Rockin'Laval

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Une histoire du

ROCK Laval à

1960-2000

Hors série


prpéréffaaccee Pour une socio-histoire des musiques éléctroamplifiées vues d’en France

C

e livre est une aventure originale initiée par l’ADDM 53, qui s’est associée pour ce projet à trois institutions : la ville de Laval et son service des musées, et à travers mon accompagnement sociologique et muséographique : le CNRS et le musée des musiques populaires de Montluçon. Ce travail collectif s’appuie sur des jeunes trentenaires passionnés, qui ont accepté de se défaire des idéologies et présupposés habituels qui obscurcissent les chemins de la réflexion sur l’histoire sociale des musiques amplifiées . La règle d’or de cette recherche fut de toujours remonter aux sources les plus anciennes, de chercher à reconstituer des réseaux, de se méfier de ce qui brille et d’explorer les coins ombragés des mémoires collectives, enfin de rencontrer le maximum d’acteurs qui pouvaient apporter leurs témoignages. Ainsi cette enquête fut l’occasion de rencontres très concrètes entre des « anciens » et des jeunes, la dimension intergénérationnelle ne fut pas un mot mais une attitude de travail, rencontrer, découvrir et écouter furent nos mots d’ordre. Ces deux années de travail de terrain ont été rythmées par des réunions souvent très électriques, jamais complaisantes, respectueuses des contraintes d’une démarche scientifique, faite de doutes, de découragement, de vérifications, de réorientations, d’analyses collectives et de synthèses. Il y a aujourd’hui urgence et nécessité de faire une socio-histoire des musiques amplifiées : des générations d’acteurs qui ont contribué aux fondations des temps pionniers amplifiés disparaissent, emportant les souvenirs des musiques populaires qui ont fait la vie quotidienne des quartiers, des villes, sans que des traces en soient conservées comme on le fait couramment pour les musiques dites savantes. Effectivement le bal, le rock ont très peu de légitimité institutionnelle (de très rares travaux historiques sérieux) et pourtant ce 1. La notion de « musiques amplifiées ou musiques électro-amplifiées », que mes enquêtes m’avaient amené à définir dès 1989, s’est avérée très opératoire pour la suite de mes recherches, mais aussi pour un certain nombre de politiques municipales et d’associations qui ont travaillé et bâti des services publics innovants en utilisant cette définition. Ce terme ne désigne pas un genre musical en particulier, mais se conjugue au pluriel, pour signifier un ensemble de musiques qui utilisent l’électricité et l’amplification sonore électronique comme élément plus ou moins majeur des créations musicales et des modes de vie (transport, stockage, conditions de pratiques, modalités d’apprentissage…).

sont des formes musicales dominantes qui contribuent au bonheur de la vie sociale à maints égards. Comme toutes les cultures orales, sans travail de collecte, elles sont souvent vouées à être sous-estimées, oubliées. Ainsi tous les liens entre les mondes du jazz, du bal, du rock passent aux oubliettes au profit d’une histoire « purifiée », « authentique » mais malsaine car porteuse de révisionnisme culturel. Ce travail novateur n’est pas isolé, il s’inscrit dans un mouvement récent de création d’une socio-histoire des musiques amplifiées vues d’en France, et non une histoire du rock américain ou anglais qui nous est servie comme si elle était notre propre histoire. Ce beau livre contribue humblement, mais de façon décisive, à réaliser une histoire de ces musiques dans leurs usages ici, hier et maintenant. Quelques passionnés font ce travail de recherche de traces et d’archives au niveau d’une ville, d’une région : à Bordeaux, Nantes, Brest, en Alsace, en Isère, en Normandie, comme je l’ai fait en collaboration avec des acteurs locaux à Saint-Germain-en-Laye, Dunkerque, Montluçon, Annecy, Tulle, Limoges et au Blanc-Mesnil. Grâce à l’accumulation de ces monographies locales, un jour un travail de comparaison et de synthèse permettra de proposer une géographie sociale et culturelle des musiques amplifiées en France. Cette recherche explore comment des cultures musicales venues d’ailleurs ont rencontré celles d’ici, quelles sont les particularités de ces phénomènes d’appropriation, d’adaptation, quels en sont les acteurs, dans quels espaces et dans quelles dynamiques. Nous avons aujourd’hui le recul nécessaire pour faire des biographies qui permettent d’étudier des processus, des carrières, des cheminements. Il faut travailler à la déconstruction des stéréotypes qui assimilent trop facilement des catégories sociales et d’âges à des esthétiques, à des cultures matérielles ; des stéréotypes qui cultivent une logique de frontière entre genres musicaux. Ce livre nous invite à découvrir

À la différence des musiques acoustiques qui nécessitent l’appoint ponctuel de sonorisation pour une plus large diffusion, les musiques amplifiées sont créées, jouées à partir de la chaîne technique constituée par : - des guitares, basses électriques ; claviers, batteries électroniques, micros, platines, samplers, ordinateurs, - les préamplificateurs et les effets électroniques (travail sur les fréquences et les effets sonores, de plus en plus caractérisé par un usage abondant des basses, des graves et extrêmes graves), - les amplificateurs et haut-parleurs ; la question de la puissance, de la pression sonore, du volume spatial et social rempli par le son produit. 2. « Sociologies des musiques populaires », Réseaux – communication.technologie. société – Ed Lavoisier, Paris 2007.


la complexité des cheminements socio-musicaux et la porosité des esthétiques. Ce travail sur la mémoire contribue en quelque sorte à accorder une légitimité nouvelle à cette grande aventure humaine du 20e siècle, qui ne peut-être réduite uniquement à ses dimensions économiques et spectaculaires, qui sont en général célébrées. Cette sociohistoire des musiques amplifiées prend en compte l’interaction entre toutes les dimensions : les publics, les acteurs (musiciens, vendeurs de disques, d’instruments, les ingénieurs du son, les luthiers, les diffuseurs : du bar rock local au mythique Golf Drouot parisien), les politiques publiques nationales ou locales, les musiques électro-amplifiées dans leur diversité. Ce livre est un témoignage brûlant pour comprendre que les parcours des musiciens et groupes amplifiés appartiennent à d’autres logiques que celles des orchestres classiques, que ces musiques émergentes hier et devenues traditionnelles aujourd’hui ont développé leurs propres modes de transmission, leurs formes d’enseignement basées sur la réputation et non sur le diplôme. Le vaste et complexe monde des musiques amplifiées dans ses certitudes, ses angoisses, bonheurs et contradictions est très finement décrit dans ce livre à partir du terrain lavallois, qui a été témoin de la vitalité de quasiment tous les types de familles amplifiées. Avec cet ouvrage, il ne s’agit pas de participer au concours de la ville la plus ou la moins rock, mais de témoigner de l’émergence et de l’installation de nouvelles valeurs, mœurs et coutumes musicales, ancrées dans la vie ordinaire, ici à Laval et dans ses environs, dans un contexte national et international électrique. En effet, les musiques populaires et leur mode de socialisation sont, dans la seconde partie du 20e siècle, le théâtre de grands bouleversements. Le phénomène sociologique des groupes de guitares électriques autodidactes et auto proclamés musiciens est dès le début des années 60 une première grande manifestation de l’entrée de la jeunesse comme acteur autonome dans ce paysage musical. En quelques décennies « un processus de musicalisation électro-amplifiée des mœurs » va parcourir et pénétrer tous les milieux de la société française et tout particulièrement les espaces domestiques. Les processus de sociali-

sation musicale et de transmission vont se modifier : d’un schéma vertical qui part du haut, des institutions éducatives, des classes sociales privilégiées pour se diffuser vers le bas, ou bien encore des parents vers les enfants et les adolescents, on assiste à une inversion. Les modèles populaires, ceux de la jeunesse vont en quelques décennies s’imposer et se diffuser du bas vers le haut. Ces modèles vont également s’inscrire dans la durée à l’échelle de la vie des personnes entrées en musiques amplifiées dans leur jeunesse. Ce livre et l’exposition qui l’accompagne renseignent sur les sociabilités, sur les modes de vie (la question des loisirs, du défoulement, du divertissement, la culture du potentiomètre), sur le rapport aux espaces publics et privés (les usages sonores, vibratoires qui transgressent l’ordre des murs), sur les rapports au corps (pratiques sonores paroxystiques, cultures décibéliques et vibrationistes, stylisation des apparences), sur la définition des domaines artistiques (du rock’n’roll au rock progressif, du punk à toutes les familles du métal), sur les aspects économiques (autoproduction/artisanat, faire le bal, achat d’instruments…), et enfin sur les rapports sociaux (la contestation, l’auto organisation, les circuits alternatifs). La musique est souvent pensée en oubliant les musiciens en chair et en os, ou en laissant dédaigneusement de côté les outils, les lieux, contextes sociaux et physiques. Ce travail de mémoire, engagé avec Rockin’Laval, est l’occasion de remettre de façon sensible au centre du débat les musiciens et les publics. Marc Touché Sociologue au laboratoire Georges Friedmann UMR 8593 CNRS, chargé de mission auprès du musée des musiques populaire de Montluçon et du MuCEM.


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out commence avec un numéro du magazine Tranzistor. En décembre 2005. Un dossier consacré à ce bon vieux rock’n’roll nous fournissait l’occasion d’écrire un article sur l’histoire du rock à Laval. Les ignares que nous étions découvraient alors, qu’outre les Why Ted ?, ex-gloires locales dont les exploits étaient parvenus jusqu’à nos oreilles, la cité du Douanier Rousseau et de Michel Le Milinaire avait abrité les merveilleux Blue Valentines, les mystérieux Réseau d’Ombres, les so british Lords ou les Shouters… Certes, aucun d’entre eux n’était entré au panthéon du rock, mais on devinait qu’il y avait, derrière ces noms délivrés par nos « informateurs », quelques aventures qui méritaient qu’on s’y attarde. Et lorsqu’en poursuivant nos investigations, nous découvrions ces photos, ces vinyles ou ces cassettes exhumés de leur sommeil, une étincelle dans l’œil, par quelques passionnés, nous nous rendions à l’évidence : il fallait faire quelque chose de cette histoire, dont les premiers témoins sont aujourd’hui de fringants sexagénaires. Sous l’égide de Marc Touché, sociologue au CNRS et spécialiste de l’histoire des musiques amplifiées en France, débutait en avril 2007 un travail de recherche qui allait s’achever en juin 2009. Au cours de ces deux ans, nous allions remonter le fil du temps, fouiller plusieurs décennies d’histoires personnelles et collectives, suivre, tels des détectives, des pistes qui nous emmèneraient parfois à l’autre bout du département, voire de la France et même à l’étranger, et réaliser 120 entretiens, filmés dans leur grande majorité. En complément de ces interviews, ont été dépouillées près de 30 années de presse locale (Ouest-France et le Courrier de la Mayenne), soit environ 10 000 journaux feuilletés… Ah ces longues après-midi passées aux archives départementales à désespérer de trouver le moindre entrefilet causant un tant soit peu de rock’n’roll ! Véritable enquête (avec témoins, indices et filatures), ce travail d’investigation nous a permis d’établir un fichier contacts de 400 « noms » de l’histoire du rock à Laval entre 1960 et 2000. Notre recherche s’est en effet limitée à ces quatre décennies, les années 2000 nous semblant trop proches pour offrir le recul nécessaire.

Pour ce livre comme pour l’exposition qui l’accompagne, l’objectif n’est pas de retracer dans le moindre détail la chronologie de l’histoire du rock lavallois, ni de s’en tenir au strict cadre local. Parce qu’il n’y avait pas la matière, arguerons les esprits chagrins, peut-être, mais surtout parce qu’il fallait se garder d’assommer les lecteurs avec un abécédaire rébarbatif, un catalogue de noms et de dates n’intéressant finalement qu’une poignée de connaisseurs. Au risque de ne pas être exhaustifs et peut-être de générer quelques frustrations, nous avons préféré construire un récit où viennent s’imbriquer les histoires de groupes, de lieux ou d’associations qui nous semblaient représentatifs d’une époque, d’un tournant majeur ou d’un courant musical… Ce livre dit ce que l’histoire du rock avec un grand H oublie parfois de raconter : ces pionniers oubliés qui, faute d’instruments, fabriquent au début des sixties leurs propres guitares électriques, ces bals où l’on écoute du Jimi Hendrix, ces locaux de répétition aux sous-sols des pavillons, ces mamans qui s’improvisent impresario du groupe de leurs fils, ou ces fermettes louées à la campagne où l’on fait « péter les watts », loin de tout… Bref, il s’agissait aussi de parler du rock au quotidien, d’évoquer ces galères et ces plaisirs, ces passions et ces amitiés que tisse la musique entre quelques êtres humains, qu’ils s’appellent les Rolling Stones ou les Martiens… Et si Rockin’Laval raconte le rock « vu de l’intérieur », c’est toujours en mettant cette épopée en perspective avec la « grande » histoire du rock, et en la replaçant dans le contexte social, culturel, politique dans laquelle elle s’inscrit. « Produit » de son environnement, le rock pose des questions à la société, dont il révèle les évolutions dans son rapport à la jeunesse, à la différence, aux cultures populaires ou à la contestation... Au fil des six chapitres de ce livre, se dessine en creux le portrait, inédit, d’une ville qui se révèle bien plus rock’n’roll qu’elle n’en a l’air. Sous ses allures paisibles, Laval is rockin’ ! Pour l’équipe de Rockin’Laval, Nicolas Moreau Chargé de mission à l’ADDM 53


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Du rock à Laval ? » Généralement, il y a un mélange de sincère incrédulité et de mépris rieur dans cette question, qu’elle vous soit posée par un Bordelais, un Rennais ou un Lavallois pure souche. C’est qu’a priori, Lavalla-paisible et sa tranquillité légendaire paraissent peu propices aux distorsions des guitares électriques. Sur la carte du boucan binaire hexagonal, la cité mayennaise figure en petits caractères, à l’ombre de ses encombrantes voisines, Angers, Rennes ou Nantes. Et pourtant comme bien d’autres villes moyennes, Limoges, Nevers ou Besançon, Laval a une histoire avec le rock. Une liaison faites de coups de foudre et de divorces, de passions et de désillusions, avec ses tournants et ses ruptures, et ses quelques 130 groupes , dont certains ont flirté avec la gloire. Notre histoire commence au début des swingin’sixties. Alors que le twist fait danser les baby boomers, les Dragons et autres Volcans brûlent les planches du Rallye Renaise et des salles de patronage des environs. Bientôt les guitares électriques envahissent le bal et mettent l’accordéon en quarantaine. Les Lords jouent les Kinks ou les Stones sur les estrades des balluches, tandis qu’à l’aube des années 70, les Shouters deviennent l’un des groupes les plus renommés de l’Ouest. Avec eux, comme avec Alan Devis Group ou les Shadoks, le hard rock de Deep Purple ou le rock psyché de Pink Floyd s’invitent aux bals du samedi soir. À la fin des seventies, les années pop font pschitt : retour au rock pur et dur. Les gamins de Détritus reçoivent la vague du punk en pleine figure, pendant que Réseau d’Ombres torture ses synthétiseurs pour en extraire une musique hypnotique et glaciale, aujourd’hui « culte » pour les amateurs du genre. Puis viennent les « années dorées », celles des caf’conc’ et de l’explosion du rock en France, des Blue Valentines, des Why Ted ? et des Euphoric Trapdoor Shoes qui,

dans la seconde moitié des années 80, entraînent dans leur sillage de nombreux groupes et un petite tribu de rockers acquis à leur cause. En 91, Nirvana publie son second album, Nevermind. Le choc est planétaire et déclenche de nombreuses vocations, à l’image des Twirl Comics et de leur petits frères de Sold Out. En parallèle, se développe une scène métal active et passionnée. Et tout ce petit monde se croise à Créazic, la rock’n’roll high school lavalloise, au festival des Éclats du rock ou au bar des Artistes... À Liverpool comme à Laval, à Brest comme à Seattle, on fait du rock pour les mêmes raisons : crier sa colère, devenir une star, passer du bon temps ou plaire aux filles… Mais chaque ville imprègne de sa marque, de ses sons, de son atmosphère les chansons des musiciens qui y vivent. Comme les rockers, qui depuis plus de 50 ans recyclent et s’approprient les trois éternels accords de Chuck Berry, chaque ville raconte son histoire du rock, invente ses mythes… Et chacune de ses histoires est une aventure humaine, avec ses épisodes roc(k)ambolesques, ses hauts-lieux, ses actes de bravoure et ses personnages, héros ou anonymes, qui souvent ont vécu « le rock comme un appel à mener une autre vie  ». Du twist des Dragons, baby boomers tirés à quatre épingles, au métal fusion des Extra Sound, marmots en pantalons larges et tee-shirts XXL, il y a un monde : 40 ans. Quatre décennies qu’explorent ces quelques 170 pages. Grimpez sur le porte-bagage des mobs des Volcans, embarquez à bord de la camionnette des Shouters ou du van des Twirl Comics et montez le son à fond, direction rock’n’roll !

. Groupes recensés à l’issue des recherches menées pour Rockin’Laval. Le nombre de groupes lavallois créés entre 1960 et 2000 est sans doute largement supérieur à ce chiffre. 2. Dictionnaire du rock, sous la direction de Michka Assayas, Robert Laffont, 2001.



Après avoir envahi les États-Unis et l’Angleterre, le rock’n’roll débarque en France à la fin des années 50. Les enfants du baby boom s’émancipent au son des amplis. Les disques, les transistors, les magazines se font le relais de ce qui ne devient pas seulement le nouveau style musical à la mode, mais le symbole d’une génération. Le rock’n’roll est sa nouvelle identité, il rassemble les espoirs, les rêves et les révoltes de l’adolescence. Les groupes de rock se multiplient et l’onde de choc du twist frappe aussi la Mayenne, département rural encore pauvre, qui s’industrialise peu à peu.


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u beau milieu des années 50, aux ÉtatsUnis, la jeunesse est née dans un accord de guitare électrique. Comme si soudain, dans ce monde d’après-guerre, l’électricité se faisait le vecteur d’une nouvelle liberté, l’annonciatrice d’un avenir plus serein. Les enfants nés après le conflit mondial, au cœur du baby boom, sont devenus des adolescents, et c’est un monde tout neuf qui semble s’offrir à eux. En effet, après la deuxième guerre mondiale, le quotidien s’améliore pour les ménages, c’est le bon temps du plein emploi, en Amérique du Nord comme en Europe. Les adolescents ont désormais de l’argent de poche, accédant ainsi au statut de consommateurs. Très vite, la société s’adapte et une nouvelle culture destinée aux jeunes voit le jour. Les teenagers s’identifient à Marlon Brando dans son blouson noir, faisant rugir sa Triumph Thunderbird dans L’Équipée sauvage en 1953, ou à James Dean, sa vague révolte et son destin tragique. C’est dans ce climat qu’apparaît le rock’n’roll, le 5 juillet 1954, au moment où un jeune Blanc de dix-neuf ans originaire du Mississippi, nommé Elvis Aaron Presley, enregistre la chanson « That’s All Right (Mama) » aux studios Sun de Memphis. Le lendemain, le producteur Sam Phillips apporte l’enregistrement au DJ de la station WHBQ, qui le passe quatorze fois de suite. Du moins, c’est ce que dit l’histoire officielle . Mais il n’y a que John Lennon pour croire qu’« avant Elvis, il n’y avait rien ». D’ailleurs cette chanson, « That’s All Right (Mama) », est une reprise, certes exaltée, d’un blues d’Arthur Crudup datant de 1946. Le blues des Noirs Américains, avec la country des Blancs, sont les deux influences majeures du rock’n’roll.

Une naissance en noir et blanc Le blues est apparu dans le Sud des États-Unis à la fin du 19e siècle, né du mélange de plusieurs cultures musicales : celle des esclaves noirs jouant du violon ou du banjo, ou improvisant des chants de travail, mais aussi celle des paysans français d’Acadie, les Cajuns, expulsés du Canada par les Anglais . Les bayous de la Louisiane résonnent des rythmes conjugués des Afro-Américains et des Cajuns : . Dictionnaire du rock, sous la direction de Michka Assayas, Robert-Laffont, 2001, article « Elvis Presley ». . Dictionnaire du rock, op. cit., article « Blues ». Le rock des pionniers

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de cette mixité naîtront le jazz et le blues, qui se forgeront principalement dans le delta du Mississippi. La musique country naît dans les Appalaches au 18e siècle, de la rencontre entre la tradition musicale des immigrants irlandais et écossais, et celle des chants d’églises baptistes . Jouée avec une guitare souvent accompagnée d’un banjo à cinq cordes, d’un violon et d’un dulcimer, la country se développe au cours des années 20 et 30. Des salles sont construites pour que les musiciens fassent danser les foules, et les orchestres s’agrandissent. À Nashville, le Grand Ole Opry, diffusé sur les ondes radiophoniques, achève de populariser le genre. Les premiers enregistrements de country et de blues datent des années 20. Le blues comme le jazz et le gospel sont alors classés sous l’appellation race music (musique raciale), ces disques s’adressant exclusivement au public afro-américain. Nous sommes encore loin des lois anti-ségrégationnistes des années 60. À la fin des années 40, il n’est plus question de race music dans les magazines spécialisés, mais de rhythm’n’blues . Ce genre se distingue du blues par son tempo plus rapide et l’importance donnée à la batterie. Le saxophone est au premier plan des formations de rhythm’n’ blues, ainsi que le piano ou l’orgue Hammond, et les . Ibid., article « Country (Musique) ».

. Ibid., article « Rhythm’n’blues ».

Robert Johnson à gauche. Ce guitariste de blues américain (1911-1938) est cité comme une influence majeure par de nombreux artistes, parmi lesquels Jimi Hendrix, Bob Dylan ou les Rolling Stones. La poésie sombre de ses textes, son destin tragique et la légende selon laquelle il aurait vendu son âme au diable pour jouer de la guitare avec une telle virtuosité ont contribué à faire de lui une figure fondatrice du rock’n’roll. Photo droits réservés

Elvis Presley Élevé dans le Mississippi et le Tennessee, où se croisent les cultures musicales blanches et noires, Elvis Presley (1935-1977) est l’homme par qui le scandale arrive. Ses déhanchements jugés « obscène », sa musique électrique sauvage, deviennent grâce à la télévision et à la radio, le symbole d’un nouveau son, d’une nouvelle attitude : le rock’n’roll Photo Fotoblitz/Stills/Gamma

les dragons Page précédente, à gauche. En 1961. De gauche à droite : Christian Bonhommeau, Daniel Bonhommeau, Jean-Yves Champion, Robert Barbin, Daniel Durand. Photo D.R.

les sparks Page précédente, à droite. Photo Bernard Leguay


La musique d’une génération

Chuck Berry Né en 1926 dans le Missouri, Chuck Berry a créé une trentaine de classiques, de « Roll Over Beethoven » à « Johnny B. Goode », en passant par « Maybellene » et « Sweet Little Sixteen ». « S’il fallait donner un autre nom au rock’n’roll, il faudrait l’appeler Chuck Berry », aurait dit John Lennon, résumant d’une phrase l’importance capitale du musicien, qui a défini le rock par son style, ses riffs nerveux, les thèmes de ses chansons, son jeu de scène… Photo Jean-Louis Rancurel

guitare électrique Gibson ES 150, États-Unis, 1936. L’apparition des premières guitares électriques après la première guerre mondiale marque un pas de plus vers ce qui deviendra le rock’n’roll. Amplifiées, elles permettent aux musiciens de jazz et de blues de se faire entendre dans le brouhaha des clubs et des bars. Coll. musée des musiques populaires de Montluçon

les Shadows Formés en 1959, les Shadows ont suscité de nombreuses vocations de guitaristes. Hank Marvin (à droite sur la photo) possède l’une des premières Fender Stratocaster importées au Royaume-Uni, guitare au son brillant qui a fortement contribué au succès du groupe. L’usage des amplificateurs Vox et des chambres d’écho ont également permis aux Shadows d’obtenir un son unique qu’essayèrent de copier de nombreux musiciens.

musiciens n’hésitent pas à se laisser envahir par la force de leurs riffs , par l’allégresse de leurs accords, et à se contorsionner sur scène, leur extase contaminant alors très vite le public, auquel les jeunes Blancs viennent progressivement se mêler. Alan Freed, animateur de radio blanc, contribue au début des années 50 à populariser le rhythm’n’blues sous les noms de big beat music ou de rock’n’roll, débarrassant le terme de sa connotation raciale. Les musiciens blancs, s’emparant du rhythm’n’blues et lui ajoutant leurs influences hillbilly et country-blues, vont peu à peu imposer la dénomination rock’n’roll pour désigner une musique adoptée par des Blancs, mais clairement inspirée de celle des Noirs. C’est dorénavant sous ce terme que seront regroupés à la fois le rhythm’n’blues des artistes noirs comme Bo Diddley, Chuck Berry, Little Richard ou Fats Domino, et le rockabilly des musiciens blancs, parmi lesquels Elvis Presley, Bill Haley, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran ou Gene Vincent.

Vouloir réduire la naissance du rock’n’roll à une date précise – l’enregistrement de « Rocket 88 » en 1951 par Ike Turner et le saxophoniste Jackie Brenston, ou celui de « That’s All Right (Mama )» par Elvis Presley en 1954 – est une entreprise vaine. Les années 50 ne font que s’emparer d’un phénomène qui couve déjà depuis longtemps. Elles lui trouvent un nom, le rock’n’roll, et un public idéal : la jeunesse américaine. L’apparition d’Elvis Presley achève de donner au rock l’image qui ne le quittera plus : celle de la musique d’une génération. Plus qu’un chanteur, Elvis devient un symbole, ses attitudes provocantes sur scène déchaînent les passions et les réactions outrées d’une société conservatrice. Son style vestimentaire extravagant invite les adolescents à inventer leurs propres codes, à s’émanciper des valeurs familiales. Ce nouveau genre musical, électrique et sauvage, après avoir envahi les États-Unis, va conquérir le monde. Dès 1958, en Grande-Bretagne, Elvis s’appelle Cliff Richard. Harry Webb, qui a choisi ce pseudonyme en hommage à Little Richard, sera présenté quelques années durant comme le digne successeur du King au pays d’Elizabeth II, grâce à son premier 45 tours, « Move It », et à son jeu de hanches provocant. Il est accompagné par les Shadows qui, sous leur seul nom, signeront avec l’instrumental « Apache » un tube qui les fera connaître à travers l’Europe. Et plus encore que les pionniers américains, ce sont les groupes britanniques, et en particulier les Shadows, que citent comme principales sources d’inspiration les premiers rockers français. En France, le rock’n’roll fait d’abord son apparition sous forme de parodie. En 1956, de retour des États-Unis, le compositeur Michel Legrand propose à Boris Vian d’écrire des morceaux rock fantaisistes. Henri Salvador prête ainsi sa voix, sous le nom d’Henry Cording, à « Rock and roll mops », « Dis-moi qu’tu m’aimes rock », « Rock hoquet » et « Va t’faire cuire un œuf man », titres réunis sur le premier 45 tours de rock’n’roll produit par des musiciens français . Boris Vian et Henri Salvador, passionnés de jazz, n’ont aucune considération pour le rock, qu’ils voient comme une mode passagère et ridicule venue d’Amérique. 5. Un riff désigne, dans le jazz et dans le rock, une courte phrase musicale jouée plusieurs fois de suite. . Dictionnaire du rock, op. cit., article « Boris Vian ».

Coll. Marc Sabatier

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La JOHNNY HALLYDAY ET SA GUITARE OHIO La guitare électrique est un objet de désir pour les adolescents des années 60. Devant les premières photos de Johnny Hallyday armé de sa guitare Ohio, fabriquée à Paris dans les ateliers Jacobacci, ceux qui rêvaient encore d’une guitare demi-caisse comme celle d’Elvis Presley, ne jurent bientôt plus que par la guitare « plate » (solidbody) aux formes modernes et sensuelles.

Courrier de la Mayenne 05/01/63

Photo Jean-Louis Rancurel

Publicité Stemm Son producteur, Barclay, ayant passé un accord avec les chaussettes Stemm, le groupe d’Eddy Mitchell prend le nom des Chaussettes noires en 1961.

l’Âge du La france à àl’âge france twist du twist Il faut attendre 1961 et l’avènement du twist, pour que cette musique devienne, en France, un phénomène de société dont l’ampleur se rapproche de ce qu’ont connu les États-Unis quelques années auparavant. La reprise que fait Chubby Checker au cours de l’été 1960 d’un morceau d’Hank Ballard, « The Twist », popularise celui-ci à travers le monde. En France, tous les adolescents s’y mettent, à tel point que ce terme est apposé sur tous les disques, qu’il s’agisse véritablement de twist ou pas, de même qu’il accompagne des produits de consommation courante. Le twist se danse seul, chacun se tortillant sur place au rythme de la musique. Certains, comme l’écrivain Jean-René Huguenin (24 ans en 1960), voient dans cette danse solitaire le symbole d’un nouveau « monde d’impuissants », une extase masturbatoire et dérisoire : « Ce qu’il y a d’original dans le twist, ou dans son jeune rival le madison, ce n’est pas tant la laideur des mouvements que la solitude des danseurs. On ne se touche pas ; on ne se regarde pas : on n’est deux que par habitude. Chacun garde les yeux rivés sur les convulsions de ses propres hanches et ne relève qu’avec effort, lorsque la musique s’arrête, un regard fanatique et brouillé. Certains paraissent même avoir retrouvé le secret des danses primitives et, grâce à la subtile cadence de leurs déhanchements, parvenir au plaisir suprême . » Celui qui incarne pour la jeunesse française l’équivalent d’Elvis Presley est Johnny Hallyday, qui n’a même pas dixsept ans lorsqu’il sort son premier disque, « Oh Oh Ouest-France 19/10/61 Baby », en mars 1960. Un mois plus tard, les Français le découvrent sur le petit écran dans l’émission « L’École des vedettes ». Sa jeunesse et son énergie emportent l’adhésion des foules, et son 45 tours se vend à plus de 100 000 exemplaires. Très vite, ce gamin se produit en province, où son déhanché épileptique, ses costumes et sa guitare Ohio font fureur. Les jeunes sont conquis et cherchent à l’imiter, les vieux sont révoltés par cette danse de barbares : Johnny Hallyday, au même titre qu’Elvis, devient le révélateur du conflit des générations qui couve sous les années 60. C’est aussi durant cette période qu’apparaissent en France les premiers groupes de rock. Les journalistes . Jean-René Huguenin, « Ce monde d’impuissants », in Une autre jeunesse, Seuil, 1965, p. 13.

Le rock des pionniers

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parlent encore d’« orchestres », et les mots « rock’n’roll » et « twist » sont employés indifféremment pour qualifier cette nouvelle musique qui enflamme la jeunesse. Claude Moine, alias Eddy Mitchell, est un habitué du Golf Drouot, cette fameuse salle de concert parisienne animée par Henri Leproux, véritable berceau du rock à la française. Après avoir joué dans des orchestres de bal, il forme les Chaussettes noires. Leurs rivaux directs, les Chats sauvages, emmenés par le Niçois Dick Rivers (de son vrai nom Hervé Fornéri), jouent un rock élégant dans la lignée de Cliff Richard et des Shadows . Dans leur sillage, on assiste à un véritable déferlement de groupes : les Champions, Dany Logan et les Pirates, les Fantômes, les Vautours, les Lionceaux, les Pingouins, Danny Boy et les Pénitents… Des pseudonymes à consonance anglo-saxonne, des noms évocateurs, des instruments brandis comme des trophées, des musiques énergiques et des refrains qui ne s’oublient pas : le phénomène est en marche, et si le rock évoluera avec le temps, la recette reste la même aujourd’hui.

Le temps des yé-yé En 1960, la génération du baby boom a grandi. La proportion de jeunes n’a jamais été aussi importante dans la population française. Ceux-ci ont évolué dans une société en pleine croissance économique, et voient . Dictionnaire du rock, op. cit., articles « Chats sauvages » et « Chaussettes noires ».


DISCO REVUE ET SALUT LES COPAINS Disco revue, fondé par Jean-Claude Berthon en 1961, est le premier magazine français entièrement consacré au rock. Daniel Filipacchi sort en 1962 le premier numéro de Salut les Copains, concurrent direct de Disco Revue. Mais si Salut les Copains parle d’Elvis et des rockers anglo-saxons, il reste surtout attaché aux idoles du twist et du yé-yé, à Sylvie Vartan, Sheila ou Richard Anthony. Coll. MuCEM

transistor Océanic, modèle Yatch,1957. En France, au début des années 60, seul un ménage sur huit possède un téléviseur. La radio est donc encore le premier vecteur d’information. Près de 11 millions de postes sont recensés.

débarquer de bruyants objets propres à exercer sur eux une puissante fascination. Ce sont les guitares électriques, mais aussi les deux roues : les rues retentissent des pétarades des Solex et des mobylettes, des « meules » qu’on chevauche pour frimer auprès des filles, avant de les garer devant le café du coin où l’on va claquer quelques ronds au flipper ou dans un juke-box… L’apparition du twist s’accompagne de médias exclusivement destinés à cette nouvelle génération. Dès 1959, l’émission radiophonique Salut les Copains est diffusée tous les soirs à 17h sur Europe n°1. Cette émission de variétés, réalisée par le critique de jazz Frank Ténot et le photographe et producteur de disques Daniel Filipacchi, acquiert très vite une large audience, au point qu’elle se verra prolongée à partir de 1962 par un magazine portant le même nom, et voué à un même succès. Plus qu’une simple émission de radio et un magazine, c’est un phénomène de société : selon l’IFOP, en 1963 un jeune français sur deux lit Salut les Copains et de nombreux adolescents se retrouvent autour du poste à transistors chaque soir après l’école, « comme les fauves autour d’un point d’eau  », guettant avec impatience l’indicatif de l’émission, l’instrumental « Last Night » interprété par les Mar-Keys.

Coll. Lucien Suhard

publicité Teppaz Avec le poste à transistors, l’électrophone est le nouvel appareil en vogue. Naguère il trônait dans le salon et était utilisé par toute la famille ; désormais il a investi la chambre des adolescents, prêts à faire tourner les 45 tours des «idoles».

À partir de mai 1961, l’émission d’Albert Raisner, Âge tendre et tête de bois, est diffusée sur la chaîne de télévision de la RTF. En septembre, le premier magazine français dédié au rock, Disco Revue, paraît avec Johnny Hallyday en couverture. Par le biais de ces émissions et de ces revues, les vedettes de la chanson accèdent très vite au rang de stars, au même titre que les acteurs de cinéma. Les photos découpées dans Salut les Copains viennent tapisser les chambres des adolescents, à côté de celles de Cinémonde. Stars mais aussi « copains », les artistes ne sont guère plus âgés que leurs fans, ce qui accentue encore le lien qui les unit. L’anglophilie des musiciens de cette époque et leur goût pour les exclamations, « yeh ! yeh ! », directement inspirées par Elvis Presley ou Cliff Richard, leur valent d’être étiquetés « chanteurs yé-yé » . Jean-Paul Bourre, Quand j’étais blouson noir, Scali, 2007, p. 26.

par les professionnels et la presse musicale. Une dénomination que l’émission Salut les Copains imposera. Le mot « yé-yé » apparaît pour la première fois sous la plume du sociologue Edgar Morin, qui analyse le phénomène dans deux articles réunis sous le titre « Salut les Copains » dans les colonnes du Monde, au lendemain de la « nuit de la Nation » qui a réuni plus de 150 000 jeunes venus voir les Chaussettes Noires, Richard Anthony, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan... Cet événement marque, selon le sociologue, la formation d’une « nouvelle classe d’âge », l’adolescence, qui s’affiche comme une « promotion de la juvénilité » face au monde « déjà passablement infantilisé » des adultes. Promotion orchestrée par la communication de masse, presse, radio, télévision et cinéma, fournissant mythes et héros à la jeunesse10. L’emploi du terme yé-yé coïncide avec un affadissement du rock : cette musique brute, spontanée, liée à une libération des corps, va laisser place à un mouvement moins chahuteur, dont les figures emblématiques proposeront une image plus acceptable de la jeunesse, une version bon enfant : les nouvelles idoles des jeunes s’appelleront alors Frank Alamo, Sheila, Claude François, France Gall…

lla a maye nne mayenne àà l’heure dela lareconstruction l’heure de reconstruction Au début des années 60, alors que dans le sillage de Johnny Hallyday, des Chaussettes noires ou des Chats sauvages, des milliers de groupes se forment partout en France, Laval est elle aussi secouée par la  vague  du twist et du yé-yé. Situé à quelques trois cents kilomètres de Paris, au nord-ouest des Pays de la Loire, le département de la Mayenne forme pour le voyageur venant de la capitale une sorte de virgule entre la Normandie et la Bretagne. Une virgule aux reliefs apaisants, faibles collines bocagères et délicieux pâturages, qu’on traverse sans s’y attarder, des envies de baignade et de sable fin dans la tête. 10. Edgar Morin, « Salut les Copains », Le Monde, 6 et 7 juillet 1963.

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La seconde guerre mondiale a laissé des traces dans ce département : si la Mayenne n’a pas subi le sort de la Normandie, les bombardements alliés de l’été 1944 ont causé de nombreux dégâts11. La reconstruction est lente. Il faudra attendre dix-sept ans pour que la gare de Mayenne, sous-préfecture du département, soit remise en état, comme celles de Fougères ou de Domfront. En 1967, à Laval, on trouve encore des baraquements qui ont servi à reloger les victimes des bombardements. Département essentiellement rural, la Mayenne demeure pauvre à l’aube des « Trente Glorieuses ». Le rationnement est maintenu pour certaines denrées jusqu’au début des années 50. La Mayenne est classée parmi les huit départements français les moins industrialisés, elle détient le record des salaires les plus bas, et plus d’un tiers de ses élèves n’accède pas à l’enseignement secondaire. En 1954, le quart des habitations ne possède pas l’eau courante, et les trois quarts n’ont pas l’électricité. Le secteur agricole emploie encore plus de 60 % des actifs dans les années 50, mais l’exode rural s’accélère – exode en direction des villes, mais aussi déplacement d’agriculteurs mayennais qui ne peuvent s’installer sur place et gagnent les régions du quart sud-ouest. Les industries traditionnelles, ardoisières de Renazé, forges ou encore fours à chaux, sont en perdition. La politique d’expansion décentralisée qui vise à rééquilibrer le territoire français au lendemain de la seconde guerre mondiale, va amener la Mayenne sur le chemin de l’industrialisation. Sous le mandat du gaulliste Francis Le Basser, de grandes usines s’ouvrent à Laval : Le Matériel téléphonique (LMT), Gévelot (produits chimiques, chaudronnerie, tôlerie), Chesterfield ou Belleteste (usines de textile). L’usine Salmson est inaugurée en 1962, et l’usine Thompson l’année suivante. D’autres s’implantent ailleurs dans le département, à Château-Gontier (SAMTI, matériel de camping), à Évron (fromagerie Bel). Alors que l’exode rural s’accélère et que les secteurs secondaire et tertiaire se développent, Laval est en pleine expansion : ouverture de centres commerciaux, création de la « cité technique » qui héber11. Pour plus de renseignements sur la reconstruction de la Mayenne après la guerre, consulter Les Trente Glorieuses en Mayenne, Dossiers d’Histoire de la Mayenne, n° 24, Archives départementales de la Mayenne, 2005, ainsi que Les Années 60 en Mayenne, hors-série Ouest-France, et que l’ouvrage collectif Mayenne, Christine Bonneton éditeur, 2007. Le rock des pionniers

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gera un millier d’élèves dans trois établissements à partir de 1962, développement de nombreux quartiers tels que la zone des Touches, les Fourches ou le Pavement qui mêlent HLM et habitat pavillonnaire. Ces projets s’accompagnent de la création d’équipements sociaux et culturels : le centre hospitalier, le parc des sports, les piscines du Viaduc et de Saint-Nicolas, la bibliothèque municipale…

Nouvelle vague et anciens remous Les traditions restent très présentes en Mayenne, et la religion tient encore une place importante. Les baptêmes, les communions et les mariages rythment le quotidien des communes et des cantons, et les fêtes religieuses donnent lieu à d’importantes manifestations publiques où se mêlent jeux et activités de plein air, sous les cuivres de la musique municipale. Le culte marial, les pèlerinages et les fêtes du saint patron déplacent encore les foules, qu’il s’agisse des feux de la Saint-Jean, des fêtes foraines de la Saint-Fiacre ou des concerts organisés à l’occasion de la Sainte-Cécile. Les loisirs des jeunes sont alors très encadrés, souvent par l’entremise de la paroisse, du patronage ou par les associations du type JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) et JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), mais le désintérêt croissant des jeunes pour la religion inquiète certains prêtres. Ironiquement, on peut se demander si ce n’est pas cette habitude des fêtes religieuses qui écarte les purs jeunes gens du droit chemin. On s’y cherche, on s’y rencontre, on y flirte… OF 29/01/60

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LAVAL EN 1960 à gauche. Vue aérienne. Coll. Archives communales de Laval

Laval en expansion Les années 60 sont marquées par l’apparition des premiers grands ensembles d’habitations. Construits en bordure de la ville, ces HLM vont se multiplier pendant plus d’une décennie, donnant naissance aux quartiers du Pavement, des Pommeraies, de Saint-Nicolas, des Fourches ou d’Hilard.

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Bientôt, aux concours de pêche, aux championnats de « boules », et autres ball-trap, on préfère le bal populaire qui accompagne les foires et les marchés, où l’on peut se retrouver entre jeunes, à l’abri des regards des parents, pour draguer les minettes ou boire de l’alcool. Dès 1955, le curé du Bourgneuf-la-Forêt souligne dans un bulletin paroissial le danger des bals pour les âmes juvéniles : « Voyez mon embarras : je rencontre un curé de campagne, jeune et intelligent, qui aime la jeunesse, se tue à lui faire du bien, et qui voit plus loin que le bout de son nez : – Vous devriez faire un article sur les bals de campagne, supplie-t-il, pour attirer l’attention des familles saines, sur le danger de ce fléau, qui fait, dans mes paroisses, tant de mal aux jeunes ! (…) Lorsqu’un jeune a pris l’habitude du bal, on le voit déserter les cercles d’études et les réunions sérieuses, refuser de se dévouer pour son groupement ou ses camarades, ne plus se confesser, ne plus communier. S’il va encore à la messe, c’est surtout par pression familiale ou sociale, pour faire plaisir à sa mère, ou parce que “ça fait bien”, mais, manifestement, il ne s’y intéresse plus. Quand un des jeunes, dont j’avais la charge, manifestait un ou plusieurs de ces symptômes, alors, je faisais ma petite enquête, discrète, bien sûr, mais suffisamment approfondie pour déceler la cause du mal. Eh bien, neuf fois sur dix, j’aboutissais au… parquet ciré ! Vous me comprenez : mon gars fréquentait les bals !12 »

« Crétins » contre « croulants » En Mayenne comme ailleurs, le rock’n’roll débarque d’abord à travers les ondes. On écoute Salut les Copains tous les soirs en rentrant de l’école, dans l’attente du passage des vedettes de la « nouvelle vague » au théâtre municipal de Laval. Beaucoup de jeunes qui n’avaient jusque-là jamais pris le moindre cours de musique vont aussitôt rêver d’imiter les vedettes entendues à la radio. À côté des musiques traditionnelles rurales qui s’éteignent peu à peu et des harmonies municipales, une nouvelle musique populaire apparaît, qui s’adresse directement et presque exclusivement à la jeunesse. Elle semble accessible même au novice, et beaucoup apprendront à reproduire à l’oreille les « hits » du moment. D’autres ont pris très jeunes des cours de solfège, ont joué plusieurs années au sein de la clique municipale, et ont négocié d’une manière tout aussi naturelle le « virage électrique ». Si le goût de la jeunesse pour les objets bruyants et les tortillements de hanches amuse certains adultes plus qu’il ne les effraie, l’incompréhension qui oppose les deux générations est bien réelle. La France, sous l’égide de De Gaulle, est une société corsetée, marquée par l’ordre et le respect des traditions. Entre les « croulants », nés dans les années 20 et qui ont connu la guerre, et leurs 12. Chez nous, bulletin paroissial du Bourgneuf-la-Forêt, août-septembre 1955, in Les Trente Glorieuses en Mayenne, op. cit., p. 154.

enfants qui préfèrent twister plutôt que de partir pour l’Algérie, le conflit est latent. Mai 68 se profile déjà… L’enthousiasme juvénile pour une « mode » en apparence aussi peu sérieuse que le rock, ne peut que creuser ce fossé entre jeunes et adultes. Comment comprendre l’hystérie qui s’empare des adolescents dès qu’apparaît Johnny Hallyday ? Lors de sa venue au Théâtre municipal de Laval en 62, une foule de gamins se presse devant l’Hôtel de Paris après son spectacle, le pompier de service allant jusqu’à brandir sa lance d’incendie pour disperser la foule... alors que l’idole, réfugiée dans un bar de Saint-Berthevin à quelques kilomètres de Laval, attend tranquillement que le calme revienne. À chaque apparition d’une vedette du twist, le panier à salade de la police n’est pas loin, qu’il s’agisse de Danny Boy… ou du minet Monty, venu inaugurer le magasin de vêtements Teen Club. Ce jour-là, plusieurs vitres volent en éclats pendant la ruée d’un millier de jeunes impatients d’obtenir une dédicace ! La presse se fait le témoin de cette incompréhension, en Mayenne comme ailleurs. Ainsi l’hebdomadaire Le Courrier de la Mayenne, par la voix d’un de ses chroniqueurs, Modeste Bidouane, publie en octobre 1961 un article sobrement intitulé « Chantons le crétin ». Sous un chapeau plus explicite encore : « La nouvelle vague face aux croulants », il dénigre violemment l’engouement des adolescents pour les vedettes de la chanson, de Jacques Brel à Johnny Hallyday,

bidouane contre le twist à la fin de l’année 1961, le Courrier de la Mayenne entame un débat mouvementé entre les « croulants » représentés par le journaliste Modeste Bidouane, et les « crétins » de la nouvelle vague.

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ou pour les rythmes du jazz et du rock’n’roll. « Qu’est-ce qu’il a dans le ventre, votre Johnny Halliday ? Rien, qu’un peu de rythme qu’il a su exploiter des pauvres gogos que vous êtes, et que vous resterez toujours. Le rythme, je l’ai vu chez les nègres, au fond de la brousse. Si c’est pour vous faire revenir à l’état sauvage, toutes ces parodies de tam-tam, point n’était besoin de deux mille ans de civilisation. » L’article est une réponse à un tract déposé par des jeunes à la rédaction de l’hebdomadaire, et accusant les adultes de les avoir abandonnés. Les arguments du journaliste, âgé de 43 ans, trahissent le gouffre qui sépare les deux générations. « Apprenez déjà à entrer dans la vie avant de juger et de condamner, apprenez à dépouiller les morts sur un champ de bataille, à faire les toilettes de 3.000 cadavres tués par les bombardements libérateurs, à écrire aux familles les mots qu’il faut, à éduquer les indigènes, à passer des journées entières en pirogue sur le Chari, avec un enfant malade et une femme en couches parce que le bateau a brûlé, à faire des routes à la frontière du Soudan et au Congo, et après vous viendrez discuter avec moi. Ce que vous avez besoin (sic), jeunes corniauds de Laval, qui mettez des tracts dans les boîtes aux lettres contre vos parents, c’est d’un bon coup de pied au cul et d’un peu de tendresse. On ne vous a donné ni l’un, ni l’autre. »

Une jeunesse qui inquiète la jeunesse inquiète la presse La société s’interroge et s’inquiète pour l’avenir de la jeunesse. Et les journaux se font largement l’écho de ce malaise.

« Crétins » contre « croulants », les heurts n’ont pas fini d’animer les médias et les repas dominicaux. La nouvelle classe adolescente fait sourire les anciens avec ses enthousiasmes exagérés et ses révoltes candides, mais elle les inquiète aussi lorsqu’elle se répand en meutes pour vandaliser voitures, magasins ou salles de spectacle. Derrière la violence des propos de Bidouane franchement réactionnaires , son ton paternaliste et donneur de leçon, on perçoit une invitation au dialogue, qui sera entendue. Les échanges, d’abord hou-

leux, s’apaisent quelque peu. Le 5 novembre, sous le titre « Bravo les jeunes », le ton a changé : « Bravo à ceux qui crient sous les fenêtres du journal à l’entr’acte du cinéma “Maine”. Cela prouve qu’ils ont de la voix. Mais bravo surtout à ceux qui sont venus me trouver loyalement, sportivement et qui m’ont demandé d’organiser un débat sur les problèmes de la jeunesse, sur son avenir et ses perspectives. » La société prend conscience peu à peu de l’arrivée de cette « nouvelle classe adolescente », pour reprendre les propos du sociologue Edgar Morin, et des problèmes qu’elle soulève. La jeunesse est certes une aubaine pour cette période d’expansion : consommateurs enthousiastes, les jeunes se précipitent dans les salles de cinéma et se ruent sur les nouveaux outils à la mode, électrophones, transistors, disques, mobylettes… Mais les « blousons noirs » font peur. Les jeunes voyous qui font parler d’eux dans la presse révèlent un malaise profond. Sont-ils coupables ou victimes ? «  Les blousons noirs, c’est le drame de l’échec, peut-on lire dans un numéro de Ouest-France daté de février 61. La situation des jeunes, c’est une situation de détresse. Les chances de réussir, de se faire reconnaître une réelle valeur, d’être estimé et finalement aimé, elles n’existent pas. Alors on forcera le sort. La provocation des bandes d’adolescents c’est avant tout une mise en demeure : vous nous méprisez, eh bien, nous sommes pourtant là, dangereux donc remarquables. Sous la menace et le cynisme, il y a une exigence pathétique : est-ce que je compte, oui ou non ?» S’il y a bien un conflit des générations, il ne s’exprime pas nécessairement dans la violence et les larmes. La majorité des musiciens qui formeront les premiers groupes lavallois bénéficieront de l’indulgence de leurs parents. « Le rock, c’était pas les blousons noirs, se souvient Robert Barbin, guitariste et chanteur des Volcans. On aurait pu y être assimilé, même si ça ne nous touchait pas, quand on apprenait aux infos que l’Olympia avait été cassé après un spectacle. Pour les parents, c’était une musique de fous, mais on avait un écho sympathique dans les journaux et la flatterie a fait disparaître tout le reste. »


Le LReallye Renaise, RallyeRenaise du rock erceau du bberceau rockllavaavlalloilsois

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Les Dragons au rallye renaise De gauche à droite : les frères Mandegou, Jean-Yves Champion, Robert Barbin, Daniel Durand. Sur cette photo, les frères Mandegou ont remplacé exceptionnellement les frères Bonhommeau à la batterie et à la guitare. Photo D.R.

Au pied de la cathédrale Notre-Dame de la Trinité qui surplombe Laval, une rue étroite paraît se jeter dans le vide sur la gauche, dégringolant de quelques centaines de mètres pour atterrir sur le Carrefour aux Toiles, à proximité de l’hôtel de ville. Ce n’est pas dans un tel décor qu’on s’attendrait à voir rugir les amplis, et pourtant… Rue Renaise, au numéro 42, le foyer du Rallye Renaise va être le berceau de nombreuses vocations musicales. L’objectif premier de ces foyers de jeunes, salles de patronage qui fleurissent peu à peu dans différents quartiers de la ville, tels que le foyer de l’Alma ou celui du quartier SaintMartin, est d’offrir aux « jeunes » un lieu où ils peuvent se retrouver pour discuter, jouer au baby-foot et s’exercer à différentes activités. Ils sont généralement placés sous l’égide du clergé, représenté pour le Rallye Renaise par l’abbé Thiélin, et permettent aux adolescents de se retrouver entre eux tout en restant dans une structure qui les tient à l’abri des « mauvaises influences ». « Tous les jeunes gens, affirme un article de la presse locale, apprentis et travailleurs qui ne savent comment passer leurs soirées, ni comment se délasser d’une journée de travail, pourront s’y donner rendez-vous et y retrouver, dans une ambiance de jeunes, leurs camarades et d’autres garçons de leur âge avec qui il leur sera aisé de sympathiser. Des jeux et des livres seront également mis à leur disposition afin de leur permettre de passer d’excellentes soirées de détente saines et variées13. » C’est en 1960 que le foyer des jeunes de la cathédrale, qui existe déjà depuis dix ans, prend ce nom de Rallye Renaise. « Pour rester jeune et dynamique, une œuvre doit savoir se renouveler : qu’elle soit patronage, foyer ou rallye, elle évoque un mouvement de jeunes en marche vers l’avenir14. » Les adjectifs « jeune » et « dynamique », indissociables, vont très vite devenir le leitmotiv de la presse de l’époque. Il faut se préoccuper de « cette jeunesse qui inquiète », lui offrir un lieu d’accueil, la responsabiliser et l’occuper « sainement ».

rock’n’roll. Chez les curés donc, et chez… les rouges ! Le Parti Communiste comme l’Église catholique suivent de près les destinées de la jeunesse française. Et avec le Rallye Renaise, qui dépend directement d’une institution religieuse, Laval ne fait pas exception. Au Rallye Renaise traîne une poignée de lycéens qui forment, en 1961, le groupe des Dragons : les « pionniers » du rock lavallois. JeanYves Champion – surnommé « Elvis » parce qu’il en est fan − est au chant, Robert Barbin à la guitare solo, Daniel Bonhommeau à la guitare rythmique et son frère Christian à la batterie. Derrière la troisième guitare se tient Daniel Durand, qu’on surnomme « Capone  ». Les membres des Dragons ont alors entre quinze et seize ans. Tous sont loin d’être des musiciens confirmés, mais Robert Barbin s’est découvert une passion pour la musique dès son plus jeune âge. «  L’envie pour la musique, ça se résume très vite : j’avais un cousin qui, à Forcé, jouait du banjo. Il faisait danser les Parisiens, moi j’avais quatre, cinq ans. Je regardais ce cousin qui était beau garçon, qui avait beaucoup de charisme et de succès auprès des filles. Je ne sais pas de quel côté se place l’intérêt, mais toujours est-il que je suis tombé dedans. J’ai donc eu dans mon sapin de Noël un banjo mandoline. Je devais avoir six ans. Au bout de trois jours, je jouais des mélodies. Mes doigts saignaient. Mais j’en ai tiré des sons très vite, de cet instrument, à tel point qu’on a décidé autour de moi de m’encadrer d’une façon plus sérieuse et de me donner des cours de violon. » Issu d’une famille aisée, Robert Barbin suit les cours de Mlle Sibéril, rue du Jeu-de-Paume à Laval, tout en continuant à s’exercer au chant et au banjo. Élève doué, il est remarqué très tôt, et gagnera quelques années plus tard un premier prix au concours de violon LéopoldBellan, à Paris.

Le twist des Dragons À Annecy15 comme à Bordeaux, Limoges ou Tulle, ce sont dans les salles paroissiales, les patronages ou les foyers catholiques que répètent et se produisent les premiers groupes de 13. Ouest-France, 27 octobre 1958. 14. Id., 8 novembre 1960. 15. Voir les travaux de Marc Touché, et notamment Mémoire vive, Association Musiques Amplifiées aux Marquisats d’Annecy, 1998.

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ans l’ombre de ses turbulentes voisines Rennes ou Angers, Laval a une histoire avec le rock qui dure depuis plus de 50 ans. Des pionniers du twist aux métalleux des années 2000, du Rallye Renaise au bar des Artistes, Rockin’Laval raconte cette saga électrique. Ce livre, qui s’appuie sur deux ans d’enquête et 120 témoignages, dit ce que l’histoire du rock avec un grand H oublie parfois de raconter : les guitares qu’on bricole soi-même au début des sixties, les bals où l’on écoute du Hendrix, les virées en camionnette à travers la France… Replaçant cette épopée dans la « grande » histoire du rock et dans son contexte social et culturel, ce livre s’adresse aux passionnés comme aux néophytes. Dessinant en creux le portait inédit d’une ville plus rock qu’il n’y paraît, il offre une belle occasion de revivre, vue de l’intérieur, « l’une des plus belles aventures collectives de ces cinquante dernières années. »

Livre+cd : 16 € ISSN 1968-2360


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