructivistes russes avec leur Dom-Kommuna. Le Corbusier marque sa distinction du logis minimum pour que l’on comprenne à travers le qualificatif « Logis digne »174 pour « une vie décente »175 . Cela peut passer par des dispositifs de qualité d’usage tels qu’un minimum d’heures d’ensoleillement, mais aussi un standard de fournitures (lits, assises, tables et rangements) que Le Corbusier exprime par « Besoins-types, Meubles-types »176 et de commodités (cuisine avec électroménagers, salle d’eau, w.c. séparés) qui sont comprises dans le logement et issues de la collaboration avec Charlotte Perriand.

– Équipements et services — « Mais, en dehors du logis et à proximité, la famille réclame encore la présence d’institutions collectives qui soient de véritables prolongements. Ce sont : centre de ravitaillement, services médicaux, crèches, maternelles, écoles, auxquels on ajoutera les organisations intellectuelles et sportives »177 À travers cette citation de Le Corbusier, on distingue ce qui est de l’ordre de l’usage individuel, qui doit être dans le logis et ce qui a vocation à servir la population de l’unité. L’architecte évoque la demande de la population de pouvoir disposer de prolongement de leur logis des équipements sportifs, culturels, médical et scolaire. Dans le cas de la Maison Radieuse, tout ne sera pas introduit à la réalisation, mais le parc, l’école, les clubs associatifs participent aux développements de la vie sociale dans l’unité. Dans les premières années de fonctionnement de l’unité de Rezé, les services

168 Opcit., Le Corbusier, La Ville Radieuse, p. 29. 169 Opcit., Le Corbusier, Vers une architecture, p. 139. 170 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p. 110. 171 Opcit., Eleb-Vidal, Monique, Chatelet, Anne-Marie et Mandoul, Thierry, Penser l’habiter, Le logement en

questions, p. 164.

172 Opcit., Jouenne, Noël, La vie collective des habitants du Corbusier, Paris, L’hermattan, 2005, p. 8. 173 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p. 36. 174 Ibim., p. 164. 175 Ibid., p. 139. 176 Opcit., Le Corbusier, L’Art décoratif d’aujourd’hui, Paris, Crès, 1925 (L’esprit Nouveau). 177 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p. 42.

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de livraison à domicile, de kiosque et de la Poste, ont aussi aider la population dans la vie quotidienne.

– Conditions naturelles – Principes qui selon lui doivent être présents « dans une proportion suffisante, car indispensable aux êtres vivants: soleil, espace, verdure »178 pour que les habitants soient en bonne santé psychologique et aussi physiologique. Ceux-ci sont dans l’article suivant de la Charte d’Athènes exprimés sous forme de concept à mettre en place pour la conception d’un logement collectif: lumière naturelle à l’intérieur des logis, renouvellement et qualité de l’air grâce à l’action de la verdure et la sensation d’espace.

– Cellule d’habitation – Le Corbusier nomme par cela son concept de logement qui correspond à l’ensemble « logis » et « logis ». Le terme de cellule n’est pas sans référence. Il lui vient de son voyage à « la Chartreuse d’Emma « en Toscane où il voit { …} les cellules des moines »179, mais également de sa fascination pour les paquebots et leurs cabines passagers. « Le paquebot fonctionne dans ses mesures étonnantes par ce que les services communs ils sont organisés, parce que le logis y est débarrassé des éléments parasites, parce que la vie sur un paquebot (et je ne prends à dessin que la classe de grand luxe pour servir d’appuis à ma thèse d’équipement du logis populaire) et régie par des innovations intelligentes qui permettent, de trouver solution au problème, et qui répudient, d'autres parts, le gaspillage. »180 Il trouve dans ces références une rationalité de l’usage, car centré sur l’essentiel à la vie quotidienne. Le mot « cellule » évoque aussi « l’élément constitutif fondamental d’un ensemble organisé »181. Le « noyau initial { …} est une cellule d’habitation (un logis) et son insertion dans un groupe formant une unité d’habitation de grandeur efficace »182 dont un ensemble d’entre elles propose une urbanisation selon les préceptes de la Charte d’Athènes.

– Existenzminimun – L’Existenzminimun est une notion développée par Ernst May lors de la réalisation de plusieurs centaines de logements pour Francfort-le-Main. Il conçoit selon des principes du fonctionnalisme et du rationalisme sa vision progressiste du logement qui manifeste son idéal « égalitariste comme le même accès au soleil, à l’air et aux parties communes »183. Cette notion est transcrite par des dispositifs de « premières commodités domestiques (cuisine et salle d’eau séparées, w.c. intérieur) »184 minimum dans le logement et à l’extérieur de celui-ci par des équipements communs, ainsi qu’aux conditions vitales d’existence pour l’occupant. Cette notion est une évolution de la pensée de logement des constructivistes russes. Elle laisse place à une véritable vie intime du foyer qu’il n’y a pas dans la Dom-Kommuna.

– Maison Radieuse – L’appellation particulière de l’unité d’habitation de Rezé est due à son commanditaire qui est une Société Anonyme Coopérative, la Maison familiale. Elle est à l’initiative des occupants constituée en association avant même la construction. Ce projet d’habitat coopératif est connu de Le Corbusier, car il est courant en Suisse. La Maison Radieuse est une unité d’habitation de grandeur conforme dont les logements sont des foyers logis. L’unité contient aussi des équipements et des services. La Maison Radieuse fut validé par Le Corbusier à travers une lettre adressée à Gabriel Chéreau du 3 mars 1955 : « Je crois que le titre Maison Radieuse convient, car ce qui est radieux

178 Ibim., p. 36. 179 Opcit., Monnier, Le Corbusier, les unités d’habitation en France, p. 21. 180 Opcit., Le Corbusier, La Ville Radieuse, p. 117.

« Définitions : cellule - Dictionnaire de français Larousse », [s. d.], <http://www.larousse.fr/dictionnaires/ francais/cellule/14026?q=cellule#13870>, consulté le 29 avril 2018. 181

182 Opcit., Le Corbusier, La Charte d’Athènes, p. 110.

« Ernst May  : définition de Ernst May et synonymes de Ernst May (français) », <http:// dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Ernst%20May/fr-fr/>, consulté le 29 avril 2018. 183

184 Opcit., Jouenne, La vie collective des habitants du Corbusier, p. 47.


c’est chacun des foyers, par conséquent la maison de famille. Et Nantes contient 300 maisons de familles, par conséquent 300 foyers radieux »185.

— Village Vertical – Inspiré des paquebots transatlantiques chers à l’architecte, l’immeuble se présente comme un « village vertical »186 intégrant commerces (à l’origine) et services (l’école, la Poste), équipements collectifs { …} rappelant la place d’un village où les habitants se retrouvent et socialisent. Les circulations dans ce village vertical sont constituées de trois ascenseurs, passages obligés qui force à la rencontre et les six rues intérieures qui desservent les logis. Ces rues sont un héritage de la Dom-Kommuna et de la Ville contemporaine de trois millions d’habitants. L’aspect de village est renforcé par la présence d’un marché tous les mercredis matin dans le hall de l’unité et de la présence de la vie associative conséquente.

– Unité d’habitation conforme —

de

grandeur

« Le Corbusier qualifie la cité radieuse “d’unité ’habitation de grandeur conforme “car les dimensions des pièces et l’organisation des équipements sont étudiées en relation avec la dimension du corps humain. Le Corbusier a mis au point une gamme de mesures harmoniques " à l'échelle humaine ": le Modulor. L’édifice est ainsi réalisé selon les proportions d'un homme d'une hauteur de 1, 83 m dont la main s'élève à 2,26 m du sol (niveau du plafond). Son assise est fixée à 0,70 m et il s'accoude debout à ,13 m ou 1,40 m. La cellule d’habitation a une largeur de 3,66 mètres ». Wogenscky reprend même que l’unité d’habitation de grandeur conforme doit permettre l’accueil de 1000 à 2000 habitants, et précise que cette valeur « n’est pas arbitraire, mais correspond à une juste échelle de groupement collectif, à une unité de caractère sociologique telle que le village ou la petite ville »187.

Le Corbusier, « Lettre à Gabriel Chéreau », 3 mars 1955 ; in ; Amouroux, La Maison Radieuse de Rezé, p. 74. 185

« Site officiel de la Maison Radieuse Le Corbusier de Rezé : découvrir la cité radieuse. », [s. d.], <http:// www.maisonradieuse.org/decouvrir/decouvrir.html>, consulté le 29 avril 2018. 186

187 Opcit., Le Corbusier, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, p. 141.

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— La modernité et l’Avant-garde — • Cohen, Jean-Louis, Architecture, Modernité, modernisation, Paris, Collège de France et Fayard, 2017 (Leçons inaugurales du Collège de France). • Morel Journel, Guillemette, Le Corbusier, Construire la vie moderne, Paris, éditions du patrimoine et Centre des monuments nationaux, 2015 (Carnet d’architectes). • Devos, Rika et De Kooning, Mil, L’architecture moderne à l’expo 58 Bruxelles, Bruxelles, Fonds Mercator et Dexia Banque, 2006. • Frampton, Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Paris, Philippe Sers, 1985. • Jencks, Charles, Mouvements modernes en architecture, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1973 (Architecture + Recherches). • Benevolo, Leonardo, Histoire de l’architecture moderne, 2. Avant-garde et mouvement moderne (1890-1930), Rome, Dunod, 1979 (Espace & Architecture). • Benevolo, Leonardo, Histoire de l’architecture moderne, 3. Les conflits et l’après-guerre, Rome, Dunod, 1980 (Espace & Architecture). • Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style, mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988. • Barbet-Massin, Olivia, Les bâtisseurs de la modernité 1940-1975, Paris, Éditions du Moniteur, 2000. • Guinzburg, Moseï, « Sovremennaia Architettura », 1926. • Auteur inconnu, « Architecture de Berlin, architecture éclectique, architecture de la fin du XIXe et début du XXe siècle, style wilhelmien, Éclectisme, Historicisme, Néo-Renaissance, Néo-Baroque, Néo-Gothique, Pittoresque », Date inconnue, <http://www.berlin-en-ligne.com/berlin_en_bref/ architecture/architecture_eclectique.html>, consulté le 8 mai 2018. • Ebenezer, Howard, To-morrow  : a peaceful path to real reform, London, Swan Sonnenschein, 1898.

— Le Confort — • Côme, Tony et Pollet, Juliette, L’idée de confort, une anthologie, Du zazen au tourisme spatial, Paris, B42 et Cnap, 2016. • Rollot, Mathias, Critique de l’habitabilité, Paris, Libre & Solidaire, 2017. • « MoMA | Counter Space: the frankfurt kitchen » , <https://www.moma.org/interactives/ exhibitions/2010/counter_space/the_frankfurt_kitchen>, consulté le le , 26 avril 2018.

— Critique de la modernité, Critique de Le Corbusier — • Perelman, Marc, Le Corbusier, Une froide vision du monde, Paris, Michalon, 2015 (Essai). • Barancy, Olivier, Misère de l’espace moderne, La production de Le Corbusier et ses conséquences, Marseille, Agone, 2016 (Contre-Feux).

— Autres — • « Fondation Le Corbusier - BIOGRAPHIE », [s. d.], <http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/ morpheus.aspx?sysId=15&IrisObjectId=6943&sysLanguage=f rfr&itemPos=1&sysParentId=15&clearQuery=1>, consulté le 24 mai 2018. • Briet, Marie-Odile, « Firminy, la cité secrète de Le Corbusier », Le Monde.fr, 17 juillet 2015, <https:// www.lemonde.f r/m-voyage-le-lieu/article/2015/07/17/f irminy-la-cite-secrete-de-lecorbusier_4687379_4497643.html>, consulté le 25 mai 2018. • Constant, Une rétrospective, Paris, Rmn, 2001. • Joseph, Isaac (1943-2004), La ville sans qualités, La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 1998.

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04// TABLES DES ILLUSTRATIONS Numéro figure

de

Première de couverture 1

Nom et Sources Office municipal d’information - Rezé, Trentenaire de l’Unité d’Habitation de Rezé 1955-1985, Carte pastale, dimension d’origine 15 x 10,5 cm zoom sur le Maison Radieuse), Rezé, 1985, conservé dans les collections personnelles de Maxime Roussel suite au don de Marie-Françoise Nicolas Roussel, Maxime, Façade Ouest de la Maison Radieuse, Photographie, dimension d’origine 42 x 29,7cm, Rezé, 2018, conservé dans les collections personnelles de Maxime Roussel

2

Herron (Ron), Free Time Node: Trailer Cage, montage, format d'origine: 54,5 x 40 cm, Londres 1964, reproduite dans ( Herron (Ron) et Snowden (Barry), « 2-3 day working week / the city obsolete », Metropolis: Archigram Magazine, n°5, 1964 (date de publication et date de l’oeuvre discordante), numero de page inconnu, DR à Herron Ron

3

Le Corbusier, Plan d’aménagement de la Maison Radieuse, Numérisation de plans originaux, dimension d’origine 4827 x 3619 dpi, Nantes, 1953, Référence 02842, Paris, Conservé à la Fondation Le Corbusier.

4

Le Corbusier et Eugène Claudius-Petit, Construction site, Unité d’Habitation, Marseille, Fondation Le Corbusier, Paris, (FLC L1.16.2; © F.L.C./ADAGP, Paris/Artists Rights Society [ARS], New York 2014), http://jsah.ucpress.edu/content/74/1/13.figures-only, Le Corbusier and Postwar America, Bacon (Mardges), mise en ligne en 2015, consultable sur le site http://jsah.ucpress.edu, consulté le 02 avril 2018.

5

SOCOTEC, Vue de la façade sud, Photographie, dimension d’origine 21 x 29,7cm, Rezé, Date inconnue, Collection « Dossier technique Sonisol et reportage photographique » conservé aux archives municipales de Rezé, Photographie du document originel par Maxime Roussel.

6

Maison Familiale, L’Unité d’habitation de Nantes-les-Rezé - Monographie de présentation, Croquis, dimension d’origine 21 x 29,7cm, Rezé, 1952, Référence N5-10-87-005, conservé à la Fondation Le Corbusier.

7

Le Corbusier, Perspective générale, Dessin, dimension d’origine 5440 x 4080 dpi, Rezé, 1953, référence 02300, conservé à la Fondation Le Corbusier, Paris.

8

Le Corbusier, Plan et Coupe d’une cellule de la chartreuse de Galluzzo, 1907, Format d’origine: 21 x 27cm ; , in « Galluzzo, le cheminement d’une émotion », Le Divan Fumoir Bohémien, [s. d.], <http://florizelle.net/dfb/2015/9/2/certosa>, consulté le 25 avril 2018

9

10 11 12 13 14

Artiste inconnu, Dom Narkomfin in Moscow, 1929, Photographie, Format d’origine inconnu ; in Vanrapenbusch, Anne, « Le Narkomfin, symbole soviétique en réhabilitation », Archicree - Créations et Recherches Esthétiques Européennes, 28 mai 2017, <https:// archicree.com/actualites/news/le-narkomfin-symbole-sovietique-en-rehabilitation/>, consulté le 10 mai 2018. Wieber Matthew, Dom Narkomfin, 1929, Perspective coupée, Format d’origine inconnu ; in « Housing Case Study: Narkomfin Apartments | Matthew Wieber », Archinect, Date inconnue, <https://archinect.com/mwieber/project/housing-case-study-narkomfinapartments>, consulté le le , 10 mai 2018. Parti social-démocrate allemand, Nous bâtissons un monde nouveau , env 1930, Affiche électorale, Berlin ; in ; Kopp, Quand le Moderne n’était pas un style mais une cause. Willi Baumeister, « Die Wohnung werkbund ausstellung 1927 », Affiche, The CharnelHouse, 30 juillet 2013, <https://thecharnelhouse.org/2013/07/30/foreign-architects-in-thesoviet-union-during-the-first-two-five-year-plans/willi-baumeister-die-wohnungwerkbund-ausstellung-1927/#main>, consulté le le , 10 mai 2018. Karl Ludwig Straub et Werkbund Ausstellung, « Die Wohnung (Werkbund exhibition— The Dwelling) (Poster for exhibition organized by the Deutsche Werkbund at the Weissenhofsiedlung, Stuttgart, Germany) », Lithographie, MoMA, 1927, <https:// www.moma.org/collection/works/6353>, consulté le le , 10 mai 2018. Willy, Rizzo, Le Corbusier et ses collaborateurs dans l’atelier 35 rue de Sèvres à Paris, 1956, Photographie, © FLC/ADAGP, Format d’origine inconnu ; in « Fondation Le Corbusier BIOGRAPHIE », <http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx? sysId=13&IrisObjectId=6716&sysLanguage=f rfr&itemPos=81&itemCount=300&sysParentId=15>, consulté le le , 25 avril 2018 ; Mentionné sous le titre « Les grands anonymes », in Monnier, Marilyne, Le Corbu 1955-2005 Rezé-lesNantes, Paris, Édition Marilyne Monnier, 2005.


18

Artiste inconnu, Être architecte. Hommage à André Wogenscky, Photographie, © FLC/ ADAGP, Format d’orgine inconnu ; in « Fondation Le Corbusier - Accueil - Être architecte. Hommage à André WogensckyParis, Fondation Le Corbusier14 avril - 25 juin 2005 », <http:// w w w . f o n d a t i o n l e c o r b u s i e r . f r/c o r b u w e b /m o r p h e u s . a s p x ? sysId=13&IrisObjectId=7651&sysLanguage=fr-fr&itemPos=3&itemSort=frfr_sort_string1&itemCount=9&sysParentName=Home&sysParentId=11>, consulté le le , 25 avril 2018. Artiste inconnu, Charlotte Perriand, 2016, Photographie, © Yerta Royée/AChP-ADAGP, Format d’orgine inconnu ; in « Un nouvel ouvrage sur Charlotte Perriand et la montagne | ActuMontagne », <http://www.actumontagne.com/culture/un-nouvel-ouvrage-surcharlotte-perriand-et-la-montagne_11414>, consulté le le , 25 avril 2018. Le Corbusier, Des Canons, des munitions ? Merci, des logis s.v.p., 1938, Collage, Format d’origine inconnu, Boulogne-sur-Seine, Éditions de l’Architecture d’Aujourd’hui, 1938 (Collection de l’équipement de la civilisation machiniste). Roussel, Maxime, Foyer du logis, Photographie, dimension d’origine 42 x 29,7cm, Rezé, 2018, conservé dans les collections personnelles de Maxime Roussel

19

Le Corbusier, Perspective d’un appartement supérieur, Perspective, dimension d’origine 5157 x 3256 dpi, 1953, Rezé, Référence 01656, conservé à la Fondation Le Corbusier, Paris.

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Artiste inconnu, The Frankfurt Kitchen: view toward the window, 1926, Photographie, Moma, Format d’orgine inconnu ; in « MoMA | Counter Space: the frankfurt kitchen », <https://www.moma.org/interactives/exhibitions/2010/counter_space/ the_frankfurt_kitchen>, consulté le 26 avril 2018. Auteur inconnu, Plan of the Frankfurt Kitchen indicating its labor saving features, 1927, Plan, Moma, Format d’orgine inconnu ; in « MoMA | Counter Space: the frankfurt kitchen », <https://www.moma.org/interactives/exhibitions/2010/counter_space/ the_frankfurt_kitchen>, consulté le 26 avril 2018. Cardot, Véra, Joly, Pierre, Rezé-Les-Nantes bâtiment d’habitations Le Corbusier (Pierre Jeanneret), 1949-1953, Photographie,Centre Pompidou/ Bibliothèque Kandinsky, Format d ’ o r g i n e i n c o n n u ; i n « A f f i c h a g e m é d i a s » , < h t t p : / / bibliothequekandinsky.centrepompidou.fr/cataloguedoc/fondsphoto/cgi-bin/image.asp? ind=3505LECORP&no=3505LECORp&id=3505LECORP>, consulté le le , 27 avril 2018. Le Corbusier, Le Modulor, Date inconnue, Reproduction dessins, Format d’orgine inconnu, Lieu inconnu, Fondation Le Corbusier ; in Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015. Roussel, Maxime, Toit-Terrasse, Photographie, dimension d’origine 42 x 29,7cm, Rezé, 2018, conservé dans les collections personnelles de Maxime Roussel

25

Figure 25 : La Maison Familiale, Brochure d’adhésion, Dépliant, dimension d’origine A5, 1953, Rezé, Référence N5-19-1-001, conservé à la Fondation Le Corbusier, Paris.

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Auteur inconnu, « Pas le temps de s’ennuyer à la Maison Radieuse », Ouest-France, 27 mars 2018, <https://www.facebook.com/maison.radieuse.reze/photos/a. 582813128433581.1073741828.582677051780522/1700376353343914/?type=3&theater>, consulté le 20 mai 2018. Roussel, Maxime, Intérieur du logis, Photographie, dimension d’origine 42 x 29,7cm, Rezé, 2018, conservé dans les collections personnelles de Maxime Roussel

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Roussel, Maxime, Vue depuis la rue, Photographie, dimension d’origine 42 x 29,7cm, Rezé, 2018, conservé dans les collections personnelles de Maxime Roussel

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Quatrième de couverture

EmMa, ImmoD, « La Cité radieuse de Le Corbusier à Rezé-les-Nantes (60 ans) », Architecture, Urbanisme, Immobilier, Développement Urbain Durable, in ; <http:// www.immodurabilite.info/article-la-cite-radieuse-de-le-corbusier-a-reze-les-nantes-60ans-93255602.html>, consulté le le , 27 avril 2018, recadrage par Maxime Roussel.

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05// GRILLE MÉTHODOLOGIQUE Titre _ Sous-Titre La Maison Radieuse de Rezé, une vision corbuséenne du logement issue des CIAM et de l’Avant-garde

Question de départ De quoi se compose l’unité d’habitation de grandeur conforme ? Pourquoi et en quoi Rezé est différente des unités d’habitations ? Par quel processus Le Corbusier est-il arrivé à la conception de Rezé ? Quelles sont les influences, les réflexions personnelles de Le Corbusier dans une époque d’échange théorique urbanistique et architectural des CIAM ? Comment le projet de la Maison familiale s’intègre-t-il dans l’idéologie des CIAM ? Les acteurs du projet ont-ils eu un impact sur la réalisation de la Maison Radieuse ? Comment le contexte financier du projet fut moteur dans la création d’une communauté ? Comment Le Corbusier joue-t-il de ses relations pour pouvoir expérimenter sa démarche du logement collectif qu’il imagine depuis les années 1920 ? Cette oeuvre architecturale a-t-elle eu des impacts, des influences sur la vie de ses occupants ? Comment l’aménagement de ces logis est-il vécu ? Qu’apportent les dispositifs du logis dans la vie des habitants ? Quels sont les lieux de socialisation dans cette « ville verticale » ? La présence de l’école sur le toit-terrasse est-elle vectrice de socialisation ? Les espaces verts et rives de l’étang du pied de l’immeuble jouent-ils ce rôle ludique et sportif ou sont-ils plutôt des lieux de loisirs et de détente pour les plus âgés ? Comment le travail domestique est-il revu à la suite des influences de Le Corbusier ? Comment se manifestent les évolutions technologiques ? L’évolution de l’habitat questionne-t-il le rapport à l’intime ? Comment les habitants perçoivent et vivent-ils dans une curiosité socioarchitecturale selon qu’ils soient copropriétaires ou locataires ? Mais peut-on identifier les formes et les forces d’une vie collective dans les parties communes (locaux associatifs), les circulations (rue intérieure, ascenseur, parking…), les équipements (hall, école…) qui se constituent comme relations, comme identité, comme lien social ? Comment s’exerce la cohabitation entre locataires « installés à demeure », ou bien locataires très récents et copropriétaires, quels investissements, quels engagements les uns et les autres ont-ils dans la vie collective ? Existe-t-il une différenciation sociale remarquable au sein de l’immeuble ? Cette différence est-elle symbolisée par l’appropriation de l’espace ?

Esquisse de problématique Dans quelle mesure la Maison Radieuse témoigne-t-elle de l’approche particulière et synthétique du logement collectif chez Le Corbusier au regard des thèses des CIAM et de l’idéologie architecturale et sociale de l’entre-deux guerre ?

Objet de la recherche Ma recherche consiste en une étude centrée sur ce qui relève d’une démarche particulière de Le Corbusier en matière architecturale, urbanistique, sociétale sur le logement collectif au regard des thèses indicatives produisent durant les rencontres des CIAM. Pour cela j’utilise « l'Unité construite en 1953 à Rezé-les-Nantes (qui) devait manifestement constituer une version économique de l'immeuble prototypique de Marseille {…}. Unité de Nantes se distinguait de celle de Marseille par plusieurs autres traits significatifs, tout particulièrement dans les appartements eux-mêmes qui étaient plus petits … »

Terrain d’étude / Corpus d’étude • Aumasson, Pascal et al., Le Corbusier et la Bretagne, Saint-Rémy-de-Provence, Édisud, 1996. • Frampton, Kenneth, Le Corbusier, Vanves, Hazan, 1997 (Architecture). • Jencks, Charles, Mouvements modernes en architecture, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1973 (Architecture + Recherches). • Le Corbusier, Oeuvre complète Volume 6. 1952-57, Zürich, Édition Girsberger, 1957. • Le Corbusier, Oeuvre complète Volume 5. 1946-52, Paris, Fondation Le Corbusier, 1953.


• Le Corbusier, Vers une architecture, [s. d.] (Architecture). • Monnier, Gérard, Le Corbusier, les unités d’habitation en France, Paris, Belin-Herscher, 2002 (Les destinées du patrimoine). • Le logement social dans la pensée de Le Corbusier, Paris, Fondation Le Corbusier, 2000. • Le Corbusier une encyclopédie, Paris, Éditions du Centre Pompidou et CCI, 1987 (Monographie). Corpus physique: La Maison Radieuse de Le Corbusier à Rezé construite en 1955 à proximité dans la proche agglomération nantaise, résultat de la commande d’une société de coopérative d’habitat, la Maison Familiale, aujourd’hui devenue copropriété entre des propriétaires et un bailleur social qui détient 55% du bâtiment. Corpus littéraire: • Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE LoireAtlantique, 2015. • Benevolo, Leonardo, Histoire de l’architecture moderne, 2. Avant-garde et mouvement moderne (1890-1930), Rome, Dunod, 1979 (Espace & Architecture). • Denèfle, Sylvette et al., Habiter Le Corbusier : Pratiques sociales et théorie architecturale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015 (Le sens social). • Kopp, Anatole, Quand le Moderne n’était pas un style, mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988. • Le Corbusier, La Charte d’Athènes, Paris, Édition de Minuit, 2016 (Essai). • Le Corbusier, La Ville Radieuse, Boulogne-sur-Seine, Éditions de l’Architecture d’Aujourd’hui, 1935 (Collection de l’équipement de la civilisation machiniste). • Monnier, Marilyne, Le Corbu 1955-2005 Rezé-les-Nantes, Paris, Édition Marilyne Monnier, 2005. Corpus iconographique: • Le Corbusier, Unité d’habitation, Rezé-lès-Nantes, Paris, Fondation Le Corbusier, 1983

État de la question

_ état des savoirs

Contexte historique de l’ère machiniste, de l’entre-deux guerre et les aboutissements architecturaux de la révolution d’octobre 1917 en Russie • Kopp (Anatole), Quand le MODERNE n’était pas un style, mais une cause, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1988 Contexte de la reconstruction de Nantes et de son agglomération, Rezé, la Maison Familiale sous la vice-présidence de Gabriel Chéreau et la Maison Radieuse • Amouroux (Dominique), La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE de LoireAtlantique, 2015 • Monnier (Marilyne), Le Corbu 1955-2005 Rezé-les-Nantes, Paris, Édition Marilyne Monnier, 2005 • Aumasson (Pascal), Diudonne (Patrick), Le Couedic (Daniel), Vigato (Jean-Claude), Wogenscky (André) , Aujane (Roger), Le Corbusier et la Bretagne, Saint-Rémy-de-Provence, Édisud, 1996 Le Corbusier, et sa démarche • Monnier (Gérard), Le Corbusier, les unités d’habitation en France, « Les destinées du patrimoine », Paris, Belin-Herscher, 2002 • Le Corbusier, Vers une architecture, « Architectures », Paris, Champs, 1995 • Prelorenzo (Claude) (responsable), Le logement social dans la pensée de Le Corbusier, Paris, Fondation Le Corbusier, 2000

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CIAM, partage d’idées et publications • Le Corbusier, La Ville Radieuse, « Collection de l'équipement de la civilisation machiniste », Boulogne-sur-Seine, Éditions de l'Architecture d'Aujourd'hui, 1935 • Le Corbusier, La Charte d’Athènes, « Essai », Paris, Édition de Minuit, 2016 • Benevolo (Leonardo), Histoire de l’architecture moderne, 2. Avant-garde et mouvement moderne (1890-1930), « Espace & Architecture », Rome, Dunod, 1979, traduit par Vera et Jacques Vicari • Benevolo (Leonardo), Histoire de l’architecture moderne, 3. Les conflits et l’après-guerre, « Espace & Architecture », Rome, Dunod, 1980, traduit par Vera et Jacques Vicari

Mots-clés Société Machiniste ; idéologie utopique sociale-démocrate ; CIAM ; Unité d’Habitation de Grandeur Conforme ; logis ; équipements et services ; Gabriel Chéreau Maison Radieuse.

Méthode Pour traiter le sujet, je ne compte pas simplement relater les événements historiques qui on poussait Le Corbusier à la réalisation, mais j’adopte une méthode d’analyse comparative entre le projet et les thèses des CIAM en lien avec la construction. D’un côté, la Maison Radieuse, unité d’habitation de grandeur conforme pour une société coopérative d’habitants dont la réalisation est achevée en 1955, d’un autre côté, les publications se rapportant aux CIAM : la Déclaration de Sarraz, les recherches de Frankfort et de Bruxelles et la Charte d’Athènes. Cela dans un objectif de témoigner par la réalisation de Rezé, l’approche particulière et synthétique de Le Corbusier en matière de logement collectif dans le contexte de la reconstruction et de la crise du logement. La première partie s’organise autour du processus conceptuel qui a mené à l’unité d’habitation de grandeur conforme de Rezé, démontrant la synthèse entre sa réflexion personnelle (ou empreintée à ses collaborateurs), ses influences, ses échanges lors des CIAM. La seconde décrit le rôle de logis comme éléments de base de sa réflexion globale architecturale, urbanistique, sociétale. Pour terminer, la troisième partie développe l’étude de l’unité d’habitation de Rezé, pour laquelle je compte évoquer le rôle important de la communauté qui y habite et qui, par leur engagement dans la vie de l’immeuble, fait perdurer l’idée originelle de Le Corbusier.


06// TRANSCRIPTION DE LA VISITE ET DES QUESTIONS Ce document correspond à la transcription de la visite du 21 mars 2018, de la Maison Radieuse. Cette Visite est organisée par la mairie de Rezé et est encadrée par Florian Riffet, Chargé de médiation culturelle, du Service patrimoine et mémoires – Direction culture et patrimoine de la ville. Cette visite donne des explications et permet aux visiteurs de poser des questions. C’est dans ce cadre que se place cette retranscription.

La maison Radieuse est un lieu d’habitation. Samedi matin les gens sont là, c’est un petit peu gênant pour eux, si on reste stationner dans le hall. On gêne le passage. Les habitants voient passer près de 7000 visiteurs par ans dans leur immeuble donc cela fait beaucoup de passage ! Donc il faut aussi penser à eux et commencer la visite dehors! Heureusement dans la Maison Radieuse il y a un appartement-témoin non habité pour ne déranger personne ! La ville gère les visites du bâtiment, c’est pour cela que vous êtes allés chercher votre ticket à la mairie. L’appartement-témoin appartient à la ville, mais le bâtiment dans l’ensemble est une propriété privée une copropriété. La ville est membre de la copropriété au même titre qu’un grand nombre d’habitants et aussi qu’un office HLM qui détient 55% des appartements de la Maison Radieuse. Ce bâtiment est assez étonnant de l’extérieur, mais encore plus de l’intérieur. Lorsqu’on la voit de loin le Maison Radieuse, on dirait un gros bloc de béton gris alors que c’est bien plus que ça. Il faut vraiment s’en approcher pour la comprendre. Pour commencer à distinguer les pilotis qui supportent le bâtiment, de loin on ne les voit pas, mais ils lui confèrent un aspect un peu plus léger plus aérien. Il faut aussi s’approcher pour voir les couleurs parce que de loin elles sont invisibles dans le creux des façades ces couleurs sont aujourd’hui un petit peu passées. Normalement ce sont des couleurs beaucoup plus vives, mais qui ont passées avec le temps. Elles ont déjà été refaites plusieurs fois toujours à l’identique, car la Maison Radieuse est classée Monument Historique. Les travaux sont prévus dans quelque temps, mais ils sont très complexes et extrêmement chers et en grande partie financer par les habitants puisqu’il s’agit d’une propriété privée. Il y a des aides de l’état, des subventions, mais cela ne suffit pas à payer l’intégrité des travaux. Et surtout, il faut entrer dans un appartement si on veut comprendre la Maison Radieuse. De l’extérieur, on imagine des appartements très petits et très sombres alors que ce n’est pas du tout le cas. Ce sont des logements assez étonnants pour leur époque. La Maison Radieuse a plus de soixante ans. Si l’impression extérieure est négative pour beaucoup de monde, une fois qu’on est passé à l’intérieur, on a en général un regard différent sur ce bâtiment qui domine la ville de Rezé, du haut de ces 52 m. C’est vraiment un point de repère dans le paysage. Pour ceux de la région, c’est un peu plus haut que le pont de Cheviré À l’intérieur de cette Maison Radieuse, vous allez trouver 294 appartements pour environ 800 habitants actuellement, un village entier concentré à l’intérieur. Autrefois il y avait plus d’enfants dans les familles et donc il y avait environ 1400 habitants. Un village vertical ! Ce village ne comprend pas uniquement les 294 appartements, il y a aussi été conçu avec des équipements collectifs des services ; certains n’existent plus aujourd’hui, mais qui avec cette population importante étaient viables On pourrait par exemple parler du parc, la Maison Radieuse dispose de 6 ha d’espace vert, c’est très rare pour les grands immeubles d’avoir autant de verdure à leur pied. Là on est du petit côté du parc, mais de l’autre côté il est beaucoup plus grand. On y trouve les terrains de jeux des enfants des terrains de sport et également des jardins familiaux, pour les habitants qui veulent faire des cultures. Donc si vous le souhaitez après la visite, vous avez presque 6 ha de l’autre côté du bâtiment à découvrir. À l’intérieur de la Maison Radieuse, on ne se déplace pas dans des couloirs, mais dans des rues, il y a des rues intérieures. On en compte 6. On trouve également des salles communes pour les activités des habitants, une bibliothèque, un labo photos, une salle de sérigraphie, une salle informatique, une salle de musculation, des cours de couture, de cuisine, de russe, d’espagnol, de danse orientale sont proposés. Ce sont des activités proposées par les habitants pour les habitants. Tout cela est géré par l’association des habitants qui a été fondée en même temps que le bâtiment, il y a plus de 60 ans maintenant. Et il y avait aussi des commerces dans le hall de l’immeuble, un bureau de poste, un vendeur de journaux et tous les mercredis il y a encore le marché qui s’installe dans le hall. C’est la place du village !

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Pour compléter, le village à 52 m du sol se trouve une piste pour courir et une école maternelle qui fonctionne toujours. Elle accueille encore 2 classes, une cinquantaine d’enfants. C’est une des écoles les plus hautes d’Europe ! Cela complète le dispositif, vous avez un village complet ! L’école est le cœur du concept de cette vie collective. Elle a été menacée de fermeture à de nombreuses reprises. Si l’école avait fermé la Maison Radieuse serait un immeuble comme les autres ! Ou presque ! Ce concept porte un nom : c’est une unité d’habitation pour être exact. Celui qui a imaginé ce concept, c’est l’un des plus grands architectes du 20° siècle, c’est aussi pour lui que l’on vient voir la Maison Radieuse puisqu’il s’agit de Le Corbusier, Charles-Édouard Jeanneret son véritable nom. Le Corbusier étant un pseudo mine. Charles-Édouard Jeanneret est peu connu, alors que Le Corbusier est un nom qui resonne un peu partout à travers le monde comme une référence de l’architecture. L’appartement-témoin est tout en haut dans l’angle de l’autre côté du bâtiment. Il est au sommet de la Maison Radieuse Le Corbusier a vu le jour en suisse en 1887 et est mort en 1965 il a été naturalisé français. C’est l’un des plus grands architectes du 20 ° siècle, un des plus connus. C’est l’un des pères fondateurs de l’architecture moderne. Il y a eu un avant et un après Le Corbusier dans l’histoire de l’architecture. On aime ou pas, Le Corbusier ne fait pas l’unanimité. C’est un architecte qui a suscité beaucoup de polémiques. Beaucoup de contre verse et parfois à juste titre puisque Le Corbusier a une face très trouble. Il travaille pour le régime de Vichy notamment. Le personnage privé n’est pas apprécié et parfois l’architecte est décrié aussi. Il faut faire la part des choses entre l’homme et l’œuvre que l’on aime ou pas l’architecture de Le Corbusier, on ne peut pas faire l’impasse. Au 20° siècle on ne peut pas parler d’architecture sans parler de lui. Son influence est énorme. Il a formé des générations d’architectes, encore aujourd’hui on continue de s’inspirer de ces idées. Des idées qu’il a diffusées un peu partout à travers le monde, puisque Le Corbusier est l’un des premiers à avoir une carrière mondiale. Il a travaillé sur tous les continents sur des projets très variés essentiellement des villas au début, de sa carrière, la plus connue étant sans aucun doute la Villa Savoie à Poissy, près de Paris. Villa, qu’il va réaliser à la fin des années 20 et qui est le manifeste de l’architecture moderne par excellence ! cette villa a bientôt 90 ans, quand on voit les formes elle est d’une très grande modernité, des lignes très épurées et très géométriques. On retrouve tous les grands principes de cette architecture moderne que Le Corbusier va théoriser. Une construction sur pilotis pour libérer la surface au sol, un toit-terrasse qui offre un espace supplémentaire, de grandes baies vitrées, des fenêtres bandeau, comme on les appelle qui s’étirent sur la façade, pour offrir un maximum de clarté au logement. Ce sont des idées que vous allez retrouver ici à la Maison Radieuse. Un peu plus tard Le Corbusier réalisera des bâtiments religieux. Il en a fait très peu, 3 pour être précis, dans une carrière d’architecte c’est déjà beaucoup ! Surtout au 20° siècle, il va en réaliser 2 de son vivant, et un de manière posthume. Le plus connu de ces offices religieux est la chapelle de Ronchin qui est réalisée dans les années 50, à peu près en même temps que La Maison Radieuse ; ici à Rezé, et là encore Le Corbusier casse les codes de l’architecture religieuse, c’est très différent d’une église traditionnelle. Son œuvre la plus importante est en Inde. Là-bas, Le Corbusier va réaliser une ville entière, Chandigarh, dont il dessine les plans et les principaux monuments. Un des principaux édifices, le palais de l’assemblée. Chandigarh est la capitale du Pendjab, un état du nord de l’Inde. C’est une ville à vocation politique qui compte aujourd’hui plusieurs centaines de milliers d’habitants. Une très très grande ville que Le Corbusier conçoit. Le Corbusier va réaliser aussi 5 unités d’habitation : une ici à Rezé elle a 4 sœurs et la grande sœur, la plus connue c’est la cité Radieuse qui se trouve à Marseille. La Maison du Fada, comme la surnomme les marseillais, la maison du fou c’est un bâtiment totalement horsnorme pour son époque, à l’immédiate après-guerre. La Cité Radieuse est construite entre 1947 et 1952. On est en pleine reconstruction, on a besoin de logements. Ce concept que Le Corbusier a imaginé il y a une 20 années ne va voir le jour que dans ce contexte de l’après-guerre. On a besoin des premiers grands ensembles. C’est un prototype que Le Corbusier propose, on n’a jamais vu ça avant. C’est l’état qui finance. Le Corbusier a un budget très élevé. Il peut faire tout ce qu’il a envie de faire. Il va très largement dépasser le budget. Mais il va aller jusqu’au bout de son projet. La Cité Radieuse de Marseille va susciter beaucoup de critiques. C’est un bâtiment hors norme. On va parler d’une maison de fou, de clapier à lapins. Le Corbusier va même être attaqué en justice. On l’accuse de défigurer la France avec cette construction. L’avocat qui le défend s’appelle Gabriel Chéreau, c’est un Nantais. Il est le vis président d’une société d’habitation à bon marché, les HLM d’aujourd’hui qui s’appelait La Maison Familiale. Et c’est justement, La Maison Familiale qui va commander la deuxième unité d’habitation sous l’impulsion de Gabriel Chéreau. Donc Le Corbusier va venir ici à Rezé, pour réaliser cette 2° unité, avec un budget beaucoup moins élevé qu’à Marseille. À Marseille, c’est l’état qui pilote, à Rezé, commande HLM, donc on va supprimer pas mal de choses par rapport à Marseille. Par exemple, par rapport à la Cité Radieuse, ici il n’y a pas de rue commerçante avec des boutiques. Il n’y a pas non plus de piscine et de gymnase sur le toit. Il y a moins d’appartements et ils sont plus petits en surface. La Maison Radieuse est en fait, la plus petite des cinq Unités d’habitation. La plus grande, c’est la 3° qui se trouve à Berlin. Cette unité allemande compte elle, plus de 500 appartements, mais elle n’a pas d’école contrairement aux deux premières. La quatrième est en Lorraine à Briey. Près de Metz, c’est celle qui ressemble le plus à la Maison Radieuse de Rezé pour des questions d’économie, avec une grande différence, l’école a été supprimée également. Il n’y a rien sur le toit. Enfin la dernière se trouve à côté de Saint Étienne à Firminy. C’est la plus grande en France avec un peu plus de 400 logements. Le Corbusier ne l’a jamais inaugurée, car il est mort en 1965 alors que les travaux venaient juste de démarrer. Les bâtiments de cette série se ressemblent énormément. Ils reprennent les grands principes architecturaux : pilotis pour pouvoir circuler sous le bâtiment, grandes baies vitrées dans les logements pour avoir de la lumière, toit-terrasse au sommet et une structure interne composée de poutres et de poteaux de béton qui libère les façades et les espaces intérieurs des appartements des contraintes. On parle de façades libres au dehors, ce qui permet à Le Corbusier d’imaginer ces loggias en creux puisque la façade ne supporte rein. Dans les appartements, vous n’avez que des cloisons, donc on peut réaménager l’espace comme on l’entend. Ce que l’on va appeler le plan libre. Ceux sont des idées très modernes pour l’époque, tout comme le fait d’avoir autant de couleurs sur le bâtiment ou ce recours au béton qui permet de construire très vite ,de standardiser, de préfabriquer. La Maison Radieuse va être réalisée en 18 mois. C’est très rapide pour un bâtiment de cette taille. 18 mois de


chantier seulement, que Le Corbusier va suivre de très très loin. Il n’est quasiment jamais venu à Rezé pendant les travaux. L’architecte qui a dirigé les travaux c’est son adjoint, André Wogenscky. Un très grand architecte également ; à Rezé Wogenscky est secondé par Yannis Xenakis qui est surtout connu comme musicien, un grand compositeur également architecte. Il a travaillé à plusieurs reprises avec Le Corbusier notamment ici à Rezé. L’école maternelle qui se trouve sur le toit de la Maison Radieuse, c’est Xenakis plus que Le Corbusier qui va la concevoir. Ces travaux vont s’étaler de fin 1953 au début 1955. Les premiers habitants aménagent le 16/03/1955. Il y a plus de 63 ans. Allons découvrir l’intérieur du village vertical de Le Corbusier On va repasser par le hall, c’est la seule entrée du bâtiment. Il y a plusieurs sorties deux au sud en plus du hall, ce sont des issues de secours. Par contre, il n’y a qu’une seule entrée, pour obliger les habitants à se rencontrer en passant tous au même endroit : créer du lien entre eux. Le samedi matin, c’est le moment le plus animé dans la Maison Radieuse. À partir de 11h10, le samedi il y a le composteur collectif qui est ouvert, et le local le Tritou, où les habitants peuvent déposer des encombrants, des objets qui n’ont plus besoin. Ceux qui sont intéressés se servent. C’est surtout un espace de convivialité. Une occasion d’aller boire le café… C’est un lieu qui vit, qui permet d’avoir ce lien social au sein de l’immeuble. Le hall avait autrefois le même rôle. C’est un petit peu moins vrai aujourd’hui parce que les commerces qui s’y trouvaient ont disparu. Il faut imaginer le vendeur de journaux, ici, c’est son kiosque et le bureau de poste. Il ne reste que la boîte aux lettres qui fonctionne toujours, même si le bureau de poste a fermé. C’est dans ce hall que chaque mercredi a lieu le marché. C’est un tout petit marché, c’est plutôt rare dans les immeubles : c’est la place du village. Nous allons maintenant sur la deuxième place, sur le toit-terrasse à 52 m. On va prendre l’ascenseur. Par l’escalier c’est un peu long. Les ascenseurs, c’est aussi ce qui fait partie de la modernité de la Maison Radieuse pour les années 50. Aujourd’hui cela paraît normal, mais il y a plus de 60 ans les ascenseurs étaient très rares. Les premiers habitants n’avaient jamais pris l’ascenseur de leur vie. C’était la grande découverte. Le Corbusier comparait cela au transport en commun. C’est un métro vertical. Il avait même été prévu des liftiers travaillant ici, pendant quelques mois, en 55, pour aider les premiers habitants à s’habituer à ces machines qu’ils ne connaissaient pas. Il n’y a plus de liftiers aujourd’hui évidemment. Les ascenseurs des années cinquante ont été modernisés, ceux ne sont plus les ascenseurs d’origine. Pour l’époque c’était un luxe de se déplacer par ascenseur dans l’immeuble. Nous voilà à 52 m au-dessus du sol, un peu plus haut que le pont de Chauviré que l’on retrouve à l’ouest, bien moins haut que la tour de Bretagne à Nantes qui domine la ville, quasiment trois fois plus haute que la Maison Radieuse. Cela dit la Maison Radieuse reste l’immeuble le plus haut de la rive sud de la Loire. On a un panorama exceptionnel, et surtout un toit aménagé, très rare pour les immeubles surtout dans la région, où normalement les toits-terrasses ne sont pas très courants. Ils sont plus adaptés à un climat méditerranéen. C’est vrai que pour la Cité Radieuse à Marseille, avoir la piscine ou le gymnase sur le toit, ça marche plutôt bien pour Rezé, c’est un peu différent. Néanmoins Le Corbusier prévoit 2 grands équipements, puisque le toit est un espace dédié au sport et à la culture. Pour le sport, vous avez la piste qui permet de courir, qui n’a quasiment pas servi, mais qui est symboliquement là. Ce petit chemin qui va faire le tour du toit, une boucle qui fait 250 m. Une boucle qui évoque l’influence du paquebot qui est très prononcé avec Le Corbusier : La Maison Radieuse, c’est un paquebot de béton, en fait une ville flottante, mais immobile et la piste est l’équivalent du pont promenade qui fait le tour du paquebot. La cheminée de la ventilation ici est en forme de cheminée de paquebot. Les appartements ressemblent à des cabines de bateau. On va vraiment retrouver cette influence un peu partout dans le bâtiment. Le deuxième grand équipement, le plus important, c’est l’école maternelle. La cour de récréation est également sur le toit de l’autre côté. Il y a une deuxième terrasse à l’arrière de l’école côté sud pour la cour de récréation. L’école accueille encore deux classes, près de 50 enfants cette année. Parmi lesquels certains n’habitent pas la Maison Radieuse. Ils viennent des rues avoisinantes. Cela a permis à l’école de rester ouverte (avec uniquement les enfants de l’immeuble cela aurait été un peu juste) après il y a une limite pour des questions de sécurité on ne peut avoir des effectifs trop importants. Cette école c’est Xenakis qui l’a conçue. Xenakis étant à la fois architecte et musicien, essaie de trouver des passerelles entre ces deux univers. L’école en est une très bonne démonstration puisque chacune de ces vitres représente une note de musique. Ceux sont les notes du moyen âge, les neumes l’école tout entière est une partition de la mélodie que Xenakis compose. Les verres étant différents d’une vitre à l’autre, en tapant dessus avec un instrument adapté on pourrait avoir des tonalités différentes et presque jouer la mélodie directement depuis les vitres. Symboliquement les murs sont une partition. Maxime Roussel : Y a-t-il une autre fonction à la tour des ascenseurs ? Oui, c’est une tour technique, il y a la machinerie des ascenseurs et le réservoir d’eau de l’immeuble. MR : Est-ce qu’il y a dans la Maison Radieuse un cycle résidentiel important dans la partie propriété ? Il y a du mouvement, mais moins que dans la partie locative. Régulièrement il y a toujours 1 ou 2 appartements en vente, en comparant avec les autres immeubles les propriétaires restent un peu plus que dans les grands immeubles classiques. Maintenant les logements ont un aménagement très spécifique des espaces contraints et quand la vie du foyer évolue avec des enfants qui arrivent l’appartement peut se révéler trop petit. Il est conçu pour un type de famille ! MR : Y a-t-il d’après vos informations, un phénomène de gentrification dans la partie propriétaires ? Phénomène que l’on peut constater par exemple à Marseille, où l’on retrouve plusieurs avocats, médecins, architectes … On ne peut pas comparer Marseille et Rezé à ce niveau-là. Ce n’est pas du tout le même esprit, la partie HLM majoritaire préserve la mixité sociale importante. Ce qui fait que dans la partie privée, cela ne s’envole pas vers des prix élevés. Et donc du coup, il n’y a pas comme à Marseille, des logements réservés à des catégories aisées, ou en tout cas, c’est beaucoup moins le cas ici, malgré qu’il y ait beaucoup d’architectes en proportion. Il faut voir qu’ici il y a une situation d’équilibre entre les deux parties : privée et locative. Ce qui fait que le Maison Radieuse est considéré comme la plus réussie dans l’esprit. Celle qui a le mieux mélangé sa population et mieux développé sa vie sociale, et se rapproche le plus du village tel que Le Corbusier pouvait l’imaginer.

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MR : Y a-t-il un phénomène « Je veux habiter au Corbusier ? Dire que l’on a un logement Le Corbusier c’est valorisant pour certaines personnes. Après il y a un phénomène de mode pour les vieux immeubles des années 50 qui ont un attrait pour les grands immeubles construits par de grands architectes. S’ils n’ont pas trop mal vieilli évidement, bien entretenus et devenus des bâtiments protèges. Pour La Maison Radieuse, il n’y a pas que cela, les gens viennent parce que le logement leur convient, le cadre, la situation géographique, Le Corbusier peut être un atout pour certains, pour d’autres c’est secondaire ! MR : Est-ce que beaucoup d’appartements ont conservé leurs aménagements d’origine ? Le cloisonnement oui, surtout dans la partie HLM, plus que dans le privé. Pour le mobilier il n’est pas fourni avec le logement d’office, pas ici. Le mobilier Perriand de Marseille c’est pas la même chose à Rezé. Le seul appartement qui a été meublé, c’est l’appartement-témoin, mais pas qu’avec du Perriand ! Celui-là est resté intact, il est protégé ! Les appartements privés ont été au minimum modernisés (cuisine sanitaire) ; dans la partie privée complètement transformée, mais il y a aussi le phénomène inverse des personnes qui ont un appartement complètement transformé et qui essaient de revenir au style original. À l’époque les moyens étaient très limités ! Et l’économie s’est faite sur le mobilier aussi ? MR : Est que les logements HLM sont dispersés dans le bâtiment ? Oui ! totalement éparpillés ! MR : De quand date la fresque peinte devant l’école ? La fresque est sur des photos des années 80. Elle devrait correspondre à cette période-là. L’école est classée monument historique et donc la fresque est protégée avec, elle nécessiterait un petit nettoyage ! Nous partons dans la 6° rue identique à peu près aux 5 autres ces rues intérieures sont d’immenses couloirs qui mesurent presque 100 m de long avec les numéros pairs d’un côté et les impairs de l’autre comme dans une vraie rue. Vous pouvez voir la présence des boîtes aux lettres. Les postiers passent dans chaque rue pour distribuer le courrier comme dans les rues d’un village. La présence des boîtes aux lettres vous plonge dans un univers différent des immeubles classiques. La grande particularité de la rue est surtout la pénombre qui règne à l’intérieur, même si les rues sont très colorées, on le voit relativement peu parce qu’elles sont très peu éclairées. Cette pénombre n’est pas là par hasard, Le Corbusier l’a voulu ! C’est un moyen pour lui de préserver le calme ! La rue sombre est une rue qui ne sera pas bruyante ! Les passants sont incités à ne pas y rester ! Dans un espace sombre, on n’a pas envie d’y rester longtemps et ça incite à parler moins fort, c’est un réflexe naturel donc moins de bruit pour les voisins. L’autre intérêt plus la rue est sombre plus l’appartement a l’air lumineux. Le Corbusier crée un effet de contraste, une rue très sombre pour un appartement très clair, un appartement radieux c’est de là que vient le nom de La Maison Radieuse. Ce sont les premiers habitants qui l’ont choisi en 1955 avec l’accord de Le Corbusier, qui lui avait choisi un autre nom : C’était » l’Unité d’habitation de grandeur conforme de Rezé Les Nantes ». Ces appartements très lumineux, nécessités pour Le Corbusier, il fallait que les habitants profitent au maximum de la lumière du soleil. Ils sont pour certains orientés plein sud ou pour la plupart d’entre eux orientés traversant d’est en ouest. Ce sont des appartements qui font la largeur de l’immeuble afin de suivre le soleil, malgré la rue qui passe en plein milieu. Quand on voit le couloir qui coupe l’immeuble en deux, on a du mal à voir des appartements traversants ! Et pourtant c’est le cas, puisque Le Corbusier avait conçu des duplex. Les appartements cotés impairs sont des duplex montants, qui traversent au-dessus de nous ; et coté pair les duplex descendants qui traversent sous la rue. On a donc bien à chaque fois une traversée est-ouest. Une rue désert trois niveaux, c’est pour cela qu’il n’y a que 6 rues ! Il y a 17 niveaux, mais 6 rues avec le système de duplex. Les ascenseurs ne s’arrêtent que dans les rues. Les chiffres de l’ascenseur correspondent aux rues pas aux niveaux. (6° rue = niveau 16)

MR : Comment s’organise le duplex descendant ? Dans le duplex descendant c’est l’inverse du montant : on rentre toujours par la cuisine séjour et après vous descendez ou vous montez dans les chambres, la partie traversante étant dédiée aux chambres et aux sanitaires dans l’aménagement originel, car maintenant chez certains propriétaires, il y a eu des aménagements différents, mais dans la plupart du temps cela reste le cas de figure ! MR : Comment du coup ça fonctionne pour les loggias ? La différence, le logement montant a une loggia à l’est au niveau du séjour et un parasoleil entre les deux niveaux et une deuxième loggia à l’ouest. L’intérêt c’est d’avoir une loggia sur chaque façade ! Pour le parasoleil il n’y en a pas au-dessus du séjour. Le montant à cet intérêt pouvoir prolonger son séjour sur l’extérieur (le séjour n’est pas très grand) le descendant a par contre une chambre plus grande Une autre différence le puit de lumière dans l’escalier que vous n’avez pas dans le descendant. Nous allons visiter cet appartement classé « monument historique » resté dans l’état de 1955. Alors que ceux qui sont habités ne sont pas forcément restés dans cet état de 1955. L’appartement-témoin est un 4 pièces qui fait 76 m2, ce qui pour l’époque est une surface très intéressante. Ce n’est pas le seul modèle, cela va du studio au 6 pièces. Le 4 pièces est le plus courant, c’est celui qui va faire référence. C’est un appartement qui rappelle fortement la cabine de bateau, on reste toujours dans cette influence paquebot. C’est un logement qui faut replacer dans son époque. On parlait du séjour qui paraît petit, attention il y a 60 ans c’est une salle à manger uniquement il n’y a pas encore de salon avec la télévision… Pour les familles de l’époque, c’était une surface satisfaisante. Ce sont des appartements conçus avec des normes totalement inhabituelles puisque Le Corbusier avait inventé son propre système de mesure qui s’appelle le Modulor. Tout est calculé à partir de Modulor, c’est un homme de 1.83 m avec des mesures basées sur le nombre d’or. Des mesures qui sont censées être harmonieuses et ceux sont des mesures que l’on retrouve dans le logement. Par exemple le meuble de la cuisine mesure 1.83 m de long. Entre le meuble et le mur, vous avez encore 1.83 m. Une chambre


d’enfant fait 1.83 m de large. Entre les pilotis au sol vous avez 2 modulors d’écart 2*1.83 m à chaque fois. Le nombril à 1.13 m indique la hauteur du garde-corps sur la loggia pour ne pas tomber ! La baie vitrée faite aussi 1.13 m de hauteur le plafond enfin pour prendre un dernier exemple correspond au bras levé 2.26 m. L’idée s’est d’avoir un espace adapté aux postures du corps, en tout cas du corps du Modulor. Ne pas gaspiller l’espace l’optimiser le rendre accessible : si c’est hors de porté c’est un espace qui n’est utile donc le plafond très haut n’a pas de sens dans cette optique-là. Du coup les plafonds sont très bas. Par exemple pour changer une ampoule c’est pratique ! Le Modulor a fait l’objet de nombreuses critiques, mais c’est ce qui explique la conception l’aménagement le hors norme de ces logements. Il y a peu d’architecte qui vont aller à créer leur propre système de proportion ce qui montre à quel point Le Corbusier va loin dans son concept. C’est une façon de penser les choses totales. Il n’y a presque plus rien qui est laissé au hasard. Tout a un sens, tout a une symbolique Le Corbusier ne va pas simplement concevoir un logement il va concevoir un mode de vie ! L’appartement est la traduction de cette façon de vivre que Le Corbusier propose avec une recherche de fonctionnalité très importante et aussi une optimisation de l’espace. Parmi les innovations vous pouvez noter par exemple la cuisine ouverte, aujourd’hui c’est banalisé, mais dans les années 50, c’est une rareté. Cette cuisine ouverte avec le passe-plat, le prototype du mobilier de la cuisine, a été dessinée pour La Cité Radieuse de Marseille par Charlotte Perriand. On va reprendre le modèle en le simplifiant pour Rezé. La cuisine est la seule pièce équipée dans les appartements. Tous les logements ont le passe-plat et le placard ici. Ce sont les seuls éléments de mobiliers intégrés. Le reste des meubles, après, c’était aux habitants de s’équiper. Il n’y a que l’appartement-témoin qui a été équipé au départ parce que c’était le modèle de démonstration. Il y a encore quelques logements qui ont le passe-plat d’origine, mais dans les HLM le mobilier de la cuisine a été modifié. MR : Est-il dans le même esprit ? On peut reprendre l’esprit, mais ce n’est pas du tout le mobilier des années 50 (ils n’ont plus le charme de celui d’origine) et c’est un mobilier des années 80-90 les meubles ont été changés parce qu’abîmés, les gens ne les trouvaient plus adaptés, et à l’époque où ils ont été changés, on n’avait pas conscience de l’intérêt que cela pouvait avoir. Aujourd’hui cela serait des meubles assez recherchés ! C’est une petite cuisine, mais pour l’époque très moderne, très fonctionnelle, même chose avec les placards. Les portes coulissantes ça évite d’être gêné en les ouvrant. On peut laisser les placards ouverts et attraper tout ce dont l'on a besoin, on tourne sur soi-même. Il n’y a pas de déplacement inutile. Le passe-plat évite d’avoir à sortir à chaque fois de la cuisine. Et Le Corbusier avait même prévu de se faire livrer grâce à ce petit placard, une trappe qui traverse le mur, une deuxième ouverture cotée rue qui permettez aux livreurs de déposer le lait, le pain, le journal, par exemple directement chez l’habitant pour une livraison à domicile intégré. On pouvait être absent et tout pouvait être livré dans la cuisine sans que le livreur ait besoin de rentrer chez vous. C’était bien conçu, cela fonctionne plus aujourd’hui. Des innovations il y en a beaucoup d’autres, il y a le chauffage au sol par exemple, pas de radiateur pour optimiser l’espace au maximum. Une isolation plutôt performante pour les années 50, Le Corbusier veut favoriser la vie collective dans les parties communes. Le logement lui doit protéger l’intimité de l’habitant et donc il fallait un minimum d’isolation pour cela c’est la raison pour laquelle vous avez traversé un petit sas avant de rentrer dans le logement. Il y a cette petite entrée qui va venir couper l’appartement de la rue quand on ouvre la porte. Tout comme le double vitrage était aussi présent dès l’origine. Ce qui à l’époque était un luxe. Les murs ont été isolés avec du béton cellulaire. C’était à l’époque assez nouveau. C’est très léger. C’est plein d’air et donc un assez bon isolant. Pour l’époque c’était beaucoup plus réussi que la plupart des grands immeubles qui avaient en général un problème de bruit. Pour aller jusqu’au bout de la protection de l’intimité, à l’extérieur sur la loggia il n’y a pas de vis-à-vis. Ce n’est pas un balcon, c’est une loggia. Il y a une vraie séparation avec l’appartement voisin. Cela reste un espace vraiment privé avec le pare-soleil au-dessus ! La table en béton a été supprimée dans les appartements habités pour que les enfants ne montent pas dessus, par contre la petite étagère blanche a été conservée on l’appelle le diapason ! Le terme renvoi à la musique le diapason est ce qui donne l’harmonie et donc c’est Xenakis qui a dessiné cette étagère à laquelle il a donné ce nom pour faire référence à la musique. MR : Est-ce que Le Corbusier a mis en place une terminologie spécifique (rue intérieure, cellule d’habitation,) ? Il y a des termes vraiment liés et spécifiques il faut parler de rues intérieures et non de couloirs. Le fait de parler d’unité d’habitation et plus d’immeuble de supprimer le terme d’étage. Ici on a des niveaux et des rues. Le terme étage n’est ici pas pertinent ! on parle de machine à habiter avec lui pour designer ce type de concept. MR : Est-ce que cela a été des moyens de promotion auprès de la mairie, de l’office HLM ? Non ce n’a pas été le fait d’utiliser des termes spécifiques, ce n’a pas été un outil de promotion. Ce qui a été le plus important, c’est le concept en lui-même. Le fait d’avoir cette modernité accessible, le but social c’est plus ça qui va faire l’intérêt du projet qu’une terminologie . MR : Est-ce que la formulation des dispositifs fait écho chez le commanditaire ? Le fait qu’il y ait cette terminologie est plus dû au référentiel à l’architecture en elle-même et pas forcement à cette commande sociale et c’est très propre à Le Corbusier. On fait table rase du passé et on repense l’architecture à partir de zéro ou presque. Le fait d’avoir une nouvelle terminologie est aussi un moyen de rompre avec l’architecture conventionnelle. On part sur des nouvelles formes, des nouvelles idées, nouveaux concepts dont on essaie de trouver des nouveaux termes. C’est un moyen de rompre avec l’architecture ordinaire avec laquelle il estime ne pas avoir de liens. Bien qu’il en ait de toute façon. On ne peut pas créer à partir de rien. Il est influencé par tout ce qu’il a connu auparavant. La terminologie est là parce que c’est une nouvelle architecture ! MR : La représentation du Modulor est-elle d’origine dans l’appartement-témoin? La peinture n’est pas d’origine et n’existe que dans l’appartement-témoin. Je vous propose de monter, dans l’escalier vous avez rampe adulte, rampe enfant et marche à trous pour que les bébés s’agrippent. Tout est prévu pour que les bébés puissent mettre les mains dedans et grippé plus facilement.

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Pour terminer avec les dernières explications, vous avez ici la partie traversante, beaucoup plus spacieuse qui ouvre à l’ouest et à l’est pour suivre le soleil comme Le Corbusier le souhaitait ; La sixième rue passe sous nos pieds. Vous avez la chambre des parents cotés est même la suite parentale puisque la salle de bain avec ces deux portes peut être accessible par la chambre, voir à être privatisée par les parents. Les chambres d’enfants côté ouest très étroites à cause du Modulor, mais que l’on peut réunir grâce à la cloison coulissante au milieu. On passe de deux chambres à une salle de jeu par exemple. La cloison coulissante en aussi un tableau, une ardoise géante. On peut dessiner à la craie de chaque côté, mur à dessin pour les enfants. Et il y a le bloc sanitaire avec ces portes de bateau qui rappelle l’univers de la cabine. C’est aussi pour les premiers habitants que la modernité s’incarne là, finalement parce qu’avoir des toilettes et une douche à l’italienne, comme c’est le cas ici en 1955, c’est encore une rareté un luxe, mais un luxe abordable ! Puisque ces logements ont été proposés en location coopérative. C’est spécifique à la maison radieuse, ça n’a pas été le cas dans les autres unités d’habitation. Ici le bâtiment a été commandé par une société d’habitations à bon marché, donc il y a un projet social qui se cache derrière cette construction. L’idée : les premiers habitants allaient payer 15% et ensuite via des loyers accéder de manière progressive à la propriété. Ils étaient locataires pendant un certain temps 65 ans, c’est très long, mais au bout ils devenaient propriétaires ! Cela veut dire que les loyers étaient très faibles parce que le paiement était très étalé. Ceux sont des logements qui malgré leur confort, leur modernité à l’époque était plutôt abordables. Ils n’étaient pas réservés qu’à des familles aisées. C’était tout l’intérêt du projet. Le fait en plus que ce soit une coopérative, ça veut dire que tous les habitants sont liés les uns aux autres. Ils sont tous réunis dans cette coopérative qui renforce le lien social la solidarité et l’autogestion ! C’était très intéressant. Cela n’a pas fonctionné de cette manière dans les autres unités. Le système a évolué dans les années 70. Car la loi Chalandon a interdit la coopérative. Donc les habitants ont dû choisir : soit être locataire soit être propriétaire. C’est pour cela qu’il y a aujourd’hui une partie HLM et une partie privée. 55% HLM 45% privées et qui sont totalement mélangées l’une à l’autre. Il n’y a pas un espace avec les propriétaires et un espace avec les locataires. La mixité reste une réalité ici. Alors que par exemple la Cité Radieuse de Marseille est plutôt un immeuble de propriétaires avec des logements qui coûtent assez cher. Donc il y a très peu de mixité La Cité Radieuse de Marseille alors qu’ici c’est toujours le cas. C’est la raison pour laquelle La Maison Radieuse est souvent considérée comme l’Unité d’Habitation la plus fidèle au concept de petit village et de vie sociale que Le Corbusier avait plus ou moins imaginé. C’est la plus petite, mais dans l’esprit, la plus réussie des 5. Et elle inspire souvent les autres unités d’habitation par rapport aux initiatives de vie collective qu’elle proposait. Les Unités d’Habitations sont réunies dans une fédération » APL » qui s’est réunie à Rezé, la semaine dernière. C’est un moyen d’échanger sur cette vie collective, la façon dont fonctionne l’immeuble et souvent Rezé peut être inspirante pour les 4 autres Unités d’Habitations Pour conclure, je veux vous montrer une photo d’un appartement refait, voilà ce que ça peut donner une fois modifié. Les chambres d’enfants avant après décloisonnées cela change tout ! Ce qui est porteur se trouve entre les logements les structures, par contre à l’intérieur il n’y a que des cloisons en bois. C’est le principe du plan libre. MR : Comment s’organise pour les appartements plus grands ? Les 5 ou 6 pièces il y en a très très peu. Il faut partir de cette cellule et vous débordez sur la cellule voisine pour un 5 pièces vous empiétez sur l’appartement voisin qui devient un 3 pièces ; et si c’est un 6 pièces les deux chambres d’enfants sont intégrées et l’autre appartement devient un 2 pièces. Les studios s’intègrent là il ne peut y avoir d’appartement traversant, ou il y a l’escalier central qui empêche d’avoir cette traversée. MR :Il n’a pas de cellule qui a un double séjour ? Non quelque soit la taille de l’appartement le séjour est le même (de 1 à 5 chambres) MR : Le fait qu’il n’y a pas de rue commerçante, je me pose la question de comment se place les espaces associatifs ? Il y a eu un projet de faire une rue commerçante, mais cela a très vite été abandonné ce n’était pas le souhait de la maison familiale et pour des raisons d’économie, donc il n’y a pas eu de rue commerçante comme à Marseille, mais les espaces ne se trouvent pas dans les rues, mais dans l’escalier central. Cela correspond aux paliers d’ascenseurs dans les niveaux intermédiaires là où l’ascenseur ne s’arrête pas. C’est là que l’on va trouvait les salles communes et l’association dispose d’un appartement. Le fait de libérer de l’espace commerçant c’est pour rajouter davantage de logements et non pas des espaces pour la vie collective. Cela dit à Marseille la rue commençante … L’hôtel fonctionne encore et le restaurant, ce qui était censé être vraiment des commerces à l’époque ne l’est plus vraiment aujourd’hui. Les quelques commerces qui existaient ici sont dans le hall. MR : Il n’y a pas de volets, il n’y a pas de stores ? C’est aux habitants à les installer à l’intérieur. Il fallait que l’isolation soit performante, donc il fallait économiser sur d’autres postes, donc bâtiment réduit dans la largeur, donc logements plus petits avec moins d’aménagements dans le détail qu’à Marseille. Et la Maison Familiale m’ont dit que la rue commerçante ça les n’inverserait pas. MR : Comment Le Corbusier a-t-il réduit les coûts ? Les appartements sont plus petits, du fait de la diminution de la largueur. Mais il ne renie pas tous les postes, par exemple, il voulait avoir une bonne isolation. Il conçoit la Maison Radieuse avec moins d’aménagements qu’à Marseille, ce qui arrange le budget pour la Maison Familiale. MR : Et comment Le Corbusier a réussi à faire financer le toit ? Par la mairie parce qu’il considérait que c’était de l’espace public avec l’école ?


C’est le cas ; au départ le projet de l’école avait été abandonné, pour les mêmes raisons que la rue commerçante. C’est la ville qui a insisté pour qu’il y ait une école. Donc l’école a été faite à la demande de la ville. C’est Xenakis qui a dû la concevoir, car on la rajoute un peu au dernier moment du projet. La mairie va signer un bail emphytéotique qui fait que les locaux de l’école appartiennent à la ville. C’est une école publique, mais sur une propriété privée. C’est un cas particulier ! MR : La phase chantier s’est-elle dérouler dans l’entente entre les parties ? On le voit sur les étapes de la construction. Le bâtiment n’a pas suivi les recommandations de la Maison Familiale, qui souhaiter construire des phases de toutes hauteurs. Cela ne se passera pas cette manière-là. Il y a la colonne centrale qui va accueillir les ascenseurs qui vont être réalisés en premier avec le total des fondations. Mais après, effectivement, c’est par bloc. Les appartements sont quasiment des cellules indépendantes les unes des autres ; donc on peut insérer les cellules au fur et à mesure. On n’est pas obligé de faire soit une colonne, soit juste un niveau. MR : Aurez-t-il pu y avoir 3 étages de plus ? Oui dans l’absolu, mais il fallait rester dans le budget ! Le chantier n’a pas suscité trop de difficultés et c’était très rapide ! Il y avait aussi un précédent, ils avaient fait Marseille, donc c’était plus facile ! MR : Y a-t-il des appartements qui ont été vendus meublés ? Avec la cuisine, mais c’est tout. Le mobilier n’était pas fourni avec le logement en dehors de la cuisine il n’y avait rien ! Le seul qui a été meublé c’est celui-ci ! mais il n’a jamais été vendu pour être habité ! Après les habitants qui vendent leurs appartements meublés même avec du mobilier d’époque, ce n’est pas avec du mobilier fourni. C’est des meubles qu’ils ont achetés. S’il y a moins de choses de fournies, c’est aussi à cause de la contrainte budgétaire, pour baisser le prix d’adhésions des locataires-coopérateurs. On se limite au strict minimum. MR : Merci de la visite et merci d’avoir répondu à mes questions.

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07// ÉCHANGE HABITANTE

AVEC

UNE

Ce document correspond à la transcription de ma rencontre avec Marie-Françoise Nicolas, le 21 mars 2018, à la Maison Radieuse. Cet échange commencé dans le hall s’est poursuivi par une visite de son propre appartement. Ce fut l’occasion pour moi, de connaître l’avis d’une habitante, arrivé enfant et qui vie depuis 58 ans à la Maison Radieuse. On est au 541, j’avais dit ce matin que je ne ferai rentrer personne… Vous rentrez c’est le même genre d’appartement que l’appartement-témoin ; je n’ai pas changé grand-chose ! Sauf que l’appartement-témoin est fait avec des choses des années 55. On a eu des habitantes pour le 50° anniversaire des habitantes qui ont refait en état, même des boîtes de conserve, des choses comme ça. Elles ont cherché la vaisselle de l’époque… MR : Est-ce que vous avez modifié des éléments par rapport à l’appartement-témoin? Ici c’est un appartement qui est habité donc c’est différent. Ici normalement il y a un passe-plat, il y a un meuble ici qui séparait le coin cuisine de la salle. Ça prenait trop de place, j’ai préféré le supprimer pour avoir un plus grand espace. J’ai un fils qui disait « Maman on verra ton bordel » et je lui répondais « ben tant pis ! ». Le problème du passe-plat, c’est que je ne suis pas fait aux dimensions du Modulor donc on ne voyait pas les gens au-dessus ou à travers ! Moi je préfère avoir tout ouvert ! MR : Pourquoi avoir changé les meubles? À l’époque en 1955, on n’avait pas la même notion de la salle de séjour ! Maintenant vous avez la cuisine, vous avez la salle à manger vous avez salon ! À l’époque en 55 il y avait une pièce ! il y avait une grande cuisine qui faisait cuisine et salle à manger… ! À l’époque ça c’était déjà du luxe pour les habitants ! MR : Y a-t-il des différences avec les autres appartements? Tous les appartements sont faits pareils du point de vue structure, au point de vue murs. Que vous ayez un F4, c’est-à-dire 3 chambres que vous ayez un 1, un 2, un 3, un4, un 5, un 6 toute façon c’est la même pièce. Ce sont le nombre de chambres qui va changer ! F4 vous avez 3 chambres ; F5 vous avez 4 chambres, mais avec toujours la même dimension ! On était là dans la rue intérieure, on est rentré ici au 541. C’est un schéma que j’ai fait il y a longtemps. Vous voyez la cuisine est là et là vous êtes dans la salle de séjour. On va monter. On aura le bloc sanitaire en haut on traverse vous avez chambres des parents chambres d’enfants. On appelle ça un traversant parce que la lumière le matin ici et l’après-midi-là ! la lumière des 2 cotés MR : Comment est l’appartement du voisin d’en face? Imaginez si vous rentrez chez mon voisin en face, vous avez le même séjour, mais l’escalier descend et vous retrouvez la chambre des parents, les sanitaires, les 2 chambres d’enfant. Voilà pourquoi on parle de rue et de niveau ce n’est pas un étage ! Pour chaque rue vous avez 3 niveaux ! Toutes les pièces sont exactement les mêmes dimensions. C’est un peu comme des blocs, tout est comme ça. Ça vous donne une idée pour comprendre ! Le plafond il est comme ça, c’est pour absorber les bruits ! C’est d’origine, je n’ai pas changé grand-chose ! Ce qui est avantageux c’est le montant, on a un montant traversant. Là on a un puits de lumière que l’on n’a pas dans les descendants le puits de lumière est très intéressant. Là j’ai une vieille armoire qui gêne un peu, mais que je ne peux pas mettre ailleurs la hauteur ne passe pas (c’est un héritage) MR : Comment sont les chambres d’enfants? On monte, ici vous êtes au-dessus de la rue ! Là c’est les 2 chambres d’enfants. Avec ça, normalement on peut ouvrir et fermer, mais plus maintenant « C’est un peu dézingué » normalement c’est un tableau coulissant qui allait jusque-là ! J’ai un fils qui est assez grand et vous voyez bien que vous ne pouvez pas mettre un lit à 2 places là-dedans ! c’est vraiment fait pour les enfants donc quand il a grandi on a condamné ça. Il y a beaucoup d’appartements qui, quand ils n’ont plus d’enfants, ont enlevé cette cloison, c’est du bois. Ça vous fait une très belle pièce ! Par rapport à Le Corbusier c’est une autre façon ! MR : À quoi correspondent les parties pleines de la baie? Ça, c’est les petites portes, une dans chaque chambre. Les enfants peuvent aller sur le balcon, mais ils ne peuvent pas passer une chaise ou un tabouret ! donc il n’y a pas de danger qu’il passe par dessus du gardecorps ! Par contre il y a une grande porte pour les adultes. C’est une idée comme le tableau, c’est des idées Le Corbusier ! MR : Vous trouvez que l’on entend beaucoup le bruit ? Le plafond n’est pas lisse comme ça, ça absorbe les bruits. Mais si quelqu’un marche avec des talons on entend ! l’insonorisation on a des problèmes ! Mais de mon côté je n’entends pas mes voisins du tout ! Beaucoup de gens on fait des trous dans le béton cellulaire « ça s’est délité » et on entend. Quand mon fils


faisait ses études il y a des soirs il ne pouvait pas travailler il allait de l’autre côté parce qu’il y avait un musicien en dessous, alors je ne vous dis pas …. ! Alors qu’au départ c’était correct, moi franchement de mon côté je n’entends jamais rien ! MR : Et les bruits de la rue entend-on beaucoup les gens ? C’est parce que les gens n’ont pas fermé la porte du sas ! Si vraiment vous fermez, on n’entend pas ! MR : Même avec la trappe qui servait de livraison ? Je vais vous la montrer quant tout est fermé je n’ai jamais été gêné par les bruits de la rue ! MR : Cette espace intermédiaire entre les chambres, vous en faites quoi? Cette pièce-là, pour moi c’est du rangement, mais il y a des gens qui en font un salon, un bureau ou même une chambre avec un petit lit. Après dans la chambre des parents vous pouvez voir le pont de « Cheviré » qui malheureusement n’est plus éclairé la nuit. On descend, vous voyez l’escalier comment il est vous avez des fentes sur les marches, c’est pour permettre aux enfants de monter les marches. Les enfants trouvent facilement cette astuce-là. Ça, c’est idée Corbusier ! Là vous avez une niche qui ouvre sur la rue, parce qu’autre fois, ça a duré pendant 20 ans les gens pouvaient avoir ici le pain. Le boulanger pouvait passer et vous pouviez avoir votre pain à 7h30. Il y avait le boulanger, le boucher si vous aviez commandé ; il y avait le laitier. Vous faisiez votre commande, vous n’avez pas besoin d’ouvrir votre porte il déposait ici, mais cela ne se fait plus. À Marseille ils ont gardé parce qu’ils ont plus d’argents à la 3° rue, c’est une rue commerçante donc ils ont des commerces. Il voulait le faire ici, mais ils n’ont pas eu les moyens. MR : Puis-je voir le balcon? Venez par là sur le balcon, vous voyez les anciennes usines Béguin. Vous avez la Loire là c’est plus Rezé et les autres communes ! C’est la ceinture de Nantes voyez la hauteur que cela représente d’être à la 5°rue. MR : Est-ce que le paysage a beaucoup changé ? Oui parce que là c’est une école de santé pour l’ouest qui s’est construite depuis 3 ans, avant c’était des maraîchers ! Espérons qu’ils vont garder cet espace vert ! mais il y a quatre ans ils avaient prévu 300 logements. Normalement on est monument historique, mais il arrange les lois comme ils veulent ; Dans un périmètre de 500 m, vous n’avez pas de constructions qui sont possibles ! Regardez ce que cela donne ! La hauteur ils n’ont pas le droit d’aller plus haut que cela ! Ça, c’est bien ça ne cache pas la vue ! Là c’est l’école de santé, là c’est un foyer jeune travailleur depuis 7 à 8 ans. Tout cela j’ai connu, vous avez là des restes y a des champs c’était des champs des maraîchers ! Ça a beaucoup changé et ça va continuer à changer, car ils veulent restructurer tout le bourg. MR : C’est quoi ce bâtiment? Vous voyez la petite chapelle Saint Lupien, sur votre droite vous avez une tour en bois c’est ce que l’on appelle un chronographe. Rezé avant était plus important que Nantes du temps des Romains, c’est un musée qui reconstitue tout cela et il est bien fait. Quand ils vendent les billets d’entrée pour ici ils font un prix réduit si vous faites les deux en même temps C’est un musée qui est bien fait, mais ce n’est pas ouvert tous les jours. Vous voyez tous les parkings qu’il y a, en 55 c’était de la terre ! Du fait de rentrer ici il fallait faire un apport financier. Cet apport était placé et c’est ce qui a permis d’acheter les terrains autour et faire les parkings. Après en 72 il y a le ministre Chalandon qui a décrété, c’est un système locataire-coopérateur qui ne devait pas plaire. Les gens ici étaient un peu en autarcie, ça ne pouvait pas aller ! Donc c’était supprimer ce système-là les gens qui étaient-là ont eu à choisir entre partir et récupère leurs mises et soit ils restaient la et récupéraient la mise et devenaient simple locataire. Soit ils achetaient ici. MR : C’était très cher ? Non, c’était donné ! À l’époque , moi je suis arrivée en HLM, on était sous les prix parce que c’était un immeuble qui n’était pas réputé. Les gens disaient « Le Corbusier ! Personne n’était pressé ! On était en dessous du marché ! Moi j’ai acheté en 80 a l’époque quand vous étiez locataire de plus de 5 ans vous pouviez acheter à un prix hors compétition ! En 80 il m’a coûté 7000 francs. C’est plus le cas maintenant l’office HLM veut rester majoritaire ! Comme ça s’ils prennent une décision, on est tous obligés de suivre. MR : Et vous avez une idée de la valeur actuelle ? Alors que maintenant ça vaut 120 000 € minimum. Mais il y a des charges très lourdes ! Si c’est vendu par un propriétaire c’est 140 000, 160000 €. MR : Sans être indiscret, vous payez combien pour les charges? Les charges eau électricité c’est des charges individuelles. Mais l’ascenseur, l’entretien du terrain, le gardien, 220 €/mois sachant que le chauffage collectif est compris, mais il faut ajouter les provisions pour travaux ce qui monte en tout à 280€/mois. MR : Il y a beaucoup de travaux prévus ? Les peintures… ? Pour tous les travaux prévus. On a dû se fâcher avec le syndic il y a trois ans Il faisait un plan, il fallait un plan, il fallait que l’on donne pendant 3 ans pour tous nos travaux 900€/mois. On les a mis à la porte ! On n’a jamais le même interlocuteur à chaque fois c’est pas nous, c’est l’ordinateur ! Cela voulait dire que je ne pouvais pas rester là ! MR : Quand vous avez accédé au logement est ce que vous avez eu la possibilité de l’avoir avec le mobilier Charlotte Perriand ? Jamais aucun appartement ici n’avait le mobilier. Même dans l’appartement-témoin il y a de petites choses. Mais vous savez bien même le fauteuil Le Corbusier ça vaut ! Non non ! Dans cet appartement il y avait le passe-plat qui ont était refait. C’est des appartements dans lesquelles il faut qui peu de choses pour les meubler !

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MR : Comment est la mixité sociale ? Parmi toutes les unités qui existent, je pense que c’est celle, qui a gardé le plus de mixité sociale ; ici toutes les professions sont représentées et on a les HLM. MR : Parce que je sais que Marseille est devenu BOBO , avec des avocats, des médecins, des architectes… Pas ici ! Parce que la majorité est locataire ! HLM Atlantique Habitation. Attention il y a aussi des propriétaires qui louent, mais à des prix différents ! Ici on ne fait pas la différence, si quelqu’un a envie de faire quelque chose c’est OK. MR : Et la situation serait à l’inverse à Briey ? Et à Firminy ? Oui c’était l’assemblée générale de la fédération des habitants des Corbusier. Avant là bas, oui la population était assez pauvre et c’était dégradée, mais c’est tout en redressement maintenant, il y a eu une époque où ils ont même fermé une partie parce que ce n’était plus habité et que la population était paupérisée. La Firminy est vraiment en train de revenir ! MR : Parce qu’il y a eu une politique de rénovation ? Voilà et c’est redevenu intéressant d’y habiter ! Ici il y a eu une continuité dans cet esprit-là. Mais Firminy et Briey ont eu cette phase de problème. Berlin est un peu à part, elle est beaucoup plus longue ça fait couloir d’hôpital ! MR : Merci de votre temps et de vos dons pour ma documentation.


08// ARCHIVES PERSONNELLES RÉCOLTÉES DURANT MES RECHERCHES

Annexe 8.1: AHMR, Liste des associations de la Maison Radieuse, Affiche photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’orgine A4, 23 mars 2018.

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Annexe 8.2: Cardot, Véra, Joly, Vue d’ensemble, Toit-terrasse, Vue de l’école, Photographies, Rezé, Format d’orgine inconnu ; in Frampton, Kenneth, Le Corbusier, Vanves, Hazan, 1997 (Architecture), p.128.


Annexe 8.3: Le Corbusier, Élévation façade Est, Élévation numérisée d’originaux, Nantes, Format d’origine 5132 x 4049 dpi, Référence 01669, conservé à la Fondation Le Corbusier, Paris.

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Annexe 8.4: Le Corbusier, Conditionnement d’air (schématique) Coupe Transversale (2504), Coupe schématique, Archive municipale de la Ville Rezé, Format d’origine inconnu, 16 février 1951


Annexe 8.5: Le Corbusier, Élévation des duplexs, Élévation photographiée par Maxime Roussel, Nantes, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Corbusier, Unité d’habitation, Rezé-lès-Nantes, Paris, Fondation Le Corbusier, 1983.

Annexe 8.6: Le Corbusier, Perspective du bâtiment, Perspective numérisée originale, Nantes, Format d’origine 4195 x 3503 dpi, référencé 02117, Paris, conservé à la Fondation Le Corbusier.

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Annexe 8.7: Le Corbusier, Plan de l’entrée du bâtiment, Plan photographiée par Maxime Roussel, Nantes, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Corbusier, Unité d’habitation, Rezé-lès-Nantes, Paris, Fondation Le Corbusier, 1983.

Annexe 8.8: Le Corbusier, Élévations Nord et Sud du bâtiment, Élévation photographiée par Maxime Roussel, Nantes, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Corbusier, Unité d’habitation, Rezé-lès-Nantes, Paris, Fondation Le Corbusier, 1983.


Annexe 8.9: Le Corbusier, Détails de la loggia, Coupe et élévation photographiée par Maxime Roussel, Nantes, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Corbusier, Unité d’habitation, Rezé-lès-Nantes, Paris, Fondation Le Corbusier, 1983.

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Annexe 8.10: Couvereur, Jean, Inaugurée aujourd’hui par M. Roger Duchet La “Cité Radieuse“ de Rezé offre à l’homme moderne un cadre à la mesure de son temps, Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Monde, 3 juillet 1955.


Annexe 8.11: Auteur inconnu, À Rezé-lès-Nantes Le Chantier de Construction du “bloc Le Corbusier“ a été officiellement inauguré, Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; La Résistance de l’Ouest, Date inconnue.

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Annexe 8.12: Auteur inconnu, 294 Familles logées dans la nouvelle “Cité Radieuse“ de Nantes, Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; France-Soir, 41 mars 1955.


Annexe 8.13: Auteur inconnu, Photos de chantier, Photographies anciennes photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Fondation Le Corbusier / Archives de la Ville de Rezé, env 1954.

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Annexe 8.14: Auteur inconnu, Photos de chantier, Photographies anciennes photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Fondation Le Corbusier / Archives de la Ville de Rezé, env 1954.

Annexe 8.15: Roussel, Maxime, L’entrée, Photographie, Rezé, Format d’origine 12,5 x 3,39, 23 mars 2018.


Annexe 8.16: Cardot, Véra, Joly, Vue d’un appartement, Vue de l’étang, Photographies, Rezé, Format d’origine inconnu ; in Frampton, Kenneth, Le Corbusier, Vanves, Hazan, 1997 (Architecture), p.129.

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Annexe 8.17: Agence Rue de Sèvres, Discription du projet pour Mr Pingusson, Texte dactylographié, Paris, Format d’origine A4, 4 février 1954, Référence M3-4-34-001 ; Fondation Le Corbusier


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Annexe 8.18: Agence Rue de Sèvres, Texte de le conférence de presse du 15/06/1955, Texte dactylographié, Paris, Format d’origine A4, 15 juin 1955, Référence P5-6-117-001 ; Fondation Le Corbusier


Annexe 8.19: Le Corbusier, Élévation Ouest du bâtiment, Élévation photographiée par Maxime Roussel, Nantes, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Corbusier, Unité d’habitation, Rezé-lès-Nantes, Paris, Fondation Le Corbusier, 1983.

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Annexe 8.20: Diricq, Maurice et Robert, René, L’immeuble de la coopérative d’HLM de Nantes-Rezé (294 logements au-dessus d’un parc de 3 hectares) Est-ce-l’habitation idéale de demain?, Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Le Parisien libéré SPÉCIAL, 4 juillet 1955, p. 8.

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Annexe 8.21: Auteur inconnu, La cité qui s’achève à Rezé (Loire-Inférieure), Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; La Région, Date approximative janvier 1955.

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Annexe 8.22: Auteur inconnu, La construction de l’immeuble “Le Corbusier“ dans la banlieue nantaise, Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Ouest-France, 13 janvier 1953, p. 7.

Annexe 8.14: Auteur inconnu, Une nouvelle cité Le Corbusier inspirée en plus modeste de la “Cité Radieuse“ de Marseille dressera bientôt ses 17 étages à Rezé, Article de presse photographiée par Maxime Roussel, Rezé, Format d’origine inconnu, 23 mars 2018 ; Ouest-France, 23 janvier 1952.

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Annexe 8.23: Maison Familiale, Règlement intérieur, Texte dactylographié et annoté, Rezé, Format d’origine A4, 1968, référence P(-6-177-001, conservé à la Fondation Le Corbusier.

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Annexe 8.24: Retière, Gilles, La Maison Radieuse, Dépliant, Rezé, Format d’origine 21 x 39,6, env décembre 2010, Mairie de Rezé.

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Annexe 8.25: Beaugé, Anne, La Maison Radieuse Le Corbusier Architecte, Dépliant, Rezé, Format d’origine 21 x 39,6, 2015, Mairie de Rezé.

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Annexe 8.26: AHMR, ICI CORBU Journal des habitants de la Maison Radieuse (Hors-série), Journal, Rezé, Format d’origine 21 x 29,7, mars 2018, Maxime Roussel.

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Annexe 8.27: AHMR, ICI CORBU Journal des habitants de la Maison Radieuse (Édition spéciale n°60), Journal (première et quatrième de couverture), Rezé, Format d’origine 21 x 29,7, avril 2015, Maxime Roussel.

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Annexe 8.28: Guillard, Alain, Rénovation d’un logis privé, Photographie, Rezé, Format d’origine inconnu ; in Ville de Rezé, La Maison Radieuse, Le Corbusier Architecte, Paris, Ville de Rezé, 2005.

Annexe 8.29: Cartron, Dany, Vue de la lingerie, Photographie, Rezé, Format d’origine inconnu ; in Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015.

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Annexe 8.30: Cartron, Dany, Photographies des couvertures, Photographie, Rezé, Format d’origine inconnu ; in Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015.

Annexe 8.31: Hervé, Lucien, Vues de l’école et des chambres d’enfants, Photographie, Rezé, Format d’origine inconnu ; in Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015, p. 60-61 et 70-71.

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Annexe 8.32: Amouroux, Dominique, Plans des typologies de logis, Plan, Rezé, Format d’origine 21 X 31cm ; in Amouroux, Dominique, La Maison Radieuse de Rezé, Rezé, Ville de Rezé et CAUE Loire-Atlantique, 2015, p. 52.

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Annexe 8.33: AHMR, R. Fichet, Cartes postales du cinquantenaire, Carte postale, Rezé, Format d’origine 15 X 10,5cm ; in Fondation Le Corbusier, 2015.

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Through the study of the Maison Radieuse of Rezé, as well as the related documents. This memoir tends to testify to Le Corbusier's particular approach to collective housing, given its history and its participation in the international concrete of modern architecture. He uses as a basis for questioning the article by Dominique Amouroux entitled Une célébrité mal-connue la Maison Radieuse de Rezé and the work of Anatole Kopp, Quand le MODERNE n’était pas un style, mais une cause. All these documents make it possible to understand and put in perspective the Maison Radieuse of Rezé, through its positioning in the face of post-war reconstruction in France, but also to link it to its ideological kinship of inter-war period.

The analysis takes place especially in view of the founding texts of the modern movement that are the Charte d’Athènes and the Declaration of Sarraz written by Le Corbusier. To another extent, this writing wishes to place the realization of Rezé in the concept process of the « Machine à Habiter".

The whole of this pathway through The Maison Radieuse leads to a definition of the social approach, at the level of the individual and the collective, at Le Corbusier, within the Unité d’habitation de grandeur conforme


À travers l’étude de la Maison Radieuse de Rezé, ainsi que les documents qui s’en rapportent. Ce mémoire tend à témoigner de l’approche particulière du logement collectif chez Le Corbusier, au regard de son parcours et de sa participation aux concrets internationaux d’architecture moderne. Il utilise comme base de questionnement l’article de Dominique Amouroux intitulé Une célébrité mal-connue la Maison Radieuse de Rezé et l ’o u v r a g e d ’A n a t o l e K o p p , Quand le MODERNE n’était pas un style, mais une cause. L’ensemble de ces documents permet de comprendre et de mettre en perspective la Maison Radieuse de Rezé, à travers son positionnement face à la reconstruction d’après-guerre en France, mais aussi de le r a t t a c h e r à s a fi l i a t i o n idéologique de l’entre-deux guerre. L’analyse s’opère en particulier au regard de textes fondateur du mouvement moderne que sont la Charte d’Athènes et de La Déclaration de la Sarraz écrite par Le Corbusier. Dans une autre mesure, cet écrit souhaite replacer la réalisation de Rezé dans le processus de concept de la « Machine à Habiter ». L’ensemble de ce cheminement à travers La maison Radieuse conduit vers une définition de l’approche du social, à l’échelle de l’individu et du collectif, chez Le Corbusier, au sein de l’unité d’habitation de grandeur conforme.


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