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TÉMOIGNAGES L’ENVOL DES PRIX DES BILLETS LES CLOUE AU SOL POUR LES FÊTES

2.300, 3.300, 5.000 EUROS … QU’ON SOIT SEUL OÙ EN FAMILLE, PRENDRE L’AVION DEPUIS MAYOTTE REPRÉSENTE UN COÛT IMPORTANT, D’AUTANT PLUS AU MOMENT DES FÊTES. CETTE RÉALITÉ ÉCONOMIQUE EN A CONDUIT PLUS D’UN À RENONCER À RENTRER AUPRÈS DE LEURS PROCHES EN CETTE PÉRIODE DE FIN D’ANNÉE. PLUSIEURS HABITANTS DE L’ÎLE, SOUVENT ORIGINAIRES DE L’HEXAGONE, NOUS RACONTENT.

« En huit ans de vie à Mayotte, je ne suis rentré en métropole qu’une seule fois » . Les prix des billets d’avion au départ de l’île au parfum à l’approche des fêtes contraignent un grand nombre d’habitants à rester loin de leurs proches pendant ces jours traditionnellement tournés vers la famille. La plupart des métropolitains venus s’installer à Mayotte, mais également des Réunionnais et des Mahorais, ont des proches qui ne vivent pas sur l’île. Cette année, Christophe n’a même pas pris la peine de regarder les sites des compagnies aériennes. « Rester à Mayotte pour les fêtes est devenu évident » , explique le policier.

En 2022, l’inflation a provoqué une hausse de 27,1% des prix des billets d’avion depuis les Outre-Mer, prix qui ne sont pas descendus depuis. Résignés, ils sont nombreux à choisir, malgré eux, de rester loin de leurs proches pour les fêtes. « Nous sommes une famille de quatre, nous n’en avons jamais pour moins de 5.000 euros. Plus les enfants grandissent, moins nous rentrons » , constate Maryline. « Souvent je voyage pendant les fêtes mais pas cette année à cause des prix exorbitants appliqués par Air Austral. Je ne trouve pas non plus des billets avec d’autres compagnies comme Ewa Air » , regrette Omar. « J’ai décidé de ne pas rentrer à cause du prix des billets. Sérieusement, 3.300 euros juste pour l’aller pour un couple et un bébé » , déplore Cyril*, qui souhaitait passer les fêtes avec sa famille à La Réunion.

« CELA ME PÈSE

PSYCHOLOGIQUEMENT »

De son côté, Nicolas voulait rentrer à Nice pour Noël, mais son salaire de contractuel ne lui permet pas de dépenser 2.300 euros dans les billets aller-retour qu’il a trouvé. « Je vais devoir faire Noël et mon anniversaire, qui tombe sur la même période, tout seul. J’avoue que cela me pèse psychologiquement » , confie celui qui ajoute que la crise de l’eau et les épisodes récents de violence n’aident pas à se réjouir de célébrer les fêtes de fin d’année sans ses proches.

Le seul séjour de Christophe dans l’hexagone depuis qu’il est venu s’installer à Mayotte a été conditionné par les prix des billets. Il devait initialement partir en mai dernier pendant un mois. Mais pour des raisons professionnelles, il doit décaler son séjour en septembre. Un ticket allerretour à 800 euros auquel il faut ajouter 250 euros de frais de modification. « Mais j’ai dû partir pour deux semaines au lieu d’un mois, car si je voulais partir le 1er septembre, j’en aurais eu pour 1.600 euros en tout » , regrette-t-il. Si ce dernier assume son choix d’être venu s’installer à Mayotte, il reconnaît que cette situation l’a quelque peu coupé de sa famille et de ses amis proches.

Des Strat Gies Diff Rentes

Certains choisissent de rentrer coûte que coûte, même s’ils en payent le prix fort. Coralie, enseignante, doit rejoindre La Réunion bientôt pour faire le baptême de son fils en famille. Elle et son foyer, qui doivent partir à quatre, ont adopté la stratégie d’attendre de voir si des vols seront ajoutés et le prix des billets réduits. « D’habitude on paye entre 400 euros et 500 euros par personne au moment des fêtes, pour lesquelles nous rentrons à chaque fois. Mais là, les prix sont plus proches des 1.000 euros » , décrit-elle. L’arrêt des liaisons low cost par la compagnie Ewa Air entre Mayotte et La Réunion pourrait expliquer que la famille n’a pas réussi à trouver des billets aux prix auxquels elle était habituée.

Hannah, fondatrice d’une start-up, n’est pas partie l’année dernière, alors cette fois-ci, elle compte bien rentrer. En passant par Kenya Airways, elle a pu trouver des billets à « seulement » 1.050 euros. Si elle les a pris tardivement, c’est parce qu’elle attendait les bons de continuité territoriale octroyés par LADOM (L’Agence De l’Outre-mer pour la Mobilité). Un dispositif destiné aux résidents de Mayotte sous conditions de ressources et qui vise à préserver les liens familiaux en prenant en charge une partie du montant des billets d’avion (voir encadré). Mais d’après celle qui guette depuis six mois les prix des billets pour elle et les quatre membres de son foyer, les prendre plus en avance n’aurait diminué le prix que de 100 euros. « C’est indécent, alors que pour rentrer en métropole depuis La Réunion c’est moins cher car il y a plus de compagnies » , constate Hannah. Pour payer moins cher, cette dernière reconnaît avoir choisi les dates de son séjour en fonction des prix. Et tant pis pour le respect des dates des vacances scolaires.

*La personne a souhaité que son prénom soit modifié.

Un Coup De Pouce De 535 Euros

Les frères Novou ont encore besoin de De noL’Agence De l’Outre-mer pour la Mobilité (LADOM), octroie des bons de continuité pour les personnes résidant à Mayotte dont le coefficient familial du foyer de rattachement est inférieur ou égal à 11.991 euros. “Si tel est le cas, chaque personne du foyer peut bénéficier d’un bon de voyage d’une valeur de 535 euros à faire valoir sur un aller-retour”, précise Laura Bourgninaud, directrice de cabinet et de la communication à LADOM. Ce bon ne peut être obtenu que tous les trois ans révolus. À Mayotte, de janvier à octobre 2023, 3.334 Mahorais ont pu bénéficier de cette aide. Un chiffre plus important que l’année dernière. Sur la même période, en 2022, 2.641 personnes ont obtenu un bon de continuité.

ET POUR CEUX QUI NE PEUVENT PAS REVENIR À MAYOTTE ?S

Les frères Novou ont encore besoin de De nombreux étudiants mahorais sont contraints de rester en métropole pour les fêtes chaque année en raison du prix des billets. C’est pour apporter un peu de réconfort à ces derniers que l’association BaniiMouv, qui accompagne les jeunes Mahorais, a souhaité lancer une cagnotte sur le site HelloAsso. “Cela va nous permettre de préparer des colis alimentaires, d’organiser une fête avec eux durant laquelle on pourra échanger et jouer à des jeux de société par exemple”, indique le président de l’association, Abi Ben Issimailla. Chaque année, ce sont une centaine d’étudiants Mahorais dans la région Auvergne-RhôneAlpes qui se retrouvent pour passer les fêtes avec l’association. Cette année, cette dernière prévoit environ 200 participants. Bien que LADOM ait annoncé la prise en charge d’un billet aller-retour pour les néo-bacheliers et étudiants mahorais il y a quelques semaines, à partir des fêtes de fin d’année 2023, beaucoup n’en bénéficient pas ces vacances. “Cela fonctionne sur la base d’un remboursement. Or, une grande partie des étudiants ne peuvent pas avancer ces frais”, constate Abi Ben Issimailla.

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